le journal televise
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LE JOURNAL " , TELEVISE Arnaud Mercier PRESSES DE SCIENCES PO LE JOURNAI. taa TELEVISE LE JOURNAI ,a TELEVISE Politique de l'informotion et informotion politique Arnoud Mercier PRESSES DE LA FONDATION NATIONALE DES SCIENCES POLITIQUES Catalogrge Électre-Bibliographie (avæ le concours des services de documentation de la FNSP) Mercier, Amaud Le joumal télévisé : politique de l'information et information politique. de Sciences Po,7996 ISBN 2-7246-0709-0 RAMEAU : - Patis : Presses télévision : émissions de nouvelles : France joumalistes de Élévision: France DElrEy: Public âiîyl'î";if;,',,1]"'Fi;,;J'1î,,,"". Activités concerné, ffmff:Hu Le photocopillage tue le livre Le logo qui figure sur la couvernrre de ce livre mérite une explication. Son objet est d'alertet le lecteut sur la menace que représente pour l'avenir de l'éctir, rout particulièrement dars le domaine des sciences hmaines et sociales, le développement massif du " photocopillage ". Ia loi de 1957 sur la propriété intellectuelle interdit en effet expressément la photocopie à usage collectif sans autoristion des ayants droit (seule la photocopie à usage privé du copiste est autorisée). Or, cette pratique s'est généralisée, pmvoquanr une brutale baisse des ventes, au poiot que la possibilité même d'diter conectemeûr ce type d'ouvrages esr aujourd'hui menacée, Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, du pr&ent ouvrage esr interdite sans autodsation de l'éditeur ou du Centre fraoçais d'exploitation du droit de copie (CFC, 3, rue Hautefeuille, 75006 Paris). ISBN de la version numérique : 9782724685312 Cotuerture: Emmmuel Le Ngoc @ T996. PRESSES DE LA FoNDATIoN NATIONAIE DES SCIENCES POLITIQUES Pour Dame Florence et Maître Jean TABTE DES MATIÈRES lntroduction et remise en cause de l'information télévisée ..... Pour une mise à distance du journal télévisé. Espace public et catégories de jugement et de mise en Succès récit.. 11 16 18 Les journalistes de télévision face à de multiples conrra- dictions Bref historique du journal télévisé 20 2I PREMIÈRE PARTIE JOURNALISME TÉLÉVISÉ ET POUVOIR POLITIQUE Cbapitre 1 LE TR,{UMA ORIGINEL r949-1958 un contrôle politique déjà fort. la mainmise politique la libéralisation limitée r972-1975 la reprise en main. r97r-r988 permanence du contrôle et autonomie pro1.958-r969 1969-1972 gressive 36 37 40 42 48 -6Cbapine 2 LEs JoURNALISTES EN QUÊTE D'AUTONOMIE POLITIQUE Imposer les logiques télévisuelles Professionnaliser le journalisme télévisuel. Promouvoir un modèle de .. neutralité " journalistique. Se réapproprier la mission de service public 56 60 69 70 Cbapitre 3 JOURNÂLISTES ET HOMMES POLTTTQUES Des relations croisées et antagonistes.... Des croyances communes 78 : le terrain d'entente, 78 - Des Des : la nécessaire coopération, 81 intérêts divergents : le maintien de rapports de forces, 86 - L'impossibilité d'une analyse univoque, 90. objectifs dépendants Des relations régulées 92 L'existence de règles tacites, 93 - Des règles tacites qui aboutissent à une culture commune, 98. Cbapi*e 4 LE JOURNALISME TÉLÉVISÉ DANS L'ESPACE PUBLIC public à l'ère de la communication de masse... L'" effet de croyance ', en la puissance des médias Les liens étroits entre communication médiatique et 108 111 Les rhétoriques justificatives du journalisme télévisé .... Obtenir la confiance du public, I2I - Les justiûcations journalistiques, 124 - I^a rhétorique de la mission civique, 126 - Les rhétoriques conjointes: neutralité et indépen- I20 L'espace politique. àance, I32. L'espace public réduit à un espace comnaunicationnel ....... IIt 135 SECONDE PARTIE LE TRAITEMENT DE LA POLITIQUE AU JOURNAT TÉLÉVISÉ Cbapitre 5 sE DÉFATRE DE L'EMPRISE Le sens de rÉrÉusunur I'image L44 une sociologie de I'image, 146 l'image ? 148. Savoir défaire - I44 - Pout Quel est le pouvoir de Les obstacles à I'analyse de I'image télévisuelle, I'image. 150 Décomposition des reportages, 151 des reportages,151. - Recontextualisation T-a faible valeur informative de I'image Les images sans pouvoir, 1!3 - Les images sans valeur, 156. - La valeur monstrative et non démonstrative des images, 153 r59. Cbapine 6 LES LOGIQUES DE LA SÉDUCTION Les logiques de la .. néo-télévision > ... La relation de proximité,167 - L'. adresse > aux télésPec' tateurs, 169 - IÊ suspense comme capteur d'attention et la valorisation de I'acse même de communique4 169. Séduire les publics : I'adoption de ces logiques au journal télévisé. Le recours à I'humour, I73 -L'" adresse " aux téléspectateurs, 175 - Le choix d'une modalité d'exposition narrative, I79 - Une présentation du journal télévisé à I'apparence logique, 184 - Une interaction simulée avec le Public, 190. r67 t7r Cbapitre 7 LE DISCOURS JUSTIFICATIF DES JOURNALISTBS Paraître objectif. L'objectivité dans la mise en scène du journal, 200 r99 - L'ob- 8 jectivité dans le traitement des faic, 201 - L'objectiviré par le réalisme de I'image, 203 - Mais I'objectivité impossible, 205. Gagner en crédibilitê...... L'effet de têel,2I3 - L'effet d'exhaustivité,2I9 risation par la présence d'intervenants,22I. 212 - Ia valo- Chapine 8 LES CÀTÉGORIES DE IUGEMENT Àu JouRN,Ar rtrrtrvrstr L'usage du sens commun et des techniques narratives. .. Le sens commun, 227 -Les techniques nanxives,229. Du narratif dans les choix descriptifs .. L'usage du direct : la valorisation de l'instant,234 - L'usage d'un langage simplifié et de clichés, 240 - L'importance accordée au cadre de I'action,243. Du narratif dans les facteurs explicatifs. La méfiance vis-à-vis de l'" intellectualisme >, 245 - Iâ personnalisarion, 246 - Les explicarions psychologisantes, - Ia posturJdu dévoilement, Du narratif dans les registres thématiques Iæ drame et I'appel aux émotions, 255 - Le conflit bipolaire,26O - Les bons senriments et la bonne volonté.262 - Les sujets facilitant la mise en rêcit, 266. 225 234 24j 248 - La. catégorisation , 250 253. 25:- Cltapitre 9 LES IMÂGES DE LA POUTIQUE La mise en récit : les négociations secfètes de Genève dévoilées 272 Le conflit man au congrès du PCF. de la politique: Michèle Barzach en Ia personnalisation campagne. Les jugements de valeur implicites pacifiste malmenée. : une manifestarion La déférence institutionnelle: une conférence de presse du président de la République 275 280 292 288 9Bilan : la faible valeur informative des images politiques. 293 Conclusion 301 Annexes. 3Il Bibliographie 331 Index dcs no/ns... 34I INTRODUCTION Si Ie journal télévisé de 20 heures est bien une << granllrr,'il est plus que iamais nécessaire de le désacraliser. Le travail de sape â dCla.ommencé, du fait des vives critiques qui se sont abatiues sur les rédactions depuis le milieu des années quatre-vingt, en France. Pourtant, en dépit de ces critiques, messe finformutilon télévisée est désormais notre mode d'information privilégié. Que signifient ces deux orientations ? Pourquoi âpp"oitt"nt-èles parallèlement ? Ces questions en appellent d-'âutres. Trois axes de réflexion guideront par conséquent notre démarche. Comment expliquer la remise en cause assez virulente qui frappe le journalisme de télévision ? Quel -est le .orrt.n.r sociopôlitique latent de ce mode d'information devenu dominant et quelle place le journal télévisé a-t-il dans le fonctionnement démocratique ? Enfin, une prise de distance critique vis-à-vis de la mise eÀ scène qui nous est donnée de I'information ne devient-elle pas une impérieuse nécessité ? SUCCÈS ET REMISE EN CÂUSE DE L'INFORMATION TÉLÉVISÉE Plusieurs .. affaires ,, ont conduit les téléspectateurs' dans les années quatre-vingt, à contester la façon d'agir des journalistes de télévision. Plusieurs griefs sont invoqués contre euK. -12De nombreux repoftages onr été dénoncés comme violant la vie privée des personnes : harcèlemenr des reporters sur des personnes soupçonnées par Ia justice par exemple, ou diffirsion d'images sans leur accord. De nombreux procès pour atteinte à la vie privée ou au droit à I'image ont eu lieu depuis I'arrêt rendu le 7 juin 1984 par le tribunal de Paris condamnant FR _j à indemniser une personne filmée sans son accord lors de son affestation par Ia police, la scène ayaft été diffirsée dans un magazine en août 1983. Le non-respecr de la vie privée, de la douleur des familles en cru de drame, fut égalemint dénoncé lors du faux scoop de La Cinq, qui annonça plusieurs jours durant avoir rerrouvé Ia trace de I'actrice Pauline Lafont. dont le corps fut découveft peu de temps après, Suscite également de vives critiques la diffusion d'images vidéo tournées par des ravisseurs qui exhibent leurs prisonniirs et les font pader sous la menace. La question s'est posée avec acuité à partir de l'arrestation en 1983, en Afghanistan, de Jacques Abouchar, journaliste à Antmne2, victime d'un procès parodique avec extorsion d'aveux ; elle s'est posée à nouveau avec les otages français au Liban, dont faisaienr partie, une fois de plus, quatre journalistes d'Antenne 2. Le choix solidaire des rédactions fut de ne diftrser que de brefs extraits sans le son, en conservant I'image pour donner ainsi la preuve que l'otage était encore en vie. La polémique naquit quand, le 14 novembre 1985, le magazine d'actualité d'Antenne2 ditrusades entretiens réalisés avec des prisonniers soviétiques aux mains des Afghans. Cette diffixion semblait indiquer, en efiFet, que la non-diffusion de- propos de prisonniers ne répondait pas à un principe intan- gible, mais qu'elle était fonction des circonstances er noramment de I'affinité de ces propos avec les valeurs, les intérêts et les points de vue occidentaux. La question fut associée à celle du terrorisme : la diffirsion de telles images n'encourageait-elle pas les actions violentes ou terroristes ? C'est noramment la prise d'otages à I'intérieur de la cour d'assises de Nantes qui suscita doutes et contestations. Un prévenu, armê d'un revolver et d'une grenade, prit une trentaine de personnes en otage et têclama la présence de la télévision pour s'adresser à rous, ce qu'accepra FR 3, diffirsant en direct la prise d'otages et les propos du forcené. Le traitement de la violence esr un problème majeur pour les journalistes, qui oscillent entre la possibilité de montrer des images _ 13 _ spectaculaires en espérant gagnet des parts d'audience et la cer- titude qu'ils ont d'ân perdie en choquant une partie du public. C'est d'ài[eurs poru éviter ces chocs émotionnels face à certaines scènes que les milituires américains ont soigneusement censuré les images de morts durant la guerre du Golfe. Les rédactions de télévision sont aussi régulièrement accusées de voyeurisme et de complaisance dans la description de scènes de souffrance. Ia polémique battit son plein à ce sÙet notamment en novembrè 1985: où toutes les chaînes, sauf FR 3, diffi.xèrent les images de la lente mais certaine agonie d'une petite Colombienne aà f 3 ans, prisonnière de la boue tombée sur son village et morte d'épuisement après soixante heures de bande vidéà enregistrées. La critique peut aller encore plus loin, lorsque les journalistes sont reconnus coupables d'avoir encouragé-des uctions délictueuses ou violentes afin d'avoir des sujets inédits à filmer. Ce fut le cas avec un reportage tourné par une équipe de I'a Cinq, sur les violences racistes d'une bande de skinlre"dt enivrés,-qui valut à son auteur, le journaliste Pascal Richard, I'inculpation,Ie 29 juin 1990, pour << blessures involontaires, délit de fuite et défaut de maîtrise ',. Sixième grief retenu contre les rédactions télévisuelles, celui du " bidoniage ,, des reportages. L'exemple le plus célèbre fut celui du reportuge proposé par Jean Bertolino, dans le ryagezine < 52 sur la- UnJ",-oùr-Denis Vincenti fit tourner des figurants dans une carrière de Meudon, prétendant ainsi présenter les noctambules qui hantaient les catacombes de Paris. Une vive s'eÀsuivit dans la presse, puisque Jean Bertolino.et polémique ^certains-journalistes connus de la rédaction, tel François -d" Clq,.tr, ,orriit rent le recours à ce procédé. Le même type de polémique survint en janvier 1992, avec le reportage oÈ Régis.Fau.on .t Patrick Poivre d'Arvor faisaient semblant d'interviewer Fidel Castro, en enregistrant les extraits d'une conférence de presse où le leader cubain répondait à d'autres questions et à d'autres confrères. Enfin, deux événements de politique étrangère ont éveillé chez les téléspectateurs le sentiment de voir les journalistes céder au o seniationnalisme > et donc d'être manipulés : la révolution roumaine, en décembre t989, avec le faux charnier de Timisoara, puis, en janvier 1,991,Ia guerre contre I'Irak et la façon dont les militaires occidentaux réussirent à la censurer' Dâns les deux cas, le reproche adressé aux journalistes est de _14_ trop se précipiter et d'être, du même coup, dupes des manipulations dont ils sont I'objet. À plus fonà raisôn si les journalistes détournent eux aussi le sens de certaines imagés en présentant des images d'archives comme des images d'actualité, faute d'avoir pu aller sur le terain. Ces deux affairer, .o--. celles dt' bidonnage ,' des reportages, touchent la profession " au fondement même de ce qui fait sa légitimité à enquêter comme elle le souhaite, à savoir le dévoilemenr de la vérité. Si ljs images et les informations diffi:sées sont fausses, l'a priori favorable dont bénéficiait la télévision (<< une image n. pr,.t p* mentir >) disparaît. Mettre des freins au pouvoir d'investigation et d'intervention des journalistes devieÀt plus légitime, puisqu'ils ne sont plus aurant qu'ils le disent au servicà de h vèrité. En dépit de toutes ces critiques, la consommation télévisuelle ne cesse globalement de croître. Le poste de télévision est I'objet de consommation de m,rsse par exèelence. Son taux d'équiiement n'esr pas discriminé par la catégotie socioprofessionnelle, et il atteint un tel niveau que c'est désormais la non-possession qui relève d'un compoftement volontaire et marginaf. Son utilisation a pris dans notre vie quotidienne une place considérable, notammenr pour ce qui est de la recherJhe d'informations. Un sondage de 1988 montrait déjà que, pour 69 To des personnes interrogées, la télévision esr << le moyen le plus utile pour aider à savoir comment voter 1 ,r. Seuls les cadres et les professions intellectuelles supérieures conservenr une très légère préftrence p-our la presse écrite (61 Vo contre 59 % pour ta îaevision). Et face à une nouvelle important., com-è le plan de réforme de la Sécurité sociale par eiemple, 47 7o des pJrsonnes interrogées déclarent faire le plus confiance à la télérrision, contre 28 % à la presse et 19 % à la radio 2. De fait, le journal télévisé est devenu, dans les démocraties occidentales, une institution, un rendez-vous quotidien qui rythme la vie de nombre de citoyens, un moyen à'informatiàn privilégié pour beauconp. Sur les 70 Vo de foyers qui regardaient la télévision à 20 heures, lors d'un mois oidinaiie coÀme octobre 1992, 19 Vo rcgardaient le journal télévisé de TF 1 (soit . 1. Sondage Louis Harris, pour France Soir 1988. 2. 1"99r. Sondage SOFRES, pour Télfirama et W Magazine, du L0 au 12 mars La Croix, dt 26 at 2g décembre _15_ environ 8,2 millions de personnes), L2 Vo le journal télévisé de miilions) et 5 Vo le flash de M 6 (soit environ 850 000). Ils étaient, par ailleurs, 13 7o à avoir suivi la tranche d'information da I9l2O heures slJr France J (environ 5,6 millions). Ainsi, la moitié des foyers qui étaient devant leur r. écran en début de soirée ont rcgardé un journal télévisé En raison de ce succès, il n'est plus possible d'écarter le jour* nal télévisé des études sociologiques comme ce fut longtemps le cas à cause du mépris dont a été victime la télévision dans le monde intellectuel. Comprendre I'outil télévisuel est devenu une nécessité pour appréhender les représentations qui régissent la société contemporaine. Pour ce faire, il faut avoir à I'esprit le cadre génêral de la production télévisuelle et de son mode de fonctionnement. En effet, le journal télévisé s'insère dans le même système de contraintes, il répond aux mêmes logiques concurrentielles que le reste des programmes de télévision, et parfois plus, puisqu'il est le produit sur lequel les dirigeants de chaîne comPtent Pour gagnet la o bataille publicitaire de 20 h 30. It s'est opéré, à " ce titre, un changement de priorité. Le créneau que se disputaient les chaînes au début des années quatre-vingt était Ia tranche horaire de 19 h45, car elle était considérée comme la .. locomotive ', des programmes. Le journal télévisé était, en effet, la vitrine de la chaîne et son succès d'écoute était un objectif en soi. Désormais, le succès du journal télévisé est d'abord perçu comme un moyen de fidélisation de la clientèle pour les pfogfammes à venir et notamment pour I'heure et demie qui suit, le fameux ( prime time ,r, qui correspond au taux record d'audience et, par là même, de recettes publicitaires. Les journalistes de télévision ont intégré les contraintes liées à cet état de fait, ce qui ne manque pas d'influer sur leur façon de travailler. France 2 (environ 5,2 1. Sources : Médiamat-Médiamétrie. 26 octobre 1.992. PouR UNE MISE À olsraNcr DU JouRNar rÉrÉvrsÉ à Afin de fidéliser leurs publics, les rédactions ont élaboré petit petit des standards de présentation de I'information télévisée ei ayant recours à des conventions de fabrication reposant sur le vraisemblable, qui ont fini par donner au journal télévisé un aspect de réalité indépassable. Ainsi, il semble o naturel > qu'un repoftage soit structuré comme suit : introduction par le présentateur en studio; transition vers un repofter sur place images vidéo qui établissent la vêracité de la scène ou du lieu montage sélectionnant ou ôtant certains détails de la scène commentaire du reporter en voix off ou en plan debout ; images de conclusion sur la scène concernée ; le reporter termine debout ; retour vers le studio et son présentateur. Comme I'explique Michael Griffin, c'est cette conformité avec ce que les téléspectateurs ont pris l'habitude de s'attendre à voir, qui suscite le sentiment que ce qui est présenté est bien un reportage objectif t. C'est cette sensation de familiarité que nous voulons précisément remettre en question, en étudiant de plus près les schémas culturels et les ressofts narratifs qui sont à l'æuvre dans le traitement apparemment banal de I'actualité. Le ;'ournal télévisé, loin de correspondre à ce produit normalisé dont la répétition quotidienne finit par nous voiler la complexité, doit être abordé dans sa dimension conflictuelle et problématique. Mais le journal télévisé ne peut s'expliquer seul par la simple critique des images produites. Il se comprend dans la mise en évidence des interactions qui le constituent. De fait, les journalistes de télévision apparaissent comme des intermédiaires entre les acteurs (politiques, économiques, sociaux ou culturels) de I'actualité et les logiques télévisuelles dans lesquelles leur production s'insère, notamment les contraintes économiques et techniques. Symétriquement, les publics interfèrent avec le produit fini, tant par leurs pratiques constatées de consommation télévisuelle que par I'image que les journalistes s'en font et I'omniprésence de leur souci de plaire au public >r. En ce sens, " la télévision est bien un média, c'est-à-dire un rapport social 1. Michael Griffin, "Looking atTV News: Strategies for Research', Communication, 13, 1992, p. 1.33. _17_ structuré par une technique et par des logiques économiques et professionnelles. Une pareille approche nécessite de mobiliser diftrents niveaux d'analyse. Premier facteur explicatif : les contraintes matérielles réelles auxquelles les journalistes sont confrontés chaque jour dans l'élaboration de leur journal ; à quoi s'ajoutent les fondements axiologiques du journalisme télévisuel et les pré1. Les occupations d'identité professionnelle qui le traversent journalistes de télévision sont, en effet, membres d'un groupe professionnel, mais ils oscillent constamment entre l'insistance iur les points d'identification communs ou le rappel des différences de statut et de conditions de travail qui feraient d'eux des journalistes pafticuliers. Il faut donc essayer de saisir la façon dont les journalistes de télévision conçoivent leur rôle professionnel par rapport au reste du groupe, La façon dont ils s'inscrivent ou non dans les logiques collectives, le type de discours justificatifs qu'ils tiennent. Enfin, troisième facteur décisif dans la compréhension du traitement de l'information politique, I'interaction des journalistes de télévision avec le champ politique. Le rapport à la politique est décisif, tant à cause des habitudes que le passé a engendrées qu'à cause du type de liens particuliers qu'un journaliste noue avec ses sources quand elles sont politiques, ou de la façon qu'ont les journalistes de télévision de revendiquer une place à part entière dans l'espace public, c'est-à-dire dans le fonctionnement démocra- tioue. Po..t .o-pt"ndre les iogiques de traitement de I'information politique au journal télévisé, nous étudierons donc les relations entre les journalistes et les hommes politiques, d'une part (qu'ils soient des sources, ou le plus souvent des intervenants) et, d'autre part, le passage des informations politiques à travers le prisme des logiques professionnelles et axiologiques de recherche d'une légitimité collective. Cette position implique d'inclure également une réflexion sur le lien que les journalistes tentent d'établir avec leur public, considéré comme citoyen, et la représentation qu'ils en ont. Une fois ce travail réalisé, il 1. Ces points ont été plus particulièrement développés dans notre thèse de science-politique: L'infornation politique au iouwal tdléaisê. I*t journalistes fu téléuision et le traitenænt t,îléuisuel dp tanualitî, sous la direction de Pierre Favre, Institut d'études politiques de Paris,1994. Transcodé et acheué d'imprimer par I'Imprinuie Floch à Maymne, le 31 octobre 1996, D6pôt légal : nwanhre 1996. N un6ro dl imprimeur : 402 5 6. Intriné en Franca e journal televise est devenu, pour beaucoup, Ie moyen d'information privilegie, sans qu'on ait toujours les outils pour Ie critiquer. Pourtant, les images televisees nous donnent souvent nne impression d'insatisfaction, car la recherche d'audience, la concurrence entre les chaInes ou la volonte de s'approcher de plus en plus du direct absolu ont produit de nombreux derapages et atteintes it la deontologie. L'aureur livre ici des cles d'analyse pour comprendre les raisons de ces dysfonctionnements et aussi pour echapper it la fascination de 1'image televisuelle, de cette image defilante qui capte 1'attention. 11 scrute les motivations des journalistes de television dans 1a fabrication de leur journal, notamment leur volonte de seduire, observe les relations conflictuelles mais ambigues qu'ils entretiennent avec Ie pouvoir politique ; enfin, par une etude attentive des reportages, soigneusement decryptes, il repere la logique des representations sociales et politiques delivrees. Le fil conducteur de cette analyse est Ie role de gestionnaires de 1'acces it 1'espace public que les journalistes de television s'autoattribuent. eela les oblige it entrer dans une etroite interaction avec les elites politiques, tout en veillant it ne pas se. couper de leurs publics. Pareil grand ecart les conduit it adopter des denominateurs communs minimaux dans leur presentation des faits. Ils puisent alors dans les categories de jugement du sens commun et dans les ressources du genre narratif : valorisation de 1'emotion, mise en recit des reportages, recours it une psychologie expeditive, traitement de 1'information particulierement reducteur... Bien evidemment, 1'image donnee de la politique s'en ressent lourdement, et les conclusions de cet ouvrage doivent etre prises en compte dans la fa<;on de concevoir notre democratie, de plus en plus mediatique. ARNAUD MERCIER, maitre de conferences en science politique a /'Universite de Nice OU if enseigne notamment la communication politique. associe au laboratoire Communication et politique du CNRS, consacre I'essentiel de ses recherches aune ri!Iexion sur Ie role des medias, notamment audiovisuels, dans /'espace public. II a pub/ie plusieurs articles sur ces questions et y a consacri sa these de doctorat, soutenue a I'Institut d'etudes politiques de Paris en 1994. Prix de lancement : 168 F (jusqu'au 31 mai 1997) @ 111111111111111111111111111111 9 782724607093 u PItOTO<OPIlJ.\G1 TUEULNRE novembre 1996 Prix:210F ISBN: 2-7246-0709-0 £ 945630-1