maïs ou sorgho - Agritrop

Transcription

maïs ou sorgho - Agritrop
Afrique de l'Ouest
et du centre :
maïs ou sorgho ?
M il et sorgho, cultures
vivrières dominantes
des zones de savane
d'A frique de l'Ouest
et du Centre,
seraient-elles peu à peu
remplacées par le maïs ?
L'implantation d'une
céréale productive
comme le maïs, souvent
développée avec succès,
dépend néanmoins
des politiques agricoles
et en particulier de
l'avenir de la production
cotonnière.
J.-L. FUSILLER
CIRAD-CA, BP 5 0 3 5 ,
Montpellier Cedex 1, France
Clichés C. Poisson et J. Chantereau
20
A griculture et développement ■
es productions céréalières (mil,
sorgho, maïs, riz), base des
régimes alimentaires des zones
de savane en Afrique de l'Ouest et
du Centre, connaissent depuis vingt
ans des évolutions bien différentes.
L
Depuis longtemps, la production de
riz a retenu l'attention des gouverne­
ments et des bailleurs de fonds. Les
investissements destinés à cette cul­
ture, centrés sur les périmètres irri­
gués, ont m o b ilis é l'essentiel de
l'appui aux productions céréalières,
sans pour autant satisfaire l'essor de
la consommation.
A u jo u r d 'h u i, le m il et le sorgho,
c u ltivé s en c o n d itio n s p luv ia le s ,
d o m in e n t to u jo u rs la p ro d u c tio n
céréalière (figures 1 , 2 ) : environ
80 % dans les pays sahéliens et 60 %
dans les pays côtiers, selon la FAO.
Mais la production de mil et sorgho
connaît une croissance modérée,
+ 3,3 % par an de 1 9 7 4 - 1 9 7 7 à
1989-1991 dans les pays sahéliens et
+ 2,1 % dans les pays côtiers, avec
des variations interannuelles très
fortes. Dans le même temps, la pro­
duction de maïs s'est distinguée par
un rythm e de croissance rapide :
+ 8,6 % par an dans les pays sahé-
n° 2 - M a i 1 994
lie n s , ce q u i c o rre s p o n d à un
« décollage » de la pro d u c tio n et
+ 4,7 % dans les pays côtiers où le
maïs est traditionnellement cultivé.
Cette dynamique forte pour le maïs
pourrait traduire une substitution
partielle au sorgho. On tentera ici
d'éclairer les conditions de cette pro­
gression en examinant l'aire géogra­
phique concernée et les facteurs en
jeu. On s'interrogera également sur
les perspectives de ces cultures dans
le contexte économique actuel.
La place des
céréales dans les
systèmes de culture
A l'échelle de l'Afrique de l'Ouest et
du Centre, la répartition des cultures
de mil, de sorgho et de maïs répond'
globalement au zonage climatique,
en liaison avec leur sensibilité à la
sécheresse particulière (figure 3). La
zone du mil correspond aux régions
recevant moins de 800 millimètres
de p lu ie par an, c e lle du sorgho
domine pour les pluviométries com-
Années
Figure 1. Production de maïs, m il et sorgho dans les pays sahéliens (FAO).
prises entre 800 et 1 000 millimètres,
enfin le maïs devient important audessus de 1 000 millimètres.
Il est cependant délicat d'étudier les
évolutions à l'échelle d'un pays ou
d'une région parce que l'approche
Années
Figure 2. Production de maïs, m il et sorgho dans les pays côtiers
(Côte-d'Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Nigéria) (FAO).
statistique des productions et de ses
composantes (surfaces, rendements)
se heurte au manque de fiabilité des
données. Le fait q u 'il s'agisse de
productions prin cip a le m e n t auto­
consommées dans les exploitations,
accroît la difficulté des estimations. Il
est en revanche plus pertinent de
com parer les situations locales, à
l'échelle du terroir villageois. Ainsi,
les assolements de onze sites ont pu
être analysés, à la suite d'enquêtes
sur le terrain : Syonfan et Karakpo au
nord de la Côte-d'Ivoire, Kourouma
et Daboura au Burkina Faso, Manga,
Waragni au centre et Poissongui au
nord du Togo, F onsé boug ou et
N ia radougou au sud du M a li, les
Terres neuves de Koum pento um Maka au Sénégal, la zone cotonnière
du sud du Tchad. Ces sites ne cou­
vrent pas toute la diversité de la zone
de savane où le maïs, adapté au cli­
mat, entre en concurrence avec le
sorgho. Mais leur dispersion géogra­
p h iq u e perm et de nu a n c e r cette
o p in io n de l'e x p a n s io n du maïs,
souvent considérée comme généra­
lisée à l'ensem ble de ces régions.
T rois d y n a m iq u e s se de s sin e n t
actuellement.
A griculture et développement ■
n° 2 - M a i 1994
21
C éréales en Afrique
Mil > sorgho
M A U R IT A N IE
M ALI
Sorgho > maïs
Maïs > sorgho
NIGER
GUINEE
SIERRA
LEONE
C O TE-D'IVO IRE
LIBERIA
GHANA
20“
Figure 3. Les zones de cultures céréalières en A friqu e de l'Ouest.
Progression du maïs,
marginalisation du mil
et du sorgho
Dans les deux terroirs du nord de la
Côte-d'Ivoire, représentatifs de situa­
tions contrastées de mécanisation et
Kourouma
de production de coton, le maïs en
culture pure est de plus en plus déve­
loppé (figure 4). Le mil et le sorgho,
déjà marginaux en 1975, ont totale­
ment disparu en 1989.
Kourouma, au Burkina Faso, est situé
dans la zone de culture traditionnel­
le du sorgho, où la substitution par le
maïs est en cours. Ce terroir présente
une particularité : la mécanisation
des exploitations est bien avancée et
la motorisation intermédiaire (trac­
teurs de faible puissance) a été intro­
duite au début des années 80. Les
exploitations équipées en matériel
de culture attelée ou motorisée privi­
légient le maïs dans leur assolement
depuis 1984.
Faible progression
1975
du maïs, prépondérance
1989
I
Maïs
Karakpo
M il et sorgho
I
m
M aïs-m il et sorgho
Autre association avec maïs
Coton
I ] Autres cultures
1975
En % de la surface cultivée du terroir
1989
Figure 4. Progression du maïs et m arginalisation du m il et du sorgho. Evolution des
systèmes de culture en zone de savane d 'A friq u e de l'O uest (% de la surface cultivée
du terroir affecté à la culture considérée).
A griculture et développement ■
n° 2 - M a i 1994
du mil et du sorgho
Les te r r o ir s du sud du M a li, du
c e n tre -o u e s t du B u rk in a Faso
( D a b o u ra ) et du c e n tre du Togo
appartiennent à l'aire de culture tra­
ditionnelle du sorgho (figure 5). Le
maïs est connu depuis longtemps,
mais il était encore marginal très
récemment. Il o c c u p a it générale­
ment les champs de case cultivés de
C éréales en Afrique
Daboura
d é v e lo p p e m e n t du c o to n n ie r, la
d iff u s io n du maïs appa ra is sa n t
seulement comme une dynamique
connexe.
Absence de progression
du maïs
I
Niaradougou
I
Les terroirs des Terres neuves du
Sénégal oriental, du nord du Togo
(Poissongui) et du sud du Tchad
re c o u v re n t des s itu a tio n s très
d is tin c te s (figure 6). Au Sénégal
oriental, il s'agit d'une zone d'im m i­
gration où les d is p o n ib ilité s fo n ­
cières restent abondantes. En 1974,
les agriculteurs-migrants, lors de leur
installation sous l'égide d'un projet,
n 'o n t pas accepté le co to n n ie r et
le maïs proposés par l'encadrement.
Le rejet de cette recom m andation
technique coton-maïs semble tenir,
en première analyse, à l'existence
d'une alternative plus rémunératrice :
la culture de l'arachide.
Maïs
M il et sorgho
m
Maïs-m il et sorgho
I
Autre association avec maïs
Coton
Autres cultures
1977
1987
En % de la surface cultivée du terroir
Figure 5. Progression lim itée du maïs et m aintien d 'u n e prépondérance du m il et du
sorgho. Evolution des systèmes de cultu re en zone de savane d 'A friq u e de l'O uest
(% de la surface cultivée du terroir affecté à la cultu re considérée).
façon c ontinue, au voisinage im ­
médiat des habitations, bénéficiant
ainsi de pratiques culturales soignées
(entretien, matière organique). La
progression actuelle du maïs corres­
pond à un déplacement de la culture
au sein des terroirs, vers les champs
plus éloignés qui sont h a b itu e lle ­
ment dévolus au mil et au sorgho.
L'exemple du terroir de Daboura au
Burkina Faso m ontre que le maïs
atteint des zones très septentrionales.
Au nord du Togo, l'introduction du
cotonnier n'a pas été un succès, pour
d'a utres raisons. Sur le te rro ir de
Poissongui, la forte pression démo­
graphique entraîne la dégradation
des sols. Pour subvenir aux besoins
alimentaires vivriers, les agriculteurs
accordent une part croissante à la
sole céréalière, mais pas au maïs :
la baisse de la fe rtilité des sols et
le fa ib le n iv e a u d 'é q u ip e m e n t
des exploitations ne permettent pas
une va lo ris a tio n de cette c u ltu re
exigeante.
Le bassin cotonnier du sud du Tchad
se caractérise par des pratiques agri­
coles très extensives. L'absence de
percée du maïs serait une consé­
quence la faible intensification des
céréales.
Il peut même être cultivé en associa­
tion avec le sorgho, et non en cultu­
re pure, c o m m e c 'e s t le cas à
Fonsébougou au sud du M a li et à
Waragni au centre du Togo.
Les qualités
respectives du maïs
et du sorgho
Le trait le plus marquant de l'évolu­
tion de ces systèmes de culture est le
Le choix des producteurs dépend de
certains éléments clés : productivité,
A griculture et développement ■
n° 2 - M a i 1994
Céréales en Afrique
Terres Neuves
Koumpentoum-Maka
la durée du cycle de la variété. En
zone soudanienne, il est admis que
600 à 900 millimètres de pluies bien
réparties sont nécessaires. D'ailleurs,
à partir du milieu des années 80, la
p luviosité plus favorable en zone
soudanienne aurait joué, selon toute
vraisem blance, un rôle im portant
dans la progression du maïs vers le
nord de la zone de savane.
Poissongui
Zone cotonnière O N D R
I
Maïs
I M il et sorgho
I M aïs-m il et sorgho
Le maïs demande un sol fertile ; la
différence de rendement, par rapport
au sorgho, s'accroît avec l'augmen­
tation de la fertilisation minérale. Il
est ainsi remarquable d'observer des
utilisations spécifiques de l'espace
a g ric o le : les m e ille u rs sols sont
affectés au maïs et les plus pauvres
au sorgho. Une certaine c o m p lé ­
mentarité interviendrait donc entre
maïs et sorgho. L'emploi de variétés
améliorées de maïs contribue encore
à renforcer la supériorité de cette
culture.
J j Autre association avec maïs
1989
¡H Coton
^
Autres cultures
En % de la surface cultivée du terroir
Figure 6. Absence de progression du maïs. Evolution des systèmes
de cultu re en zone de savane d 'A friq u e de l'O uest (% de la surface
cultivée du terroir affecté à la culture associée).
a d a p ta tio n au c lim a t et au sol,
souplesse de c a le n d rie r c u ltu ra l,
a d a p ta tio n aux e x ig e n c e s des
consommateurs, facilité de transfor­
mation post-récolte.
Les avantages du maïs :
productivité et précocité
Avec son rendement potentiel nette­
ment supérieur au sorgho, le maïs
permet une productivité du travail
plus élevée, même si sa culture exige
une charge de travail sensiblement
plus lo u rd e (le sorgho p o u v a n t
s'accommoder d'un moindre entre­
tien).
Le caractère productif du maïs ne se
manifeste toutefois pleinement qu'en
conditions d'apports d'eau et de fertiIis a tio n adaptées, plus c o n tr a i­
gnantes que p o u r le sorgho. Les
besoins en eau du maïs varient selon
A griculture et développem ent ■
n° 2 - M a i 1 9 94
Ainsi, les écarts de rendement entre
sorgho et maïs sont révélateurs des
différents systèmes d 'e x p lo ita tio n
(figure 7). Au sud du Mali, une large
majorité des exploitations est enca­
drée par la C M D T (C o m p a g n ie
malienne de développement des tex­
tiles). Le rendement de l'ensemble
mil et sorgho plafonne entre 1 et 1,2
tonne par hectare (systèmes irrigués
exceptés), alors que celui du maïs se
situe le plus fréquemment entre 1,5
et 2,5 tonnes par hectare. La culture
du mil et du sorgho ne reçoit prati­
q u e m e n t ja m a is de fu m u re . En
revanche, la proportion de la surface
de maïs suivie par les structures de
développement et bénéficiant d'une
fertilisation varie fortement selon le
pays et l'année : quasi-inexistante
dans le centre-sud du Togo, de 20 à
50 % au Sénégal et de 50 à 70 % au
Mali. Ceci explique le large éventail
des rendements obtenus en maïs, qui
s'étend de moins d'une tonne à près
de 4 tonnes par hectare.
La précocité de certaines variétés de
maïs (cycle de 90 jours) constitue un
autre avantage im po rta n t dans la
zone soudanienne à la « période de
soudure » : consommé en épi vert,
en attendant les récoltes des autres
cultures vivrières à cycle plus long,
Céréales en Afrique
V
climatiques, faible fertilité des sols...
Sa rusticité en fait une culture sécuri­
sante pour les producteurs, contrai­
rement au maïs. Ce dernier, par sa
plus grande sensibilité à la sécheres­
se, fait encourir un risque alimentai­
re (l'autosuffisance en céréales est
souvent un o b je ctif prioritaire des
producteurs à cause de l'instabilité
des marchés céréaliers) et un risque
financier, en particulier dans le cas
du maïs récolté en grains (rembour­
sement des intrants nécessaires pour
atteindre une bonne productivité).
Au sud du M a li, en 1 992-1 993
(avant la dévaluation du franc CFA),
le coût des engrais à l'hectare repré­
sentait l'é q u iv a le n t de 500 à 700
kilogrammes de maïs.
r5
(0
Q.
O)
E
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------------ 1
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“ i------------ 1
1,5
2
2,5
3
3,5
4
Rendement en m il et sorgho en tonnes par hectare
Figure 7. Rendements en maïs, m il et sorgho des exploitations cotonnières, pendant la
période 1984-1992. Chaque p o in t représente les rendements moyens en maïs, m il
et sorgho d 'u n e région encadrée par une société cotonnière, po ur une année donnée
(sources : CIRAD -C A Togo et sociétés cotonnières C M D T , SODEFITEX, SOFITEX).
le maïs constitue souvent la meilleu­
re production com plémentaire. La
commercialisation de ce maïs dès le
mois de septembre peut réduire le
manque de trésorerie dans l'attente
de la recette du coton. Certes, il exis­
te des variétés sélectionnées de sor­
gho précoces et productives, mais
leur em ploi reste lim ité pour deux
raisons ; elles sont souvent sujettes à
des problèmes de moisissures des
grains, les panicules étant compactes ;
les c o n s o m m a te u rs p ré fè re n t
consom m er les variétés tra d itio n ­
nelles, aux qualités c u lin a ire s et
gustatives plus appropriées.
Tableau 1. transform ation m anuelle du
m a ïs e t d u s o r g h o , e x p r im é e s en
k ilo g ra m m e s de g ra in s pa r h e u re de
travail (AGEL et Y U N G , 1985).
D écorticage
M ou tu re
Maïs
M il et sorgho
8 à 12
9 à 15
2 à 3
4
Les avantages du sorgho :
rusticité, mouture aisée,
qualités gustatives
Le sorgho est une p la n te peu
exigeante, bien adaptée au milieu
n aturel de la région : forts aléas
La facilité de mouture est un critère
important car cette opération est en
général réalisée manuellement par
les fem m es. Le d é c o rtic a g e et la
m o u tu re sont m o in s p é n ib le s et
moins longs pour le mil et le sorgho
que pour le maïs, ce dernier ayant un
grain plus dur (tableau 1).
Le décorticage du maïs n'est pas tou­
jours pratiqué. Mais la mouture est si
pénible qu'elle devient un obstacle à
la vulgarisation de cette plante. Au
nord du Cameroun, l'installation de
moulins a été une condition néces­
saire à l'a d o p tio n du maïs par les
paysans. T o u te fo is , la m o u tu re
mécanisée du maïs est plus onéreuse
que celle du mil ou du sorgho : 25 à
50 % plus chè re au nord du
Cameroun.
Enfin, de nombreux travaux sur l'ali­
mentation dans les pays sahéliens
m ontrent que les consommateurs
urbains et ruraux restent très attachés
au mil et au sorgho. Ces produits
sont appréciés pour leur qualité gustative et leur image traditionnelle,
fo rte m e n t associée à des valeurs
sociales positives. Signe de cette
valorisation, le mil et le sorgho appa­
raissent très souvent dans les plats de
fête, en particulier certaines variétés
c o m m e le sorgho m o u s k w a ri au
nord du Cameroun. En revanche, le
maïs entre simplement dans les pré­
parations quotidiennes (couscous,
b o u illie s ) c o m m e une céré a le
« banale ».
A griculture et développem ent ■
n° 2 - M ai 1 99 4
C éréales en Afrique
La « valorisation culturelle » du mil
et du sorgho facilite probablement la
valorisation économique. Le prix de
ces céréales traditionnelles est supé­
rieur à celui du maïs. Par exemple,
au Mali, l'écart du prix à la produc­
tion en faveur du mil et du sorgho est
de l'ordre de 15 à 25 %.
Le maïs, miroir
du contexte
économique
Le soutien institutionnel, de la fin des
années 70 au milieu des années 80,
a largement contribué à la diffusion
du maïs. Cette culture est apparue
co m m e le moyen p riv ilé g ié pour
a c c r o îtr e la p r o d u c t iv it é des
céréales. Elle r é p o n d a it ainsi à
l 'o b j e c t i f des p o u v o ir s p u b lic s
d 'a m é lio re r l'a p p ro v is io n n e m e n t
vivrier national tout en permettant de
dégager des ressources en terre et en
travail au profit de cultures d'expor­
tation, essentiellement le coton.
Culture indissociable du
développement cotonnier
Cet appui est intervenu notamment
par le biais des sociétés cotonnières,
investies d'une mission de dévelop­
C ulture
m anuelle
Culture
attelée
Culture
motorisée
Figure 8. Effet de la mécanisation sur la surface cultivée par exp lo itation
dans l'O uest du Burkina Faso (FAURE, 1991, 1992).
A griculture et développement ■
n° 2 - M a i 19 9 4
pement agricole général dans leurs
zones d 'in te rv e n tio n , au M a li, au
Sénégal, en C ô te - d 'I v o ir e et au
Cameroun. Le maïs a été recomman­
dé, voire parfois imposé, com m e
p la n te de ro ta tio n p r in c ip a le en
c o m p lé m e n t du c o t o n n ie r . Les
actions d 'in te n s ific a tio n pour les
cultures vivrières ont été dirigées
de façon privilégiée vers le maïs :
semences améliorées, engrais, herbi­
cides (souvent à crédit). Les résultats
o b te n u s sont iné g a u x selon les
thèmes techniques et les pays.
Les semences améliorées de maïs
ont été l'o b je t d'une vulgarisation
massive, jusqu'à 800 tonnes par an
dans la zone cotonnière de Côted'Ivoire jusqu'en 1988, ce qui repré­
sente environ 40 000 hectares culti­
vés. Dans les autres pays, les
livraisons de semences p o rta ie n t
g é n é ra le m e n t sur m o in s de 100
tonnes par an.
L'apport d'engrais sur la culture de
maïs ne s'est largement développé
que dans la zone c o to n n iè r e du
M a li. La surface en maïs fe rtilisé
serait passée de 10 000 hectares en
1981 à 70 000 hectares en 1992,
mais avec une réduction des doses
épandues. La pratique de la fertilisa­
tion minérale a été d'abord soutenue
par des mesures incitatives. Le Mali
est en effet le seul pays à avoir enga­
gé une action publique de collecte
du maïs d'une envergure significati­
ve (jusqu'à 8 000 tonnes collectées)
à un prix rentabilisant l'emploi des
engrais. La libéralisation du marché
c é r é a lie r en 198 6 a c o n d u it la
CMDT à abandonner cette collecte :
l'in flé c h is s e m e n t des surfaces de
maïs est depuis lors perceptible et les
producteurs se tournent vers la cultu­
re associée maïs-sorgho.
Les herbicides ont connu un déve­
loppement élevé au Mali et en Côted'Ivoire, contrairement au Sénégal et
au Cameroun. La motivation de leur
u t ilis a t io n relève p l u tô t d 'u n e
logique d'extension des surfaces que
d'intensification des cultures.
L 'a p p u i à la m é c a n is a tio n des
exploitations cotonnières (crédit aux
équipements et formation des agri­
culteurs) a apporté une contribution
Céréales en Afrique
plus décisive à la diffusion du maïs
que les actions d'intensification. En
tant que plante de rotation p r iv i­
légiée avec le cotonnier, le maïs a
pleinement bénéficié de l'extension
des surfaces, rendue possible avec
la m é c a n is a tio n (fig u re 8). Par
e x e m p le , à D a b o u ra au B u rk in a
Faso, l'équipement en culture attelée
puis m o to ris é e a c c o m p a g n e la
réduction de la place du sorgho dans
l'assolement.
La crise cotonnière
change la donne
A partir de 1986, la crise des filières
cotonnières, caractérisée par la chu­
te du prix du coton sur le marché
in te rn a tio n a l, v ie n t p e rtu rb e r les
dynamiques céréalières. Les sociétés
cotonnières, confrontées à des défi­
cits financiers, réduisent leur appui
aux producteurs. Leur désengage­
ment concerne en premier lieu les
cultures vivrières.
Le crédit et la distribution relatifs aux
intrants pour les cultures vivrières
sont remis en cause. Actuellement,
le secteur privé, trop peu développé,
ne peut pas encore se substituer à
cette organisation. Son intervention
risque d 'ê tr e lim ité e aux seules
zones les plus accessibles et les plus
rentables, délaissant donc une gran­
de partie du milieu rural. Un secteur
associatif de type groupements de
producteurs s'organise progressive­
ment, mais il serait nécessaire de for­
mer les représentants, en particulier
à la gestion.
Chez les agriculteurs, la crise se tra­
duit par une baisse sensible de la
marge cotonnière. Les intrants sont
plus chers alors que le prix du coton
stagne ou dim in u e selon les pays.
Cette situation compromet l'intensi­
fication du maïs qui était jusqu'alors
financée en grande partie par les
recettes du coton. La valorisation
marchande du maïs est bien souvent
trop limitée pour couvrir les charges
de la culture. Au Mali par exemple,
dans l'une des régions les plus avan­
cées (Koutiala), la part de la produc­
tion de maïs destinée à la vente est
trop faible, de l'ordre 20 % en 1992,
c'est-à-dire grosso modo 500 k ilo ­
grammes de grains par hectare. Cela
permettait de couvrir, en 1993 avant
la dévaluation du franc CFA, 50 kilo­
grammes d'engrais com plet et 100
kilogrammes d'urée par hectare.
Dans les zones cotonnières du Mali,
du Burkina Faso et du Togo, les pro­
ducteurs réagissent en restreignant
les intrants pour le cotonnier et le
maïs. Ainsi au M a li, alors que la
C M D T recom m ande pour le maïs
l'e m p lo i de 100 kilogram m es par
hecta re d 'e n g ra is c o m p le t NPK
(engrais céréales classique 15-15-15)
et de 150 kilogrammes par hectare
d'urée, les pratiques paysannes ont
été les suivantes en 1993 : 53 % des
parcelles de maïs suivies par l'enca­
drement de la CM D T reçoivent en
moyenne 40 kilogrammes par hecta­
re d'engrais complet NPK et 62 %,
72 kilogrammes par hectare d'urée.
Dévaluation du franc CFA :
avenir incertain
pour le maïs
La dévaluation du franc CFA est la
mesure d'ajustement économique la
plus récente. Elle risque de pénaliser
les cultures nécessitant des intrants
importés, comme le maïs, à l'inverse
du sorgho ou du mil. Com m ent le
gain potentiel à l'exportation sur le
c o to n s e ra -t-il ré p e rc u té sur les
exploitations agricoles ? Une amélio­
ra tio n s ig n ific a tiv e de la marge
cotonnière des producteurs pourrait
redonner au coton un rôle clé dans
le financement de l'intensification
du maïs.
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J.-L. FUSILLIER - Africa del Oeste y del Centro:
or sorghum?
£
g
M aize has been w idely cultivated in savannah areas of
Q> El cultivo de m a iz está m u y extendido en la zona de
maïs ou sorgho ?
£
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¿maíz o sorgo?
£
Central and West Africa since the 1 9 7 0 s . H ow ever, in
E
«g)
les années 7 0 . Dons la partie septentrionale, aire de cul-
_q
t h e n o r t h e r n p a r t w h e r e s o r g h u m a n d m ille t a r e
¡J¡ d é c a d a d e l 7 0 . En la p a r t e s e p te n tr io n a l, á r e a de
OÉ
ture traditionnelle du sorgho et du mil, la substitution du
^
3
zone de sovane d'A frique de l'Ouest et du Centre depuis
s a b a n a de A fric a del O es te y del C e n tro d e sd e la
traditionally grown, substitution of m aize for either of
0) cultivo tradicional de sorgo y mijo, la sustitución del
m aïs au sorgho ou au mil ap p a ra ît cependant lim itée.
these crops appears to be limited. These three species
so rg o o d e l m ijo p o r el m a iz r e s u lta no o b s ta n te
A yan t des exigences et potentialités bien distinctes, ces
could be c o m p lem en ta ry com panion crops since their
lim itad a. Por ten er exigencias y potencialidades m u y
trois plantes p e u v e n t p ré se n ter une ce rta in e co m plé­
requirem ents and capabilities are quite differen t, i.e.
distintas, estas tres plantas pu ed en pre se ntar ciertos
m entarité dans les systèmes de culture : le sorgho et le
so rghum an d m illet are stable food crops in climatic
corácteres complem entarios en los sistemas de cultivo:
mil sécurisent la production v iv riè re de l'e x p lo ita tio n
and economic risk situations, whereas m aize is a high
el so rgo y m ijo co ns tituy en un a s e g u rid a d p a r a la
face au x risques climatiques ou économiques, tandis que
y i e l d c r o p . T h e c o t to n crisis a n d d i v e s t i t u r e o f
producción de plantas com estibles de la explotación
le m aïs rép on d à un objectif de p ro du ctivité . La crise
d e v e l o p m e n t a g e n c ie s a t t h e e n d o f t h e 1 9 8 0 s
fren te a los riesgos climáticos o económicos, mientras
cotonnière et le désengagem ent des structures de d éve­
challenges the intensification of cereal cropping. This
q u e el m a i z c o r r e s p o n d e a un o b j e t iv o
de
loppem ent, intervenus à la fin des années 80 , rem ettent
will probably lead to renew ed interest in sorghum and
p ro d u c tiv id a d .
el
en cause l'intensification des céréales. On pourrait donc
m ille t to t h e d e t r im e n t o f m a iz e , w h ic h re q u ir e s
d e s in te re s a m ie n to po r las estructuras de desarro llo ,
s'attendre à un regain d'in térêt pour le sorgho et le mil,
additional inputs such as fertilizers. The future of m aize
que se produjeron a finales de la década del 80 , ponen
ou détrim ent du maïs, qui nécessite des intrants com m e
is now uncertain, due to devaluation of the CFA franc,
e n e n t r e d i c h o d e n u e v o la in t e n s if ic a c ió n de los
les engrais en particulier. La d évalu ation du franc CFA
and depends on w heth er cotton export earnings will be
cereales, por lo que habria que esperar que el sorgo y
laisse un e in c e rtitu d e q u a n t à l 'a v e n ir du m a ïs , qui
passed on to the farm ers.
m ijo puedan ad q u irir nuevo au ge , en de trim e nto del
dé pend de la répercussion du gain à l'e x p o rta tio n du
La
crisis
a lg o d o n e ra
y
K e y w o rd s : m a iz e , s o r g h u m , m ille t, c o tto n p la n t,
m a iz , el cual necesita insum os com o los ab on os en
coton sur les exploitations agricoles.
cropping system, fa rm in g system, econom y, B urkin a
particular. La devalu ació n del franco CFA deja cierta
M ots-clés : m aïs, so rgh o, m il, c o to n n ier, sy stèm e de
Faso, C ôte-d'Ivoire, M ali, Senegal, Chad, Togo.
in c e rtid u m b re en cu an to al p o rv e n ir del m a íz , que
culture, système de production, économie, B urkina Faso,
d e p e n d e de la rep ercu sió n de la g a n a n c ia p a ra la
C ôte-d'Ivoire, M ali, Sénégal, Tchad, Togo.
exportación del algodón en las explotaciones agrarias.
Palabras clave : m aiz, sorgo, mijo, algodonero, sistema
de cultivo, sistema de producción, econom ía, Burkina
Faso, Costa de M arfil, M ali, Senegal, Chad, Togo.
A griculture et développement ■
n° 2 - M a i 19 9 4

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