Édition 2011-05-01 (PDF document)
Transcription
Édition 2011-05-01 (PDF document)
Numéro 65 - mai - juin 2011 Les NOUVELLEs ROUMANIE de SOMMAIRE A la Une Schengen, Nucléaire Lybie, Wikileaks Lettre d’information bimestrielle 2 et 3 4 et 5 L Actualité Vie internationale Moldavie Politique Economie Social 6 à 11 11 et 12 13 à 16 17 à 19 Société Evénements 20 et 21 Vie quotidienne 22 à 24 Faits divers, Enseignement 25 à 27 Santé, Sports 28 Carnet 29 Dossier Magyars 30 à 39 Minorités 40 Religion, Environnement 41 à 42 Insolite 43 Connaissance et découverte Centenaire Cioran Livres Cinéma, Musique Tourisme Patrimoine, Médias Francophonie, Echanges Humour, Abonnement Coup de coeur Le désamour franco-roumain 44 à 49 50 et 51 52 et 53 54 et 55 55 56 et 57 58 et 59 60 a France, et surtout les Français, sont un sujet de curiosité permanent pour la presse roumaine, même si les liens avec les Roumains se sont distendus depuis une dizaine d'années. Il ne se passe guère de jours sans que leur actualité ne soit commentée. A coup sûr, avec les USA, la France continue à occuper la première place dans les chroniques réservées à l'étranger. Chaque initiative de Nicolas Sarkozy y est rapportée, provoquant étonnement ou haussement d'épaule. Que ce soit la sortie d'un film à Paris, la controverse hexagonale provoquée par un livre, la polémique déclenchée par le voile islamique, les grèves qui paralysent le pays, les emportements de Brigitte Bardot sur la condition animale, tout est prétexte à exégèse… avec souvent un sourire en coin. Ah ces enfants gâtés, qui ont la chance d'avoir plein de caprices ! Mais dernièrement cette - finalement - bienveillance s'est transformée en incompréhension à la suite de la position intransigeante de Paris, refusant l'ouverture de l'Espace Schengen à la Roumanie au 1er mars dernier, ainsi qu'il était initialement prévu. Certes, aujourd'hui, une solution progressive semble se dessiner et la France calme le jeu. Mais, même si cette rebuffade avait finalement assez peu de conséquences pratiques, la brutalité de son annonce a blessé les Roumains, surtout venant de la part du pays qui se présentait comme son meilleur ami… et est, tout à coup, passé dans l'opinion publique au rang de nation la plus hostile, juste près la Russie ! Si bien des arguments avancés par Paris ont leur raison d'être - notamment le sérieux doute émis, au vu de la corruption et l'incompétence ambiantes, sur la volonté et la capacité de Bucarest de faire entrer en application les mesures impliquées par Schengen - leur présentation a été pour le moins malheureuse. Privés de liberté pendant des décennies, notamment celle de se déplacer sans contraintes, les Roumains sont particulièrement sensibles à tout ce qui touche à se sujet. Que ce coup de Jarnac vienne de la France, leur est apparu encore plus douloureux. Aujourd'hui, les deux pays semblent entrés dans une relation du type "Je t'aime… moi non plus" ! Pour autant, l'intérêt des Roumains à l'encontre de la France n'a pas faibli. Et, récemment, c'est un jeune homme de 93 ans qui a encore attiré leur attention. Le cri du cœur de Stéphane Hessel, "Indignez-vous", et son succès de vente phénoménal dans l'Hexagone ont conduit nombre d'éditorialistes de Bucarest à s'interroger: les Français, jugés imprévisibles, déconcertants, seraient-ils donc prêts à reprendre la Bastille? A moins que, non pas deux siècles mais vingt ans après leur "Révolution", cette exhortation ne montre la voie aux Roumains dont, selon un sondage, la désespérance conduirait 41 % d'entre eux à voter pour Ceausescu aujourd'hui. Henri Gillet 1 A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE Schengen l l ORADEA CLUJ l BAIA MARE ARAD IASI La Roumanie fait payer les pôts cassés aux entreprises françaises l l l TIMISOARA GALATI l BRASOV PITESTI CRAIOVA l l TULCEA l n BUCAREST l CERNAVODA l Un malaise s'installe dans les relations franco-roumaines après les crispations sur le dossier de l'entrée de la Roumanie dans l'Espace Schengen, bloqué par Paris. Plusieurs contrats de grande envergure qui devaient cimenter les rapports entre les deux pays viennent de partir en fumée. Le constructeur de routes Colas, qui appartient au groupe Bouygues, s'est vu résilier par les autorités roumaines un contrat de plus de 200 M€. S Le Président Basescu sur le site de la centrale nucléaire de Flamanville, dans le Cotentin, en mai 2009. La Roumanie rejoint le Pacte pour l'euro 22 2 Nucléaire A la Une Tous les quarante ans, la région est secouée par un tremblement de terre… CHISINAU l SIBIU l l l SUCEAVA TARGU MURES Pour Bucarest, la France est devenue un pays hostile Les NOUVELLES de ROUMANIE La Roumanie, ainsi que cinq autres pays non membres de la zone euro, ont rejoint lors du sommet de Bruxelles de mars le Pacte pour l'euro destiné à éviter de nouvelles crises de la dette, mais gardera sa politique fiscale. L'harmonisation fiscale promue par le Pacte Euro + "ne signifie pas que nous devons avoir tous le même niveau de taxes" a déclaré le Président Basescu , "la Roumanie n'y aurait jamais adhéré si son droit de garder le taux unique d'imposition avait été mis en question". Bucarest a adopté en 2005 une réforme fiscale basée sur l'introduction d'un taux unique d'imposition (flat tax) de 16% sur les bénéfices des compagnies et les revenus des particuliers, considéré par ses auteurs comme un atout dans ses efforts pour attirer des investissements étrangers et par ses détracteurs comme creusant encore plus le fossé social et les injustices. Adopté à la demande de Berlin, le Pacte Euro + prévoit que les Etats limitent strictement leur dette publique ou plaident pour la modération salariale. Berlin y voit un gage de discipline commune et en a fait une condition pour accepter d'aider financièrement les Etats en difficulté. igné en 2009, ce contrat devait financer la construction d'une partie de l'autoroute qui relie Bucarest à Constantsa. La ministre roumaine des transports, Anca Boagiu, proche du président Traian Basescu, n'a pas été tendre envers la société française. "Je ne peux pas discuter avec des interlocuteurs qui ne travaillent pas mais qui demandent 8 millions d'euros de plus pour des travaux qu'ils n'ont même pas entamés, a-t-elle déclaré le 11 avril lors d'une conférence de presse. Ceux qui veulent travailler en Roumanie sont les bienvenus, les autres n'ont qu'à partir". De son côté, Colas jette la pierre aux autorités roumaines, qui n'ont pas résolu le problème d'un site archéologique découvert en 2009 sur le tracé de la future autoroute. "Colas est empêché de réaliser les travaux, car la société est en attente de réponses aux propositions techniques et financières d'un nouveau tracé", précise un communiqué de l'entreprise française. "Je les ai avertis depuis un mois, contre-attaque la ministre Anca Boagiu. Cela fait maintenant sept mois qu'ils n'ont rien fait, ils n'ont même pas répondu à nos propositions". Depuis quelques jours, le ton ne cesse de monter entre les autorités roumaines et le constructeur français. Colas a décidé de se retirer de Roumanie, laissant derrière lui 4 000 chômeurs. Cette mésaventure n'est que la dernière d'une longue liste qui fait état d'une profonde détérioration des relations franco-roumaines. En janvier, l'entreprise GDF-Suez s'est dissociée elle aussi d'un consortium qui devait assurer la mise en fonction de deux nouveaux réacteurs de la centrale nucléaire de Cernavoda, ville située au sud-est de la Roumanie. Les retombées de Schengen Le 21 décembre 2010, Paris et Berlin avaient envoyé une lettre à la Commission européenne pour demander le report de l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l'espace Schengen, qui aurait dû avoir lieu en mars 2011. "Si la base de données de l'espace Schengen tombe dans les mains de criminels organisés internationaux, c'est toute la sécurité interne européenne qui s'efface", justifiait, le 20 janvier, le ministre des affaires européennes, Laurent Wauquiez, lors d'une conférence de presse. L'attitude de Paris a froissé les sensibilités roumaines, d'autant plus que, en 2008, les présidents Nicolas Sarkozy et Traian Basescu avaient signé à Bucarest un partenariat stratégique entre les deux pays, une première en Europe de l'Est. Mais, depuis, la Roumanie ne s'est pas pressée d'encourager les investissements français. En avril 2010, le consortium Vinci-Aktor abandonnait le projet d'une autoroute roumaine estimée à 1,5 milliard d'euros. Doté d'un tempérament à la hauteur de celui de son homologue français, le président Traian Basescu a progressivement durci le ton à l'encontre d'une France qu'il perçoit de plus en plus comme un pays hostile. Pendant que se multiplient à Paris les tirades sur le peu de sérieux de la Roumanie, à Bucarest les portes pour les investissements français se ferment petit à petit. L'incapacité manifeste des présidents roumain et français à communiquer risque d'endommager le fort tissu économique que les deux pays ont su tisser ces vingt dernières années. Mirel Bran (Le Monde) L'inquiétante centrale nucléaire de Cernavoda La nuit, la vue est féerique. Des milliers de lumières illuminent la petite colline qui surplombe le Danube, à une soixantaine de kilomètres avant que le fleuve se jette dans la mer Noire. Mais quand le soleil se lève, la magie n'opère plus. Cernavoda, ville située à 160 kilomètres à l'est de Bucarest, montre son véritable visage. D es HLM dessinent une ligne grisâtre sur les rives fait beaucoup de dégâts. du fleuve. Sur quelques routes défoncées et pous"Nous n'avons aucun problème de sécurité nucléaire, a siéreuses défilent de vieilles voitures et des véhiassuré le directeur de la centrale, Ionel Bucur, lors d'une confécules tout-terrain dernier cri, et de temps à autre des carrioles rence de presse le 23 mars, organisée une dizaine de jours transportant des Roms. A la sortie de la ville, dans les champs après le séisme japonais. En termes de sécurité, notre centraabandonnés, quelques bergers et leurs troupeaux de moutons le figure parmi les premières au niveau mondial. Nos installacontemplent les réacteurs géants de la centrale nucléaire. Deux tions sont fiables, le personnel est compétent et le résultat des sont déjà en fonction, trois autres évaluations est très bon". restent en chantier. Ce tableau rassurant est L'accident nucléaire de la contesté par la maire de centrale japonaise de Fukushima Cernavoda, Mariana Mircea. ne semble guère perturber les Cette femme, qui semble faire 20 000 habitants de Cernavoda cavalier seul, ne mâche pas ses qui affichent un mélange de résimots pour exprimer son inquiétugnation et d'impuissance. "Que de. Et elle sait de quoi elle parle. voulez-vous qu'on y fasse !, s'exDe 1990 à 2001 elle a travaillé clame le vieil Ilie, un œil sur ses dans la centrale, au titre du moutons. Tout ça est au-dessus de Département de la sécurité nationos têtes". nale. Au début des années 1980, "J'ai démissionné, expliquelorsque Ceausescu décida de Cernavoda : 100 000 ans de déchets nucléaires t-elle. A l'intérieur de la centrale, pour le bateau de Greenpeace dépêché sur les lieux. on communique comme à l'extédoter son pays d'une centrale nucléaire, ils n'ont rien pu faire pour l'en empêcher. Le pays rieur, c'est-à-dire que tout va bien. Après ce qui vient de se était verrouillé par la police politique et le Conducator avait passer au Japon on aurait dû réunir les spécialistes et définir promis aux habitants que cette centrale serait la plus sûre du des procédures en cas d'urgence. Les employés de la centrale monde. Contrairement aux autres pays du bloc communiste, savent comment se protéger, mais rien n'est fait pour la popueux aussi désireux de produire leur énergie grâce au nucléaire, lation de Cernavoda. Les événements du Japon devraient nous il avait refusé la coopération avec Moscou et s'était tourné vers servir d'exemple". les Canadiens et la technologie de type CANDU, à base d'uranium non enrichi et d'eau lourde pressurisée. A plus long Le directeur de la centrale a le pouvoir terme, cette technologie devait permettre de fabriquer une de destituer le maire s'il proteste trop bombe. Mais Ceausescu disparaîtra sans réaliser son rêve de disposer de l'arme atomique. L'année dernière, la maire avait présenté un projet d'un centre de commande pour assurer la communication en cas de 20 % des besoins en énergie du pays désastre. Estimé à deux millions d'euros, il n'a jamais vu le jour, les autorités nationales n'ayant pas d'argent et la centrale A Cernavoda, le chantier des cinq réacteurs de la centrale nucléaire refusant de le financer. est alors arrêté. La Roumanie connaît une longue transition "On fait des soi-disant simulations d'accidents, déplore économique et politique aggravée par des pénuries. C'est seuMariana Mircea. Voilà comment ça se passe: je reste dans lement en 1996 que le premier des cinq réacteurs entre en mon bureau et j'attends une télécopie de la centrale qui me dit fonction. Le deuxième suit en 2007. Les deux unités assurent d'évacuer la population. Je veux bien l'évacuer, mais avec environ 20 % des besoins en énergie de la Roumanie. quoi? Nous n'avons pas de fonds pour une telle opération. Par Mais les questions quant à la sûreté de la centrale se mulailleurs, les communications par télécopie seront coupées. tiplient depuis la catastrophe de Fukushima, d'autant qu'elle L'année dernière, le Danube a inondé la ville et je me suis est construite dans une zone sismique. En moyenne, la retrouvée sans télécopie, sans téléphone fixe, sans réseaux Roumanie est secouée tous les quarante ans par un tremblemobiles et sans électricité… Le nucléaire est très rentable", ment de terre dont l'épicentre se trouve dans la région de conclut-elle. “D'ailleurs, le directeur de la centrale m'a dit de Vrancea, à une centaine de kilomètres au nord de Cernavoda. me calmer parce qu'il a le pouvoir de destituer un maire...". Le dernier, qui a eu lieu en 1977 avec une magnitude de 7,2, a (Lire la suite page 4) 22 3 A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE Roumanie-Libye l l ORADEA CLUJ l BAIA MARE ARAD IASI CHISINAU l l l TIMISOARA GALATI l BRASOV PITESTI CRAIOVA l l l l TULCEA n BUCAREST (Suite de la page 3) "Arrangements" entre amis ? 4 "Mon frère ! Tu seras mon frère pour toute la vie" Kadhafi : "Un Ceausescu africain" l SIBIU l l l SUCEAVA TARGU MURES A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE Le gouvernement roumain voudrait mettre en fonction les autres réacteurs de Cernavoda. Mais les trois entreprises associées au projet - GDF Suez, l'allemande RWE et l'espagnole Iberdrola - se sont retirées en janvier 2011. Car les problèmes ne manquent pas. Ainsi, en 2008, la centrale de Cernavoda avait dû remplacer 300 amortisseurs censés stabiliser les réacteurs en cas de séisme. Un appel d'offres avait été lancé, sous condition : les sociétés intéressées devaient notamment afficher un chiffre d'affaires d'au moins dix millions d'euros, censé garantir leur sérieux. Remplissant cette clause, la société allemande Lisega, reconnue pour son expertise, avait fait acte de candidature. Mais au dernier moment, le gouvernement a supprimé cette condition liée au chiffre d'affaires et proposé le contrat à la société roumaine Titan Echipamente Nucleare, société qui affichait en 2007, des pertes de plus d'un million d'euros. Lisega a contesté la décision, mais les autorités de Bucarest ont donné raison à la société roumaine. Récemment, Ionel Blanculescu, exchef du groupe de contrôle du premier ministre au début des années 2000, a lui aussi émis des doutes quant au choix de Titan Echipamente Nucleare. Malgré tout, le gouvernement roumain a indiqué vouloir construire une deuxième centrale, qui devrait voir le jour dans le centre du pays. Mais depuis Fukushima, rien n'est moins sûr. La Roumanie a exprimé de fortes réticences face aux opérations militaires en Libye. Une position qui s'explique peut-être par l'histoire des relations très particulières entre les deux pays. Ceausescu cultivait l'amitié de son "frère" Kadhafi. La Libye aurait proposé à la Roumanie de financer la fabrication d'une bombe atomique, et Bucarest exportait toujours, ces dernières années, des armes vers Tripoli... L a Libye plutôt que la France? La position de la Roumanie à l'égard de la Libye a été plus que prudente. Mi-mars, à la fin du Conseil Européen dédié à la situation dans ce pays, le Président Traian Basescu avait déclaré que la Roumanie s'était opposée à une intervention militaire et à la reconnaissance du Conseil National de Transition, l'opposition libyenne. La presse roumaine avait ensuite souligné que les prises de position du président roumain avaient énervé Nicolas Sarkozy, la chancelière allemande Angela Merkel devant intervenir pour calmer les esprits... Au début des bombardements français, le président roumain a fait une apparition à la télévision publique TVR pour expliquer la position de la Roumanie. Beaucoup de Roumains ont revécu l'époque des excellents rapports qu'entretenaient Nicolae Ceausescu et son "frère" Muammar Kadhafi, ainsi que la grande collaboration entre les services secrets des deux pays. Traian Basescu a déclaré qu'il n'avait aucune raison de se prononcer sur la situation en Libye. Il avait toutefois souligné que la Roumanie "respectait la résolution de l'ONU", ajoutant que Bucarest s'exprimerait lorsque le plan des opérations de l'Otan aura été approuvé. grande quantité de ces passeports en échange de passeports américains et occidentaux de contrefaçon". À partir de 1974, écrit Pacepa, une intense collaboration aurait commencé entre les deux services d'espionnage sur, par exemple, l'échange de passeports étrangers. "Pour l'organisation d'actions terroristes sous drapeau étranger (qui impliqueraient le régime de Tripoli) en Occident, le service d'espionnage libyen avait créé une vaste collection de passeports confisqués ou volés à des étrangers qui voyageaient ou travaillaient en Libye. La direction des informations étrangères roumaine a obtenu une grande quantité de ces passeports en échange de passeports américains et occidentaux de contrefaçon". Bombe nucléaire et armes bactériologiques Selon Ion Pacepa, l'homme fort de Tripoli aurait en outre proposé à l'État roumain de financer la production roumaine d'armes bactériologiques et d'une bombe nucléaire de dimensions réduites. Le sujet d'une présumée collaboration nucléaire a été approfondi par la revue Historia qui rappelle la collaboration exceptionnelle entre Ceausescu et Kadhafi non seule- Une photographie brute qui laisse un goût amer Des centaines de bourses pour les étudiants libyens Alors que Bucarest était suspendue aux décisions de l'Otan, la presse dépoussiérait les souvenirs de ceux qui connaissent l'amitié entre Ceausescu et Kadhafi, écrivant beaucoup sur la mégalomanie, la paranoïa et l'obstination qui caractérisaient communément Ceausescu et le leader libyen. "Un Ceausescu africain", ont titré certains journaux, "qui risque aussi de finir fusillé". Jusqu'au dernier moment, Ceausescu avait rejeté la responsabilité des évènements aux "agenturile straine", les forces étrangères. De même, le colonel Kadhafi s'est posé en victime de complots étrangers. Dans son livre, Orizonturi Rosii (Horizons Rouges), Ion Mihai Pacepa, ancien directeur-adjoint des services roumains, expatrié aux EtatsUnis depuis 1978, où il vit toujours sous une fausse identité, écrit qu'après avoir reçu un cadeau de Ceausescu, le colonel Kadhafi s'est exclamé: "Mon frère ! Tu seras mon frère pour toute la vie". En visite à Tripoli, Ceausescu lui avait offert un manuscrit original de la première traduction roumaine du Coran dans une boîte en argent. Par la suite Ceausescu ne cessa de spéculer sur l'égocentrisme de Kadhafi en lui offrant coup sur coup des centaines de bourses d'étude pour les étudiants libyens intéressés d'étudier en Roumanie, en envoyant des professeurs en Libye pour aider à éradiquer l'analphabétisme, construire un hôpital, etc… À partir de 1974, écrit Ion Pacepa, une intense collaboration aurait commencé entre les deux services d'espionnage sur, par exemple, l'échange de passeports étrangers. "Pour l'organisation d'actions terroristes sous drapeau étranger (qui impliqueraient le régime de Tripoli) en Occident, le service d'espionnage libyen avait créé une vaste collection de passeports confisqués ou volés à des étrangers qui voyageaient ou travaillaient en Libye. La direction des informations étrangères roumaine a obtenu une ment sur le plan économique, mais aussi sur le développement d'un projet nucléaire. "Un an après l'ouverture de l'ambassade de Roumanie à Tripoli en avril 1974, les rapports économiques entre les deux États étaient florissants. La Libye comptait 14 entreprises et 11 000 travailleurs roumains. Grâce aux accords avec la Libye, la Roumanie fut l'un des seuls pays à s'en sortir, lors de la crise pétrolière de 1973. Elle a pu importer plus d'un million de tonnes de pétrole de la Libye. Entre 1974-1980, les échanges commerciaux dépassaient le milliard de dollars", rapporte Historia. Or, la collaboration entre la Roumanie et la Libye ne tient pas que du passé. Selon un télégramme diplomatique de 2008 publié par WikiLeaks, une compagnie roumaine aurait exporté des armes automatiques en Libye après que Londres ait refusé de délivrer une licence à une compagnie britannique, craignant que les armes ne finissent dans des zones sensibles. Ces derniers temps, d'autres informations sont apparues : les journaux arabes indiquaient la présence de Roumains parmi les mercenaires qui défendaient le régime de Kadhafi. Mihaela Iordache (Osservatorio Balcani e Caucasio) Traduit par Mandi Gueguen (Le Courrier des Balkans) "Tel pays… tel WikiLeaks !" V ia WikiLeaks, la presse roumaine a dévoilé quelques uns des 1200 télégrammes diplomatiques provenant de l'ambassade américaine à Bucarest, révélant les dessous peu ragoutants du comportement des politiciens et nomenklaturistes roumains. Tel pays, tel WikiLeaks!" titre Revista 22, alors que des câbles diplomatiques sur la Roumanie sont publiés depuis début mars dans la presse roumaine. Entre "le feuilleton Geoana", le chef du Parti social-démocrate (PSD, ex communistes), l'actuel président du Sénat, qui prétend être "le meilleur homme politique" du pays et qui "utilise l'avion d'un magnat roumain pour se rendre à Moscou", et les dossiers sur la corruption de l’ancien Premier ministre Adrian Nastase (PSD), ce véritable "cablegate de la Dâmbovita" (rivière qui traverse Bucarest) offre "une photographie brute et laisse un goût amer", affirme l'hebdomadaire roumain. "Quelle faune, quelle bêtise, quelle corruption! La vraie Roumanie est un Etat que se sont partagés quelques oligarques qui contrôlent les finances et les médias, et des hommes politiques pour lesquels l'intérêt national ne sert que de monnaie d'échange !". La lecture de ces télégrammes révèle que les autorités américaines avaient dressé un top 5 des principaux oligarques de Roumanie (Patriciu, Vintu, Voiculescu, Niculae, Becali), lesquels complotent contre Basescu, alors que Tiriac, comme à son habitude, mange à tous les râteliers. On apprend aussi que les réseaux du crime organisé en Roumanie travaillent main dans la main avec les autorités, ou encore que les risques de corruption dans le secteur énergétique roumain sont grands et que Bucarest est un centre mondial important du vol de bancomat, phishing, carte de crédit. D'autres documents publiés indiquent que les Américains craignaient une arrestation de l’homme le plus riche du pays, Dinu Patriciu, dans le dossier Rompetrol, en 2005, et comptait sur le président Basescu pour en dissuader le procureur général, car les USA redoutaient un scénario identique au procès du Russe Mikhail Khodorkovsky, ex-patron de la compagnie pétrolière Yukos. Un président Basescu, très complaisant vis-à-vis des Américains, utilisant volontiers un double langage vis-à-vis de l'UE, ou même de ses compatriotes, lors de la mort du populaire chanteur Teo Peter en 2004 dans un accident de voiture provoqué par un soldat américain, leur promettant que le responsable serait jugé et emprisonné en Roumanie, tout en assurant du contraire Washington. Lorsque le Parlement roumain votera sa destitution - qui tournera à la confusion de ses auteurs, à la suite d'un référendum, en mai 2007 - Train Basescu ira d'ailleurs pleurer sur l'épaule de l'ambassadeur, tout surpris de le voir arriver au volant de sa voiture alors qu'il a commencé à noyer son chagrin dans l'alcool. Ce penchant de plus en plus prononcé du Président pour la boisson inquiète les Américains, tout comme sa trop voyante liaison avec sa pulpeuse conseillère, la blonde Elena Udrea, surnommée "Présidential Paramour", avec laquelle il vit quasiment en concubinage au palais de Cotroceni et devenue aujourd'hui ministre du Tourisme. (Lire la suite page 6) 22 5 Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Eurodéputé corrompu et piégé Vie internationale l l SAPANTA SUCEAVA l l ORADEA ARAD l l SIBIU TIMISOARA BOTOSANI l l BAIA MARE ZALAU CHISINAU l l l BRAILA PLOIESTI l l CRAIOVA l n CONSTANTA BUCAREST l (Suite de la page 5) Chantage US: visas contre adoptions 6 Moldavie L e journal britannique The Sunday Times a révélé que trois élus européens (le Roumain Severin, l'Autrichien Strasser et le Slovène Thaler) s'étaient déclarés prêts, devant des journalistes qui se sont présentés comme des lobbyistes, à faire passer des amendements ciblés pour des sommes allant jusqu'à 100 000 euros par an. Selon l’hebdomadaire, Adrian Severin, 57 ans, ancien ministre des Affaires étrangères, eurodéputé PSD (Iliescu-Nastase) a envoyé un courriel aux journalistes faux lobbyistes, écrivant: "Juste pour faire savoir que l'amendement que vous souhaitiez a été déposé à temps". Il leur a ensuite envoyé une facture de 12 000 € pour "services de conseil". Une enquête a été ouverte par le Parlement européen suite à la publication de cet article. Adrian Severin a de Adrian Severin sait bien profiter de son mandat européen. son côté affirmé n'avoir rien fait d'illégal et n'a pas l'intention de démissionner. Il a d'ailleurs demandé au Parlement européen de prendre des mesures contre ces journalistes, et réfléchit à les attaquer en justice. Severin a néanmoins décidé de quitter provisoirement ses fonctions au sein des instances dirigeantes du Parti social-démocrate. La direction nationale anti-corruption roumaine a décidé d'autosaisir le dossier et d'ouvrir une enquête. Les diplomates américains se plaignent également de voir le prix des chambres d'hôtels bondir de 60 %, lors du sommet de l'OTAN en avril 2008. Mais Wikileaks aborde des sujets plus sérieux: les USA se livrent à un véritable chantage, faisant des pressions constantes pour que la Roumanie lève ses entraves aux adoptions internationales, promettant, en échange, d'asElena Udrea, au centre de UE : 75 M€ d'amendes pour Bucarest souplir le régime de déli- toutes les controverses (Vali). vrance de ses visas. ruxelles a condamné la Roumanie à une amende de 75 M€ pour ne pas avoir S'ils apprécient Mircea Geoana, mené à bien la révision de son cadastre, ce qui ne permet pas d'identifier les ministre des Affaires étrangères justerres agricoles qui ont reçu des subventions européennes en 2008. Après qu'aux dernières élections et ancien vérification, il est apparu que 30 % des superficies déclarées n'existaient pas. ambassadeur à Washington, pour Dans la pratique, Bucarest ne recevra pas l'équivalent de cette somme dans les subson américanophilie, ils regrettent sa ventions prévues pour les prochaines années. C'est le budget de l'Etat roumain qui sera faiblesse de caractère. Son actuel pénalisé et non les paysans qui recevront les aides promises. La Roumanie avait déjà été successeur, Teodor Baconschi, sanctionnée à hauteur de 45 M€, l'an passé, pour le même problème portant sur l'année ancien ambassadeur en France, est 2007. Pour ses deux premières années en tant que membre de l'UE, elle a reçu un total qualifié d'"utile" pour les USA, mais 120 M€ d'amendes au titre de l'agriculture. trop grand défenseur de l'église Le commissaire européen qui a signé ces mesures punitives n'est autre que l'ancien orthodoxe au détriment des autres. ministre de l'agriculture roumain (formé en France - Rennes et Montpellier- et marié à Enfin, on apprend que Monica une Bretonne), Dacian Ciolos, 42 ans, natif de Zalau ! Macovei a été évincée de son poste de ministre de la Justice de Basescu Un nouvel ambassadeur belge afin de mettre un terme aux actions engagées contre la corruption, tout e gouvernement roumain a donné son comme sont révélés les bâtons mis agrément à la désignation de Philippe dans les roues des procureurs de la Beke comme ambassadeur, a précisé le Direction Nationale Anti-corruption Service public fédéral (SPF) Affaires étrangères par l'Etat lui-même. dans un communiqué. Né en 1954 et entré dans la En conclusion, un ambassadeur carrière en 1985, Philippe Beke est licencié en hisaméricain note: "Mais le problème toire et possède une licence spéciale en droit intern'est-il pas le cerveau des Roumains: national et européen. Il a été successivement en c'est l'avenir de leurs enfants qui est poste à Bangkok, au Caire, à Milan, à Bruxelles en cause, même s'ils ne croient plus (UE) et ambassadeur à Sofia. Il était jusqu'il y a peu dans leur pays !". affecté à l'administration centrale belge. B L "On ne caresse pas l'âme d'un gamin avec des téléphones portables" Les enfants des migrants entre désespoir et vêtements de marque IASI BRASOV l Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Comme les Roumains, les Moldaves se sont dispersés dans le monde à la recherche d'une vie meilleure. Le nombre de migrants moldaves se chiffre entre 400 à 700 000 personnes pour une population restée au pays d'un peu plus de trois millions d'habitants. Selon d'autres sources, ils seraient un million. C'est comme si 20 millions de Français avaient déserté leur pays…Si ces émigrés ont en charge les familles laissées derrière eux, ils contribuent aussi à alimenter le budget national par les rentrées de devises qu'ils apportent. Mais c'est oublier le coût affectif subi par des enfants qui se retrouvent seuls, devenus orphelins. D ans le district de Calarasi, on compte 920 enfants dont un parent est à l'étranger et 530 dont les deux sont partis. Angela Popescu, assistante sociale dans le village de Varzarestii Noi, affirme qu'environ 270 personnes travaillent en Russie, Italie, Portugal, France, etc. "Je visite souvent leurs enfants, ils ont une bonne situation financière, mais on ne caresse pas l'âme d'un enfant avec de l'argent. Ils ont les téléphones portables les plus performants, des ordinateurs, ils portent des vêtements de marque. Certains ont même une voiture qu'ils conduisent seulement dans le village, car ils n'ont pas encore l'âge requis pour avoir un permis de conduire. Mais la tristesse ne disparaît pas dans leurs yeux". Selon Angela Popescu, ces enfants ont de la peine à maitriser les larmes lorsqu'ils commencent à parler de leurs parents. Certes, pour ces derniers, ces gestes et cadeaux sont des preuves d'amour, mais ils ne remplacent pas leur présence. C'est, par exemple, le cas de Lenuta, une fillette de Sipoteni. Elle a vu sa mère voici six ans, revenue au pays pour quelques semaines. Celle-ci est repartie travailler en Italie. Lenuta avait seulement six ans. Depuis, c'est un de ses proches qui l'accompagne à l'école. Lors de la rentrée scolaire, elle regardait toujours avec envie les enfants qui venaient accompagnés de leurs parents. Dans la ville de Vulcanesti, des centaines de personnes ont quitté leurs maisons pour aller travailler à l'étranger. La plupart sont en Turquie, vu les affinités linguistiques entre les Turcs et les Gagaouzes. Restés à la maison, la grande majorité des enfants n'ont qu'une idée en tête… suivre l'exemple de leurs parents et partir aussi, dès qu'ils auront fini l'école. Cas de tentatives de suicide "En même temps, les enfants des migrants sont vulnérables au stress et à toute sorte de dangers sociaux", affirme Nadejda Mocan, directrice du Centre psycho-social de la ville. Leur drame est difficile à imaginer. Certains ne surmontent jamais le traumatisme de la séparation. Notre centre est intervenu dans deux cas de tentatives de suicide. Il a été très difficile de redonner le goût de la vie à ces enfants". Sans un système efficace de "comptabilisation" de la situation des enfants laissés seuls, les autorités opèrent avec des chiffres qui sont loin de la réalité et n'interviennent qu'après des abus, comme celà est arrivé quand une fillette de deux ans, vivant dans la misère, a été violée par le concubin de la femme à la charge de laquelle sa mère l'avait laissée. Contrôles théoriques aux frontières Deux garçons tous seuls depuis trois ans Les frères Ionel et Petrut du district de Rezina vivent tout seuls depuis trois ans. Leurs parents les ont laissés à la charge d'une voisine et sont partis travailler en Russie quand ils n’'avaient que 8 et 9 ans. Depuis, ils se débrouillent comme ils peuvent, avec l'aide des voisins et de l'assistant social du village. Ils chauffent eux-mêmes la maison, font le ménage. Leurs parents ne leur donnent guère de nouvelles. Comble de malchance, la voisine qui avait accepté de veiller sur eux est tombée malade et il a fallu trouver une autre villageoise pour leur faire à manger et, de temps en temps, laver leur linge. Leurs professeurs disent que ce sont de bons élèves et, à la différence d'autres enfants en situation difficile, ils ne pensent pas abandonner l'école. Il est possible que leurs parents soient privés de leurs droits parentaux, mais, malgré tout, ces enfants devenus matures avant le temps les attendent chaque jour. Ils ont tant de choses à leur raconter… Et, surtout, à les convaincre de ne plus les laisser seuls… L'Etat a mis en place un plan d'actions sur la période 20102012, censé responsabiliser les parents qui s'absentent et de localiser leurs enfants. D'autre part, les autorités proposent de simplifier la procédure d'institution de la tutelle afin que la personne qui prend en charge un enfant soit responsable de sa sécurité. Une ordonnance oblige en théorie les migrants qui disposent d'un contrat légal de travail à l'étranger à présenter à la frontière un document confirmant que leurs enfants sont bien mis sous tutelle. Mais elle est peu respectée et, en plus, la plupart de Moldaves partent à l'étranger illégalement. Selon les données du Centre d'Information et de Documentation sur les Droits de l'Enfant de Moldavie, le nombre d'enfants sans surveillance parentale est en croissance continue: en 2006 on en comptait 94 000 dont au moins un parent était à l'étranger, en 2009 ce chiffre était estimé à 135 000, soit une augmentation de 70 %. Natalia Porubin (evenimentul.md) Traduit par www.moldavie.fr 7 Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Moldavie De jeunes internautes moldaves appellent Patria : des cinémas En Moldavie, les jeunes Internautes sont de plus en plus nombreux à s'exprimer et à se mobiliser pour des causes politiques, sociales ou culturelles par l'intermédiaire de forums et autres réseaux sociaux. Ils parviennent parfois, comme ce fut le cas en 2010 suite à l'appel au boycott des cinémas Patria, à susciter l'intérêt et à influencer les pouvoirs publics. "Romanova" nouveau pays ? 8 Des télégrammes de WikiLeaks révèlent que l'Ukraine s'inquiétait en 2007 de voir des politiciens démocrates de la République de Moldavie soutenir tacitement son entrée dans l'UE en se faisant absorber par la Roumanie qui venait d'y être admise, tandis que la rive gauche du Nistru (Dniestr), la Transnistrie, lui revenait. Dans une note dénommée "Confidentiel Ukraine/ Moldavie: Transnistrie et les causes d'irritation bilatérale", il était précisé que la Moldavie et la Roumanie pourraient s'unir dans une sorte de confédération baptisée "Romanova". Produit Intérieur Brut à 4,5 milliards d'euros Le PIB 2010 de la Moldavie est très proche des 4,5 milliards d'euros, soit une croissance de 6,9 % par rapport à 2009 et de 64,9 % par rapport à 2000. Le secteur des services en représente 60,2 % en 2010 contre 63,9 % en 2009, le secteur de la production pèse 25,2 % en 2010 contre 21,8 % en 2009, les taxes perçues représentent 17,2 % du PIB 2010 contre 16,7 % en 2009. Classement Selon le classement annuel du Forum Economique Mondial portant sur 139 pays étudiés, la Moldavie se classe: 94ème en compétitivité, 97ème en infrastructures, 90ème en environnement macroéconomique, 84ème en éducation primaire et santé, 78ème en éducation supérieure et formation, 68ème en efficacité du marché du travail, 89ème en développement technologique. D écembre 2009. Un nouveau groupe invitant à boycotter tous les cinémas du réseau Patria de Moldavie fait son apparition sur Facebook. En moins de trois mois, plus de 2000 membres se rallient à ce mouvement spontané initié par des jeunes afin de dénoncer une politique qu'ils jugent discriminante: en effet, depuis son indépendance en 1991, et bien que la langue officielle de l'État soit le roumain (ou moldave, appellation donnant elle-même régulièrement lieu à des discussions passionnées), le réseau Patria, détenteur du monopole cinématographique dans le secteur commercial depuis une dizaine d'années (avec six cinémas, dont plusieurs multiplexes à Chisinau et dans trois autres grandes villes du pays), persiste à ne programmer que des films russes, mais aussi américains et européens, tous doublés en russe. "N'allez plus au Patria!" Sur la page Facebook "Nu mai mergeti la Patria!" ("N'allez plus au Patria!"), les objectifs du groupe sont clairement énoncés. Ses membres? "Un groupe de cinéphiles, potentiels clients des cinémas Patria", ainsi qu'ils se qualifient dans une lettre adressée, début 2010, à la direction de la société Colaj SRL, qui régit le réseau des cinémas. Parmi Interpellation du réseau de salles Patria sur Internet: “Nous voulons des films en roumain”. eux, on compte beaucoup d'étudiants ou de jeunes professionnels, journalistes, traducteurs, juristes, acteurs de la scène culturelle, etc. On ne saurait trop dire s'ils constituent un panel représentatif de leur génération mais le groupe est parvenu à soulever un problème de société sur lequel une part active de la population entend bien s'exprimer. Pour cette génération, née à la fin de l'ère soviétique, la question linguistique a toujours fait l'objet d'âpres débats, dans la rue comme dans les hautes sphères du pouvoir: entre 1985 et 1991, la perestroïka a suscité une réaffirmation de l'identité roumaine en Moldavie et amené le retour à l'alphabet latin, la langue roumaine accédant comme le russe au statut de langue officielle. Depuis l'indépendance du pays en 1991, l'unique langue d'État est le roumain. Le russe a obtenu le statut de "langue de communication inter-ethnique" et il est toujours pratiqué par une grande partie de la population. 70 % de citoyens bilingues Selon le dernier recensement réalisé en 2004, le pays compterait 70% de citoyens bilingues (roumain et russe) et 30% de citoyens ne pratiquant qu'une seule de ces deux langues. Au quotidien, ces chiffres se traduisent par de fréquentes tensions entre les deux communautés, plus par principe que par réelle incompréhension - bien que certaines régions du pays demeurent majoritairement russophones et que beaucoup de citoyens pratiquant indifféremment les deux langues considèrent le bilinguisme comme un atout, tant sur le plan personnel que professionnel. Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE au boycott de films uniquement sous-titrés en russe pas si patriotes que çà ! En l'occurrence, le mouvement ne revendique nullement la disparition totale des séances en russe mais plutôt les facilités d'accès à la culture pour le plus grand nombre, en tenant compte des évolutions de la société. "Le cinéma est l'une des activités culturelles les plus populaires", explique Victor Ciobanu, cofondateur du groupe. "Tout le monde va au cinéma, quelle que soit son appartenance sociale. En Moldavie, on diffuse des films russes ou doublés en russe depuis l'apparition des cinémas dans le pays, il y a 70 ou 80 ans. Aujourd'hui, beaucoup de jeunes maîtrisent mal la langue russe, et il leur est très difficile de suivre un film au cinéma" enchaîne-t-il. titrés en roumain, précisant que, pour des raisons techniques et économiques, la transition sera longue et complexe. Les réactions des spectateurs, à la sortie des salles et surtout sur Internet, ne se font pas attendre: certains, enthousiastes, considèrent les efforts de Patria comme un premier pas constructif tandis que d'autres, indignés de la mauvaise qualité de la traduction et des sous-titres presque illisibles, poursuivent le boycott ou se tournent vers Gaudeamus, la seule salle de cinéma de la capitale réellement en activité en dehors du réseau Patria. Sa programmation reste toutefois occasionnelle, le plus souvent dans le cadre de festivals organisés par des missions étrangères ou des ONG, et l'indépendant ne saurait concurrencer les activités du géant Patria. Ostracisme à l'égard du roumain et mauvaise volonté Enfin des jeunes prêts à s'engager Relayée par les médias et soutenue par le nombre croissant de nouveaux membres, l'affaire prend rapidement de l'ampleur. Dès janvier 2010, le ministre de la Culture Boris Focsa exprime sa volonté d'établir une nouvelle réglementation demandant expressément aux cinémas du pays de diffuser des films sous-titrés en roumain. Outré par cette décision, Victor Selin, homme politique et copropriétaire des cinémas Patria, explique en vain que le prix des billets sera 2 à 3 fois plus élevé du fait des investissements nécessaires, ce qui incitera 90% de son public à déserter les salles de la société. Attachée à un réseau de distribution de films internes à la CEI (es URSS), Patria a en effet tardé à amorcer une nouvelle collaboration avec des distributeurs roumains, qui seraient pourtant à même de lui procurer des films aussi récents et déjà sous-titrés en langue roumaine. Néanmoins, en mars 2010, les cinémas Patria programment les premiers films russes, ou doublés en russe, et sous- Sans grande surprise et bien qu'il ait reçu, depuis plusieurs mois déjà, l'aval de la société civile et des institutions gouvernementales, le projet de loi visant l'industrie cinématographique n'a pas été voté mais il devrait prochainement être inscrit à l'agenda du gouvernement et soumis au Parlement ultérieurement. Après un an, le groupe "Nu mai mergeti la Patria !" est devenu moins actif mais il compte encore 2062 membres. Il occupe la deuxième position, entre causes politiques et requêtes massives auprès d'opérateurs de télécommunications et conduit à penser que si la situation politique, économique et sociale de la Moldavie reste préoccupante à bien des égards, le pays voit néanmoins émerger un nouveau courant de jeunes citoyens actifs et engagés qui n'hésitent plus à prendre part au débat public sur la toile. Louise Barseghian et Julien Danero Iglesias (Regard sur l'Est) La France premier pays d'accueil occidental des étudiants moldaves L a France reste le 4ème pays d'accueil des étudiants moldaves derrière la Roumanie, la Russie, l'Ukraine, mais le premier des pays occidentaux, devant l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou les États-Unis. En 2009-2010, 987 étudiants moldaves étaient inscrits dans l'enseignement supérieur en France. Ce nombre est sans doute supérieur car de nombreux Moldaves disposent également de la nationalité roumaine. 840 étudiants se sont inscrits dans les seules universités publiques françaises en 2009-2010. Alors que la proportion des étudiants européens dans les universités françaises baisse au profit des autres continents, le nombre d'étudiants moldaves est quant à lui en progression de 28,4 % entre 2005 et 2009. Il s'agit de la plus forte croissance dans toute l'Europe, qui s'explique en grande partie par la vivacité de la francophonie en Moldavie et par la qualité du dispositif de promotion de l'enseignement supérieur français mis en place en Moldavie. Ce dispositif s'articule autour de l'Alliance Française de Moldavie qui abrite un Espace Campus France labellisé et de l'Ambassade de France qui octroie plusieurs bourses d'études chaque année. Durant l'année scolaire 2009/2010, les universités françaises ont accueilli: 417 étudiants moldaves en licence (49,64 %), 344 en Master (40,52 %), 79 en doctorat (9,4 %). En termes de spécialités, la réparti- tion est la suivante: 15 % sont inscrits en droit et sciences politiques; 30,83 % en sciences économiques et de gestion, AES; 27,74 % en lettres, langues et sciences humaines et sociales; 13,81 % en médecine, pharmacie, odontologie; 12,5 % en sciences fondamentales appliquées, en sciences de la vie et de la terre et autres disciplines scientifiques. 147 étudiants moldaves ont quant à eux choisi de suivre des études supérieures dans des établissements privés, dans ses grandes écoles, dans des écoles d'ingénieurs ou de commerce. Au total, la France est le 4ème pays du monde en terme d'accueil des étudiants étrangers avec près de 278 213 étudiants venant des 5 continents. 9 Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité Moldavie Villeneuve-Saint-Georges terre d'asile des Moldaves Moldavie On les surnomme "les invisibles" Villeneuve-Saint-Georges dans la banlieue parisienne , commune aux 101 ethnies accueille 2 000 ressortissants du petit pays de l'Est. La municipalité , d'obédience communiste, souhaite développer des liens avec cette communauté. 14 millions d'euros d'aide agricole à la Moldavie 10 Le Fonds international du développement agricole (FIDA) de l'ONU va accorder une aide de 19,8 millions de dollars (14,37 millions d'euros), en Moldavie pour stimuler l'économie rurale, soutenir l'agrobusiness et les filières agricoles, et aider à éradiquer la pauvreté dans les campagnes. Cette aide se dé-compose en un prêt de 19,3 millions de dollars et un don de 0,5 millions de dollars. Le projet, d'un montant total de 39,2 millions de dollars, est également soutenu par d'autres contributeurs, dont l'Agence danoise de développement. Il concerne 37 000 personnes en zones rurales, parmi les plus pauvres et les plus vulnérables. Le Fida aura financé 5 projets en Moldavie pour un total de 69 millions de dollars. 2,1 milliards d'euros d'investissements étrangers depuis l'indépendance Les investissements dans les entreprises moldaves en provenance du secteur privé moldave, en 2010, se sont élevés à 750 millions d'euros, dont 370 millions dans les secteurs de la construction et les travaux d'assemblage et 350 millions dans les machines et les voitures. Les investissements directs étrangers ont atteint 110 millions d'euros. Le montant total des investissements directs étrangers en Moldavie se monte à 2,1 milliards d'euros depuis l'indépendance du pays en août 1991, dont 52,9 % provenant de l'UE, 12,1 % de la C E I, 35 % d autres pays. C ertains la surnomment la Petite Moldavie. Villeneuve-Saint-Georges, commune de 30 600 habitants, accrochée aux coteaux qui surplombent la Seine, est la ville de France qui accueille le plus grand nombre de ressortissants moldaves : 2000. "C'est une grande partie de nos compatriotes officiellement recensés sur le territoire français qui réside à Villeneuve-Saint-Georges, confie un conseiller de l'ambassadeur de Moldavie. On s'en est aperçu lors de l'élection présidentielle de novembre 2010. Pratiquement tous les électeurs provenaient de cette commune francilienne". La municipalité travaille en ce moment à nouer des liens avec cette communauté qui vit repliée sur elle-même. L'installation des premiers Moldaves remonte à la fin des années 1990, émigrant illégalement en Europe occidentale. Deux mille kilomètres plus loin, par bus ou par train, certains rejoignent Paris puis Villeneuve-Saint-Georges. Dans la commune la plus pauvre du Val-de-Marne, aux 101 ethnies, les loyers sont moins élevés. "Une première famille s'est installée, puis le bouche-à-oreille a fonctionné, analyse la mairie communiste de Villeneuve-Saint-Georges. C'est une population qui ne pose pas de difficulté mais on souhaite créer un lien avec elle". Dans cette ville où le Front national a pris l'habitude de réaliser son meilleur score départemental, le défi de l'intégration est quotidien. Un challenge d'autant plus difficile que cette communauté est très discrète. "On les surnomme les invisibles, confie le cabinet du maire. Certains inscrivent leurs enfants à l'école et puis c'est tout. Ils vivent en autarcie, dans une grande précarité, parfois dans des caravanes qu'ils louent à prix d'or". Pour trouver un interlocuteur, la municipalité, en coopération avec l'ambassade de Moldavie, souhaite créer une association et développer des animations, notamment un festival avec des artistes moldaves. Grâce à l'UE, un programme d'aide au retour pourrait voir le jour. "Notre pays se développe et a besoin de main-d'œuvre", assure l'ambassade. Un ministre moldave devait ainsi faire le déplacement pour rencontrer la municipalité. Vincent Verier (Le Parisien) La France 10ème client D e nombreuses entreprises à capital français ou francomoldave sont présentes en Moldavie et d'autres envisagent de s'y installer. La France y est un investisseur important avec, notamment, quatre grands groupes: le groupe Lafarge Ciment, qui possède la plus grande usine de ciment de Moldavie, la Société Générale, qui a fait l'acquisition en 2007 de Mobiasbanca, cinquième banque du pays, le groupe Lactalis, présent depuis 2005; la filiale d'Orange leader de la téléphonie mobile dans le pays. La France est le 10ème client du pays avec 2,5% du total des exportations moldaves. Les importations françaises sont composées principalement de produits agricoles et de produits textiles. Elle est le 11ème fournisseur avec 1,9% du total des importations moldaves. Les exportations françaises sont composées principalement de biens d'équipement professionnel (équipements mécaniques, électriques et électroniques), d'automobiles et de biens de consommation. Salaires moyens L e salaire mensuel moyen des Moldaves atteignait 180 € en janvier, soit une hausse de 8,2 % par rapport à 2009: (160 € dans le secteur public, 200 € dans le secteur privé, 135 € dans l'agriculture). Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Séance commune des gouvernements roumains et moldaves en juin U ne séance commune des gouvernements de la Roumanie et de la République de Moldavie sera organisée en juin, suivant le modèle franco-allemand. Elle sera consacrée notamment à la dimension économique des relations entre les deux pays et à la politique énergétique censée assurer l'interconnexion entre les deux États dans le domaine des gaz et de l' électricité. L'adoption d'un plan commun d'action visant un partenariat stratégique pour l'intégration européenne de la République de Moldavie en Europe sera aussi au centre des travaux. Vlad Filat à Paris 40 000 touristes en Moldavie en 2010 Le moins qu'on puisse dire c'est que la visite de la délégation moldave, le 18 avril, conduite par le premier ministre Vlad Filat, n'a pas passionné la presse française. Regrettable, car ce pays à la porte de l'UE et qui a vocation à y entrer, constitue un enjeu géopolitique important malgré sa taille modeste, avec le conflit de Transnistrie. Peu d'éléments ont filtré sur la teneur des entretiens franco-moldaves. Au cœur des dossiers examinés, la question des visas et la coopération économique. a Moldavie a reçu 230 000 touristes en 2010, en hausse de 0,9 % par rapport à 2009, dont 166 000 citoyens moldaves (72,3 %) et 63 600 touristes étrangers (27,7 %), dont 24,2 % étaient Roumains, soit moins de 40 000 venant d'ailleurs. 94 000 ont été reçus dans les hôtels et motels dont la capacité actuelle est de 432 890 lits par jour, en hausse de 13,8 % par rapport à 2009, selon les chiffres du Bureau National des Statistiques de Moldavie. Politique L Sur la scène politique roumaine Kelemen Hunor succède à Marko Bela Evasion fiscale de 100 % au complexe Europa Kelemen Hunor, ministre de la Culture, a été facilement élu président de l'Union démocratique des Magyars de Roumanie (UDMR), lors du congrès de sa formation politique. Il remplace Marko Bela, en poste depuis 18 ans, dont il était le successeur naturel. Aussitôt élu, il a déclaré que l'UDMR, membre de l'actuelle coalition au pouvoir, allait "rester aux côtés du Parti démocrate libéral tant que les démocrates libéraux tiendront leurs paroles et leur engagement". Environ 600 dépôts de marchandises du complexe commercial Europa, situé à la sortie de Bucarest, ont été mis sous séquestre, le mardi 8 mars suite à un vaste contrôle effectué par les agents de l'ANAF, le Fisc roumain. Les fonctionnaires ont été soutenus dans leur opération par des gendarmes, et un hélicoptère du ministère de l'Intérieur a survolé la zone durant les contrôles. Les marchandises confisquées devaient être vérifiées et comparées avec les documents détenus par leur propriétaire, les produits n'étant pas en règle étant confisqués et vendus. Selon des inspecteurs financiers, l'évasion fiscale dans cette zone commerciale serait de 100% et les espaces commerciaux seraient occupés de façon illégale par les commerçants. Le complexe Europa est l'un des plus grands espaces commerciaux du pays; il est situé en marge du quartier bucarestois de Colentina, au nord-est de la capitale. Le PDL ferme les yeux sur sa corruption Le Parti Démocrate Libéral (majorité, pro-Basescu et Boc) a rejeté le principe d'exclusion automatique de ses membres justiciables, comme le proposait l'ancienne ministre de la Justice, Monica Macovei, seules trois personnes l’ approuvant. Le PDL compte dix députés ayant maille à faire avec la Justice pour corruption, faux, détournements, etc., dont l'ancienne ministre Monica Iacob Ridzi, ainsi qu'environ 200 maires ou élus territoriaux. Parmi eux les maires d'Arad, Gheorghe Falca, de Craiova, Antonie Solomon, de Râmnicu Vâlcea, Mircea Gutau. Réhabilitation des façades Le gouvernement vient d'adopter une loi qui vise à faciliter la réhabilitation des façades des bâtiments, notamment ceux qui font partie du patrimoine historique du pays. Les propriétaires qui acceptent d'effectuer des travaux de réhabilitation pourront bénéficier de prêts sur 5 ans à taux préférentiels et garantis par l'Etat et, dans certains cas, d'une exonération pendant 5 ans de l'impôt foncier. Les maires pourront, eux, imposer la rénovation des façades, contre l'avis des propriétaires, financeront les travaux et récupèreront l'argent ensuite. Ils doivent par ailleurs commencer dès maintenant un recensement des façades, notamment celles des bâtiments historiques, qui doivent être rénovées. Procès pour corruption multipliés par six à Arad Au cours de l'année 2010, le tribunal d'Arad a vu le nombre de procès consacrés à la corruption multiplié par près de six, passant de 5, l'année précédente, à 28, alors que le volume des autres affaires traitées restait stable (1553 dossiers contre 1515). La juridiction n'a pas fait savoir si cette évolution traduisait une explosion de cette forme de délinquance ou une volonté de lutter contre. A moins qu'il ne s'agisse que d'un simple effet d'annonce utilisé politiquement mais ne changeant rien à la situation réelle: le nombre de juges affectés aux affaires de corruption a dans le même temps diminué à la suite des restrictions budgétaires, repoussant aux calendes grecques leur traitement. 11 Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Politique BAIA MARE SUCEAVA l l IASI TARGU MURES l ORADEA CHISINAU l l l M. CIUC l l ARAD BRASOV l l SIBIU TIMISOARA l PITESTI CRAIOVA l GALATI l BRAN BRAILA n BUCAREST GIURGIU l l l TULCEA l CONSTANTA l l Corruption: failles dans la loi roumaine 12 L'Eglise et l'Etat font du social main dans la main La législation roumaine anticorruption est trop permissive, notamment car elle permet aux corrupteurs d'échapper aux poursuites s'ils dénoncent à la justice les faits auxquels ils ont pris part, a déploré le Conseil de l'Europe, à la mi-mars. Les experts du Groupe d'Etats contre la corruption (Greco), structure spécialisée de l'organisation paneuropéenne de Strasbourg, s'inquiètent dans un rapport du dispositif dit du "repentir réel", qui permet au corrupteur d'échapper à la justice s'il dénonce le corrompu, ou s'il affirme avoir été contraint par ce dernier. Certes, reconnaissent les auteurs, sans un tel dispositif de nombreuses affaires n'auraient pu être portées à la connaissance de la justice, mais il présente des "risques d'utilisation abusives" qui devraient être jugulés par des "garde-fous". En outre, la Roumanie devrait abolir ses dispositions légales qui permettent au corrupteur repenti de se voir rembourser ses pots-de-vin, ajoutent les experts européens. Hormis ce point particulier, le "cadre juridique" sur la corruption est "très complet"… en théorie, se sont félicités les rapporteurs qui concluent "Cependant les acteurs de la lutte anticorruption doivent aujourd'hui lutter afin de préserver leurs moyens (...) et leur capacité de traiter les affaires impliquant des membres de l'élite politique et économique". Adoptée à la mi-mars par la Chambre des députés, une loi prévoit la mise en place d'un partenariat Eglise-Etat dans le domaine de l'assistance sociale. Ce texte, qui n'a pas encore été promulgué par le président Basescu, lequel veut s'accorder un délai de réflexion et l'a renvoyé devant le Parlement, relance le débat sur la laïcité et suscite l'opposition de plusieurs associations. L a colère gronde parmi les associations du secteur social et les tenants de la laïcité. Lundi 14 mars, onze ONG ont annoncé la formation d'une coalition pour protester contre l'adoption de cette loi controversée, baptisée "partenariat Etat-Eglise dans le domaine social". En clair, ce texte de loi prévoit que les églises reconnues de Roumanie vont pouvoir réaliser des actions d'assistance sociale - création d'orphelinats, de maisons de retraite, de centres pour handicapés... - en bénéficiant du soutien financier de l'Etat. L'Eglise et l'Etat font du social main dans la main Pour tous ces projets sociaux et caritatifs initiés par les cultes reconnus, les fonds publics assureront 80% maximum du financement, le reste provenant des deniers du culte. Selon Raluca Turcan, députée démocrate-libérale à l'origine de la loi (avec 89 autres députés PDL), ce dispositif vise à compenser le manque d'argent public pour les actions sociales. "Les unités de culte identifieront les besoins sociaux qui peuvent aller des enfants dont les parents sont partis à l'étranger aux personnes âgées ou handicapées", a-t-elle expliqué. Un projet sera esquissé, les autorités locales et notamment le conseil départemental le valideront ou pas, et sera ensuite "transmis au ministère du Travail et de la Protection sociale où il pourra être sélectionné", ces nombreux filtres réduisant fortement "le risque de politisation", selon la députée. "C'est une loi de corruption électorale" Mais les associations, elles, ne sont pas d'accord avec cette analyse et l'ont fait savoir. Elles ont solennellement demandé au président roumain de ne pas promulguer cette loi et ont multiplié les arguments. Alors que Ionut Jugureanu, directeur de la fondation Parada (enfance) se demande comment s'assurer que "ces services sociaux ne (soient) pas des outils de prosélytisme", le représentant de l'Association Intégration (anti-drogue), Costin Militaru, s'inquiète lui de savoir comment l'Eglise va travailler avec les homosexuels alors qu'elle considère que l'homosexualité est un péché. Plus largement, cette coalition d'ONG s'émeut de cette loi éloignée des principes de laïcité de séparation de l'Eglise et de l'Etat. "C'est une loi de corruption électorale, qui soumet l'Eglise au pouvoir", estime Alexandru Toma Patrascu, directeur de l'association séculaire de Roumanie, qui ajoute qu'elle "n'a pas lieu d'être" puisque les cultes peuvent déjà mener des projets sociaux et que ce nouveau texte les favorise au détriment des autres ONG du secteur social. "La Roumanie va à l'encontre de la modernité, dans une logique proche de celle du 18ème ou du 19ème siècle", a déclaré Gabriel Andreescu, de l'ONG Apadorch. La balle est désormais dans le camp de Traian Basescu, qui aurait déclaré, selon une source du PDL, qu'il allait examiner attentivement la loi. Mais, de son côté, le Premier ministre Emil Boc, ancien président de l'Union des associations étudiantes communistes de Roumanie (UASCR) de 1987 à 1989, a déclaré que " la foi était nécessaire à la Roumanie et que sans elle, rien ne pouvait être entrepris dans le pays". Marion Guyonvarch (www.lepetitjournal.com/Bucarest) Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Economie L'économie roumaine a reculé de 1,3 % en 2010 L a Roumanie a enregistré une deuxième année consécutive de récession en 2010, lorsque son économie s'est contractée de 1,3% (- 1,9 % selon d'autres sources), a annoncé l'Institut national roumain des statistiques (INS). Des chiffres provisoires publiés à la mi-février faisaient état d'un recul moindre, de 1,2%. Au dernier trimestre 2010, le produit intérieur brut du pays (PIB) a baissé de 0,6% par rapport à la même période de 2009. Il a néanmoins progressé de 0,1% par rapport aux trois mois précédents, alimentant les espoirs d'une sortie de récession en 2011. Selon l'INS, la contraction du PIB en 2010 s'explique par la mauvaise performance du bâtiment (-10,7%), des transports et télécommunications (-4%) et de l'agriculture (-0,8%). En revanche, la production industrielle a progressé de 5,1%, de même que les activités financières et immobilières (+0,8%). Le recul du PIB pour l'ensemble de l'année a été moins grave qu'anticipé par le Fonds monétaire international (FMI), l'Union européenne (UE) et le gouvernement roumain, qui tablaient sur une contraction d'environ 1,9%. En 2009, après dix ans de croissance, l'économie s'était brutalement contractée de 7,1%. La Roumanie devrait renouer avec la croissance en 2011, avec une hausse de 1,5% de son PIB, selon le FMI. Quatre millionième Dacia L a quatre millionième Dacia est sortie le 17 mars des chaînes de production de l'usine de Pitesti. Il s'agit d'un 4x4 Duster commandé par une doctoresse de roumaine de 57 ans. Le site de Pitesti, dont la production avait commencé en 1968, avait atteint le seuil du million de voitures produites en 1985, puis celui des 2 millions en 1998 et des 3 millions à l'automne 2007. L'usine a produit 1400 véhicules par jour en 2010, une cadence que Dacia entend maintenir cette année malgré la baisse des ventes en 2010. A savoir Quatrième tranche de l'aide de l'UE L'UE a annoncé avoir débloqué une quatrième tranche de 1,2 milliard d'euros de son aide à la Roumanie consentie en 2009 pour un montant total de 20 milliards d'euros, soulignant que Bucarest avait rempli les conditions convenues dans le mémorandum d'accord. En échange, le gouvernement roumain s'est engagé à réduire le déficit public, qui est passé de 7,2% en 2009 à 6,7% l'année dernière et devrait être ramené à 4,4% courant 2011. Par ailleurs Bucarest a décidé de conclure un nouvel accord de deux ans, de type préventif, avec le FMI et l'UE. Il est assorti d'un prêt de 5 milliards d'euros qui ne seront utilisés qu'en cas de crise majeure. Fin de la taxe de première immatriculation ? La taxe de première immatriculation devrait bientôt disparaître, contrainte et forcée. Cette taxe prohibitive, que doit payer toute personne qui achète une voiture d'occasion à l'étranger lorsqu'il l'a fait immatriculer pour la première fois en Roumanie, et qui peut atteindre plusieurs milliers de lei, enfreint les lois européennes, vient de décider la Cour européenne de justice. Selon les juges de Luxembourg, cette taxe présentée comme une taxe contre les voitures polluantes par les autorités roumaines, instituée par le gouvernement du Premier ministre Tariceanu, concessionnaire de Citroën pour la Roumanie, est contraire aux règles du libre commerce et désavantage les autres pays européens. Deux Roumains milliardaires en dollars Dinu Patriciu (immobilier, pétrole, finances, médias, politique) figure une nouvelle fois dans le classement des milliardaires établi chaque année par le magazine américain Forbes. Classé à la 437ème place l'an passé, il arrive en 540ème position, avec une fortune inchangée, estimée à 2,2 milliards de dollars, et reste donc, à 61 ans, le Roumain le plus riche. Si Ioan Nicolae et Ion Tiriac disparaissent du classement, un autre homme d'affaires roumain y fait son entrée, Franck (Vasile) Timis. A 47 ans, ce Roumano-australien expatrié à Londres se classe en 1057ème position, grâce à ses investissements dans des sociétés pétrolières au Kazakhstan, et sa fortune de 1,1 milliard de dollars. Il a été condamné en Australie pour trafic de drogue, a investi dans l'industrie minière (diamants, fer) au Sierra Leone et est à la tête du projet d'exploitation très controversé des gisements aurifères de Rosia Montana, dans les Apuseni. Près de 2 milliards d'euros de fraudes fiscales L'Anaf (Agence nationale de l'administration fiscale) a estimé que les préjudices causés au budget de l'Etat à la suite de fraudes fiscales se sont élevés à 7,1 milliards de lei en 2010, soit environ 1,7 milliard d'euros. C'est 24% de plus qu'en 2009 selon le fisc roumain, qui explique ce résultat par la hausse des contrôles effectués l'année dernière. Au total, 10 122 vérifications fiscales ont été opérées par les agents de l'Anaf en 2010, ce qui équivaut à une augmentation de 25% par rapport à 2009. Plus de la moitié (56%) de la valeur des préjudices a été recensée dans moins de 40% du nombre total des contrôles. 13 Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Economie BAIA MARE SUCEAVA l l IASI TARGU MURES l ORADEA CHISINAU l l l l ARAD BRASOV TIMISOARA l GALATI l SIBIU JIMBOLIA BRAILA PITESTI CRAIOVA l l BUZAU n BUCAREST GIURGIU l l l l TULCEA Gaz et pétrole: découverte de nouveaux pactoles près de Jimbolia et Buzau Malgré l'agitation secouant le monde arabe, les autorités roumaines comptent sur les investissements des pays du Golfe. Début mars, des centaines de politiciens et hommes d'affaires de la région sont venusà Bucarest pour parler "business". Une compagnie britannique spécialisée dans l'exploration et l'extraction d'hydrocarbures dit avoir découvert d'importantes réserves de pétrole et de gaz naturel dans le pays. Le sous-sol roumain intéresse également l'une des plus grosses sociétés américaines du secteur. CONSTANTA l l Petrom ferme sa raffinerie d'Arpechim 14 Economie l M. CIUC l l Bucarest à la recherche des pétrodollars Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Faute d'avoir trouvé un repreneur, Petrom a décidé de fermer sa raffinerie d'Arpechim, près de Pitesti, trop petite, dépassée technologiquement et éloignée de la mer. D'une capacité de 3,5 millions de tonnes par an, elle avait été inaugurée en 1964 et était devenue complexe pétrochimique en 1971. Ses installations continueront cependant à être utilisées pour le stockage de carburant. Environ 700 personnes y étaient employées qui bénéficieront d'un plan social d'un montant de dix millions d'euros. L'Azerbaïdjan veut ouvrir 300 stations d'essence en Roumanie La compagnie azérie d'Etat Socar vient d'annoncer son intention d'investir quelque 500 millions de dollars en Roumanie en ouvrant 300 stations essence à travers tout le pays dans les trois ans à venir, selon Rovnag Abudllayev, son président, cité par l'agence de presse azérie Trend. Avec cet investissement, Socar a l'ambition de devenir l'un des acteurs les plus importants sur le marché. Actuellement quatre sociétés se partagent la majorité des stations essence de Roumanie: Petrom (autrichien, environ 550), Rompetrol (Kazakhstan, 450), LukOil Romania (russe, 310) et MOL Romania (hongrois, 126). Selon le président des stations essence indépendantes de Roumanie, Ion Tache, il reste dans le pays la place pour encore 500 unités de vente de carburant. I l s'agissait du premier sommet économique du monde arabe en Europe de l'Est. Jusqu'à maintenant, seule Londres organisait ce type d'événements sur le continent. Les délégations venues d'Arabie saoudite, de Bahreïn, des Emirats arabes unis, du Koweït, d'Oman et du Qatar se sont déplacées en nombre pour participer à ce forum de trois jours. L'objectif de cette rencontre a été annoncé dès le premier jour par le président Basescu: "La différence de développement entre la Roumanie et certains pays de l'U E ne pourra être rattrapée ni par le budget de l'Etat, ni par les fonds européens, mais en attirant de nouveaux investisseurs". La Roumanie est à la recherche de dix milliards d'euros pour concrétiser des dizaines de projets publics et privés dans tous les domaines, énergie, agriculture, infrastructures, tourisme, etc. "Le développement d'un parc éolien peut durer cinq ans, le besoin de financement est donc urgent. Comme nous avons du mal à trouver de l'argent du côté de l'Union Européenne, nous nous tournons vers les pays du Golfe qui, eux, semblent intéressés par nos projets", explique Jean-Marie Karam, homme d'affaires roumano-libanais. La situation est à peu près identique dans le secteur de l'agriculture. Avec près de quinze millions d'hectares de terres arables, la Roumanie a la capacité de nourrir 80 millions de personnes. De plus, elle possède la deuxième surface agricole pour la culture écologique de l'UE après la France. Un marché encore vierge "Les marchés d'Europe de l'Ouest sont saturés, mais ceux d'Europe de l'Est sont encore très prometteurs", estime le sous-secrétaire d'Etat aux Affaires économiques d'Oman, Abdullah Al Hinai. Les secteurs les plus recherchés sont l'énergie et le tourisme… "Mais l'agriculture également, car les pays du Golfe cherchent aujourd'hui à sécuriser leurs réserves alimentaires", ajoute-t-il. Du côté des hommes d'affaires, la Roumanie est aussi vue comme un pays familier. "Ici, les façons de faire sont plus proches des nôtres qu'en Europe de l'Ouest et la communication se fait naturellement. De plus, ces marchés sont plus faciles à pénétrer car ils sont encore vierges", explique Saud Ali Al-Naimi, investisseur dans l'industrie pharmaceutique des Emirats arabes unis. Il faut dire que les relations entre la Roumanie et le Moyen-Orient ne datent pas d'hier. Sous le régime de Ceausescu, des milliers d'étudiants arabes sont venus se former en Roumanie, et cela continue. "Nous avons une relation traditionnelle avec cette région et aujourd'hui nous essayons d'attirer sa partie la plus active: les pays du Golfe. Il est certain que l'adhésion de la Roumanie à l'UE a aussi augmenté notre attractivité pour les investisseurs étrangers", note Teodor Baconschi, le ministre roumain des Affaires étrangères. Reste à voir si les discussions qui se sont tenues se concrétiseront. Pour mettre toutes les chances de son côté, Bucarest a déjà donné un nouveau rendez-vous aux hommes d'affaires et politiciens arabes: l'année prochaine, au même endroit. Sans se soucier semble-t-il de l'évolution politique qui touche la plupart des pays arabes en ce moment. En tout cas, pendant ce forum, le sujet n'a pas été abordé. Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucarest) L e communiqué de la compagnie britannique Zeta Petroleum, publié fin mars, est quasiment passé inaperçu dans la presse roumaine. Et pourtant, l'information est de taille. La société anglaise affirme avoir découvert une réserve de "pétrole paraffineux de très bonne qualité" à Jimbolia, ville située à quelques kilomètres de Timisoara. Cette réserve serait d'environ un million de barils, mais il existe "10% de chance pour que celle-ci s'élève à six millions de barils", affirmait quelques jours après au quotidien Gandul Bogdan Popescu, le directeur de Zeta Petroleum Romania. "Il est certain qu'il y a encore du pétrole en Roumanie, le sous-sol n'a pas été exploré en profondeur", ajoutait-il, rappelant que la Roumanie avait été un des premiers producteurs mondiaux. Les champs pétrolifères de Jimbolia ont été découverts dans les années 1980. Leur exploitation a été abandonnée une vingtaine d'années plus tard, avant d'être laissés en concession à la société britannique en 2007. Zeta Petroleum Romania dit également avoir trouvé une réserve de 750 millions de mètres cubes de gaz dans le département de Buzau, au nord de Bucarest. Là aussi, l'Etat roumain avait stoppé l'exploitation du site dans les années 1990 avant de le mettre en concession. Un outillage usagé et une technologie trop coûteuse ont été à l'époque les principaux motifs de cette décision. "Dans les années 1990, le prix du baril était descendu autour de neuf dollars. Les dépenses d'exploitation ne se justifiaient pas", précise Bogdan Popescu. Sous terre mais aussi en mer Les Britanniques ne sont pas les seuls à s'intéresser aux réserves naturelles de Roumanie. Au début du mois de février, les américains de Hunt Oil, l'une des compagnies pétrolière et gazière indépendantes les plus importantes au monde, ont déménagé leur bureau londonien à Bucarest. "La Roumanie, à l'image de l'ensemble de la région, dispose d'un excellent potentiel de découverte", a affirmé Tom Cwikla, président de Hunt Oil Company of Romania à cette occasion. Et le pays possède également d'autres atouts selon Mark Sturgess, un autre représentant de la société: "Il existe ici une main d'œuvre très motivée et expérimentée, une longue tradition dans ce secteur et des infrastructures pétrolière et gazière." En février 2009, la Roumanie et l'Ukraine se disputaient devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye la souveraineté d'un périmètre de plus de 10 000 km2 au large de la mer Noire. Ce procès autour de l'Ile aux Serpents a finalement était remporté par Bucarest, qui a récupéré 80% de la superficie concernée. Plus que symbolique, cette victoire a permis à la Roumanie de mettre la main sur des réserves de gaz estimées à près de 100 milliards de mètres cubes. Le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Cristian Diaconescu, n'a d'ailleurs pas caché sa satisfaction, affirmant que cette décision de la CIJ allait permettre à son pays de "consolider son indépendance énergétique", notamment vis-àvis de la Russie. Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucarest) A savoir Premiers pas pour le plus grand parc éolien du monde Iberdrola Renovables, filiale dédiée à l'énergie renouvelable du géant espagnol Iberdrola, a lancé la construction d'un parc éolien dans le sud-est de la Roumanie, appelé à devenir "le plus grand au monde". Construit dans la région de Dobroudja, près de la mer Noire, le parc dont la capacité totale atteindra 1500 MW en 2017 sera le premier du groupe dans ce pays. Le montant total de l'investissement est estimé à deux milliards d'euros. Les premières turbines seront mises en service à la fin de l'année. "Il s'agit de la première phase de ce projet, le plus ambitieux au monde en termes d'énergie renouvelable", a indiqué le groupe. La ferme fournira à terme de l'électricité à un million de foyers et permettra de réduire les émissions de CO2 de 1,25 million de tonnes. Iberdrola Renovables, le numéro 1 mondial de l'énergie renouvelable, dispose déjà de plusieurs fermes en Europe centrale et de l'est - en Pologne, Hongrie, Estonie et Bulgarie. Plusieurs compagnies d'électricité ont commencé à mettre à profit le vent en Roumanie, dont le groupe tchèque CEZ, qui a mis en service l'année dernière ses premières turbines sur un total prévu de 240, dont la capacité s'élèvera à 600 MW. Malgré une position particulièrement privilégiée sur la carte des vents d'Europe, la Roumanie dispose actuellement d'une puissance installée d'énergie éolienne de moins de 500 MW, alors que son potentiel s'élèverait à 14 000 MW, selon plusieurs études. Mer Noire: concession pour Loukoïl Le deuxième producteur pétrolier russe, le groupe privé Loukoïl, a signé un accord avec la Roumanie pour exploiter deux périmètres dans la Mer Noire dans le cadre d'un consortium formé par Loukoïl Overseas (80 % des parts), d’une part, et la compagnie américaine Vanco International (20 %), dautre part. Les deux périmètres, Est Rapsodia et Trident, sont situés entre 90 et 1000 mètres de profondeur et s'étendent au total sur 2000 kilomètres carrés. 15 Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Economie BAIA MARE SUCEAVA l l IASI TARGU MURES l ORADEA VASLUI l l ARAD CHISINAU l l l BRASOV l l SIBIU TIMISOARA l PITESTI CRAIOVA l GALATI l BRAN BRAILA n BUCAREST GIURGIU l l l TULCEA l CONSTANTA l l Moldavie: Baltika plie ses bagages 16 Des voies ferrées menacées de disparition Le célèbre brasseur russe "Baltika", présent dans 50 pays, a décidé de se retirer du capital de la firme qui distribuait ses bières en Moldavie et qu'elle contrôlait totalement, depuis son entrée sur le marché local, en 2000. On ne connaît pas encore le nom du nouveau propriétaire. La "Baltika" est considérée comme l'une des meilleures bières des ex-pays de l'Est, supérieure même à Ursus, et se commande aux garçons des terrasses de Chisinau suivant son numéro… une Baltika 3, première de la gamme, blonde savoureuse à 4,8 ° jusqu'à la Baltika 9, strong brune à 8 %. P rès de 1500 km de voies de chemin de fer pourraient être définitivement fermées si la proposition du ministère des Transports est acceptée. Selon les autorités, le maintien en fonction de ces tronçons ne se justifie plus, ni sur le plan commercial, ni sur le plan technique. Les économies réalisées grâce à la fermeture de ces voies gérées par la Compagnie des chemins de fer roumains (CFR) permettront de développer et moderniser les lignes les plus fréquentées. Lors des négociations avec le Fonds monétaire international, le gouvernement Boc s'est engagé à fermer 20% des 17 691 kilomètres gérés par la CFR, soit près de 4000 km, s'il ne trouve pas un investisseur privé pour en assurer l'entretien. La ministre des Transports, Anca Boagiu, a affirmé que ces 4000 km seraient mis aux enchères. A l'heure actuelle, seuls 2519 km sur 20 210 que compte le réseau roumain sont gérés par le secteur privé. La "Stati Holding", propriété du magnat Anatol Stati, l'un des hommes les plus riches de Moldavie, dont la fortune est estimée à deux milliards de dollars, continue son développement, prévoyant d'ouvrir d'ici la fin de l'année dix magasins de type "économat" dans le pays aussi bien que dans la capitale, une centaine d'autres devant suivre dans les trois années à venir. La famille Stati qui fait aussi des affaires dans le pétrole au Kazakhstan et au Soudan s'est associé avec le groupe russe "X5 Retail Group", spécialiste du commerce des produits alimentaires "premier prix". Crise : comment les judets s'en sortent Social S ur la carte, le produit intérieur brut par habitant, des judets les plus riches (en foncé), aux plus pauvres (en clair), en passant par ceux qui ont dans la moyenne (en grisé), de Bucarest (14 289 €) à Vaslui, en Moldavie (2513 €). Sur le tableau, par ordre (à peu près) décroissant, comment les judets ont résisté ces deux dernières à la crise, en terme d'évolution de leur PIB du plus chanceux, l'Arges (Pitesti, + 8,5 % sur deux ans) au plus touché, Vaslui (-18 %). Nouveau terminal inauguré à Otopeni L e Premier ministre roumain Emil Boc a inauguré le 29 mars le nouveau terminal pour passagers de l'aéroport international de Bucarest qui remplira tous les critères techniques requis pour adhérer à l'espace Schengen. Les travaux auront duré près de deux ans pour un investissement de 60 millions d'euros. L'aéroport Henri Coanda d'Otopeni dispose désormais de 24 portes d'embarcation, au lieu des neuf qui existaient jusqu'à maintenant et vise l'objectif de 8 millions de passagers par an au lieu d'un peu moins de quatre actuellement. Un tramway "low cost" fabriqué en Roumanie C e sera un tramway "pas cher" qui connaîtra le "succès de la Logan sur le marché roumain comme sur le marché étranger", a soutenu Adrian Crit, directeur général de la RATB (Régie Autonome des Transports de Bucarest), en présentant le projet de nouveau tramway bientôt construit en partenariat international entre sa société, Astra Vagoane d'Arad et l'Allemand Siemens. Ce tramway, "de qualité occidentale", coûtera deux millions d'euros, soit 500 000 euros de moins que ce qui se fait actuellement en Europe de l'Ouest. Baptisé "Imperio", un prototype sera prêt en octobre de cette année. Il sera construit dans les ateliers de la centrale de la RATB, à Bucarest. Une population multipliée par cinq Du pétrole au discount Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE L a population roumaine a été multipliée par cinq en 150 ans avec, il est vrai, la création de la Grande Roumanie en 1919, au lendemain de la Première Guerre mondiale, amenant le rattachement de la Transylvanie, du Banat et de la Bucovine. Le pic a été atteint en 1992 avec près de 23 millions d'habitants. Depuis, la population est retombée aux environs de 21 millions… et les pessimistes la voient à 14-15 millions en 2050, si la situation ne se redresse pas d'ici là. Impôts sur Internet L e ministère des Communications a lancé un système national de paiement en ligne des taxes et impôts baptisé Ghiseul.ro, à partir d'un simple ordinateur connecté à Internet et d'une carte bancaire. Même les amendes pourront être réglées par le biais de ce site web. Pour le moment, seuls les habitants des secteurs 2 et 6 de Bucarest et ceux de Târgu Mures en bénéficient. Les villes de plus de 150 000 habitants doivent être dotées de cette plateforme informatique dans les 6 mois à venir. Le ministère promet qu'en 2012, tous les Roumains auront accès à Ghiseul.ro. Les Roumains vivent avec 180 € par mois et par personne U n Roumain avait un revenu moyen de 770 lei par mois, soit environ 180 €, au troisième trimestre 2010, selon une enquête de l'Institut National Statistique (INS). Une famille de trois personnes disposait de 2231 lei (520 €) pour des dépenses mensuelles de la vie quotidienne estimées à 2022 lei (470 €). L'enquête de l'INS établit que la moitié des revenus (49 %) proviennent des salaires, en baisse par rapport à l'année précédente, les prestations sociales entrant pour 26,7 % dans leur composition, suivis des revenus en nature (14,4 %), de l'agriculture (3,5 %), d'activités indépendantes (3 %), de propriétés (0,2 %). Les dépenses (162 €) représentent donc 90 % des revenus, mais il ne faut prendre en compte que les revenus sous forme de salaire ou d'argent (86 %) et non ceux en nature, si on veut estimer la capacité des Roumains à pouvoir mettre de l'argent de côte pour les mauvais jours, mission donc quasi impossible. “Une toute petite tranche de Parizer, s’il vous plait. C’est pour mon martisor”. (Gazdaru) Les dépenses de consommation, alimentation et de produits non alimentaires (hygiène, entretien, etc.) représentent 72,4 % du total, les taxes et impôts 1,2 %, la production (soins et nourriture des animaux, jardin, etc.) 6,4 %, l'investissement (achat de terrain, maison, appareils électro-ménagers) 2,4 %. La moitié des dépenses de consommation sont constituées par la nourriture, les boissons, les cigarettes, 20 % par l'entretien de la maison, l'eau, l'électricité, le chauffage, le gaz, les combustibles, les meubles. La communication (téléphone, télévision, Internet) représente 5 %, les loisirs et la culture, 5 %, et la santé, 4,8 %. Les revenus des citadins dépassent d'un tiers (32,3 %) ceux des ruraux, leur salaire en représentant 61,3 %, la part des revenus en nature chutant à 7 %. Une famille vivant à la ville disposera de 381 lei (90 €) supplémentaires. A l'inverse, les revenus en nature des ruraux se chiffrent à 34,4 %, la part des salaires n'étant que de 27,7 %. 17 Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Social l BAIA MARE l SUCEAVA ORADEA l ARAD l ZALAU l TARGU MURES l IASI CHISINAU l BACAU l l HUNEDOARA BRASOV l l GALATI l TIMISOARA l PITESTI CRAIOVA l l TULCEA l n CONSTANTA BUCAREST l Les chiffres 18 Un nouveau code du travail qui rend plus précaire la condition des employés… Population : 21 542 000 habitants Superficie : 238 391 km 2 PIB : 119,7 milliards d'euros. Croissance en % du PIB en 2010 : - 1,9 % Croissance en 2009 : - 7,1 % (UE : 0,2 %, en 2010 : - 1,3 %) PIB/habitant : 3806 € Déficit public en % du PIB en 2009 : 7,8 % (UE : 0,9 %) Dette publique en % du PIB en 2007 : 12,9 % (UE : 58,7 %) Taux d'inflation en 2010: + 7,96 % Chômage en % de la population active en janvier 2009 : 4,9 % (UE : 7 %) Chômage en janvier 2010 : 8,3 % (UE : 10 %), 762 375 chômeurs Salaire moyen : 462 € -Le plus élevé (finances) : 966 € -Le plus faible (bois) : 181 € Salaire minimum net : 164 € (employés), 300 € (cadres) Retraite mensuelle moyenne : 150 € Minimum vieillesse : 75 € Espérance de vie (hommes/femmes) : 69,5-77 ans Moldavie*: Population : 4 350 000 habitants Habitants sur place : 3,5 millions Superficie : 33 700 km 2 PIB : 4,4 milliards d'euros Croissance en 2010 : 6,9 % PIB/habitant : 1010 € Inflation : 10 % Salaire minimum : 58 € Salaire moyen : 180 € à Chisinau, 80 € dans le reste du pays Chômage (chiffre officiel) : 8 % Espérance de vie (hommes/femmes) : 62-70 ans *Chiffres donnés sous réserves Le gouvernement roumain a fait adopter par le Parlement son projet de code du travail destiné à "flexibiliser" le marché de l'emploi, satisfaisant les demandes du patronat roumain, mais que les syndicats accusent de conduire à une forme d'"esclavage moderne". La motion de censure déposée par l'opposition a été rejetée de 20 voix. C e projet de loi est extrêmement important. Les modifications visent à créer davantage d'emplois, ainsi qu'à diminuer le travail au noir", a déclaré le Premier ministre Emil Boc dans son discours devant le Parlement. "La crise économique mondiale nous a montré que nous avions besoin d'une plus grande flexibilité sur le marché de l'emploi. Nous voulons une Roumanie attractive pour les investisseurs" a-t-il ajouté. Le nouveau code étend notamment la durée des contrats de travail à durée déterminée de deux à trois ans avec une possibilité d'allonger encore ces CDD. La limite de trois CDD consécutifs entre un employeur et le même salarié est éliminée, a dénoncé la confédération syndicale Cartel Alfa qui redoute leur multiplication au détriment des contrats à durée indéterminée et "une précarisation du travail", avec des salaires inférieurs et énumère les graves atteintes faites à la condition salariale: La durée de travail hebdomadaire maximale, qui reste fixée à 48 heures, pourra dorénavant être calculée sur une moyenne de douze mois au lieu de trois actuellement, mais les syndicats estiment que cette disposition risque de conduire à des dépassements importants de la durée hebdomadaire. La récupération des heures supplémentaires se fera dans un délai de 2 mois au lieu d'un, actuellement. Les syndicats critiquent également des dispositions affaiblissant les accords collectifs, dont l'esprit disparaît à peu près totalement, et favorisant les traitements personnalisés des employés, les contrats individuels étant privilégiés. La période d'essai passera de 3 à 6 mois. Les salariés n'auront aucune assurance de réembauche prioritaire en cas de licenciement collectif, lesquels se feront sur des critères subjectifs de performance, sans prendre en compte les situations sociales. Les contrats temporaires sont encouragés. Les sanctions prises contre des employés ne seront amnistiées qu'au bout d'un an, en place de 6 mois. Les directions ne seront pas tenues de prendre en compte les avis des représentants du personnel (souvent nommées par elles-mêmes, en l'absence d'élections) sur les conditions de travail, mais juste des les consulter, et si elles le souhaitent. En conclusion du débat parlementaire, Emil Boc n'a pas caché sa philosophie "néolibérale": "Ce nouveau code n'est pas fait pour renforcer le pouvoir de syndicats, mais pour les employés qui ont envie de travailler". Le code prévoit par ailleurs un triplement des amendes pour les employeurs qui auraient recours à des salariés non déclarés et des sanctions pénales au-delà de cinq personnes employées dans ce cas. … Accompagné d'un code social de "droite" selon ses auteurs Après la réforme du Code du travail, le gouvernement Boc s'est attaqué immédiatement à celle du dialogue social. Il a concocté un projet de Code social, "de droite" comme il le qualifie lui-même, qui vise à réglementer le fonctionnement des syndicats, des organisations patronales, du Conseil économique et social (CES), modifier le système des négociations collectives et la résolution des conflits au travail, toujours au détriment des organisations syndicales. Mais cette fois-ci encore, la réforme a du mal à passer auprès de ces dernières qui ont fini par quitter la table des négociations en dénonçant un simulacre de dialogue social. Un comble lorsque les discussions tournent justement sur la réforme des outils de dialogue social. Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Social Scandales de corruption parmi certains leaders syndicaux Le gouvernement Basescu-Boc a entrepris, en mars, d'étaler les scandales de corruption qui affectent certains leaders syndicaux et cachent des pratiques de compromission au détriment de leurs adhérents. Même si les faits révélés sont bien réels, le calcul du pouvoir - qui y a participé largement en tant qu'employeur - n'est pas innocent. Il s'agit de déconsidérer les organisations syndicales et de détourner l'attention des Roumains, sans-doute pour leur faire mieux avaler la pilule que constitue l'adoption du nouveau code du travail. P as besoin d'être à la tête d'une des plus grandes forson parc automobile entre une Audi Q7, une Mercedes GL, un tunes du monde, pour mener un train de vie de Toyota Land Cruiser V12, le tout d'une valeur approximative milliardaire. Etre syndicaliste en Roumanie permet de 300 000 €. Il peut dormir sur ses deux oreilles (pas facide rivaliser avec Mme Bettencourt. Marius Petcu, chef du synle… essayez donc !), un circuit vidéo d'alarme sophistiqué dicat CNSLR Fratia, médite derrière les barreaux depuis fin veille sur son bien. mars sur l'ingratitude que la La propriété, de 8 hectares, Direction Nationale Anticorentourée par la forêt, comprend ruption (DNA) nourrit à son cinq maisons, dont l'une impoégard au sujet de l'authenticité sante et ultramoderne, semide ses déclarations au fisc, lesenterrée, comprenant une pisciquelles ne correspondent pas à ne intérieure, une autre extéses "signes extérieurs de rieure chauffée bien sûr, un basrichesse". Un comble… lui qui sin également chauffé de trois a passé sa vie à défendre les niveaux pour les poissons exoemployés gagnant souvent tiques, une lingerie. Le parc moins de 200 € par mois. inclut pavillons, cellier, une ferPourtant Marius Petcu mette traditionnelle authenparait un tout petit garçon aux Le “logement social” de Liviu Luca: une propriété de 8 ha avec tique, importée du Maramures, piscines, forêts, logements pour le personnel, parc de voitures... remontée sur place et trônant côtés de son adjoint qui a pris momentanément sa place au soleil…pendant que lui croupit à sur 5000 m2, avec ses dépendances, des habitations pour le l'ombre (sans-doute pas pour longtemps…). Liviu Luca, vicepersonnel, lequel dispose d'un parc de stationnement pour les président de CNSLR Fratia, 57 ans, s'est en effet construit un voitures, une aire de pêche et de loisirs avec lac… et d'un hélidomaine de plus de 10 millions d'euros dans la commune de port (çà ne coûte pas cher à faire, il suffit de stabiliser un périPaulesti (judet de Prahova). Il ne s'agit là que du joyau de toumètre de 30 m2… mais çà "en jette" pour les patrons venus tes les propriétés qu'il possède dans le coin, estimées à plunégocier les baisses de salaire de temps de crise!). sieurs dizaines de millions d'euros. Il a fallu qu'il économise Le tout est sous la surveillance constante de 20 gardiens, dur, ses seuls revenus étant sa paye de syndicaliste depuis 21 une vingtaine d'autres employés veillant sur le bien-être du ans - au lendemain de la "Révolution" -, en principe prise sur maître des lieux. Liviu Luca est tellement occupé par ses foncles cotisations des adhérents. tions… qu'il en a oublié de faire sa déclaration de fortune, Pour se rendre aux réunions syndicales, il a le choix dans comme l'exige la loi. A savoir Retraités: retour au niveau de vie de 2008… en 2015 le rétablissement pour les fonctionnaires sera plus long. aura travaillé dans telle ou telle entreprise en vue de la fixation de sa retraite. Les retraités et pensionnés ne retrouveront leur niveau de vie de 2008, quand il était au maximum avec une croissance économique de 7,3 % (-7,1 en 2009 et -1,3 en 2010), qu'en 2015, d'après Mugur Isarescu, gouverneur de la Banque nationale, lequel ne s'attend pas à un redressement aussi rapide de la situation que lors du début des années 2000. Le pouvoir d'achat des salariés des secteurs liés à la production et à l'exportation devrait s'améliorer rapidement, alors que Disparition des carnets de travail Les Moldaves mal lotis Depuis 1er janvier, la chronologie du temps de travail de chaque salarié n'est plus indiquée dans le carnet de travail. Désormais, chaque salarié doit lui-même demander, à la fin de son contrat dans une entreprise, une attestation précisant la durée de son contrat, ses salaires, etc. Le tout de manière à lui permettre de pouvoir justifier du nombre d'années qu'il Avec un salaire moyen de 177 euros, les Moldaves (Chisinau) se situent en queue de peloton des salariés les moins payés de la CEI (ancienne URSS). Seuls les ressortissants du Kirghizstan (108 euros) et Tadjikistan (66 euros), sont encore plus mal lotis. Les russes caracolent en tête avec 523 euros, kazakhs et biélorusses recevant respectivement 381 et 338 euros. 19 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Evènements l SATU MARE BACAU l l l VASLUI ARAD BRAILA l l BRASOV TIMISOARA PITESTI CRAIOVA l TULCEA l l l BUCAREST l l l CONSTANTA L'autoroute du "soleil"… ce ne sera pas pour cet automne! 20 Les travaux d'un nouveau boulevard au centre de Bucarest ont soulevé la colère des riverains qui accusent la mairie de détruire des bâtiments historiques, mais aussi provoqué une incroyable intrusion de la mairie au domicile d'un particulier. CERNAVODA n GIURGIU boulevard passant au milieu du salon… la mairie contre un simple particulier l IASI TARGU MURES l Bucarest: les bulldozers de l SUCEAVA ORADEA l Maison coupée en deux, Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Claironnée par le gouvernement, "l'autoroute du Soleil", reliant d'un trait la capitale à la Mer Noire, devait être inaugurée cette année. Il n'en sera rien, sa mise en service n'étant désormais attendue au plus tôt qu'en 2014. L'absence d'un certificat d'urbanisme pour un maillon de 14 km entre Cernavoda et Medgidia serait la cause de ce contretemps. La firme française Colas, qui a en charge la construction de ce tronçon, a déposé voici huit mois une demande administrative pour un aménagement des travaux et n'a toujours par reçu de réponse. Le préfet du judet de Contantsa a déclaré qu'il allait poursuivre en justice le Conseil général pour ne pas avoir fait son travail. La ministre des transports, Anca Bogiu, a proposé de contourner le problème en ne réalisant qu'une chaussée sur deux de l'axe, dans l'attente des autorisations, provoquant la stupéfaction de Colas. Puis, elle a envisagé de résilier le contrat de la firme et de relancer un appel d'offres… ce qui pourrait entraîner le retrait du financement de l'UE. Voilà qui fait craindre aux plus pessimistes que l'autoroute ne soit achevées qu'à la fin de la décennie. En 2011, les automobilistes se rendant de Bucarest à Constantsa devraient cependant pouvoir emprunter les maillons contournant cette dernière ville et menant à Cernavoda, finalisés normalement à l'automne. L e 14 janvier au petit matin, des policiers et des fonctionnaires de la mairie ont fait irruption dans la maison des Iliescu, au 65 rue Berzei. Teodor, la trentaine, et son père sont en train de prendre leur petit déjeuner. "Sortez de chez nous ! C'est une propriété privée", lance Dan, le père. "C'est désormais la propriété de l'Etat", lui rétorque un policier. Pour clarifier la situation, un fonctionnaire prend une craie et trace une ligne au beau milieu du salon. "Tout ce qui est à gauche va être détruit pour élargir la rue. Ce qui est à droite reste votre propriété…" (...) "Ils ont commencé à casser les fenêtres et les portes et à sortir sur le trottoir tout notre mobilier. Trois jours auparavant, on nous avait coupé le gaz, l'eau et l'électricité", raconte Teodor, qui ajoute n'avoir reçu aucun avertissement de cette intervention de la part de la mairie. Quelques jours plus tard, alors que les températures oscillent autour des zéro degré, des bulldozers viennent couper la maison des Iliescu en deux. Pour empêcher les voleurs de pénétrer chez eux, Teodor doit veiller nuit et jour avec son père, un bâton à la main. "J'ai dû souder le portail, sinon on nous l'aurait fauché pour le revendre", lâche-t-il fatigué. Depuis peu, la partie éventrée de la maison a été rebouchée à l'aide de grandes planches de contreplaqué, mais le gaz n'a toujours pas été Voilà ce qu'il reste du salon de la maison remis. "Ils nous ont coupé notre de la Strada Berzei après le passage des bull-dozers. maison comme une simple tarte. Cette bâtisse à 100 ans et notre famille a toujours vécu dedans. Mais on restera ici et nous obtiendrons des dédommagements", explique Mariana, la mère, qui rappelle que jusqu'à maintenant, elle n'a reçu que de vagues promesses. Utilité publique contre patrimoine historique L'élargissement de la rue Berzei fait partie d'un vaste projet de la mairie pour désengorger le trafic automobile du centre de la capitale. Une nouvelle artère de six bandes et une ligne de tramway vont bientôt relier le quartier Uranus, près du Palais du Parlement, à Piata Victoriei et au nord de la ville. A la fin de l'année dernière, le maire de Bucarest Sorin Oprescu affirmait fièrement qu'il s'agissait de "la plus grosse opération urbaine des vingt dernières années", assurant qu'il faudra "un maximum de vingt minutes" pour relier en voiture Piata Victoriei à Piata Cosbuc. Soutenues par l'Union des architectes de Roumanie, une quinzaine d'associations se sont regroupées pour tenter de stopper le projet. Réunies sous le nom de "plateforme pour Bucarest", elles ont proposé à la mairie un plan de développement urbain alternatif. "En Europe de l'ouest, on s'est rendu compte depuis longtemps qu'élargir les rues ne résolvait pas le problème de la circulation, mais qu'il fallait une vision stratégique qui s'encadre dans un développement urbain global pour le faire", indique Gruia Badescu, l'une des membres du mouvement. En plus d'accuser les pouvoirs publics de ne pas avoir de vision à long terme, ce groupement d'associations dénonce avec véhémence une destruction irréfléchie du patrimoine historique. Même si la mairie a obtenu de la part du gouvernement la qualification d'"utilité publique" pour ce projet, lui permettant de procéder à des expropriations, certains bâtiments protégés par la loi posent encore problème. Les travaux de destruction de "Hala Matache", classée monument historique, ont débuté sans l'avis du ministère de la Culture, avant d'être stoppés en l'attente d'une clarification de la situation. "Le ministre nous a assuré qu'il ne donnerait pas son accord pour la destruction du monument. Espérons qu'il tienne promesse", conclut Gruia Badescu. Tout n'est donc pas encore joué, même si un retour en arrière semble désormais peu probable. Jonas Mercier Près de 500 000 jeunes Roumains consommeraient des poudres psychotropes La fin des marchands de rêves ? L es magasins de rêve vont-ils mettre la clé sous la porte, pour de bon cette fois-ci ? C'était en tout cas l'ambition d'un projet de loi, inspiré de l'exemple polonais, qui a été dévoilé lors d'un conseil des ministres, fin février. Si, finalement, ces officines vendant des "drogues légales" ne seront pas interdites, elles ne pourront désormais proposer que des produits homologués par les ministères concernés (Agriculture, Santé), produits dont la composition sera contrôlée. Pour lutter contre le déferlement de ces "drogues" légales, le gouvernement a aussi annoncé le renforcement des contrôles dans ces magasins. Le Premier ministre a reconnu la relative impuissance des autorités à endiguer définitivement ce phénomène. "D'après les spécialistes, la possibilité de multiplication de ces substances ethnobotaniques et le nombre de combinaisons sont infinies. Et il est très difficile de trouver une formule qui encadre toutes ces substances" a-t-il regretté. A chaque coin de rue On trouve des marchands de rêve à chaque coin de rue en Roumanie, ou presque. Depuis des mois, le nombre de magasins vendant des produits ethnobotaniques n'a cessé de se multiplier dans les principales villes roumaines. Malgré une première loi adoptée en urgence par le gouvernement il y a plus d'un an et interdisant la vente d'une vingtaine de substances psychotropes, ces "spice shops" n'ont pas arrêté de vendre des herbes et autres produits soi-disant "naturels" qui promettent aux jeunes Roumains les vertiges d'un bon "trip". De nouvelles substances de synthèse ou de légères modifications apportées à la composition de produits interdits ont suffi à poursuivre le commerce, qui se développe aussi sur Internet. A tel point qu'en deux ans seulement, la Roumanie, qui n'était absolument pas concernée par le phénomène, est devenue l'un des cinq pays d'Europe où la consommation de ces drogues douces est la plus répandue. Selon le Conseil de l'Europe, près de 500 000 jeunes Roumains consommeraient ces poudres qui font "rêver". Et si leur nombre n'est pas connu avec exactitude, plusieurs jeunes Roumains - sans doute quelques dizaines - ont perdu la vie suite à la consommation de ces produits. Début février, un jeune Bucarestois, Robert, est mort après s'être offert un voyage "au pays des rêves". "Ne commercialisez plus la mort!" Face à ce déferlement, les autorités, qui ont mis du temps à réagir, n'ont pas réussi à prendre des mesures efficaces. Dans de nombreuses villes - Buzau, Iasi - les appels lancés depuis longtemps pour fermer ces magasins ont été entendus et les mairies ont décidé d'interdire une partie, voire l'ensemble de ces "spice shops", mettant en avant la dangerosité des produits, notamment auprès des jeunes collégiens et lycéens. Fin décembre, il a par exemple été décidé d'interdire ces commerces dans un rayon de 1,5 km autour des écoles, cités universitaires ou bibliothèques. Mais beaucoup ont continué de fonctionner malgré tout. Une nouvelle offensive a été lancée début février: la mairie du secteur 2 de Bucarest a fermé 33 magasins qui enfreignaient la loi et Radu Mazare, le maire de Constanta, a pris une décision similaire. Le lundi 14 février, une manifestation a même été organisée devant le siège du gouvernement, Piata Victoriei, pour réclamer la fermeture pure et simple de tous ces établissements. Sur les pancartes des manifestants, parmi lesquels se trouvaient des personnalités comme le rappeur Puya, l'on pouvait lire: "Les produits ethnobotaniques sont un poison qui tue! Ne commercialisez plus la mort !". Marion Guyonvarch (www.lepetitjournalcom/ Bucarest) Licencieux… et licencié, le prêtre en appelle à l'UE T rouvé au lit avec deux garçons, le Père Prouteau, confesseur du monastère Tabara d'Orhei (République de Moldavie) se réfère à la législation anti discriminatoire de l'UE pour contester son interdiction de dire la messe et la procédure de radiation engagée contre lui par l'Eglise orthodoxe moldave. Il réclame en outre des dommages et intérêts à sa hiérarchie, lui reprochant de l'empêcher d'exercer son ministère et de remplir ses lucratives attributions. Le gouvernement moldave a adopté une loi anti-discrimination le 17 février dernier, qui doit encore être approuvée par le Parlement. Des associations familiales ont vivement protesté, menaçant de manifester et de faire connaître leur mécontentement dans les urnes. 21 Les NOUVELLES de ROUMANIE Société Divorcer en un mois pour le prix d'un timbre poste Vie quotidienne SUCEAVA l ORADEA BAIA MARE l l VASLUI l BRASOV VULCAN TIMISOARA l CRAIOVA l GALATI l l TARGOVISTE PITESTI l l l l BUZAU TULCEA n BUCAREST MANGALIA l A 23 ans, plus jeune grand-mère du monde 22 Vie quotidienne Les séries télévisées asiatiques, coqueluche des Roumains "Mon feuilleton coréen bien mieux qu'une télénovela" l l l l IASI TARGU MURES ALBA IULIA ARAD l Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Rifca Stanescu, 23 ans, mère de deux enfants, une Tsigane originaire du village d'Investi, proche de Vaslui, et établie en Grande Bretagne, est devenue la plus jeune grand-mère du monde. Le record antérieur était détenu par une Britannique de 29 ans. Elle avait elle-même été maman à l'âge de 12 ans, s'étant enfuie un an plus tôt de la maison avec un garçon de 13 ans, son père voulant la marier avec un autre jeune. Maria, sa fille aînée, s'est mariée à 10 ans et a donc donné naissance six mois plus tard, début mars, à un garçon, à la maternité de Galati. Du coup, la mère de la plus jeune grand-mère du L e nombre de divorces a beaucoup baissé ces deux dernières années, passant de 30 628 en 2009 à 29 887 en 2010, après avoir atteint le niveau record de 33 504 en 2008, juste avant que la crise ne frappe. Cette évolution est d'autant plus marquante qu'il est devenu beaucoup plus simple de divorcer, selon une procédure par consentement mutuel, appelée divorce administratif - les couples disposent d'un délai de 30 jours pour revenir sur leur décision, après lequel le mariage est automatiquement dissous - et surtout moins coûteux. Ainsi à Bucarest, il suffit d'acquitter un timbre fiscal de 5 lei (1,2 €)… guère plus cher qu'un timbre poste pour l'étranger. Le tarif peut cependant varier d'une ville à l'autre. Il est de 100 lei (23 €) à Targua Jiu, 300 lei (70 €) à Galati et Oradea, 500 lei (115 €) à Botosani, Focsani et Suceava, et 650 lei (210 €) à Targua Mures. Si le couple a des enfants mineurs, le recours au divorce administratif n'est pas possible et le passage devant un juge est nécessaire. Outre les honoraires des avocats, il faut alors acquitter une taxe à l'Etat de 39 lei (10 €), à laquelle s'ajoute un montant de 3 % de la valeur des biens à partager. En outre, le couple doit invoquer un motif de séparation reconnu valable. La raison la plus avancée est l'incompa-Çà fait 3 ans que j’ai divorcé et depuis tibilité d'humeur qui regroupe des cas d'infimon ex n’arrête pas de boire! -Fêter çà aussi longtemps... délité, d'abandon de domicile ou de violenMais ce n’est pas possible ! ces domestiques. Ces dernières ne sont souvent pas citées directement car difficiles à prouver: elles nécessitent des certificats médicaux et les déclarations d'au moins deux témoins. En outre cette procédure peut demander plusieurs années avant d'être solutionnée. L'incompatibilité d'humeur cache aussi, par pudeur, des raisons reconnues par la loi comme la non-consommation du mariage ou des dysfonctionnements physiologiques affectant les rapports conjugaux. Huile et sucre gratuits : hystérie à travers le pays E monde, qui s'était mariée à l'âge plus raisonnable de 17 ans, est devenue arrière-grand-mère à 40 ans. La Roumanie continue donc à "collectionner" les records dans le domaine de la maternité. A l'opposé de l'échelle des âges, Adriana Iliescu était devenue, en 2005, à 66 ans, la plus vieille maman du monde, dépassée depuis par une Indienne de 70 ans. Pour autant la Roumaine n'a pas renoncé à retrouver son "titre", ayant déclaré qu'elle souhaitait avoir encore un enfant. n mars, des milliers de Roumains à travers tout le pays ont pris d'assaut les magasins de plusieurs chaînes qui proposaient des promotions, provoquant des queues jamais vues depuis 1989, des bagarres entre les clients qui attendaient dans le froid depuis deux heures du matin, des policiers venus mettre de l'ordre ayant même failli être lynchés. Vaslui, Târgoviste, Vulcan (Târgu Jiu), Mangalia (Constantsa), Arad, Bucuresti, Brasov… Presqu'aucune région n'a été épargnée par cette hystérie déclenchée à l'annonce de la remise d'une bouteille d'huile de deux litres gratuite pour une achetée, d'un kilo de sucre, ou de détergents, les stocks étant dévalisés en un tour de main. Les queues regroupaient jusqu'à 500 personnes, s'étendant sur une centaine de mètres. Ménagères, retraités, chômeurs, etc. jouaient des coudes, en venant aux mains, se battant à coups de bouteilles. A Mangalia les vitrines d'un magasin ont explosé, à Arad, trois vieilles femmes se sont évanouies dans la bousculade. Les séries sud-coréennes diffusées par les chaînes de télévision publiques sont devenues la coqueluche des Roumains. Leur audience dépasse désormais celle des telenovelas proposées par les chaînes commerciales. Pourquoi un tel succès ? s'interroge Romania Libera. L es séries coréennes sont entrées en Roumanie en juillet 2009, lorsque la chaîne de télévision publique a lancé Giuvaerul palatului (Le jouyau du Palais), un feuilleton en 70 épisodes narrant les intrigues d'une dynastie royale de 1494 à 1544. La promotion de la série ayant été timide, le public roumain l'a découverte tardivement. Ce sont les commentaires d'internautes sur les forums et les blogs comme Koreafilm.ro qui ont déclenché la contagion. Sous le pseudonyme de Lotte, une fan écrit, enthousiaste, que la série coréenne n'a "rien de comparable avec les feuilletons assommants et ineptes qui passent à la télé en ce moment". La série coréenne décrit la vie au palais royal par le biais des cuisines et de ceux qui y travaillent. Lotte apprécie "la décence, le sérieux, l'authenticité et, bien sûr, la culture coréenne" et conclut: "Ce n'est pas seulement un film, c'est une image de la Corée qui a traversé cinq cents ans d'histoire pour venir nous donner une leçon de bon sens et de raffinement". sode. "Ce succès a également influencé la politique d'acquisitions des chaînes de télévision en Ukraine et en Bulgarie", relève Luminita Boerescu, responsable des achats de droits à TVR. Selon elle, le public apprécie de tels programmes parce qu'ils permettent "de s'évader dans une histoire avec des héros qui représentent des modèles parfaits de moralité, qui vivent dans un monde exotique dominé par la pudeur et la décence. Autant de concepts que le monde moderne a oubliés". Ras le bol des feuilletons américains Pas cher et excellents résultats d'audience Des centaines de messages sont postés par des téléspectateurs conquis. Les séries coréennes l'emportent haut la main sur les telenovelas sud-américaines ou les productions nationales. L'analyste des médias Petrisor Obae explique cet engouement par le fait que ces séries proposent "une alternative à ce qu'on trouve sur le marché de la télévision à l'heure actuelle. Leur principal attrait repose sur la spécificité d'une culture peu présente jusque-là dans l'espace télévisuel". De la peinture de la vie quotidienne à celle de la gastronomie, de l'art et des hiérarchies sociales, tout est nouveau pour le public roumain, détaille l'expert. De plus, la série n'essaie pas de forcer l'audience avec des artifices tels que le sexe ou la nudité. Pour la chaîne roumaine TVR, ces films sont une opération réussie: des coûts d'acquisition bas et d'excellents résultats d'audience. Ainsi celle de Furtuna la palat ("Orage au palais") dépasse-t-elle les 500 000 téléspectateurs par épi- Il en fallait pourtant beaucoup pour faire migrer le téléspectateur roumain des telenovelas ou des feuilletons roumains remplis d'histoires de Tsiganes vers la lointaine Corée. Plus que l'attrait pour ce pays et son exotisme, le phénomène est le résultat d'une certaine overdose, des séries locales et américaines, estime pour sa part un anthropologue, Vintila Mihailescu. "Quiconque prête un peu l'oreille aux doléances du public peut remarquer une saturation vis-à-vis de l'offre existante. Le public en a assez des histoires spectaculaires et de l'humour gras. Alors, lorsque des chaînes font des offres vraiment nouvelles, la réponse est positive." De fait, les spectateurs réagissent aussi bien à l'introduction timide du genre documentaire qu'aux télénovelas coréennes. "Voilà un message positif adressé aux chaînes, conclut l'anthropologue. C'est le signe qu'elles peuvent se permettre d'être un peu plus créatives sans pour autant perdre de l'audience !" Manuela Golea (Romania Libera) Appréciées pour leur qualité et bientôt en France L es séries télé américaines sont peu diffusées sur les chaînes coréennes, explique le site Coreeenfrance.com. La télévision coréenne est connue pour être le royaume de la série. Ainsi, nombre de comédiens coréens commencent leur carrière à la télévision, dans ces feuilletons, avant de se lancer dans le cinéma. Les chaînes diffusent au moins deux heures de séries par jour. Les sujets des séries du matin, appréciées par les femmes au foyer, portent toujours sur les relations familiales. Un thème très apprécié par les femmes au foyer coréennes est celui du mari infidèle puni par sa femme. Vient ensuite, après l'école, le feuilleton dédié aux ados. Enfin, les trois principales chaînes du pays se disputent la plage horaire la plus disputée, de 22 heures à 23 heures, avec force séries de grande qualité, concurrence oblige. Leur succès gagne l'étranger, le reste de l'Asie en particulier. Mais même en France, où elles ne sont pas encore présentes sur les chaînes de télévision, ces séries, désignées sous le nom de "dramas coréens" et appréciées pour leur qualité et leur tenue, ont leurs amateurs… et leurs blogs ! 23 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Vie quotidienne l ORADEA SATU MARE l CLUJ l l BOTOSANI l l l BRASOV l l CHISINAU SF. GHEORGHE l ARAD IASI l TARGU MURES TIMISOARA SIBIU R. VALCEA l GALATI BRAILA l l l l TULCEA CRAIOVA l n BUCAREST GIURGIU CONSTANTA l l De 30 jours à un an pour adopter un enfant 24 Un Roumain sur quatre serait touché par l’obésité Le gouvernement Boc a décidé de faciliter les adoptions, en adoptant une loi qui accélère leur processus. Désormais, un enfant né de parents inconnus peut être adopté 30 jours après l'établissement de son certificat de naissance, tandis qu'un enfant abandonné peut l'être un an après que ses parents ont déclaré ne plus vouloir s'en occuper. L'objectif est d'augmenter le nombre d'adoptions. Actuellement, 67 000 enfants sont pris en charge par l'Etat, dont 22 000 environ se trouvent dans les centres de placement. L'an dernier, 1700 enfants ont été adoptés par des parents roumains, contre 1200 en 2009. Mais ces modifications ne concernent que les adoptions "internes" et la porte-parole du gouvernement, Ioana Muntean, a précisé que la réglementation en vigueur pour les adoptions internationales ne changeait pas. Pour l'heure, les adoptions internationales restent donc "fermées". Décès à presque 107 ans de la doyenne des Roumains Ecaterina Gaman, la doyenne des Roumains, 106 ans et 9 mois, est décédée à la miavril à l'hôpital de Buzau, des suites d'un infarctus. Elle était née en 1904 dans la localité proche de Beceni. Mariée à 19 ans, elle avait eu 11 enfants, 7 seulement survivant, dont 6 encore en vie, le plus vieux ayant 83 ans. L a prévalence de l'obésité a quasiment doublé en près de 30 ans dans le monde et touche 500 millions d'adultes, davantage les femmes que les hommes, selon une étude publiée par The Lancet. la revue souligne qu'un Roumain sur quatre est obèse et un sur deux a des problèmes de poids. Un cri d'alarme est lancé vis-à-vis des adolescents roumains qui suivent le mouvement général: mauvaise alimentation, pas d'exercice physique, overdose d'internet et de télévision. Cas unique en Europe occidentale et rare dans le panorama mondial, selon cette étude, l'IMC a baissé en vingt-huit ans chez les femmes d'Italie, tandis qu'il n'augmentait que très peu en Belgique, en Finlande et en France, selon l'étude, qui ne donne pas d'explications. Les femmes de Suisse sont les plus minces d'Europe, suivies ex aequo par celles de France et d'Italie, juste en dessous du seuil de surpoids. Les Français sont les hommes les plus minces d'Europe, sous le seuil de surpoids aussi, juste devant les Groënlandais, les Danois et les Néerlandais. Les chercheurs rappellent que le surpoids est un facteur de risque important pour les maladies cardiovasculaires, le diabète et le cancer et serait à l'origine de quelque 3 millions de morts dans le monde chaque année. Dans un autre ordre d'idée, un chercheur roumain a comparé l'évolution de la consommation de ses compatriotes depuis une dizaine d'années, notant que sous le gouvernement Nastase (2000-2004), ils avaient consommé moins d'œufs et d'huile mais davantage de pain, l'époque Tariceanu (2004-2008) étant marquée par une stagnation de la consommation de viande et une augmentation de celle d'alcool. Depuis trois ans, les Roumains se seraient mis au riz. A savoir Espérance de vie: les Roumains mal lotis Les citoyens roumains sont parmi les plus mal lotis dans l'UE en ce qui concerne l'espérance de vie, qui se situe à 73 ans (75 ans à Bucarest, 70,3 ans dans le judet de Satu Mare), contre près de 80 ans dans nombre d'états membres. La moyenne pour les Roumaines est de 77 ans (78,5 ans à Bucarest et 75 ans à Satu Mare), mais elle tombe un peu en dessous de 70 ans pour les hommes (66 ans à Satu Mare, 71,7 ans à Râmnicu Vâlcea). Seulement 2 % de mères célibataires Sur l'ensemble de la population européenne, 4% sont des femmes célibataires avec au moins un enfant, indique une étude Eurostat basée sur des données chiffrées de 2009. Seulement 0,5% des Européens se classe dans la catégorie des pères célibataires. Les femmes célibataires avec enfants se concentrent principalement en Estonie et au Royaume-Uni où elles représentent 7% de l'ensemble de la population. L'Irlande, la Lettonie et la Lituanie compte 6% de mères célibatai- res. A l'inverse la Grèce, la Finlande, la Roumanie et Malte sont les pays où le taux de mères célibataires est le plus faible (2%). En France, 4,7% de femmes sont dans cette situation, contre 0,8% des hommes. La maison plébiscitée La grande majorité des citoyens roumains vivent en maison individuelle (60,7%), alors que 37,7% logent en appartement, 1,6 % en maison mitoyenne (23% dans l'UE), selon les statistiques d'Eurostat pour 2009. 22 % ont des fuites de toiture dans leur habitation ou de l'humidité (15,9 % pour l'UE), 8,7 % souffrent de l'obscurité de leur logement (7,3 %). Environ 43 % des Roumains n'auraient pas de toilettes intérieures et ne disposeraient ni d'une baignoire, ni d'une douche chez eux. A ce chapitre, la Roumanie est de loin le pays de l'UE le plus mal loti, étant donné que la moyenne des 27 pour ces deux indicateurs atteint, respectivement, 3,5% et 3,1%. 55% des Roumains disent vivre dans des conditions de surpopulation, pour une moyenne européenne de 17,8%. Les NOUVELLES de ROUMANIE Faits divers Société L'auteur de "Gomorra": "En Roumanie la mafia italienne contrôle la prostitution le trafic de drogue et le blanchiment d'argent" La criminalité organisée italienne a fait la jonction entre l'Europe de l'Est et du Nord, affirme Roberto Saviano, l'auteur du roman-enquête Gomorra sur l'emprise de la mafia et de la camorra sur les quartiers de Naples. Dans une interview au magazine Foreign Policy Roumanie, réalisée par Gabriela Preda, il indique qu'en Roumanie, elles contrôlent la prostitution, dont les ramifications s'étendent jusqu'en Italie, le trafic de drogue et le blanchiment d'argent. Gabriela Preda: Vous dites que de nombreux pays n'arrive même pas à en obtenir une description sommaire. On Balkans constituent désormais des plaques tournantes des sait cependant qu’ils ne sont pas toujours roumains. Car ce trafics internationaux. Quelle place tient la Roumanie dans sont les organisations criminelles italiennes qui contrôlent le ce dispositif ? marché de la prostitution, sauf à le "sous-traiter" parfois. Roberto Saviano : J'ai récemment rassemblé du matériel Ces derniers temps cependant les organisations criminelpour une enquête sur [la prostitution] et j'ai interrogé par téléles roumaines semblent aussi s'imposer en Italie, et cherchent phone de nombreuses jeunes prostituées. Les filles originaires à "diversifier" l'activité de leurs "salariées" en y ajoutant le d'Europe de l'Est sont nombreuses en Italie, et la Roumanie est trafic de drogue. Plusieurs milliers de prostituées roumaines l'un des pays qui "exporte" le plus dans ce domaine. Il s'agit de se sont mises à vendre de la cocaïne aux clients, même si elles centaines et de centaines de filles. A Rome, par exemple, il est n'en prennent pas. Il s'agit d'une nouveauté, une nouvelle strade notoriété publique que les escort girls les plus belles et aux tégie des organisations criminelles roumaines. Celles-ci tarifs les plus raisonnables sont originaires de Roumanie. essaient ainsi de "consolider" le rapport avec leurs homoloG.P. : Qu'entendez-vous par "tarifs raisonnables" ? gues italiennes, qui entretenaient jusqu'à présent des relations R.S.: Cent euros. Ce sont des filles saines, elles se d'affaires avec les Albanais, les Bulgares, les Macédoniens et maquillent correctement, ont des poitrines avantageuses les Ukrainiens, qui sont sur place depuis longtemps. quoique retouchées et ne se droguent pas. Par comparaison, une prostituée russe du même "niveau" vend son corps pour "Elles maîtrisent mieux l'italien que les autres" 200 à 300 euros. Il faut ajouter que les roumaines sont souvent très jeunes et sont considérées comme sans scrupules. G.P.: Vous semblez très sûr de ce que vous affirmez. Contactées le plus souvent par téléphone, elles acceptent tous Comment un écrivain peut-il avoir autant de certitudes? les clients dès le départ, sans poser de conditions. Quelles sont vos sources ? Une "collègue" italienne ne négociera pas, mais se renseiR.S. : C'est très simple. Dans le cas de l'enquête "escort", gnera auparavant sur le client, sur ses attentes. Elles connaispar exemple, en plus des rapports de police, les éléments sont sent très bien le marché, et elles répondent au vu et au su de tout le monde: en surfant donc à toutes les questions, exactement sur des sites Internet de rendez-vous à comme pourrait s'y attendre un Italien, donRome, par exemple, il y a toujours des nant ainsi l'impression d'être "conquises" annonces postées par de nombreuses escort par les clients. girls roumaines, et maintenant je les reconA la question "Dans quel pays euronais dès la présentation. On les distingue péen préférez-vous travailler?", les escort des autres, car les Bulgares ou les Russes girls roumaines répondent d'emblée l'Italie, maîtrisent moins bien l'italien. Les soulignant que les clients ne se saoulent pas Bulgares en particulier tendent à utiliser le L’écrivain Roberto Saviano. comme en Allemagne ou dans d'autres pays, traducteur automatique de Google. Enfin, mais ils embellissent la "rencontre" avec de nombreux complij'ai remarqué une nouvelle tendance au sein du marché des ments ou des cadeaux. escort girls: leur arrivée dans le monde du show-business et de la télé. Rien de nouveau, me direz-vous, vu de l'extérieur. Le problème, c'est qu'ici, en Italie, nombre d'entre elles font carLes escort-girls roumaines cachent leur rière. Elles peuvent devenir secrétaires d'Etat, conseillers ou nationalité et se présentent comme des Russes peuvent occuper d'autres hautes fonctions. Il faut ajouter que les escort girls roumaines en Italie L'aspect moral ne m'intéresse pas, parce qu'au final, chaessaient de cacher leur nationalité. Elles se présentent souvent cun peut décider s'il veut vendre son corps et à qui. Mais je en tant que "russes" , et cet aspect ressort également de leurs crois fermement que cela peut devenir un problème si on en présentations sur internet. J'ai l'impression qu'elles essaient arrive au chantage, à l'échange de faveurs avec les "proxénèd'éviter l'amalgame "Roumanie = tsiganes ou misère". tes", voire directement avec les prostituées, c'est à dire quand C'est quand on en arrive aux tarifs que leur nationalité on fait entrer en jeu l'argent sale, la corruption, ou les recomémerge. De plus, elles ne parlent jamais de leurs maquereaux. mandations pour un quelconque emploi. Ces personnages restent un mystère: quoi que l'on fasse, on Propos recueillis par Gabriela Preda 25 Les NOUVELLES de ROUMANIE Société Vaste trafic de poids lourds démantelé dans l'Est de la France Faits divers l SAPANTA ORADEA l NADLAC l l l SUCEAVA IASI TARGU MURES ARAD l l l l VASLUI SIBIU TIMISOARA GALATI R. VÂLCEA CRAIOVA l l l l TULCEA l PLOIESTI n BUCAREST CERNAVODA l Près de 150 kg de cocaïne saisis à Sapânta 26 Les "faux Bulgares" font exploser le nombre d'accidents Faits divers l BACAU l Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Près de 150 kg de cocaïne ont été confisqués par la police, fin mars, dans une halle du village de Sapânta (Maramures), connu pour son "cimetière joyeux". La drogue était dissimulée dans un container censé transporter du bois de Bolivie, à destination d'une société basée dans ce même département. Les forces de l'ordre ont repéré la cargaison de stupéfiants dès son arrivée en Roumanie, qui s'est faite par le port de Constanta, et l'ont suivie jusqu'à sa destination finale. Cette opération a impliqué plusieurs brigades policières, dont celle de la lutte contre le crime organisé et la police des frontières. La meurtrière du Père Roger, de Taizé poignardée à son tour Luminita Solcan, 41ans , qui avait tué de plusieurs coups de couteau, le Père Roger, leader spirituel de la Communauté de Taizé, au cours d'une retraite en août 2005, a été ellemême poignardée et grièvement blessée par sa voisine de chambre qui la poursuivait en pleine nuit dans les couloirs de l'établissement psychiatrique dijonnais où les deux femmes sont internées. La Roumaine a demandé à plusieurs reprises à être transférée dans son pays. A près deux ans d'enquête, les gendarmes de la section de recherche de Reims viennent de mettre fin à un trafic international de poids-lourds. Cette affaire s'est soldée par l'interpellation d'une quinzaine de personnes d'origine moldave et ukrainienne. Une cinquantaine d'ensembles routiers volés de l'Alsace à la Bretagne, pour un préjudice global chiffré à 10 millions d'euros environ: c'est le butin affiché par une trois équipes moldaves et ukrainiennes spécialisées dans le vol d'ensemble routiers. Un trafic mis au jour par les gendarmes de la section de recherche de Reims après deux ans d'enquête. La cible de ces voleurs : les plateformes de logistique des transporteurs, les aires de repos où stationnent les ensembles routiers (tracteur et remorque) vides. La plupart ont été volés de nuit, "parfois plusieurs par nuit". Dans la région ChampagneArdenne, sept vols ont été perpétrés, dont deux dans les Ardennes (Rethel et Châteletsur-Retourne), un dans la Marne (Saint-Martin-sur-Le-Pré) et deux dans l'Aisne (Villeneuve-Saint-Germain, près de Soissons). Ces camions volés transitaient par la Belgique, où ils étaient "déplaqués et maquillés" avant de prendre la direction des pays de l'Est. Dix huit ensembles ont été retrouvés en Pologne, en Roumanie, en Ukraine, en Allemagne... Le préjudice global de cette affaire est estimé à 10 millions d'euros environ, comprenant le prix d'un ensemble routier (de 100 à 150 000 euros) et le préjudice financier pour les entreprises victimes de ces vols, dont l'une a failli être conduite au dépôt de bilan après le vol de deux poids lourds. Cubains qui se font passer pour des Belges J ournée mouvementée, le samedi 12 février, pour les douaniers et policiers aux frontières de la Roumanie. Ce jour là, la police des frontières de Nadlac (Arad) a arrêté deux Cubains de 23 et 21 ans qui tentaient de se faire passer pour des Belges et avaient présenté de faux documents, remis par un ami d'Amérique centrale, afin de pouvoir entrer en Hongrie et dans l'espace Schengen. Au cours de la même semaine, les policiers avaient interpelé neuf autres étrangers, Turcs, Pakistanais, Tunisiens, Georgiens, utilisant le même subterfuge. En 2010, 470 tentatives de passage frauduleux ont été dénombrés aux quatre postes frontières du judet d'Arad. Le même jour, à l'autre bout du pays, au poste frontière d'Albita, près de Vaslui, quatre Grecs ont été arrêtés alors qu'ils se présentaient pour passer en Moldavie avec des papiers en règle. L'un des passagers du véhicule, âgé de 83 ans, coincé sur le siège arrière entre sa fille et son gendre, qui affirmaient qu'il dormait, ne répondait pas aux questions du policier, ce qui ne manqua pas de l'intriguer. Vérification faite, le vieillard Çà n'a rien à voir… mais les caricatures du Belge Kroll sont si extraordinaires était mort quelques kilomètres qu'on n'a pas résisté au plaisir de vous en montrer une. plus tôt. Ses compagnons de voyage, craignant les complications et ayant une affaire urgente à régler de l'autre côté de la frontière, avaient entrepris de retarder pour l'administration son passage du pays des vivants à celui des morts. Quelques heures plus tard, au même poste frontière de Vama Albita, un routier bulgare, faisant la navette entre son pays et l'Ukraine, est décédé subitement au volant de son TIR, alors que le policier vérifiait ses papiers. S ur les 10 200 accidents mettant en cause des véhicules étrangers en Roumanie, au cours de l'année 2010, près d'un tiers (3138) concernent des voitures immatriculées en Bulgarie, un pourcentage multiplié par dix ces cinq dernières années. La raison en est simple: nombre d'automobilistes roumains ont choisi de déclarer leur véhicule dans le pays voisin, surtout s'ils sont frontaliers, afin de payer moins de taxes. Auparavant, la palme des mauvais conducteurs étrangers reve- nait aux Italiens, relégués en deuxième position. Toutefois, cet arrangement n'est pas sans conséquence sur les dédommagements à verser par les assurances en cas d'accident. Les compagnies bulgares auprès desquelles les automobilistes "transfuges" sont obligés de souscrire un contrat rechignent beaucoup à remplir leurs obligations, en faisant porter la responsabilité au Fonds de Protection des Victimes de la Route (FPVS), qui regroupe les 13 plus importantes compagnies roumaines. 300 000 "vieilles caisses" en moins sur les routes Cratères sur l'autoroute Bucarest-Pitesti S ur les 109 km de la première autoroute (et la seule terminée) du pays, entre Bucarest et Pitesti, 95,5 km ont besoin de réparations urgentes, 13 % seulement de cet axe étant considéré comme praticable sans danger. C'est dans le sens Bucarest-Pitesti, près de la capitale, que la chaussée est la plus abimée, avec des sections où une dizaine de trous se succèdent que les voitures légères peuvent éviter, mais pas les TIR. Au kilomètre 18, les automobilistes doivent s'agripper à leur volant, l'asphalte entre ces cavités s'étant fissuré, donnant naissance à un embryon de cratère qui s'étend sur des dizaines de mètres, sans que les pouvoirs publics ne réagissent. Enseignement C inq ans après avoir décroché leur licence ou master, un tiers des étudiants roumains n'ont pas trouvé d'emploi, la moitié d'entre-eux se déclarant chômeurs, c'est ce qui ressort d'une enquête menée auprès de 5500 diplômés, 8000 entreprises et 120 agents de recrutement. 67 % sont entrés dans la vie active, 1% sont devenus leurs propres patrons, 3% exercent une profession libérale et autant continuent des études supérieures. Les diplômés en informatique, mathématiques, médecine, médecine vétérinaire… ont le plus de chances de trouver un travail correspondant à leur formation (60 %), pourcentage qui tombe à 30-45 % dans les domaines de sciences politiques, communication, relations publiques, internationales, administration des affaires. Quant aux titulaires de diplô- L e programme Rabla (Epave) 2011 a été lancé mi-mars par le ministère de l'Environnement, qui compte faire disparaître cette année de la circulation quelque 60 000 véhicules vieux de plus de dix ans. Il s'agit de la septième édition de ce programme de renouvellement du parc automobile roumain, débuté en 2005. Cette année, les autorités ont alloué un budget de 228 millions de lei (environ 55 millions d'euros). Comme l'année dernière, la prime à la casse sera de 3800 lei (environ 900 euros), les bénéficiaires ayant la possibilité d'utiliser jusqu'à trois primes pour l'achat d'une voiture neuve. L'année dernière, près de 190 000 véhicules sont partis à la casse et 63 000 voitures neuves ont été achetées selon le ministre de l'Environnement, Laszlo Borbely. C'est le constructeur Dacia qui en a le plus profité avec 24 000 voitures vendues, soit 40% des ventes totales directement issues de cette prime à la casse. La marque roumaine est suivie par le groupe français Renault Nissan avec 11% de ventes. Depuis 2005, près de 300 000 vieilles voitures ont disparu des routes roumaines grâce à ce programme. Désillusions à la pelle pour les jeunes diplômés mes de littérature, histoire-géographie, tourisme, affaires européennes, administration publique, dans 60 % des cas ils sont obligés de partir de zéro dans leur premier emploi. Il apparaît une grande inadéquation entre ce qu'attendent les jeunes et ce que veulent leurs employeurs. Les premiers pensent que la réputation de leur université, les notes obtenues, leur personnalité, l'interview d'embauche sont primordiaux. Pour les seconds, ce qui compte, c'est de parler des langues étrangères, de savoir bien se débrouiller en informatique. Le niveau d'étude a peu d'importance, car 86 % des candidats à l'emploi et encore plus de patrons partagent un sentiment commun: l'université a mal formé ses diplômés et c'est par leur emploi qu'ils apprendront leur métier. Pas étonnant que tous ces jeunes ressentent une grande frustration. Un tiers changent d'emploi chaque année, 40 % l'ont fait trois fois en cinq ans et 21 %, cinq fois. Quant à leurs dernières illusions, elles tombent vite. En entrant dans la vie active, un bac + 4 ou + 6 s'attend à gagner au moins 1500 lei (350 €) par mois. Il devra se contenter, en moyenne, de 1087 lei (250 €), les mieux lotis étant les architectes, 1877 lei (435 €) et les ingénieurs (280 €), les moniteurs de sports, 826 lei (190 €) se trouvant en queue de peloton. 27 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Santé BOTOSANI l SATU MARE l l SUCEAVA l ORADEA l DEVA l FOCSANI BRASOV l l PLOIESTI T. SEVERIN l PITESTI CRAIOVA l l l GALATI l SIBIU TIMISOARA l n BUCAREST l l TULCEA CONSTANTA l Six médailles pour les gymnastes roumains 28 Carnet "Le soir en rentrant du boulot, la France attendait ses jeux de mots" D'origine roumaine, "Maître Capello" était le "francophonissime" l TARGU MURES ARAD l IASI Six hôpitaux d'urgence à venir Les gymnastes roumaines ont remporté l'or et l'argent au sol lors de la dernière journée de l'Euro-2011, à Berlin. Sandra Izbasa et Diana Chelaru sont devenues championne et vice championne d'Europe. Il s'agit de la 2ème médaille d'or pour Sandra Izbasa (championne olympique) déjà victorieuse à l'épreuve du saut à cheval. Amelia Racea a pour sa part remporté le bronze au concours général individuel. Chez les hommes, Flavius Koczi a décroché l'or au sol et l'argent au concours général individuel. La fédération roumaine de gymnastique s'était fixé comme objectif avant la compétition de ramener une à deux médailles. Au total, la Roumanie a remporté 6 médailles devenant la 2ème nation européenne en termes de médailles après la Russie (huit médailles), devançant l'Allemagne. Disparition deTeodor Negoita, premier Roumain au Pôle Nord Chercheur et explorateur, Teodor Gheorghe Negoita, le premier Roumain à atteindre le Pôle Nord, en 1995, est décédé à l'âge de 64 ans. Directeur de l'Institut Roumain de Recherches polaires et président de la Fédération Antarctique Roumaine, Il avait posé en 2006 les bases de la seule station en Antarctique dont dispose la Roumanie, baptisée Law-Racovita. Il était originaire de Sascut Sat, un village du judet de Bacau. L e gouvernement roumain a donné son accord de principe pour la construction, sur la base d'un partenariat public/privé, d'un réseau de six hôpitaux d'urgence dans les villes de Cluj, Craiova, Iasi, Targu Mures, Timisoara et Bucarest. Le coût estimé de cet investissement est de 1,5 milliard d'euros et sera entièrement à la charge de sociétés privées, qui s'occuperont également de la gestion des établissements. Le ministère de la Santé, lui, mettra à disposition les terrains sur lesquels les hôpitaux seront construits. Ces hôpitaux seront pensés comme des "centres universitaires" et les travaux pourraient débuter "dans les 14 à 16 mois à venir". A savoir 67 hôpitaux fermés Depuis le 1er avril, 67 hôpitaux ont été fermés à travers tout le pays pour être réaménagés en maisons de retraite, selon la proposition du ministère de la Santé. Les salariés de ces hôpitaux doivent être répartis dans d'autres unités sanitaires ou, au choix, requalifiés pour travailler dans ces foyers pour personnes âgées. Clinique de luxe à Bucarest Avec une capacité de 290 lits, la clinique privée Sanador qui vient d'ouvrir, devient le plus grand établissement hospitalier de Bucarest. Elle est la propriété de l'homme d'affaires Florin Andronescu qui a investi 40 M€ dans l'affaire. Cas unique en Roumanie dans le domaine du privé, la clinique proposera tous les services médicaux. Une consultation coûtera de 22 à 35 €, une tomographie cérébrale de 55 à 80 €. Le personnel médical fera appel à 460 médecins, du domaine privé ou public, et 200 assistants. Destiné à une clientèle aisée, Sanador est le troisième établissement du gendre inauguré dans la capitale, après Euroclinic et Life Mémorial. Un million d'euros pour les fécondations in vitro Près de 800 couples devraient bénéficier cette année d'un programme de fécondation in vitro (FIV), financé à hauteur de 4 millions de lei. "Le programme va se dérouler dans deux des 19 centres roumains où se pratiquent les FIV, à l'hôpital d'obstétrique et de gynécologie Panait Sârbu de Bucarest et l'hôpital clinique d'urgence de Cluj", a annoncé le ministre de la Santé, Attila Cseke. L'Etat va en fait financer une seule FIV par couple, si la procédure débouche sur une naissance, pour un montant maximum de 1500 €. Les mères porteuses ne pourront bénéficier de ce programme, a précisé le ministère. Baisse du nombre d'IVG Après avoir été pendant des années plus nombreuses que les naissances, le nombre des IVG a sensiblement baissé, tombant en 2009 à 116 219, pour 222 388 naissances. Après avoir été strictement interdites en 1966, les IVG ont à nouveau été autorisées en Roumanie en 1990. Leur nombre a explosé cette année-là et atteint plus de 992 000 tandis que le pays a connu 314 000 naissances. Bakchichs aux médecins roumains: J&J condamné La compagnie pharmaceutique et de produits d'hygiène américaine Johnson and Johnson (J&J) a accepté de payer une amende de 70 millions de dollars infligée par les autorités américaines pour délit de corruption. La firme avait versé des bakchichs à des médecins roumains pour qu'ils prescrivent ses médicaments, vendus très chers. Elle avait procédé de même dans plusieurs autres pays européens, dont la Grèce pour placer ses implants chirurgicaux, la Pologne, auprès des hôpitaux, mais aussi en Irak, où elle avait obtenu 19 contrats dans le cadre de l'opération de l'ONU "Pétrole contre nourriture". J&J fait également l'objet de poursuites en Grande-Bretagne. Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Grand défenseur de la langue française, cruciverbiste chevronné et homme de télévision, Jacques Capelovici est mort le dimanche 20 mars à Paris, à l'âge de 88 ans. Avec son air à la fois bonhomme et faussement sévère de prof, ce Roumain d'origine était devenu un des présentateurs les plus aimés des Français. P our le grand public, il était Maître Capello, une figure sympathique du petit écran des années 1970 et 1980 où il se fit connaître par son érudition linguistique, ses calembours et ses jeux de mots de "bon aloi", selon l'une de ses expressions favorites. Né à Paris le 19 décembre 1922, Jacques Capelovici, d'origine roumaine comme l'indique son nom, commence par se frotter aux élèves parisiens avant de se lancer dans une carrière télévisuelle. Certifié d'allemand, agrégé d'anglais, diplômé d'italien et de scandinave ancien, cet érudit, amoureux des mots, enseigne les langues à l'Ecole commerciale de la chambre de commerce de Paris puis au lycée Lakanal de Sceaux (Hauts-de-Seine). Aussi connu pour son savoir que pour ses emportements, le professeur y gagne le surnom de "Maître". En 1969, Jacques Antoine, figure centrale du jeu télévisé du temps de l'ORTF, fait appel à lui pour leur émission culturelle "Le Francophonissime" animée par Pierre Tchernia. Jacques Capelovici fait office de juge arbitre, garant d'une langue française qu'il aime précieuse et sans faute. Un air de professeur et une bonhomie naturelle Un an plus tard, les téléspectateurs le retrouvent dans le jeu animé par Jacques Bardin "Pourquoi", où il asticote les candidats à coups de questions grammaticalement sinueuses. Mais c'est en 1976 que celui qui manie l'ironie aussi bien que l'imparfait du subjonctif gagne ses lettres de noblesse sur l'estrade des "Jeux de 20 heures", le programme de FR3 qui sillonne alors la France des provinces. Dictionnaire à portée de main et petites lunettes vissées sur le nez, Maître Capello régale le public avec son air docte de professeur et sa bonhomie naturelle. "Je remets 100 francs dans le nourrain" (nourrain: jeune porc après la période de sevrage, ici métaphore de la tirelire)" sera l'une de ses phrases favorites. Avec Maurice Favières et Jacques Solness, Jacques Capelovici contribue au grand succès de l'émission qui s'arrête en 1987. "Le soir en rentrant du boulot, la France attend ses jeux de mots, Capello", chantait alors son ami Jean-Pierre Descombes, animateur populaire des "Jeux de 20 heures". Inventeur des mots fléchés pour Télé 7 jours A la fin des années 1980, Jacques Capelovici disparaît progressivement du petit écran pour se vouer aux mots croisés, une passion à laquelle il consacre plusieurs livres. Jusqu'en décembre 2010, les lecteurs du magazine Télé 7 jours ont pu remplir la grille de mots fléchés qu'il préparait chaque semaine avec soin. C'est d'ailleurs lui qui popularisa en France à la fin des années 1960 cette variante des mots croisés, venue d'Allemagne. Pour Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), "Jacques Capelovici a construit toute sa carrière autour des mots et de la connaissance, apportant la preuve éclatante que la rigueur est l'alliée du succès et de la popularité." Guillaume Fraissard (Le Monde) "C'était une femme qui avait épousé son temps... comme Simone Signoret !" M aître Capello est devenu célèbre partir de 1976 grâce auxémissions de télévision par ses interventions ponctuées de son fameux "de bon aloi". Jacques Capelovici lisait le braille, était agrégé d'anglais, certifié d'allemand, diplômé d'italien et de scandinave ancien. Il avait été professeur d'allemand à Paris 14e puis professeur d'anglais à l'ECCIP et au lycée Lakanal à Sceaux. Utilisant une pédagogie originale, il affectionnait les calembours devant ses élèves et l'un de ses plus connus était: "C'était une femme qui avait épousé son temps... comme Simone Signoret!" (... Montand!). Il révélait également à ses élèves les secrets du palindrome* en prononçant régulièrement son exemple fétiche: "Éric notre valet alla te laver ton ciré", ajoutant négligemment qu'on pouvait tout aussi bien remplacer Éric par Luc ! Il est également l'auteur du palindrome: "Esope reste ici et se repose". Chaque année Jacques Capelovici allait faire passer les épreuves du baccalauréat aux détenus de la prison de Fresnes, se faisant un plaisir d'apparaître devant les caméras de télévision, hilare, descendant du "panier à salade" qui l'a- menait sur les lieux. Il figurerait comme correspondant d'Étiemble dans son livre de 1964: Parlez-vous franglais ? *Le palindrome est un texte ou un mot dont l'ordre des symboles (lettres, chiffres, etc) reste le même qu'on le lise de gauche à droite ou de droite à gauche. Il appartient aux jeux de mots comme l'anagramme, l'ambigramme ou l'anacyclique. Parmi les mots et noms palindromes, on peut citer: radar, rotor ou kayak, le verbe ressasser, les prénoms Ève, Anna et Otto, les villes de Sées, Noyon, Laval ou Senones, la rivière Erdre, le groupe de musique ABBA, etc. 29 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Dossier Magyars "Je suis Magor… SUCEAVA BAIA MARE l l ORADEA l l l SIBIU BRASOV l TIMISOARA l TARGU MURES ARAD l l IASI FOCSANI l GALATI PITESTI T. SEVERIN l l l BUZAU l l CRAIOVA l n BUCAREST CONSTANTA l Notes 30 fois… entre repli identitaire et confusion et çà me plait !" CHISINAU M. CIUC l Roumains et Hongrois ballotés à la Société Les NOUVELLES de ROUMANIE (1) Szekelis : Les Szekelis sont un peuple d'origine hongroise, envoyé pour garder les frontières de l'est. Soldats hors pairs, ils étaient commandés par la famille Szekeli, dont le chef le plus célèbre fut Gyula Szekeli. Réprimés par la reine Marie-Thérèse qui supprima au XVIIIème siècle leur exemption d'impôts, provoquant un soulèvement, ils s'enfuirent en Moldavie. Les Szekelis, majoritairement protestants, contrairement aux Hongrois qui sont catholiques, se considèrent comme les plus authentiques des Magyars. (2) Eperviers de la PatriePionniers: organisations auxquelles tous les enfants roumains étaient inscrits sous le communisme, de 4 à 8 ans pour les Eperviers, au-delà pour les Pionniers. (3) Evènements de Târgu Mures: Târgu Mures, capitale du judet de Harghita est aussi le cœur du pays magyar. Sa population, 150 000 habitants, à 85 % hongroise en 1900, se partage aujourd'hui par moitié, entre Hongrois et Roumains. Après la chute de Ceausescu, la ville fut le théâtre de très violentes bagarres entre jeunes Magyars et Roumains, le 24 mars 1990, qui firent officiellement 6 morts, 3 de chaque côté, et sans-doute beaucoup plus. Ces évènements avaient été instrumentalisés en affrontements inter-ethniques par un pouvoir post-communiste, désireux de se poser en défenseur de l'intégrité de la nation roumaine. Mais les anciens et les femmes s'interposèrent, apaisant rapidement les plus échauffés. L'opprobre et la méfiance qui en résultèrent pour Ion Iliescu retarda de plusieurs années la marche de la Roumanie vers l'UE. La Roumanie abrite de fortes minorités. Allemands et Hongrois ont dominé les Roumains au cours des siècles, puis le cours de l'Histoire s'est inversé après la Première Guerre mondiale. Alors que les Saxons ont pris finalement en masse le chemin du retour vers le mère-patrie, les magyars sont restés dans leurs fiefs, formant sur place des communautés repliées sur elles-mêmes. Citoyens roumains, aux racines hongroises très fortes, comment vivent-ils aujourd'hui cette double personnalité, alors que l'intégration à l'Europe devrait apaiser les ressentiments ? Le parcours de Magor Imre Csibi, l'un des plus jeunes députés élu au Parlement de Strasbourg en 2007, Magyar et Roumain à la fois, témoigne de la difficulté de s'assumer entre repli identitaire et confusion. Voici la suite et la fin de notre dossier consacré aux Magyars de Roumanie. J e m'appelle Magor Imre Csibi. Je suis né le 13 octobre 1980 à Miercurea Ciuc, au cœur même du pays des Szekelis (1). J'ai reçu ainsi une double identité - hongroise et szekeli - et je parlais une seule langue : le hongrois. Mais çà ne me posait pas de problème. Quand tu es un enfant heureux, tu te fiches bien du reste. D'ailleurs, je n'imaginais même pas qu'il puisse exister d'autres langues. A la maison, à l'église, chez mes grands parents, chez mes cousins de Târgu Mures, je n'entendais partout que parler hongrois. Je me souviens, un jour que j'étais en ville avec ma mère, on est tombé nez à nez avec un "camarade" roumain qu'elle connaissait bien et occupait un poste important dans le judet. Je me demandais s'il n'était pas tombé de la lune. Ma mère a eu honte…mais comme j'avais parlé en hongrois, il n'a rien compris. A l'école, ç'a commencé à sérieusement se compliquer. La maîtresse parlait hongrois, mes copains aussi. On a tous appris à lire, à écrire et même à chanter des comptines en hongrois. Et puis un beau jour, il a fallu se mettre à quelque chose d'étrange. La maîtresse appelait çà le roumain. Ma mère, qui enseignait le hongrois, s'est mise aussi dans la tête de me l'apprendre. Dès la clasDéputé européen pour un court mandat, Magor Imre Csibi se finie, je devais ingurgiter est aussi un adepte du vélo et défenseur de l’environnement. toutes les strophes en alexandrins de "Mama lui Stefan cel Mare", un poème patriotique roumain à la gloire d'Etienne le Grand, au programme de tous les élèves du pays et qu'ils se devaient de savoir par cœur. Ce pensum expédié, je sortais vite jouer avec les copains. A mon retour, elle exigeait que je lui récite… et à la manière dont je lui débitais, elle devinait que je n'y avais rien compris et que ses efforts n'avaient pas servi à grand chose. "A neuf ans, je commençais mal ma carrière" En dehors de çà, j'étais un bon élève. J'aimais beaucoup lire et j'avais dévoré tous les livres de la bibliothèque municipale. J'avais de bonnes notes ; je gobais tout ce que disait la maîtresse, j'avais confiance dans le Parti, dans le Camarade Ceausescu. J'étais un fier "épervier", tout comme plus tard je deviendrais un "pionnier" émérite (2). D'ailleurs mes camarades m'avaient désigné pour remettre un bouquet de fleurs et embrassé le "conducator" lors de sa visite prévue à Miercurea Ciuc. Les camarades-dirigeants du judet d'Harghita m'aimaient bien. Ils m'on fait passer des examens médicaux pour être sûrs que je n'allais pas transmettre des maladies infectieuses au "fils bien aimé du Peuple". J'ai été déclaré "bon pour le service". J'ai attendu avec impatience le grand jour. Mais la semaine précédente, un camarade-vérificateur est venu de Bucarest pour s'assurer que tout était bien place… se rendant compte, horrifié, que je ne parlais pas un mot de roumain, détail qui avait échappé aux camarades d'Hargitha ! Mon rêve s'effondrait, mais çà n'allait pas être ma seule désillusion. A la rentrée 1989, je venais de prêter mon serment de pionnier - j'avais même reçu le galon de commandant - alors que la révolution éclatait. Je n'y comprenais rien. Avant tout le monde encensait la camarade Ceausescu et voilà que du jour au lendemain, on se mettait à le huer, à vouloir le remplacer. J'étais effondré. Je n'avais même pas eu l'occasion d'arborer mon cordon lors d'une cérémonie officielle. Je me suis dit, qu'à neuf ans, je commençais mal ma carrière. Mes parents m'ont expliqué qu'en fait Ceausescu était un "grand méchant" qui avait tué beaucoup d'innocents… mais c'était tout de même dur à avaler de se dire que tout ce que j'avais appris jusqu'ici était faux ! Roumains qui avaient pris le train pour aller tabasser les Hongrois des autres villages. Mais le train ne s'est pas arrêté à Sangeorgiu. J'ai compris alors qu'il existait des confrontations ethniques et qu'à n'importe quel moment des excités pouvaient venir mettre le feu aux poudres. Aujourd'hui, avec le recul, je ressens toujours une colère impuissante à l'évocation de ces heures sombres et j'en veux à ceux qui ont orchestré cette manipulation. "Ce n'est pas évident d'admettre qu'on est un minoritaire" Coïncidence étrange, à la même époque, nos deux écoles de quartier, Petofi Sandor - la mienne, hongroise - et la N° 9 - roumaine - ont fusionné… avec l'espoir d'éliminer la ségrégation. Si bien qu'on s'est retrouvés avec des instituteurs ou professeurs qui ne parlaient pas un mot de hongrois. Çà ne me gênait pas, mais même si je me débrouillais avec l'abécédaire roumain, la lecture, c'était autre chose quand il s'agissait de la langue parlée. Ce n'était pas de la mauvaise volonté, du rejet, de la paresse… mais comment aurais-je pu apprendre le roumain quant tout le monde autour de moi, mes parents, mes copains, mes voisins parlaient hongrois ? "Nous, les Hongrois, on était enfin reconnus" Cette impossibilité de communiquer entre nous a naturellement engendré une sorte de ségrégation à l'école. On se A Noël 89, beaucoup d'amis s'étaient réfugiés chez nous, regroupait par communautés linguistiques et on se battait tout avec leurs enfants. Nous courle temps. Sans raison bien sûr. rions à travers la maison en criant Mais si dans la rue, on croisait un "Ole, Ole, Ceausescu nu mai e" "ennemi" accompagné de ses ("Olé, olé, Ceausescu, le peuple a parents, on se saluait bien bas… eu ta peau"), sans trop savoir ce même si on s'était mis une "rousque cela signifiait. Mais je me te" à la récréation. rappelle très bien que lors des Quand il a fallu choisir un douze coups de minuit, on a affilycée, j'ai opté pour le lycée honché pour la première fois les grois. J'aurais pu me débrouiller vœux de Noël en trois langues et en roumain, si j'avais travaillé non plus seulement en roumain. quelques heures de plus, mais je Çà été un choc. Malgré mon voulais jouer, faire du sport, jeune âge, je me suis rendu compDes extrémistes magyars, le plus souvent venus de Hongrie, regarder la télé. Donc j'ai pris la défilent dans Miercurea Ciuc, à l'occasion d'une de leurs fêtes. te de l'importance du moment. facilité. Mais, avec l'adolescence, Nous les Hongrois, on était enfin reconnus. On était un peuple les choses sont devenues plus compliquées. Ce n'est pas éviet Roumains, Hongrois, Allemands on faisait tous partie d'un dent d'admettre que tu es un "minoritaire", alors que toute ton même pays. enfance c'était le contraire, de découvrir qu'il y a une vie auLes évènements de Târgu Mures (3), quelques semaines delà de ton proche environnement, qu'il existe d'autres cultuplus tard, m'ont pris au dépourvu. Je les regardais à la télé un res, d'autres langues, des camps… et qu'il faut que tu en choipeu comme un film, sans comprendre leur atrocité. Je voyais sisses un. Çà, même aujourd'hui, je n'arrive pas à m'y faire… un camion qui fonçait sur la foule, des gens qui se battaient J'ai vite compris que si tu ne comprends pas la langue de entre eux, s'entretuaient. Je me trouvais alors chez mes cousins ceux que tu côtoies, tu vis dans le stress permanent. Quand j'éde Sangeorgiu de Padure, à 36 km de Târgu Mures. Ils étaient tais à Chisinau, en République moldave, les Russes me regarabattus, sous le choc, à la fois tristes et pleins de colère. Mon daient de haut quand je demandais mon chemin en roumain. cousin Zoli, avec toute l'impétuosité de ses onze ans, me Çà m'énervait et moi le Hongrois de Roumanie, je me sentais racontait comment les villageois hongrois, armés de fourches tout à coup plus Roumain que les Roumains ! et de gourdins, étaient allés attendre à la gare les bandes de (Lire la suite page 32) 31 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE (Suite de la page 31) l l l IASI ORADEA l l TARGU MURES ARAD M. CIUC l l l Rivalité amoureuse SUCEAVA SATU MARE l SF. GHEORGHE BACAU l l TIMISOARA BRASOV URZICENI CRAIOVA l GALATI BRAILA l n BUCAREST l l l TULCEA CONSTANTA l Au lycée, je n'étais pas encore conscient de toutes ces complications. Je jouais dans l'équipe de basket et nos adversaires c'était le lycée roumain Goga. Je n'avais rien contre eux, mais mes copains étaient tous Hongrois. On rencontrait les Roumains chaque week-end dans la cour de leur lycée. Après le match, on allait boire ensemble une bière et je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de grandes différences entre nous. On était passionnés de notre sport, on se soulait de la même façon, on jouait aux mêmes jeux sur l'ordinateur. Moi j'aimais les Roumaines… et eux les Hongroises ! Ils avaient leurs nationalistes idiots, tout comme nous on avait les nôtres. A partir de ce temps là, j'ai commencé à détester d'entendre me dire des généralités du genre "Toi tu es OK, mais je ne peux pas supporter les autres Hongrois". Pour moi, il y avait les gens qui respectaient les autres et ceux qui ne les respectent pas. Heureusement, mes nouveaux amis roumains partageaient ce minimum de bon sens. Ils ne se moquaient pas de moi pour mon accent, mais les filles me taquinaient régulièrement, ce qui m'a fait découvrir la rivalité amoureuse, beaucoup plus importante à mes yeux que celle entre communautés. Stigmatisés par le maire de Cluj Notes 32 (4) Andrei Marga: ancien ministre de l'Education sous la présidence Constantinescu, actuellement recteur de l'Université de Cluj, 64 ans; personnalité politique plutôt respectée, ce qui est rare en Roumanie. (5) UDMR: Union Démocratique des Magyars de Roumanie, parti ethnique omnipotent qui conglomère la quasi-totalité des votes des Roumains d'origine hongroise et participe de manière pratiquement permanente au pouvoir depuis la "Révolution". (6) Bogdan Olteanu: leader du parti Libéral, 39 ans, ancien ministre, actuellement président de la Chambre des députés. (7) Elections européennes: en 2007, pour la première fois, les Roumains ont élu leurs représentants au Parlement de Strasbourg, pour un court mandat d'un an et demi, dans l'attente des élections générales européennes du printemps 2009. Les députés étaient élus à l'échelle du pays, la Roumanie constituant une seule circonscription, les sièges étant répartis à la proportionnelle entre les partis. (8) Ardelean: habitant d'Ardeal, autre nom de la Transylvanie. Les Roumains se moquent de leur lenteur. Quand j'ai été étudiant à Cluj, c'était une autre paire de manches. Pendant trois mandats, la ville a été dirigée par l'extrémiste Funar qui haïssait les Hongrois et trouvait toujours prétexte à les humilier. S'il n'y avait pas trop de problèmes à l'université, il n'en était pas de même en ville. Un chauffeur de taxi nous a interdit de parler hongrois, des passants nous apostrophaient. Le maire faisait afficher sur de grands panneaux que la seule langue officielle était le roumain, les bancs public et les bordures de trottoirs étaient peints aux couleurs nationales roumaines. Chaque jour, je me sentais un peu plus exclus car je ne parlais pas bien le roumain. Et plus j'essayais de corriger mes fautes, plus j'en faisais. Alors, avec mes copains hongrois on s'est isolés dans nos cercles, ne choisissant de nouveaux amis que parmi les Hongrois, allant aux cours en hongrois, ne faisant des fêtes qu'entre Hongrois. J'étais retombé en enfance ! Lors de ma troisième année de fac, mes parents ne pouvant plus me payer un logement en ville, j'ai dû prendre une chambre à la cité universitaire. J'y ai rencontré des jeunes Roumains de Buzau, très nationalistes à l'époque, mais on est vite devenus amis et on l'est toujours. Je sortais de mon auto-isolement. J'avais pris des responsabilités dans l'organisation des étudiants hongrois, puis dans celle de tous les étudiants de l'université qui était dominée jusque là par les Roumains. En quelques mois, je me suis retrouvé directeur exécutif et on a pu faire entendre notre voix. Plus tard, j'ai été le premier - et le seul à ce jour - à en être élu membre d'honneur. "C'est au lit avec ma copine que j'ai compris que j'étais vraiment Hongrois" C'est à cette époque qu'ont commencé mes histoires d'amour. Je me suis liée avec des Roumaines. Elles étaient assez nationalistes, mais c'était encore pour me taquiner. Elles me demandaient si j'étais venu avec mon cheval à la fac, si je mangeais de la viande crue, si j'avais bien fait mes ablutions et rites païens. Ce qui est sûr, c'est qu'à la fin, elles étaient toutes très sympa avec moi. Quand j'étais au lit avec ma copine et que je voulais lui dire quelque chose de gentil, les premiers mots qui me venaient à l'esprit étaient hongrois. C'était instinctif et sincère. Je me suis rendu compte alors que le plus important ce n'est pas la langue dans laquelle tu penses ou tu comptes mais celle dans laquelle tu dis tes sentiments. A la fin de mes études, le professeur Andrei Marga (4) m'a poussé à étudier d'autres langues et à faire un doctorat en roumain. Cet homme ouvert, compréhensif, m'a incité aussi à m'engager en politique. C'est ainsi que je suis entré au Parti Libéral. Ce n'était pas une surprise dans ma famille, car mon père y était adhérent depuis 1993. Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Mais quelle indignation chez nombre de Hongrois de ne pas avoir choisi l'UDMR (5)! Je passais à leurs yeux pour un traître, vendant mon identité pour un vulgaire capital politique. Mais ma décision était tout à fait consciente, influencée par des gens qui m'avaient appris que la compétence doit toujours primer sur les autres considérations, religieuses, nationalistes, communautaires. "J'ai décidé de parler avec mon cœur… Tant pis pour les fautes !" Ma carrière a décollé très rapidement. En 2004, j'étais élu président des jeunes Libéraux du judet d'Harghita, en 2005 vice-président des jeunes Libéraux du Sud-Ouest de l'Union Européenne et en 2007, à 27 ans, je devenais député européen. Je me trouvais désormais en première ligne. Mes collègues roumains corrigeaient mes fautes d'orthographe, certains insistaient pour que je prenne des cours. Pour mon anniversaire, on m'a offert un abécédaire. J'ai ressorti mes anciens manuels de grammaire roumaine. Toutefois, je n'avais plus autant peur en m'exprimant que du temps de mon adolescence. Et quand mes collègues me corrigeaient, je le prenais comme une marque de confiance dans mon potentiel. Je faisais tout pour éviter les fautes et ne pas déclencher les rires. J'écrivais mes discours à l'avance, mais j'en faisais encore plus car je mélangeais mes papiers et je me laissais entraîner par mon tempérament. Et puis, il y avait une chose à laquelle je ne me ferai jamais: contrairement au roumain, en hongrois les mots n'ont pas de genre. Cela me semble toujours dénué de logique! Pourquoi le féminin pour désigner mon sexe ? Et le neutre qu'est ce que çà veut dire ? Alors à défaut d'être parfait, j'ai décidé d'être sincère et de parler avec mon cœur… Tant pis pour les fautes. Un collègue oltène m'a rassuré: "C'est ton accent, tes maladresse qui font tout ton charme. Et puis comme çà tu fais plus Européen, çà fait sérieux!". Mes électeurs ont dû m'accepter ainsi, même si je mange une abricot ou un tomate, un pomme ou une raisin… Un Magyar chez les Oltènes Beaucoup ont cru que je n'y arriverais pas. Même mon meilleur supporter, Bogdan Olteanu (6) m'affirmait que je cumulais tous les handicaps pour ne pas être élu: trop jeune et Hongrois. "Il ne manquerait plus que tu sois une femme pour être sûr d'être battu" avait-il rajouté ! Si quelques leaders politiques m'ont rejeté à cause de mon origine, la grande majorité m'a soutenu. Je dois reconnaître que la première fois que je suis allée faire campagne en Olténie, connaissant les préjugés qui y régnaient, j'avais un peu peur (7). Mais c'est là que j'ai été le mieux accueilli, par la presse, les politiciens, les gens, si bien qu'une fois élu, j'ai ouvert un bureau, à Slatina où j'allais toutes les deux ou trois semaines… beaucoup plus souvent que dans le Harghita. D'ailleurs je suis sûr que je n'ai pas eu beaucoup de voix chez moi, même si j'y ai reçu de nombreuses marques de sympathie. Volontairement, je m'étais abstenu de m'afficher comme Hongrois et le fils du pays, car je ne voulais pas être élu sur une base ethnique, même dans ma famille. Mais ce geste, même au XXIème siècle, était encore un peu trop avantgardiste. Le comble, c'est que j'étais fier d'être Magyar chez les Oltènes… mais que çà me gênait chez les Szekelis ! "A Bucarest, on me traite de paysan ou de provincial… mais pas de Hongrois" J'ai arrêté ma carrière politique après mon premier et unique mandat de député européen, et depuis je suis devenu journaliste. Depuis quatre ans, je vis à Bucarest et je me rends compte de ce qu'est une ville cosmopolite. Il m'arrive d'être apostrophé dans la rue. On me traite de "paysan", de "provincial", d'"Ardelean" (8), mais jamais de "Hongrois"… sauf les hooligans, aux matchs de hockey du Steaua. Je ne cherche pas nécessairement à trouver une identité. Même si, officiellement, j'appartiens à une minorité, je me sens majoritaire, car je suis bien dans ma peau, parfois différent peut-être. Ceux qui te rejettent trouveront toujours un motif: tu es trop jeune, trop vieux, tu porte une barbichette, une casquette… Je vais continuer à rester ce que je suis. Un gars de Miercurea Ciuc, avec une langue maternelle impossible, un accent à couper au couteau et des fautes de prononciation qui font se bidonner tout le monde quand il parle roumain. Un gars qui aime sa communauté d'origine, mais aussi celle où il vit. Un gars qui n'aime pas ceux qui essaient d'imposer des limites aux autres. Un gars qui a un nom à coucher dehors. Je suis Magor… Et çà me plait ! Magor Imre Csibi Traduction de Dodo Nita et Margareta Kelemen Magor et Hunor N é en 1980 à Miercurea Ciuc, Magor Imre Csibi a été élu député européen en 2007, faisant un court mandat de 18 mois en tant que représentant du parti National Libéral roumain, intégré au Groupe Alliance des Démocrates et Libéraux pour l'Europe. Il est maintenant journaliste indépendant à Bucarest. Il a confié ses souvenirs d'enfance et de jeunesse, racontant ses difficultés à trouver sa place à cause de sa double identité à la revue "Decat o revista" ("Seulement une revue"), ambitieuse initiative éditoriale visant à promouvoir un journalisme de qualité en Roumanie, menée par de jeunes journalistes, pétris de qualité et d'exigence professionnelle. Magor Imre Csibi a été nommé directeur du programme pour la Roumanie du WWF (Fonds Mondial pour la Nature), à compter du 1er avril dernier. Prénom donné à certains enfants magyars, Magor est aussi le nom emprunté à un héros légendaire des Magyars, peuple hongrois. Suivant la légende, Hunor et Magor sont les ancêtres des Huns et des Magyars et descendent d'Attila. 33 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE L'impératrice Dossier Magyars Plus Hongrois que les SUCEAVA l ORADEA BAIA MARE l IASI l l SIBIU PITESTI CRAIOVA l l BRASOV l TIMISOARA FOCSANI l l l GALATI BRAILA l l l CERNAVODA n BUCAREST l Société Marie-Thérèse les avait expulsés en 1764 du Tinutul secuiesc Magyars, les Csangos on finalement choisi l'assimilation l TARGU MURES ROSIA M. ARAD l Les NOUVELLES de ROUMANIE l A l'est, tout à l'est du pays, près de Bacau, vit une communauté qui sort seulement de son isolement. Les Csangos se disent plus hongrois que les Magyars du Tinutul secuiesc. Le terme veut dire "celui qui a perdu son chemin, s'est séparé des siens, est parti et a marché seul". Une histoire émouvante. l T. MAGURELE CONSTANTA Au pays Csangai C sango, en hongrois (Csangai, en roumain) est ressenti comme péjoratif, un peu comme Tsigane pour les Roms… mais on n'a pas trouvé d'autre appellation pour désigner cette communauté arrivée au XVIIIème siècle dans la région de Bacau, les actuels judets de Neamt et Vaslui. L'impératrice autrichienne Marie-Thérèse les avait expulsés en 1764, car ils refusaient de payer leurs taxes. Elle voulait supprimer les droits du peuple secui qui gardait des frontières de son empire. Craignant une extermination, une partie de la communauté magyare avait fui plus à l'est, loin de l'autoritaire souveraine. Isolés, ne se mélangeant pas avec les autres populations, se mariant uniquement entre eux, se tenant à l'écart des flux commerciaux, les Csangos vécurent repliés sur eux-mêmes tout au long des siècles, conservant toutes leurs traditions, ce qui les a toujours conduits à s'estimer plus purs que les Magyars du Tinutul secuiesc (Covasna, Harghita, Mures). Le curé mal-aimé 34 L'apprentissage de l'alphabet en hongrois pour les enfants csango, auxquels de nombreuses activités péri-scolaires sont proposées par des membres de leur communauté. Une solidarité qui aide des familles souvent pauvres, comme le montrent les rues de leurs villages,oubliés par les autorités. Cette autarcie s'est même accentuée sous le communisme. Pour se protéger des interdictions, de la répression, la communauté a dressé une véritable barrière autour d'elle-même, ce qui lui a permis de garder ses valeurs. Le régime redoutait un réveil des aspirations de cette population sur laquelle il n'avait pas de prise. Ainsi, dans le village de Somusca, près de Cleja, il avait fait déplacer, avec la complicité du curé, la fête du saint patron, la Sainte Trinité, qui se déroulait aux beaux jours, fin mai. Reportée en octobre, elle est devenue la Saint Luca. Révoltée et le temps étant plus incertain, les fidèles se firent beaucoup moins nombreux à la traditionnelle procession… le pouvoir évitant ainsi qu'elle ne se transforme en une éventuelle marche de protestation. Catholiques romains - ici, il n'y a pas de protestants luthériens comme chez les secui - les Csangos se sont serrés autour de leur église. Ce qui ne les empêche pas de nourrir une véritable défiance vis-à-vis de leurs curés auxquels ils reprochent d'avoir été tout au long de ces dernières décennies, et encore aujourd'hui, un auxiliaire du pouvoir central œuvrant de conserve pour accélérer leur assimilation. Ainsi, les prêtres tentent-ils de les dissuader de se rendre au pèlerinage de Sumuleu, grand rendez-vous des Magyars du monde entier. Vingt ans après la "Révolution", la messe vient seulement d'être autorisée par la hiérarchie catholique à être célébrée en hongrois. Le ressentiment est donc vivace à leur égard dans les villages où le prêtre est le seul intellectuel de la communauté et devrait donc être le plus apte à défendre sa culture, les instituteurs, venant de Bacau, étant roumains. Les effets pervers de la liberté De manière insidieuse, la liberté retrouvée en1989, a porté un sérieux coup aux valeurs traditionnelles. En s'ouvrant, la société csango a amorcé sa marche vers l'uniformisation du monde moderne. Les jeunes ne vont plus à la messe, commencent à se marier avec des membres d'autres communautés, n'hésitent plus à s'expatrier. Dans certains villages, on compte jusqu'à un tiers d'entre eux partis en Italie ou Espagne où ils ont la réputation d'être particulièrement sérieux, travailleurs, honnêtes. Surtout, la langue, à 80 % du hongrois littéraire, est de communauté - 60 000 seulement ne s'exprimeraient plus de moins en moins utilisée par les enfants qui, certes la comprenmanière quotidienne dans leur langue. Voilà qui désole les nent, mais parlent désormais roumain avec leurs parents, associations qui se battent pour conserver les traditions, soucomme à l'école. Un signe ne trompe pas: les mots techniques vent animées par des jeunes, étudiants… considérés parfois n'existent pas en csango, correspondant à l'époque où la sciencomme des exaltés ou faisant partie de sectes par leurs propres ce évoluait mais où la comcompatriotes alors que leurs munauté était refermée sur revendications sont mesurées elle-même. On utilise donc et paraissent légitimes: un des expressions roumaines: contingent d'heures pour masina pour voiture, tren pour apprendre le csango aux train, avion… enfants dans les écoles, faciPresque toujours très liter la connaissance de la pauvres, issus de familles pléculture magyare. thoriques - sept, huit, dix, parfois douze-treize enfants Pas de rancœur les Csangos endurent le à l'égard de la France regard méprisant de la société roumaine, un peu comme les Les Magyars du Tinutul Bretons au début du XXème secuiesc se montrent beausiècle ou les Québécois au coup plus revendicatifs. Leur temps de la colonisation société y est, il est vrai, plus anglo-saxonne. riche et plus intellectuelle. Des enseignants, ne parLa chaleur communicative des Csangos autour d'une bonne table. Quand on le questionne sur lant que roumain, considèrent ses origines, un Csango souvent leurs élèves comme des demeurés et leur accès au colrépondra: "Je suis Roumain", à la rigueur "catholique". Son lège et lycée n'en est rendu que plus difficile. "Quand on te dit compatriote n'hésitera pas: "Hongrois!". D'ailleurs, les vingt fois par jour que tu ne parles pas bien le roumain, que Csangos voient avant tout le côté pratique dans la proposition tes valeurs sont nulles… tu te sens forcément dévalorisé" des autorités de Budapest d'accorder la nationalité hongroise confie un adulte qui garde des souvenirs cuisants de sa scolaaux magyars de Roumanie: avec ce passeport, ils pourront rité. aller partout en dehors de Schengen, en Amérique, au Canada. Il n'est donc pas étonnant que les parents csangos qui veuPour le reste, ils s'en fichent. Ils ont toujours été là, sur lent sortir de leur misère, accéder à la modernisation, acceptent leurs terres, sans qu'on les en chasse ou qu'on les contraigne à finalement l'assimilation après l'avoir subie passivement et changer de nationalité. Et donc, ils ne nourrissent pas de ranauparavant, y avoir été contraints. Sur les 200 000 Csangos de cœur à l'égard de la France et du traité de Trianon qui a fait Moldavie - le judet de Bacau comprend 21 villages de cette changer les Secui de pays, en 1920. 35 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Dossier Magyars l l SUCEAVA SATU MARE l ORADEA l M. CIUC l SF. GHEORGHE l TIMISOARA l l SIBIU l l TARGU MURES ARAD l IASI BORSEC l BRASOV GALATI BRAILA PITESTI CRAIOVA l l l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA Il n'y a qu'une chose qui marche à Borsec, sa source d'eau minérale, célèbre dans toute l'Europe centrale depuis l'époque de Napoléon. Mais cette ville de cure, particulièrement à la mode au temps de l'empereur François-Joseph, où boyards roumains et comte hongrois venaient soigner leur emphysème ou fistules, est devenue une station thermale fantôme depuis le début du nouveau siècle, comme si la "Révolution" avait voulu faire table rase de son prestigieux passé. l Attila à la place d'Eminescu ! 36 Devenue station thermale L'initiative de trois jeunes de Miercurea Ciuc embarrasse la municipalité magyare - de cette préfecture du judet de Harghita. Ceux-ci ont fait signer une pétition à 1900 de leurs concitoyens demandant que soit débaptisée la rue Eminescu proposant de le remplacer par celui… d'Attila. Argument avancé: Eminescu était xénophobe, particulièrement "hungarophobe" et n'a jamais vécu à Miercurea Ciuc, alors qu'Attila a été le dernier et le plus puissant roi des Huns, ancêtre des Hongrois. Le plus embêté par cette démarche est le vice-maire, Antal… Attila ! Il préfèrerait se trouver à la place de son collègue Antal Arpad, maire de Sfântu Gheorghe, la préfecture du judet voisin de Covasna. Celui-ci, le jour du 161ème anniversaire de la naissance d'Eminescu, le 15 janvier dernier, a très consensuellement inauguré une plaque à sa mémoire, dans la rue portant déjà son nom, avec une strophe en roumain d'un de ses poèmes, traduite en hongrois et anglais, cette dernière version étant destinée aux touristes. En mai 2010, le conseil municipal de Sfântu Ghorghe, à majorité magyare, avait décidé de partager en trois tronçons, contre l'avis des élus roumains, la rue du 1er décembre 1918, date célébrant la réunification de la Transylvanie avec la Roumanie et consacrant le démembrement de la Hongrie. Le premier tronçon a conservé son appellation ancienne, le second reçut le nom de Mihai Eminescu et le troisième celui de Petofi Sandor, grand poète hongrois (1823- 1849). F inalement, il n'y a guère que la démocratie qui se soit désintéressés du sort de la station thermale de Borsec, adossée à la commune du même nom, à l'extrême nord du judet de Harghita (Miercurea Ciuc), et dont 80 % de la population de 2600 habitants est magyare, le reste se partageant entre quelques familles de Roumains et de Tsiganes. Même Ceausescu ne l'avait pas laissé tomber. Environ 5000 vacanciers y séjournaient quotidiennement à l'été, histoire de se refaire les poumons, respirer le grand air pur à 900 mètres d'altitude, en randonnant dans les collines environnantes et en dormant presque à la belle étoile dans des minuscules "casute", cabanes en bois. Un véritable retour à la nature pour les Roumains enfermés à longueur d'année dans leurs blocs et qui se délectaient de leurs promenades dans les forêts avoisinantes où vivent toujours des chevreuils, des sangliers, des renards et même des ours, des loups et des lynx. La station avait été nationalisée en 1948, destinée aux malades, aux membres des syndicats, dans une optique de tourisme de masse. fantôme, Borsec s'apprête à renaître de ses cendres Tous ces joyaux de Borsec ont ainsi changé trois fois de main, leurs prix s'envolant à chaque transaction. Leurs nouveaux propriétaires se désintéressant totalement de la station, vidèrent ces demeures cossues de leurs meubles, s'en désintéressèrent, les laissant à l'abandon. Peu à peu, Borsec est tombée dans l'oubli, de moins en moins fréquentée, continuant à vivoter jusqu'en 2000. Le prix de l'immobilier s'est effondré, personne ne voulant de ses propriétés nues, délabrées, pillées par les riverains et dont les fenêtres, les robinets avaient disparu. Borsec était devenue une ville fantôme. Bruxelles met la main à la poche Pourtant, ces derniers temps, l'espoir est revenu. Des touristes, roumains ou hongrois, également quelques Autrichiens et Allemands, viennent passer quelques jours, campent ou se logent dans la quinzaine de pensions encore ouvertes et qui ont été rénovées. Leurs tarifs sont très accessibles: entre 12 et 25 la chambre. Signe qui ne trompe pas… 22 sont en construction. La station est ouverte l'été et un peu l'hiver. Une centaine de personnes y habitent en permanence et on y trouve une vingtaine de magasins. Les prix des terrains (20 à 30 €/m2) et des villas (entre 20 000 et 50 000 €) sont repartis à la hausse, amorçant une nouvelle vague de spéculation. Mais cette fois-ci, les acquéreurs misent sur le développement des activités touristiques et le retour à une certaine opulence d'ici cinq-dix ans. Les 80 splendides hôtels particuliers Le Baden-Baden de l'Est Evidemment, son lustre n'avait plus rien à voir avec le faste de l'époque interbellique quand elle était fréquentée par des boyards moldaves, à l'époque de Carol II (1893-1953) qui suivit la formation de la grande Roumanie. Ils avaient reçu gratuitement du Roi des terrains confisqués aux Hongrois et édifié de riches et splendides demeures. La réputation de Borsec était telle alors que la station attirait des acteurs, des écrivains, dont Nicolae Iorga (1871-1940), des hommes politiques (on ne disait pas encore politiciens), et accueillait des congrès internationaux. Des hobereaux hongrois, moins nombreux certes, continuaient cependant à la fréquenter, comme au temps de François Joseph (1830-1916), quant la Transylvanie faisait partie de l'empire austro-hongrois et que son renom en faisait le Baden-Baden de l'Est, attirant une clientèle fortunée. On y voyait beaucoup de riches juifs, venus de Budapest. Des soirées mondaines l'animaient pendant la saison qui durait de juin à fin août. Le roi Carol 1er (1839-1914) l'avait honorée d'une visite, bien qu'elle fût située dans une région que la Roumanie revendiquait, et le poète Vasile Alecsandri (18211890) lui avait consacré un livre. Vagues spéculatives et faillite La "Révolution" de 1989 a signé l'arrêt de mort de Borsec, comme elle l'a fait pour d'autres stations thermales, dont Baila Herculane, dans le sud du pays. Les affairistes se sont précipités sur les terrains et les villas mis en vente pour une bouchée de pain, dans le cadre des privatisations. Non pas pour les exploiter, développer une activité touristique ou thermale, mais dans le seul but de la spéculation. Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Des rues désertes, défoncées... Difficile d’imaginer que Borsec va prochainement revivre ! dont le boulevard central des Sept sources qui vient tout justed'être achevé. L'état roumain s'est engagé à construire une nouvelle base thermale, une autre de sports d'hiver, ainsi qu'une piste de ski. Est-ce pour veiller sur la concrétisation de ces promesses d'une aube nouvelle, qu'on ne peut pas faire dix pas sans tomber sur un policier ? On en compte une trentaine en permanence toute l'année pour la seule station, pourtant souvent vide. Il n'y en avait pas plus de 4-5 quand Ceausescu venait chasser et passait le week-end dans sa modeste villa, aujourd'hui à rénover et à vendre. Des sources efficaces contre plein de maladies… dont le chômage L’espoir renaît cependant et d’anciens propriétaires retapent leurs manoirs après être rentrés en possession de leurs biens. datant d'avant la Première Guerre mondiale sont particulièrement recherchés et certains sont déjà en travaux, leurs propriétaires s'efforçant de leur redonner leur lustre d'antan. Il n'en sera malheureusement rien pour l'un des plus beaux, qui avait totalement brûlé en 1985. Une de ses pensionnaires avait oublié le fer à repasser sur sa robe, le soir du réveillon… L'Union Européenne a mis la main à la poche, en donnant un million d'euros pour la reconstruction des infrastructures, Au cours de ces années sombres, Borsec a été sauvée par sa vocation première. Ses sources d'eau thermale. Elle en compte 23, dont 11 sont exploitées ainsi que 4 forages. Rénovées en 1994, ses installations sont les plus modernes et les plus importantes d'Europe Centrale. Elles produisent aux alentours d'un demi-million de litres par jour, embouteillés et expédiés en Europe, Asie et Amérique, commercialisées sous le nom de "Regina Apelor Minerale", la reine des eaux minérales par la société nationale la gérant jusqu'à sa privatisation en 1998. Les sources sont exploitées depuis 1806. Selon la légende, la première aurait été découverte voici quatre siècles par un berger qui aurait guéri son ulcère à l'estomac. Leurs eaux, à forte teneur en calcium, magnésium et fluor, particulièrement recommandées pour les personnes de plus de 50 ans, sont réputées pour le traitement des maladies des poumons, du cœur et des "entrailles"… On pourrait ajouter aussi de celui du chômage. L'exploitant, Romaqua Group S.A. Borsec, une société totalement roumaine, emploie 600 personnes et Borsec ne compte aucun chômeur, contre une moyenne de 11,2 % dans le reste du judet et seulement une centaine de ses habitants sont partis travailler ou étudier à l'étranger. 37 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Dossier Magyars Pour Jean, citoyen belge, et Margareta Il était SUCEAVA l l l l BAIA MARE l IASI ORADEA TIMISOARA SINAIA PITESTI CRAIOVA BACAU M. CIUC l l l l l BRASOV GALATI l l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA l Lazlo Tokes acquiert la nationalité hongroise 38 professeure de français hongroise, le bonheur est dans un pré du pays magyar une fois à l'Est… l TARGU MURES ARAD Société Les NOUVELLES de ROUMANIE L'évêque de religion réformiste Laszlo Tokes, à l'origine des évènements de Timisoara en décembre 1989, a reçu la nationalité hongroise le lundi 14 mars ainsi qu'une cinquantaine d'autres Roumains d'origine magyare, au cours d'une cérémonie qui s'est déroulée au consulat de Hongrie de Cluj, en présence du vice-premier ministre de Hongrie. Actuellement vice président du Parlement européen, Lazlo Tokes, 59 ans (photo ci-dessus), s'est fait remarquer depuis la "Révolution" roumaine par ses positions irrédentistes tranchées, plaidant pour l'autonomie de la Transylvanie. L'acquisition de la citoyenneté hongroise est possible sous certaines conditions pour les Hongrois vivant à l'étranger, depuis que la droite nationaliste du Fidesz, dirigée par Premier ministre Victor Orban, 49 ans, a accédé au pouvoir à Budapest, à la suite du raz de marée des législatives de 2010. A l'issue de la cérémonie, Lazlo Tokes a déclaré "qu'il s'agissait du plus beau jour de sa vie et des 90 dernières années", évoquant le "funeste" traité de Trianon qui a abouti au démembrement de la Hongrie, ajoutant: "Ainsi est accompli dans l'esprit le douzième point de la Révolution de 1848 qui demandait l'union de l'Ardeal (la Transylvanie) et de la Hongrie". L'évêque conserve cependant sa citoyenneté roumaine. "Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite. Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer" poétisait Paul Fort. Jean Pollart, citoyen belge de 74 ans, établi en Roumanie depuis la fin des années 90, l'a trouvé dans un pré magyar du Mures auprès de Margareta, une professeure de français à la retraite de 62 ans, et ni l'un ni l'autre n'ont l'intention de le laisser s'échapper. C hez moi, désormais c'est ici. Je ne retournerai pas en Belgique". Jean Pollart est formel. Il a trouvé le bonheur en Roumanie, plus exactement au cœur du pays magyar, dans le judet du Mures. Pourtant, il est attaché à son pays et évoque avec un brin de nostalgie les 60 années où il y a vécu, se souvenant notamment de son service militaire pendant lequel, pour échapper à la corvée de pluche, il s'était fait muté comme clairon. "J'étais un privilégié, je mangeais tellement bien que je ne revenais pas le dimanche à la maison, ce qui vexait ma mère" se souvient-il. Libre comme l'air… direction Roumanie Jean est né entre Enghien et Tournai, à Irchonwelz, un nom plaisant… et piquant qui pourrait se traduire par quelque chose comme "le hérisson qui passe toujours par le même gué". Ses études techniques, complétées par des cours du soir en ont fait un électro-mécanicien fidèle pendant quarante ans à la Régie des Télégrammes et Téléphones. "La RTT - Repose Toi Toujours - c'était un peu comme chez vous les PTT - Petits Travaux Tranquilles" plaisante l'incorrigible blagueur. Le Belge a toutefois perdu le sourire quand, à 60 ans - modernisation oblige - son administration, devenue Belgacom, a jeté par la fenêtre des machines qui valaient de l'or et s'écrasaient au rez de chaussée dans des conteneurs… les employés prenant les escaliers pour faire place aux électroniciens et informaticiens. C'était la fin des années 90 et Jean, mis à la retraite, divorcé, ses trois enfants élevés et donc libre comme l'air, prenait le chemin de la Roumanie pour retrouver Margitka, une magyare qui allait devenir sa femme. La maladie dégénérescente qui allait la frapper n'empêcha pas le couple de vivre heureux pendant près de dix ans. Sa disparition plongea Jean dans le désarroi, privé de sa raison de vivre… le bonheur, celui qu'on donne en espérant en recevoir un peu. Heureusement, il croisa le chemin de Margareta, elle aussi magyare. C'était en août 2009. "Je suis riche en moi, je n'ai pas besoin de courir le monde" A 61 ans, cette professeure de français et hongrois d'un lycée forestier situé à une vingtaine de kilomètres de Târgu-Mures, veuve depuis cinq ans, continuait à travailler surtout pour garder le moral et parce qu'elle aimait passionnément son métier. Au point d'emmener ses élèves pendant les vacances faire le tour de la Transylvanie à bicyclette, chacun transportant sur son porte-bagage tout le "barda" pour camper, les réserves de nourriture fourrées dans le sac à dos, car les épiceries étaient vides sous Ceausescu. Margareta les faisait rêver de la France, leur décrivant comme si elle les connaissait ses châteaux de la Loire, Paris… alors qu'elle n'y est toujours jamais venue, pas plus qu'elle n'est allée en Belgique. "Je suis riche en moi, je n'ai pas besoin de courir le monde. Le bonheur est ici… c'est ma paix intérieure, celle que je ressens quand je cueille une fleur dans le jardin" confie-telle. Le monde, ses deux filles, 32 et 36 ans, toutes deux professeures, lui racontent. L'une est mariée à un Japonais, venu suivre un stage de danse traditionnelle en Roumanie. Délaissant le saké pour la tsuica, il s'est installé sur place, restaure des immeubles prestigieux, se consacre à la musique… et a intégré un groupe folklorique de danses hongroises ! Cette philosophie de vie ne pouvait que séduire Jean. Il décida Margareta, devenue sa femme six mois plus tard, à prendre sa retraite et s'installa dans sa maison, une fermette de style hongrois, distante d'une quinzaine de kilomètres de la sienne, à Eremieni. Ses voisins étaient désolés de voir partir ce Belge qui leur avait donné de nombreux coups de main et apporté sa bonne humeur. Le jour de son déménagement, handicapé par une sciatique, toute sa rue se mobilisa pour l'aider. Jardins secrets Dès cinq heures le matin, en été, Margareta prend sa faux et se dirige vers les prés de sa propriété puis, quand le soleil monte dans le ciel, elle regagne son immense jardinportager, son paradis, entre ses fleurs et ses légumes. "Ici, pas besoin d'aller faire les courses. Les voisins apportent du lait, des oeufs, du beurre, on les échange contre des haricots, des carottes, des pommes. Il n'est pas question d'argent" rapporte-t-elle. Au commencement de l'automne, ses anciennes collègues viennent l'aider à ramasser les prunes et autres fruits du verger que l'on emmène à la distillerie du village pour les transformer en palinca. Chaque mercredi, elle conduit ce petit-monde dans son break au marché hongrois de Miercurea Nirajului, un service apprécié quand il faut ramener des sacs de pommes de terre ou du matériel pesant, car personne n'a de voiture. Margareta a aussi son jardin secret… le musée d'objets traditionnels qu'elle aménage à un étage de sa fermette, recueillant tout ce qui touche au patrimoine du village. Jean, bricoleur dans l'âme, ne chôme pas avec toutes les dépendances de la maison qu'il a entrepris de restaurer, faisant preuve d'un goût sûr. Il a installé quatorze lits, ce qui permet d'accueillir pour plusieurs jours des anciens collègues ou élè- ves de Margareta, des amis venus de Belgique, ce qui promet des soirées animées. Le Belge passe ses journées dans l'atelier qu'il s'est confectionné, jetant de temps en temps un œil sur ses pigeons, ses oiseaux, veillant précieusement sur l'aquarium qui l'a suivi dans son déménagement. "C'était une bonne journée" Le soir, le couple s'installe au coin du feu, bavarde, bouquine, en écoutant des CD. Tous deux partagent les mêmes goûts, repassent en boucle les morceaux qu'ils aiment, comme les musiques de films, dont celle d'Ennio Morricone. "Ici, ce serait plutôt… Il était une fois dans l'Est" s'amuse Jean. Autrefois, Margareta lisait Jules Verne en hongrois, maintenant c'est en français. Jean s'affaire auprès de la chaudière dernier cri qu'il vient d'acquérir pour 1500 € et dont il est particulièrement fier. Elle fonctionne au bois et transforme les résidus en gaz, si bien qu'il ne faut la charger que deux fois par jour, ce qui évite d'avoir à se déranger la nuit. Il se lève aussi pour noter les réflexions qui lui viennent à l'esprit et dont il a déjà rempli un recueil. Pas besoin d'Internet et très peu de télé. Le silence serai-il pesant? La verve de Jean est sûre de détendre l'atmosphère. Récemment, il s'est fait opérer de la cataracte à Târgu Mures. Le premier œil sous anesthésie générale - la première de sa vie -, le second sous anesthésie locale. "Quand on m'a retiré le cristallin, j'ai vu un spectacle en couleurs fantastique… Il manquait juste la musique de Jean-Michel Jarre" s'exclame-til, ajoutant "J'ai dit au chirurgien: Ah, c'est vraiment dommage que je n'ai pas un troisième œil !". Jean pensant à son âge se fait philosophe: "C'est quand Dieu le veut…s’empressant de rajouter mais le plus tard possible". Chaque soir, avant de se coucher, il fait le bilan: "Ce n'est pas difficile, c'est toujours la même chose. J'ai juste à écrire: c'était une bonne journée"… (Lire également en rubrique coup de cœur, page 60) 39 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE L'UE donne 10 ans aux Etats membres pour intégrer les Roms Minorités SUCEAVA l l l l BAIA MARE ORADEA l IASI l TARGU MURES ARAD BACAU l l l TIMISOARA SLATINA l CRAIOVA l BRASOV PITESTI GALATI BRAILA l l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA l Création d'un "tribunal des Roms" à Sibiu 40 Un "tribunal des Roms" a ouvert ses portes le 28 février à Sibiu, a annoncé le "roi" autoproclamé des Roms de Roumanie, Florin Cioaba, se félicitant d'un "grand pas" pour cette communauté."C'est un jour très important pour nous, car nous inaugurons le premier tribunal des Roms" a-t-il déclaré lors de la cérémonie d'ouverture. Placé sous la devise "Nous ne vous jugeons pas, nous vous réconcilions", le tribunal se penchera sur des affaires telles que des "séparations ou des conflits financiers", a-t-il expliqué. "Il ne s'agit pas d'une instance parallèle aux institutions de l'Etat", a souligné le roi Cioaba, selon qui les cas soumis à ce tribunal seront jugés en vertu des "lois non écrites et des coutumes" de la minorité Rom. Les conflits entre Roms sont souvent réglés par une "cour" ("stabor", en langue romani), formée des "sages" des différentes communautés locales. Les personnes reconnues coupables sont généralement condamnées à verser une somme d'argent à la partie lésée. "Tous les Roms en quête de justice pourront s'adresser au tribunal", a déclaré Florin Cioaba, ajoutant que "pour la première fois, les stabors ne seront plus tenus dans la rue ou au domicile d'un membre de cette minorité". Son fils, Dorin, sera le "président" du tribunal. Il sera aidé par plusieurs juristes. B ruxelles a décidé de forcer la main aux Etats membres tant les 10 à 12 millions de Roms que compte l'Europe sont aujourd'hui encore victimes de discriminations, d'exclusion et du déni de leurs droits. D'ici la fin de l'année, les 27 devront soumettre à la Commission leurs plans d'actions nationaux pour intégrer la plus grande minorité européenne. L'accès des Roms à l'éducation, à l'emploi, aux soins de santé et au logement devient l'un des objectifs assignés aux États dans le cadre de la stratégie de croissance de l'Union Européenne pour 2020. "Malgré les bonnes intentions manifestées par certains responsables politiques des États membres, les conditions de vie de la plupart des Roms n'ont presque pas évolué au cours de ces dernières années", a déclaré Viviane Reding, vice présidente de la Commission. L'été dernier, un virulent conflit l'avait opposé à Nicolas Sarkozy lors des expulsions de Roms roumains et bulgares venus en France, la commissaire allant jusqu'à faire une comparaison avec les persécutions nazies contre les juifs. L'affaire avait provoqué une polémique entre la France, la Roumanie et la Commission. Aucune infraction n'avait finalement été établie contre la France par Bruxelles. Une espérance de vie plus courte de dix ans "L'augmentation de tendances xénophobes et racistes ces dernières années, comme en Hongrie, est un sujet de préoccupation, a reconnu le commissaire aux affaires sociales, le Hongrois Laszlo Andor. Il est inacceptable que les Roms restent frappés d'exclusion dans une UE fondée sur les principes d'égalité, de démocratie et d'État de droit". Bruxelles souhaite que tous les enfants rom achèvent au moins l'école primaire, alors que 42 % le font aujourd'hui, contre 97,5 % pour les autres enfants européens. Seul un enfant rom sur dix fréquente le secondaire. L'espérance de vie des Roms est dix ans plus courte que la moyenne de l'UE (76 ans pour les hommes et de 82 ans pour les femmes). L'exécutif européen attend des États membres de combler l'écart dans le domaine de la santé, par exemple en faisant baisser la mortalité infantile au sein de la population rom. L'accès au logement et aux réseaux de service public, tels que l'eau et l'électricité, est inscrit comme une priorité des stratégies que devront soumettre les 27. Quant à l'accès à l'emploi, la Commission pense avoir trouvé une motivation supplémentaire pour les États : les Roms représentent une part croissante de la population en âge de travailler, l'âge moyen s'élevant à 25 ans, contre 40 pour l'UE. Un nouvel arrivant sur cinq sur le marché du travail bulgare ou roumain est d'origine rom. L'intégration rapporterait 500 M€ par an En effet, selon la Banque mondiale, la pleine intégration des Roms générerait une plus-value d'un demi milliard d'euros par an pour les économies de certains pays comme la Roumanie, la Bulgarie ou la République Tchèque, et ce via des gains de productivité, une réduction des factures dues aux allocations sociales et une augmentation des recettes fiscales. Et pour soutenir des actions concrètes, la Commission rappelle qu'il n'est pas suffisamment fait usage des 26,5 milliards d'euros de fonds européens disponibles sur la période 2007-2013 pour soutenir des actions d'intégration sociale notamment en faveur des Roms. La Commission attend aussi des Roms qu'ils fassent un effort de leur côté. "Il appartient aussi à la communauté rom de vouloir sortir de la pauvreté", a dit Mme Reding. Il est prévu de former un millier de "médiateurs" roms pour discuter avec les familles. Reste que la stratégie de la Commission ne prévoit pas de mesures contraignantes ni de sanctions pour les États membres, mais elle fera chaque année rapport au Conseil et au Parlement européen des progrès réalisés, avec l'implication de l'Agence européenne des droits fondamentaux. Dominique Thierry (Le Courrier des Balkans) Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Religion Strasbourg sauve le crucifix à l'école L es élèves des établissements scolaires publics italiens pourront continuer de réciter leurs tables et d'ânonner Dante sous le regard du Christ en croix. Vendredi 18 mars, saisie en appel, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de Strasbourg a estimé que leur présence "ne suffisait pas à caractériser une démarche d'endoctrinement ", infirmant ainsi une précédente décision de première instance qui, le 5 novembre 2009, avait condamné l'Italie à retirer ce symbole religieux "contraire au droit des parents d'éduquer leurs enfants selon leurs convictions". La logique voudrait que les autres religions puissent en faire autant lorsque les élèves de leurs confessions sont majoritaires ou en nombre. Cette décision a été saluée avec enthousiasme par le ministre des affaires étrangères, Franco Frattini, et commentée très positivement par l'Eglise. "Cette sentence constitue désormais un point de référence dont il faudra tenir compte sur la question de la présence des symboles religieux dans toute l'Europe", se réjouit le quotidien des évêques Avvenire sur son La protection de l'environnement n'est pas une priorité en Roumanie 41 Environnement L a protection de l'environnement reste souvent perçue comme une question mineure en Roumanie et ne constitue pas une priorité des autorités, estime la Fondation Soros dans un rapport publié dernièrement. "L'environnement est souvent vu en Roumanie comme une question de faible importance bien qu'il représente un des dossiers majeurs de la politique européenne", note ce rapport rédigé par une avocate spécialiste du droit de l'environnement, Catalina Radulescu. Notant l'absence de "tradition" dans la protection de l'environnement, le rapport souligne que la Roumanie a adopté site Internet. "C'est un acte de vraie laïcité allant dans le sens du respect et de la liberté de tous, explique au Monde Gian Maria Vian, directeur du quotidien du Vatican, L'Osservatore romano. Elle reconnaît l'histoire particulière de l'Italie et d'une partie de l'Europe". A une écrasante majorité (15 contre 2), les 17 juges ont estimé qu'un crucifix est "un symbole passif" qui ne peut "être comparé à un discours didactique ou à la participation à des activités religieuses". La Cour souligne que "les Etats jouissent d'une marge d'appréciation lorsqu'il s'agit de concilier l'exercice de leurs fonctions (...) et le respect du droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions" et qu'elle doit "respecter les choix des Etats dans ces domaines". Une précision utile alors que dix pays membres du Conseil de l'Europe (Arménie, Bulgarie, Chypre, Grèce, Lituanie, Malte, Monaco, Roumanie, Russie et San Marin) s'étaient portés en défense de l'Etat italien, redoutant d'être à leur tour l'objet d'éventuelles poursuites... "des séries entières de lois" dans ce domaine grâce à son entrée dans l'UE en 2007, mais "l'application de ces lois est très difficile notamment en raison de l'instabilité dans la fonction publique". "Les problèmes d'application se posent aussi bien au niveau des autorités centrales que locales", poursuit le document. "On peut dire que la mise en place des politiques de protection de l'environnement ne sont pas une priorité", ajoute le rapport de la Fondation Soros, dénonçant "le désintérêt de l'administration" pour la stratégie de développement durable adoptée sur le papier depuis 2008. Présent lors de la présentation de ce rapport, Silvian Ionescu, commissaire général de l'autorité chargée de veiller au respect des lois environnementales, a reconnu "qu'il y a beaucoup de violations" dans ce domaine en Roumanie. "Mais nous avons réussi à faire passer le nombre de contrôles effectués par notre autorité, la brigade de l'environnement, de 40 000 en 2009 à 60 000 en 2010 avec seulement 5% de personnel supplémentaire", a-t-il souligné. Silvian Ionescu a toutefois regretté que "dans la moitié des affaires pour lesquelles nous avions donné des amendes en 2010, les juges aient préféré transformer ces dernières en avertissements". Les particules fines tuent à Bucarest L e taux élevé de particules fines dans la capitale roumaine aurait causé la mort de plus de 800 Bucarestois entre 2004 et 2009, selon les résultats d'une étude publiée par le Centre pour des politiques durables Ecopolis. Par ailleurs, "227 enfants décédés dans les douze premiers mois de leur vie auraient pu être sauvés" si la moyenne annuelle des polluants PM10 (particules fines dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres) avait été de 20 microgrammes au m3, comme le recommande l'Organisation mondiale de la santé. A Bucarest, la moyenne dépasse de cinq fois cette recommandation, selon les relevés d'Ecopolis. L'étude révèle encore qu'un niveau normal de particules fines dans l'air de la capitale aurait empêché l'internement pour des problèmes respiratoires d'environ 300 personnes en 2009. Et cette éventualité aurait conduit à une économie de 400 000 lei (environ 100 000 euros) pour le système de santé roumain. Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Environnement SUCEAVA l l BAIA MARE ORADEA l l IASI CHISINAU l l GHERLA l l l ARAD CLUJ l l TIMISOARA SIBIU TARGU MURES l l GALATI BRAILA l CRAIOVA l BACAU BRASOV PLOIESTI n BUCAREST l l l TULCEA CONSTANTA La Roumanie produira-t-elle bientôt des combustibles bio pour ses avions ? Airbus, Tarom et un consortium de plusieurs partenaires viennent d'annoncer le lancement d'une plateforme de production et de commercialisation d'un carburant écologique, qui devrait être installée en Roumanie Insolite Vins moldaves contre radiations japonaises A fin de manifester leur solidarités aux victimes du tremblement de terre du Japon, des viticulteurs et négociants de la République moldave ont décidé d'y envoyer 28 000 bouteilles de vin rouge… non pas pour aider les victimes à oublier leur drame, mais pour lutter contre la radioactivité. Selon des spécialistes, les vins rouges mol- daves - Cabernet, Merlot, Cabernet-Sauvignon et Cahor auraient la propriété de protéger l'organisme contre les radiations, comportant d'importants composés de polyphénols empêchant les effets destructeurs des noyaux radioactifs. Les bouteilles devaient être transportées en bateau depuis Odessa, les donateurs prenant tous les frais en charge. l 140 ours bruns "adoptés" dans le cadre d'une campagne de WWF 42 Tarom et Airbus associés pour des vols "verts" Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Cent-quarante ours bruns des Carpates ont été "adoptés" symboliquement dans le cadre d'une campagne lancée en Roumanie en décembre, a annoncé l'organisation de défense de l'environnement WWF, à l'origine de cette initiative. "En un mois nous avons reçu plus de demandes d'adoption que nous n'espérions", a déclaré la coordinatrice de cette action, Daniela Caratas. Les personnes ayant formulé une telle demande ont reçu un "certificat d'adoption", assorti d'informations sur les plantigrades et sur les projets du Fonds mondial pour la nature (WWF). Le tout en échange d'un don modique, d'une valeur moyenne de 20 €. L'argent sera utilisé pour des projets visant à préserver l'habitat des ours. WWF avait lancé cette campagne visant à "sauver les ours des Carpates", inquiète des menaces à leur encontre, dont la déforestation, la nourriture de plus en plus insuffisante et le braconnage. "La Roumanie n'est malheureusement plus l'hôte accueillant qu'elle était, alors que des routes, des pistes et des stations de ski ainsi que des zones résidentielles sont construites dans des forêts et des aires protégées", a-t-elle déploré.Selon des statistiques officielles, la Roumanie compte environ 6.500 ours bruns, soit 60% des plantigrades d'Europe. Les ours des Carpates ont multiplié leurs descentes en ville ces derniers temps, notamment à Brasov où ils fouillent les poubelles à la recherche de nourriture. D e la cameline roumaine pour remplacer le kérosène dans les réservoirs des avions… Tel est le projet récemment dévoilé par Airbus. Le constructeur aéronautique européen et Tarom ont décidé de mettre en place un projet de fabrication et de commercialisation d'un biocarburant à base de cameline (une plante riche en huile), destiné à devenir une alternative bio au kérosène habituellement utilisé pour les avions. Pour le moment, le projet est encore à un stade embryonnaire, puisqu'aucune étude de faisabilité n'a encore été réalisée. Tarom a ainsi préféré ne pas communiquer sur le sujet et s'est contenté de reprendre les annonces faites par Airbus. Le constructeur européen a lui révélé qu'il s'investissait sérieusement dans la création de ce bio carburant européen. Selon la direction d'Airbus, le projet sera chapeauté par une ONG roumaine, qui supervisera la production de cameline en Roumanie. Le siège du projet sera implanté à Bucarest et Airbus accompagnera les processus d'approbation du carburant et dirigera l'analyse des effets sur les systèmes et la motorisation des avions. Des pilotes d'Air Tombouctou pour le Président L 'avion officiel du président Basescu va être piloté par des aviateurs actuellement employés par Air Tombouctou, selon le site du média Cotidianul. Cette compagnie aérienne basée à Bamako, au Mali, a des liens avec des sociétés homologues roumaines, dont Romavia, chargée d'assurer les vols des dignitaires roumains et MIA Airlines. Cette dernière compagnie était soupçonnée d'appartenir au trafiquant d'armes russe Viktor Bout, 44 ans, surnommé "Le marchand de mort" et "Lord of the war", ayant alimenté plusieurs conflits en Afrique malgré les embargos décrétés par l'ONU. Il a été arrêté à Bangkok en 2008 puis transféré aux USA en novembre dernier. Dans son commentaire, Cotidianul ajoute espérer que les pilotes du Président auront retrouvé l'usage de leur langue maternelle, les idiomes utilisés au Mali étant le bambara et le bamanankan. Les couleurs du ciel Objectif : couvrir 50% des besoins d'un avion "Il s'agit du premier projet en Europe qui réunit des agriculteurs, des raffineurs et une compagnie aérienne afin de lancer la commercialisation d'une production de biocarburant durable", a déclaré Paul Nash, le responsable des nouvelles énergies chez Airbus. Le consortium, dirigé par Tarom, comprend aussi UOP, filiale de Honeywell, qui fournit sa technologie de raffinage de biocarburant pour les avions, et CCE (Camelina Company España) qui apporte ses connaissances en agronomie de la cameline. Cette plante, présente en Roumanie, a été sélectionnée pour son potentiel énergétique, sa capacité de réduire les gaz à effet de serre et ses faibles besoins en eau. Des études de faisabilité doivent être réalisées, tant au niveau agricole qu'aéronautique, et la capacité de production de la Roumanie reste à déterminer clairement. Mais Airbus croit au projet, qui pourrait à terme couvrir 50% des besoins d'un avion en carburant pour un vol commercial. Marion Guyonvarch (www.lepetitjournal.com/Bucarest) Cette information a provoqué la réaction suivante d'une lectrice du petitjournal: “Par pitié pour nos paysans qui se donnent tant de mal pour nous donner des produits sains, ne parlez plus de combustibles "bio" mais d'agrocarburants! Agrocarburants qui d'ailleurs sont en grande partie responsables du surenchérisseme nt des matières premières agricoles au point que certains n'hésitent pas à les surnommer nécrocarburants ! La solution ? Développer massivement les agrocarburants de deuxième génération qui n'utilisent pas les bons produits de l'agriculture (qui doivent être réservés aux hommes et aux animaux) mais recyclent les déchets de l'agriculture”. L e clergé orthodoxe de Ploiesti a décidé de former une équipe de football composée de jeunes prêtres. Elle ne participera pas à des championnats mais, par sa présence, veut témoigner de l'importance du sport dans l'équilibre des individus entre corps et esprit "comme l'a voulu le Créateur", complétant ainsi les périodes de jeûne, de prières, de confession nécessaires à l'élévation de l'âme. Un sponsor a financé l'achat des équipements, les futurs joueurs opérant sous les couleurs du ciel… en bleu et blanc. Voleurs malchanceux B loqués dans un local d'une ferme de Berini (Timis) qu'ils avaient entrepris de dévaliser, quatre voleurs de ferraille ont téléphoné au numéro d'urgence pour qu'on vienne les délivrer, se plaignant d'avoir été séquestrés par le propriétaire des lieux. Ils s'apprêtaient à repartir et avaient également appelé un taxi pour les aider à transporter leur butin, d'une valeur de 250 €. La police s'est fait un plaisir de venir les sortir de ce mauvais pas… avant de les conduire directement à la prison. Les infortunés malfaiteurs avaient été piégés par le fermier, qui avait installé un dispositif de sécurité excédé qu'il était par les vols successifs dont il était victime, leur préjudice s'élevant à 45 000 €. -On arrête le gars ? - Attends un peu... s’il nous donne quelque chose ou de savoir qui est son père. Lions de jardin 43 D ans le fond d'un jardin, on y trouve parfois un poulailler, des clapiers à lapin, même un cochon... mais Lorian Galcescu, en Roumanie, y faisait un élevage bien particulier. Ce sont des policiers qui, alertés par des voisins qui se plaignaient du bruit généré par des "animaux bruyants", ont découvert deux lions enfermés dans une cage au fond de son jardin. Leur propriétaire leur a déclaré qu'il avait acheté ces deux lions du Sénégal quand ils étaient tout petits, à un forain qui avait fait faillite. En grandissant, il leur avait construit une cage dans son jardin. "Je ne vois pas où est le problème, ils ne faisaient de mal à personne", s'estil défendu. La police a saisi les animaux. "Le forain qui me les a vendu ne m'a pas dit que j'avais besoin d'un permis" a-t-il plaidé. Les deux lions ont été placé dans un zoo et leur propriétaire risque, lui de se retrouver derrière les barreaux! Jour de veine T heodore Radulescu, un cuisinier installé dans le quartier du Bronx, à New-York, a échappé par miracle à l'accident de car qui, après s'être retourné sur l'autoroute et avoir percuté un poteau, a fait quatorze morts, le samedi 12 mars, à proximité de la mégapole américaine. Le Roumain de 55 ans qui rentrait chez lui après avoir passé sa journée de congé dans un casino du Connecticut, a été un des rares passagers à s'en tirer avec de simples ecchymoses et des blessures superficielles. Tout de même hospitalisé, mais mesurant sa veine… il a décidé de troquer la blouse qu'on lui avait fait enfiler contre ses vêtements, même si ses chaussettes étaient pleines de sang, afin de profiter au maximum de ce jour de chance. Le cuisinier s'est éclipsé discrètement de sa chambre… pour se rendre dans le casino le plus proche. Mais la roue de la fortune avait tourné, et le Roumain a regagné son domicile les poches vides. Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Cioran : "J'ai connu toutes les déchéances, même le succès" Centenaire Cioran SAPÂNTA l l l SUCEAVA l BAIA MARE l CHISINAU IASI ORADEA l BRASOV l TIMISOARA l RASINARI PITESTI CRAIOVA l GALATI BRAILA l l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA l Distinction française pour Cristi Puiu 44 Un Karcher de l'esprit, mystique sans Dieu comme Flaubert Centenaire Cioran l BACAU l l Connaissance et découverte l TARGU MURES ARAD Les NOUVELLES de ROUMANIE Le metteur en scène Cristi Puiu a reçu à Bucarest les insignes de Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres des mains de l'ambassadeur de France en Roumanie, Henri Paul, à l'occasion de la première de son film "Aurora", dans lequel il interprète aussi le rôle principal. De nombreuses fois primé à travers le monde, obtenant notamment un Ours d'or à Berlin, Cristi Puiu, 44 ans, avait obtenu le prix "Un certain regard" lors du Festival de Cannes en 2005, pour "La mort de Monsieur Lazarescu". Deux autres réalisateurs roumains avaient obtenu la même distinction française auparavant, Cristian Mungiu et Catalin Mitulescu. Le coin du philatéliste A travers sa 1ère série de timbres de l'année 2011, la poste moldave permet de découvrir une culture particulière datant de la période du néolithique, entre 5000 et 4000 ans avant JC, qui s'étendait du nord-est de la Roumanie actuelle à l'Ukraine, y compris le territoire actuel de la république de Moldavie, en en présentant trois céramiques. Cette culture, appelée Cucuteni-Trypillia, était caractérisée par de très grandes agglomérations pour l'époque et par une culture de la céramique peinte unique. L'illustration de l'enveloppe qui accompagne la série montre la salle du musée national d'archéologie et d'histoire de Chisinau où sont exposés les 3 objets. L'année 2011 est marquée par le centenaire de la naissance de l'écrivain-philosophe roumain d'expression française Emil Cioran (1911-1995), considéré dorénavant comme un géant de la pensée du XXème siècle. Cet anniversaire coïncide avec le dénouement de l'affaire des manuscrits découverts après sa mort, qui a enfiévré depuis une décennie les milieux littéraires hexagonaux. A ces deux occasions, les médias ont salué l'œuvre de cette personnalité déroutante, comme on peut le découvrir dans les pages suivantes. A ristocrate du doute et dandy métaphysique, Emil Cioran, mort à Paris en 1995, à l'âge de 84 ans, aurait eu cent ans le 8 avril dernier et ce styliste du désespoir, qui avouait préférer "la tombe au bâillement", aura forgé une philosophie teintée d'humour noir. Né à Rasinari, en Transylvanie, près de Sibiu, ce fils de pope orthodoxe vécut jusqu'à 26 ans en Roumanie, où il publia ses premiers livres, Sur les cimes du désespoir à l'âge de 22 ans, puis Des larmes et des saints, qui fit scandale dans son pays. A l'époque, le jeune Cioran se laissa enivrer par le nationalisme, l'hitlérisme d'abord, puis la Garde de fer, mouvement fasciste créé en Roumanie. Une "faute", selon ses propres mots, qui fondera cependant l'œuvre à venir. "J'avais haï mon pays, tous les hommes et l'univers. Il me restait à m'en prendre à moi: ce que je fis par le détour du désespoir". L'exil définitif en France en 1937 Alors que le chaos s'installait dans son pays, il quitta la Roumanie en 1937 grâce à une bourse d'étude puis s'installa définitivement en France. A la suite de l'interdiction de ses œuvres par le régime communiste, il abandonna le roumain en 1947 et écrivit désormais en français, dans une langue ciselée où son goût pour l'aphorisme s'alliait à un certain lyrisme. "Le style, si je m'y suis tant intéressé, c'est que j'y ai vu un défi au néant", écrivit-il dans ses Cahiers. Bien que demeurant en France jusqu'à sa mort, il ne demandera jamais la nationalité française. Proche d'Eugène Ionesco, Samuel Beckett, Henri Michaux ou Fernando Savater, sa philosophie a été inspirée par Nietzsche, Schopenhauer ou encore Kierkegaard. Les titres des livres de cet insomniaque chronique annonçaient la couleur de son œuvre. Et c'est une noirceur teintée de lucidité: Précis de décomposition, publié en 1949, Syllogismes de l'amertume, De l'inconvénient d'être né ou La tentation d'exister... Son dernier ouvrage, Aveux et anathèmes, est publié en 1987. Dans un essai en forme d'hommage, qui vient de paraître, Cioran, éjaculations mystiques (Le Seuil), Stéphane Barsacq ne cache rien de l'épisode antisémite du jeune Cioran, ni du regard cynique de ce grand séducteur qui écrivait: "La dignité de l'amour tient dans l'affection désabusée qui survit à un instant de bave" ou "L'orgasme est un paroxysme. Le désespoir aussi. L'un dure un instant. L'autre, une vie". Ne revoyant jamais sa Roumanie natale Dans ses écrits, Emil Cioran relatait aussi ses nuits d'insomnies, ses longues promenades nocturnes. Il habita durant plusieurs décennies une mansarde du quartier de l'Odéon, sa tour d'ivoire, d'où il déclina les honneurs littéraires, comme en 1988 le Grand prix Paul Morand, décerné par l'Académie française. Resté pauvre, il continuera à fréquenter le restaurant universitaire jusque vers 40 ans avant de s'en voir interdire l'accès. Un épisode qu'il vivra douloureusement. Après une dizaine d'ouvrages diversement salués par la critique, la publication posthume, en 2009, de son livre De la France recueillit un succès international. "J'ai connu toutes les déchéances, même le succès", aimait-il à dire. Myriam Chaplain-Riou (AFP) La lecture de Cioran fut la marotte des initiés des années 1970-1980. On redécouvrait une œuvre qui fut peu lue à sa parution. Et voilà, semble-t-il, aujourd'hui, Cioran retourné au purgatoire. La vie de cet écrivain semble être vouée à de successives traversées du désert, coupées de retours de flammes enthousiastes. Il semble que ce statut lui sied. Occuper les feux de la rampe use et vulgarise. Cioran a toujours préféré le désert des ermites et des aspics. L e désaccord qui pourrait exister avec l'époque actuelle tient à ce que Cioran est un moraliste. Or, nous subissons les couplets des moralisateurs et de la bien-pensance. Notre société a enrobé son égoïsme vorace dans un emballage compassionnel et automatique, totalement étranger à Cioran. Il s'intéresse à la conscience de l'homme, qui n'est ni la bonne conscience ni la mauvaise, mais le fait d'être un être pensant. On mesure combien, dans notre société, ces notions toniques de moraliste et de conscience se sont dégradées en leur version bovine. Cioran, moraliste, se préoccupe de l'homme, de son destin, de l'amour, de la mort, de l'histoire, beaucoup des religions, de Dieu! Il écrit sur l'essentiel. Ce à quoi aucune existence ne saurait échapper. Qu'on le lise moins prouve notre régression. La première catastrophe pour Cioran est paradoxalement la pensée qui est un défaut de la matière. Elle introduit, dans la perfection du cosmos, un décalage critique. C'est la définition du fameux roseau de Pascal écrasé, fragile mais pensant! "Cioran est trop fort pour les faibles que nous sommes" Or cette pensée nous tourmente d'être mortel. Cioran déclare que nous nous serions volontiers passés d'un privilège qui, pour un peu, nous pousserait au suicide lucide. Il y a chez Camus, quand il ne cède pas à une philanthropie boy-scout, dans Le Mythe de Sisyphe, par exemple, une conscience révoltée de ce type. Pascal n'échappe à l'angoisse que parce qu'il fait le pari de la foi. Cioran, lui, ne franchit pas le pas, il ne saute pas à pieds joints dans l'abîme de Dieu. La grande différence avec notre époque est que l'athéisme de Cioran est caustique, ardent. Il est de ceux qui ne cessent de postuler Dieu pour le nier. L'athéisme d'aujourd'hui est atone. Il trotte partout, sans interrogation, il pousse son chariot dans le supermarché universel. C'est une incroyance dont l'électrocardiogramme est plat. Sur le plan de la religion, Cioran, mystique sans Dieu comme Flaubert, n'a cessé de proclamer la supériorité de la sagesse chinoise, du bouddhisme ou de Lao-tseu sur le christianisme. Car les maîtres taoïstes ne nous promettent pas la supercagnotte du paradis mais, dans le meilleur des cas, un nirvana indéfinissable qui confine au néant. Il est clair que notre société se rue sur le bouddhisme. Mais cela ne ramène pas Cioran au cœur du débat, car le bouddhisme à la mode est un yoga de gens stressés, une sorte de sieste améliorée, assortie des vues les plus fumeuses. Là encore notre époque a corrompu les notions les plus hautes en recettes de relaxation à l'usage des consommateurs. Cioran est trop fort pour les faibles que nous sommes. Sa pensée est obsédée par la figure du barbare dont il envierait presque le fanatisme clair. "Le christianisme est fini parce qu'il ne peut plus détester les autres religions" Le barbare ou le héros savent ce qu'ils veulent, font corps avec l'objet de leur conquête. Ils ignorent le doute et les tiraillements. Le problème actuel de la religion chrétienne, souligne Cioran, est d'avoir renoncé à l'intolérance vitale: "C'est parce qu'il ne peut plus détester les autres religions, c'est parce qu'il les comprend que le christianisme est fini. Il est paralysé par une trop grande largeur de vues". On voit à quel point cette remarque est actuelle, paradoxale et percutante! L'avenir est à celui qui fonce et qui ne doute pas! Triste constat pour les humanistes que nous sommes… Cioran n'est pas sans descendance. Le scepticisme en vogue d'Houellebecq rappelle celui du maître mais c'est un scepticisme médiatiquement avachi quand Cioran est dardé sur sa cible, dans un désespoir jubilatoire. Son style plutôt que celui d'un classique est celui d'un baroque acéré, armé d'une balistique d'adjectifs, d'antithèses et d'allitérations qui taillent les utopies à la hache. Ces aphorismes cruels sur l'amour ont fait sa gloire, mais ces sentences pour dîners en ville ne doivent pas cacher la profondeur de ses coups de sonde qui le mettent au niveau de Pascal, de Schopenhauer, de Nietzsche et de Lao-tseu. C'est pourquoi, il faudrait faire tous les ans une petite cure de Cioran plus décapante pour les lipides et les ballonnements de la pensée que n'importe quelle thalassothérapie chic. Car Cioran est un Karcher de l'esprit. Patrick Grainville (Le Figaro) 45 Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Centenaire Cioran "Tous ces jeunes sont SUCEAVA l l l l ORADEA CHISINAU IASI TARGU MURES TIMISOARA l BACAU l l GALATI RASINARI l PITESTI TULCEA l CRAIOVA l n BUCAREST CONSTANTA Il y a 100 ans naissait donc Emil Cioran, qui préférait le titre de "penseur privé" à celui de philosophe. Rien de plus absurde que de souligner l'anniversaire de celui qui a écrit De l'inconvénient d'être né... Si ce n'est qu'on en profite pour sortir des inédits aux éditions de L'Herne. l Manque de cinémas: "Periferic" sur internet 46 plus ou moins des épuisés sexuels" l l BRASOV l féroce du philosophe sur mai 68 l CAMPULUNG M. ARAD l l BAIA MARE Le jugement Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE I l aura professé toute sa vie le dégoût de l'ambition, la tentation du suicide, le doute acharné contre soi. Pourtant, il est mort à 84 ans, et son œuvre continue d'attirer les lecteurs. Le poison était-il le remède? Il est l'un des derniers grands moralistes français - pensant en roumain - à la plume incomparable. Un génie des titres aussi: Précis de décomposition, Syllogismes de l'amertume, La tentation d'exister... Il aura sué sang et eau pour créer son style dans cette langue française si étrangère à ses transports enflammés de Roumain déraciné, à jamais nostalgique du paradis barbare et perdu de Rasinari, le village de son enfance en Transylvanie. C'est cette plume acérée que l'on retrouve dans sa correspondance avec Armel Guerne, poète et traducteur de nationalité suisse, dont la correspondance a déjà été publiée, mais sans qu'on puisse lire les réponses de Cioran. Les voici réunies par la maison d'édition L'Herne, ces lettres écrites entre 1961 et 1978, qui révèlent une amitié de haute voltige. Le film roumain "Periferic", primé dans de nombreux festivals européens, a été lancé début avril simultanément au cinéma et en haute définition sur internet, de manière payante, afin de pallier l'absence de salles de cinéma en Roumanie. Cette expérience est partie d'un paradoxe: le public qui veut voir des longs métrages roumains, de plus en plus nombreux, n'a pas accès à ces films La détestation de "La Ville Lumière" quand ils sortent pour la raison toute simple que nombre de Amitié surprenante au premier abord. Guerne est villes de Roumanie ne dispoun bourreau de travail, un homme de la Résistance qui sent pas de salle de cinéma. a échappé aux camps, résolument tourné vers la beauFin 2009, le pays ne compté; Cioran a succombé dans sa jeunesse aux sirènes fastait que 182 écrans contre 5500 cistes, éprouve un mépris pour le travail (il vit "d'expéen France. Nombre de cinémas dients") et carbure plutôt au pessimisme. Mais ces d'art et d'essai ont été fermés deux-là partagent un même amour pour la littérature, par les mairies et transformés un même humour cinglant envers les leurres de la en salles des fêtes ou comLa “photo historique”, prise à Paris: société, un même besoin insatiable de lucidité. C'est de gauche à droite: Cioran, Ionesco, Eliade. missariats. une vraie amitié, faite de respect et d'admiration, et "Periferic", réalisé par Bogdan dans leurs lettres, se glissent parfois des salutations de leurs fidèles conjointes. George Apetri, raconte 24 heures Alors que Guerne vit à la campagne dans son "cher Moulin" et que Cioran craint dans la vie d'une jeune détenue qui les visiteurs dans sa mansarde à Paris, leur détestation commune de la supposée Ville bénéficie d'un jour de liberté pour lumière et de ses habitants n'a pas de limites. En particulier envers les "littéraires". assister à l'enterrement de sa mère. "J'évite tout autant qu'il m'est possible de rencontrer des écrivains", écrit Cioran en Tintin continue sa marche roumaine Trois nouveaux albums de Tintin en roumain (Objectif Lune, On a marché sur la Lune, Tintin aux Pays de l`or Noir viennent de paraître portant la collection roumaine assurée par André-Pierre Szakvary, Français résident à Bucarest, à 17 albums sur les 24 portant la signature de Hergé. La traduction de Tintin aux Pays de l`or Noir a été faite par notre collaborateur Dodo Nita. 1969, encore honteux d'avoir un jour fréquenté les cocktails. Tout, sauf cette engeance. Les pires souvenirs de ma vie sont les "déjeuners littéraires". C'est que pour Cioran, le langage devient terrifiant: "Le jargon de la philosophie d'aujourd'hui, comme de la psychanalyse, de la linguistique et du reste, a totalement envahi et submergé la critique littéraire, de plus en plus réservée aux spécialistes et pratiquement inaccessible au lecteur normal". "Ils en veulent à une société qui leur aura dispensé trop de loisirs" Et rien ne s'arrange avec les "événements" de Mai 68 sur lesquels ils portent un jugement féroce. "J'incline à penser que tous ces jeunes sont plus ou moins des épuisés sexuels, note Cioran. Blasés sur le plaisir, dont pourtant ils font le principe de leur action, ils en veulent à une société qui leur aura dispensé trop de loisirs". Il écrit ça presque dix ans avant Le nouveau désordre amoureux de Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut... Ces jeunes bouillonnants, avec leurs "gueules de néant" ne lui disent rien qui vaille, et il insiste comiquement sur le fléau: "Pour moi, ces spectres camouflés en jeunes annoncent l'avènement de l'Innommable". Rien de moins. Les deux amis observent avec horreur le monde qui s'en vient, ce qui leur rend l'idée de la mort moins pénible. "L'incroyable est que l'Apocalypse soit dépassée", écrit Cioran, parlant des insecticides. "Il faudrait la mettre à jour". Guerne, pendant ce temps, écrit son recueil de poésie Les jours de l'Apocalypse... Armel Guerne, qu'on découvre en déterrant les lettres de Cioran, et qui résume brillamment leurs postures face à l'existence: "Vous avez choisi la rage, j'ai opté pour l'assaut". Sa Roumanie natale est sa blessure profonde Autre titre qui paraît chez L'Herne, Le Bréviaire des vaincus II, un inédit un peu plus problématique quand on sait que le penseur avait un souci maniaque de ses manuscrits, et qu'il gardait une certaine distance avec ses œuvres écrites en roumain - d'ailleurs, à Guerne qui lui demande sa bibliographie, il omettra ces titres. Cioran considérait le Bréviaire comme un ramassis de "divagations plus ou moins juvéniles". Alors ima- ginez ses retailles! On y découvre sans surprise combien sa Roumanie natale est sa blessure profonde: "Un mal étreint nos entrailles. C'est le mal du déficit d'existence, le mal du vouloir sans volonté, de l'aspiration sans objet, de l'aspiration pure. C'est la mélancolie du devenir. (...) Parmi les peuples malades, nous sommes les plus malades". Oui, il y a toujours un peu de délire chez Cioran, qui se considère souvent comme un mystique frustré, dont la pensée furieuse a pu être bridée par sa langue d'adoption. Bien que Cioran pensait que la menace de la biographie devrait décourager quiconque à écrire, on écrit sur lui: paraissent les essais Éjaculations mystiques de Stéphane Barsacq au Seuil, et Cioran malgré lui de Nicolas Cavaillès chez CNRS Éditions - Cavaillès a dirigé le transfert des œuvres du penseur dans La Pléiade. D'autres inédits viendront sûrement, puisque tout récemment, une brocanteuse ayant acheté un lot "de débarras" provenant de l'appartement de l'écrivain, et contenant 30 cahiers portant la mention "À détruire", vient de gagner son procès pour la propriété de cette trouvaille. Chantal Guy (La Presse) Lettres 1961-1978, E.M. Cioran A. Guerne, L'Herne, 254 pages. Bréviaire des vaincus II. E.M. Cioran. L'Herne, 116 pages. A Rasinari, la maison natale du philosophe ne trouve pas preneur 47 A l'occasion du centenaire de la naissance d'Emil Cioran, l'Institut français de Bucarest a décidé de lui faire honneur dans les rues de la capitale roumaine. Des affiches ont été accrochées un peu partout dans la ville. Sur chacune d'elles, une citation de l'écrivain et un dessin de l'artiste Dan Perjovschi. Pendant un mois, Bucarest a vécu au rythme des pensées de l'écrivain. Pour Lepetitjournal.com, Jonas Mercier s'est rendu dans le village qui l'a vu naître : Rasinari. R asinari. Petit village transylvain de 3000 âmes. Situé à une dizaine de kilomètres de Sibiu, il est établi au pied des Carpates, sur la route de Paltinis, la station de ski du coin. La majorité des rues de ce bourg sont en pavés ou en terre. Trois clochers trônent fièrement, ce sont les trois églises orthodoxes du village où a aussi vu le jour une autre forte personnalité de la littérature roumaine, le poète Octavian Goga, presque 30 ans exactement avant Cioran, le 1er avril 1891. Egalement fils d'un prêtre orthodoxe, cet Aroumain d'origine deviendra un politicien d'extrême droite, antisémite et pro-nazi, occupant même la fonction de Premier ministre de la Roumanie pendant six semaines, début 1938. Il mourra peu de temps après, le 7 mai 1938, d'un accident vasculaire cérébral, à l'âge de 57 ans. Emil Cioran a déménagé très jeune de Rasinari pour Sibiu. A 17 ans, il a étudié la philosophie à Bucarest, puis à Berlin. Après la guerre, il s'est installé en France où il vivra jusqu'à sa mort. A Rasinari, il ne reste qu'un seul Cioran. C'est le cousin Petru. Il tient la "pensiune" du même nom. La maison qui a vu naître Cioran se trouve au croisement de deux rues. Aujourd'hui, elle est complètement vide. Son propriétaire, qui n'a aucun lien de sang avec l'écrivain, est prêt à la vendre, mais personne ne s'est montré intéressé pour l'acheter. Même pas l'Etat. Devant cette maison trône un buste d'Emil Cioran. Il n'y a aucune plaque explicative et un habitant nous explique que c'est un journaliste du coin, passionné de sculpture et admirateur de Cioran, qui a fait bénévolement cette œuvre. Elle est en terre cuite, faute de budget. Du coup, elle s'abîme avec le temps. Le propriétaire de la maison natale de Cioran habite quelques rues en contrebas. Il est boucher. Un villageois raconte que tous les samedis matin, il transforme la cour de cette maison en boucherie. La vie de Rasinari est calme, les habitants accueillants. Peu de choses ont changé depuis que Cioran a appris à marcher, à parler. "Je donnerais tous les paysages du monde pour celui de mon enfance", dira-t-il. Jonas Mercier Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Centenaire Cioran l l l l SUCEAVA SAPÂNTA l IASI ORADEA l TARGU MURES ARAD l SIBIU PITESTI CRAIOVA l l CHISINAU BACAU l TIMISOARA l l BRASOV GALATI BRAILA l l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA l Un mécène à la place de l'Etat roumain 48 "La deuxième mort d'Emil Cioran" l BAIA MARE L'Etat roumain n'a pas voulu racheter ses manuscrits George Brailoiu, 42 ans, est le mécène qui a racheté le lot de manuscrits de documents de Cioran. Il avait dépêché à Paris un "broker" pour traiter l'affaire et suivre les enchères. Le jeune homme d'affaires, qui l'a emporté à la barbe de tous les autres participants en faisant une offre que personne ne pouvait suivre, n'avait appris la vente que deux jours auparavant, en écoutant RFI Roumanie (Radio France International). D'origine roumaine, mais établi aux USA, George Brailoiu, avocat, est propriétaire de KDF Energy, une société spécialisée dans les transactions de certificats d'émissions polluantes de CO2, revendant les surplus de ceux qui n'ont pas atteint leurs quotas à ceux qui les dépassent. Il a ouvert son entreprise en 2008, son chiffre d'affaires passant de 900 000 euros à 100 millions actuellement et est le principal intervenant sur le marché sud-européen, présent en Roumanie, Grèce, Bulgarie, Chypre, mais aussi dans les Pays Baltes. George Brailoiu, qui a déclaré avoir eu honte de constater que l'Etat roumain ne s'était pas porté acquéreur des manuscrits de Cioran, a décidé de les donner à un institut roumain, n'en conservant que des photocopies. A la veille du centenaire de la naissance du philosophe, l'hôtel Drouot mettait aux enchères le 7 avril la "collection Cioran". L'Etat roumain, désargenté, n'y a pas participé. "Un scandale", s'indigne Indira Crasnea pour le quotidien Gândul ("L'Esprit"). L 'honorable état roumain, croulant sous le poids de l'austérité, s'est retourné les poches et a haussé les épaules en signe d'impuissance: il n'a pas d'argent pour ramener à la maison les fragments de la vie d'Emil Cioran. Ils étaient évalués à 100 000 euros environ. Etant donné leur rareté et leur valeur intrinsèque, ce montant n'était pas énorme. Il y a tant de deniers du pactole national qui s'évaporent au gré de pompeuses sinécures et caprices colloquiaux que l'inaptitude à trouver cette somme est, en réalité, de la petitesse à l'état pur. Le ministère de la Culture a fait semblant de rien savoir. Il semblerait qu'il savait. De toute manière, sa réponse a été purement bureaucratique: il n'a pas été informé de la vente, donc il n'a pas fait les démarches. Pour l'Institut culturel roumain, ça a été encore plus simple, il s'en est lavé gracieusement les mains: il n'a pas les prérogatives, mais pour apaiser les consciences il encensera l'illustre mort toute une année, par un cycle de séminaires. "On nous montre un trésor et on se rend compte qu'on n'a aucune chance de la toucher", affirmait Lucian Chisu, le directeur du Musée National de la Littérature Roumaine (MNIR). Personne n'aurait pu mieux comprendre la rage amère contenue dans ces paroles que "le philosophe du désespoir". Le musée a eu vent de la vente, a voulu y participer, mais il n'a pas pu, car il dépend de la mairie de la capitale. Et les responsables de la trésorerie ont tourné le dos aux messagers envoyés par le musée. Car des feuilles de papier jaunies signés Cioran n'ont pas assez de charme... Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Centenaire Cioran La brocanteuse n'était pas une voleuse En confirmant, dans son arrêt rendu vendredi 11 mars, qu'elle est la propriétaire des manuscrits litigieux de Cioran (1911-1995), trouvés en février 1998 dans la cave de l'écrivain, la cour d'appel de Paris a lavé l'honneur de Simone Baulez, qui se trouvait au cœur d'un incroyable imbroglio juridique. T out remonte à plus de dix ans, quand Henry Boué, frère et légataire universel de Simone Boué, compagne de l'illustre écrivain roumain, morte en septembre 1997, avait demandé à Simone Baulez, brocanteuse, de vider "complètement des meubles et objets s'y trouvant l'appartement qu'occupait Simone Boué, 21, rue de l'Odéon, Paris 6e, 5e étage". Dans ce modeste deux-pièces, beaucoup de beau monde avait défilé avant la brocanteuse: des notaires, des commissaires- priseurs, des représentants du Centre national du livre (CNL), et surtout Yves Peyré, directeur à l'époque de la bibliothèque Jacques-Doucet, à Paris. Car, avant de mourir, Simone Boué avait fait don des papiers de son compagnon à la chancellerie des universités de Paris, qui avait prévu de les confier à cette bibliothèque littéraire, réputée pour la richesse de ses fonds d'archives. Que s'est-il passé à partir de là? Mystère. L'appartement a-t-il été si bien fouillé que cela, et les manuscrits de Cioran tous transférés? Il faut croire que non, puisqu'"un lot de débarras ne méritant pas description" se trouvait dans la cave, selon l'inventaire. Et ce lot contenait un petit Simone Baulez trésor: une trentaine de cahiers a retrouvé son honneur. à spirale de la marque Joseph Gibert, de couverture jaune, avec certains portant l'indication "A détruire". Il s'agissait du journal inédit tenu de 1972 à 1980 par Cioran et de plusieurs versions manuscrites de De l'inconvénient d'être né, son texte le plus célèbre, publié en 1973. "Pire que l'oubli, il y a l'indifférence" Pire que l'oubli, il y a l'indifférence. Pires que la pauvreté, il y a l'ignorance, l'ingratitude et l'impuissance institutionnelle. Sa première patrie a été mesquine avec le philosophe solitaire du Quartier Latin. Emil Cioran a une modeste maison commémorative à Rasinari, où il a passé son enfance. Les manuscrits mis aux enchères dans un hôtel parisien auraient eu leur place là-bas, complétant de manière heureuse l'esprit des lieux. Mais qui paye encore aujourd'hui pour ce qui est bien et naturel? Nous ne sommes pas un pays béni par une grande densité de génies au mètre carré. Dans la tête des décideurs, les Roumains remarquables doivent être pris en charge par les Roumains expatriés, par leurs patries adoptives, et non pas par le pays qu'ils portent dans leur âme. A l'occasion du centenaire de Cioran, nous avons raté une excellente occasion de montrer au monde une certaine noblesse de la Roumanie (noblesse qui fatalement oblige parfois à la dépense). Le camouflet ultime serait que celui qui a acheté les manuscrits (un Roumain vivant aux Etats-Unis, pour 406 000 euros) en fasse don à l'Etat roumain. Si seulement l'honorable état roumain pouvait tirer quelque leçon de cette situation, si hypothétique soit-elle. Mais je doute qu'un camouflet soit suffisant. Peut-être un bon uppercut… Indira Crasnea (Gândul) "Elle a sauvé les manuscrits et respecté leur valeur littéraire" Apprenant en décembre 2005 une vente aux enchères, à Emile Cioran avec sa compagne Simone Boué. l'Hôtel- Drouot, de manuscrits de Cioran, la chancellerie des universités de Paris avait réussi à la bloquer et à réclamer dans la foulée la restitution de ces cahiers censés lui revenir en raison du legs fait par la "veuve" de l'écrivain. Dans un premier jugement rendu le 3 décembre 2008, le tribunal de grande instance de Paris avait débouté l'université de Paris de tout droit sur les manuscrits litigieux. Ce jugement est aujourd'hui confirmé de manière très nette, et il est exécutoire. Mieux, dans ses attendus, la cour d'appel donne acte à Simone Baulez de son engagement à ne vendre l'ensemble qu'en un seul lot. "La justice reconnaît qu'elle a non seulement sauvé les manuscrits de Cioran, mais qu'elle en respecte la valeur littéraire", estime Claire Hocquet, son avocate. Aujourd'hui, la brocanteuse savoure son triomphe. Depuis cinq ans, les fameux manuscrits sont déposés dans le coffre-fort des commissaires-priseurs. "Je vais attendre les propositions", a-t-elle déclaré. Depuis la vente aux enchères bloquée, la valeur de l'ensemble est passée d'une estimation de 150 000 euros à plus de un million d'euros. Et, le 8 avril, on a fêté le centième anniversaire de la naissance de Cioran. Occasion de reparler abondamment de l'œuvre de cet écrivain désenchanté qui aurait, à coup sûr, apprécié toute l'ironie de cette histoire. Alain Beuve-Méry (Le Monde) De Rasinari à Paris 49 Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Un portrait sans concession de la femme du dictateur Elena Ceausescu: luxe, calme et Securitate Livres SUCEAVA l l l BAIA MARE l IASI ORADEA TARGU MURES l l ARAD l l BRASOV TIMISOARA CRAIOVA l M. CIUC SIGHISOARA l GALATI BRAILA l l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA l Crise de nerfs pour le yacht du roi Hussein de Jordanie 50 Connaissance et découverte l l TÂRGOVISTE PITESTI Les NOUVELLES de ROUMANIE Extrait du livre de Diane Ducret : Juin 1975, golfe d'Aqaba, sur la mer Rouge. Le couple Ceausescu est l'hôte du roi Hussein de Jordanie, qui les loge dans sa résidence de vacances. C'est la première fois qu'Elena monte sur un yacht. Ce luxe flottant lui sied parfaitement. Lors d'une promenade sur la plage, après le dîner, elle commence à sangloter: - Je veux ce yacht (…) Je ne partirai pas sans lui. Nicolae trouve l'idée séduisante. Pourquoi ne pas posséder son propre yacht sur la mer Noire? Quel grand pays communiste serait la Roumanie si elle ne pouvait offrir à son leader une babiole de ce genre. Il confie immédiatement une mission de la plus haute importance à son interprète: convaincre le roi Hussein de leur céder son bateau. Le lendemain, le couple reçoit un coup de fil d'un roi visiblement embarrassé par l'insistance d'Elena: - Vous devez comprendre que ce yacht est un cadeau que j'ai personnellement fait à ma fille Alya (princesse de Jordanie). Un silence s'installe. La rupture diplomatique est proche. Une conciliation est trouvée: - Mais je vais immédiatement ordonner qu'on en fasse venir un des États-Unis. Je propose de le nommer Amitié. A lire sur le sujet pour les roumanophones, la première étude consacrée à Elena Ceausescu: Cultul Elenei Ceausescu în anii '80 par Cristina Liana Olteanu, à paraître en Roumanie, disponible en roumain en ligne sur le site http://www.scitube.com/istorie/cultul-elenei-Ceausescu-inani22113121813.php. Elena Ceausescu: luxe, calme et Securitate: c'est sous ce titre que Diane Ducret consacre un chapitre de son livre, Femmes de dictateur, à l'épouse du Conducator Nicolae Ceausescu. Publié au tout début de 2011, Femmes de dictateur raconte par le menu les rencontres, les stratégies de séduction, les rapports amoureux, l'intervention de la politique et les destinées diverses, souvent tragiques, des femmes qui ont croisé le chemin et passé par le lit des dictateurs. Ainsi sont abordées les vies de Clara, Inessa, Nadia, Magda, Felismina, Jiang Qing, Elena, Catherine épouses ou compagnes de Lénine, Mussolini, Staline, Hitler, Staline, Mao, Ceausescu, Bokassa. C oncernant Elena Ceausescu, Diane Ducret mène l'enquête afin de comprendre comment la petite Lenuta, issue d'un milieu pauvre, est devenue celle qui pouvait dire, quelques décennies plus tard: "Aujourd'hui la Roumanie est plus connue à l'ouest que la tour Eiffel et plus respectée que la reine d'Angleterre. Et tout ça, c'est grâce au camarade et à moi ". Celle qui était aussi devenue l'Héroïne et la Mère de la patrie, la Femme nouvelle. Celle que des poètes de cour comme Vadim Tudor présentaient comme la Plus grande femme jamais vue : De toute notre nation Elle est des cieux l'étoile la plus brillante Habillée à la mode roumaine. Celle qui enfin sera exécutée aux côtés de son mari, tant elle était devenue indissociable du Conducator à la tête de la dictature roumaine. Rencontre avec Ceausescu dans un défilé du 1er mai Elena Petrescu est née officiellement le 7 janvier 1919 (mais plus probablement trois ans plus tôt en 1916 car, nous explique Diane Ducret, il ne s'agissait pas d'être plus âgée que Nicolae né en 1918). Elle voit le jour à Petresti, village pauvre de la grande plaine valaque à l'ouest de Bucarest. Si son enfance est peu connue, sa biographie indique qu'une fois devenue adulte, elle se rend à Bucarest, la capitale, pour y chercher du travail avec un maigre bagage scolaire et intellectuel (Elena Ceausescu n'a pas même terminé le cycle primaire). Là, elle travaille dans l'industrie textile et se rapproche des cercles d'ouvriers syndiqués qui se réunissent clandestinement car le parti communiste, après 1936, a été interdit en Roumanie. La jeune Florina (son nom de clandestinité) se prend-elle alors pour une nouvelle Ana Pauker qui a laissé la place suite à son arrestation et à un emprisonnement de dix années ? Quoi qu'il en soit véritablement de ce passé, c'est dans le défilé du 1er mai 1939 que Nicolae rencontre Elena qui le séduit par son caractère énergique, son esprit de rébellion et son exaltation brutale. S'ensuit pour tous deux, une vie de couple traqué jusqu'à ce que Ceausescu soit arrêté et passe le temps de la guerre en prison puis en camp. Le couple ne se perdra pas de vue et se marie en 1947. Une "chimiste" risée de ses pairs En 1965, Nicolae Ceausescu accède au poste de premier secrétaire du parti communiste roumain. Si son objectif à lui sera de faire exister internationalement la Roumanie, elle, Elena, veut acquérir une crédibilité intellectuelle et devenir une grande scientifique de renommée internationale. Dès 1965, elle devient présidente de l'Institut chimique de Bucarest (ICECHIM). Les titres ronflants s'enchaînent ensuite les uns aux autres, à tel point qu'elle va rapidement mettre la main sur la planification de l'État roumain en matière de recherche scientifique et d'équipement industriel de pointe. En 1975, elle soutient (sans public) sa thèse de doctorat sur les polymères, des molécules intervenant dans la composition des matières plastiques. Son incompétence est telle qu'elle devient la risée de ses pairs. Ainsi, ses discours sont truffés de la formule CO2 qu'elle ne comprend pas et qu'elle prononce codoï (qui signifie grosse queue). Le malheur pour la Roumanie dans cette affaire est qu'Elena trouve toujours des scientifiques pour la soutenir dans sa démarche. Ainsi le professeur devant qui elle soutient sa thèse devient recteur de son université. charge, est-il dit. De là datent les fameux orphelinats roumains qui tombePartie de campagne pour le couple. ront dans Au centre, on reconnait Ion Iliescu, déjà très souriant. la misère que l'on sait. Avec l'apparition du sida dans les années 80, sida qu'elle veut ignorer totalement, Elena devient l'objet d'une nouvelle risée en Roumanie. Elle sera Madame SIDA: Savant, Ingénieur, Docteur, Académicien. Madame SIDA: Savante... Ingénieur...Docteur...Académicienne S'habiller français et rouler allemand Au total, c'est un portrait sans concession qui est fait Le deuxième axe du développement personnel d'Elena d'Elena Ceausescu par Diane Ducret. Hors du champs directeCeausescu aux côtés de son mari découle du voyage que le ment politique, Elena s'est révélée être une femme cupide couple fait en Chine en 1971. Là, elle rencontre Jiang Qing, assoiffée des cadeaux les plus prestigieux: yacht, visons, l'épouse de Mao, qui lui apprend comment mettre en avant son limousine... Elle s'était dit qu'elle s'habillerait français et qu'elimage et comment mettre la main sur la propagande. Dès lors, le roulerait allemand. les Roumains découvrent cette femme qui n'apparaît plus dans Elle fut aussi une femme jalouse qui ne pouvait accepter l'ombre de son mari mais à ses côtés lors des grandes manifesde ne pas être la plus belle, elle que la nature n'avait pas spétations du régime. Sa carrière politique prend son envol dès ce cialement soignée. Ainsi, Diane Ducret cite cette anecdote moment-là. selon laquelle le président turc En 1973, elle entre au gouse serait trompé en prenant la vernement. En 1975, elle devient très belle épouse d'un ministre Présidente du Conseil national roumain (en l'occurrence de la Culture socialiste et de l'ÉCorneliu Manescu) pour Elena ducation. Et en 1980, elle Ceausescu présente non loin de devient vice-premier ministre et là lors d'une réception. De numéro 2 du régime. Vise-t-elle retour en Roumanie, Manescu pour autant le poste le plus haut fut limogé... à l'instar d'une Isabel Peron Cupide, jalouse, Elena devenue Présidente de son pays Ceausescu fut aussi une femme à la mort de son mari? Elena paranoïaque qui employait le Ceausescu ne se prépare assuréchef de la Securitate (Ion ment pas à prendre le pouvoir Pacepa) à surveiller jusqu'à sa Rencontre entre “collègues” à Phnom-Penh avec Pol Pot. pour elle-même car sa fidélité à propre fille Zoé afin qu'elle Nicolae ne peut être mise en doute. Sil est une succession qui n'ait pas de mauvaises fréquentations. Son docteur prescrivit se prépare, c'est plutôt celle du fils chéri Nicu. Les années 80 un jour la nécessité d'examens psychiatriques pour sa patiente. verront donc la Roumanie être dirigée par les époux Il fut retrouvé suicidé le lendemain chez lui. Ceausescu. La fin de la vie d' Elena Ceausescu sera tout aussi traDès 1979, l'anniversaire d'Elena devient l'objet d'un culte gique. Exécutée par ceux qu'elle prenait pour ses propres officiel. C'est qu'Elena n'a pas non plus négligé de donner une enfants dans sa propre maison en présence de son mari luiimage de Femme et Mère modèles au peuple roumain. Elle même exécuté: "Nicule, on nous assassine? Dans notre sera donc la Femme nouvelle que le régime veut promouvoir. Roumanie? "Puis s'adressant au peloton d'exécution: " N'ai-je Pour cela, il faut modifier le comportement sexuel des femmes pas été une mère pour vous? Si vous voulez nous tuer, tuer roumaines. Désormais, celles-ci doivent enfanter au moins nous ensemble! Nous serons toujours ensemble...". quatre à cinq fois. Il ne peut donc être question de contracepBernard Camboulives tion et d'avortement. Femmes de dictateur, Diane Ducret, Editions Perrin, Donnez des enfants à la Roumanie, l'État les prendra en 2011, 21 euros. 51 Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Cinéma Le réalisateur Andrei Ujica: SUCEAVA l l l BAIA MARE l IASI ORADEA TARGU MURES l l ARAD l l BRASOV TIMISOARA PITESTI CRAIOVA l l M. CIUC SIGHISOARA l TÂRGOVISTE l GALATI BRAILA l l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA Plus de vingt ans après la chute des Ceausescu, Andrei Ujica explore les archives du régime dans un docu-fresque et fleuve de trois heures sur sa dictature, L'Autobiographie de Nicolae Ceausescu, qui vient de sortir sur les écrans français et dont nous nous étions fait largement l'écho en novembre dernier, lors de sa présentation au festival du film documentaire de Lussas. l "Les plus de 30 ans ne veulent plus entendre parler de cette époque" 52 L'Autobiographie Andrei Ujica est né en 1951 à Timisoara, d'une mère d'origine allemande et d'un père roumain. Après des études littéraires qui l'amènent à fréquenter un cercle d'écrivains "gentiment protestataires", il décide à la fin des années 70 de partir pour l'Allemagne fédérale, vers un exil qu'il croit définitif. Après la "Révolution" de 1989, il rentre en Roumanie, mais garde des attaches en Allemagne, notamment à Berlin. En 1990, le cinéaste débute une carrière de documentariste avec Vidéogrammes d'une révolution coréalisé avec Harun Farocki, réalisateur allemand d'origine tchèque, auteur de plus de 90 films, la plupart documentaires, dont une belle réflexion sur les caméras de surveillances. Vidéogrammes d'une révolution instruit les rapports entre le pouvoir politique et les médias à la fin de la guerre froide. En 1995, Ujica signe Out of the Present, qui en images d'archives et sans commentaire, narre l'aventure du cosmonaute Sergueï Krikaliov, satellisé dans la station Mir, tandis que sur terre l'Union Soviétique s'effondre. Conclusion de cette trilogie consacrée à la fin du communisme, l'Autobiographie de Nicolae Ceausescu est déjà sorti en Roumanie, où le film a remporté un important succès. "Mais auprès des jeunes, précise Ujica. Les plus de 30 ans ne veulent plus entendre parler de cette époque". L e film de la vie politique de Ceausescu commence par sa fin avec le procès expéditif (moins d'une heure) du dictateur et de son épouse, Elena Petrescu, jugés dans une école de Targoviste (50 km de Bucarest) par un tribunal militaire autoproclamé. Une masacarde où il se contentera de dire: "je n'ai rien à déclarer à des fantoches". A revoir quelques minutes de ce document, ce qui frappe, c'est l'incertitude du cadre et du plan, les coups de zoom intempestifs. On se demande qui filmait ? Andrei Ujica pense qu'il s'agit "d'un troufion amateur, réquisitionné en hâte". Pourquoi filmaiton? "Malgré le caractère arbitraire du procès, il fallait garder une preuve plus ou moins légale que les Ceausescu avaient été jugés en bonne et due forme et surtout qu'ils étaient morts. La célérité et le bricolage du filmage ne sont que le reflet de la précipitation du procès. D'acteurs principaux de la dictature, les Ceausescu étaient devenus ses témoins majeurs, plus que gênants. Il fallait s'en débarrasser au plus vite. On peut supposer qu'il y eut une sainte alliance tactique entre les Russes, les Occidentaux et les nouvelles autorités roumaines qui se mettaient en place à Bucarest, largement issues de l'ancien régime. Si un procès international avait eu lieu, vous imaginez le déballage! On voit sur cette Andrei Ujica a visionné vidéo du procès que ni Nicolae ni plus de mille heures de documents. Elena n'avaient perdu de leur énergie. Leur façon de se taire est éloquente, gorgée d'une colère sous pression prête à exploser. Sur le fond, une démocratie qui débute par un tel crime commence très mal". Ce qui trouble aussi dans ce filmage du procès, c'est son point de vue subjectif comme matérialisé: d'où vient le bougé de l'image? De ce mélange de stupeur et de tremblement du "cinéaste" de l'instant qui ne devait pas en croire son objectif : à bout pourtant, il vise à la fois l'incarnation de la dictature et sa mort annoncée. Ni caméra de surveillance ni caméra cachée, plutôt un point de vue alternatif, une perspective seconde. Ce regard de biais est le principe de ce film qui fictionne le documentaire jusqu'à la belle audace de s'intituler "autobiographie". Ceausescu par lui-même, c'est-à-dire tel qu'en lui-même dans le miroir des images qu'il avait autorisées. Un méchant dictateur face à un gentil peuple aliéné ? Plus généralement, ce film pose la question du "bonheur" communiste et celui afférant de la servitude volontaire. On peut présumer que les foules que l'on voit ovationner leur Conducator n'avaient pas systématiquement une kalachnikov dans le dos. Et la cohorte des prolétaires endeuillés qui en mars 1965 défilent devant la dépouille de Gheorghe Gheorghiu-Dej, protecteur et prédécesseur de Ceausescu à la tête du Parti des travailleurs roumains, ont l'air sincèrement tristes. Autant dire qu'il ne faut pas compter sur Ujica pour aggraver le conte de fées d'un méchant dictateur face à un gentil peuple aliéné: "J'affirme que je fus heureux adolescent dans la Roumanie des années 60, certes par évitement du réel mais aussi parce qu'il Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE de Nicolae Ceausescu sur les écrans "Derrière tout dictateur, il y a un Charlot" y faisait très bon vivre quand on avait 16 ans. J'habitais alors à Timisoara dans l'ouest du pays, une région culturellement et linguistiquement mixte puisqu'on y parle le roumain et l'allemand. Le régime d'alors ne favorisait pas ce mélange mais ne le réprimait pas non plus. Les folies majeures de Ceausescu, son natalisme forcené, sa mégalomanie architecturale, n'avaient pas encore commencé. Il était comme l'objet abstrait d'une haine opaque. C'est à la fin des années 70 que la situation économique se dégrada pour les Roumains. C'est à cette époque que j'ai quitté la Roumanie pour vivre en Allemagne. Je gravitais alors dans des milieux littéraires, par essence suspects. On me donna un visa touristique en priant pour que je ne revienne pas au pays jouer les Les Ceausescu ont toujours veillé à ce que leur “sanie”, traineau tiré par deux chevaux... ne se transforme pas en “troïka” à la russe. emmerdeurs. Quand je suis rentré en Roumanie après 1989, j'ai trouvé un pays en ruines, économiquement, politiquement et moralement". Trois heures avec Ceausescu en apprennent beaucoup sur la nature humaine, trop humaine, d'un dictateur. Alfred Jarry aurait adoré le Père et la Mère Ubu en roi et reine de Roumanie. Andrei Ujica en arrive finalement à illustrer à sa façon la belle leçon de cinéma de Chaplin: derrière tout dictateur, il y a un Charlot. Gérard Lefort (Libération) L'Autobiographie de Nicolae Ceausescu. Documentaire de Andrei Ujica. 3 h 00. Musique Le jeune ténor Teodor Ilincai étonne la scène musicale internationale A seulement 27 ans, le ténor roumain Teodor Ilincai suscite admiration et étonnement, pour la beauté de sa voix, la pureté de son style tant dans l'opéra italien que dans le répertoire français et grâce à une présence scénique irradiante. évélé par la reprise de La Bohème à Londres et depuis familier du Capitole de Toulouse, de l'Opéra de Hambourg et du Staatsoper de Vienne, le jeune chanteur interprète aussi le rôle principal de Roméo et Juliette à Lausanne. Teodor Ilincai est né en Moldavie roumaine pas très loin de Suceava et des monastères de Bucovine avec la musique dans les oreilles. Son père et tous ses frères chantaient. Mais il a vraiment découvert la musique classique au conservatoire où il étudiait la musique byzantine et la pédagogie. Comme il avait besoin d'argent, il a intégré le chœur de l'Opéra de Bucarest pour un contrat de un an et a R réalisé rapidement qu'il pouvais progresser et être soliste, choisissant alors un grand professeur de chant, un ténor célèbre, le meilleur de Bucarest. En 2009, le jeune chanteur a remplacé Piotr Beczala, souffrant, dans la fameuse Bohème de Covent Garden mise en scène par John Copley et dirigée par Andris Nelsons, débutant sa carrière internationale après avoir déjà chanté sur les scènes de Hambourg, Séville et en Italie. Splendides voix roumaines Teodor Ilincai accorde une grande attention au style, très raffiné du répertoire italien et français. Il confie que la musique française l'a aidé à progresser dans cette voie. "Le phrasé est très différent de la musique italienne. J'ai interprété le rôle de Faust au festival de Macerata. Quant à la prononciation, mon professeur roumain m'a toujours dit qu'elle devait être parfaite pour que le public puisse tout comprendre. Lorsque j'ai chanté Lenski à Monte-Carlo, j'étais le seul à ne pas par- ler russe mais il fallait que ma prononciation soit idéale". Ménageant sa voix, le jeune interprète choisit pour l'instant ses rôles avec prudence mais entend diversifier son répertoire dans quatre ou cinq ans. "Ma voix n'est pas si lyrique que cela et je dois me battre en permanence. Notamment pour chanter Roméo, le rôle le plus difficile que j'ai abordé pour l'instant et qui va me suivre pendant longtemps je pense" constate-t-il avec lucidité, se projetant cependant dans l'avenir "Bientôt je pourrai chanter le Duc dans Rigoletto mais on ne me l'a pas encore proposé. J'adorerai interpréter Luisa Miller, Hernani, Don Carlo et après 40 ans Aida. J'ai beaucoup de plaisir à chanter Lenski dans Eugène Oneguine et j'espère pouvoir un jour être Hermann dans La Dame de pique". Avec Teodor Ilincai Le chant roumain compte un illustre représentant en plus, aux côtés de Virginia Zeani ou Ileana Cotrubas, Angela Gheorghiu et Nelly Miriciou qui en sont les porte-drapeaux, sans oublier l'émouvante Roxana Briban qui s'est suicidée récemment. 53 Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Tourisme Mises en garde SUCEAVA l l BAIA MARE l TARGU MURES ARAD l IASI ORADEA l l l l VISCRI l l TIMISOARA BRASOV TÂRGOVISTE PITESTI CRAIOVA l l GALATI BRAILA l l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA l Mihaileanu en course pour la Palme d'or à Cannes 54 des ministères des Affaires étrangères occidentaux à leurs touristes en Roumanie et clichés : “Bienvenue aux pays des pestiférés !” CHISINAU BACAU l Les "bons conseils" des sites internet Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE La Roumanie sera encore en lice cette année au prochain festival de Cannes par l'intermédiaire d'un de ses réalisateurs… devenus français depuis. Radu Mihaileanu (Le concert, Vas, Vis, Deviens, Le train de vie) fait partie en effet de la sélection des 19 longs métrages retenus pour concourir avec le film qu'il vient de terminer de tourner, La Source des femmes. Le cinéaste y raconte le combat de femmes marocaines dans un village pour ne plus subir la corvée d'eau. Leur arme: la grève de l'amour. Un regard à la fois tendre et admiratif sur la force de ces femmes. Trois autres réalisateurs français ont été sélectionnés: Bertrand Bonello, L'Apollonide - Souvenirs de la maison close, Alain Cavalier, Pater, Maïwenn Le Besco, Polisse, ainsi que les frères belges Jean-Pierre et Luc Dardenne pour Le Gamin au vélo. Un autre Roumain a été sélectionné dans la section "Un certain regard", Catalin Mitulescu pour Loverboy. Il s'agit du 2ème film de ce jeune metteur en scène, après Comment j'ai fêté la fin du monde (2006), marqué par l'influence de Pier Paolo Pasolini. Son long métrage raconte la vie d'un jeune délinquant qui séduit des adolescentes avant de les forcer à vendre leur corps pour un réseau de prostitution basé à Constanta. Sa rencontre avec une fille dont il tombe amoureux trouble ses plans. En tout, la Sélection officielle proposera 49 films représentant 33 pays différents pour ces différents prix. Et ce sur plus de 1 700 longs métrages présentés aux organisateurs du Festival cette année. De Paris à Berne, les ministères des Affaires étrangères de tous les pays européens, ainsi que des Etats-Unis et du Canada, ont à cœur d'informer leurs concitoyens des dangers qui les guettent au pays de Dracula. Pickpockets, fraudeurs, chiens errants, nids de poule, voilà l'image de la Roumanie que véhiculent leurs sites de conseils aux voyageurs désireux de s'y rendre. Tour d'horizon de ces idées reçues - mais parfois vraies -, par le quotidien Adevarul. En notant qu'elles sont aussi un miroir des peurs, préoccupations, comportements nationaux. L'Autriche, à cheval sur tout ce qui touche à la propreté et à la santé, se montre, quant à elle, particulièrement préoccupée par le système de soins en Roumanie. "En raison des conditions d'hygiène, des équipements obsolètes et de la pénurie de médicaments, le niveau des soins médicaux ne correspond pas aux normes de l'Europe occidentale", indiquent les autorités. fréquence des grèves et des manifestations en Roumanie, en particulier à Bucarest". Il n'y a rien à faire: même en mettant un océan entre eux et leur pays, les touristes américains seront toujours poursuivis par Wall Street! L'institution conseille d'ailleurs d'éviter les manifs, tout comme, d'ailleurs, la Gay Pride de Bucarest, qui suscite de violentes protestations. Washington: "les crimes racistes sont rares" U ne charrette dotée d'une plaque d'immatriculation roulant sur l'asphalte de Bucarest est devenue l'un des symboles de la Roumanie urbaine. Et, vu de l'étranger, le pays déborde de pickpockets à peine moins dangereux que les chiens errants ou que les horribles crevasses des chaussées locales. Les Belges se voient également conseiller de n'avoir sur eux que des photocopies de leurs papiers d'identité et de faire attention lorsqu'ils sont arrêtés par la police : "Les voyageurs sont parfois interpellés par de faux policiers", argumente le texte officiel. Les voies cyclables, l'éclairage public et les panneaux de signalisation pour cyclistes y sont quasi inexistants, poursuit Bruxelles, qui met aussi en garde contre le fait que "le pays connaît environ tous les trente ans un grand séisme", citant le tremblement de terre dévastateur de 1977 (11 000 victimes, dont 2 000 morts). Londres: "les terroristes peuvent frapper sans discrimination" A Londres, le Foreign Office prévient les sujets de Sa Majesté que la Roumanie présente un risque terroriste latent: "Les attaques peuvent frapper sans discrimination"… peut-être comme dans le métro de Londres en 2005? A l'image de la plupart des pays de l'UE, le Royaume-Uni souligne le risque de croiser des voleurs aux alentours des bureaux de change, des hôtels et dans les transports en commun, spécialement dans les environs de l'aéroport. La méthode souvent utilisée, apprendon, consiste à distraire l'attention de la victime pendant que des complices essaient de voler montres et bijoux. Ce procédé serait l'apanage de bandes d'enfants. Crimes pour les Bulgares, corruption pour les Roumains... Berlin, de son côté, via l’UE ferme sa porte: “Entrée interdite aux chiens”. le site de son ministère des Affaires étrangères, fait remarquer que la Roumanie ne compte que 320 kilomètres d'autoroutes et qu'elle se range parmi les pays de l'UE où il y a le plus grand nombre d'accidents mortels de la circulation : "Attention aux nids de poules et à la conduite dangereuse des bus et des camions", précise le texte. Il est vrai que "la bagnole", c'est sacré pour un Allemand ! Un autre danger guette les téméraires qui souhaiteraient camper: "Ne conservez pas vos aliments à l'intérieur de la tente, car des attaques d'animaux sauvages se sont déjà produites, en particulier d'ours en quête de nourriture". En France, un avertissement similaire est lancé sur le site du Quai d'Orsay. En cas de (mauvaise) rencontre avec un ours, est-il précisé, il faut éviter de crier et de faire des mouvements brusques. Il ne faut pas non plus nourrir la bête. Connaissant les propensions naturelles de ses nationaux, le site rappelle à deux reprises que le taux d'alcoolémie toléré au volant est de 0 gramme. Les Italiens doivent se méfier des belles inconnues A Rome, le ministère des Affaires étrangères ne fait pas preuve de plus de bienveillance. Une grande prudence est recommandée dans certains quartiers de Bucarest. La vie nocturne en Roumanie est considérée comme un danger potentiel. Rome va jusqu'à recommander aux touristes italiens de ne pas accepter les invitations faites par des belles inconnues dans les clubs et les discothèques, endroits, où il est vrai, ils constituent la majorité de la clientèle étrangère "partie en chasse". Vu de l'autre côté de l'Atlantique, la vision est aussi sombre. Les conseils aux voyageurs américains à destination de la Roumanie délivrés par le département d'Etat (équivalent du ministère des Affaires étrangères) expliquent que "la crise financière et les mesures d'austérité adoptées ont augmenté la Un bon point toutefois, accorde Washington: bien qu'il existe (aussi) des préjugés raciaux en Roumanie, "en particulier envers les Tsiganes, les crimes racistes sont rares". Donc pas d'émeutes du styles Los Angeles, Detroit ou Chicago à craindre! Non, vraiment, la Roumanie est d'abord le paradis de la fraude à la carte de crédit et sur Internet, estime le gouvernement américain. Par conséquent, il est vivement conseillé de ne pas prêter d'argent à des gens qui prétendent avoir un enfant malade ou avoir perdu leur emploi. Avant de se scandaliser sur ces remarques, souvent vraies, qui dessinent l'image de la Roumanie à l'étranger, il faudrait reconnaître combien cette image se détériore constamment rappelle Adevarul. Et à quel point le gouvernement roumain manque de la volonté de changer quoi que ce soit à cet égard. Magda Crisan (Adevarul) Touristes : l'UE rabat-joie M i-février, la ministre du tourisme, Elena Udrea, annonçait triomphalement que la Roumanie avait accueilli 7 498 300 touristes en 2010, chiffre certes en baisse de 1% sur l'année précédente à cause de la crise, comme dans les autres pays, mais très encourageant. Les données d'Eurostat, organisme statistique de la Commission européenne, publiées trois semaines plus tard appellent la ministre à un peu plus de modestie. Le pays a reçu 2 700 000 visiteurs l'an dernier ayant passé au moins une nuit dans le pays, soit 5 millions de moins, ce qui le classe au 23ème rang des 25 pays de l'UE référencés (le Luxembourg et l'Irlande n'ont pas fait parvenir leurs chiffres), juste devant la Lettonie et la Lituanie. Médias Lancement de yahoo.ro Yahoo, la compagnie Internet américaine a lancé la version roumaine de son portail. Les internautes roumains ont désormais la possibilité de se procurer des comptes e-mail avec la terminaison yahoo.ro. Le contenu du site est toutefois "allégé" par rapport aux versions des pays comme la France. La création du portail Internet roumain de Yahoo ! avait été annoncée pour la première fois en 2008, mais la crise financière avait repoussé son lancement. On compte actuellement près de 8 millions de comptes e-mail Yahoo ! en Roumanie et A savoir quelque 6 millions d'utilisateurs de la messagerie Yahoo Messenger. Les origines roumaines de l'actrice Michèle Laroque La comédienne française de théâtre, de télévision et de cinéma, également scénariste, productrice, chanteuse et humoriste, Michèle Laroque, est née le 15 juin 1960 à Nice, d'une mère d'origine roumaine, Doïna Tranbadur, danseuse et violoniste, et d'un père français, le docteur Claude Laroque, considéré comme le fondateur de la sécurité sociale en France, ancien compagnon du général de Gaulle. Divorcée du metteur en scène et adaptateur Dominique Deschamps, Michèle Laroque a une fille prénommée Oriane, née en1995. Depuis 2009, elle vit en couple avec le ministre du budget et porteparole du gouvernement François Baroin. Proche de Claude Chirac, fille de l'ancien chef de l'Etat, la comédienne connaît tout - ou presque - des usages en vigueur sous les ors des palais républicains. 55 Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Francophonie SUCEAVA l l l BAIA MARE l IASI ORADEA TARGU MURES BARLAD l ARAD l BRASOV l l l TIMISOARA TÂRGOVISTE PITESTI CRAIOVA l l GALATI BRAILA l l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA l A Agen, la "ruche européenne" en action 56 La Moldavie fer de lance de la francophonie à l'Est… mais aussi dans le monde Fin mars, l'Europe était en marche au lycée Bernard Palissy d'Agen où les délégations roumaines, italiennes, espagnoles, grecques et les professeurs et lycéens agenais, 80 personnes travaillaient d'arrache-pied derrière les ordinateurs; une ruche de jeunes chercheurs impliqués dans la rédaction du premier livre écrit par des élèves de cinq nationalités sur l'histoire de l'Europe. L'ouvrage de 140 pages a pour titre provisoire "Notre histoire commune". Des origines chrétiennes jusqu'à la guerre froide, en passant aussi par le siècle des Lumières, la colonisation et la décolonisation "c'est une idée de l'Europe plurielle et de ses diversités, une mémoire partagée, une connaissance approfondie des uns et des autres que nous cultivons", a résumé Aldo Duri, à la tête de plusieurs établissements à Cervignano del Frioli en Italie. Pendant deux jours, le lycée Bernard Palissy a été la plaque tournante du projet Comenius. Démarré en 2010, il court jusqu'en 2012. "Ce n'est seulement un travail scolaire, c'est un parcours d'humanité dans lequel les familles sont tout autant impliquées", a commenté le pédagogue italien. (Lire la suite page 58) P résentée par le responsable de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) dans la région, David Bongard, comme l'un des deux pays "fers de lance de la francophonie en Europe de l'Est" avec la Roumanie, la Moldavie n'a pas dérogé cette année encore à sa réputation. Plus de 320 évènements et manifestations ont été organisés durant tout le mois de mars dans le cadre des Journées de la Francophonie. Le français est toujours la première langue étrangère enseignée dans les écoles, collèges et lycées de Moldavie. La communauté des professeurs de français y est forte de plus de 2000 professeurs. Plus de 20% de la population pratique le français. L'Alliance française de Moldavie accueille plus de 5 500 inscrits à ses cours rien qu'à Chisinau. Elle est aussi présente en province avec deux annexes et cinq centres de ressources et d'information sur la France contemporaine. L'antenne de l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF) de la capitale soutient six filières universitaires francophones et un réseau de 141 classes bilingues dans 9 lycées et 7 villes... En 2010, la Moldavie avait été le pays au monde qui avait recensé le plus de manifestations sur le site dédié de l'OIF. Un site Internet francophone pédagogique L e site Internet VizaFLE a été lancé, mi-mars, dans le cadre du mois de la Francophonie. Cet outil, entièrement dédié aux professeurs de français de Roumanie, va permettre aux enseignants d'accéder à de vastes ressources pédagogiques correspondant aux différents niveaux du CECRL (Cadre européen commun de référence pour les langues), et comprenant éléments multimédia (vidéos, enregistrements audio, images), fiches pédagogiques et méthodologiques. VizaFLE va également faciliter le renforcement des liens et des échanges au sein de la communauté des professeurs ainsi que la communication entre les partenaires locaux, éditeurs français et enseignants notamment. Le financement de ce projet a été intégralement assuré par le ministère français des Affaires étrangères et européennes (MAEE). Le lancement de VizaFLE a eu lieu à la Bibliothèque universitaire de Bucarest, en présence du ministre de l'Education roumain, Daniel Funeriu, et de l'ambassadeur de France à Bucarest, Henri Paul. Son adresse Internet est www.vizafle.com. Le câble sommé de réintroduire TV5 Monde dans ses programmes L e principal opérateur de câble de Roumanie, RCS&RDS, a enlevé de ses programmes la chaîne francophone le 11 février dernier. Après quelques jours de silence radio, les principales ambassades francophones de Bucarest ont informé le ministère roumain des Affaires étrangères de cet incident. Considérée comme une chaîne "must carry" (qui doit être protégée) depuis 2007, la loi oblige tous les opérateurs de câble du pays à diffuser TV5 Monde. Le Conseil national de l'audiovisuel (CNA) roumain a convoqué la compagnie, qui a justifié cette interruption par des travaux de modernisation de ses fréquences. Le CNA lui a cependant infligé une amende de 10 000 lei (2300 €) et lui a ordonné de réintroduire le signal dans les sept jours. Voici quelques années, TV5 Monde avait connu la même mésaventure… remplacée sans crier gare par une chaine porno! La Roumanie est le premier bassin d'audience d'Europe pour le canal francophone. Il est à noter que Arte a disparu depuis belle lurette des petits écrans roumains, tout comme les chaînes allemandes et anglaises de qualité. Les NOUVELLES de ROUMANIE Echanges Connaissance et découverte 300 Roumains de l'Isère ont inventé une nouvelle convivialité Grenoble 123 : un groupe pas comme les autres Grenoble Isère Roumanie fête ses 20 ans. Au cours de ses deux décennies, GIR, qui regroupe 5 associations et 90 membres individuels s'est notamment efforcé de donner une image vraie de la Roumanie et d'aider au mieux à son intégration dans la Communauté Européenne. GIR s'est fixé aussi comme objectif de répondre aux besoins des Roumains vivant en Isère: accueil ponctuel des étudiants et des professionnels Roumains, participation à la Fête Nationale Roumaine etc… L a capitale du Dauphiné compte différentes associacutions ne risque t-il pas d'enfermer les Roumains dans "une tions roumano-roumaines comme: la Paroisse vie sociale" exclusivement roumaine? Pour éviter ce piège les "Tous Saints", la Maison de la Roumanie et son Grenoblois 123 de fraîche date sont en permanence encouragroupe de danses traditionnelles roumaines (Les Latins des gés à ne pas limiter leurs activités à celles organisées par le Carpates) et aussi, le groupe de discussions sur internet groupe. "Grenoble 123" qui vient de fêter 8 ans d'activités. Valentina Bres, une de ses animatrices en tire un bilan, susceptible de De la soirée foot sur écran géant donner des idées à d'autres associations de Roumains établis à la paperasserie française en France. Le groupe a vu le jour le 8 octobre 2002 à l'initiative de Au fil des années et des mails quelques personnalités plus Sorin Popa et de quelques uns des ses amis roumains de fortes ont émergé. Nous avons maintenant : l'organisateur de Grenoble, dans le but d'éviter aux nouveaux arrivants l'isolesoirées foot devant écran géant, l'expert en législation françaiment et les difficultés d'intégration qu'ils avaient ressentis eux se qui donne des conseils éclairées, le guide montagne aguerri mêmes. Ce groupe de discussion est décrit par ses cofondaqui nous sort du lit à 6h du matin les samedis pour attraper le teurs comme voué aux "discussions sur tout sujet, sans fausse car en direction d'Autrans (Vercors), les experts en informapudeur... et sans SPAM...". tique qui s'arrachent les Je trouve assez reprécheveux en lisant nos sentatives de la diversité questions de novices, le abordée, les trois premiècoordonateur des res discutions lancées en concours photos de mon2002: invitation pour un tagne, le râleur de service match de rugby suivi de qui s'occupe plus de nos grillades, envoi du fautes d'orthographe que Catalogue Aubade 2003 du fond du texte, le modéen diaporama et invitation rateur pacifique qui apaià La Maison de la se les discussions trop Roumanie pour la reprééchauffées (politiques ou sentation de la pièce "Le foot), l'envoyeur des gags communisme raconté aux et blagues en tous genres fous"... surtout quand il fait gris Durant ses 8 ans dehors ... Et puis... moins d'existence le groupe a haut en couleur, mais qui évolué avec l'arrivée de donnent tout son sens au Grenoble 123 fait partager un moment groupe, l'étudiant nouvelnouveaux membres de Roumanie aux habitants de la cité dauphinoise. venant d'horizons divers lement arrivé qui ne s'en et avec des attentes différentes. Il est devenu une réelle aide à sort plus avec la paperasserie française, le demandeur d'un "l'intégration" (aide administrative, logement d'appoint, soufrigo (voir télé, vélo ou autre) pour trois mois, etc... tien moral, mais aussi sorties entre amis, lieu de rencontre,...). Aujourd'hui le groupe ne compte pas moins de 303 memPour écrire cet article, j'ai demandé aux membres ce que bres qui se sont déjà envoyés quelques 12 000 messages. Grenoble 123 leur a apporté et cela a déclenché une vague desPendant longtemps, une fête était organisée au mois de novemmails. bre pour rencontrer les nouveaux membres (et surtout les jolies Pour beaucoup, c'est l'accueil, la convivialité, le fait de ne stagiaires nouvellement arrivées). Petit à petit la place de ces pas se sentir seul, mais la réponse la plus touchante que j'ai soirées d'intégration a été remplacée par des séances de paintreçu est celle d'un étudiant qui est arrivé une nuit en car à ball, aussi prisées, mais sûrement beaucoup plus sportives. Grenoble et a été attendu par un membre de Grenoble 123, Avec leurs contradictions et leurs coups de gueule les membqu'il connaissait seulement virtuellement depuis la veille, res restent toutefois unis pour bien démentir l'idée reçue que grâce au réseau du groupe, et qui l'a logé et nourrit pendant les roumains regardent à coté quand ils entendent parler leur deux semaines. Grenoble 123 est tout cela et bien plus encore. langue à l'étranger. Pourtant, les responsables s'interrogent: le groupe de disValentina Bres 57 Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Humour (Suite de la page 56) Marion et Mariana 58 À les écouter, les hôtes étrangers, qui séjournent deux semaines sur place apprécient ces échanges au point d'appeler "papa" ou "maman" leurs parents d'adoption. Marion, 17 ans, élève en 1ère ES1 dans l'établissement agenais, a passé trois mois en Italie dans le cadre du programme mobilité qui complète le programme Comenius. A Agen, elle a fait connaissance avec Mariana, une lycéenne roumaine de son âge, venue avec la délégation de Bârlad (judet de Vaslui), en Moldavie. Au bout d'une demi-heure, elles ont découvert que toutes les deux parlaient italien. "Nulle" dans cette langue, Marion fait mieux maintenant que se débrouiller. En mai, durant une semaine, elle séjournera chez sa nouvelle amie en Roumanie pour la suite de l'écriture de l'ouvrage européen. Comenius gomme les frontières, élimine les incompréhensions. C'est leur Europe que les participants bâtissent avec l'aide des administrations et des équipes enseignantes en visitant les principaux lieux de mémoire de l'Europe. Dans quelques mois, les élèves des clubs Comenius mobilisés dans chacun des pays apposeront leurs signatures d'un ouvrage qui pose des jalons, ceux de leurs vies. Les quatre établissements européens jumelés avec le lycée Palissy d'Agen sont le Liceul Pedagogic de Bârlad en Roumanie (643 lycéens, 70 enseignants), IES Rio Trubia, capitale des Asturies, en Espagne (180 élèves, 35 professeurs), Instituto Statale di Istruzione "Malignani" à Cervignano del Friuli, en Italie (1295 élèves, 157 professeurs) et Geniko Lykeio Galatsi à Athènes (225 élèves, 27 professeurs). Le lycée Bernard Palissy est le plus grand établissement de la région avec 1358 élèves et 200 professeurs. Blagues à la roumaine On peut… mais on ne veut pas Le conducteur d'une rame de métro sifflote tranquillement dans sa cabine, lorsqu'à un arrêt un passager surgit dans sa cabine, tout excité, un pistolet à la main, et lui commande sur un ton sans réplique : -A Beyrouth ! L'infortuné conducteur tente bien de lui expliquer qu'un métro n'est pas un avion… sans succès. -A Beyrouth, j'ai dit ! Il fait alors son annonce habituelle, avant de redémarrer : -Attention à la fermeture des portes. Prochaine station : Beyrouth. Descente sur le quai de droite. Dans un large sourire, le terroriste lui confie : -Tu vois, Ceausescu avait bien raison quand il disait que le problème en Roumanie, c'est qu'on peut… mais qu'on ne veut pas ! Suspect 1965 : - Allo, la milice économique ? Mon voisin mange ! -Et alors ? Mais c'est qu'il mange du caviar ! -On arrive ! 1975: - Allo, la milice économique ? Mon voisin mange ! -Et alors ? -Mais c'est qu'il mange de l'agneau ! -On arrive ! 1985: - Allo, la milice économique ? Mon voisin mange ! -On arrive ! De quoi se plaint-on ! -Pourquoi on ne vend plus de café ? Pour qu'on ne puisse pas lire l'avenir ! -Qu'est ce qui est petit, noir et frappe à la porte ? L'avenir ! -Que sont les Russes pour les Roumains ? Des amis ou des frères ? -Des frères… parce que les amis, tu les choisis ! -Quelle différence il y a entre, il fait froid à la maison et il fait froid dehors ? -Combien y-a-t-il de sortes de Roumains ? Deux… les satisfaits, que la milice économique recherche… et les mécontents que la Securitate recherche. -Quelle est la composition religieuse des Roumains ? Deux baftisti (veinards) et 22 millions de protestants. (en nouveaux lei, RON**) Euro = 4,09 RON (1 RON = 0,23 €) Franc suisse = 3,17 RON Forint hongrois 264 forints = 1 € Leu moldave (MDL): 16,8 lei =1 € (1 RON= 4,11 MDL) *Au 22 avril 2011 ** 1 RON = 10 000 anciens lei Les NOUVELLES de ROUMANIE Numéro 65, mai-juin 2011 -Quelle est la meilleure blague politique : Pofta buna ! (Bon appétit !) Lettre d'information bimestrielle sur abonnement éditée par ADICA (Association pour le Développement -Nouvelle réforme… On vient d'installer des guichets dans les alimentations : Ici on trouvait de la viande, ici on trouvait du fromage ! International, la Culture et l’Amitié) association loi 1901 Prédiction Ceausescu se rend chez sa voyante et l'interroge sur son avenir : -Je vous vois dans une voiture décapotable… -Et puis ? -La foule vous suit en chantant… -Et alors ? -Elle est joyeuse, elle applaudit… -Je ne peux pas vous dire… Le couvercle du cercueil est refermé. En arrière ! -Pendant la seconde guerre mondiale, pourquoi les chars de l'Armée française avaient-ils des rétroviseurs ? -Pour voir le front (blague parue dans un journal roumain). Resquilleur Plus de 300 personnes font la queue depuis des heures devant l'alimentation. Au petit matin arrive un gars qui joue des coudes pour arriver à la porte. Il est repoussé sans ménagement. A sa deuxième tentative, il se fait copieusement insulter. Enervé, il lance : -Ecoutez… si vous voulez que j'ouvre le magasin, il faudrait peut-être me laisser passer ! ABONNEMENT CHANGE* Dehors, c'est gratuit ! -Qu'est-ce que c'est une queue ? L'alignement du peuple sur la ligne du Parti. Infos pratiques Les NOUVELLES de ROUMANIE Siège social, rédaction : 8 Chemin de la Sécherie 44 300 Nantes, France Tel. : 02 40 49 79 94 E-mail : [email protected] Directeur de la publication Henri Gillet Rédactrice en chef Dolores Sîrbu-Ghiran Ont participé à ce numéro : Laurent Courderc, Jonas Mercier, Marion Guyonvarch, Mirel Bran, Bernard Camboulives, Dodo Nita, Mihaela Iordache, Mandi Gueguen, Natalia Porubin, Louise Barseghian, J.Danero Iglesias, Vincent Verier, Manuela Golea, Gabriela Preda, Guillaume Fraissard, M. Imre Csibi, Alain Beuve-Méry, Magda Crisan, Chantal Guy, Margareta Kelemen, Myr. Chaplain-Riou, Gérard Lefort, Dominique Thierry, Pat. Grainville, Indira Crasnea, Valentina Bres. Autres sources: agences de presse et presse roumaines, françaises, lepetitjournal.com, télévisions roumaines, Roumanie.com, Le Courrier des Balkans, sites internet. Impression: Helio Graphic 2 rue Gutenberg 44 981 Sainte-Luce sur Loire Cedex Numéro de Commission paritaire: 1112 G 80172; ISSN 1624-4699 Dépôt légal: à parution Prochain numéro: juillet 2011 Abonnement aux Nouvelles de Roumanie, lettre d'information bimestrielle, pour un an / 6 numéros, port compris Entreprises, administrations : 100 € TTC / an Associations et particuliers : 80 € TTC / an Multi-abonnement Abonnez vos amis et gagnez ensemble jusqu'à 50 % sur le prix de l'abonnement. Le système en est simple: vous vous abonnez, devenez ainsi "abonné principal", et un de vos proches reçoit également à son domicile "Les Nouvelles". Vous bénéficiez tous les deux de 25 % de réduction, l'abonnement passant ainsi de 80 € à 61 € par personne (Multi-abonnement Formule 2, 122 €). Si vous êtes trois, (Multi-Abonnement Formule 3, 150 €), la réduction est de 40 % (tarif de l'abonnement par personne: 50 €). Et si vous êtes quatre, (Multi-abonnement Formule 4, 170 €) elle passe à 50 % (tarif de l'abonnement par personne: 42,5 €). Ce tarif est valable dans la limite de quatre personnes et ne peut être souscrit par les associations que dans un cadre strictement interne (Vous ne pouvez pas abonner un membre d'une autre association, même dans le cadre d'une fédération). Seule règle à respecter: le règlement global est effectué par une seule personne, l'abonné principal, avec un chèque ou virement unique, en mentionnant les coordonnées (adresse, téléphone, fax et e-mail) des autres abonnés. Abonnez vos amis roumains de Roumanie pour 30 € Chaque abonné (abonnement simple ou collectif) peut abonner un ou plusieurs amis roumains, demeurant en Roumanie. La revue leur sera expédiée directement. Le prix est de 30 € par abonnement annuel souscrit, à ajouter à celui de votre propre abonnement ou réabonnement (un lecteur ayant un abonnement normal, à 80 €, qui veut abonner un ami roumain, à 30 €, paiera donc 110 €). Nom:………………………………………………………………………… Adresse:…………………………………………………………………….. Code postal:.......................Ville…………………….................................... Pays:.................................Tel:………………........ Fax:…………………… E-mail:……………………………………. Cachet, signature : Paiement France: chèque bancaire ou postal joint à l'ordre de ADICA. Belgique et zone euro: chèque d’une banque française ou virement bancaire sans frais. Suisse et Etranger: chèque d’une banque française ou mandat-poste international. Pas de virements bancaires (commission de 20 euros). Coupon à retourner avec les coordonnées de tous les abonnés à: Les Nouvelles de Roumanie - ADICA, 8 chemin de la Sécherie 44 300NANTES - France. 59 Les NOUVELLES de ROUMANIE Le bonheur est dans le pré I ci on rit du matin au soir… C'est unique" s'exclame Jean sous le regard approbateur de Margareta. Ce n'est pas difficile de rencontrer un homme et une femme heureux. Il suffit de prendre sa voiture, faire un peu plus de 2000 kilomètres jusqu'au village d'Eremieni, à une trentaine de kilomètres au nord-est de Târgu Mures, en plein pays magyar, et de demander Jean Pollart. Vous aurez de fortes chances de le trouver se promenant main dans la main sur les chemins de campagne avec sa femme… à moins qu'il ne lui fasse la lecture le soir, au coin du feu de bois. Sûr qu'un éclat de rire traversera à un moment ou à un autre la pièce, comme il a dû effaroucher les oiseaux croisés un peu plus tôt. Ici, tout est prétexte à la bonne humeur. La gouaille du Belge, gai comme un pinson, n'a rien à envier aux "titis" de Montmartre, et ses blagues ne pouvaient rêver trouver meilleur public que cette rieuse professeur hongroise de français, à la retraite depuis peu. Le couple s'est connu en août 2009 et s'est marié en février de cette année. Depuis, Jean, 74 ans, n'appelle plus "Mani", 62 ans, que "Petit cœur". "Ne me secouez pas trop, je suis un arbre plein de larmes" 60 Jean a découvert la Roumanie en 1993, à 58 ans. Il accompagnait un groupe de scouts de sa commune, Moucron, en Belgique, venus donner un coup de main pour repeindre le foyer culturel de son village roumain, Laureni. Deux semaines seulement sur place mais qui se prolongèrent par des visites régulières, et ces fois-ci solitaires, les étés suivants. Le Belge, divorcé, trois enfants, attendait la retraite pour effectuer des séjours prolongés. La rencontre avec Margitka, une Hongroise d'Adriana Mare, commune distante de 15 km d'Eremieni, le décida à franchir le pas. L'année suivante, il s'installait chez elle et le couple se mariait en 2000. En dehors de "oui" et de "non", Margitka ne parlait pas un traître mot de français. Retranscrivant phonétiquement sur le papier les paroles de son mari, elle comprenait presque tout au bout de six mois. Jean "épousa" aussi son nouveau village, ramenant de ses voyages en Belgique tout ce qu'on lui demandait ou pouvait servir, motoculteur, outillage, portes coulissantes, récupérant ce qu'il trouvait dans les brocantes, transportant son "bric à brac" incroyable dans sa camionnette. Le Belge fut vite connu et populaire dans la région. Malheureusement, une maladie dégénérescente frappa Margitka, l'empêchant de se déplacer. Ce coup du sort ne fit que grandir l'amour que Jean lui portait et ses voisins étaient émus de le voir transporter à tout bout de champ sa femme dans ses bras pour qu'elle continue à voir le monde. Son chagrin fut immense à sa disparition. Seul dans sa maison qu'il lui avait amoureusement aménagée, isolé dans son village magyar où on ne parlait que hongrois, ce monde sans amour ne lui paraissait pas supportable. "Ne me secouez pas trop, je suis un arbre plein de larmes" avait-il noté dans le recueil de réflexions qu'il remplit soigneusement chaque soir. "J'ai besoin de donner ma tendresse, de penser à quelqu'un, de le soigner… mais aussi de recevoir ses petits gestes", confiait-il, inconsolable, aux amis de passage. L'idée de se remarier germa alors. On lui parla d'une Roumaine de Bucovine, propriétaire d'un restaurant, parlant français. "Je ne me voyais pas finissant ma vie en faisant la corvée de pluche de pommes de terre" soupire-t-il aujourd'hui. "On s'est assis sur un banc et la foudre nous est tombée dessus" La chance voulut alors qu'on lui signala la présence à seulement quelques kilomètres d'une professeur magyare, veuve depuis peu, parlant le français et qui avait une voiture. "C'est juste ce qu'il me faut" s'exclama Jean en passe de retrouver son entrain et qui décida d'aller la voir. L'affaire n'était pas simple. Il avait donné sa voiture à son gendre roumain qui n'était pas riche et, en échange, avait reçu sa vieille Dacia. Un poème! Elle calait sans arrêt, l'essence n'arrivant pas. Il lui fallait alors sauter du véhicule, soulever le capot, brancher une pompe sur le distributeur, pomper, et pomper… jusqu'à ce qu'un gargouillis indique que le précieux liquide était revenu, vite reprendre le volant, redémarrer… Et çà tenait 6 à 10 km… jusqu'à la panne suivante. C'est dans cet équipage que Jean se présenta devant Margareta. "La foudre nous est tombée dessus" se souvient-il avec émotion. "Elle m'a pris la main, m'a entraîné visiter sa maison, son jardin plein de fleurs, le musée qu'elle a fait toute seule, réunissant le patrimoine du village. On s'est assis sur un banc et on avait l'impression de se connaître depuis toujours". (Lire également en page 38)