Le BTP à l`heure de la maintenance préventive
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Le BTP à l`heure de la maintenance préventive
entreprise moyens de levage Réglementation Le BTP à l’heure de la maintenance pr Les récentes campagnes de contrôle des appareils de levage utilisés sur les chantiers accompagnent l’évolution réglementaire et le processus de normalisation européenne. Pierre Picart, ingénieur en charge des équipements mobiles de travail et des appareils de levage au ministère du Travail, explique l’intérêt, pour la prévention, d’une démarche coordonnée systématisant le retour d’expériences. Travail & Sécurité. Le ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité a lancé, en 2005 et 2007, deux campagnes de contrôle des grues utilisées notamment dans le BTP. Au-delà des bilans rendus publics par la Direction générale du travail (1), quels sont les effets attendus ? L’Europe de la sécurité L e législateur européen élabore des directives fixant des objectifs généraux, les « exigences essentielles d’hygiène et de sécurité », et laisse aux fabricants, utilisateurs, organismes de prévention et pouvoirs publics, le soin d’établir par quels moyens atteindre ces objectifs. Les normes harmonisées élaborées dans ce cadre ont pour finalité d’assurer la libre circulation des produits à l’intérieur de l’Espace économique européen, tout en protégeant la santé et la sécurité des travailleurs. Elles doivent permettre d’atteindre un haut niveau de sécurité et de santé tout en tenant compte de l’état de la technique. Il est donc essentiel que ces normes soient élaborées et mises à jour avec la participation de toutes les parties prenantes : fabricants, installateurs, utilisateurs (entreprises, artisans et travailleurs), organismes de prévention et pouvoirs publics. ■ Pierre Picart, ingénieur en charge des équipements mobiles de travail et des appareils de levage au ministère du Travail. Les contrôles réalisés au cours de ces deux campagnes ont porté principalement sur les vérifications réglementaires, la conformité des grues, le carnet de maintenance, l’examen approfondi des grues à tour et l’état des accès aux postes de travail. Dans ces différents domaines, la réglementation est désormais plus formalisée (cf. encadré). Le début des années 2000 a constitué un tournant, puisque la période transitoire de mise en conformité a pris fin en 2002 et que les nouvelles règles de maintenance ont commencé à s’appliquer en 2004. À l’instar des pratiques initiées dans l’industrie, les appareils de levage 34 Travail & Sécurité – Septembre 08 du BTP doivent désormais s’inscrire dans une logique de maintenance préventive et de maintien en conformité. La maintenance préventive était jusque-là l’apanage des majors de la profession et des entreprises les plus organisées du secteur. L’objectif principal de nos actions est de contrôler l’effectivité de l’application des règlements afin de réduire les risques d’accidents liés à un défaut de maintenance. En effet, toute négligence dans ce domaine peut avoir des conséquences graves sur les travailleurs ou le voisinage du chantier, notamment lorsque la charge tombe ou, pire, lorsque tout ou partie de la grue se renverse. De même, outre l’effet positif sur les conditions de travail, l’amélioration de l’accès aux cabines des grues ou aux organes mécaniques est un facteur de sécurité pour le personnel affecté à la conduite ou bien à la maintenance. Les campagnes de contrôle prolongent l’action quotidienne des agents, renforcent l’effectivité de la réglementation et s’inscrivent de manière cohérente dans le processus d’évolution de la réglementation et de la normalisation. Elles constituent un ensemble de constats irréfutables, utilement complétés par les études des organismes de prévention. Constate-t-on des évolutions notables ? ■ P. P. Entre 2005 et 2007, plus de 1 000 examens approfondis des grues à tour ont été réalisés, et environ 250 Contrôle des grues De la visite approfondie à la maintenance préventive éventive Quelles sont les conséquences d’un resserrement des exigences de contrôle de l’état des grues sur les activités d’un vendeur-loueur ? Jean-Philippe Valente, directeur général de la société qui porte son nom, témoigne des efforts d’adaptation de la profession. © Photothèque Eiffage Construction I La période transitoire de mise en conformité a pris fin en 2002 et les nouvelles règles de maintenance ont commencé à s’appliquer en 2004. d’entre elles retirées du marché ou envoyées à la ferraille. Nous avons pu constater une avancée dans l’application du droit. De un tiers de machines répondant aux obligations réglementaires, nous sommes passés à deux tiers lors de la seconde campagne. L’action des inspecteurs et contrôleurs du travail lors de la première campagne a porté ses fruits. Lorsqu’il y a une demande de l’inspection du travail, les délais de réponse des entreprises peuvent s’avérer très variables et aller de un à quelques mois. Les aspects positifs de la campagne ne peuvent donc être constatés que sur une mplantée dans l’Ain, sur la rive gauche du Rhône à la hauteur de Belley, la société Valente assure la commercialisation et la location de grues à tour dans les régions Rhône-Alpes, Auvergne, Bourgogne-Franche-Comté et le Nord de Provence-AlpesCôte d’Azur. « Depuis dix ans, notre activité progresse rapidement, explique JeanPhilippe Valente, directeur général. Sur les quatre dernières années, nous connaissons même une croissance à deux chiffres. » Le parc des machines de la société est relativement récente puisque, depuis 2000, Valente a fortement investi dans l’achat de matériel neuf. Le marché de la location, proposant une gamme diversifiée de matériel, répond au développement de chantiers de plus en plus complexes. Avec la réduction du temps de construction, la rotation des grues s’accélère. En outre, les entrepreneurs recherchent des grues plus puissantes, pouvant acheminer aussi bien une benne de béton qu’une banche ou bien une prédalle. « La technologie des grues ellemême s’est perfectionnée pour faciliter le montage et favoriser la rapidité de mise en œuvre », commente JeanPhilippe Valente. De plus d’une semaine, on est passé à seulement deux jours de travail pour monter une grue à tour. Le levage des éléments à la grue mobile tend à supplanter la technique du télescopage. Le recours aux grues à montage automatisé s’accroît également : deux heures suffisent pour déployer la mature et la flèche. Plannings chargés Fortement sollicitée par la demande de ses clients, la société Valente doit également faire face aux nouvelles exigences de maintenance des grues : son activité de vente-location englobe le montage et le démontage des grues, ainsi que leur maintenance. « Nous devons non seulement faire face à la demande de “visites approfondies” relatives à notre propre matériel, mais aussi à celle de nos clients acheteurs, explique Jean-Philippe Valente. Les obligations dans ce domaine nous posent des problèmes de planning. Une visite approfondie se déroule en deux temps : l’inspection de la grue à tour sur site, pour vérifier l’état de la charpente, et l’intervention en atelier. Cette dernière étape consiste à démonter les organes de sécurité. Le démontage est obligatoire tous les cinq ans, les réducteurs sont changés tous les douze ans. Une telle visite dure en moyenne environ deux semaines. Actuellement, nos moyens en personnel comme en locaux sont insuffisants et ne nous permettent d’effectuer qu’environ 25 visites par an. Le reste est sous-traité. Nous projetons d’investir sur un site peu éloigné qui comportera une aire de stockage appropriée ainsi qu’un atelier de révision comptant quatre postes de travail au lieu d’un. » Pour garantir la sécurité et la fiabilité, il faut que cette visite s’inscrive dans une logique de maintenance préventive. Quelques données • Activité : commercialisation de grues à tour neuves et d’occasion, location, service après-vente, montage, démontage et entretien des machines. • Nombre de salariés : 43 personnes dont 10 techniciens au dépôt. • Équipements : aires de stockage, atelier mécanique et peinture. • Parc : 350 machines de 1 à 16 tonnes. • Chiffre d’affaires 2007 : 40 millions d’euros. Travail & Sécurité – Septembre 08 35 entreprise moyens de levage Repères • 5 décembre 2002 : à partir de cette date, les grues mises sur le marché avant 1995 doivent être conformes avec les articles R.233-15 à R.233-41 du Code du travail. • 1er mars 2004 : un arrêté précise les obligations de vérification réglementaires périodiques lors de la remise en service. • 2 mars 2004 : un arrêté précise les obligations de tenue d’un carnet de maintenance qui s’impose au chef d’établissement propriétaire d’une grue. • 3 mars 2004 : un arrêté précise les conditions de maintenance : « Si la maintenance prévue par le constructeur n’est pas réalisée, il faut procéder tous les cinq ans à un examen approfondi. » • 24 mars 2005 : une circulaire ministérielle DRT 2005-04 détaille l’examen approfondi des grues à tour. 36 Travail & Sécurité – Septembre 08 Comment l’action engagée par les pouvoirs publics vat-elle se développer ? ■ P. P. Les engins mobiles et les appareils de levage comptent parmi les types de machines qui occasionnent le plus grand nombre d’accidents dramatiques en milieu de travail. Or, l’évolution actuelle des techniques de construction, la pénurie de main-d’œuvre et la nécessité d’accroître la productivité des chantiers favorisent la mécanisation et l’utilisation accrue des appareils de levage. Le parc des grues à tour ou mobiles continue à progresser. Celui des chariots automoteurs à portée variable augmente encore plus rapidement pour répondre aux besoins de polyvalence des chantiers de construction de logements individuels ou en petits lots collectifs. Pour tous ces types d’équipements, nous participons au processus d’élaboration de normes européennes (cf. encadré page Entre 2005 et 2007, environ 1 000 examens approfondis ont été réalisés et 250 machines retirées du marché ou envoyées à la ferraille. précédente) aux côtés d’orga nismes de prévention tels que l’INRS (3). Le contrôle et la surveillance du marché, complétés par le recueil d’informations et le retour d’expériences © Frédéric Dollé/CRAM AM la modernisation du parc en France. Les délais de livraison de machines neuves étant très longs, des grues anciennes ont été remises en activité, notamment dans les dépôts de matériels, pour assurer les manutentions. Par ailleurs, échelles, paliers, plates-formes ou garde-corps ont été contrôlés : un tiers des grues présentent des accès dangereux, ou mal entretenus. Les moyens d’accès ont fait l’objet de recommandations (2), mais n’étaient pas visés par la mise en conformité des machines. certaine durée. Autre constat : la période a été marquée par une situation de pénurie liée à la demande mondiale de matériel, notamment dans des zones économiques en forte croissance comme l’Asie du Sud-Est ou la péninsule arabique. Cette conjoncture tendue ne favorise pas © Léonard de Serre Le BTP à l’heure de la maintenance préventive Les engins mobiles et les appareils de levage comptent parmi les classes de machines qui occasionnent le plus grand nombre d’accidents dramatiques en milieu de travail. des utilisateurs d’équipements marqués CE, visent à garantir le respect des exigences essentielles de santé et de sécurité. L’exemple des chariots automoteurs à portée variable illustre la démarche suivie. En corrélation avec le développement du parc, nous avons constaté une recrudescence d’accidents dus à la surcharge et au renversement de ces engins. Même ceux récemment mis sur le marché peuvent être démunis de dispositifs empêchant le renversement alors que la directive machine l’exige. Dans la perspective d’une amélioration de la norme, une vaste enquête a été lancée auprès des utilisateurs dans six pays membres de l’Union européenne dont la France. Ses conclusions vont bientôt être transmises au comité européen de normalisation. 1. « Grues à tour et grues mobiles : 2 500 machines contrôlées ». Travail & Sécurité n° 681, février 2008. Téléchargeable sur www.travail-et-securite.fr. 2. Comités techniques nationaux de la CNAMTS et comités techniques régionaux des CRAM. 3. Les experts de l’INRS font partie du réseau de préventeurs européens engagés dans l’activité de normalisation Euroshnet (EURopean Occupational Safety and Health NETwork) Propos recueillis par Jean-Paul Richez Grues mobiles Sogecofa et le retour d’expériences Au contact de ses clients industriels, Sogecofa, société de location de grues mobiles, a fait évoluer son système participatif de gestion de la qualité, l’hygiène, la sécurité et environnement. © Frédéric Dollé/CRAM AM L e parc matériel Sogecofa, société de location de grues mobiles, de Cernay, (Haut-Rhin) témoigne de la diversité de la demande de ses clients. Parmi ses 110 engins, il compte notamment une grue de très grande capacité, une grue compacte et des grues sur camion. « Nos clients appartiennent d’abord au secteur du BTP puis à celui de l’industrie », explique Michel Licausi, directeur de l’entreprise. Depuis les années 1990, le groupe d’origine familiale a connu une forte croissance. De 300 collaborateurs dans les années 2000, son effectif est passé à 400 salariés répartis actuellement sur une vingtaine d’agences. « Nous avons évolué du levage vers des prestations intégrées de maintenance et de transfert en milieu industriel », détaille le directeur. Depuis 2003, Sogecofa est habilitée pour intervenir sur les sites chimiques classés Seveso. Cette diversification s’est étendue, en 2006, à des activités de tuyauterie, chaudronnerie et serrurerie industrielle. Afin de répondre aux exigences de ces marchés et pour mieux maîtriser les risques liés aux opérations de manutention et de maintenance, le « levageur » a révisé son organisation et formalisé son système de gestion de la qualité, l’hygiène, la sécurité et l’environnement (QHSE). « Nous avons près d’une décennie d’expérience des Sur son formulaire de commande, le client doit préciser la nature de l’environnement dans lequel doit évoluer la grue, systèmes de management ISO et notamment la et, plus récemment Oshas (1) », stabilité du sol, commente Mathieu Luttringer, la présence d’une responsable QHSE. L’entreprise ligne électrique de Cernay ne s’est cependant Sogecofa a mis en place un système de retour et les risques spé pas contentée de mettre en d’expériences destiné à enrichir ses procédures cifiques liés à l’inplace de nouveaux outils ou de sécurité. procédures. « Elle a fait évoluer d’instructions de travail sont tervention. La démarche vise à son système de management périodiquement réactualisées sensibiliser les utilisateurs de en santé et sécurité au travail en tenant compte des retours grues à l’expression des besoins en l’adaptant à une activité très d’exploitation et des incidents et à responsabiliser ceux qui décentralisée et répartie sur de signalés. En cas d’accident, les méconnaissent leur rôle dans multiples chantiers », souligne données sont communiquées le cadre d’une location simple. Daniel Jurgensen, contrôleur à tous en moins de 24 heures Cette procédure s’appuie sur de sécurité de la CRAM Alsace- grâce à un bulletin intitulé le Guide des bonnes pratiques Moselle. Le système de gestion Flash info. L’analyse des cau- d’utilisation des grues mobiles s’est ainsi enrichi de données ses accidentelles ou bien d’in- édité par le syndicat natioissues de l’expérience qui cidents significatifs sera, bien nal des utilisateurs de grues repose d’abord sur les salariés entendu, commentée à nou- (SNUG). À l’issue de chaque et l’encadrement de proximité. veau en CHSCT. Le retour d’ex- intervention, le grutier rédige ploitation passe également une « fiche d’adéquation » qui par la rédaction de fiches de évalue les conditions réelles Communication non-conformité après accident, de l’opération par rapport à la transparente incident, sinistre ou anomalie. situation décrite et va alimenL’évolution de l’organisation Leur contenu vient alimenter ter le rapport d’intervention du travail et des outils de suivi l’ordre du jour d’une dizaine de accompagnant chaque bon de des interventions atteste de la réunions annuelles de l’enca- travail. « L’historique des atteinvolonté de favoriser la remon- drement. Et toutes ces données tes aux personnes et des dystée d’informations relatives sont synthétisées et donnent fonctionnements vient enrichir aux difficultés d’exploitation. lieu à des indicateurs qui sont l’évaluation des risques, note Ainsi, les règles de travail for- complétés par des données Mathieu Luttringer. Et pour rassembler ces données et les malisées dans une centaine recueillies auprès des clients. intégrer dans notre document unique, nous avons mis au point un logiciel. » L’actualisation des documents uniques s’en trouve • Activité : levage, maintenance industrielle, location. ainsi facilitée. Le groupe en quelques chiffres • Nombre de salariés: 400 personnes pour le groupe dont 200 personnes pour la filiale Est. • Équipements : 140 grues mobiles à flèche télescopique, de 25 à 500 tonnes. • Parc : 350 machines de 1 à 16 tonnes ; 110 machines pour la filiale Est. 1. Système de management de la santé et de la sécurité au travail. 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