Pessaire et prévention de l`accouchement prématuré
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Pessaire et prévention de l`accouchement prématuré
obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page155 Pessaire et prévention de l’accouchement prématuré L. S ENTILHES *, P.E. BOUET, G. LEGENDRE, S. MADZOU, F. B IQUARD, P. G ILLARD, P. DESCAMPS (Angers) Résumé Le pessaire cervical est un outil prometteur pour réduire le risque d’accouchement prématuré chez des patientes à risque, identifiées par la mesure échographique de la longueur cervicale au deuxième trimestre de la grossesse. Il est bien toléré par les femmes. Les essais PECEP et ProTWIN ont ouvert tout un champ d’investigations nouvelles pour la prévention de la prématurité. Ils suggèrent que le pessaire cervical pourrait être intéressant pour réduire le risque d’accouchement prématuré dans une population de patientes enceintes (i) de singletons avec une longueur cervicale ≤ 25 mm entre 18 et 22 SA, et (ii) de jumeaux avec une longueur cervicale ≤ 37 mm entre 16 et 22 SA. Ces résultats doivent être absolument confirmés par d’autres études randomisées avant la généralisation de son utilisation. Enfin, la place du pessaire cervical par rapport ou en addition à la progestérone et au cerclage reste à déterminer. Mots clés : prématurité, prévention, pessaire, cerclage, progestérone CHU d’Angers - Service de gynécologie-obstétrique - 4 rue Larrey - 49033 Angers cedex 01 * Correspondance et tirés à part : [email protected] 155 obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page156 SENTILHES & COLL. Déclaration publique d’intérêt Loïc Sentilhes est consultant pour le laboratoire Ferring. Les autres auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec le sujet de l’article. La prématurité spontanée est un problème majeur de santé publique. Elle survient dans environ 5 à 13 % des cas et est la principale cause de mortalité et morbidité périnatale [1-2]. La prévention de cette prématurité spontanée est un challenge quotidien en gynécologieobstétrique et globalement un échec depuis ces 15 dernières années [2]. L’incompétence cervicale (IC) est une des principales causes de prématurité, bien que sa définition soit loin d’être standardisée [2]. Le diagnostic d’incompétence cervicale est souvent réalisé de façon rétrospective à partir de l’histoire clinique et après avoir exclu les autres causes de prématurité. Les facteurs de risque classiques sont un antécédent (i) d’au moins deux pertes fœtales au second trimestre, (ii) de rupture prématurée des membranes avant 32 SA, (iii) de traumatisme cervical (conisation, dilatation cervicale traumatique/forcée), de dilacérations cervicales ou d’anomalies congénitales utérines [3]. La découverte d’une longueur cervicale raccourcie au deuxième trimestre lors d’une échographie endovaginale est un facteur à risque démontré de prématurité spontanée suggérant une possible IC [4-5]. Plusieurs stratégies ont été proposées, basées sur la découverte d’un col court au deuxième trimestre de grossesse. Une récente métaanalyse avec données individuelles de 5 essais randomisés a montré que la progestérone comparée au placebo réduisait les taux de prématurité sévère (< 33 SA) (risque relatif (RR) = 0,58 ; intervalle de confiance à 95 % (IC 95 %), 0,42-0,80) et de mortalité néonatale (RR = 0,57 ; IC 95 %, 0,40-0,81) chez les patientes asymptomatiques avec un col court (≤ 25 mm) [6]. Cet effet protecteur de la progestérone sur la prématurité sévère a été observé dans une autre méta-analyse publiée par la Cochrane database [7]. Le cerclage semble une deuxième option possible. Une méta-analyse de la Cochrane en 2012 a objectivé pour les patientes enceintes de singletons à haut risque 156 obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page157 PESSAIRE ET PRÉVENTION DE L’ACCOUCHEMENT PRÉMATURÉ d’accouchement prématuré, pour lesquelles une indication de cerclage pouvait être discutée, une réduction de la prématurité avant 37 SA, 34 SA et 28 SA, quels que soient les sous-groupes dont celui des patientes ayant un col court à l’échographie [8]. Cet effet protecteur du cerclage a aussi été objectivé dans une autre méta-analyse pour les patientes enceintes de singletons avec un col court (< 25 mm avant 24 SA) et un antécédent d’accouchement prématuré avec une réduction significative de la prématurité avant 37, 32, 28 et 24 SA [9]. Enfin, le pessaire cervical semble être devenu une troisième option depuis la publication de l’essai PECEP dans le Lancet en 2012, qui a montré que son utilisation était associée à une réduction très significative de la prématurité spontanée avant 34 SA par comparaison à l’expectative chez les patientes enceintes de singletons ayant une longueur cervicale inférieure à 25 mm entre 18-22 SA (odds ratio (OR) = 0,18 ; IC 95 %, 0,08-0,37 ; p < 0,0001) [10]. Le but de ce travail est de réaliser une mise au point concernant l’utilisation du pessaire cervical pour réduire la prématurité spontanée. I. DESCRIPTION DU PESSAIRE CERVICAL Il existe de multiples types de pessaires (Arabin®, Smith, Hodge, Risser, Hamann/Jorde, Portex®) mais la majorité des études, dont les plus récentes et les deux plus robustes [10-11], ont utilisé le pessaire d’Arabin ® qui a l’avantage d’avoir une certification européenne (CE0482, MED/CERT ISO 9003/EN 46003). Le pessaire d’Arabin®, mis au point par Hans Arabin à la fin des années 1970 [12], est un anneau en silicone, flexible, disponible en plusieurs tailles dont le plus grand diamètre (diamètre externe) varie entre 65 et 70 mm, tandis que le plus petit diamètre (diamètre interne) varie entre 32 et 35 mm et la hauteur de la courbure est de 21 à 25 mm. Il présente de multiples perforations afin de laisser s’écouler les sécrétions cervico-vaginales (Figures 1 à 3). Il a été désigné pour être inséré le dôme (diamètre interne) vers le haut de telle sorte que le diamètre externe est supporté par le plancher pelvien, tandis que le diamètre interne est supposé entourer le col utérin [13]. Arabin et al. proposent d’utiliser un lubrifiant ou une crème antibiotique pour en faciliter la pose [13, 14]. Il est introduit dans le vagin, longitudinalement, serré entre les doigts et le pouce. À travers le vagin, le pessaire est déplié 157 obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page158 SENTILHES & COLL. Figure 1 - Pessaire d’Arabin® : diamètre externe Figure 2 - Pessaire d’Arabin® : diamètre interne (dôme) 158 obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page159 PESSAIRE ET PRÉVENTION DE L’ACCOUCHEMENT PRÉMATURÉ Figure 3 - Pessaire d’Arabin® : vue latérale (dôme en haut) et poussé vers le fond vaginal de telle sorte que le col est ceinturé par le pessaire. Arabin et al. [14] recommandent de pousser légèrement le pessaire vers le sacrum afin de majorer la modification attendue de l’angle que fait le col avec l’utérus, secondaire à la pose du pessaire. Enfin, il est conseillé de demander à la patiente de se lever après l’insertion, de marcher quelques pas afin de s’assurer de l’absence d’inconfort, le pessaire ne devant plus être ressenti par la patiente. Bien évidemment, la position du pessaire doit être contrôlée cliniquement voire par échographie en cas d’inconfort. Arabin et al. réexaminent systématiquement les patientes, à l’exception de celles ayant une protrusion complète de la poche des eaux dans le canal cervical, à l’aide d’un toucher vaginal, après qu’elles se soient mises debout, afin de s’assurer que le col est bien positionné dans l’anneau interne du pessaire [14]. Il est recommandé de réaliser un prélèvement vaginal et cervical avant la pose d’un pessaire cervical ainsi que de suspendre sa pose d’une semaine s’il existe des signes cliniques évidents d’infection vaginale, après un traitement local [10]. Par contre, il n’est pas recom mandé d’enlever le pessaire en cas de survenue d’une infection vaginale ; mais un traitement antibiotique approprié doit être alors 159 obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page160 SENTILHES & COLL. administré [10]. Enfin, le pessaire est généralement retiré à partir de 37 SA, ou avant en cas de saignement vaginal, de menace d’accouchement prématuré ou d’inconfort [10]. En cas de rupture prématurée des membranes isolées, sans contraction utérine et infection, Arabin [14] conseille de laisser le pessaire en place. C’était l’attitude préconisée et réalisée dans le PECEP trial [10]. Son mécanisme d’action reste inconnu. Il a été pour la première fois théorisé par Vitsky en 1961 [15]. Il a suggéré que le pessaire pourrait modifier l’inclinaison du canal cervical [15] qui serait alors plus postérieure, résultant en une modification de l’angle que réalise le col avec l’utérus ; avec pour conséquence d’orienter le poids de la gros sesse vers le segment inférieur antérieur [12]. D’autres auteurs [11] soulignent que le canal cervical est comprimé, ce qui pourrait prévenir une détérioration prématurée du bouchon muqueux. En effet, le bouchon muqueux qui obstrue le canal cervical représente une protection immunologique qui jouerait un rôle dans la lutte contre les infections ascendantes [16]. Enfin, il a même été suggéré que le pessaire cervical pourrait empêcher la tête fœtale de réaliser une pression trop importante sur l’orifice interne cervical [17]. Les défenseurs du pessaire cervical soulignent qu’il est, contrairement au cerclage, non invasif, non opérateur-dépendant, facile à utiliser, peu coûteux, que sa pose ne nécessite aucune anesthésie ni hospitalisation et qu’il est facile à retirer [12, 18-23]. II. PREMIERS RÉSULTATS (AVANT 2000) Le pessaire cervical a été utilisé pour la première fois pour essayer de traiter l’IC dès 1959 [18]. Von Forster et al., en 1986, ont publié la première étude randomisée comparant le cerclage (n = 112) au pessaire (n = 130) [19]. Les résultats de cette étude (absence de différence entre les deux groupes) ne peuvent être interprétés tant les biais méthodologiques sont nombreux (biais de randomisation, critères d’inclusion et d’exclusion flous, populations probablement très hétérogènes, etc.) [3]. La première revue de la littérature rapportant les études rétrospectives (n = 8), prospectives (n = 2) et randomisée (n = 1) a été publiée en 2000 (Tableaux 1 et 2) [20]. La conclusion de cette revue était que le pessaire était une option prometteuse puisque son utilisation semblait être associée à une prolongation de la grossesse ; option qui n’était pas une alternative au cerclage mais qui pouvait être 160 obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page161 PESSAIRE ET PRÉVENTION DE L’ACCOUCHEMENT PRÉMATURÉ proposée en combinaison au cerclage ou pour les femmes non éligibles au cerclage [20]. Enfin, l’auteur spéculait sur l’utilisation du pessaire qui pourrait avoir un réel intérêt dans une population à risque identifiée par une longueur cervicale raccourcie à l’échographie [20]. Tableau 1 - Traitement par pessaire chez les femmes ayant une incompétence cervicale (modifié d’après Newcomer [20]) Séries • Cross [18], 1959 • Vitsky [15], 1961 • Vitsky [24], 1963 • Oster et Javert [25], 1966 • Dahl et Barz [26], 1979 • Quass et al. [21], 1990 Grossesses antérieures (non traitées) Grossesses traitées Nombre Nombre de de grossesses à grossesses terme (%) Nombre Nombre de de grossesses à grossesses terme (%) 40 10 83 94 8 (20) 0 (0) 19 (23) 21 (22) 13 5 21 35 72 ** 107 Études prospectives : • de cohorte : David et Jorde [27], 1991 20 14 (80) - Cerclage seul - Pessaire seul - Cerclage et pessaire • randomisée : Von Forster [19], 1986 - Cerclage - Pessaire 9 * (69) 4 (80) 14 (67) 23 (65,7) Bakelite Ring Smith Smith-Hodge Hodge Mayer-Ring 62 *** (80) Arabin-cerclage 98 (92) 54 41 (76) 8 24 5 (62,5) 20 (83) 112 130 Pessaire utilisé Hamann/Jorde Hamann/Jorde 77 (89) 80 § (61,5) Non mentionné * Deux grossesses supplémentaires en cours ; ** 77 enfants ; *** Défini par un poids > 2 500 g ; § Absence de différence significative Tableau 2 - Traitement par pessaire chez les femmes à risque d’accouchement prématuré (modifié d’après Newcomer [20]) Grossesses antérieures (non traitées) Grossesses traitées Nombre Nombre de de grossesses à grossesses terme (%) Nombre Nombre de de grossesses à grossesses terme (%) Études rétrospectives • Jiratko [28], 1977 • Seyffarth [29], 1978 Étude prospective • Jorde et al. [30], 1982 1 110 - Cerclage - Pessaire 1 037 (93,4) - Pessaire - Cerclage - Pessaire seul - Pessaire et cerclage * Défini par un poids > 2 500 g 161 Pessaire utilisé 114 405 830 97 * (84,6) 366 * (90,3) Mayer-Ring 800 (96,4) Hamann/Jorde 113 591 63 67 * (59,3) 534 * (90,4) Hamann/Jorde 52 * (82,5) Hamann/Jorde obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page162 SENTILHES & COLL. III. DANS LES ANNÉES 2000 En 2003, Arabin et al. ont publié une des premières études évaluant le pessaire dans une population sélectionnée par la longueur cervicale mesurée à l’échographie [12]. Il s’agit d’une étude rétrospective avec un appariement a posteriori (résultant en des biais méthodologiques évidents) des cas (pessaires) avec les contrôles (absence de pessaire) pour les patientes enceintes de singletons (12 patientes dans chaque groupe) et de jumeaux (23 patientes dans chaque groupe) ayant une longueur cervicale < 10e percentile entre 18 et 28 SA. Pour les singletons, les caractéristiques maternelles étaient identiques tandis que pour les jumeaux, le groupe pessaire semblait plus à risque d’accouchement prématuré (taux d’infection vaginale et d’entonnoir visualisé à l’échographie significativement plus élevé). La moyenne de la longueur cervicale était de 24 mm pour les singletons et les jumeaux dans les deux groupes (pessaires et non pessaires). La grossesse était significativement prolongée dans le groupe pessaire tant pour les singletons que pour les jumeaux [12]. En 2006, Acharya et al. ont rapporté les résultats d’une étude prospective de 29 patientes ayant une IC (antécédent de fausse couche tardive (FCT), d’accouchement prématuré avant 34 SA, de conisation) ou une grossesse multiple (n = 11) associée à un col ≤ 25 mm avant 30 SA. Le taux d’accouchement avant 34 SA était de 45 %. L’absence de groupe contrôle dans cette étude ne permet évidemment aucune conclusion, même si les auteurs concluaient que le pessaire cervical était une technique potentiellement utile [23]. Il est intéressant de noter que Iams et al., dans leur célèbre revue de la littérature publiée en 2008 dans le Lancet concernant les stratégies disponibles pour diminuer la prématurité, n’ont à aucun moment cité ou mentionné le pessaire cervical [1]. En 2009, Sieroszewski et al. ont publié une série polonaise de 54 patientes ayant une longueur cervicale mesurée entre 15 et 30 mm avant 28 SA et ayant eu un pessaire d’Arabin [31]. Toutes ces patientes avaient aussi reçu de la progestérone vaginale à la dose de 100 mg. Plus de la moitié de cette population était considérée à haut risque puisque 61,1 % (33/51) avaient au moins eu un antécédent de FCT, 20,4 % (11/51) deux antécédents de FCT et 7,4 % (4/54) au moins trois antécédents de FCT [31]. Le taux d’accouchements prématurés dans cette population était de 16,7 % (9/54). Aucune complication mater nelle ne fut reportée. Une fois encore, l’absence de groupe contrôle est problématique pour conclure quant à l’efficacité du pessaire cervical 162 obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page163 PESSAIRE ET PRÉVENTION DE L’ACCOUCHEMENT PRÉMATURÉ pour diminuer la prématurité. Cependant, il faut reconnaître que le faible taux de prématurité retrouvé dans cette population à risque suggère que le pessaire cervical pourrait être une option intéressante pour réduire la prématurité. En 2010, une autre étude polonaise a rapporté les résultats d’une série de 56 patientes Kimber-Trojnar ayant au moins, selon les auteurs, un facteur de risque d’accouchement prématuré (antécédent de fausse couche au premier trimestre (sic) ou au second trimestre, antécédent d’accouchement prématuré avant 34 SA, antécédent de conisation ou de suture ou lacération cervicale) [32]. La population étudiée était divisée en deux sous-groupes selon l’indication du pessaire : les patientes ayant une IC (n = 40) définie par une longueur cervicale raccourcie à l’échographie (« cut-off » non précisé) et celles à haut risque d’accouchement prématuré (grossesse gémellaire, antécédent d’au moins deux FCTs ou accouchements avant 34 SA). Dans cette population hétérogène, le taux d’accouchements prématurés était de 14,3 % (8/56) sans différence entre les deux sous-groupes. Aucune complication maternelle ne fut à déplorer [32]. De nouveau, la méthodologie de cette étude ne permet d’émettre aucune conclusion sur l’intérêt du pessaire pour réduire la prématurité. IV. LA COCHRANE DATABASE En 2010, la Cochrane database concluait qu’il n’existait aucune étude méthodologiquement satisfaisante ayant évalué le pessaire cervical pour la réduction de la prématurité mais que cet outil nécessitait une évaluation adéquate, des études observationnelles semblant suggérer un bénéfice du pessaire [3]. V. LES TROIS ESSAIS RANDOMISÉS V.1. Le PECEP trial (étude de Goya et al. [10]) Il s’agit de la première étude méthodologiquement robuste à avoir montré que le pessaire permettait de réduire significativement la prématurité. 163 obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page164 SENTILHES & COLL. Il s’agit d’une étude randomisée, ouverte, multicentrique (5 centres en Espagne), incluant les patientes enceintes de singletons et ayant une longueur cervicale ≤ 25 mm entre 18 et 22 SA. Une seule taille du pessaire Arabin® fut utilisée : 65 mm pour le diamètre externe, 32 mm pour le diamètre interne et 25 mm de hauteur. L’utilisation du pessaire était comme précédemment décrite (cf. supra) mais dans les deux groupes un prélèvement cervical et vaginal était réalisé tous les mois. Le critère de jugement principal était le taux d’accouchements prématurés spontanés avant 34 SA [10]. Parmi les 11 875 femmes qui ont accepté de participer à l’étude (et donc d’être screenées par une échographie endovaginale), 726 (6,1 %) pouvaient être incluses dans l’étude. Au final, 190 patientes ont été randomisées dans chaque groupe, le reste des patientes ayant soit refusé d’être randomisées (n = 341), soit perdues de vue (n = 5). Les caractéristiques des patientes étaient identiques dans chaque groupe (50 % de nullipares, 39 % sans antécédent d’accouchement prématuré et seulement 11 % ayant au moins un antécédent d’accouchement prématuré) [10]. L’utilisation du pessaire était associée à une diminution de la prématurité spontanée avant 34 SA (12 (6 %) versus 51 (27 %) ; p < 0,0001), avant 28 SA (4 (2 %) versus 16 (8 %) ; p = 0,0058), avant 37 SA (41 (22 %) versus 113 (59 %) ; p < 0,0001), de la prématurité induite et spontanée avant 34 SA (14 (7 %) versus 53 (28 %) ; p < 0,0001), des poids de naissance inférieurs à 1 500 g (9 (5 %) versus 26 (14 %) ; p = 0,004) et à 2 500 g (17 (9 %) versus 56 (29 %) ; p < 0,0001), ainsi qu’à la diminution d’une variable composite de morbidité néonatale sévère (5 (3 %) versus 30 (16 %) ; p < 0,0001). La tolérance maternelle était excellente en dehors de la présence de pertes vaginales (100 % versus 46 % ; p = 0,002). Le pessaire a été repositionné dans 14 % des cas et retiré dans moins de 1 % des cas [10]. Ces résultats, publiés dans une revue prestigieuse [10], semblent évidemment « magiques ». La principale critique de cet essai a été formulée par l’équipe de Hui [33] qui a aussi réalisé un essai randomisé ouvert avec des résultats totalement discordants (cf. infra) [34] : bien que l’équipe de Goya s’en défende [35], le taux d’accouchements prématurés dans le groupe contrôle semble anormalement élevé (28 % avant 34 SA) et est discordant avec les taux observés dans la population espagnole [33]. Ceci a pu biaiser les résultats en majorant ou procurant un effet positif au pessaire. Les auteurs de la Cochrane ont immédiatement réalisé une mise à jour [36] juste après la publication du PECEP trial [10]. Sans surprise, les conclusions de cette mise à jour (inutile) ont été qu’il n’existe qu’un essai 164 obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page165 PESSAIRE ET PRÉVENTION DE L’ACCOUCHEMENT PRÉMATURÉ randomisé méthodologiquement robuste (le PECEP trial [10]) et que le pessaire cervical permet de réduire la prématurité chez les patientes enceintes de singletons et ayant une longueur cervicale ≤ 25 mm [36]. V.2. L’étude de Hui et al. [34] Il s’agit d’une étude randomisée, ouverte, chinoise (Hong-Kong), incluant les patientes enceintes de singletons à bas risque (exclusion des patientes ayant un antécédent d’IC, de cerclage, ou ayant une menace d’accouchement prématuré ou une rupture prématurée des membranes) et ayant une longueur cervicale ≤ 25 mm entre 20 et 24 SA. Le pessaire utilisé était le pessaire d’Arabin®. Le critère de jugement principal était le taux d’accouchement prématuré spontané avant 34 SA [34]. Parmi les 4 438 patientes screenées (mesure de la longueur cervicale par échographie endovaginale), 203 (4,6 %) étaient éligibles et 108 acceptèrent de participer à l’étude. Les caractéristiques des patientes, en particulier la moyenne de la longueur cervicale (20 mm) étaient identiques entre les deux groupes. Les taux d’accouchements prématurés (9,4 % (5/53) versus 5,5 % (3/55) ; p = 0,46) avant 34 SA, mais aussi avant 28 SA (3,8 % (2/53) versus 5,5 % (3/55) et 37 SA (15,1 % (8/53) versus 18,2 % (10/55) étaient identiques entre les groupes « pessaires » et « expectative ». Le taux d’effets secondaires était identique entre les deux groupes [34]. Ces résultats négatifs sont totalement discordants avec ceux du PECEP trial [10]. Il est possible voire probable que Goya et al. [10] aient inclus une population à plus haut risque d’accouchement prématuré que Hui et al. [34] et que ce biais d’inclusion puisse expliquer cette différence de résultats (par exemple, les taux de patientes tabagiques et ayant un antécédent d’accouchement prématuré étaient respectivement de 19,5 % et 11 % dans le PECEP trial et de 3,7 % et 8,3 % dans l’étude de Hui). De plus, il faut recon naître que même si la méthodologie du PECEP trial était critiquable [37-38], elle était plus robuste que celle de Hui et al. [34]. Ces derniers avaient prévu initialement d’inclure 1 120 patientes. Après un recrutement difficile, ils ont décidé de réaliser une analyse intermédiaire sur les 108 premières patientes incluses, et de publier leurs résultats suite à la publication du PECEP trial [17]. Pourtant, même si la population incluse dans l’étude de Hui et al. [34] est moins importante que celle de Goya et al. [10] (108 versus 380) avec pour conséquence un manque de puissance, ces résultats discordants suggèrent qu’il est indispensable de réaliser d’autres études randomisées ouvertes avant de généraliser pour l’ensemble des populations de femmes enceintes de singletons : 165 obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page166 SENTILHES & COLL. 1) un screening systématique de la longueur cervicale par échographie endovaginale au deuxième trimestre de grossesse, et 2) la pose d’un pessaire en cas de découverte d’un col ≤ 25 mm. V.3. Le ProTWIN trial (étude de Liem et al. [11]) Il s’agit d’une étude randomisée, ouverte, hollandaise, réalisée dans 40 centres incluant toutes les grossesses multiples (98 % de grossesses gémellaires) entre 12 et 20 SA, quelle que soit la longueur cervicale mesurée à l’échographie entre 16 et 22 SA. Les critères d’exclusion étaient les patientes ayant un fœtus malformé ou décédé, un syndrome transfuseur-transfusé ou un placenta praevia. Le pessaire utilisé était le pessaire d’Arabin® dont la taille variait selon l’examen du col au spéculum. Le pessaire était retiré à partir de 36 SA ou en cas de rupture prématurée des membranes, métrorragies, menace d’accouchement prématuré, ou d’inconfort. Le critère de jugement principal était un critère composite de morbidité néonatale incluant au moins un des critères suivant : mort fœtale in utero, leucomalacie périventriculaire, dysplasie bronchopulmonaire, hémorragie intraventriculaire de stades 3-4, entérocolite ulcéro-nécrosante, sepsis prouvé, et mort néonatale (survenant dans les 6 semaines après la date prévue d’accouchement) [11]. Les caractéristiques des patientes, en particulier la longueur cervicale mesurée en échographie (44 mm) et les autres facteurs de risque d’accouchement prématuré, étaient similaires entre les groupes « pessaire » (n = 403) et « expectative » (n = 410). La morbidité néonatale composite, ainsi que les taux d’accouchements prématurés avant 37, 32, et 28 SA étaient similaires entre les deux groupes [11]. Une analyse en sous-groupe des patientes ayant une longueur cervicale < 25 mm était initialement prévue. Comme la prévalence de ce sous-groupe était très faible, les auteurs ont choisi dans un second temps de réaliser une analyse du sous-groupe des patientes ayant une longueur cervicale inférieure au 25e percentile (correspondant à une longueur cervicale inférieure à 38 mm). Les caractéristiques de ce sousgroupe de patientes ne différaient pas entre les groupes pessaire (n = 78) et expectative (n = 55). Dans cette analyse en sous-groupe, l’utilisation d’un pessaire était associée à une diminution significative de la morbidité néonatale composite (10 % (16/157) versus 24 % (27/111) ; RR = 0,42 ; IC 95 %, 0,19-0,91), du taux d’accouchements prématurés avant 28 SA (4 % (3/78) versus 16 % (9/55) ; RR = 0,23 ; IC 95 %, 0,060,087), et avant 32 SA (14 % (11/78) versus 29 % (16/55) ; RR = 0,49 ; IC 95 %, 0,24-0,97), mais pas avant 37 SA (64 % (50/78) versus 78 % 166 obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page167 PESSAIRE ET PRÉVENTION DE L’ACCOUCHEMENT PRÉMATURÉ (43/55) ; RR = 0,82 ; IC 95 %, 0,54-1,24). Ces résultats montrent que l’utilisation du pessaire cervical n’est pas pertinente dans une population générale de grossesses multiples mais suggèrent qu’il pourrait être intéressant dans un sous-groupe de patientes ayant une longueur cervicale < 38 mm mesurée entre 16 et 22 SA [11]. VI. TOLÉRANCE MATERNELLE DU PESSAIRE La tolérance et la sécurité du pessaire ont été évaluées dans plusieurs études dont les 3 essais randomisés. Globalement, l’insertion et l’ablation du pessaire est simple et bien tolérée par les femmes, même si la majorité trouve l’ablation plus douloureuse que la pose [12, 23, 31]. À partir d’un questionnaire d’évaluation, Arabin et al. ont rapporté que 75 % des patientes ayant eu un pessaire seraient d’accord pour l’utiliser de nouveau et le recommanderaient à une amie [12], ce dernier chiffre atteignant 95 % des femmes dans le PECEP trial [10]. Aucun effet secondaire maternel ou néonatal grave n’a été attribué au pessaire cervical. Enfin, une étude ancienne réalisée sur 200 patientes avec pessaire n’a pas retrouvé de différences significatives concernant les données microbiologiques et la morbidité puerpérale comparées à une population témoin (sans pessaire) [39]. VII. PROGESTÉRONE, CERCLAGE OU PESSAIRE EN CAS DE GROSSESSES SINGLETONS, D’ANTÉCÉDENTS DE PRÉMATURITÉ ET DE COL COURT ? Alfirevic et al. ont réalisé une comparaison indirecte de trois cohortes différentes de patientes enceintes de singletons et asympto matiques avec un antécédent d’accouchement prématuré et une longueur cervicale inférieure à 25 mm à l’échographie (cohorte améri caine de 142 patientes traitées par cerclage avec ou sans 17a-hydroxy progestérone, cohorte du Royaume-Uni de 59 patientes traitées par progestérone vaginale et cerclage, et cohorte espagnole de 42 patientes traitées par pessaire issue en partie du PECEP trial) [40]. Aucune différence ne fut observée entre les trois groupes pour les taux de mortalité périnatale, de morbidité néonatale et d’accouchement 167 obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page168 SENTILHES & COLL. prématuré. Cependant, ce type de comparaisons indirectes est entaché de biais statistiques [40]. D’autres études idéalement randomisées directes sont nécessaires pour déterminer la meilleure stratégie (progestérone et/ou cerclage et/ou pessaire cervical) dans ce sousgroupe de patientes à haut risque d’accouchement prématuré. CONCLUSION Le pessaire cervical semble être bien toléré par les patientes. Les récents essais PECEP et ProTWIN ont ouvert tout un champ d’investigations nouvelles pour la réduction de la prématurité. Ils suggèrent que le pessaire cervical pourrait être intéressant dans une population de patientes enceintes (i) de singletons avec une longueur cervicale ≤ 25 mm entre 18 et 22 SA, et (ii) de jumeaux avec une longueur cervicale ≤ 37 mm entre 16 et 22 SA pour réduire le risque d’accouchement prématuré. Ces résultats doivent être absolument confirmés par d’autres études avant l’éventuelle généralisation d’une telle pratique. S’ils sont confirmés, des réponses devront être apportées à d’autres questions, qui sont déjà d’actualité : quelle stratégie faut-il privilégier en cas de col court avec ou sans antécédent d’accouchement prématuré (pessaire et/ou progestérone et/ou cerclage) ? Faut-il alors réaliser systématiquement une mesure de la longueur cervicale lors de l’échographie du deuxième trimestre pour les singletons et les jumeaux (screening universel) ? Quels seront les effets délétères d’un tel dépistage en population générale ? 168 obs_11_Sentilhes_bat2_jm_cngof09 12/11/13 11:20 Page169 PESSAIRE ET PRÉVENTION DE L’ACCOUCHEMENT PRÉMATURÉ Bibliographie [1] Iams JD, Romero R, Culhane JF, Goldenberg RL. Primary, secondary, and tertiary interventions to reduce the morbidity and morta lity of preterm birth. Lancet 2008;371:164-75. [2] Goldenberg RL, Culhane JF, Iams JD, Romero R. Epidemiology and causes of preterm birth. Lancet 2008;371:75-84. [3] Abdel-Aleem H, Shaaban OM, AbdelAleem MA. 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