En famille Pourquoi les ados marquent

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En famille Pourquoi les ados marquent
En famille
Pourquoi les ados marquent-ils leur corps de tatouages, piercings et scarifications ?
Les adolescents sont de plus en plus nombreux à avoir envie d’un piercing ou d’un tatouage.
Que dire si votre fils ou votre fille en fait la demande… ou n’a pas attendu votre accord ?
Autre phénomène, plus inquiétant, celui des scarifications. Il demande une réaction très
rapide. Les conseils de Marion Haza, psychologue.
Tatouage et piercing : les nouveaux bijoux des ados
La pratique n'est pas nouvelle, mais elle s'est répandue et est mieux encadrée : les studios de
tatouage et de piercing se sont professionnalisés, avec un meilleur contrôle de l'hygiène
notamment. La mode a fait le reste : dans le choix des dessins ou la localisation sur le corps, le
tatouage et le piercing apparaissent comme de nouveaux “bijoux” qu'on arbore au nombril, à la
cheville ou au creux de l'épaule.
“Les tatouages concernent plutôt les 18-20 ans, note Marion Haza. Les adolescents choisissent en
majorité le piercing.” Et les filles, davantage que les garçons : “Elles sont sensibles à ce qui à trait à la
représentation du corps.”
Les deux pratiques restent normalement interdites aux moins de 18 ans, sans accord parental. Mais
justement, le regard de la société a lui aussi changé : attribut des punks ou d'autres groupes
marginaux il y a quelques années, le piercing est devenu “tendance”, s'exposant même sur les
mannequins dans les défilés de haute couture.
Une affirmation de son identité et de sa différence
Tatouage ou piercing, ces attributs corporels attirent forcément les adolescents soucieux d'affirmer
leur identité et de se différencier. “Ils subissent les transformations corporelles de la puberté,
rappelle Marion Haza ; se faire faire un piercing ou un tatouage, c'est une façon de reprendre
possession de son corps, d'en retrouver la maîtrise.
Je me souviens d'une jeune fille en consultation qui se trouvait un trop grand nez, elle ne voyait que
ça ! Elle a voulu un piercing au sourcil pour détourner le regard des autres d'une partie de son corps
qui ne lui plaisait pas.”
Le piercing au nombril ou le tatouage en haut de la fesse qui dépasse du jean érotisent le corps de
l'adolescente. “Elles entrent vers 14-15 ans dans le jeu de la séduction. Souvent aussi, c'est une
façon de montrer son appartenance au groupe : on s'habille pareil, et on va, à trois ou quatre
bonnes copines, se faire faire le même jour, le même piercing, au même endroit.”
La scarification exprime une souffrance profonde
“Sauf à parler de body art, pratique qui ne touche pas le public adolescent, ou de coutumes tribales
sur d'autres continents, la scarification n'a rien à voir avec le tatouage ou le piercing, précise Marion
Haza.
C'est une pratique qui marque une détresse, une souffrance profonde.” Elle touche en majorité les
filles, âgées de 13 à 16 ans, en proie à un mal-être qu'elles n'arrivent pas à exprimer autrement :
elles se coupent sur les avant-bras ou sur d'autres parties du corps pour soulager, de façon illusoire et
temporaire, leur détresse. “Leur corps devient le seul lieu, au plus près d'elles, pour exprimer leur
souffrance”, explique Marion Haza.
Ce mal-être s'associe à d'autres symptômes comme la fugue, la prise d'alcool ou la tentative de
suicide. “Il y a vingt ans, les jeunes filles faisaient des crises de spasmophilie. Aujourd'hui, on en voit
moins. Les scarifications ont pris le relais, comme si à notre époque de surmédiatisation de l'image
du corps, la façon d'exprimer sa souffrance avait changé de modalité, en lien avec l'évolution de la
société.”
Education des enfants : comment réagir si votre ado veut un piercing ou un tatouage ?
Avant d’accepter, ou de refuser, que votre ado se fasse poser un piercing ou faire un tatouage, une discussion, voire une
négociation, est nécessaire. Elle lui permettra de réfléchir, au-delà de son envie immédiate, aux effets produits par cette
marque sur son corps. Les conseils de Marion Haza, psychologue.
Discuter avec son enfant
Certains parents sont familiers des tatouages ou des piercings qu'ils ont vu apparaître quand ils
étaient adolescents. Ils en portent parfois eux-mêmes. Pour d'autres, ces pratiques vont à l'encontre de
leurs idéaux ou de leur propre apparence. Dans chaque cas, toute demande de la part d'un
adolescent implique une discussion. Elle peut déboucher sur un accord, un compromis… ou un
conflit.
Les parents peuvent tolérer par exemple un piercing au nez, mais refuser le piercing sur la langue,
trop intrusif. Le choix du dessin d'un tatouage et sa localisation demandent réflexion : trop visible ou
inquiétant, il peut faire obstacle à l'exercice d'un métier plus tard.
Evoquer les conséquences de son choix
“Le piercing pose moins de problème que le tatouage, résume Marion Haza. Il procure un look
temporaire dont l'adolescent pourra se défaire quand il n'en aura plus besoin pour s'affirmer. Certains
ados en font d'ailleurs un usage tout à fait approprié au contexte, au lieu, à l'occasion ou au
groupe. Je me souviens d'un garçon qui portait plusieurs piercings au visage et qui m'avait dit :
“Quand je vais voir mes grands-parents, je les enlève tous parce que mon grand-père a fait la guerre,
je ne veux pas le choquer avec ça.”
Faire disparaître un tatouage est plus délicat. Enfin, si les règles d'hygiène sont aujourd'hui
respectées dans les studios professionnels, les parents doivent alerter leurs adolescents contre les
perceurs itinérants (surtout l'été, sur les plages). Ils travaillent sans stériliser les ustensiles ou ne
les changent pas entre les clients.
Piercings, tatouages, scarifications à l’adolescence : quand doivent-ils alerter les parents ?
Le magazine des années collège
Vous étiez d’accord pour un piercing ou un tatouage… discret. Mais que faire si votre ado les
multiplie et éprouve le besoin d’en rajouter sans cesse ? Comment réagir, très vite, si vous
apercevez des scarifications sur son corps ? Les conseils de Marion Haza, psychologue.
Attention à la multiplication des tatouages ou des piercings
Pas de quoi s'inquiéter de la pose d'un piercing au nombril ou d'un tatouage discret en forme de
papillon au creux de la cheville. Mais si un adolescent multiplie les piercings ou recouvre sa peau de
nouveaux tatouages, il faut intervenir. “Si l'adolescent entre dans un processus sans fin de
multiplication de ces attributs, avec le besoin d'en rajouter sans cesse pour s'affirmer, il faut s'en
préoccuper, confirme Marion Haza.
On peut alors parler d'attaque corporelle, de violence contre soi, comme dans le cas des
scarifications. C'est le signe d'un mal-être, d'une souffrance : difficulté identitaire, difficulté de
relation aux autres, état dépressif….” Ce comportement s'accompagne parallèlement chez l'adolescent
d'autres conduites de recherche des limites, dans l'alcool, les drogues…
Il ne s'agit pas de s'affoler au troisième piercing ! “Une jeune fille de 20 ans qui s'est fait faire quatre
tatouages parce que, esthétiquement, elle trouve cela beau, ce n'est pas inquiétant, commente Marion
Haza. Il faut surveiller les dérives, l'usage qui est fait de ces pratiques, c'est tout.
Des scarifications cachées par les adolescents
Les adolescents qui ont recours aux scarifications se cachent. Les jeunes filles portent des manches
longues en plein été, ou des étages entiers de bracelets qu'elles n'enlèvent jamais. “Ils ne sont
absolument pas dans la provocation, souligne Marion Haza.
C'est pourquoi, cela ne sert à rien de les punir. C'est très différent du fait d'enfreindre l'interdiction de
fumer par exemple.” Apercevoir ces blessures, pour des parents, peut être extrêmement choquant,
d'une violence douloureuse.
Des blessures à prendre absolument en compte
“Pourtant, si l'adolescent les laisse entrevoir, il ne faut surtout pas les ignorer, préconise Marion Haza.
Il faut surmonter sa douleur, pouvoir lui dire son inquiétude : ‘Je vois que tu vas mal, qu'il y a un
problème, je suis inquiet pour toi.’ Et l'orienter vers un professionnel (un médecin, un psychologue)
pour lui venir en aide.”
Ces blessures ne sont jamais montrées par hasard. C'est toujours un appel au secours. Elles
peuvent être discrètement dévoilées à un adulte proche en qui l'adolescent a confiance, une prof de
danse, une marraine, une tante. L'adulte doit réagir. “La scarification n'est pas un acte anodin, ce
n'est pas non plus un phénomène de mode. Elle cache une souffrance singulière à laquelle il faut
venir en aide.”
Le 10 juin 2011 Sophie Coucharrière
http://www.vosquestionsdeparents.fr/dossier/945/psychologie-de-lenfant-pourquoi-les-ados-marquent-ils-leur-corps/