Femmes et Sciences, par Marie-Sophie Pawlak, animatrice
Transcription
Femmes et Sciences, par Marie-Sophie Pawlak, animatrice
Femmes et Sciences, par Marie-Sophie Pawlak, animatrice du groupe égalité F/H et Présidente de l’association Elles bougent. Les Femmes et les Sciences, un bien beau sujet, dont la CGE s’est emparé de longue date, dès 2005, notamment à travers sa commission Égalité, devenue groupe Égalité F/H depuis et que j’ai le plaisir d’animer. Si le groupe Égalité englobe de manière plus large les problématiques de l’égalité F/H au sein de l’enseignement supérieur concernant tout autant les étudiants et étudiantes que les personnels des établissements, l’une de ses missions repose sur l’attractivité des jeunes filles dans les filières ingénieurs. Car si le pourcentage moyen des filles dans les écoles d’ingénieurs tourne autour de 25 %, il est encore bon nombre d’écoles plus spécialisées (mécanique, électronique, numérique, automobile, aéronautique, etc…) dont les pourcentages de filles sont bien inférieurs, celles-ci s’orientant majoritairement, quand elles choisissent des filières ingénieurs, vers les sciences du vivant, de la chimie et de l’environnement. A travers la charte Égalité F/H de la CGE, élaborée par le groupe, et signée à ce jour par une centaine d’écoles membres de la CGE, ces dernières s’engagent à augmenter, par tous les moyens, leur attractivité auprès des jeunes filles (ou auprès des garçons, lorsque la représentativité est inversée, ce qui est le cas de quelques filières). Pourquoi, encore aujourd’hui, ce constat ? Parce qu’il subsiste un héritage social et sociétal, imprégné de stéréotypes, qui normaliserait le fait que « certains secteurs industriels (notamment automobile, aéronautique, défense, ferroviaire, bâtiment, énergie, numérique, etc…) soient majoritairement masculins, et donc ne seraient pas l’affaire des femmes ». Le stéréotype « bleu de travail, mains dans le cambouis » est encore présent dans la tête de certaines jeunes filles, même si cela fait bien longtemps qu’il n’est plus d’actualité. Certains médias, dès lors qu’ils publient un article sur « femmes et industrie », pour inciter les femmes à rejoindre l’industrie, s’empressent d’y adjoindre la photo d’une femme avec un chalumeau en mains ou portant une blouse blanche et des lunettes de protection, venant ainsi plus ou moins « annihiler » le contenu de l’article par une simple photo…. S’il se trouve dans l’Histoire quelques exemples remarquables de femmes scientifiques pionnières, nous traînons encore un poids historique important. L’histoire de l’éducation nous rappelle aussi qu’il aura fallu notamment attendre 80 ans entre la création du premier lycée de garçons en 1802 et celui de filles en 1882 à Montpellier, et que dans ce dernier on y enseignait la littérature, la musique, les arts, la morale et « quelques éléments de sciences ». Ci-dessous, un extrait de l’exposé du député Camille Sée pour sa proposition de loi sur l’enseignement secondaire des jeunes filles en 1880. « [...] On ne voit pas que les femmes, membres comme nous de la société politique, nos égales, puissent être laissées de côté, quand l'État fait de lourdes dépenses pour l'instruction secondaire et supérieure des garçons. [...] Tant que l'éducation des femmes finira avec l'instruction primaire, il sera presque impossible de vaincre les préjugés, les superstitions, la routine. Les femmes, quoi qu'on fasse, dirigent les mœurs, et c'est par les mœurs, plus encore que par les lois, que se font les peuples. » « Il ne s'agit ni de détourner les femmes de leur véritable vocation, qui est d'élever leurs enfants et de tenir leurs ménages, ni de les transformer en savants, en bas-bleus, en ergoteuses. Il s'agit de cultiver les dons heureux que la nature leur a prodigués, pour les mettre en état de mieux remplir les devoirs sérieux que la nature leur a imposés. »… Nos écoles d’ingénieurs pionnières à diplômer des femmes l’ont été en plusieurs étapes, liées à des pénuries conjoncturelles (à partir de 1917 pour les toutes premières), puis dans les années 60-70 pour les autres, ces périodes de guerre ou d’après-guerre déclenchant un besoin impératif d’aller chercher des ingénieurs et des techniciens dans le « vivier » des femmes. Ce qui d’ailleurs nous interpelle car, dans l’après-guerre de 14-18, les femmes ne se sont plus vraiment intéressées à ces emplois et ces carrières, comme si elles l’avaient fait à un moment qui ne leur permettait pas d’autres choix, mais qu’ensuite l’ordre des choses était de laisser seuls les hommes occuper ces fonctions. On comprend donc mieux pourquoi encore maintenant, cette orientation n’est pas assez souvent envisagée par les filles qui passent un bac S (environ 48% des bacheliers S). Les prescripteurs eux-mêmes peuvent encore, de façon inconsciente, préconiser des orientations sexuées ou, tout au moins, oublier de préconiser ces filières à leurs filles, à leurs élèves, qui ellesmêmes n’intègrent pas ou écartent cette possibilité dans leurs choix d’orientation. Alors comment faire pour inverser les tendances, faire bouger les lignes ? C’est ce à quoi se sont attelées les associations pionnières (Femmes et Sciences, Femmes Ingénieurs, Elles bougent, pour ne citer qu’elles). Etant présidente d’Elles bougent, je constate que c’est bien la force du témoignage de nos marraines (femmes en activité au sein des entreprises partenaires) qui permet à nos jeunes de prendre la mesure du concret des nombreux métiers d’ingénieurs. Le fait de proposer ces découvertes métiers au sein même des entreprises ou lors de salons thématiques (de type Mondial de l’Auto ou salon du Bourget) permet aux filles de plonger directement et de façon très concrète dans des tranches de vie professionnelles de nos marraines, tout simplement de constater qu’ingénieur rime aussi avec féminité, et bien évidemment de découvrir de nombreux métiers passions. L’efficacité de ces actions se mesure sur le long terme, mais, à un moment de désaffection pour les études scientifiques (filles comme garçons), les filles ne reculent pas plus vite que les garçons et de nombreuses écoles voient leur pourcentage de filles augmenter, doucement certes, mais augmenter tout de même. Certaines de nos premières lycéennes « elles bougent » sont devenues étudiantes puis sont désormais marraines au sein d’entreprises partenaires de l’association. Ce sont des signes très encourageants et nous sommes aidés par les efforts faits depuis dix ans au sein des entreprises, et, depuis cinq ans, par une législation qui a donné toute sa place à l’égalité F/H dans la vie professionnelle (loi Coppé-Zimmerman, loi Sauvadet) et enfin la création d’un ministère des Droits des Femmes. Le gouvernement, qui a fait de l’année 2014 l’année de la mixité des métiers, a mis en place une plate-forme Mixité, et consulte actuellement les différents acteurs, afin de voir quelles sont les voies à privilégier pour accentuer encore l’élan déjà impulsé depuis 10 à 15 ans. Avec un regard tout particulier sur la féminisation des secteurs scientifiques d’avenir. Pour ma part, je n’ai aucun doute sur le fait que la féminisation des écoles et des entreprises industrielles et technologiques va continuer de progresser, surtout si notre système d’orientation tendait à s’améliorer en permettant davantage de moments de « découverte professionnelle » dans l’emploi du temps des collégiens et des lycéens, et il est clair qu’il faut continuer, sans relâche, tous les efforts déjà entrepris et encore à inventer, pour pouvoir susciter des vocations scientifiques auprès des jeunes filles, et enchanter les métiers industriels et technologiques dans un contexte économique difficile. Marie-Sophie Pawlak Corporate Partnerships Manager ESSEC.