Consommation d`amphétamines chez les adolescents
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Consommation d`amphétamines chez les adolescents
Consommation d’amphétamines chez les adolescents et les adolescentes : étude des facteurs associés avec centration sur les différences entre les sexes. État de la situation, recension des écrits et résultats de groupes-sonde. © Avril 2008 Rédaction Jean-Sébastien Fallu, Ph.D. Professeur adjoint École de psychoéducation Université de Montréal Frédéric N. Brière, M.Sc. Candidat au doctorat Département de psychologie Université de Montréal Ariane Descheneaux, B.Sc. Candidate au doctorat Département de psychologie Université de Montréal Recherche Vanessa Keegan, B.Sc. Candidate à la maîtrise Département de psychologie Université de Montréal Joëlle Maguire-L. B.Sc. Candidate à la maîtrise École de psychoéducation Université de Montréal Alexandre Chabot, B.Sc. Candidat à la maîtrise Département de psychologie Université de Montréal Valérie Gagnon, B.Sc. Candidate au doctorat Département de psychologie Université de Montréal Citation suggérée : Fallu, J.-S., Brière, F. N., Descheneaux, A., Keegan, V., Maguire, J., Chabot, A., & Gagnon, V. (2008). Consommation d’amphétamines chez les adolescents et les adolescentes : étude des facteurs associés avec centration sur les différences entre les sexes. État de la situation, recension des écrits et résultats de groupessonde. Rapport du GRIP Montréal au ministère de la Santé et des services sociaux du Québec. Les auteurs tiennent à remercier Kim Archambault pour ses commentaires et suggestions sur une version préliminaire du présent rapport. Le genre masculin sera employé et considéré ici comme épicène. © GRIP Montréal, 2008 Table des matières Résumé exécutif........................................................................................................................ 1 Introduction............................................................................................................................... 5 Contexte .................................................................................................................................... 5 Structure du rapport ................................................................................................................. 6 1- Définitions, prévalence et conséquences .............................................................................. 8 Définitions................................................................................................................................. 8 Prévalence................................................................................................................................. 8 Conséquences.......................................................................................................................... 10 2- Facteurs associés à l’usage d’amphétamines chez les jeunes : recension des écrits .......... 14 Facteurs de risque de la consommation .................................................................................. 14 Utilisation d’autres substances............................................................................................... 15 Facteurs psychologiques et comportementaux ....................................................................... 15 Facteurs scolaires................................................................................................................... 16 Facteurs familiaux .................................................................................................................. 16 Facteurs reliés aux pairs ........................................................................................................ 17 Contexte de consommation ..................................................................................................... 17 Motifs et fonctions attribuées à la consommation .................................................................. 18 En bref..................................................................................................................................... 21 3- Groupes-sonde .................................................................................................................... 22 Méthodologie .......................................................................................................................... 22 Comment les jeunes ont-ils été choisis?.................................................................................. 22 Comment les groupes-sonde ont-ils été animés? .................................................................... 23 Comment les entrevues ont-elles été analysées? .................................................................... 24 Résultats de l’analyse.............................................................................................................. 25 Les jeunes et leur consommation d’amphétamines................................................................. 25 Les effets du speed perçus par les jeunes................................................................................ 28 Les motifs de consommation ................................................................................................... 30 Des motifs d’initiation............................................................................................................. 33 Des différences entre garçons et filles? .................................................................................. 34 En bref..................................................................................................................................... 37 4- Discussion........................................................................................................................... 38 Forces et limites...................................................................................................................... 43 Pistes de recherches futures.................................................................................................... 46 5- Recommandations .............................................................................................................. 48 Références............................................................................................................................... 53 APPENDICE A....................................................................................................................... 58 APPENDICE B....................................................................................................................... 61 Résumé exécutif Le présent rapport rapporte les résultats d’une étude qui visait à mieux comprendre le phénomène de la consommation d’amphétamines (speed, uppers) chez les adolescents, et en particulier chez les jeunes filles. Le mandat conféré au GRIP Montréal consistait en deux volets : (1) réaliser une recension de la littérature locale et internationale concernant les facteurs expliquant cette consommation et (2) conduire quelques entrevues sous forme de groupes-sonde auprès de jeunes adolescentes et adolescents québécois qui ont déjà consommé des amphétamines, dans le but de corroborer et d’approfondir les informations obtenues à la lumière de la recension. Ultimement, cette double étude devait mener à l’identification d’informations préventives à transmettre aux jeunes du secondaire. La prévalence annuelle de la consommation d’amphétamines chez les jeunes du secondaire au Québec est en augmentation depuis quelques années et se situe actuellement à près de 10%, avec une proportion légèrement plus élevée du côté des filles. Cette prévalence est nettement supérieure à ce qui est observé à l’étranger et même dans le reste du Canada. Les conséquences potentielles de la consommation de speed incluent les problèmes psychologiques ou psychiatriques (ex : psychose en consommant, dépendance, dépression et anxiété en état de sevrage) et plusieurs complications physiques (tachycardie, problèmes cardiaques, bruxisme, etc.). La recension des écrits (partie 1) a permis d’identifier plusieurs facteurs permettant d’expliquer la consommation d’amphétamines et montre que ceux-ci proviennent d’une multitude de domaines dans la vie des adolescents. À ce jour, les meilleurs prédicteurs connus sont la consommation lourde d’autres substances, les problèmes d’ordre GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 2 psychologique et le tabagisme parental. Différentes fonctions ont aussi été attribuées au fait de consommer, comme par exemple le désir de rester éveillé, le contrôle du poids, la régulation des émotions et l’altération de conscience. Il existe des écarts entre les garçons et les filles à l’égard de certains de ces motifs : les garçons semblent généralement consommer par recherche de plaisir alors que les filles sont plus susceptibles de le faire pour contrôler leur poids, leur humeur et se sentir attirante. Dans le deuxième volet de notre étude, quatre groupes-sonde ont été réalisés (deux groupes de garçons et deux groupes de filles) et ont été analysés à partir d’une stratégie d’analyse thématique. Les résultats montrent que le speed est typiquement consommé en contexte social, entre amis, et lors d’évènements de type « festif » (raves, afterhours, partys, etc.). Cependant, certains jeunes consomment aussi dans des contextes plus variés (ex. : dans les parcs, à l’école, à la maison) incluant dans certains cas, seuls. Le speed est aussi fréquemment pris conjointement avec d’autres substances (principalement l’alcool, le cannabis et la cigarette) et semble alors généralement intensifier leur consommation. Divers motifs ou raisons de consommer des amphétamines ont été évoqués par les participants et ont été regroupés en quatre grandes catégories, qui ne sont pas mutuellement exclusives: (1) les motifs hédonistes (recherche de plaisir), (2) les motifs sociaux (recherche de facilitation ou d’acceptation sociale), (3) les motifs de régulation émotionnelle (tentative de gérer les émotions négatives) et (4) les motifs « fonctionnels » (recherche d’une hausse des capacités physiques ou mentales) qui incluent la consommation pour maigrir, pour compléter des tâches ou pour performer en sport. La consommation visant à maigrir a d’ailleurs été identifiée comme le principal comportement susceptible de distinguer filles et garçons, une GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 3 observation attribuée par les participants à une plus grande préoccupation des filles vis-à-vis leur apparence physique. Dans l’ensemble, les deux volets de notre étude convergent bien et nous permettent de dégager certaines conclusions solides, utiles pour informer scientifiquement les efforts de prévention. En termes de profil de consommation, il est clair que la plupart des jeunes consommateurs d’amphétamines font aussi l’usage d’autres drogues (en particulier l’alcool, le cannabis et la cigarette) et souvent simultanément. L’usage combiné du speed avec l’alcool apparaît particulièrement préoccupant d’un point de vue préventif, en raison du fait que les amphétamines peuvent entraîner une intensification des comportements de beuverie et que certains jeunes semblent spécifiquement rechercher cet effet. Les motifs qui sous-tendent la consommation de speed sont multiples et sont pour beaucoup similaires aux motifs qui ont été associés à l’usage d’autres substances psychotropes, comme l’alcool et le cannabis. Cependant, un certain nombre de motifs - que nous avons regroupés ici sous l’appellation de motifs « fonctionnels » - semblent s’appliquer plus spécifiquement à son usage et leurs implications demeurent relativement peu connues à ce jour. C’est le cas, tout particulièrement, de la consommation visant à maigrir. Notre étude suggère que ce type de consommation est un comportement répandu et typiquement féminin, qui peut potentiellement entraîner des conséquences sérieuses. Des efforts de prévention devraient être déployés en conséquence. Enfin, les raisons pouvant expliquer l’écart de prévalence observé entre l’usage d’amphétamines chez les jeunes d’ici et ceux d’ailleurs demeurent obscures et devront être approfondies (voir les recommandations à la page 48). GRIP Montréal Introduction Contexte Au printemps 2007, suite au constat émanant des résultats de l’enquête de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) (Dubé, Pica, Martin, Émond, & ISQ, 2005) documentant une hausse significative de la consommation des amphétamines chez les jeunes du secondaire, particulièrement chez les filles, le MSSS demandait au GRIP Montréal d’entreprendre une étude sur le sujet. L’objectif de cette étude était de mieux comprendre le phénomène et ses causes, à l’aide de la documentation récente et d’une enquête sommaire, dans le but d’éventuellement mieux intervenir auprès des jeunes. Cet objectif vise ultimement à réduire, retarder ou éviter la consommation d’amphétamines et les risques qui y sont reliés, le cas échéant. Les facteurs explicatifs et les fonctions attribuées à la consommation d’amphétamines demeurent relativement peu connus, particulièrement au Québec. Dans ce contexte, le mandat conféré au GRIP Montréal consistait en deux volets. Le premier était de réaliser une recension des écrits concernant les facteurs expliquant cette consommation, particulièrement chez les filles. La deuxième partie du mandat était de conduire quelques entrevues sous forme de groupes-sonde auprès de jeunes adolescents et adolescentes ayant déjà consommé des amphétamines. Le but de ces entrevues était de corroborer et d’approfondir les informations obtenues à la lumière de la recension mais aussi de préciser celles qui sont les plus importantes à transmettre à des jeunes du secondaire dans une logique de prévention (et aussi comment le faire). Ultimement, cette démarche aboutira sur un outil préventif visant à informer les jeunes sur la consommation d’amphétamines pour les aider à faire des choix éclairés. Cette démarche pourrait aussi avoir des effets hors-cibles positifs tels que la sensibilisation aux risques de la consommation d’autres drogues de synthèse. GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 6 Structure du rapport Ce rapport comprend cinq parties. La première partie définit ce que sont les amphétamines et dresse un portrait de la consommation de cette substance au Québec et ailleurs ainsi que de ses conséquences individuelles et sociales. La deuxième partie présente une recension des écrits sur les facteurs de risque et les principaux motifs expliquant la consommation ou l’abus d’amphétamines chez les jeunes. Une attention particulière a été accordée aux différences entre les sexes et aux facteurs s’appliquant plus spécifiquement aux jeunes filles. La troisième partie présente les résultats de quatre groupes-sonde réalisés auprès de jeunes du secondaire afin de confronter les informations recensées dans la littérature aux perceptions et explications des jeunes sur le terrain. Cela visait aussi à aller chercher des informations plus représentatives de la réalité québécoise, réalité peu représentée dans les rares études sur les facteurs de risque et les fonctions de l’usage d’amphétamines chez les jeunes. La quatrième partie présente une discussion de l’ensemble des faits saillants des deux parties précédentes en accordant un soin particulier à souligner les éléments concordants et divergents tout en identifiant les implications pratiques et en suggérant des pistes de recherche prioritaires. Évidemment, la discussion abordera aussi les principales limites de cette étude. GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 7 La cinquième et dernière partie de ce rapport propose des recommandations afin de guider les études à venir et l’intervention en ce qui a trait à la consommation d’amphétamines chez les jeunes, particulièrement les jeunes filles. Bonne lecture! GRIP Montréal 1- Définitions, prévalence et conséquences Définitions Il importe d’abord de clarifier la nature des substances abordées dans le présent document. Les amphétamines, communément appelées Speed ou Uppers, font partie de la famille des stimulants du système nerveux central (Cyr, 2002). Il existe plusieurs dizaines de dérivés d’amphétamines (Rouillard, 2003), le principal étant la méthamphétamine; il s’agit probablement du dérivé le plus apprécié pour l’usage abusif à l’échelle mondiale (Cyr, 2002). La méthamphétamine peut se présenter sous différentes formes (comprimés, cristaux (crystal meth), cire ou poudre) et peut être consommée selon tous les modes d’absorption (inhalation, prise, ingestion ou injection). La nature, les concentrations et la qualité de ces substances variant grandement, il est pratiquement impossible de connaître la composition d’un produit vendu sur le marché illicite. Par exemple, des analyses en laboratoire ont révélé une présence croissante de méthamphétamines et même parfois uniquement de méthamphétamines dans des comprimés vendus comme étant de l’ecstasy (Gendarmerie Royale du Canada, 2005). Prévalence La consommation d’amphétamines existe depuis longtemps. Cependant, l’apparition et le développement du mouvement rave à travers le monde a clairement relancé la consommation de cette substance depuis le début des années 1990 (Fallu, Rehm, & Zähringer, 2003; Pedersen & Skrondal, 1999). Toutes populations confondues, c’est en Océanie que l’on retrouve la plus grande proportion de consommateurs d’amphétamines à travers le monde, suivi dans l’ordre de l’Amérique, l’Asie, l’Europe (où c’est au RoyaumeUni qu’il y en a le plus) et l’Afrique (ONUDC, 2006; 2007). Au cours des dernières années, l’Afrique du Sud a cependant connu une augmentation fulgurante, l’Asie et plusieurs pays GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 9 d’Amérique du Sud une légère augmentation, le Canada, l’Europe de l’Est et quelques pays de l’Amérique du Sud présentent des tendances stables alors que l’Australie et les États-Unis rapportent une légère diminution de la prévalence annuelle et quelques pays d’Afrique une forte baisse. Au Canada, le Québec se distingue clairement des autres provinces. En effet, en 2004, le Québec détenait le taux le plus élevé de consommation de speed à vie au pays (8,9 %) et représentait la seule province avec une prévalence annuelle (2,3 %) significativement supérieure à la moyenne nationale (0,8 %) (Adlaf et al., 2004). Aux États-Unis, on estime à 8,1 % des élèves de 16 ans qui ont consommé des amphétamines dans la dernière année (Johnston, O’Malley, Bachman, & Schulenberg, 2007). En Ontario, la moyenne est de 2,4 % pour l’ensemble des élèves du secondaire, une proportion en baisse depuis 1999 où l’on estimait cette proportion à 5 % (Adlaf et PagliaBoak, 2005). En contraste, la prévalence annuelle de consommation d’amphétamines chez les élèves du secondaire au Québec a augmenté depuis 2000, particulièrement chez les filles. Selon l’enquête de l’ISQ, la prévalence globale de consommation (moyenne des garçons et des filles) est passée de 7 % à 7,6 %, puis à 10 %, atteignant 11 % chez les filles, entre 2000, 2002 et 2004 (Dubé, Tremblay, Traoré, Martin, & ISQ, 2007). Malgré une récente baisse de prévalence globale (9,4 % en 2006), essentiellement due à une diminution de prévalence chez les garçons, la proportion de filles qui consomment des amphétamines demeure en croissance. Cela fait en sorte que l’écart entre la prévalence des deux sexes, actuellement de 3,5 %, est en train de se creuser (Dubé et al., 2007). De plus, les filles sont plus nombreuses que les garçons à avoir consommé ces substances de façon expérimentale (4,3 % c. 2,6 %), ou sur une base régulière ou quotidienne dans la dernière année (2,3 % c. 1,1 %) (Dubé et al., 2007). En outre, bien que la prévalence ne soit que de 1,7 % en secondaire I, elle atteint GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 10 respectivement 15,3 % et 17,1 % en secondaire IV et V. Enfin, depuis 2002, la proportion de consommateurs quotidiens a baissé, mais la consommation occasionnelle et régulière est en hausse (consommateurs occasionnels : 3 % en 2002 c. 4,2 % en 2006; consommateurs réguliers : 0,8 % en 2002 c. 1,6 % en 2006). Heureusement, comparativement au cannabis, les jeunes qui expérimentent la consommation d’amphétamines sont beaucoup moins nombreux proportionnellement à développer un usage régulier (Manning, Best, Rawaf, Rowley, Floyd & Strang, 2001). Conséquences L’usage, l’abus et la dépendance aux amphétamines peuvent engendrer un coût social important (au Canada en 2002, les coûts associés à l’abus de drogues illicites ont été estimés à 8,2 milliards de dollars, dont une partie est attribuable aux amphétamines (Rehm et al., 2006)) - des conséquences psychologiques (Degenhardt, Coffey, Moran, Carlin, & Patton, 2007; Griffiths et al., 1997) et des symptômes psychiatriques (Griffiths et al., 1997; Thirtalli & Benegal, 2006). À fortes doses, l’usage d’amphétamines est associé à des conséquences médicales, notamment à des problèmes cardiovasculaires pouvant mener à la mort (Griffiths et al., 1997; Iversen, 2006). Plus précisément, au niveau psychologique et psychiatrique, la consommation d’amphétamines peut induire une psychose toxique (ponctuelle) ainsi que prédire la dépendance et la psychose. Elle est aussi associée à un profil d’usage favorisant souvent une consommation excessive suivie d’une descente ou d’un sevrage caractérisés par de l’épuisement, des symptômes d’anxiété et dépressifs et une agitation (Griffiths et al., 1997; ODCNU, 2003). Néanmoins, une étude récente a montré que le risque de conséquences GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 11 psychosociales n’est pas augmenté substantiellement au-delà du risque posé par la consommation de cannabis sauf en ce qui concerne la dépression et l’anxiété (Degenhardt et al., 2007). Sur le plan médical, les amphétamines peuvent produire une arythmie ou une tachycardie (Griffiths et al., 1997). De plus, tout comme pour l’ecstasy, les amphétamines semblent être surtout toxiques dans un environnement chaud et humide et pendant l’activité prolongée qui augmente les risques de déshydratation et d’hyperthermie, donc de décès (Griffiths et al., 1997). Encore, la consommation d’amphétamines peut aussi provoquer des ulcères et des problèmes dentaires (à cause du bruxisme), des maux de tête, des nausées, des vomissements, une vision floue et des mouvements répétitifs (Griffiths et al., 1997). Des doses très élevées peuvent aussi provoquer des convulsions, des coups de chaleurs, le coma et la mort. Cependant, soulignons que la consommation non intraveineuse d’amphétamines est très rarement associée à des décès (Griffiths et al., 1997). Par ailleurs, au niveau neurologique, il est clairement démontré que des doses élevées (particulièrement de méthamphétamines) sont toxiques pour les neurones dopaminergiques, et dans une moindre mesure, pour celles sérotoninergiques (Griffiths et al., 1997). Enfin, l’utilisation à long terme est associée à une mauvaise alimentation, une perte de poids, de la nervosité, de la fatigue, de l’insomnie et des problèmes de peau (acné) (National Center on Addiction and Substance Abuse at Columbia University Publication, 2003). Mentionnons aussi que la tolérance aux amphétamines est élevée et s’installe rapidement. Par ailleurs, les conséquences négatives découlant de la consommation semblent plus répandues chez les filles que chez les garçons. Par exemple, les adolescentes semblent GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 12 développer une dépendance aux méthamphétamines plus rapidement et souffrir davantage d’effets défavorables et ce, plus tôt que les garçons (National Center on Addiction and Substance Abuse at Columbia University Publication, 2003). Afin de mieux intervenir et prévenir ces conséquences, il est donc important de bien comprendre les facteurs associés à la consommation et leurs mécanismes d’action. C’est ce que visent les deux prochaines sections, soit la recension des facteurs associés et des fonctions attribuées à l’usage d’amphétamines ainsi que le compte-rendu des groupes-sonde. Il est important de mentionner que le terme « usage » est employé ici et dans tout le texte, à moins d’indications contraires, dans son sens large et générique englobant l’initiation, différents types d’usage, l’abus ou la dépendance. La recension et l’étude des groupes-sonde ont été réalisées en ciblant spécifiquement les consommateurs d’amphétamines et en excluant ceux consommant uniquement du MDMA ou d’autres drogues de synthèse. Évidemment, l’adultération des produits vendus sur le marché illicite, tel que mentionnée plus tôt, fait en sorte que les participants des études recensées dans la deuxième partie et ceux ayant participé aux groupes-sonde, dont les résultats sont présentés dans la troisième partie, ne peuvent pas être certains de la nature des drogues qu’ils nous rapportent avoir consommées. D’autre part, concernant la recension présentée dans la prochaine partie, les informations recensées sont dépendantes des concepts et des choix des chercheurs ayant réalisé les études. En effet, plusieurs études regroupent l’usage de diverses drogues de synthèse et en étudie les facteurs de risque de manière globale. Ainsi, vu le petit nombre d’études portant uniquement sur les amphétamines, particulièrement longitudinales, certaines études portant sur les drogues de synthèse en général ou incluant le MDMA ont été considérées. Nous avons toutefois pris soin de l’indiquer quand c’est le cas. Néanmoins, les études portant spécifiquement sur la forme GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 13 cristalline de la méthamphétamine (crystal meth) ont été exclues car, bien qu’ayant les mêmes propriétés pharmacologiques, cette forme semble associée à différents profils de consommation, modes d’administration et styles de vie. De plus, bien que la GRC ait saisi des cristaux de méthamphétamines au Québec, cette forme n’est que très peu répandue et ne constitue donc pas un enjeu de santé publique majeur, du moins pour le moment. GRIP Montréal 2- Facteurs associés à l’usage d’amphétamines chez les jeunes : recension des écrits Afin de recenser les principaux articles pertinents au sujet de l’étude, les banques de données Psychinfo © et Pubmed © ont été interrogée à l’aide de mots clés suivants : « amphétamines », « speed » tronqués et « adolescents », « adolescence » tronqués et consommation ou abus ou dépendance. Les recherches ont été limitées aux adolescents et aux jeunes adultes. Cette stratégie de recherche a permis d’identifier 32 études pertinentes. Évidemment, certaines études ont pu nous échapper, mais certaines ont été identifiées par « cascade » à l’aide des listes de références des articles recensés. Vu le petit nombre d’études sur le sujet, surtout longitudinales, les critères de sélection furent plutôt larges. Ainsi, les facteurs recensés et présentés incluent des corrélats, des facteurs de risque ainsi que des fonctions attribuées à l’usage. Facteurs de risque de la consommation De nombreux facteurs issus de différents domaines ont été associés à la consommation d’amphétamines/méthamphétamines et de drogues de synthèse à l’adolescence. Les prochains paragraphes présentent ces facteurs en les regroupant selon qu’ils relèvent de caractéristiques sociodémographiques, de l’utilisation d’autres substances, de facteurs psychologiques et comportementaux, de facteurs scolaires, de la famille, des relations avec les pairs ou du contexte de consommation. Caractéristiques sociodémographiques Aux États-Unis, les adolescents caucasiens et d’origine latine semblent être plus susceptibles d’avoir consommé des métamphétamines au cours de leur vie que les GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 15 adolescents africains américains, asiatiques et d’autres origines ethniques alors que les adolescents plus âgés (17-18 ans) semblent être significativement plus susceptibles que les plus jeunes (13-14 et 15-16 ans) d’en faire usage (Rawson, Gonzales, Obert, McCann, & Brethen, 2005). Au Québec, l’enquête de l’ISQ montre que la proportion des élèves consommateurs d’amphétamines est plus élevée chez les filles, chez ceux qui ont un emploi, chez ceux dont la langue parlée à la maison est le français et chez ceux vivant au sein d’une famille non intacte (Dubé et al., 2007). Enfin, cette proportion augmente selon le montant d’allocation hebdomadaire des élèves (Dubé et al., 2007). Utilisation d’autres substances Les études indiquent que l’utilisation d’autres substances licites ou illicites, telles que l’utilisation régulière d’alcool et de tabac ainsi que l’utilisation de cannabis, constitue l’un des facteurs de risque les plus importants de la consommation d’amphétamines et de drogues de synthèse (Degenhardt, Coffey, Moran, et al., 2007; Goldsamt et al., 2005; Herman-Stahl, Krebs, Kroutil, & Heller, 2007; Sattah et al., 2002) pouvant fortement prédire l’usage ultérieur d’amphétamines (Adalbjarnardottir & Hafsteinsson, 2001). Facteurs psychologiques et comportementaux Les symptômes de dépression et d’anxiété à l’âge de 17 ans sont indépendamment associés à l’usage concomitant (mais pas ultérieur) d’amphétamines, alors que le comportement antisocial semble prédire l’usage ultérieur d’amphétamines (Adalbjarnardottir & Rafnsson, 2002; Degenhardt, Coffey, Moran, et al., 2007). Par ailleurs, les comportements déviants, tels que l’utilisation et la vente de drogues, le fait d’avoir été arrêté ou de ne pas aller à l’école, sont associés à l’usage de méthamphétamines (Herman-Stahl et al., 2007). GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 16 D’autre part, une attitude positive à l’égard de l’utilisation de méthamphétamines ainsi qu’une faible connaissance des conséquences liées à celle-ci augmentent les risques de consommation (Yen, Yi-Hsin, & Chong, 2006). Enfin, Graff Low et Gendaszek (2002) rapportent un effet d’interaction selon lequel les adolescents qui démontrent à la fois du perfectionnisme et une recherche de sensation (sensation seeking) sont ceux qui rapportent le plus d'abus d'amphétamines de prescription et de stimulants illégaux. Facteurs scolaires Dans l’enquête de l’ISQ, la proportion de consommateurs d’amphétamines est plus élevée chez ceux qui évaluaient leur performance scolaire en français ou en anglais (selon la langue dans laquelle le questionnaire a été rempli) comme étant inférieure à la moyenne de leur classe comparativement à ceux qui l’estimaient supérieure à la moyenne (Dubé et al., 2007). Facteurs familiaux L’usage de drogues par un membre de la famille (Miura, Fujiki, Shibata, & Ishikawa, 2006) ainsi qu’une intégration déficiente sur les plans familial et social (Calafat et al., 2003) sont associés à la consommation de drogues de synthèse, alors que le tabagisme parental (Degenhardt, Coffey, Moran, Carlin, & Patton, 2007) et l’absence d’un confident au sein de la famille (Sattah et al., 2002) sont reliés à la consommation de méthamphétamines chez les adolescents. Le style d’éducation exercé par les parents prédit également la consommation ultérieure d'amphétamines. Ainsi, les adolescents de 14 ans ayant des parents avec un style d’éducation démocratique sont moins susceptibles de consommer des amphétamines à 17 ans que ceux ayant des parents de style d’éducation négligent, ces derniers adolescents GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 17 étant plus susceptibles de consommer que ceux ayant des parents de style d’éducation autoritaire (Adalbjarnardottir & Hafsteinsson, 2001). Facteurs reliés aux pairs Le fait de fréquenter des pairs qui consomment des drogues de synthèse ou des amphétamines semble faciliter l’initiation et l’usage de ces drogues (Boys & Marsden, 2003; Duff, 2005; Hitzler, 2002, Yen, Yi-Hsin, & Chong, 2006). Les amis exercent aussi une influence majeure sur la consommation de méthamphétamines en particulier. En effet, elle est généralement liée à l’usage de cannabis et de tabac des amis (Degenhardt, Coffey, Moran, et al., 2007), à l’usage de méthamphétamines des amis ou le fait que ces derniers en fournissent (Yen, Yi-Hsin, & Chong, 2006) et à la pression des pairs (Sattah et al., 2002). Contexte de consommation L’usage d’amphétamines et de drogues de synthèses semble être un phénomène fortement associé à des contextes socioculturels spécifiques. Les études indiquent régulièrement une prévalence plus élevée de consommation de drogues de synthèse chez les gens fréquentent les partys raves que dans la population générale (Barrett, Gross, Garand, & Pihl, 2005; Engels & Ter Bogt, 2004; Gross, Barrett, Shestowsky, & Pihl, 2002; Parsons, Halkitis, & Bimbi, 2006; Ter Bogt & Engels, 2005; Tossmann, Boldt, & Tensil, 2001; Yacoubian, Deutsch, & Schumacher, 2004). Les jeunes adultes adeptes de la musique techno, des partys raves et des discothèques (clubs) présentent un risque accru d’utiliser des drogues de synthèse (Duff, 2005; Gowing, Henry-Edwards, Irvine, & Ali, 2001). Toutefois, cette consommation n’est plus l’apanage de ces contextes (Degenhardt, Barker, & Topp, 2004). GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 18 Motifs et fonctions attribuées à la consommation Plusieurs fonctions attribuées à la consommation sont rapportées par les adolescents faisant usage de ces substances. Par exemple, Boys, Marsden et Strang (2001) ont identifié six (6) principales raisons de consommer des amphétamines pour des adolescents polyconsommateurs de drogues, soit 1) aide à suivre les amis dans une sortie en soirée (night out); 2) aide à rester éveillé; 3) hausse l’intensité d’une activité comme écouter de la musique ou jouer à un jeu ou à un sport; 4) aide à se sentir heureux ou euphorique; 5) aide à apprécier la compagnie de ses amis; 6) rend très stone ou intoxiqué. Les fonctions perçues d’amélioration de la performance intellectuelle, d’augmentation de l’efficacité dans l’accomplissement de travaux académiques et d’utilisation en combinaison avec l’alcool sont également des motivations fréquentes d’abus d’amphétamines (Graff Low & Gendaszek, 2002). Selon ces auteurs, les étudiants croient généralement que l’utilisation récréative de stimulants rehausse la tolérance à l’alcool. Mentionnons enfin que ces fonctions sont perçues et pas nécessairement effectives. D’autres consomment plutôt pour des motifs d’intégration sociale1 (Boys, Marsden, Griffiths, Fountain, Stillwell & Strang, 1999) et de désinhibition sociale (Sattah et al., 2002). De telles fonctions sociales semblent prédire l’apparition de problèmes liés à la consommation d’amphétamines (Boys & Marsden, 2003) et l’intention future de consommer des amphétamines parmi plusieurs facteurs (Boys et al., 1999). Enfin, des analyses multivariées, contrôlant pour toutes les fonctions à l’étude, indiquent que les fonctions 1 Ces fonctions étaient les suivantes : 1) aide à te sentir plus confiant dans une situation sociale; 2) aide à te départir de tes inhibitions; 3) aide à suivre tes amis dans un night out; 4) aide à apprécier la compagnie de tes amis; 5) aide à te sentir plus près de quelqu’un. GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 19 d’intoxication et de perte de poids prédisent l’intensité de l’usage d’amphétamines (Boys & Marsden, 2003). Différences entre les sexes Certains motifs et fonctions attribués à l’usage semble différer entre les sexes. Alors que les garçons ont tendance à utiliser les amphétamines principalement pour des raisons « hédonistes », telles qu’avoir du plaisir et augmenter l’endurance dans les partys (Sattah et al., 2002), les filles sont plus susceptibles d’utiliser les amphétamines et ses dérivés pour perdre du poids et suivre des régimes (Boys, Marsden, & Strang, 2001; Brecht, O’Brien, Von Mayrhauser, & Anglin, 2004; Degenhardt, Coffey, Moran, et al., 2007; Hser, Huang, Teruya, & Anglin, 2003; Sattah et al., 2002; Semple, Patterson, & Grant, 2004), se sentir plus attirantes (Semple, Patterson, & Grant, 2004), réguler leur humeur (cope with mood) (Semple, Patterson, & Grant, 2004) et rester éveillées afin d’étudier (Sattah et al., 2002). Il est possible que les corrélats psychologiques de l’usage d’amphétamines soient différents selon le genre du consommateur. Par exemple, les filles rapportent davantage que les garçons consommer des amphétamines pour oublier leurs soucis, éviter la dépression (Klee, 1998) et fuir leurs problèmes (Johnston & O’Malley, 1986). Des résultats semblables ont été trouvés chez les femmes (Gorman et al., 2003; Semple, Grant, & Patterson, 2004; Semple, Patterson, & Grant, 2004). Par ailleurs, des niveaux élevés de dépression et d’idéations suicidaires ont été associés avec l’usage de méthamphétamines uniquement chez les femmes adultes (Rawson, Gonzales, McCann, & Ling, 2007). Ces résultats concordent avec les différences liées au motif de consommation selon le genre et suggèrent la possibilité GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 20 que les adolescentes utilisent les amphétamines pour auto-médicamenter des troubles de type internalisés. GRIP Montréal En bref • Les adolescents consommateurs d’amphétamines sont généralement issus de familles non intacte, sont d’origine caucasienne ou latine, sont plus âgés, et possèdent plus souvent un emploi et de l’argent de poche. • Au Québec, les filles et les francophones sont davantage représentés dans le groupe des consommateurs que les garçons et les anglophones. • La consommation d’autres substances, que ce soit par les adolescents eux-mêmes, leurs parents ou leurs amis est aussi associée à la consommation d’amphétamines. • Aussi généralement liée à des symptômes intériorisés (dépression et anxiété) et extériorisés (ex. : absentéisme scolaire, vente de drogue). • Les attitudes favorables envers la consommation et la méconnaissance des conséquences ainsi que la recherche de sensation y sont aussi associés. • Il faut ajouter à cette liste la négligence parentale, une faible intégration familiale et sociale ainsi que l’absence d’un confident au sein de la famille. • Enfin, la fréquentation des milieux raves et être adepte de musique techno sont fortement associés à la consommation d’amphétamines. • Les filles sont plus susceptibles d’utiliser les amphétamines pour perdre du poids, se sentir plus attirantes, réguler leur humeur et rester éveillées afin d’étudier. • Ensemble, les différences entre les garçons et les filles en termes de facteurs de risque, fonctions et conséquences de la consommation d’amphétamines chez les adolescents permettent de croire que les facteurs influençant les garçons et les filles soient partiellement différents. 3- Groupes-sonde Nous tenons ici à remercier tous les jeunes qui ont pris le temps de participer à nos groupes-sonde. Nous avons grandement apprécié votre générosité et votre honnêteté. Merci! Méthodologie Comment les jeunes ont-ils été choisis? Les résultats que nous présentons ici sont tirés de quatre groupes-sonde qui ont été réalisés dans deux écoles secondaires de la banlieue de Montréal (Longueuil et Laval). Deux des groupes étaient composés de garçons et les deux autres, de filles, dans le but de pouvoir faire ressortir les différences entre les sexes. Cette stratégie de diviser les groupes en fonction de caractéristiques d’intérêt pour pouvoir ensuite les comparer est proposée par Kruger (1998) dans son guide sur les groupes-sonde. Chacun des groupes comprenait entre 5 et 6 jeunes. Outre le genre, notre seul critère pour choisir les participants était qu’ils consommaient ou avaient déjà consommé des amphétamines au cours leur vie (ce critère n’a pas été rempli à 100% dans un de nos groupes de garçons et nous avons donc dû, au moment des analyses, exclure les commentaires de certains participants qui n’avaient jamais consommé de speed). Les jeunes ont été rejoints à l’aide d’une intervenante en toxicomanie de leur école (présente lors des deux entrevues de Longueuil). Précisons que nos groupes contenaient, en proportion, beaucoup de jeunes avec un profil de consommation sévère (consommation de plusieurs drogues lourdes, initiation précoce, problèmes importants dans certains cas), incluant certains ex-consommateurs qui avaient éprouvé des conséquences négatives importantes suite à leur consommation. GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 23 Comment les groupes-sonde ont-ils été animés? Les quatre groupes-sonde ont été réalisés à partir d’une même grille d’entrevue (voir appendice A), conçue en fonction des objectifs de notre étude et des résultats préliminaires de la recension des écrits que nous avions menée. Cette grille avait pour objectif de cibler certains thèmes à aborder, tout en laissant suffisamment d’espace pour que les jeunes puissent s’exprimer sans avoir à répondre à des questions trop précises. C’est ce que l’on appelle, en langage de recherche qualitative, un entretien semi-structuré. Les principaux thèmes ciblés par la grille étaient les habitudes de consommation de speed des jeunes, leurs motifs de consommation et leur perception des différences de consommation qui existent entre garçons et filles. Notre grille était aussi conçue pour favoriser la discussion en groupe, notamment à l’aide de composantes interactives visant à stimuler la participation, mais aussi pour s’assurer de recueillir les commentaires de chacun des participants (pour éviter, par exemple, de perdre l’avis de certains jeunes plus gênés). Tous les groupes ont été animés par la même modératrice, une étudiante à la maîtrise en psychoéducation de l’Université de Montréal avec une bonne expérience d’intervention en toxicomanie auprès des jeunes, et donc habilitée à intervenir en cas de besoin. Un petit retour (« debriefing ») a aussi été prévu après chaque groupe, pour répondre aux questions des jeunes, si nécessaire, et pour qu’ils puissent recevoir du soutien dans l’éventualité où la séance les aurait troublés. Les participants ont été informés en détail des objectifs, du déroulement de notre recherche et de ce qui était attendu d’eux avant chacune des entrevues, et leur consentement éclairé a été obtenu par écrit avant de commencer (voir appendice B). GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 24 Comment les entrevues ont-elles été analysées? Pour analyser le contenu des entrevues, celles-ci ont été enregistrées, pour être ensuite retranscrites au complet et entrées dans le logiciel d’analyse qualitative Nvivo7 (QSR). Ce logiciel permet d’organiser facilement le discours des participants à l’intérieur de catégories thématiques et de relier plusieurs catégories entre elles à l’aide d’un arbre hiérarchique. L’image ci-dessous montre une partie de l’arborescence qui a été développée suite aux analyses: D’un point de vue technique, les groupes-sonde ont été analysés à partir d’une stratégie d’analyse thématique. Il s’agit d’un type d’analyse visant principalement à dégager et à synthétiser les principaux thèmes retrouvés dans un discours, avec un niveau d’inférence et d’interprétation faible (Paillé & Mucchielli, 2003). Les résultats sont donc « proches » des propos des jeunes et ne sont pas une tentative de comprendre à un niveau sous-jacent, au-delà de ce qu’ils ont dit. Pour réaliser l’analyse, les entrevues ont été lues pour identifier les GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 25 principaux thèmes évoqués et ces thèmes ont été enregistrés sous la forme de catégories, appelées « codes » en langage théorique. Tous les extraits de discours reliés à une même catégorie ont ensuite été regroupés ensemble, dans chaque code, à l’aide de Nvivo7. Les résultats ont été obtenus en faisant une synthèse du contenu des différentes catégories. Nous avons aussi mené quelques comparaisons pour contraster le discours des participants en fonction de certaines caractéristiques (ex : gars v. filles). Résultats de l’analyse Les jeunes et leur consommation d’amphétamines Dans cette section, il sera question de ce que les jeunes nous ont dit par rapport à leur façon de consommer des amphétamines. Nettement, c’est en contexte social que le speed est le plus communément consommé et, typiquement, dans le contexte d’une consommation de groupe (plusieurs amis qui consomment du speed ensemble). En particulier, il est souvent question d’évènements ou de situations où l’on retrouve une foule, une ambiance de fête, de la musique et de la danse (ex : partys, clubs, afterhours, raves, bars, etc.) : « Ben souvent dans les raves, des bars, les places ou ce qui a ben du monde, ben pas les bars, plus dans les clubs. Dans des partys… » (fille); « quand que t’es avec une gang d’amis, que tout le monde poppe » (fille); « Dans les clubs pis les raves c’est souvent plus, dans les partys, toujours. Dès qu’y a plus de monde » (gars). Par contre, les occasions de consommer ne se limitent pas à ces évènements de masse. Les jeunes nous ont en fait donné des exemples très variés de situations dans lesquelles ils sont susceptibles de prendre du speed (ex : dans les parcs, à l’école, au travail, à la maison, etc.). L’usage dans ces contextes non festifs semble cependant moins répandu et ne fait pas l’unanimité, il faut le dire. Il est notamment clair que certains jeunes sont plus réticents que d’autres à consommer dans des endroits à proximité de GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 26 l’autorité (ex : maison, école) : « Ben la maison c’est parce qu’il y a des parents, pour pas te faire pogner » (fille). Mentionnons aussi que nous avons retrouvé, dans notre échantillon, un petit groupe de consommateurs réguliers qui nous ont rapporté consommer (ou avoir déjà consommé) à peu près tout le temps, et à peu près partout : « Moi, heille, moi j’en ai fait partout, pas mal partout, dehors, dans les parcs, j’ai marché de (nom d’une rue) jusqu’à (nom d’une autre rue), toute la nuit, on rentrait pas coucher, […] on faisait, on était tout le temps une gang de 15-20, pis on faisait tout le temps ça. (gars) ». Pour ces individus, l’on peut supposer que le fait de consommer dans une multitude de contextes était possiblement relié, du moins en partie, à un effet de dépendance induit par les amphétamines. Une question intéressante, qui a suscité certains débats de la part des jeunes dans nos entrevues, est celle des habitudes de consommation solitaire. Pour certains, consommer seul est un acte impensable et sans intérêt : « Mais mettons que si j’étais seule, pis je passais la soirée seule, c’est sûr que je ferais pas de speed » (fille), « Moi j’ai fait ça une fois, pis c’était trop plate » (fille). Mais pour d’autres, il s’agit là d’une alternative comme une autre : « Ben moi en autant que je suis gelée » (fille) « Ben moi aussi j’en fais des fois toute seule, j’m’en vais chiller avec mes amis, pis là on va être toutes gelées, pis là un m’ment donné, y va falloir que je rentre chez nous, pis là je rentre chez nous, mais là chuis encore gelée, j’dormirai pas tout de suite, fec j’poppe. Pis même là, chuis chez nous, bon, j’ai rien à faire, bon, je vais me geler la gueule » (fille) « Mais sinon, plus de speed quand que je lis ou… Souvent c’était quand j’allais travailler. » (gars). Ceci dit, aucun jeune dans notre échantillon n’a mentionné consommer toujours seul. GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 27 Enfin, quelques mots sur ce que les jeunes nous ont dit par rapport à leur consommation d’autres substances que les amphétamines. L’ensemble des participants que nous avons rencontrés consommaient ou avaient déjà consommé d’autres substances au cours de leur vie (cigarette, alcool et cannabis, le plus souvent), ce qui en fait des polyconsommateurs. Mais un fait encore plus remarquable est qu’ils nous ont très fréquemment rapporté consommer d’autres substances en même temps que le speed (polyconsommation simultanée). En fait, en considérant l’ensemble de notre matériel, il semble que cette tendance représente la norme plutôt que l’exception. Les extraits suivants sont représentatifs de ce que nous avons retrouvé dans notre matériel: « ben moi à chaque fois que je poppe, c’est sûr que je prends du pot. Ça c’est sur et certain » (fille) « Ah c’est tout le temps les trois ensembles [avec du cannabis et de la bière]. Si c’est le speed, c’est les trois. Automatiquement. » (gars). Dans ces situations, les jeunes nous ont mentionné que le speed augmentait dramatiquement leur consommation d’autres substances, particulièrement en ce qui concerne l’alcool et le cannabis (« En même temps que t’en prends, c’est sûr que si tu fais du pot régulièrement d’habitude, c’est sûr que là, ça va prendre 15 fois plus parce que là, parce que ché pas, tu vas rouler ton bat après ça, tu vas le fumer, clack yé déjà fini, là t’es déjà, ben je vais m’en rouler un autre, t’en roules un autre pis ça continue de même. » (gars)). Cet effet d’intensification a été attribué par les participants notamment aux effets de tolérance produits par les amphétamines («quand tu poppes une peanut, là t’en fumes des joints après ça, ça passe comme dans du beurre, tu peux en fumer 15 tu le sauras même pas! » (gars)), de stimulation psychomotrice, incluant l’induction de comportements stéréotypés : « J’tais juste en train de rouler ou fumer. C’était comme automatique, c’tait comme un réflexe parce que j’étais trop [intoxiqué] pis je cherchais de quoi à faire. » (gars) et de prolongation des effets d’autres substances. Mentionnons aussi, en terminant, que GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 28 certains jeunes ont soulevé que ces effets d’interaction du speed avec d’autres substances pouvaient constituer, en soi, un motif de consommation pour des individus. Aux yeux d’une de nos participantes, notamment, certains garçons consommeraient du speed dans le but de pouvoir boire plus d’alcool : « Mais quelque chose que j’ai vu chez les gars mais que j’ai pas vu chez les filles, c’est que les gars y prennent du speed parce que y sont capables de boire une 24 pis que ça leur fera rien » (fille). Les effets du speed perçus par les jeunes Nous avons choisi de questionner les jeunes par rapport aux effets qu’ils percevaient au moment de consommer du speed (et aussi après). Par cela, nous cherchions à déterminer ce qui était marquant à leurs yeux et nous estimions que cette information serait pertinente pour cerner les effets qui peuvent être recherchés en consommant. Sans trop de surprise, ce sont les effets « stimulants » du speed, ou encore ses effets « énergisants » et « remontants » qui ont généralement été évoqués en premier. Dans plusieurs cas, ces effets ont été associés avec l’idée d’un état d’éveil prolongé (« Je pense que c’est un stimulant qui ne te laisse pas dormir » (fille)). Les effets « euphorisants » ont aussi été fréquemment mentionnés (« tout est plus beau » (gars)), tout comme l’idée que le speed pouvait masquer les sentiments négatifs (« un remontant émotionnel comme tu te sens mal, pis on dirait que tout devient cool » (fille)). D’autre part, plusieurs jeunes (le plus souvent des filles) nous ont dit qu’après avoir consommé, le besoin de parler aux autres devenait très fort, presque criant (« tu racontes ta vie à tout le monde » (fille) « tu veux qui aille du nouveau monde autour de toi, parce que tu veux connaître d’autres personnes » (fille) « si tu étais tout seul, je suis sûr que tu te parlerais tout seul » (gars)). Notons, par contre, le caractère « superficiel » de ce contact qui est recherché auprès des autres : « je me rappelle même pu du monde que j’ai rencontré »; GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 29 « Moi j’ai donné mon numéro à un peu n’importe qui » (fille). Du côté des gars, il est intéressant de constater que certains participants nous ont dit exactement l’inverse, c’est-àdire que le speed diminuait en fait leur envie d’être avec les autres, soit en les rendant plus irritables (« tout le monde t’irrites, tout le monde genre quand tu te fais toucher, genre quand tu te fais toucher ça c’est fou, c’est malade » (gars)), soit en les enfermant dans leur propre bulle (« t’es plus dans ton monde à toi que vouloir entrer dans un monde avec un autre » (gars)). Il n’est pas tout à fait clair, à partir de notre matériel, s’il s’agit là d’une différence réelle entre les genres ou d’une différence d’un autre ordre entre les individus. On peut aussi penser que les substances consommées en interaction avec le speed peuvent exercer une influence à cet égard. Pour ce qui est des effets négatifs au moment de consommer et dans l’après-coup immédiat, les participants ont le plus souvent fait allusion au « down » important du lendemain (« t’es « grindé » : on dirait que ça ronge tes os carrément » (gars)), mais aussi à la perte de mémoire, du « blackout » qui suit souvent un épisode de consommation: « Le lendemain, tu te sens un peu fucké parce que tu te rappelles pas grand-chose de la veille » (gars) « Tu trouves tout le monde beau, fec même si tu le trouves beau ou laid, tu vas y parler pareil. C’est le lendemain que tu vas faire ewww! » (fille). Certains effets psychologiques néfastes nous ont également été rapportés pendant l’intoxication, comme l’occurrence de pensées anxieuses ou paranoïaques (pouvant même aller jusqu’à une attaque panique) et, comme nous l’avons vu précédemment, l’apparition de réactions agressives et irritables. À ce sujet, nos données suggèrent la possibilité qu’une différence existe entre les sexes (vulnérabilité accrue aux réactions anxieuses chez les filles et aux réactions agressives chez les gars). GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 30 À long terme, quelques jeunes nous ont rapporté que la consommation de speed leur avait causé des problèmes de santé importants, comme une perte de poids excessive, des problèmes au niveau de la mâchoire et même, dans un cas, des problèmes de type nerveux (tremblements). Ces problèmes ont d’ailleurs mené la plupart de ces jeunes à diminuer ou à complètement arrêter leur consommation. L’apparition de symptômes de dépendance et la perte d’argent sont les deux autres conséquences principales qui ont été avancées dans nos entrevues. Les motifs de consommation Une grande variété de motifs ou de raisons de prendre du speed ont été invoqués par les jeunes que nous avons rencontrés. Suite à nos analyses, ces motifs ont pu être regroupés en quatre grandes catégories, qui sont chacune apparues de manière importante dans nos quatre groupes. Nous les présentons ici dans un ordre qui ne reflète pas une hiérarchie d’importance. Mentionnons aussi que ces motifs ne sont pas mutuellement exclusifs et qu’il est très probable que certains jeunes consomment pour des motifs différents dans différents contextes, et peut-être parfois pour plusieurs motifs en même temps. La première catégorie de motifs que nous allons aborder contient des motifs que l’on pourrait appeler « hédonistes », c’est-à-dire des motifs qui sont essentiellement caractérisés par la recherche de plaisir. Dans les mots des jeunes, ces motifs ont été exprimés par des expressions telles que « pour le trip », « le fun », « le buzz », « avoir du fun dans les partys », « pour être bien dans l’instant », « pour s’amuser », « pour avoir des sensations fortes », « du plaisir », etc. Également, nous avons entendu fréquemment la remarque que le speed GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 31 pouvait servir à prolonger, à étirer ces moments de grâce en augmentant l’endurance (ex : en dansant) et en tenant réveillé dans une soirée: « tu vas dans un party pis t’es parti pour la nuit » (gars) « mettons que tu vas dans un party genre, tu veux danser toute la soirée, tu vas popper pour avoir de l’énergie tout le temps » (gars). Rappelons aussi que le speed est fréquemment consommé simultanément avec d’autres substances psychotropes et que son utilisation, dans ce contexte, pourrait notamment viser à augmenter ou à prolonger l’effet de ces autres drogues. Les motifs sociaux forment une autre des grandes catégories que nous avons identifiées. Nous avons vu précédemment que le speed avait pour effet, aux yeux de plusieurs, de les entraîner à parler et à chercher le contact des autres. Dans ce sens, certains jeunes ont souligné que le speed pouvait, au même titre que d’autres substances (ex : alcool), agir comme facilitateur social : « Pis garde, moi chuis pas ben ben social, quand je poppe pis qu’on sort, pis qui a un party ou que’que chose, ça me tente de parler à tout le monde. Parce que sinon c’est vedge, tu restes dans ton coin. J’irai jamais voir quelqu’un pour lui parler en premier, quand je poppe, ça me permet de parler à n’importe qui » (gars). » À un tout autre niveau, un deuxième type de motif social est apparu dans nos entrevues, davantage lié à la pression sociale et au désir d’être accepté : pour « être comme les autres», finalement. Si certains jeunes ont contesté l’existence de ce genre de motifs, pour d’autres, il s’agit d’une réalité bien présente. Cette préoccupation pour l’image aux yeux des autres peut également apparaître dans le besoin « d’être cool » et de « se vanter ». Enfin, quelques participants ont souligné le fait qu’au moment de consommer avec leurs amis, leur choix de consommation était fortement influencé par celui des autres : autrement dit, pour s’amuser entre amis, il faut consommer la même chose que les autres « pour être dans le même trip » qu’eux. Cela GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 32 suggère, sans vouloir ici trop extrapoler, un effet potentiel de convergence ou de conformisme des comportements de consommation en contexte social. La troisième catégorie majeure que nous avons dégagée est ce que nous allons appeler ici les motifs de régulation émotionnelle, qui réfèrent à une forme de consommation visant principalement à gérer des émotions ou des situations de vie négatives. Contrairement aux motifs hédonistes, ces motifs ne proviennent pas d’une recherche de sensation positive, mais plutôt d’une tentative de diminuer une sensation négative. Il s’agit d’une consommation qui vise, par exemple, à « se sentir mieux dans sa peau », à « oublier ses problèmes », « à cause des problèmes de famille ou autre », « s’évader de la réalité », « c’est le moment qui me permet de plus penser à ce qui se passe alentour ». Sans doute est-il pertinent d’ouvrir ici une petite parenthèse : les trois catégories de motifs que nous venons d’aborder ne sont pas spécifiques à l’usage de speed. Ils ont déjà été associés à l’usage d’autres substances et, en fait, sont reconnues comme les trois principales motivations liées à la consommation d’alcool chez les adolescents et les jeunes adultes (voir par exemple Kuntsche et coll., 2004; 2006). Nous y reviendrons. En revanche, le quatrième des principaux types de motifs que nous avons recensés semble s’appliquer plus spécifiquement à la consommation d’amphétamines. Il s’agit d’une motivation qui ne vise pas tant l’effet d’intoxication produit par la drogue mais visant plutôt à hausser certaines capacités physiques ou mentales souvent dans le contexte d’une recherche de performance. Cette consommation ne vise pas directement à réduire les émotions positives ou négatives et semble avoir généralement lieu en contexte solitaire. Pour cette raison, nous avons choisi de GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 33 nommer ces motifs « fonctionnels »2. Dans cette catégorie, nous retrouvons d’abord la consommation pour maigrir, liée aux effets anorexigéniques notoires des amphétamines, qui a été relevée dans chacun de nos groupes. Certains jeunes que nous avons rencontrés ont consommé pour ce motif et, dans certains cas, en ont subi des conséquences physiques importantes (« faut que tu saches quand arrêter, j’ai perdu 50 livres à force de popper » (fille)). Il est aussi important de noter, à notre avis, que ce type de consommation était bien connu de l’ensemble des participants que nous avons rencontrés (incluant les garçons) et que ce phénomène nous a été présenté comme une réalité relativement commune dans leur entourage. Ensuite, certains jeunes ont mentionné que le speed pouvait être utilisé pour mieux réaliser certaines tâches comme travailler, étudier, faire le ménage ou même pour faire un examen. Nous avons relativement peu de détails à ce sujet, mais notre compréhension initiale est que ce type d’usage semble principalement associé aux effets d’endurance (ex : garder réveillé) et de performance des amphétamines3. Du côté des garçons, quelques participants ont également parlé d’une consommation en vue d’augmenter les performances en sport, que ce soit en contexte compétitif ou récréatif. Encore ici, nous avons malheureusement recueilli peu de contenu à ce sujet. Des motifs d’initiation Nous avons aussi brièvement interrogé les jeunes concernant les motifs qui les avaient initialement amenés à consommer. Pour bon nombre, il est clair que l’influence sociale a joué 2 Évidemment, cette appellation n’est pas tout à fait parfaite. Les motifs sociaux, par exemple, pourraient être conçus comme des motifs fonctionnels. 3 Cependant, les participants ont remarqué que les effets de « performance » étaient peut-être plus perçus que réels, dans certains cas. Il n’en demeure pas moins que les amphétamines produisent un effet de stimulation psychomotrice. Et n’excluons pas non plus la possibilité que le speed puisse agir à titre d’automédication pour des individus aux prises avec des déficits d’attention/hyperactivité, de par sa similitude avec les traitements pharmacologiques (ex : méthylphénidate/ritalin© ou concerta©) généralement utilisés pour ce type de symptômes. À ce jour, la littérature sur le sujet demeure mitigée. GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 34 pour beaucoup : « Avec des amis, je me suis fait influencer comme tout le monde, c’est souvent comme ça que tu commences, « Envoye, viens-t’en là, essaye juste une fois, tu vas voir c’est le fun. » (gars) « J’étais avec des amis, y m’ont dit prend ça genre, j’ai dis c’est quoi? Puis elles me l’ont dit. J’ai dit : j’ai pas d’argent, mais elles m’ont dit : Je te le donne. Et puis je l’ai pris » (fille). La curiosité d’essayer (« pour l’expérience »; « pour voir le feeling que ça fait ») ou le goût de vivre des sensations fortes ou nouvelles est le deuxième motif principal mentionné dans nos entrevues. Ajoutons aussi que, sans que les jeunes n’en aient parlé directement, nous avons été frappés par la facilité d’accès et la très grande disponibilité du speed dans leur entourage (même en jeune âge). À les entendre relater leur épisode d’initiation, nous restons souvent avec l’impression qu’ils ont essayé les amphétamines sans nécessairement l’avoir explicitement cherché, mais plutôt parce que la pilule était là, accessible (c.-à-d. ils ne sont pas allé vers la drogue, c’est la drogue qui est venue vers eux). L’extrait présenté plus haut dans ce paragraphe est à cet égard parlant. Des différences entre garçons et filles? Un des objectifs premiers des groupes-sonde que nous avons effectués était de déterminer si des différences entre garçons et filles existaient et, autant que possible, de les identifier. Nous avons donc soumis la question directement aux jeunes dans les entrevues. Une seule explication a fait l’unanimité, et a été proposée spontanément dans chacun des groupes, autant dans nos groupes de filles que dans nos groupes de garçons : le fait que la consommation pour maigrir distinguait les filles des garçons : « Ça dépend, un gars va pas, c’est rare qu’un gars va consommer pour maigrir, mais ya des filles qui vont le faire » (fille) « C’est ce que j’ai dit tantôt, la différence c’est que ya beaucoup de filles qui veulent maigrir pis au lieu de faire du sport, ben elles prennent du speed pour maigrir, ça ce fait pas mal GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 35 plus rapidement, sauf qu’un moment donné, ben elles deviennent accros pis elles continuent à en prendre même si elles sont devenues comme un squelette… » (gars) « Mais ya aussi que les filles veulent pas mal plus maigrir que les gars y veulent. Moi en tout cas, c’est juste pour ça que j’aurais vu que le monde prenait du speed quasiment. C’est plus pour maigrir. Tout le monde autour de moi prennent du speed : ah ça va me faire maigrir, nanana. » (fille). Les hypothèses suggérées pour expliquer ce phénomène ont généralement impliqué une plus grande préoccupation des filles pour leur apparence physique (« les filles, c’est plus complexées que les gars. Les gars, qu’ils soient gros, qu’ils soient minces, je pense qu’ils s’en foutent. Les filles, c’est comme « ah non, chuis grosse » (fille)). Mais attention! Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit impossible qu’un garçon consomme pour maigrir. Pour preuve, certains garçons de nos deux groupes masculins nous ont rapporté avoir pris euxmêmes des amphétamines pour cette raison. Il est donc plus juste de suggérer que les filles sont plus nombreuses, en proportion, que les garçons à consommer pour maigrir. Outre ce facteur, aucune autre différence n’a été évoquée systématiquement d’un groupe à l’autre. En fait, nombreux sont d’avis que les similitudes entre les sexes sont probablement plus importantes que les divergences (« c’est sûrement pas si différent que ça. Y’ont sûrement, peut-être pas les mêmes raisons que nous autres » (fille)). Malgré tout, quelques jeunes ont soumis des hypothèses intéressantes, à la pièce. On peut relever, entre autres, celle d’un garçon que nous avons rencontré, qui suggère une certaine différence d’affinité au speed selon les sexes : « Moi dans ma tête, ça toujours été une drogue de filles, quand je commençais, je parlais avec mon ami pendant genre une demi-heure, pis je me disais, (juron), c’est une drogue de filles ça (rires) Parce que les filles, elles sont bien GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 36 contente de parler […]C’est genre que je parle de mes émotions. » (gars). Similairement, une participante croit que les gars de son entourage recherchent davantage l’effet du cannabis que celui du speed : « la plupart de mes amis gars, y’en font [du speed], mais eux y vont plus faire « ah j’aime mieux fumer mon bat » (fille). Enfin, terminons en mentionnant une différence plus subtile, qui n’a pas été évoquée directement par les participants mais que nous avons pu relever en contrastant les discours de nos groupes des deux sexes et qui nous semble digne de mention. Cette différence n’est pas liée aux motifs de consommation du speed comme tels, mais plutôt aux perceptions sociales rattachées au fait de consommer. Plus précisément, nous avons remarqué chez les filles (dans un des deux groupes, en particulier) un grand souci de ne pas être étiquetées comme consommatrices de drogues illicites, souci que nous n’avons pas relevé chez les gars : « Mais par exemple, les filles ont plus de préjugés. Genre une fille qui prend du speed, a passe plus pour, pas la pute, mais tsé, genre, ark est dégueulasse. Mais le gars, ça passe, il est hot » (fille). « Ben tsé aussi, c’est pour pas avoir de préjugés, tsé de se faire pointer du doigt, t’es une droguée, c’est pas le fun. » (fille). Cette préoccupation par rapport à l’image sociale est aussi apparue dans le fait que plusieurs filles nous ont mentionné qu’elles ne voudraient pas que leurs proches soient au courant qu’elles consomment « pour ne pas les décevoir ». GRIP Montréal En bref Façon de consommer le speed • Les jeunes consomment le plus souvent du speed en contexte social, avec des amis qui consomment aussi. • Les événements de type « festif » (raves, partys, afterhours, clubs), regroupant une foule et de la musique, représentent l’occasion prototypique de consommation. • Une variété d’autres contextes de consommation ont été mentionnées (parcs, maison, école, travail, etc.), mais ceux-ci sont moins répandus et ne font pas l’unanimité • Il arrive à certains jeunes de consommer seuls. • La consommation d’autres psychotropes avec le speed est très fréquente, voire même la norme (alcool, cannabis, cigarette). • La consommation de speed peut intensifier la consommation d’autres drogues, ce qui est attribué à ses effets de tolérance, de stimulation psychomotrice et à ses interactions avec d’autres drogues. Effets perçus • Les effets stimulants, euphoriques et remontants du speed sont les effets auxquels les jeunes ont fait allusion le plus souvent. • Plusieurs jeunes ont rapporté avoir subi des conséquences physiques importantes suite à leur consommation (en particulier, une perte de poids excessive). Motifs de consommation • L’analyse a permis d’identifier quatre grandes catégories de motifs, qui ont été évoquées par les participants dans chaque groupe : 1. Les motifs hédonistes, caractérisés par une recherche de plaisir (le fait que certains jeunes peuvent prendre du speed pour intensifier ou prolonger les effets d’autres substances peut être classé ici); 2. Les motifs sociaux, caractérisés par une recherche de facilitation sociale ou par un désir de se conformer aux autres, de faire comme eux; 3. Les motifs de régulation émotionnelle, caractérisés par la gestion des émotions ou des situations de vie négatives; 4. Les motifs « fonctionnels », qui visent à hausser certaines capacités physiques ou mentales et incluent notamment la consommation pour maigrir, compléter des tâches et augmenter la performance en sport. • La consommation visant à maigrir était, de toute évidence, un phénomène familier pour nos participants, autant les filles que les garçons. • L’influence sociale et la curiosité les deux principaux facteurs d’initiation qui ont été soulevés dans nos entrevues. Différences selon les sexes • Aux yeux des participants, la consommation dans le but de maigrir est le comportement qui distingue principalement garçons et filles (mais certains garçons peuvent consommer, eux aussi, pour cette raison). • Ce type de consommation a été imputé à une plus grande préoccupation des filles par rapport à leur apparence physique. • Les filles semblent plus préoccupées par l’image sociale négative qu’elles sont susceptibles de projeter en consommant que les garçons. 4- Discussion Ce rapport visait à mieux comprendre la consommation d’amphétamines chez les adolescents, particulièrement chez les filles. Pour ce faire, après un bref survol de la prévalence et des conséquences associées à la consommation, nous avons présenté une recension des études locales et internationales portant sur les facteurs associés à l’usage de speed chez les adolescents ainsi qu’un compte rendu de quatre groupes-sonde, réalisés auprès de jeunes Québécois et Québécoises du secondaire ayant déjà consommé de cette drogue. Nous allons d’abord résumer ces résultats tout en en soulignant leurs implications pratiques. Au niveau de la prévalence, rappelons que selon les dernières données de l’ISQ (Dubé et al., 2005), près d’un adolescent sur dix au secondaire a consommé des amphétamines au cours de l’année 2006 et que cette proportion était plus haute chez les filles (11,1%). En secondaire V, une fille sur cinq environ en a consommé. C’est nettement supérieur à ce qui est observé ailleurs, dans le monde occidental. De plus, à l’image de l’ecstasy autrefois principalement associée à la culture rave (Pedersen & Skrondal, 1999), il semble au fil des ans que ces substances sont devenues communément consommées chez soi ou entre amis (Degenhardt et al., 2004). Les conséquences potentielles de la consommation d’amphétamines incluent quant à elles des problèmes psychologiques et des symptômes psychiatriques. Cependant, l’âge d’initiation au cannabis explique statistiquement une grande part de ces problèmes. À fortes doses, l’usage d’amphétamines peut aussi entraîner toute sorte de complications, telles que des problèmes physiques. GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 39 La recension des écrits a ensuite permis de mettre en lumière plusieurs facteurs associés à la consommation d’amphétamines. Ces facteurs proviennent de différents domaines de la vie des adolescents (ex. : personnel, familial, pairs). Bien sûr, les facteurs n’ont pas nécessairement un effet causal ou de même importance. À ce jour, il semble que la consommation lourde d’autres substances, les problèmes d’ordre psychologique et la consommation de tabac des parents soient les meilleurs prédicteurs de l’usage d’amphétamine à l’adolescence (Degenhardt et al., 2007). Des analyses préliminaires que nous avons menées dans le cadre d’un projet de recherche sur les facteurs de risque de la consommation d’amphétamines tendent à corroborer partiellement ces résultats même si nous n’avons pas pu inclure exactement la même liste de facteurs. Dans notre étude, parmi un grand nombre de prédicteurs potentiels, la consommation d’autres substances, une faible supervision des parents, les conflits avec les enseignants, la consommation des pairs et les symptômes psychologiques ressortent comme les meilleurs prédicteurs de la consommation d’amphétamines à la fin du secondaire. Nous avons également pu relever certaines différences entre les sexes : par exemple, bien que la zone d’habitation n’ait qu’un effet marginal en considérant un échantillon complet, cet effet se manifeste dans des directions opposées chez les garçons et les filles : les filles ont davantage tendance à consommer des amphétamines si elles vivent en milieu urbain alors que ce sont les garçons ont davantage tendance à consommer en milieu rural. La recension a aussi permis d’identifier différentes fonctions auxquelles peut servir la consommation de speed. Ces fonctions peuvent permettent de mieux comprendre les mécanismes, entre autres cognitifs, par lesquels les adolescents en viennent à consommer et à surconsommer, ce qui peut amener des pistes intéressantes pour l’intervention. Lorsque les GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 40 différentes sont considérées simultanément, il ressort que ce sont surtout les fonctions d’intoxication et de perte de poids qui prédisent l’intensité de l’usage d’amphétamines. Il existe par ailleurs des écarts entre les garçons et les filles à l’égard de certains de ces motifs. Les garçons semblent généralement consommer pour des raisons davantage hédonistes et les filles, davantage pour contrôler leur poids ou leur humeur et pour se sentir attirante. Suite à la recension des écrits, nous avons réalisé quatre groupes-sonde (deux groupes de garçons et deux groupes de filles) qui ont été analysés à partir d’une stratégie d’analyse thématique. Ces entrevues de groupes ont permis de mieux comprendre, en partant de la perspective des jeunes, leur façon de consommer du speed et les motifs qui les poussent à le faire. D’abord, les résultats montrent que la grande majorité, si ce n’est la totalité des participants de nos groupes consomment en contexte social, avec leurs amis et typiquement dans des évènements de type « festif » (raves, afterhours, partys, etc.). Certains consomment aussi dans des contextes plus variés (parcs, à l’école, etc.) incluant dans certains cas, seuls, mais ces autres contextes semblent globalement moins répandus. La consommation de speed est fréquemment accompagnée de la consommation d’autres substances (principalement l’alcool, le cannabis et la cigarette) et entraîne souvent une intensification de la consommation de ces substances, ce qui peut, semble-t-il, être un effet recherché par certains individus. Au niveau des motifs qui poussent à consommer du speed, nos analyses ont permis de dégager quatre grandes catégories : (1) les motifs hédonistes (recherche de plaisir), (2) les motifs sociaux (recherche de facilitation ou d’acceptation sociale), (3) les motifs de régulation émotionnelle (tentative de gérer les émotions négatives) et (4) les motifs GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 41 « fonctionnels » (recherche d’une hausse des capacités physiques ou mentales), qui comprennent la consommation pour maigrir, pour compléter des tâches ou pour performer en sport. La consommation visant à maigrir a d’ailleurs été identifiée comme le principal comportement susceptible de distinguer filles et garçons quant à l’usage d’amphétamines, ce qui a été attribuée par les participants à une plus grande préoccupation des filles pour leur apparence physique. Ceci dit, si ce comportement semble plus typiquement féminin, il serait incorrect de penser qu’il ne peut pas se retrouver chez un garçon, comme en témoigne le fait que deux participants de nos groupes masculins ont mentionné avoir déjà consommé pour cette raison. Trois des quatre grandes catégories de motifs de consommation que nous avons pu identifier dans nos groupes-sonde sont des motifs non spécifiques à l’usage d’amphétamines, étant aussi associés à l’usage d’autres substances. En effet, deux récentes recensions des écrits de Kuntsche et coll. (2004, 2006) montrent que les motifs de mood enhancement (c.-àd. hédonistes), les motifs sociaux et les motifs de coping (c.-à-d. régulation émotionnelle) sont les principaux motifs qui sous-tendent la consommation d’alcool4. Ces motifs figurent également parmi les principales motivations derrière la consommation de cannabis (Simons et coll., 1998). La quatrième catégorie de motifs que nous avons relevée, celle des motifs « fonctionnels », est cependant relativement spécifique à l’usage de speed et est encore assez peu documentée dans la littérature. Étant donné que différents motifs de consommation prédisent généralement des aspects différents de la consommation (ex. : Carey & Correia, 1997; Simons et coll., 1998; Stewart, Loughlin & Rhyno, 2000), il sera important de tenter de 4 La découpe classique de Cooper (1994) comprend en fait quatre types de motifs, puisque les motifs sociaux sont divisés en deux catégories distinctes selon qu’ils proviennent d’une motivation interne (désir d’affiliation) ou externe (désir de conformité). Nous n’avons pas cru nécessaire de faire cette distinction. GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 42 préciser les corollaires (contexte et niveau de consommation, conséquences, etc.) d’un usage associé à de tels motifs. Nous pouvont supposer, par exemple, que les individus qui consomment pour des motifs fonctionnels sont susceptibles de consommer seuls et de façon régulière. Dans l’ensemble, les deux principaux volets de notre étude convergent bien. En termes de profil de consommation, d’abord, il est clair que la plupart des jeunes consommateurs d’amphétamines font aussi l’usage d’autres drogues (en particulier l’alcool, le cannabis et la cigarette). Les résultats de nos groupes-sonde suggèrent que cette polyconsommation est fréquemment, voire même peut-être généralement simultanée. Des observations similaires ont été faites dans certaines études portant sur des populations de jeunes ravers (Boys, Lenton & Norcross, 1997; Riley et al., 2001) et de jeunes universitaires (Barrett, Darredeau & Pihl, 2006). L’usage combiné du speed avec l’alcool apparaît ici comme particulièrement préoccupant d’un point de vue préventif, en raison du fait que les amphétamines peuvent entraîner une intensification des comportements de beuverie et que certains jeunes semblent spécifiquement rechercher cet effet. Quelques études ont déjà soulevé ces enjeux (ex. : Graff Low & Gendaszek, 2002), mais ce phénomène devrait être exploré davantage. Nos deux sources montrent également une bonne concordance en ce qui concerne les motifs qui sous-tendent la consommation de speed. Certains de ces motifs, qui apparaissent plus spécifiques à son usage par rapport à celui d’autres substances, sont entourés d’un contexte et d’implications qui demeurent encore relativement peu connues. C’est le cas, notamment, de la consommation visant à maigrir. Notre étude suggère qu’il s’agit là d’un GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 43 comportement répandu et typiquement féminin, pouvant potentiellement entraîner des conséquences sérieuses. Étant donné que ce type de consommation est susceptible de se présenter dans un contexte sensiblement différent de ceux qui caractérisent habituellement la consommation de psychotropes, une approche préventive particulière devrait être ici privilégiée. Un autre facteur qui ressort clairement autant de nos entrevues que de notre recension, et qui s’avère par ailleurs caractéristique de l’usage de psychotropes en général, est l’influence prédominante des pairs sur les comportements de consommation. Les adolescents consomment typiquement du speed entre amis et les motifs qui les poussent à consommer sont souvent de nature sociale, notamment au niveau de l’initiation. La dimension sociale est reconnue depuis longtemps pour être un vecteur particulièrement influent sur l’usage de psychotropes à l’adolescence en comparaison avec d’autres périodes de vie. Il importe donc impérativement d’en tenir compte dans toute approche préventive, qu’il s’agisse d’une approche universelle ou ciblée. Forces et limites Parmi les forces de cette étude figurent l’exhaustivité de la recension des écrits et sa triangulation avec une étude qualitative. La convergence des résultats de la recension avec ceux des groupes-sonde les renforce mutuellement. Cette convergence montre aussi que l’information venant d’ailleurs, malgré les différences de prévalence, semblent pouvoir s’appliquer ici et nous renseigner afin d’expliquer la consommation d’amphétamines au niveau local. Par ailleurs, le fait que les groupes aient été animés par une modératrice qui avait une expérience d’intervention en toxicomanie a certainement favorisé la qualité des GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 44 données que nous avons colligées, puisqu’elle était familière avec le contenu abordé et habilitée à interagir positivement avec les jeunes. Une autre force est que la grille d’entrevue a été montée à partir des directives suggérées dans le guide de référence sur les groupessonde de Kruger (1998). En étant relativement ouverte (semi-structurée), la grille permettait aux jeunes d’avoir une place suffisante pour s’exprimer et minimisait les chances qu’ils se sentent coincés, en position de devoir répondre à un interrogatoire. Les groupes-sonde comportaient aussi une composante interactive pour stimuler la participation et nous avons porté une attention particulière afin de bien recueillir l’opinion de tous nos participants, même les moins bavards. Filles et garçons ont aussi été rencontrés séparément dans le but d’analyser des groupes relativement homogènes et de pouvoir les contraster par la suite. Au niveau du traitement des données, il est important de souligner que les opérations de codification et d’analyse ont été menées par deux chercheurs expérimentés en recherche qualitative. La triangulation de points de vue multiples est considérée comme une des principales stratégies permettant de valider et d’enrichir les résultats qualitatifs (ex. : Patton, 1990). Malgré ses forces et son caractère novateur, cette étude présente toutefois quelques limites. D’abord, il ne faut pas perdre de vue que, même si elle a permis de dégager des pistes intéressantes, notre étude est sommaire et avant tout préliminaire. Il sera essentiel de poursuivre les efforts de recherche qui ont été réalisés jusqu’à maintenant, notamment en construisant sur les pistes et constats qu’ils ont permis de dégager. Nous espérons d’ailleurs que ce document pourra s’avérer utile dans cette optique. Le caractère auto-révélé des informations recueillies dans le cadre des groupes-sonde et dans la majorité des études empiriques recensées représente, d’un côté, une limite car les participants peuvent avoir GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 45 voulu camoufler certaines informations ou, inversement, en exagérer d’autres (par désirabilité sociale, par exemple). Cependant, la contrepartie de cette limite, du point de vue de la démarche qualitative, est de pouvoir accéder à leurs représentations, à leurs perceptions, à leur façon de comprendre les choses, à ce qui est le plus important à leurs yeux. L’inclusion de certaines études transversales dans la recension des écrits (vu le faible nombre d’études longitudinales sur le sujet) constitue aussi une limite quant aux conclusions à propos de ce qui précède la consommation d’amphétamines. Précisons aussi qu’il est probable que notre stratégie d’échantillonnage n’ait pas permis de considérer tous les types de jeunes consommateurs de speed qui existent au Québec. Notamment, pour diverses contraintes, nous n’avons pas pu tenir compte de différents milieux socioéconomiques ou de différentes régions de la province dans l’échantillonnage de nos groupes. À cet égard, nous n’avons pas recruté de jeunes de milieux ruraux par exemple. Ainsi, en regard de l’étude préliminaire mentionnée plus tôt identifiant des différences entre les sexes selon leur réalité sociogéographique, les jeunes de milieux ruraux pourraient être influencés par des mécanismes différents. Enfin, les groupes-sonde constituent un outil intéressant pour cerner des tendances globales et pour stimuler les débat entre individus mais ils ne permettent pas de creuser en profondeur sur le profil de chaque individu et sur leur trajectoire personnelle (ex. : comprendre l’évolution de la consommation des jeunes selon leur contexte de vie personnel). Dans une perspective d’approfondissement, il sera intéressant dans le futur de miser sur une stratégie reposant davantage sur des entrevues individuelles ou encore, sur des méthodes mixtes, alliant des composantes quantitatives et qualitatives. GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 46 Pistes de recherches futures Cette étude étant sommaire, il reste beaucoup de réponses à apporter aux multiples questions d’ordre théoriques et pratiques à propos de la consommation d’amphétamines. La recherche à venir doit viser à mieux comprendre ce qui distingue les motifs de consommation « fonctionnels » et la consommation solitaire. Qui sont les jeunes qui consomment pour d’autres raisons que pour faire la fête ou qui consomment seuls? Pourquoi consomment-ils seuls? Quelles fonctions attribuent-ils à cette consommation? Comment en sont-ils venus là? Quelles sont les caractéristiques de ces jeunes? Y a-t-il des jeunes qui consomment exclusivement seuls? De plus, les études à venir devront tenter de mieux comprendre pourquoi la consommation d’amphétamines semble se démarquer au Québec. Qu’est-ce qui explique que c’est au Québec qu’il se consomme le plus de méthamphétamines en Amérique du Nord? Quels sont les facteurs qui expliquent cela? L’accessibilité? Les facteurs culturels? Il nous semble important de tenter de répondre à ces questions. Par rapport aux résultats indiquant une polyconsommation fréquente et répandue, il importe dans les études futures de tenir compte de la polyconsommation et de ne pas chercher à isoler la consommation d’amphétamines des autres consommations. Il en va de la validité écologique des connaissances. Il faut aussi que la recherche continue à explorer les différences selon les contextes de consommation. Ceux-ci peuvent avoir un impact majeur associé à des patrons de consommations particuliers qui ne sont pas associés aux mêmes facteurs et qui ne se développent pas par les mêmes mécanismes. Enfin, les futures études GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 47 devraient tenter d’identifier spécifiquement les problèmes liés à différents types de consommation d’amphétamines. GRIP Montréal 5- Recommandations Considérant la prévalence très élevée de consommation des amphétamines chez les jeunes Québécois, particulièrement les jeunes Québécoises, en comparaison aux autres pays occidentaux, y compris le reste du Canada, nous recommandons : • Que des études soient réalisées afin de mieux comprendre ce qui explique cet état de fait; • Que le ministère continue de prioriser l’intervention ciblant la consommation d’amphétamines dans l’intervention. Considérant que la consommation d’amphétamines n’est plus exclusive aux raves et afterhours et est maintenant consommée dans d’autres contextes, par des jeunes qui ne fréquentent pas nécessairement ce type d’événements ou ne sont pas adeptes de musique techno, nous recommandons : • Qu’un effort particulier soit fait afin de rejoindre les jeunes dans d’autres endroits qu’ils fréquentent (bars, cafés, universités, etc.). Considérant l’importance démontrée de certains facteurs de risque quant à la consommation de speed (en particulier : consommation lourde d’autres substances, fréquentation d’amis déviants ou consommateurs, faible supervision parentale, symptômes dépressifs ou anxieux), nous recommandons : • Que ces facteurs devraient être ciblés en priorité dans des approches de prévention. GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 49 Considérant que les différences entre les garçons et les filles quant à la consommation d’amphétamines ne sont probablement pas liées uniquement à des facteurs concomitants (ex. : motifs), mais aussi à des facteurs de risque antécédents à cette consommation, nous recommandons : • Que des études longitudinales sur le sujet soient réalisées. Considérant le fait que les amphétamines sont fréquemment consommées simultanément avec d’autres substances psychoactives, en particulier l’alcool, le cannabis et le tabac, nous recommandons : • Que les jeunes soient bien informés quant aux risques de consommer des amphétamines avec d’autres substances simultanément; • Que soient mises en œuvre des interventions préventives de réduction des méfaits axées sur la consommation d’amphétamines avec d’autres psychotropes, particulièrement d’autres stimulants et l’alcool, pour éviter les risques ponctuels qui y sont associés (toxicité, comportements à risque); • Que les études sur les amphétamines tiennent compte de la polyconsommation simultanée qui l’accompagne souvent plutôt que d’en faire abstraction (par exemple, en contrôlant pour la consommation d’autres substances). Considérant qu’il existe différents motifs de consommation dont certains semblent « fonctionnels » et liés à une consommation en contexte solitaire, nous recommandons : • Que soient adaptées les stratégies préventives aux motifs de consommation, en particulier les motifs « fonctionnels » et à la consommation solitaire; GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes • 50 Que soient réalisées des études sur les facteurs associés à ce type de consommation (caractéristiques des consommateurs, contextes de consommation, conséquences spécifiques, etc.). Considérant que plusieurs filles et certains garçons consomment pour maigrir et que ce motif semble déjà bien connu des jeunes, nous recommandons : • Que les adultes significatifs soient informés de l’existence de ces motifs de consommation pour qu’ils puissent réagir avec diligence s’ils constatent une perte de poids rapide et spontanée chez un jeune. Ils pourraient ainsi être mis à contribution pour le dépistage des consommations problématiques; • Que les médecins et intervenants spécialisés en troubles alimentaires soient sensibilisés à ce type de consommation afin de mieux pouvoir la dépister; • Que soient réalisées des études sur les facteurs associés à ce type de consommation (caractéristiques des consommateurs, contextes de consommation, conséquences spécifiques). Considérant que les filles semblent davantage préoccupées que les garçons par l’image négative qu’elles projettent par leur consommation, nous recommandons : • Que les intervenants de première ligne collaborant au dépistage soient sensibilisés à l’effet que les jeunes filles puissent vouloir cacher leur consommation davantage que les garçons; • Que soit adoptée une approche non confrontante dans les interventions et les campagnes de sensibilisation visant à transmettre des informations aux jeunes filles. GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes 51 Considérant que beaucoup de jeunes consomment du speed malgré l’interdit, nous recommandons : • Que soient expérimentés des projets pilotes de prévention à tous les niveaux du continuum de service et les évaluer, qu’il s’agisse de programmes ciblés à l’école, d’un service d’analyse de substances ou d’interventions novatrices dans les bars, les raves et les afterhours. GRIP Montréal Consommation d’amphétamines chez les jeunes Références Adalbjarnardottir, S., & Hafsteinsson, L. G. (2001). Adolescents’ perceived parenting styles and their substance use: Concurrent and longitudinal analyses. Journal of Research on Adolescence, 11(4), 401-423. Adalbjarnardottir, S., & Rafnsson, F. D. (2002). Adolescent antisocial behavior and substance use: Longitudinal analyses. Addictive Behaviors, 27, 227-240. Adlaf, E. M., Begin, P., Deguire, A.-E., Garlick, R., Racine, S., Sawka, E., et al. (Éds.). (2004). 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Aujourd’hui, c’est nous qui vous demandons de nous aider! N’ayez craintes, vos réponses demeurent confidentielles et il sera impossible de vous reconnaître. *consentement 1. Pour commencer, j’aimerais qu’on fasse un tour de table et que vous nous disiez votre nom, votre âge et la chose que vous préférer le plus faire. (on veut qu’ils n’élaborent pas trop) (5 min.) 2. C’est quoi pour vous du speed? (5min.) a. Comment vous en décririez-vous les effets? b. Effets négatifs? 3. Parler nous de votre consommation de speed (20 min.) a. Comment en êtes-vous arrivé à en prendre la première fois? Et depuis? b. Est-ce qu’il vous arrive de consommer d’autres substances? En même temps? c. Que pensent tes parents (ou penseraient s’ils ne le savent pas) de ta consommation? 4. Écrivez sur un bout de papier toutes les raisons pour lesquelles vous pensez que les gens consomment du speed. (inscrire les réponses sur un tableau en ajoutant des astérisques pour les réponses qui reviennent. Ensuite, demander aux participants celles qui s’appliquent à eux ou pas) Si les suivants ne sortent pas, les ajouter après et dire « on entend souvent ces éléments en lien avec la consommation » qu’en pensezvous? (25 min.) a. Plaisir/fun b. Endurance c. Arriver à faire tout ce que tu as à faire d. Attirance e. Émotions f. Maigrir g. Amis 5. Nommez différents endroits et situations dans lesquels les gens consomment du speed. (inscrire les réponses sur un tableau en ajoutant des astérisques pour les réponses qui reviennent. Ensuite, demander aux participants celles qui s’appliquent à eux ou pas) (25 min.) a. Si ça ne sort pas : Party, Maison, École, dehors, seul ou en groupe? b. Différences entre les endroits et situations? c. Pensez-vous que c’est différent entre les gars et les filles? 6. Selon les dernières données provinciales, il semble que les filles soient plus nombreuses à consommer du speed que les garçons. Si vous étiez à notre place comment expliqueriez-vous ça? (5 min.) 7. Qu’avez-vous à ajouter? Avez-vous des questions ou commentaires? (5 min.) APPENDICE B FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ET QUESTIONNAIRE Groupes-sonde du GRIP Montréal FORMULAIRE DE CONSENTEMENT Je consens librement à participer au « Projet de recherche sur les amphétamines ». Ma contribution implique la participation à une entrevue de groupe (6-8 personnes) d’une durée d’environs 1h30. Je comprends que : L’objectif principal de la recherche consiste à mieux comprendre la consommation d’amphétamines (speed) chez les adolescents et adolescentes. Cette recherche est menée par le GRIP Montréal, un organisme communautaire qui travaille en prévention des problèmes associés à la consommation de drogues, à la demande du ministère de la Santé et des Services Sociaux (MSSS). L’entretien sera enregistré sur bande magnétique audio. Toutes les informations livrées lors de la séance seront traitées d’une façon confidentielle et l’anonymat concernant toutes les données sera préservé. Si ma participation suscite des réflexions ou des souvenirs émouvants ou désagréables, l’agent de recherche m’apportera son soutien et prendra les mesures nécessaires, pendant et après l’entrevue, pour éviter que je vive des conséquences négatives. Je pourrai consulter le rapport final. En tout temps je peux cesser ma participation sans risque de conséquences négatives. Compte tenu du temps que j’accepte de consacrer à cette étude, l’équipe de recherche m’offre de participer dans un tirage me permettant de gagner un certificat-cadeau d’une valeur de 10$. ____________________________________________________________ Participant(e) (nom en lettres majuscules) ____________________________________________________________ Signature du participant ____________________________________________________________ Témoin (chercheur) ____________________________________________________________ Date Décembre 2007 Groupes-sonde du GRIP Montréal 1- Quel est ton prénom? ___________________________ 2- Tu es…. 1 2 un garçon une fille 3- Quel âge as-tu? ____________________ 4- Qu’aimerais-tu faire plus tard? _______________________________________________________________________________ _______________________________________________________________________________ _______________________________________________________________________________ 5- Quel niveau de scolarité a atteint ta mère ? Secondaire non complété………………………………………………...… O Secondaire 5 complété……………………………………………………… O Études post-secondaires complétées (cégep, université, etc.) ……….. O 6-Quel niveau de scolarité a atteint ton père? Secondaire non complété……………………………………………… O Secondaire 5 complété……………………………………………….… O Études post-secondaires complétées (cégep, université, etc.) ….… O 7-Au cours des 12 derniers mois, combien de fois t’est-il arrivé de consommer des amphétamines (speed)? Jamais Une ou deux fois Entre 3 et 5 fois Plus de 5 fois À quel âge as-tu commencé à consommer des amphétamines (speed)? ________________ T’est-il déjà arrivé de consommer des amphétamines (speed) avec de l’alcool ou d’autres substances? _____________ Si oui, laquelle ou lesquelles? _______________________ _______________________ _______________________ _______________________ _______________________ Décembre 2007 Groupes-sonde du GRIP Montréal As-tu déjà pris une des drogues suivantes ? Coche toutes les cases qui conviennent dans chaque ligne. a) b) c) d) e) f) g) h) Alcool Cannabis (marijuana, haschisch) Cigarette Ecstasy LSD ou autres hallucinogènes (ex : champignons) GHB Cocaïne Crack Non Oui, 1 ou 2 fois Oui, 3 à 5 Oui, plus fois que 5 fois Décembre 2007