Des étoiles… pourquoi faire ? - Association Romande des Hôteliers

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Des étoiles… pourquoi faire ? - Association Romande des Hôteliers
mars 2011 – No 65
INFOTELLERIE
Des étoiles…
pourquoi faire ?
Depuis quelques années,
une autre association
patronale, dont l’hôtellerie n’est pas la spécialité première,
se bat pour avoir le droit de décerner
des étoiles à ses membres hôteliers. Elle
vient de l’obtenir dans un procès relatif
à la propriété intellectuelle. Sans entrer
dans cette polémique qui relève d’une
politique d’entreprise et d’une guerre
économique, c’est pour moi l’occasion
de faire le point sur la classification des
hôtels en Suisse.
La classification des hôtels par hotelleriesuisse a plus de 30 ans d’existence.
Révisée et améliorée tous les cinq
ans, elle est un savant dosage d’équipements de confort et de services
offerts au client. Elle a servi de base à
une classification adoptée par 10 pays
européens à la fin de l’année dernière.
Les normes de classement des hôtels
sont donc harmonisées sur un marché
de près de 200 millions de consommateurs. A ce socle commun, la classification de hotelleriesuisse rajoute
quelques spécificités helvétiques telles
que des exigences plus élevées sur la
sécurité, la catégorie « swisslodge »
pour des établissements particuliers
(petits hôtels, cabanes de montagne,
back packers, etc.), les spécialisations et
le développement durable. Trois organismes, indépendants de la direction
de hotelleriesuisse, gèrent ce système
auquel Suisse Tourisme et les associations de consommateurs participent :
une commission se charge d’élaborer
les normes, une autre, composée d’une
quarantaine d’hôteliers formés spécialement, effectue les visites des hôtels
pour les classer et la troisième traite les
éventuels recours contre les décisions
de la précédente. Tout système est perfectible, mais plus de trente ans d’expérience et le fait qu’elle ait largement
inspiré l’harmonisation européenne
assurent une certaine crédibilité à la
classification de hotelleriesuisse.
Le but de la classification est d’informer le client sur ce qu’il est en droit
d’attendre dans un hôtel. C’est lui, le
client, l’hôte, qui doit être au centre des
préoccupations des hôteliers, de leurs
associations patronales et de toute la
branche touristique. Les étoiles ne sont
pas là pour flatter l’ego de l’hôtelier. Il
vaut mieux être le meilleur des 3 étoiles
de sa ville, avec, peut-être, la mention
« superior » en plus, que d’être au bas
de l’échelle des 4 étoiles. Pour l’hôtelier, les étoiles sont un élément de positionnement sur le marché et il a tout
intérêt, à long terme, à ce que son éta-
blissement tienne toutes les promesses
de sa catégorie.
Alors que l’harmonisation est en route
au niveau européen, il est consternant
qu’un deuxième système de classification soit créé dans un aussi petit pays
que la Suisse. Si le bien de l’ensemble
de la branche touristique, de l’hôtellerie et surtout du client était au centre
de ses préoccupations, l’autre association aurait accepté de collaborer avec
hotelleriesuisse à une classification
commune, comme cela lui avait été
offert en 2005. Au lieu de cela, nous
aurons une salade d’étoiles recouvrant
des réalités différentes dans les établissements. Le client sera parfois déçu,
l’hôtellerie suisse perdra en crédibilité
et l’ensemble du tourisme suisse souffrira de ces normes différentes sous le
même symbole.
Hotelleriesuisse est certainement prête
à œuvrer pour le bien de l’ensemble de
la branche, du tourisme et en faveur
du client. Peut-on espérer que l’autre
association abandonne sa politique de
« défense de la boutique » pour se rallier à une vision d’avenir plus large et
à une collaboration bénéfique à toute
l’hôtellerie ?
Philippe Thuner,
Président d’Hôtellerie romande
Gilles Perrin
Stefano Brunetti Imfeld
Pages 14-15
Marc Caira
Pages 4-5
Pages 8-9
L’invité
Pierre-Frédéric Guex, président de Vaud-Cliniques
« Il y a 50 ans, les cliniques
vaudoises étaient soumises
à la patente d’hôtel »
L’Association vaudoise des cliniques privées
est une fringante quinquagénaire. Fondée
le 20 octobre 1961, l’association rebaptisée
Vaud-Cliniques réunissait au départ 13 établissements. Un demi-siècle plus tard, elle
en compte à peu près le même nombre
(11) à Lausanne, Montreux et la région de
Nyon. Les onze établissements privés vaudois emploient plus de 2100 collaborateurs
et recourent à environ 1000 médecins travaillant la plupart en indépendants. Lausanne
regroupe quatre cliniques de soins aigus
(Bois-Cerf, Cecil, Montchoisi et La Source),
la région de Montreux en recense quatre (La
Prairie, Biotonus Bon Port, Valmont et CIC
Riviera) et celle de Nyon trois (Genolier, La
Lignière et la Métairie). A elles seules, elles
réalisent un chiffre de 370 millions de francs
(2009) pour une masse salariale de 220 millions.
A l’origine des cliniques vaudoises, on
trouve l’initiative privée d’un médecin ou
d’un organisme privé, sans intervention de
l’Etat : Placide Nicod à Bois-Cerf, le Dr Piguet
à Yverdon ou le professeur Niehans à
Montreux. Quand le premier président
Philippe Heimann a voulu réunir les cliniques
du canton pour créer une organisation autonome, elles étaient membres d’une section de la Société des hôteliers et soumises
comme telles à une patente d’hôtelier !
Venant de Leysin pour prendre la direction
de la Clinique des Charmettes à Lausanne
dont il était le propriétaire, Philippe Heimann
a mis fin à cette anomalie. Une clinique est
un établissement hospitalier, avec quelques
étoiles certes, mais pas un hôtel. Les temps
changent. En 1961, une tâche prépondérante de l’association était l’organisation de
joutes sportives.
En 50 ans, la donne qui a le plus changé
concerne les charges administratives. Elles se
sont nettement alourdies notamment pour
les assurances et l’Etat, les accréditations
ISO, les statistiques et la codification. Et ce
n’est pas fini : en 2012, les cliniques non-listées ne seront pas reconnues par l’assurance
de base, tant qu’elles n’auront pas signé
d’accords avec les caisses-maladie. Pour les
cliniques qui ont vécu jusqu’à présent sans
aide de l’Etat, la loi va changer. L’Etat devra
verser sa part de financement pour tous les
hôpitaux et cliniques qui figureront sur la
liste LAMal. Il pourrait lui en coûter jusqu’à
60 millions, si toutes les cliniques étaient
retenues. Ce transfert de charges, voulu
par le législateur, pénalise les finances cantonales mais n’apporte pas un sou de plus
aux cliniques. Les cliniques ne sont pas plus
chères que les établissements publics. Les
tarifs « privés » sont pratiquement identiques
entre cliniques et hôpitaux, mais eux bénéficient de subventions et de garanties de la
dette. Les salaires y sont aussi 8% plus élevés, ce qui fausse la concurrence. Jusqu’à ce
jour, ces inégalités condamnent les cliniques
à avoir des coûts de fonctionnement plus
bas si elles veulent assurer leur pérennité.
Pour que les patients qui pourront se faire
soigner en cliniques privées avec l’assurance
de base continuent à payer l’assurance complémentaire, il leur appartiendra de faire la
différence, comme la classe « affaires » des
compagnies aériennes. Les soins seront les
mêmes, comme pour un avion qui offre la
même sécurité et le même horaire à tous,
mais la prise en charge et le confort seront
meilleurs. Cela a un prix.
Les établissements privés seront payés
pour une opération déterminée selon un
forfait uniforme en Suisse (les DRG) : par
exemple, 15 000 francs pour une prothèse
de la hanche. La qualité, elle, pourra être
contrôlée. La concurrence sera ouverte entre
les établissements. S’il y a des suppléments
dus à une prise en charge privée, elle sera
Impressum
Infôtellerie Suisse romande : Magazine trimestriel d’informations touristiques et économiques de
l’Association Romande des Hôteliers.
Editeur : Association Romande des Hôteliers, chemin de Boston 25, 1004 Lausanne,
tél. : +41 21 617 72 56, fax : +41 21 617 72 27, e-mail : [email protected].
Site internet: www.hotellerieromande.ch
Impression: PCL Presses Centrales SA, Renens
Rédacteur responsable : Olivier Grivat.
Ont collaboré à ce numéro : Philippe Thuner et Olivier Grivat.
Adresse de la rédaction : Olivier Grivat, journaliste RP, chemin de Leisis 5a, 1009 Pully,
tél. +41 79 412 22 72, e-mail : [email protected].
2
payée par l’assurance complémentaire. Que
certaines cliniques soient d’accord de figurer
sur la liste LAMal n’est pas la vraie question.
Nous sommes face à une situation où l’on ne
connaît pas la route à emprunter : il est difficile de savoir si on aura besoin d’un 4x4 ou
d’une Fiat 500. Les cliniques ne demandent
pas de traitement de faveur. Elles veulent
que l’on tienne compte de leurs caractéristiques et de leur offre en participant à la
planification. Les dispositions cantonales
doivent être les moins contraignantes possibles pour l’ensemble des établissements
sanitaires. Il faut à tout prix éviter un nivellement par le bas.
Pierre-Frédéric Guex
Président de Vaud-Cliniques
Sommaire
3Actualité
4-5
Le Bocuse d’Or à Lyon
6-7
L’Hôtel de l’Aigle à Couvet (NE)
8-9
Le train du Cervin
10
Le futur casino de Neuchâtel
11-12
Nouveaux membres
13
Les sites de notations d’hôtels
14-15
L’Hôtel de la Paix a cent ans
16
En bref – Agenda
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
Actuel
L’hôtellerie sous la pression
de l’euro
Le tiers des étrangers qui visite
la Suisse paie ses factures en
euros. Les conséquences se font
sentir, surtout en station. Pour
calmer la fièvre, Berne décide
d’allouer 24 millions à la promotion du tourisme pour 2011
et 2012.
Les chiffres sont là : le secteur touristique est
le plus touché par la cherté de la monnaie
suisse, beaucoup plus que le secteur des
machines ou celui des pharmas. Au point
que le directeur de Suisse Tourisme, Jürg
Schmid, tire la sonnette d’alarme. La situation paraît surtout préoccupante au Tessin,
très sensible au climat économique de l’Italie.
Hausse des prix : + 23% en deux ans
La Suisse est victime d’un double phénomène : d’une part, le tiers des étrangers qui
séjournent en Suisse paient leur séjour en
euro, d’autre part la force du franc incite toujours plus de Suisses à passer leurs vacances
hors du pays. Selon le patron de SuisseTourisme, les prix en Suisse ont augmenté de
23% ces deux dernières années et la situation est devenue critique. Le tourisme de loisirs – plus frappé que le tourisme d’affaires,
comme le confirme Stefano Brunetti Imfeld,
de l’Hôtel de la Paix à Lausanne (voir pages
14-15), représente 70% du chiffre d’affaires
global. En 2011, la baisse de ce secteur
devrait osciller entre 3 et 5%. Pour l’emploi
de la branche, le baromètre n’est pas au
beau fixe : avec 175 000 emplois (245 000
si l’on tient compte des effets indirects), il
représente 5% du PIB helvétique.
Quant au tourisme d’affaires, le franc fort
n’arrange pas les affaires des hôteliers
genevois ou zurichois : selon l’étude réalisée chaque année par le spécialiste britannique HRG, Genève s’est hissée en 2010 au
3e rang des villes les plus chères du monde
derrière Moscou et New York (Genève était
7e en 2009). Zurich se hisse à la 5e place
(12e en 2009). Le prix moyen d’une chambre
à Genève est monté à CHF 317.– contre
CHF 403.– à Moscou, où les nuitées en monnaie nationale ont pourtant baissé de 12%.
Les baisses les plus fortes ont été enregistrées à Abu Dhabi (–25%), Dublin (–11%) et
Athènes (–9%).
Pour Berne : une aide provisoire ?
Pour compenser le franc fort, le Conseil fédéral a décidé de mettre 24 millions (+14%)
supplémentaires à disposition de la promo-
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
tion du secteur touristique. Mais ce ne pourrait être qu’une victoire
d’étape : dans le cadre de
son programme d’économies, le gouvernement a
précédemment annoncé
vouloir amputer le budget
de Suisse Tourisme de 5
millions par an pour 2012
à 2015. Si la Fédération
suisse du tourisme (FST)
a salué la décision, son
directeur Mario Lütolf
juge néanmoins « incohérent »
d’augmenter
les budgets de promotion touristique pour
les réduire un an après :
« Cela rendra difficile la
poursuite des investissements dans les marchés
Malgré la hausse du franc, vous reprendrez bien un verre de
émergents. A cause de
(Cer)vin ?
l’inflation dans ces pays à
nier, la hausse a été de 50%, alors que les
haut potentiel, la Suisse doit y augmenter ses
nuitées des Allemands ont diminué de 3%.
efforts de promotion et non les diminuer. »
Mais ce qui distingue la Chine est l’exploDe son côté, Suisse Tourisme pense utiliser
sion de la classe moyenne : elle devrait tripler
ces liquidités sur deux fronts : en Suisse où
d’ici 2025 pour atteindre les 500 millions.
les hôtes indigènes représentent 43% des
Suisse Tourisme pourrait également utiliser
nuitées et dans les pays où le potentiel de
cet argent pour promouvoir la Suisse en Inde
croissance est élevé, comme en Chine. Bien
(+22% l’an dernier), dans le Golfe (+11,9%),
que les Chinois ne représentent que 2,4%
en Russie (+2,3%) et en Espagne (+1,1%).
des nuitées des touristes étrangers, leur
O.G. nombre augmente rapidement. L’an der-
Des
étoiles...
… et des
casseroles
à Charles-André Ramseier
au TTW
Natif d’Yverdon ayant installé son nid familial
à Château-d’Œx, cet authentique Vaudois a
pris une retraite anticipée bien méritée, à
62 ans, après 40 ans passés dans la branche
touristique, dont 15 à la tête de l’Office du
tourisme vaudois (OTV), à Lausanne (voir son
successeur en page 16). Toujours élégant et
distingué, toujours courtois et disponible, ce
grand sportif a bien mérité du Pays de Vaud,
dont il a vanté les mérites et les beautés dans
le monde entier. Château-d’Œx lui doit aussi
une fière chandelle, de même que l’aérostier Bertrand Piccard : c’est en grande partie
à son dynamisme que la station des Alpes
vaudoises doit son titre mondial de « capitale
du ballon. » (OG).
Le Salon des professionnels du voyage (Travel
Trade Workshop) va quitter Montreux et son
Centre de Congrès, où il réunissait les représentants des agences de voyage, des offices
du tourisme et des compagnies aériennes
depuis 35 ans. Cela faisait longtemps que
Zurich convoitait la « foire du voyage ». Elle a
fini par l’emporter partiellement : le TTW va
être scindé en deux rendez-vous : à Genève
en septembre et à Zurich en octobre :
« Montreux n’est pas en cause, relativise
Harry John, le directeur du tourisme de la
Riviera. Dans un secteur subissant de plein
fouet les effets de la concurrence d’internet,
les tour-opérateurs alémaniques et genevois dominent. » Reste que le TTW aurait pu
annoncer son départ en novembre, à l’issue
de la dernière manifestation. (OG)
3
Salon de la gastronomie
Le Sirha n’est pas un vin…
… mais c’est le sigle (à une
lettre inversée près) du grand
rendez-vous mondial de la restauration et de l’hôtellerie qui
a lieu tous les deux ans à Lyon.
C’est là que se déroule aussi la
finale du Bocuse d’Or, remportée par un Danois devant deux
autres Scandinaves.
Près de 2200 exposants, 22 pavillons
internationaux et 10 000 chefs venus de
136 pays en 2009, le Sirha est la référence
en la matière. Plus de 140 000 visiteurs s’y
bousculent dans les allées de ce « laboratoire
des tendances où s’invente la restauration
de demain », comme le promet sa directrice
Marie-Odile Fondeur. Le salon pratique une
politique de prix d’entrée propre à décourager les badauds : 75 euros par personne.
Place aux « pros » !
Démonstrations, animations, concours,
tables rondes, espaces de recherche,
d’échanges d’idées et de savoir-vivre, les
organisateurs du Salon international de la
restauration, de l’hôtellerie et de l’alimentation ne sont pas à court d’idées pour
conserver le leadership dans leur domaine :
« Présenter une offre de qualité ne suffit
plus, le consommateur veut manger séduisant, équilibré ou surprenant, plaident les
organisateurs du Sirha. Selon l’humeur ou
le moment de la journée, il veut pouvoir
emporter, “snacker”, préparer lui-même, ou
prendre son temps pour déguster ».
De ce fait, les professionnels de la restauration, qu’elle soit collective, gastronomique,
rapide ou hôtelière doivent anticiper pour
répondre aux attentes en constant mouvement du consommateur.
Deux Prix Innovation 2011 à Nestlé
Professional
Présence « suisse » très active au Sirha de
Lyon, Nestlé et sa filiale Nestlé Professional
ont tenu table ouverte pour faire la démonstration des nouveaux produits CHEF en collaboration avec un maître-queue de St-JustSt-Rambert, près de St-Etienne : Christophe
Roure (40 ans et 2 macarons au Michelin) est
le propriétaire du restaurant « Le Neuvième
Art ». Au Sirha, il a fait une démonstration
de son savoir-faire en utilisant des jus, fonds,
fumets et bouillons produits sous forme de
flocons par Nestlé. Au choix : agneau, bœuf,
canard, porc ou poulet Christophe Roure
tire son inspiration des produits typiques de
sa région, comme la bière ambrée de Saint
Rambert et la pomme du pilat, mais cela ne
l’empêche pas de recourir au fumet de poisson CHEF pour réaliser un saumon d’Ecosse
4
mariné enveloppé d’une écume à la bergamote : « Il faut savoir extrapoler à partir de
ces ingrédients et jouer avec les saveurs »,
commente le chef à chaud.
Née en 2009 d’une réorganisation stratégique de la multinationale veveysane, la
division Nestlé Professional a généré 6,2 milliards de francs de revenu cette annéelà, deux fois plus que le très médiatique
Nespresso (2,8 milliards) : « Nous étions déjà
le principal fournisseur mondial des professionnels de l’alimentation en commercialisant des produits comme Maggi ou Nescafé,
dont les emballages ont été adaptés aux
besoins des grossistes, de la restauration
collective ou des restaurants indépendants »,
explique son directeur général, l’Italo-Canadien Marc Caira, présent au Syrha pour recevoir le Prix Innovation 2011. Sa division a
reçu un deuxième Prix Innovation pour son
programme de boissons haut de gamme,
Viaggi, qui permettent à un restaurateur de
proposer une quinzaine de cafés ou de boissons chocolatées avec les ingrédients Nestlé :
café, lait condensé ou chocolat Cailler livrés
en bac. Louées au restaurateur par Nestlé
Professional à un prix qui comprend aussi la
maintenance et les réglages, ces machines
fabriquées en Italie par la marque Cimbali
ont été testées avec succès sur le marché
français en 2010, avant d’être introduites ce
printemps sur les marchés suisse, italien et
britannique.
Le secteur des aliments et boissons hors
foyer est l’objet d’un énorme potentiel de
croissance à long terme, estime Marc Caira
qui table sur une progression de 3 à 5%
sur les marchés développés et de 10% sur
les marchés émergeants pour occuper la
moitié du marché mondial en 2019, selon
les projections de la maison mère à Vevey.
A elle seule, Nestlé Professional emploie
plus de 10 000 personnes dans 92 pays
avec 14 fabriques. Un peu partout dans le
monde, les comportements des consommateurs sont en changements constants : ils
prennent leurs repas et, de manière générale, consomment des produits alimentaires
de plus en plus souvent à l’extérieur de
leur domicile. De manière générale, les
marchés chinois, indiens et indonésiens
sont en pleine expansion, tout comme le
Mexique et le Brésil : « Le potentiel et la
marge de progression des activités dédiées
aux professionnels sont encore très importants, même dans les marchés matures
d’Europe et d’Amérique du Nord », a
déclaré Marc Caira à L’Agefi. Les cinq principaux acteurs de cette industrie (Nestlé,
Kraft, Heinz, Sara Lee et Unilever) n’occupent que 5% – dont 1,7% pour Nestlé
– d’un marché encore largement couvert
par de petits fournisseurs régionaux, plus
rapides et plus flexibles.
Le Bocuse d’Or 2011
aux Scandinaves
Un podium entièrement nordique avec le
Danemark, la Suède et la Norvège, c’est le
résultat plutôt surprenant pour les non-initiés du concours final du Bocuse d’Or 2011
qui s’est déroulé au Sirha, les 25 et 26 janvier dernier. Le chef danois Ramus Kofoed a
écopé de la toque suprême et d’un chèque
de 20 000 euros. Le Bocuse d’argent 2011
revient au Suédois Tommy Myllymäki, tandis que le Bocuse de bronze récompense le
Norvégien Gunnar Hvarnes.
Chef-propriétaire du « Geranium », à
Copenhague (1 étoile Michelin), le Bocuse
d’or 2011 en est à sa troisième participation. Agé de 36 ans, il avait déjà remporté
le Bocuse de bronze en 2005 et l’argent en
2007. Au fond de son box, aidé de son commis, il a préparé sa lotte aux légumes croustillants dans la plus grande concentration. A
la différence des autres concurrents, il travaille à l’écart de l’agitation ambiante « pour
mieux se concentrer et mettre toutes les
chances de son côté », explique son coach
et associé du « Geranium ». Pourquoi trois
Scandinaves sur le podium ? Il semble que
les « chefs venus du froid » se préparent plus
méthodiquement que leurs concurrents,
estiment les spécialistes.
Sorte de « jeux olympiques de la cuisine »,
le Bocuse d’Or contraignait cette année les
participants à un exercice imposé autour de
deux selles d’agneau d’Ecosse et une épaule
d’agneau de même origine, d’une lotte
entière avec sa tête, de quatre tourteaux
vivants et de vingt langoustines. Les recettes
réalisées à partir de ces ingrédients ont été
tenues secrètes jusqu’à la dernière minute
par crainte d’être copiées : « J’utilise beaucoup de produits issus de la nature comme
les herbes, les fleurs, les champignons, les
baies. J’ai passé près d’un millier d’heures à
préparer ce concours en cuisine, je n’ai pas
de coach mais j’ai travaillé avec un groupe
de grands chefs qui goûtaient mes préparations et me donnaient leur avis ».
Le lauréat 2011 a concocté un rôti d’agneau
avec du thym et des airelles séchées, une
épaule d’agneau aux petits oignons et une
gelée de jus de champignons garnie de
pommes de terre et de ris d’agneau, de
citron, de poireau et de raifort. Côté poisson, il a imaginé sa lotte avec du foin brûlé,
du thym, des légumes croustillants et des
langoustines en gelée. Les 24 concurrents de
24 pays passent 5 h 35 exactement autour
des fourneaux.
Frank Giovannini (Rochat)
à l’honneur
Le prix spécial Poisson a couronné le Suisse
Franck Giovannini. Originaire de Tramelan
(BE), il arbore le même monogramme FG
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
Salon de la gastronomie
que Frédy Girardet. Après son apprentissage à l’Auberge de la Couronne à Apples,
il s’est perfectionné à Vancouver, Boston
et New York avant de rejoindre l’Hôtel de
Ville à Crissier où il officie depuis 12 ans. En
2006, il s’était inscrit au « Cuisinier d’Or de
KADI » et avait été désigné candidat suisse
au Bocuse d’Or. Pour la finale de Lyon il a
créé ses plats selon les principes appris avec
Philippe Rochat (qui était aussi le président
de comité de sélection) : respect des produits et des techniques culinaires. C’est ce
qui l’avait mené à remporter en janvier 2007
le Bocuse de Bronze et à devenir le premier
Suisse sur le podium à Lyon.
Le prix spécial Viande est revenu au Français
Jérôme Jaegle, le chef alsacien du restaurant Têtedoie à Lyon. La remise des prix s’est
déroulée en présence de Paul Bocuse, son
président-fondateur, dans le nouveau Hall
Paul Bocuse, tout juste inauguré en présence
de très nombreux chefs étoilés venus rendre
hommage à « Monsieur Paul ». Encadré de
Le concours du Bocuse d'Or est devenu un show qui attire des milliers de spectateurs.
Le chef français Christophe Roure (2 étoiles
au Michelin) est le chef du Neuvième Art à
St-Just-St-Rambert.
Une mise en bouche très printanière de
Christophe Roure.
Une palette de
saveurs concoctée par le chef
Christophe Roure,
qui fait la promotion
des produits CHEF de
Nestlé Professional.
Saumon d'Ecosse
mariné enveloppé
d'une écume à la
bergamote avec un
coulis de crustacés
cacaoté : une autre
recette du chef
Christophe Roure
son fils Jérôme – à la tête de ses restaurants américains – et de son petit-fils, « petit
Paul », 3 ans, le maître de Collonges (85 ans)
a conservé sans discontinuer ses trois étoiles
depuis 1965. Au soir du concours, 90 grands
chefs totalisant 200 étoiles lui ont donné un
grand dîner, piloté en son honneur par une
« charmante connaissance » des Lausannois,
la cheffe Anne-Sophie Pic, du Beau-Rivage
Palace.
Olivier Grivat/Lyon
Le directeur de Nestlé Professional,
l'Italo-Canadien Marc Caira, a reçu le Prix
Innovation 2011 des mains de la directrice
du Sirha, Marie-Odile Fondeur (à gauche).
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
5
Hôtellerie neuchâteloise
L’Hôtel de l’Aigle, à Couvet, mise Copropriétaire de l’établissement du Val-de-Travers plus
que centenaire, Matthias
von Wyss mise sur le développement durable et les produits
du terroir.
des études en économie avec une spécialisation en tourisme.
Le tourisme doux, c’est précisément sous
cet angle que Matthias von Wyss veut
axer ses efforts. Il est aussi actionnaire des
mines d’asphaltes, un ancien site industriel
ouvert aux visiteurs (voir ci-contre), ainsi
que de la boutique Goût & Région située
dans la gare historique de Noiraigue, le
pittoresque village situé à l’entrée du Valde-Travers. Dégustation de chocolats artisanaux et aventure cycliste (à vélo électrique)
sont au programme, y compris l’incontournable spécialité régionale : la truffe
aromatisée à l’absinthe. A vélo, la montée
au Creux-du-Van prend 1 h 30 grâce au
moteur électrique. C’est alors un spectacle
exceptionnel qui s’ouvre sur le « Grand
Canyon suisse ».
Une majorité d’Alémaniques
Avec ses 18 chambres, l’Hôtel de l’Aigle
compte une majorité de clients alémaniques
(70%) : « Le Jura est un produit de niche,
qui se vend sous cette forme, explique le
directeur. C’est la raison pour laquelle nous
misons sur des partenaires alémaniques.
C’est un produit pointu avec un petit volume d’affaires. Pour trouver un hôtel de la
même capacité, il faut se rendre aux Rasses,
à Neuchâtel ou à La Chaux-de-Fonds.
Cela ne permet pas d’accueillir de grands
groupes. »
Situé à 25 km de Pontarlier et de la frontière
française, l’Hôtel de l’Aigle doit compter avec
la force du franc : « Nous sommes cependant
De Paris à Neuchâtel, l’itinéraire du « Guide
bleu » de 1920 mentionne « le passage par
le Col des Verrières, à 940 m, la descente
vers le riche et industriel Val-de-Travers,
arrosé par l’Areuse aux pentes douces revêtues de prés et de bois. On atteint ensuite
Boveresse, relié par diligence (en 15 minutes)
de Fleurier ». Edité à Paris par la Librairie
Hachette, l’un des premiers guides suisses
de l’époque mentionne déjà à Couvet –
« un bourg peuplé de 3380 habitants »,
la pension de l’Aigle. Près d’un siècle plus
tard, l’Hôtel de l’Aigle est toujours vaillant.
Son copropriétaire, en même temps que
80 autres personnes physiques et morales, a
sauvé l’établissement qui devait faire place
à des appartements en 1983 : « Le projet
immobilier ne s’est finalement pas fait. Tous
les étages de l’hôtel qui avait appartenu à
l’entreprise de machine à tricoter Dubied ont
été refaits », commente Matthias von Wyss,
qui dirige l’établissement, après avoir suivi
6
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
Hôtellerie neuchâteloise
sur le terroir
davantage pénalisés par rapport à l’Autriche
pour le Zurichois qui a le choix d’aller dans
la région du Bregenzerwald, à une distance
équivalente. Nous avions auparavant 10% de
différence de prix par rapport à cette région,
cela fait désormais 25%. Nous avons passablement souffert l’année passée, alors que
nous avions beaucoup profité des actions de
Suisse Tourisme en 2009. »
La région de Couvet bénéfice heureusement de l’excellente santé de l’horlogerie de
luxe, que ce soit Piaget à La Côte-aux-Fées,
Parmigiani et Chopard à Fleurier, sans parler
de quelques petites marques de très haute
gamme : « Mais ce n’est pas exactement ce
genre de clientèle que vous visons. Nous
nous positionnons dans le 3 étoiles, les produits du terroir et le développement durable,
même si nous profitons des sous-traitants
installés dans la région. »
Le restaurant niché dans une superbe brasserie traditionnelle est davantage fréquenté
à midi, surtout par les employés de l’industrie locale, qui peuvent miser sur un établissement ouvert 7 jours sur 7 toute l’année.
Le personnel est constitué de Neuchâtelois,
presque tous domiciliés dans la commune.
Adepte du développement durable, l’Hôtel
de l’Aigle a réussi à poser des panneaux
solaires sur le toit pour être totalement neutre
dans son bilan écologique au niveau de l’eau
chaude et du chauffage qui fonctionne par
ailleurs avec des pellets de bois : « Sur une
période d’amortissement de 15 ans, c’est
moins cher que le pétrole dès que celui-ci
est à plus 85 francs les 100 kg. (aujourd’hui
il atteint les 107 francs). Nous économisons
20 francs sur chaque 100 kg de pétrole. »
Matthias von Wyss est aussi responsable du
Louverain, un hôtel pour séminaires situé aux
Geneveys-sur-Coffrane, dont l’Eglise protestante neuchâteloise est l’actionnaire principal. S’y organisent des séminaires religieux
de toutes tendances, chrétienne, bouddhiste
ou musulmane : « Nous vivons dans un canton à l’économie sinistrée et nous pouvons
nous déclarer satisfaits d’avoir misé sur le
tourisme. Cela nous donne une certaine
stabilité. Pour la cuisine, nous misons sur
les produits du terroir, notamment le buffle
dont le village abrite un grand élevage. Nous
travaillons aussi l’absinthe avec une crème
brûlée et un parfait glacé arrosé de la même
eau de vie. Cette boisson longtemps interdite
a pris un essor important avec une vingtaine
de distillateurs. »
O.G.
www.gout-region.ch
L’asphalte, une mine touristique
Dans le Val-de-Travers, un filon d’asphalte a été découvert en 1712
et il a été exploité industriellement par une société anglaise (la NACO,
Neuchâtel Asphalte Company Ltd) dès 1873. Plus de 100 km de galeries ont été percées. La plupart d’entre elles sont aujourd’hui complètement inondées à l’exception d’un secteur limité, qui s’est transformé en
un petit musée souterrain de l’asphalte : « Conduite par des guides, la
visite permet d’imaginer la dure existence des mineurs, qui y ont travaillé
jusqu’en 1986. Un certain nombre de stations permet de comprendre
comment cela fonctionnait », explique Matthias von Wyss qui se trouve
aussi derrière l’ancien site industriel.
A noter une spécialité culinaire qui
trouve ses origines
vers 1935 : le jambon cuit dans l’asphalte. Au total,
neuf couches de papier sulfurisé permettent d’isoler le jambon de l’asphalte liquide,
où il sera complètement immergé. La durée de cuisson varie de 3 h 30 à 4 h 15.
L’opération est assez délicate : il faut veiller ce que le « bouillon » reste suffisamment
chaud pour ne pas durcir et emprisonner définitivement le jambon.
La visite guidée dure une heure et demie et il convient de s’équiper de bonnes chaussures et d’habits chauds, la température à l’intérieur des mines étant de 8 degrés.
Du 1er avril au 20 octobre, tous les jours à 10 h 30 et 14 h 30.
Tarifs : adulte CHF 14.– ; enfants jusqu’à 16 ans CHF 8.50.
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
7
Histoire
Un train fantôme
dans le Cervin
Il y a cent ans, les premiers
« écologistes » l’emportaient
sur un audacieux promoteur
vaudois. Ils mettaient fin à un
projet fou, celui d’un chemin
de fer accédant au sommet du
mythe suisse.
« Le Cervin dans un fauteuil », c’était le
rêve fou de deux promoteurs au début
des années 1900. Deux ingénieurs suisses
avaient concocté le projet insensé pour
l’époque, d’accéder au sommet de la pyramide de pierre dominant Zermatt à 4480 m,
confortablement assis dans un wagon de
chemin de fer. C’est le 4 décembre 1906,
que le Vaudois Henri Golliez, de Lutry, et
l’Obwaldien Xavier Imfeld, de Sarnen, déposaient une demande de concession pour un
train sur le Cervin au Département fédéral
des postes et des chemins de fer.
Comme le relate l’intéressant travail de
mémoire d’une jeune licenciée ès lettres
8
de l’Uni de Lausanne, Alice Denoréaz*, le
tracé projeté était divisé en deux sections :
la première devait être exploitée par un train
électrique à crémaillère reliant la gare de
Zermatt au Schwarzsee, à une altitude de
2580 m. De là, la ligne devait progresser par
galerie souterraine creusée à travers la face
sud de l’arrête du Hörnli, pour atteindre, à
3052 m, la cabane aujourd’hui prisée par
les alpinistes qui marchent sur les traces
d’Edward Whymper. La deuxième section
devait être franchie par un funiculaire souterrain cheminant à travers la roche jusqu’à
la gare terminus projetée sur la face nord,
à 20 m à peine du sommet. La pente maximale devait être de 95%, presqu’un ascenseur grimpant à la verticale. La durée du parcours était estimée à 1 heure et 20 minutes.
Les promoteurs avaient évalué la durée des
travaux à quatre ans. Quant aux coûts d’exploitation, ils se seraient élevés à 10 millions.
Une somme considérable.
Ce projet à vocation purement touristique
ne s’adressait qu’à une élite fortunée. Elle
devait être exploitée de juillet à fin sep-
tembre. Le billet aller-et-retour était évalué
à 50 francs, une somme à comparer au tarif
des guides de la vallée de Viège qui fixe à
100 francs l’ascension du Cervin. Henri
Gollier et Xavier Imfeld y voient l’occasion
rêvée de faire progresser le chemin de fer
touristique en bénéficiant de la réputation
croissante de Zermatt, et réciproquement.
Grâce à l’ouverture toute récente du tunnel
du Simplon, en 1906, et à la construction
du futur tunnel du Lötschberg sur la ligne
reliant Berne à Brigue, ils pensaient pouvoir
drainer des milliers de voyageurs. Le village
de Zermatt qui n’est pas encore une station
de villégiature a vu le nombre de ses touristes plus que doubler après la mise en service de la ligne Viège-Zermatt en 1891. Avec
des galeries panoramiques creusées dans la
montagne pour admirer le paysage, comme
à la Jungfrau, et un restaurant d’altitude à
plus de 4000 m, l’attraction serait garantie. Les deux ingénieurs projetaient même
l’aménagement d’une salle pressurisée pour
soulager les voyageurs souffrant du mal d’altitude !
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
Histoire
Un collaborateur de Gustave Eiffel
Malgré l’audace du projet ferroviaire, la paire
Golliez-Imfeld était loin d’être des farfelus.
Ingénieur diplômé de l’Ecole polytechnique
de Zurich, le Vaudois Henri Golliez avait
enseigné les sciences naturelles au collège
de Sainte-Croix (VD) avant d’entamer une
carrière de professeur de minéralogie à l’Uni
de Lausanne. Membre de la direction de la
compagnie du Lötschberg et administrateur
de la ligne Furka-Oberalp, il fit partie de la
commission pour la construction du train de
la Jungfrau.
De 8 ans son aîné, Xavier Imfeld avait suivi
des études d’ingénieur topographe à l’Ecole
polytechnique de Zurich. Il avait travaillé au
Bureau topographique fédéral où il révisa
les cartes du canton du Valais, avant d’être
engagé de 1890 à 1891 par Gustave Eiffel
pour créer un projet d’observatoire au
Mont-Blanc, l’éternel rival du Mont-Cervin.
Son attirance pour la montagne valaisanne n’était pas un hasard, Xavier Imfeld
avait épousé en 1880 Marie Seiler, fille
d’Alexandre Seiler, le célèbre hôtelier de
Zermatt.
Qu’est-ce qui fit alors capoter le projet ferroviaire du Cervin ? En 1898, toujours à
Zermatt, le chemin de fer du Gornergrat
(3100 m d’altitude) avait été inauguré en
grande pompe. C’était la première ligne à
crémaillère électrifiée de Suisse et elle avait
été construite avec les moyens du bord de
l’époque : de solides mulets valaisans…
Huit ans après, les mentalités semblent avoir
changé et une campagne de presse s’organise contre le projet de construction à travers
la montagne mythique. Il avait l’audace de
s’attaquer aussi au lobby des guides zermattois qui craignaient pour leur gagne-pain.
La campagne débute en 1907, un mois après
la demande de concession à Berne : « Même
invisibles, l’ascenseur et les installations du
sommet seront dans le Cervin, comme une
tare cachée dans un beau corps », écrit alors
le Fribourgeois Raymond de Girard dans La
Liberté. Ce professeur de géologie, décédé
en 1944, était membre du Club alpin et président de la Commission fribourgeoise pour
la conservation des monuments historiques.
Le professeur Ernest Bovet, professeur de
littérature à l’Uni de Zurich et président de
la Commission spéciale du Cervin créée par
le Heimatschutz, s’attaque à l’industrie touristique et aux futurs clients du chemin de
fer : « Et qui donc peuplera ce bar alpestre ?
La bande vulgaire des touristes prétentieux
et pressés, dépourvus de culture, de respect,
d’éducation même et de simplicité, les touristes bruyants du luxe à bon marché. »
« Le Cervin se défend ! »
Le Heimatschutz et le Club alpin suisse vont
lancer deux pétitions qui récoltent plus de
70 000 signatures. Une pièce de théâtre,
intitulée « Le Cervin se défend ! », est écrite
par le Fribourgeois Auguste Schorderet. Elle
met en scène un entrepreneur américain
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
et un ingénieur français qui
désirent construire un chemin
de fer au Cervin. En essayant
d’escalader le sommet, l’ingénieur fait une chute mortelle
en raison de son inexpérience
du milieu alpin. Morale de
la pièce : ne touchez pas aux
symboles suisses ! « Les montagnes sont le bien de plus
de trois millions de Suisses,
et non pas celui des seuls
touristes, écrit l’homme de
lettres Charles-Marius Gos,
également membre du Club
alpin. Le Cervin appartient
à tous les Suisses. » Dans
cette entreprise, il refuse d’y
voir un caractère d’utilité
publique : elle ne s’adresse
qu’à une clientèle de riches
oisifs. Au lieu de participer à
l’essor du tourisme, le train
du Cervin va tuer la poule aux
œufs d’or. Ceux qui entreprendront l’ascension de la
Le projet de train au sommet du Cervin aurait longé l’arête Hornli par une galerie souterraine avant de grimper presque à la verticale jusqu’à 20 m du sommet.
montagne se sentiront ridiculisés par un
chemin de fer rempli de touristes. Les promoteurs ont beau tenter de présenter leur
projet comme une « œuvre philanthropique
permettant aux personnes qui n’ont pas
les qualités physiques requises pour l’alpinisme d’accéder au sommet du Cervin et d’y
admirer le paysage », la colère gronde dans
les milieux des alpinistes et des écologistes
avant l’heure. Il est même question, en cas
de refus suisse, de demander une concession aux Italiens. Rien n’y fait. La bataille
médiatique fait rage par courrier des lecteurs interposés jusqu’en 1910 : « Un chemin
de fer est-il honorable sur une montagne ?
Ignominieux sur une autre ? Est-il honorable
à 3000 m et infâme à 4000 ? », se défend le
promoteur Henri Golliez dans La Gazette de
Lausanne.
Le Conseil fédéral ne publiera pas de messages dans la Feuille fédérale pour donner
son avis sur la question et les deux concessionnaires décéderont sans voir aboutir leur
rêve : Xavier Imfeld en 1909 et Henri Golliez
en 1913. La disparition des deux ingénieurs
sonnera définitivement le glas de ce trainfantôme. C’était il y a un siècle.
Olivier Grivat
* « Les oppositions au projet d’un chemin de fer touristique entre Zermatt et le sommet du Cervin », Faculté des
Lettres de l’Uni de Lausanne, Alice Denoréaz
9
Neuchâtel
Le groupe Barrière convoîte
le futur casino de Neuchâtel
Déjà présent à Montreux,
Fribourg et Courrendlin (JU),
le géant français des maisons
de jeux, dévoile ses cartes pour
une ouverture à
avril
2012.
Neuchâtel en
Gilles Meillet, directeur général
Ville et canton réunis, Neuchâtel s’apprête à
traverser une situation de crise économique
et fiscale inquiétante. Cela n’empêche pas
les projets prometteurs. Si le Conseil fédéral tranche en sa faveur en juin prochain,
le groupe Lucien Barrière pourra ouvrir son
Casino de la Rotonde au bord du lac de
Neuchâtel, le 1er avril 2012. Gilles Meillet, le
directeur général des opérations à l’international a dévoilé les plans du futur « Casino
Barrière de Neuchâtel ».
Dans un bâtiment loué à la Ville, le groupe
créé il y a 99 ans par Lucien Barrière rêve
d’installer 110 machines à sous, 6 tables de
jeux, une brasserie de 110 couverts ouverte
sept jours sur sept et deux bars pour y
accueillir quelque 150 700 visiteurs par an :
« Ce sont 70 emplois qui seraient ainsi créés
dès l’ouverture, la majorité provenant de la
région afin de favoriser le tissu économique
local », explique Gilles Meillet.
Quatre concurrents en lice
L’enjeu n’est pas mince en cette période de
vaches maigres : un casino B, comme celui
que la Commission fédérale des maisons
de jeux a décidé d’octroyer à Neuchâtel,
pourrait rapporter près de 10 millions de
francs par an en impôts et 52 millions en
prélèvements directs pour un investissement de départ de l’ordre de 18,5 millions.
La part de 60% attribuée à l’AVS, comme
le veut la répartition des retombées des
casinos B entre Berne et les cantons, serait
proche de 78 millions. En outre, il est
prévu de verser à une fondation culturelle
créée par la ville une somme de 250 000 à
800 000 francs par an en fonction des résultats réalisés.
Outre le groupe barrière, trois autres concurrents sont en lice pour l’obtention du futur
Casino de Neuchâtel, deux dans le bâtiment
de la Rotonde et deux autres dans deux
autres établissements hôteliers.
A la même date du printemps 2012, il est
prévu d’ouvrir un nouveau casino – du type A
– en ville de Zurich, où cinq concurrents sont
sur les rangs. Cela portera à 21 le nombre
des maisons de jeux autorisées jusqu’en 2023
depuis la votation fédérale qui a libéralisé
les jeux d’argent en 1993. Deux casinos ont
fermé leurs portes depuis lors, faute de rentabilité, à Zermatt (VS) et à Arosa (GR). Exploité
également par le groupe Barrière, le Casino de
Montreux est le No 2 en Suisse derrière Baden
(AG) avec un chiffre d’affaires de 108 millions
(en 2010) contre 24,8 millions escomptés à
Neuchâtel, la première année d’exploitation.
O. G.
Un hôtel « révolutionnaire »
au Locle
La « Fleur-de-Lys », d’où était
parti le cortège révolutionnaire du 1er mars 1848,
devrait renaître. Une coopérative doit se constituer pour lui
rendre son âme d’autrefois.
La « Fleur-de-Lys » est un grand bâtiment
historique de 35 m situé à la Grand-Rue de
la localité neuchâteloise. Elle contient une
cave voûtée qui doit dater du XVIIe siècle,
10
assure « L’Impartial » qui annonce une réouverture probable en 2012.
Racheté en 2010 par François Knellwolf et
William Darbellay, le vénérable bâtiment
vide devrait rouvrir ses portes. Une coopérative regroupant des entreprises, des privés
et des institutions publiques est en voie de
constitution. Un premier effort financier a
permis de racheter le bâtiment en le sauvant in extremis de la pioche des démolisseurs : « Le permis avait déjà été demandé »,
explique l’un des copropriétaires. Reste à
monter un concept hôtelier original. Pour
ce faire, un questionnaire a été envoyé à
350 destinataires pour cibler les désirs de la
clientèle.
Un premier projet prévoit d’y installer
18 chambres spacieuses (d’une surface de
30 à 40 m2) sur les trois étages du bâtiment,
avec des salles de conférence sous les toits.
Au rez-de-chaussée, un bar, des ateliers et
des surfaces commerciales pourraient être
aménagées. Le premier coup de pioche
devrait être donné cette année encore.
Devis estimé de l’opération : près de 6,9 millions de francs.
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
Association
Les nouveaux membres de l'ARH
Pour le 3e trimestre 2010 et le début de l'année 2011, l'Association romande des hôteliers (ARH)
a enregistré une dizaine de nouveaux membres vaudois, fribourgeois, neuchâtelois et jurassiens.
Parmi lesquels...
Le Château de Salavaux, dans
le Vully vaudois, est un ancien
domaine agricole datant de
1391 et que le couple Martin
Zbinden et Doris Loretan ont
fait renaître. Le complexe
romantique et unique en son
genre comporte un immeuble
d’origine bâti en pierre et une
tour de château.
Adresse : route de Villars 12,
1585 Salavaux,
tél. 026 677 89 20,
[email protected] – www.schloss-salavaux.com
L’Hôtel de Ville de L’Abbaye
se situe au bord du lac de
Joux, tout près des téléskis. Il
propose des chambres confortables avec vue sur le lac, pour
une partie d’entre elles. Le restaurant offre en été une belle
terrasse avec vue.
Route de l’Hôtel-de-Ville 14,
1344 L’Abbaye (VD),
tél. 021 841 1393
[email protected]
www.hotelabbaye.ch
L’Hôtel de La Lande, au Brassus (3 étoiles),
est un bâtiment du XXe siècle entièrement
rénové, qui propose 26 chambres et suites,
deux salles de séminaire, un restaurant
italien ainsi qu’un bar ouvert tous les jours
de la semaine.
Place de La Lande, 1348 Le Brassus,
tél. 021 845 44 41
[email protected]
[email protected]
L'Auberge du Lion-d'Or, à Tannay (VD) en Terre Sainte, accueille ses clients dans une
ambiance intime et chaleureuse. Le restaurant offre tout le confort d'un établissement du
terroir avec une carte qui s'accorde aux exigences saisonnières.
Route du Village 2, 1295 Tannay – Tél. 022 776 04 23
www.aubergeduliondor.ch – [email protected]
Nouveau directeur au Mirador Kempinski
Depuis le début de l’année, le Mirador
de la chaîne Kempinski, au Mont-Pèlerin
(VD) a un tout nouveau directeur général.
Originaire de la Broye fribourgeoise, JeanMarc Michel (48 ans) a suivi les cours de
l’Ecole hôtelière de Lausanne, avant de se
perfectionner à l’Université Cornell, dans
l’Etat de New York. Précédemment, il a
œuvré aux Seychelles comme directeur
général du Constance Ephelia Resort, et
auparavant comme directeur au SaintGéran, à l’île Maurice. Ce Franco-Suisse
possède par ailleurs une expérience de
direction de 6 ans pour le groupe OrientExpress au Reid’s Palace, à Madère. Le nouveau directeur, qui succède à Paolo Sanavia,
connaît bien l’établissement des hauts de Vevey : il y a travaillé comme directeur adjoint
de 1995 à 1998. Un retour aux sources…
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
11
Association
Le Starling Hotel at EPFL (4 étoiles), fraîchement construit – comme son nom
l’indique – sur le campus de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, comporte
154 chambres, un restaurant avec terrasse
et des salles de séminaires et banquets.
Route Cantonale 31, 1025 Saint-Sulpice
(VD), tél. 021 694 85 85
www.starlinghotels-lausanne.com
L’hôtel-restaurant Ringmauer, à Morat, est un petit établissement de charme situé dans
une ancienne maison au cœur de la cité historique fribourgeoise. Toutes les chambres sont
décorées de peintures d’artistes suisses. Elles lui confèrent une atmosphère originale.
Deutsche Kirchgasse 2, 3280 Morat, 026 670 11 01 – [email protected]
Situé au cœur de Delémont, le National
(3 étoiles) dispose de 27 chambres
modernes, avec brasserie, terrasse, restaurants, bar, salle de banquets et sauna. Il
est situé à 5 minutes à pied de la gare et à
quelques pas du centre historique.
Route de Bâle 25, 2800 Delémont,
tél. 032 422 96 22,
www.lenational-hotel.ch
L’Hôtel Hine Adon est situé au cœur du Vieux-Fribourg dans le quartier du Bourg, à
proximité de la Cathédrale, des musées et de la zone piétonne de la rue de Lausanne.
Rénové de fond en comble, il est idéal pour de petits séminaires ou réunions. Le bâtiment a plus de 400 ans et il est composé de deux maisons qui ont été réunies entre elles,
offrant une architecture intéressante.
Rue Pierre-Aeby 1, 1700 Fribourg, tél. 026 322 37 77 – [email protected]
Le Golf Resort La Gruyère est un hôtel de luxe de
10 chambres qui jouit d’un cadre idyllique sur le golf, le lac
de Gruyère et les montagnes. A l’intérieur, luxe, calme et
authenticité avec un service hôtelier de très haute qualité.
Route du Château 1, 1649 Pont-la-Ville (FR),
tél. 026 414 94 00
[email protected] – www.golfresort-lagruyère.ch
12
L’Hôtel Cristal fait partie du Centre de loisirs des Franches Montagnes,
à Saignelégier (JU). Ouvert à fin décembre dernier, le centre comporte
un hôtel 3 étoiles avec 41 chambres, 45 lits en dortoir et 5 salles de
conférences. Il propose une palette d’activités pour toute la famille :
piscines avec un toboggan géant de 73 m de long, jacuzzis, bains à
vapeur ou saunas, patinoire couverte et fitness.
Directeur : André Willemin, adresse : chemin des Sports 10,
2350 Saignelégier, tél. +41 (0)32 951 24 74 – www.centredeloisirs.ch
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
Nouveau
« Le restaurateur
ne peut plus attendre le client
sur le pas de la porte »
Les sites de notation de
restaurants sont à internet
ce que sont les guides gas-
tronomiques au domaine du
livre, mais en plus interactifs.
Fondateur du site « I taste »,
basé à Plan-les-Ouates (GE),
Paul de La Rochefoucauld
(45 ans) dévoile les dessous
d’un phénomène.
– Que faisiez-vous avant de lancer « I
taste » (en français : je goûte) ?
– Je suis une sorte de « serial dotcomer ».
Après mes études d’ingénieur en mécanique à l’Ecole polytechnique fédérale de
Zurich, le Parisien que je suis avait fondé
une société de notations du monde industriel, un lieu d’échange pour des pièces
mécaniques ou électriques. C’était avec la
même équipe d’amis qui a fondé par la suite
Le Shop, notamment Christian Wanner et
Alain Nicod, qui sont aussi administrateurs
d’« I taste ».
– Combien d’établissements avez-vous
répertoriés depuis les débuts ?
– Sur une base de quelque 70 000 établissements en France, en Suisse et en Belgique,
ainsi qu’en Allemagne et en Italie, nous
avons à peu près 40 000 utilisateurs. Le
système fonctionne un peu sur le modèle
de Wikipedia avec les utilisateurs qui interagissent et peuvent corriger des détails
précis, dire si l’établissement est ouvert ou
fermé ou si le chef a changé. Nous avons
par ailleurs 130 000 consommateurs inscrits
sur le site, à peu près la moitié en France
et la moitié en Suisse romande. Nous nous
apprêtons à attaquer le marché alémanique
dès le mois d’avril prochain.
– D’où vous est venue l’idée de fonder
un site de notation de restaurants ?
– Au départ, j’étais frustré de voir la plupart des services sur internet pervertis par
des avis visiblement téléguidés et qui faussaient le contenu des messages. C’était en
2009. Avec l’arrivée en force des réseaux
sociaux comme Facebook ou Twitter, où ce
sont des copains qui s’échangent les bonnes
adresses sans idées ou intérêts préconçus,
j’ai eu envie de créer un site de notation où
l’on retrouve l’avis des amis ou des connaissances de source clairement identifiable.
Nous ne donnons pas la parole à des gens
qui s’expriment sous pseudonymes, mais
uniquement à ceux qui parlent sous leur
vrai nom. Cela exclut une bonne partie des
risques d’abus ou de manipulation de la part
du restaurateur concerné, voire d’un concurrent malintentionné.
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
– Quel est concrètement l’intérêt du
restaurateur et qu’est-ce que cela lui
coûte d’adhérer à « I taste » ?
– Le professionnel de la restauration peut
connaître la liste de ses habitués qui s’expriment sur le site, il peut aussi répondre aux
commentaires parus ou leur faire parvenir
directement des offres promotionnelles.
C’est un peu le « bras armé du marketing ».
– Qu’est-ce qu’il lui en coûte ?
– Il y a deux sortes d’abonnement : l’un
à CHF 1000.– par année ou un autre à
CHF 2000.– qui prend davantage en charge
le restaurateur concerné. Nous sommes
en quelque sorte dans la tour de contrôle
et pouvons donner tous les renseignements qui le concernent. Signaler les critiques ou les compliments qui paraissent
sur le site, voire répondre à sa place, mais
en donnant l’identité réelle et en évitant
l’anonymat. Le phénomène est suffisamment nouveau pour que des restaurateurs
de l’ancienne génération soient parfois
pris au dépourvu avec les réseaux sociaux,
même s’ils ont généralement des enfants
qui peuvent les conseiller ! Nous sommes
arrivés à une époque où le restaurateur
ne peut se contenter de gérer le présent
de son établissement : il doit aussi prendre
en compte le service « avant » et « aprèsvente ». Il ne peut se contenter d’attendre
le client sur le pas de la porte. Par exemple,
il arrive de plus en plus de voir afficher sur
le mur de Facebook une page de promotion
pour tel ou tel établissement ; il peut ainsi
recueillir les avis des amis et de leurs amis.
Apparaissent aussi sur les réseaux sociaux
des commentaires de personnes avisées, et
reconnues comme telles, qui donnent des
avis considérés comme pertinents par le
milieu des gastronomes.
– Quelles relations entretenez-vous
avec le monde des guides gastronomiques ?
– Nous avons un rôle complémentaire aux
Michelin, GaultMillau ou autres Coup de
fourchette. Mais ils sont de plus en plus en
perte de vitesse, notamment le Michelin qui
perd de ses lecteurs chaque année. Grâce
à internet et aux réseaux sociaux, on peut
se passer les bonnes adresses entre copains,
on n’a plus besoin de guides. C’est un
domaine en plein essor. « I taste » emploie
actuellement une douzaine de personnes,
toutes basées à Plan-les-Ouates (GE), et
nous devrions arriver cette année au point
d’équilibre financier.
Propos recueillis par O.G.
13
Histoire lausannoise
L’Hôtel de la Paix a 100 ans :
retour sur image
Hôtel d’affaires du centre-ville
lausannois, l’établissement de
la famille Imfeld a célébré un
siècle d’existence. A 41 ans,
le directeur général Stefano
Brunetti Imfeld tient les rênes
de ce « 4 étoiles supérieur » aux
côtés de sa mère Jacqueline
Imfeld.
C’était avant la Première Guerre mondiale et
le nom de La Paix paraissait un symbole prometteur avec sa colombe tenant un rameau
d’olivier. En 1910, il y a juste un siècle, l’architecte Alphonse Laverrière, à qui Lausanne
doit sa gare principale, le pont Chauderon,
« La construction avait duré deux ans et
le devis était de 1,6 million de francs, une
somme considérable pour l’époque »,
raconte Stefano Brunetti, le directeur
général. Lausanne comptait à l’époque
65 000 habitants et l’emplacement était
encore vierge de toute construction avec
une vue à couper le souffle sur le Léman.
Outre ses fameuses salles de bains, l’hôtel
comptait une salle de billard et un bowling,
jeu encore peu connu alors.
La Première Guerre mondiale portera un
sérieux coup au taux d’occupation des
hôtels, les vidant au passage d’une grande
partie de leur clientèle étrangère. Le krach
des années 30 ne va pas arranger les choses.
C’est alors que « Tante Rose » pousse la
porte de l’hôtel le 15 mars 1939 et va racheter l’établissement avec son mari en 1940 :
Propriétaires de l’hôtel, Stefano Brunetti et sa mère, Jacqueline Imfeld
le Tribunal fédéral et la tour Bel-Air, mettait la dernière main au Grand Hôtel de la
Paix. Certaines des 89 chambres proposaient
même une salle de bains privative avec eau
chaude, un luxe pour l’époque !
14
« Ma grand-tante Rose Baumgartner était
originaire de Lungern (UR) en Suisse centrale. Cette tante de ma grand-mère avait
travaillé à la réception du Lausanne Palace.
Avec son mari, elle reprendra l’hôtel, emme-
nant dans son sillage, ses neveux Jacques
et Hélène Imfeld, les parents de ma mère
Jacqueline ».
Des hôtes célèbres et un cabaret
historique
« Il faut rendre hommage au dynamisme
de ma grand-tante Rose, confie l’héritier
de ces pionniers de l’hôtellerie lausannoise.
Avec son mari, elle a entrepris de grandes
rénovations, inaugurant une brasserie et
construisant de nouvelles chambres en
1952 pour passer de 89 à 130 chambres
avec une extension à l’est du bâtiment. »
On y installe même la radio dans toutes les
chambres, une première pour l’époque. Des
architectes et des décorateurs, actifs dans
la restauration d’hôtels historiques, seront
mandatés. La Paix sera en mesure d’accueillir
200 hôtes dans un cadre prestigieux. Des
hôtes de marque y prendront chambre
ou pension, tels l’écrivain irlandais James
Joyce, l’éditeur Edmond Gilliard, l’écrivain
Denis de Rougemont, plus tard le roi d’Espagne, Sophia Loren ou Sophie Marceau,
sans oublier des chanteurs comme Léonard
Cohen et Johnny Clegg, le Zoulou blanc.
Durant la Seconde Guerre, un cabaret aménagé en sous-sol, le « Coup de Soleil » de
Jean Villard-Gilles et Edith Burger, était un
haut-lieu des nuits lausannoises jusqu’en
1947. Il a accueilli un public toujours plus
nombreux. On y croisa même Edith Piaf et
Marcel Pagnol. En 1952, Rose Baumgartner
décède, laissant ses neveux Jacques et
Hélène Imfeld à la barre. L’hôtel va continuer
à se développer pour devenir, avec l’élégante terrasse du Café de la Paix, un lieu de
rendez-vous très en vogue : « Le soir venu,
les couples viennent siroter les cocktails
du Jacky’s Bar, créé en l’honneur de mon
grand-père Jacques Imfeld ».
Depuis que la BCV s’est désengagée de l’établissement, Stefano Brunetti et sa mère possèdent 98% de l’hôtel qui fait face au siège
de Saint-François. L’hôtel compte entre 75 et
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
Histoire lausannoise
1909 : La 1re pierre.
Stefano Brunetti Imfeld en compagnie de sa
mère Jacqueline Imfeld.
Les cabarettistes Edith Burger et Jean VillardGilles feront le succès du « Coup de Soleil ».
85 employés suivant les saisons et il projette
d’ouvrir un spa sur le toit : « Il faut satisfaire
la demande de l’homme d’affaires, mais surtout de sa compagne. A l’avenir, on
compte sur un taux d’occupation
« loisirs » de l’ordre de 5%. On
réfléchit aussi à faire venir
une marque de spa encore
peu connue sur Lausanne.
Il y a aussi une clientèle
locale qui songe à se faire
du bien durant la journée
avec par exemple des soins
BCV s’est désengagée de l’établissement.
L’hôtel compte aujourd’hui 109 chambres
et réalise 30 000 nuitées avec une majorité
d’employés d’origine italienne. Le
chiffre d’affaires se situe entre 10
et 12 millions de francs. Cela
n’est pas toujours facile dans
les familles, mais je dois dire
qu’entre ma mère et moi,
l’entente est excellente.
Nous avons chacun notre
champ d’activité : ma mère
est la directrice opérationnelle et moi le directeur
général. La gestion familiale est aussi appréciée de
nos collaborateurs. Elle permet
une gestion plus rapide avec un
niveau de décision très court. Malgré
la différence de génération, nous tombons
d’accord sur les grands axes. Pour ma part,
je tiens à ce que La Paix reste une affaire qui
marche. Sinon nous aurions pu partir sous
les tropiques plutôt que de travailler 18
heures par jour. Il faut se battre pour maintenir le niveau de qualité dans une ville où
les autorités semblent très favorables à la
construction de nouveaux établissements.
Il faut voir cependant que le gâteau
n’est pas extensible à l’infini. Tout
le monde doit pouvoir survivre
dans cet environnement qui
ne cesse de croître, avec un
nouveau palace au “RoyalSavoy”, financé par des
Qatari, et un futur hôteltour à Beaulieu. Notre but
est vraiment de pérenniser
ce que nos ancêtres nous
ont légué. »
O.G.
Hélène Imfeld, la nièce de
Tante Rose Baumgartner,
et la grand-mère du directeur
actuel, Stefano Brunetti Imfeld.
pour hommes. C’est un projet pour
dans quatre ou cinq années et de l’ordre de
3 à 4 millions de francs, mais il est relativement compliqué d’obtenir les autorisations
dans un bâtiment classé. »
Une passion familiale
Pas question de vendre les « bijoux de
famille » à la concurrence qui convoite l’emplacement : « C’est une passion familiale,
une passion que l’on cherche à transmettre à la clientèle », résume ce
binational italo-suisse qui dirige
l’hôtel depuis 16 ans. Après
avoir suivi l’Ecole hôtelière
de Lausanne entre 1988
et 1992, il a pris la fonction de directeur général
de La Paix en 1994, après
un diplôme de HEC à
Lausanne et un séjour linguistique à Londres : « La
Banque cantonale vaudoise
possédait alors 38% des parts
et ma mère 58%. Depuis lors, la
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65
Le Grand Hôtel de la Paix durant
sa construction en 1910...
... et avant la construction de son aile est.
L’entrée...
.... et la salle à manger Belle-Epoque.
Tante Rose Baumgartner
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En bref – Agenda
Le livre de recettes culinaires « Bernard et
Guy Ravet », publié à la fin de l’année passée aux éditions Favre à Lausanne, a obtenu
le prix du « Best Chef Book 2010 », décerné
par le Gourmand World Cookbook Awards
– Suisse. Avec son 19/20 au GaultMillau, le
chef vaudois œuvre en cuisine à l’Hôtel-Restaurant de l’Ermitage, à Vufflens-le-Château
(VD) avec sa femme Ruth, leur fils Guy et
leurs deux filles Nathalie et Isabelle : « Le livre
est un ouvrage de recettes avec les vins qui
accompagnent chaque plat. Ce sont mes
enfants qui ont poussé à la roue. C’est une
œuvre commune, explique Bernard Ravet.
C’est une grande chance de pouvoir travailler avec ses enfants. Sur douze personnes
employées ici, cinq sont de la famille Ravet.
Tout se passe au mieux, il n’y a aucun problème entre nous. Au contraire, cela crée une
saine émulation. Il est vrai que nous partageons les mêmes idées. Nous avons le même
style de vie, que ce soit sur le plan privé ou
professionnel. On partage les mêmes goûts,
sinon cela ne pourrait pas marcher. Pour le
livre, tout le monde a donné sa contribution :
Nathalie pour les vins, Ruth pour la décoration, Isabelle pour les desserts, etc. Tout le
monde a mis sa patte ! En définitive, le livre
flatte l’ego de tous ».
EPFL : un nouveau centre de congrès
de 3000 places
D’ici à l’automne 2013, un centre de congrès, des surfaces de vente et un immeuble résidentiel pour étudiants verront le jour sur le campus de l’Ecole polytechnique fédérale. Ces
constructions marqueront une importante étape de l’achèvement du campus urbain de l’EPFL.
Le centre de congrès disposera d’une infrastructure ultramoderne, unique au niveau européen, avec 3000 places au total. L’amphithéâtre de 2200 places assises pourra être converti
en une salle au sol plat. Sur le même terrain d’environ 30 000 m2 que la Confédération cède
sous forme de droit de superficie pendant 99 ans, un immeuble résidentiel avec 172 studios
et 344 chambres pour étudiants sera érigé. Au rez-de-chaussée, celui-ci comptera 2800 m2
de surfaces de vente, qui seront louées à des commerces adaptés à l’environnement du campus. En outre, des restaurants et autres services (médecin, coiffeur ou physiothérapeute) sont
aussi prévus.
Le centre de congrès, l’immeuble résidentiel et leur esplanade ont été projetés par le bureau
lausannois Richter Dahl Rocha & Associés. Grâce aux voies piétonnes et cyclistes souterraines existantes, les nouveaux bâtiments seront reliés au reste du campus. Une voie
piétonne supplémentaire est projetée. Le centre de congrès sera situé au nord de l’arrêt
du M1 et disposera de 300 places de parc. Le
prix d’achat de
225 millions est
réparti entre deux
fonds immobiliers
du Credit Suisse.
Sur le campus,
la banque créera
d’ici à fin 2011 un
centre de développement informatique
offrant
250 emplois.
16
P.P.
Suite au départ en
préretraite, ce printemps, de CharlesAndré Ramseier après
40 ans passés dans
la branche touristique, l’OTV a choisi
son successeur en la
personne d’Andreas
Banholzer (photo).
Agé de 34 ans, ce
polyglotte
uranais
est diplômé de l’Ecole suisse de tourisme et
de la Haute Ecole de Gestion de Fribourg.
Il connaît bien l’Office du tourisme vaudois
pour avoir travaillé, en tant que chef de projet, à la mise en place du nouveau système
PartnerWebsites – le réseau des sites web
des destinations touristiques vaudoises : « Je
concentrerai mon attention sur le développement de la promotion touristique au moyen
de nouveaux outils de communication et de
distribution, sur le renforcement des synergies avec les organisations touristiques et
les prestataires régionaux et sur une meilleure fidélisation de nos visiteurs par des
moyens informatiques », annonce le nouveau directeur dans la « Newsletter » de
Région du Léman.
Dépôt en nombre
Un prix pour le livre
de Bernard Ravet
1000 Lausanne 1
Un nouveau directeur
à l’OTV
Agenda
Quelques rendez-vous importants pour le
secteur touristique
4 avril
Fête de la Rose et des Plantes parfumées à Romainmôtier (VD)
7 au 13 avril
Festival Vision du Réel à Nyon (VD)
10 avril
Slow-up du lac de Morat à Morat (FR)
Mi-avril à mi-mai
Fête de la Tulipe à Morges (VD)
13 au 18 avril
Arvinis, le Salon des Vins du Monde
à Morges (VD)
23 au 25 avril
Biennale du Musée du fer
et du chemin de fer à Vallorbe (VD)
26 au 30 avril
Montreux Choral Festival
29 au 30 avril
Rallye Jurassien à Delémont (JU)
6 au 8 mai
Jardins en Fête au Château
de Coppet (VD)
26 mai
Assemblée générale de l’ARH
au Château de Coppet (VD)
Infôtellerie – Mars 2011 – No 65

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