Première partie Fiches d`expériences communes

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Première partie Fiches d`expériences communes
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
Première partie
Fiches d’expériences communes
Ces fiches portent sur les expériences à réaliser par tous les binômes des participants.
Ce sont des expériences très simples, que vous avez sûrement déjà faites en grande partie, dans d’autres
contextes. Nous les avons extraites de la conférence « grand public », comment le magnétisme vient aux
molécules et le monde merveilleux qui en résulte dont la version française est accessible sur le site de l’Espace
des Sciences de l’ESPCI [1].
Nous insistons ici sur l’aspect « magnétique », lié au spin de l’électron, en « oubliant » moment orbital
électronique et moment de spin nucléaire dont on sait pourtant qu’ils sont très importants, dans bien des
domaines, y compris les applications (anisotropie, RMN, IRM …).
Les expériences mêlent bien entendu physique et chimie. Nous avons choisi une approche strictement
qualitative, sans développement mathématique. Les concepts désormais bien répandus de champ magnétique,
d’aimantation, de domaines magnétiques, de champ des ligands et d’échange devraient vous aider sur le plan
conceptuel[2].. Nous avons au contraire davantage détaillé l’aspect expérimental pour réussir les expériences à
coup sûr. Nous espérons que ces fiches, rédigées trop rapidement, vous seront utiles pendant l’atelier [3]. Posez
les questions utiles si nécessaire, nous y répondrons immédiatement avec plaisir.
Au-delà de l’atelier, les expériences peuvent être évidemment reproduites sans modération (la science est le seul
outil qui se perfectionne quand on s’en sert …). Citez simplement l’origine. Et si cela vous intéresse, allez voir
plus loin [4-6].
Bon atelier
Véronique Gadet, Françoise Villain, Michel Verdaguer
Expériences de la première partie, Sommaire
1) Introduction à quelques propriétés des aimants
2) Température de Curie
3) Flexibilité de la sphère de coordination, cas de CoCl2
4) Etat de spin et champ des ligands
5) Bleu de Prusse, précipitation
6) Cyanotypes
1
2
4
6
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10
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Expériences de la deuxième partie, Sommaire
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Quelques références (en français, essentiellement)
[1] http://www.espci.fr/esp/CONF/2007/C07_02/conf02_2007.htm
[2] Olivier Kahn, Molecular magnetism, VCH, New York, 1991
La base par le fondateur de la discipline, trop tôt disparu, à un niveau (post-)doctorat.
[3] Les fiches ont été produites spécialement pour l’occasion et comportent très vraisemblablement de
nombreuses lacunes ou imperfections : nous sommes friands de vos remarques pour les améliorer.
[4] M. Verdaguer, Magnétisme moléculaire, un hommage à Olivier Kahn
Actualité Chimique 2001, Juin, 9-18.
Un hommage au père de la discipline dans un numéro thématique
[5] V. Gadet, L.P. Regnault, J.P. Renard, M. Verdaguer, du gap de Haldane aux aimants moléculaires
Actualité Chimique, 2005, Mars, p. 10-18.
Une belle histoire d'amitié entre chimistes et physiciens
[6] M. Verdaguer, A. Bleuzen, R. Lescouëzec, V. Marvaud, C. Train
(Nano)magnétisme moléculaire
Actualité Chimique, 2005, Octobre-Novembre, p. 36-43.
Le magnétisme moléculaire sacrifiant à la mode nano.
Note
Les fiches ont été produites spécialement pour l’occasion et comportent très vraisemblablement des lacunes et
des imperfections : nous sommes friands de vos remarques pour les améliorer.
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V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
Fiche d’expérience
Introduction à quelques propriétés des aimants
Sujet : introduction à quelques propriétés des aimants.
But : se familiariser avec la manipulation d’aimants et démontrer l’interaction magnétique «
à travers l’espace ».
Equipements
- Deux petits aimants parallélépipédiques (ferrites, origine : BHV, prix : moins de deux
euros par aimant)
- Rétroprojecteur (pour la classe)
Description et mode opératoire (comment faire) :
On peut y passer des heures. Vous avez cinq minutes.
Manipuler les deux aimants, identifier les deux pôles, nord (N) et sud (S) selon le grand axe
du parallélépipède.
Manipuler pour observer comment un aimant se déplace dans le champ magnétique d’un autre
Vérifier par exemple le phénomène d’attraction N-S (ou S-N) et de répulsion N-N et S-S.
Vérifier aussi l’influence d’une rotation de 180 degrés autour de l’axe NS.
Vérifier aussi l’état énergétique le plus stable de l’ensemble des deux aimants. On arrive à une
NS
configuration
.
SN
NS
Vérifier enfin que la configuration
(↑↑) est instable. A l’aide de deux petits morceaux de
NS
scotch, de deux élastiques, un peu d’astuce, de savoir-faire et de patience, imposer cependant
!
au système
cette configuration. Placer un aimant à la verticale de l’autre : l’aimant supérieur
lévite …
! »*
Version « magnétisme animal
Placer un aimant très visible au centre d’un rétroprojecteur. Dire très fort que deux de vos
doigts ont des propriétés magnétiques opposées. Le montrer en approchant l’index : l’index
attire l’aimant visible. Stupeur. Replacer l’aimant, bien visible, au centre du rétroprojecteur.
Approcher le majeur : il repousse l’aimant. Accompagner la nouvelle stupeur par des
commentaires dithyrambiques sur vos talents magnétiques. Révéler la supercherie en enlevant
votre doigt du rétroprojecteur et en laissant apparaître l’aimant dissimulé sous le doigt. Il a
suffi, entre les deux manipulations, de changer subrepticement la polarité de l’aimant en
bordure du rétroprojecteur pour obtenir l’effet observé.
Explications et théorie (comment expliquer simplement)
Chaque aimant est constitué de domaines magnétiques constitués de moments magnétiques
élémentaires ordonnés à longue distance . L’interaction d’échange (qui est un phénomène
quantique due aux phénomènes de répulsion électrostatique entre électrons) est suffisamment
forte pour aligner les moments magnétiques élémentaires et maintenir une aimantation
rémanente (aimant permanent).
Si l’on considère, pour simplifier que chaque aimant est un énorme domaine, chaque aimant
possède un moment magnétique et crée dans l’espace environnant un champ magnétique (voir
figure 1 et la manipulation spécialisée « domaines magnétiques »). L’interaction entre les
deux aimants est une interaction dipolaire magnétique, classique.
NS
Configuration
(↑↓): configuration stable due à l’interaction dipolaire magnétique.
SN
Avec beaucoup l’imagination, et les approximations nécessaires, cette configuration
antiparallèle des moments magnétiques (classique) peut être utilisé comme modèle de
!
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
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l’arrangement up/down ↑↓, diamagnétique, de la paire d’électrons … (principe de Pauli : la
paire d’électrons comporte deux spins opposés) (évidemment … quantique).
NS
Configuration
(↑↑): configuration instable due à l’interaction dipolaire magnétique.
NS
Comme précédemment, avec beaucoup l’imagination et les approximations nécessaires, cette
configuration parallèle des moments magnétiques (classique) peut être utilisé comme modèle
de l’impossibilité de l’arrangement up/up (↑↑) ou down (↓↓), diamagnétique, de la paire
!
d’électrons
… (principe d’exclusion de Pauli : la paire d’électrons doit comporter deux spins
opposés, exit deux spins identiques dans une même orbitale) (évidemment … quantique).
Ce principe d’exclusion est infiniment plus strict que ceux édictés par l’imagination et les
efforts des plus redoutables (ex-)ministres de l’intérieur.
Figure 1: Première illustration expérimentale des lignes de champ magnétiques autour d’un aimant permanent
révélées par de la poudre de fer : (a) N. Cabeo [Philiosophia magnetica in qua natura penitus explicatur,
Coloniae 1629, p.18]; (b) M. Faraday (1832) ; (c) Michael Faraday porte un barreau aimanté (private
communication, P. Day and F. James, Royal Institution, London). [See also: P. Day, The Philosopher’s Tree,
The Institute of Physics Publishing, Bristol, 1999].
Les risques et leur maîtrise
Ne pas avaler un aimant, a fortiori deux. Sinon, consulter un service des urgences. Porteurs de
pacemakers : éviter de manipuler des champs intenses. Utilisateur d’ordinateurs : éviter de
placer vos disques durs et vos supports magnétiques à proximité d’aimants et de champs
magnétiques puissants. Le principe de Pauli, quant à lui, ne présente pas de danger, sauf en
cas de transgression. Nous tenir informés.
Notes et références
*allusion au magnétisme du Dr Messmer, une belle histoire à l’âge des Lumières de
l’utilisation du magnétisme par un érudit devenu charlatan.
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V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
Fiche d’expérience : température de Curie
Objet : Température de Curie
But
Présentation d’un modèle de transition ordre à longue distance/désordre comme il en existe à
la température de Curie.
Équipement
- Plaque de petits barreaux de fer doux encapsulés dans une feuille plastique (Jeulin)
-
Un aimant néodyme-fer-bore puissant placé à l’extrémité d’une « canne à pêche »
magnétique
-
Rétroprojecteur (pour la classe)
Description, mode opératoire (comment faire) :
1) L’expérience « du clou » sera réalisée dans la deuxième partie de l’atelier avec l’étude
des dispositifs utilisant les possibilités offertes par l’obtention d’un aimant à
température de Curie proche de la température l’ambiante.
2) Le modèle de transition peut être réalisé ainsi : agiter rapidement l’aimant néodymefer-bore à l’extrémité de la canne au-dessus de la plaque de barreaux aimantés : il en
résulte la situation désordonnée photographiée en Figure 1b.Puis, lentement, passer
l’aimant au-dessus de la plaque dans le sens longitudinal de manière à aligner les
domaines. Il en résulte la situation ordonnée à longue distance photographiée en
Figure 1a.
(a)
(b)
Figure 1 : Modèle d’une transition ordre-désordre par une plaque de barreaux de fer doux : a) ordre ; b)
désordre. La simulation du quantum thermique kT est réalisée par le mouvement d’un aimant permanent placé
au bout d’une tige aimantée (non représenté ici). Dans l’expérience, l’interaction J entre les barreaux est
négligeable. Ce sont les frottements qui permettent de maintenir la situation d’ « ordre » en (a).
Explications et théorie (comment expliquer simplement)
Une transition magnétique ordre-désordre est une transition du second ordre, sans
changement a priori de structure cristalline mais avec une brisure de symétrie magnétique
(moments magnétiques ordonnés-désordonnés).On ne peut ici que simuler, représenter
l’influence du quantum thermique kT, désordre thermique, que par l’agitation communiquée
par le mouvement d’un aimant permanent. L’image statique b), un « instantané » ne
représente que médiocrement l’état paramagnétique. L’image dynamique montrée sur
rétroprojecteur lorsque l’aimant permanent est en mouvement est bien plus satisfaisante.
Les ordres magnétiques les plus fréquents sont : l’ordre à longue distance antiferromagnétique
(↑↓), l’ordre à longue distance ferromagnétique (↑↑) et l’ordre à longue distance
ferrimagnétique (↑↓).
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
(a)
(b)
(c)
(d)
(e)
Figure 2: Température de Curie: (a) “expérience du clou” utilisant un aimant à précurseur moléculaire à la
température ambiante; au centre, un modèle de transition d’un solide magnétiquement ordonné (b) vers d’un
solide magnétique désordonné (d). Quand l’ interaction (J) entre les moments magnétiques devient du même
ordre de grandeur que le quantum thermique kT (c), à TC, on obtient la transition ; (d) Pierre Curie, homme de
science et de loi, présentant des expériences aux étudiants dans l’amphithéâtre de Physique de la Faculté des
Sciences de l’université de Paris, aujourd’hui en cours de destruction (Cliché mis à disposition par le musée
Curie, Paris).
References :
Pierre Curie, Thèse, Paris 1986 et manuels de magnétisme.
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V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
Fiche d’expérience
Flexibilité de la sphère de coordination, cas de CoCl2
Sujet
Flexibilité de la sphère de coordination, cas de CoCl2
But
Il s’agit de montrer comment le chimiste peut contrôler, de manière simple, la sphère de
coordination d’un ion de transition, étape décisive pour la préparation de systèmes
magnétiques. L’exemple choisi ici est celui du chlorure de cobalt(II) qui change facilement de
couleur en fonction du degré hygrométrique du milieu et de la concentration en ligands aqua
ou chloro.
Equipements et Matériel
*
Chlorure de cobalt CoCl2, solution 2 mol L-1
*
Papier filtre, pince brucelle.
*
Sèche-cheveux
*
Deux couvercles de boîte de Petri
Mode opératoire et protocole expérimental (comment faire)
* Imbiber le papier filtre avec la solution de chlorure de cobalt (2 mol L-1), dans le couvercle
de la boîte de Petri. Laisser sécher à l’air. Mieux : accélérer le processus avec le sèchecheveux, en plaçant le filtre sur le dos du couvercle de la boîte de Petri et en le maintenant
avec la pince brucelle.
* La feuille de papier est rose lorsqu'elle est humide. Elle devient d'un beau bleu.
* Verser une goutte d’eau à l’aide d’une pipette ou pissette au centre du papier filtre. La
couleur redevient rose au niveau du point de chute de la goutte. Continuer l’addition d’eau : la
tâche rose grandit devient moins intense (dilution) mais l’on voit aussi apparaître à la limite
des deux zones rose-bleu, une couleur violet intense.
Figure 1 : papier filtre imprégné de chlorure de cobalt après les divers traitements : milieu
aqueux, rose plus ou moins foncé ; après chauffage, bleu clair ; en excès d’ions chlorure,
violet foncé.
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Explications et théorie (comment expliquer simplement)
Les enthalpies de formation des liaisons de coordination, ou métal-ligand, ne sont pas très
élevées (50-150 kJ mol-1). Les liaisons se font et défont assez facilement. La cinétique
d’échange M-L + L* ⇔ M-L* + L peut être très rapide. Ici on réalise très facilement :
- la transformation par chauffage de la solution de chlorure d’hexaaqua cobalt(II),
[Co(H2O)6]2+ (cobalt octaédrique), imprégnant le papier filtre en une chaîne bis-µ-chloro
diaquacobalt(II), bleu intense (cobalt octaédrique déformé, D4h)
n Co(H2O)6]2+ + 2n Cl-→ catena-[µ(Cl2)Co(H2O)2]2+]n
- la transformation en tétrachlorocobaltate(II), tétraèdrique, CoCl42-
Figure 1 : les espèces chimiques impliquées dans les équilibres [Co(H2O)6]2+, catena[µ(Cl2)Co(H2O)2]2+]n, [CoCl4]2-.
Structure électronique et spectroscopie
Le cobalt (II) est un ion d7.
En site octaédrique, avec un centre d’inversion, il a pour configuration électronique (t2g)5(eg)2,
spin S = 3/ 2. Les transitions d-d (t2g → eg sont interdites par les « règles de Laporte » (rien à
voir avec la Coupe du Monde, application de la règle d'or de Fermi).
NB , pour les fanatiques du produit direct et des représentations irréductibles :
g(eg) × u(opérateur dipolaire, t1u) × g (t2g) = u, ⊄ a1g , donc interdit …)
La couleur rose est donc peu intense. Il en va de même pour la couleur bleue de la chaîne.
Par contre, en site tétraèdrique (tétrachlorocobaltate(II), CoCl42-), sans entre d’inversion, les
transitions d-d sont autorisées de symétrie :
Produit direct :
t2 × t2 × e ⊂ a1
donc la transition est autorisée suivant la règle d'or de Fermi.
Les risques et leur maîtrise
Le chlorure de cobalt est, comme beaucoup, un produit toxique, il vaut mieux porter des gants
et des lunettes de protection.
Notes et références
Cours de chimie de coordination, articles du Journal of Chemical Education et du BUP
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V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
Fiche d’expérience : état de spin et champ des ligands
Objet : Contrôle de l’état de spin par le champ des ligands
Goal : mettre en évidence la formation du complexe, d’un beau rouge orangé, [Fe(II)(ophenantroline)3]2+
Equipements et produits :
- Boîte de Petri (6-7 cm) de diamètre
- 1 ml d’une solution concentrée (1 mol l-1) de 1-10-phenantroline•H2O (ou orthophénantroline) dans l’alcool contenu dans un petit flacon équipé d’un compte-goutte
- Solution aqueuse 0,1 mol l-1 de sel de Mohr, (NH4)2FeII(SO4)2•6 H2O (10 ml)
- Rétroprojecteur (pour la classe, et le plaisir des yeux)
Description et mode opératoire (comment faire) :
Placer le sel de Mohr dans le couvercle de la boîte de Petri de manière à recouvrir
complètement le fond de la boîte. La solution est vert très clair, incolore sur l’image projetée
par le rétroprojecteur. [complexe hexaaquafer(II), {FeII(H2O)6}2+, octaédrique, configuration
électronique d6, (t2g)4(eg)2, spin S=2, haut spin. Ajouter goutte à goutte la solution de
phénantroline. Apparition immédiate de la couleur rouge orangée du complexe octaédrique
tris-(1,10-phénantroline)fer(II), {FeII(o-phen)3}2+, configuration électronique d6, (t2g)6, spin
S=0, bas spin.
Explications et théorie (comment expliquer) [1]
La réaction chimique peut s’écrire :
{FeII(H2O)6}2+ + 3 (1-10-phenantroline) ⇔ {FeII(o-phen)3}2+ + 6 H2O
C’est une réaction d’échange des ligands dans la sphère de coordination de l’ion fer(II). C’est
un équilibre mais la constante de formation du complexe est très forte (Kformation > 1030) et la
réaction est complètement déplacée dans le sens de formation du complexe. Les autres
constantes sont telles qu’il n’existe pratiquement pas d’autres espèces en solution ({FeII(ophen)1(H2O)4}2+ et {FeII(o-phen)2H2O)2}2+).
(a)
(b)
Figure 1: (a) Contrôle du magnétisme (état de spin) d’un complexe métallique de fer(II) à l’aide de ligands: on
passe de haut spin dans le complexe vert pale hexaaqua-fer(II) [Fe(II)(H2O)6]2+, à bas spin dans le complexe
rouge brillant [Fe(II)(o-phen)3]2+, par simple substitution des six molécules d’eau (ligand à champ faible) par
trois molécules d’ortho-phenanthroline (ligand à champ fort) ; au bas du schéma (a), on remarque dans le
diagramme d’énergie des orbitales, l’augmentation du champ des ligands qui est à l’origine du changement de
spin (S= 2 vers S=0) ; (b) le chimiste ne fait ici que suivre les conseils de Paul Langevin, éminent physicien
français du magnétisme et de la relativité, humaniste et homme de progrès, en joignant l’action à la pensée :
ayant compris la nature du champ des ligands, il devient capable d’agir pour modifier les propriétés dans un sens
et dans un but prévisibles (Paul Langevin, La pensée et l’action, Editions Sociales, Paris).
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L’important est le changement de champ de ligands entre eau et phénantroline qui induit le
changement de spin. L’apparition du changement de couleur n’est pas dû cependant a une
transition d-d mais à une transition à transfert de charge métal-ligand (TCML)
Compléments utiles
La dissolution de l’alcool dans l’eau donne lieu à de spectaculaires phénomènes dynamiques
dans la solution.
La stabilisation du sel de Mohr contre l’oxydation par le dioxygène de l’air (qui donne du
fer(III), aisément identifié par sa couleur jaune) passe par l’introduction d’acide sulfurique
lors de la préparation du sel. Les protons ainsi introduits peuvent entrer en compétition avec
l’ion fer(II), acide de Lewis, dans la réaction avec la base faible phénantroline. Pour obtenir la
couleur rouge, qui disparaît rapidement au départ, il faut donc parfois ajouter quelques gouttes
supplémentaires de phénantroline. C’est bien mieux que d’avoir à réduire l’ion fer(III) en ion
fer(II) par la poudre de fer :
2 {FeIII(H2O)6}3+
+
Fe0
→
3{FeII(H2O)6}2+
puis filtrer.
Le complexe {FeII(o-phen)3}2+ est plus connu comme réactif de caractérisation de l’ion fer(II)
ou comme indicateur redox (Eº [{FeIII(o-phen)3}3+ /{FeII(o-phen)3}2+] = 1,10 V). [2]
Il n’est pas inopportun enfin d’attirer l’attention sur la structure des complexes formés,
chiraux (figure 2) : on peut ainsi envisager par la suite de maîtriser non seulement le spin mais
la chiralité (activité optique) ce qui donne un développement passionnant en matière de
synthèse d’aimants chiraux (matériaux moléculaires multifonctionnels). [3]
(a)
(b)
Figure 2: Complément (pour la suite, synthèse d’aimants chiraux …) : (a) les complexes [Fe(II)(o-phen)3]2+
formés sont un mélange racémique 50:50 mixture d’espèces chirales (vérifier que l’hélice tourne à gauche (Λ) ou
à droite (Δ) dans ces analogues [Fe(II)(2,2’-bipyridine)3]2+ ; (b) c’est une belle aventure qui arrive à la main
droite et à la main gauche, bien sûr, mais aussi à ces escargots de mer du golfe du Mexique (cliché MV).
Références
[1] a) M.Verdaguer, lecture « how magnetism comes to molecules » ; présentation
Powerpoint de la conférence « Friday Evening Discourse », Royal Institution of Great Britain,
London, 14 octobre 2005.
http://www.magmanet-eu.net/index.php?/michel_verdaguer.html.
b) M.Verdaguer, F. Villain, conférence « comment le magnétisme vient aux molécules»
http://www.espci.fr/esp/CONF/2007/C07_02/conf02_2007.htm
c) M.Verdaguer, F. Villain, V. Gadet, conférence « comment le magnétisme vient aux
molécules», sur le site parisde Sciences
http://udppc.asso.fr/paris2007/actes/index.php?page=fiche_ev&num_ev=30)
[2] J. Sarrazin et al., L’oxydoréduction, Ellipses, Paris 1991.
[3] C. Train et al. Enantiopure Chiral Ferromagnets for the Observation of Strong Magnetochiral Dichroism, sous presse dans Nature Materials, 2008.
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V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
Fiche d’expérience : bleu de Prusse, précipitation
Sujet : Précipitation du bleu de Prusse
But : se familiariser avec la chimie et les propriétés du bleu de Prusse et de ses analogues
Equipements
-
Couvercle de boîte de Petri, spatule ; rétroprojecteur (pour la classe)
-
Petits cristaux de ferrocyanure de potassium, K4[Fe(II)(CN)6] et de chlorure ferrique,
Fe(III)Cl3•6H2O, pissette d’eau distillée.
Description et mode opératoire (comment faire)
Les cristaux de ferrocyanure de potassium et de chlorure ferrique, sont placés en position
diamétralement opposée dans la boîte de Petri. A la pissette, on ajoute lentement de l’eau
entre les deux sortes de cristaux, jusqu’à recouvrir le fond de la boîte d’une couche uniforme
d’eau. Les cristaux se dissolvent rapidement. Le précipité bleu se forme après quelques
instants (être patient), quand les solutions viennent en contact grâce aux mouvements de
convexion du liquide. Le précipité est souvent rectiligne au centre de la boîte. Un mouvement
imprimé à la boîte accélère le processus. La spirale de la figure 1c a été obtenue grâce à un
léger mouvement de rotation de la boîte.
(a)
(b)
(c)
Figure 1 : Formation du bleu de Prusse : (a) réaction chimique; (b) Structure; les octaèdres bleu foncé
représentent les ions [Fe(II)(CN)6]4- ; les sphères jaunes représentent les ions Fe(III); on remarque les molécules
d’eau de coordination dans les lacunes de [Fe(II)(CN)6] ; (c) évolution de la précipitation du bleu de Prusse dans
une boîte de Petri à partir de cristaux de ferrocyanure de potassium et de chlorure de fer(III).
Explications et théorie (comment expliquer simplement)
La réaction de précipitation en milieu aqueux s’écrit :
3[Fe(II)(CN)6]4-
+ 4 Fe(III) + 15H2O
→ {Fe(III)4[Fe(II)(CN)6]3}0•15H2O
Le précipité est neutre : dans l’eau, tout ce qui est neutre précipite ! Le produit de solubilité
est très faible. On obtient le même composé par la réaction du ferricyanure [Fe(III)(CN)6]3-
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
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sur un sel ferreux, fer(II), grâce à un transfert très rapide d’électrons du fer(II) au ferricyanure,
joliment démontré par spectroscopie Mössbauer. En d’autres termes, bleu de Turnbull et bleu
de Prusse, relèvent du même combat. Le bleu de Prusse a d’abord été mis en évidence en
1704 (donc d’une toute autre manière car on ne connaissait ni les cyanures ni les
hexacyanométallates) par Diesbach, un drapier berlinois. D’où son nom (de Prusse). C’est
depuis un pigment bleu industriel très utilisé, notamment en peinture . C’est un composé à
valence mixte typique de la classe II de la classification de Robin et Day (délocalisation
électronique variable en fonction de la température). La couleur bleue est due à une bande
d’intervalence Fe(II)-Fe(III) présente dans le rouge (bande large , 650-700 nm). Le système
est cubique. Les faces sont centrées. La stœchiométrie Fe(III):Fe(II) est 4:3. La présence de
lacunes des entités octaédriques [Fe(II)(CN)6]4- a été démontrée dans les années 1970 par Ludi
et Güdel par des mesures de densité. Ces lacunes s’emplissent d’eau de coordination et autres.
Le bleu de Prusse s’ordonne ferromagnétiquement en dessous de la température de Curie, TC
= 5,6K. Le ferromagnétisme s’interprète par le modèle dit de double échange (délocatisation
partielle d’électron).
De nombreux hexacyanométallates [Bq(CN)6](6-q)- peuvent réagir avec de nombreux cations de
transition Ap+. Le solide peut également accommoder des cations alcalins C+ dans les sites
tétraèdriques de la structure (octants ou petits cubes de la maille conventionnelle - figure 1b).
Ceci donne naissance à un très nombreuse famille d’analogues du bleu de Prusse, cubiques,
espèces de perovskites moléculaires, CxAy[Bq(CN)6]z. Leurs propriétés sont très variées et
souvent prévisibles. Il en va également ainsi des propriétés magnétiques.
Risques et maîtrise d’iceux
Le bleu de Prusse est très stable. Il entre par exemple dans la confection de maquillages (bleu
pour les yeux). Il faut évidemment éviter de placer des composés contenant des cyanures en
milieu acide pour éviter le dégagement de cyanure d’hydrogène, mortel ! Les cyanures
s’éliminent par réaction avec l’eau de Javel en milieu basique pour donner des cyanates
[CNO]-, sans danger.
Notes et références
- A.Sharpe, The chemistry of cyanocomplexes, Academic Press
- M. Verdaguer, G. Girolami, Magnetic Prussian Blue analogs dans « Magnetoscience : molecules to
materials », Eds : J.S. Miller, M. Drillon, Vol. V, p. 283-346, Wiley, 2005
- V. Gadet, T. Mallah, I. Castro, M. Verdaguer, P. Veillet, High TC Molecular-based ferromagnets :
CsNiCr(CN)6 a ferromagnetic system with TC = 90K, J. Am. Chem. Soc. 1992, 114, 9213-9214
- S. Ferlay, T. Mallah, R. Ouahès, P. Veillet, M. Verdaguer, A Room-Temperature organometallic magnet based
on Prussian Blue, Nature, 1995, 378, (6558), 701-703.
- R. Garde, F. Villain, M. Verdaguer Molecule-based Room-Temperature Magnets : Catalytic Role of V(III) in
the Synthesis of Vanadium Chromium Prussian Blue Analogues J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 10531-10538.
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V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
Fiche d’expérience : cyanotypes
Sujet Réalisation de cyanotypes
But
Se faire plaisir en illustrant les propriétés de pigment du bleu de Prusse pour réaliser de la
photographie « en bleu » en obtenant de belles images. Cela n’a rien à voir avec le
magnétisme des molécules, sauf que : a) le bleu de Prusse est un aimant ferromagnétique à TC
= 5,6K (une photographie « attractive », ce n’est pas rien …) ; b) les réactions
photochimiques permettant la formation de l’image relèvent bien de déplacement d’électrons
« nerveux » (i.e. appartenant aux orbitales frontières).
Equipements et produits chimiques
Préparation du papier sensible
- Solution A
100 cm3 d'une solution aqueuse d'acide oxalique, C = 0.22 mol l-1 (2.77g de H2C2O4, 2H2O
dans 100 cm3 d'eau) à laquelle on ajoute 20 cm3 d'une solution aqueuse d'hydrogénophosphate
de sodium, Na2HPO4, 2H2O, C = 1.75 mol l-1 (6.32g dans 20 cm3 d 'eau).
N.B. l'hydrogénophosphate de sodium est peu soluble à température ambiante. Chauffer en
agitant pour le dissoudre.
- Solution B
100 cm3 d'une solution aqueuse de chlorure ferrique, FeIIICl3, 6H2O, C = 0.39 mol l-1 (10.53g
dans 100 cm3 d'eau).
- Agitateur magnétique chauffant et barreaux magnétiques.
- Flacon de stockage de 250 cm3, brun ou inactinique, protégé par une feuille mince
d’aluminium.
- Boîtes de Petri de diamètre légèrement supérieur à celui du papier filtre (≈ 10 cms) : en
nombre adapté aux papiers à préparer.
- Papier filtres circulaires, bien absorbants, adaptés aux boîtes de Pétri (≈ 9 cms de diamètre
…)
- Enceinte noire ou laboratoire photographique (pour imprégner et sécher les filtres).
- Pince brucelle.
Irradiation du papier
- Lampe de bureau de 100 W environ et son alimentation.
- 2 plaques de verre minces pour maintenir papier et négatif
- Négatif photographique bien résolu et bien contrasté. Sur votre ordinateur, à partir d’un
fichier de type .jpg, optimiser le cliché. Le transformer en noir et blanc. L’inverser. Optimiser
encore lumière et contraste. Préparer un transparent noir et blanc sur l’imprimante la plus
proche. Adapter la taille à celle des papiers filtres … Utiliser comme négatif original.
Révélation de l’image et développement
Bain 1 : Solution d'hexacyanoferrate de potassium, K3FeIII(CN)6, C = 0.03 mol l-1
(0.987g pour 100 cm3).
Bain 2 : Solution de bichromate de potassium, K2CrVI2O7, C = 0.015 mol l-1 (0.44g pour 100
cm3).
Bain 3 : Solution d'acide chlorhydrique, C = 0.1 mol l-1.
Bain 4 : H2O pour lavage terminal.
- Feuille de papier filtre (séchage des épreuves).
- 1 bécher de 200 cm3.
- 3 boîtes de Pétri de 10 cms de diamètre.
Description et mode opératoire (comment faire)
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
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NB : nous donnons l’ensemble des modes opératoires. Cependant, lors de l’atelier, seules
l’irradiation et la révélation seront menées à bien. Papier photographique et négatif seront
fournis.
Préparation du papier sensible
A partir des solutions A et B, préparer la solution A+B : placer la solution A dans un flacon
inactinique, protégé par une feuille mince d’aluminium. Ajouter la solution B en agitant et
garder la solution obtenue à l’obscurité. La solution doit être utilisée rapidement après sa
préparation. pour fabriquer le papier photographique sensible.
A l'abri de la lumière, imprégner les papiers filtres de la solution A+B. veillez à un traitement
uniforme (remuer, retourner, à l’aide de la pince Brucelle). Laisser tremper le papier dans la
solution relativement longtemps pour obtenir une imprégnation homogène du papier (≈ une
heure .. mais cela dépend du papier). Toujours à l'abri de la lumière, retirer le papier de la
solution, l’égoutter soigneusement et le sécher à l’obscurité. Stocker à l’obscurité jusqu’à
utilisation.
La qualité du papier filtre est un point important pour la réussite de l’expérience (éviter les
papiers contenant des réducteurs). Il est judicieux de tester divers papiers pour choisir le
meilleur. Le papier photographique utilisé lors des étapes suivantes doit être bien sec (pour
éviter que l’image « bave »).
Figure 1: Préparation d’un cyanotype reproduisant une photographie de Pierre and Marie Curie le jour de leur
mariage (original fourni par le musée Curie, Paris): irradiation du papier photographique à travers un négatif,
bains de développement (K3FeIII(CN)6, K2 CrVI2O7 et HCl) et production de l’image.
Irradiation du papier
Placer le papier photographique, bien sec, surmonté du négatif bien contrasté entre les deux
plaques de verre (la plus épaisse en dessous) et sous la lampe de bureau de 100 W (à 20 cms
environ). Ne plus toucher au montage. Eclairer pendant 15 minutes environ. Développer. Le
temps optimal d’éclairement dépend de la puissance de la lampe, de la distance lampe-papier.
de la qualité du papier et du négatif … Pour les essais suivants, ajuster les conditions
d’éclairement en fonction du premier résultat obtenu (éclairer plus longtemps si l’image est
trop claire, etc ..).
Révélation de l’image et développement
A l’aide de la pince Brucelle, tremper successivement le papier irradié dans les divers bains :
1 minute pour les bains 1, 2 et 3, cinq minutes pour l’eau. Bien remuer le papier, tourner et
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V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
retourner pour assurer un traitement homogène de l’image. Sortir, laisser sécher, sur un fil ou
sur du papier filtre.
Explications et théorie (comment expliquer simplement)
Le mélange A+B est une solution de tris-(oxalato)ferrate(III), vert-jaune et
d’hydrogénophosphate qui donne des complexes de fer(III) incolores et réduit la sensibilité
du tris-(oxalato)ferrate(III) à la lumière ambiante. L’irradiation photo-induit un processus
redox interne au complexe tris-(oxalato)ferrate(III) :
Fe(III) + e- ⇔ Fe(II)
2 CO2 + 2e- ⇔ [C2O4]2L’ion fer(III) donne naissance à du fer(II) et l’oxalate libère du dioxyde de carbone. Même
s’il est difficile d’écrire une réaction « équilibrée » et lees espèces photoexcitées, le fait
important est que l’absorption de photons entraîne la formation de fer(II), aux endroits
éclairés (donc dans les parties claires du négatif). L’image obtenue sera un positif.
Dans le processus de révélation (bain 1), le ferricyanure transforme le fer(II) révélé en bleu de
Prusse :
FeII + [FeIII(CN)6]3- → FeIII + [FeII(CN)6]44FeIII + 3[FeIII(CN)6]4- + 15 H2O → {FeIII4[FeII(CN)6]3}0•15 H2O, bleu
Dans le bain 2, le bichromate réduit l’oxalate résiduel :
[CrVI2O7]2- + 14H3O+ + 6e- ⇔ 2CrIII + 21 H2O
3 × [C2O4]2- ⇔ 2 CO2 + 2e[CrVI2O7]2- + 3[C2O4]2- + 14H3O+ + ⇔ 2CrIII + 6 CO2 + 21 H2O
Les bains 3 et 4 fixent l’image et la lavent des produits n’ayant pas réagi.
Risques et maîtrise du risque
Etre attentif aux produits contenant des cyanures. Eviter les situations où le cyanure
d’hydrogène HCN pourrait se dégager (en milieu acide). En cas de besoin, les cyanures sont
facilement éliminés en cyanates par l’eau de Javel.
Notes et références
[1] J.D. McCullough and H.W. Stone, Experimental General Chemistry, McGraw-Hill, New
York, 1963, Experiment 33, pages 203-208.
[2] J. Sarrazin M. Verdaguer, L’oxydoréduction, Ellipses, Paris, 1991, Experiment 3.5-/1,
pages 203-204. L’un des auteurs (MV) nous signale une erreur dans la quantité d’acide
oxalique indiquée dans le mode opératoire (il faut lire 100 cm3 et non 10 cm3).
[3] M. Ware, Prussian Blue, Artist’s pigment and Chemists Sponge, J. Chem. Ed., 2008, 615621.
(a) Cyanotype d’Anna Atkins
Londres, 1840.
(b) Et que pensez-vous de tout cela , M.
Einstein ?
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
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Deuxième partie
Fiches d’expériences spécifiques
Ces fiches portent sur les expériences à réaliser en deuxième partie sur des postes de travail
spécifiques, différents selon les binômes.
Ce sont des expériences un peu plus complexes que les précédentes et qui demandent un
matériel dont nous ne disposons pas en grand nombre. Certaines sont cependant dupliquées.
Elles sont également extraites de la conférence grand public, « comment le magnétisme vient
aux molécules et le monde merveilleux qui en résulte » dont la version française est
accessible sur le site de l’Espace des Sciences de l’ESPCI [1].
Nous insistons ici sur l’aspect « magnétique », lié au spin de l’électron, en « oubliant »
moment orbital électronique et moment de spin nucléaire dont on sait pourtant qu’ils sont très
importants, dans bien des domaines, y compris les applications (anisotropie, RMN, IRM …).
Les expériences mêlent, bien entendu, physique et chimie, avec la même approche qualitative,
sans développement mathématique. Les mêmes concepts sont utilisés : champ magnétique,
aimantation, domaines magnétiques, champ des ligands et phénomène d’échange[2]. Nous
avons détaillé l’aspect expérimental pour réussir les expériences à coup sûr. Nous espérons
que ces fiches vous seront utiles pendant l’atelier [3]. Posez les questions utiles si nécessaire,
nous y répondrons avec plaisir.
Au-delà de l’atelier, les expériences peuvent être, évidemment, reproduites sans modération
(la science est le seul outil qui se perfectionne quand on s’en sert …). Citez simplement
l’origine. Et si cela vous intéresse, allez voir plus loin (Cf références page 1).
Bon atelier
Véronique Gadet, Françoise Villain, Michel Verdaguer
Expériences de la deuxième partie, Sommaire
1, 2) Domaines de Weiss
3) Lévitation
4, 5) Boussoles et jouets magnétiques
6, 7) Eléments de transition : couleur, magnétisme
8, 9) Eléments de transition : transition de spin
10) Les molécules sont magnétiques, N2 et O2
11) Un vrai dilemme : liaison ou magnétisme ? NO2 et N2O4
12) Applications : démontrateurs
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Note
Les fiches ont été produites spécialement pour l’occasion et comportent très vraisemblablement des lacunes et
des imperfections : nous sommes friands de vos remarques pour les améliorer.
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V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
Fiche d’expérience : domaines
Sujet Etude qualitative des domaines dans une substance aimantée.
But Utilisation de modèles macroscopiques pour approcher le difficile problème des
domaines dans la matière aimantée.
Equipements
Plaque portant un ensemble de miniboussoles sur support transparent (Leybold)
Aimants divers, rétroprojecteur (pour la classe)
Description et mode opératoire (comment faire)
Placer l’ensemble de boussoles sur le rétroprojecteur
Précaution : recouvrir le dispositif d’un transparent pour éviter de rayer le support transparent
de manière irréversible
Etudier l’influence d’un champ magnétique sur l’orientation de l’ensemble de boussoles.
1) Compléments à l’étude des lignes de force
Observer que ce dispositif est plus sensible que le précédent (barreaux aimantés Jeulin) :
placer un aimant puissant au centre de la plaque. Observer les lignes de champ. Bouger
l’aimant, le retourner et observer les modifications. Mêmes observations avec plusieurs
aimants.
2) Régime paramagnétique
Agiter un aimant neodyme-fer-bore au-dessus de la plaque et observer le comportement
dynamique des boussoles.
3) Domaines
En l’absence de champ extérieur, autre que le champ magnétique terrestre, observer les zones
où les boussoles ont la même orientation (assimilables à des domaines, si l’on considère que
chaque miniboussole représente un moment magnétique élémentaire). Les zones entre les
domaines peuvent être assimilés à des parois de domaines.
Approcher puis éloigner un aimant : domaines et parois sont modifiés. L’état magnétique
stable peut correspondre à de nombreux micro-états. Approcher un aimant de manière à avoir
un champ magnétique aussi uniforme que possible : observer l’évolution et la dynamique des
domaines et de leurs parois jusqu’á ce que les divers domaines se fondent progressivement en
un unique domaine. Eloigner l’aimant : parois et domaines se reforment. L’état le plus stable
est le plus souvent un état de faible aimantation rémanente, fragmenté en domaines.
Figure 1: Schéma de fragmentation d’un aimant en domaines et moment magnétiques élémentaires
Explications et théorie (comment expliquer simplement)
Les domaines ont été mis en évidence par Pierre Weiss, notamment dans un minéral nommé
pyrrhotine (un sulfure de fer lacunaire en fer (≈Fe7S8). Depuis de très nombreuses études sont
consacrées aux domaines, aux parois, au renversement de l’aimantation des domaines, à la
nucléation du renversement de l’aimantation. Il s’agit de physique macroscopique.
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
(a)
(b)
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(c)
Figure 2: de la physique macroscopique à la physique nanoscopique (ou des domaines à la physique quantique)
(adapté de W. Wernsdorfer, CNRS, Institut Néel, Grenoble). L’aimantation en fonction d’un champ appliqué
présente un cycle d’hystérésis dont la nature change complètement en fonction du nombre des moments
magnétiques impliqués (taille du spin). La physique des domaines domine le magnétisme macroscopique
multidomaines – les petits escaliers correspondent à des renversements successifs de domaines (a) ; ou
monodomaine (rotation continue de l’aimantation – modèle de Néel-Brown) (b) ; tandis que les phénomènes
quantiques prennent un relief particulier en magnétisme moléculaire (molécules-aimants) – les sauts
correspondent ici à un phénomène strictement quantique, l’effet tunnel quantique magnétique - (c).
Ce sont des phénomènes centraux dans le problèmes du stockage de l’information
magnétique. L’anisotropie des matériaux (uniaxiale, planaire) y joue un grand rôle.
L’obtention de nanoparticules isolées et la possibilité d’étudier l’aimantation d’une
nanoparticule unique (par microSQUIDs) ont permis de progrès importants. Il serait hors de
propos de s’y étendre ici.
Figure 3 : une très belle illustration des domaines et de leurs parois (Prof. J. Tejada, Barcelona) (non disponible
ici). Une couche mince magnétique placée entre polariseurs croisés révèle les domaines qund un champ
magnétique est appliqué (l’effet Faraday fait tourner le plan de polarisation)
Le risque et sa maîtrise
Risque traditionnel de manipulation d’aimants puissants.
Notes et références
Cours de magnétisme
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V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
Fiche d’expérience : lévitation magnétique
Sujet : lévitation magnétique
But : se familiariser avec la « lévitation » magnétique à partir d’exemples expérimentaux.
Nouvelle illustration du fait que l’interaction magnétique, comme celle de la gravité, s’exerce
à distance, sans contact nécessaire, « visible ».
Equipements
-
Ensemble de lévitation de toupie magnétique (Nature et Découvertes)
-
Ensemble de lévitation globe terrestre (Nature et Découvertes)
-
Tige sur laquelle sont enfilées des aimants toriques en position N-N-N ou S-S-S etc..
-
Ensemble d’aimants néodyme-fer-bore et plaque de graphite pyrolitique
-
Rétroprojecteur (pour la classe)
Description et mode opératoire (comment faire)
1) Toupie
Rendre horizontale la base magnétique. Choisir la bonne masse pour la toupie. Placer la
plaque de plastique sur la base magnétique. Lancer la toupie sur la plaque, élever doucement
la plaque portant la toupie, retirer la plaque avec précaution lorsque la toupie commence
lévite.
2) Globe terrestre
Brancher la base électromagnétique au secteur. Prendre le globe à deux mains et l’élever
doucement entre les deux aimants. Lorsque l’on ressent nettement un point d’équilibre, lâcher
le globe et le laisser léviter. On peut alors lui imprimer un léger mouvement de rotation pour
rendre la chose plus spectaculaire.
3) Collier d’aimants toriques
Enfiler les aimants toriques successivement sur une tige non magnétique, en veillant à ce que
chaque nouvel aimant soit repoussé par les aimants précédemment installés. Les aimants se
repoussent. On peut déplacer l’ensemble des aimants en changeant la direction de la tige.
Simple et spectaculaire.
4) Graphite pyrolitique (en préparation)
Seul exemple proposé de lévitation d’un objet moléculaire. Le graphite pyrolitique est une
substance fortement diamagmétique. Une feuille de ce graphite placé au-dessus d’un champ
magnétique intense est soumis à une force magnétique de répulsion qui peut compenser son
poids, elle lévite. Presser doucement sur la feuille : elle ne touche pas la plaque d’aimants.
Lâchée, elle oscille.
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
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Figure 1: Objet en lévitation: (a) toupie; (b) globe terrestre. Le poids compense exactement la force magnétique
créé par les aimants sur les matières magnètiques situées sur la toupie et dans e globe. L’inetraction ne nécessite
pas de contact et donne un caractère étrange, mystérieux, “magique” à un phénomène physique parfaitement
normal et bien compris. phenomenon.
Explications et théorie (comment expliquer simplement)
1) Toupie
La force magnétique de répulsion, qui s’exerce entre les aimants permanents de la base et de
la toupie celui, dirigée verticalement du haut vers le bas, compense le poids de la toupie,
vertical, de haut en bas … La présence d’un mouvement de rotation est indispensable pour
atteindre un point d’équilibre de fonctionnement. La physique de la dynamique du système
n’est pas si simple … Il est essentiel pour réussir de bien régler la verticalité de la force
magnétique et d’ajuster la masse de la toupie.
2) Globe terrestre
Force de répulsion et poids se compensent. Le système est asservi pour être en équilibre
stable.
3) Collier d’aimants
Les pôles de même nature des aimants se repoussent. La géométrie des aimants permet
l’observation d’un phénomène stable.
4) Graphite pyrolitique
Force de répulsion et poids se compensent. La disposition des aimants permet d’obtenir une
position d’équilibre stable.
Variante bien connue : lévitation d’un supraconducteur diamagnétique sur un aimant, endessous de la température critique du supraconducteur (effet Meissner). Les nouveaux oxydes
supraconducteurs à haute température rendent possible l’expérience à la température de
l’azote liquide.
Le risque et sa maîtrise
Risque traditionnel des aimants permanents puissants.
Notes, références, adresses Web
http://www.hfml.science.ru.nl/levitate.html ; http://www.geocities.com/dsligar.geo/levitron.html
http://www.levitron.com/ ; http://www.hfml.ru.nl/levitation-pubres.html
M.Verdaguer, F. Villain, lecture « how molecules go magnetic »
http://www.espci.fr/esp/CONF/2007/C07_02/conf02_2007.htm
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V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
Fiche d’expérience : la boussole
Title : Boussole
But : réaliser une boussole et montrer qu’une aiguille aimantée s’oriente dans le champ
magnétique terrestre.
Equipements et produits:
Boussoles.
- Modèle Si Nan de la dynastie Han
- Boussole transparente (pour projection sur un rétroprojecteur)
- Boussole chinoise, faite maison : aiguille aimantée traversant trois tiges de bois tendre dans
un couvercle de boîte de Petri.
- Pissette d’eau distillée (250 ml)
- Rétroprojecteur (pour la classe)
(a)
(b)
(c)
Figure 1: Une application bien connue du magnétisme : la boussole : (a) Modèle Si Nan – Museum of chinese
history, Beijing - ; (b) terrella utilisée par William Gilbert dans son de Magnete, 1600 ; (c) une boussole de
collection.
Description, mode opératoire (comment faire) :
Projeter la boussole transparente. Commentaires et mises en garde
Jouer avec une boussole « historique » : commenter l’importance de la boussole dans
l’histoire de l’humanité. La philatélie, notamment, est riche en documents sur les grandes
explorations.
Construire une boussole (vieux modèle chinois) (figure 2c)
Aimanter une aiguille à coudre (4 cms environ), au contact d’un aimant permanent. Enfiler
prudemment l’aiguille au centre de trois tiges de bois tendre (allumettes sans la partie
enflammable). Poser sur le fond du couvercle d’une boîte de Petri. Rien.
Ajouter ce qu’il faut d’eau à la pissette pour faire flotter l’ensemble : vous avez construit une
boussole. Jouer avec la boussole construite (ou une autre), l’orienter dans le champ
magnétique terrestre, placer un aimant à proximité …
(a)
(b)
(c)
Figure 2: (a) Les boussoles de céramique de la station de métro Jiangomen à Beijing ; (b) Bussola (petite boîte) ;
(c) la boussole à construire.
Variante 1 (pour adeptes de l’utilisation des forces de tension superficielle à la surface de
l’eau et après l’atelier).
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
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Placer une aiguille aimantée sur un papier filtre facilement mouillable. Avec précaution,
placer le papier filtre portant l’aiguille à la surface d’un récipient rempli partiellement d’eau.
Après quelques minutes, le papier filtre se détache de l’aiguille et coule. L’aiguille flotte sur
l’eau grâce aux forces de tension superficielle. Situation spectaculaire mais équilibre fragile.
Essayez de repérer le nord, de faire tourner l’aiguille avec un aimant. Si le champ appliqué
n’est pas exactement horizontal et à hauteur de la surface de l’eau, l’aiguille va par le fond.
On y perd facilement patience. Le montage avec les allumettes est plus sur …
Variante 2 « déclinomètre » (pour travaux ultérieurs)
Prendre le temps qu’il faut pour fabriquer un dispositif constitué d’un disque de liège (taillé
dans un bouchon) comportant une aiguille aimantée fichée suivant l’axe principal du disque.
La densité de l’ensemble doit être telle que le dispositif flotte « entre deux eaux ». Laisser
établir l’équilibre : l’aiguille indique la direction du champ magnétique terrestre dans un plan
vertical.
Explications et théorie (comment expliquer)
Remarque préliminaire : citation d’Albert Einstein, enfant pour les sceptiques qui ne
croiraient pas au rôle éducatif extraordinaire de la boussole :
« A wonder of such nature I experience as a child of 4 or 5 years, when my father showed me a
compass. That this needle behaved in such a determined way did not at all fit into the nature of
events which could find a place in the unconscious world of concepts (effects connected with
direct « touch »). I can still remember – or at least believe I can remember – that this experience
made a deep and lasting impression upon me. Something deeply hidden had to be behind
things. »
in Livingston, J. D. In Driving Force: The Natural Magic of Magnets.
Cambridge, MA: Harvard University Press, 1996. ISBN: 0674216458.
La terre est un immense aimant. Une tige aimantée s’oriente donc dans le champ magnétique
terrestre ainsi créé. Ce champ varie et peut même s’inverser, ce qui aide à l’étude
géomagnétique des continents et de leur dérive.
La boussole est un dispositif astucieux qui permet de rendre observable cette orientation, ou
plus justement, la projection horizontale de la direction du champ terrestre. La composante
verticale est mise en évidence par un déclinomètre (les fabricants de matériel didactique en
vendent). Toute masse aimantée à proximité de la boussole peut vous faire perdre le nord …
Invention chinoise, la boussole est un des outils qui ont aidé le genre humain à découvrir et
explorer le monde (« grandes découvertes » et explorations). Elle a pris des formes diverses :
petite cuillère de magnétite dont la queue indique le Sud (Nan), utilisée pour implanter les
bâtiments religieux (dynastie Han, 250 avant JC) (Fig 1a), aiguille suspendue à un fil de soie
ou en équilibre sur un axe (figure 2a).
Notes et références
* Boussole, de l’italien bussola (petite boîte) : étape technologique décisive pour une utilisation commode de la
boussole franchie par des navigateurs amalfitains, avoir placé la boussole dans une petite boîte.
** Voir des chapitres entiers, et quelques colères, sur ce délicat sujet dans : William Gilbert, De Magnete, 1600
(Dover Publications,), la première tentative sérieuse d’expérimenter sur le magnétisme, de le comprendre et d’en
parler.
Figure 3: enfants enthousiastes jouant avec des aimants [©Sacha Delannoy, Mathis et Robin Héraud et parents].
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V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
Fiche d’expérience : éléments de transition
Couleur, magnétisme
Sujet Couleur et magnétisme d’éléments de transition
But Montrer les diverses manifestations du spin sur les propriétés des éléments
Equipements et produits chimiques
Solutions 0,1 mol-1 d’ions d’éléments de transition de la première ligne (nitrates ou chorures)
et béchers.
Capsules contenant des sels (dia ou para) magnétiques de ces composés suspendus sous forme
de pendule sur un statif de laboratoire
Aimant neodyme-fer-bore au bout d’une tige aimantée. Ecran
Description et mode opératoire (comment faire)
1) Montrer et commenter la couleur des solutions. Eclairer pour la beauté des couleurs …
2) Approcher l’aimant permanent des échantillons solides, l’un après l’autre. Observer le
mouvement du solide au bout du pendule. Tirer les conclusions : présence ou non d’électrons
non appariés, source de magnétisme.
Explications et théorie (comment expliquer simplement)
1) Eléments de transition ; éléments à sous couche d incomplète (Figure 1)
(a)
(b)
Figure 1: (a) Classification périodique des éléments et éléments s, p et d ; (b) les orbitales d des éléments de
transition, à l’origine des propriétés magnétiques, de conduction et optique de ces éléments et de leurs composés.
Elles présentent des prorpiétes de symétrie paire (g). L’exemple correspond à une configuration électronique d5,
ion Mn(II) ou Fe(III), spin S= 5/2.
2) Structure électronique et couleur
Les énergies des orbitales varient avec le champ des ligands.
Figure 2: Changement en énergie des niveaux dans un champ des ligands octaédrique.
Les ligands peuvent être classés en ligands à champ faible et à champ fort. Cela modifie
l’énergie des transitions d-d (couleurs) et l’occupation des orbitales (magnétisme) (figure 3).
La coleur peut être expliquée de bien des manières, de Newton à Goethe … La plus simple ici
est d’utiliser une approche (évidemment fausse, la réalité est polyélectronique …) de
transition d-d à un électron reposant sur l’absorption d’un photon pour assurer la promotion
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
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d’un électron d d’une orbitale inférieure (t2g) à une orbitale supérieure, (eg)). NB : bien
d’autres transitions (à transfert de charge métal-ligand et ligand –métal) contribuent aussi à la
couleur.
(a)
(b)
(c)
(d)
(e)
Figure 3 : (a-c) Champ des ligands, rôle du ligand et influence sur les propriétés magnétiques et optiques ; (d)
représentation angulaire des orbitales d, t2g and eg ; (e) Changement de couleur des solutions aqueuess des ions
divalents de la première ligne des éléments de transition de la classification périodique, du vanadium(II) au
zinc(II) (selon R. Thompson, University of British Columbia, Vancouver). La couleur change avec le nombre
des électrons dans les orbitales d et avec la différence en énergie entre les orbitales d t2g et eg. Les couleurs sont
peu intenses dans ces complexes octaédriques car les transitions entre orbitales d sont interdites pour de sraisons
de symétrie (régles de Laporte : plus simplement ici g×u×g = u et pas g). Dans le cas de la solution de
manganèse(II), trés faiblement rose, quasiment incolore, les transitions d-de sont aussi interdites de spin (la
transition doit se faire avec changement de spin (de S=5/2 à S=3/2), ce qui est interdit - ∆S doit être = 0).
(a)
(b)
(c)
(d)
Figure 4: Schémas des transitions électroniques entre orbitales d des complexes d’éléments de transition: (a) état
fondamental d’un complexe d1 ; (b) état excité d’un complexe d1 après absorption d’un photon, sans
changement de spin (∆S=0) ; (c) état fondamental d’un complexe d5 ; (d) état excité d’un complexe d5 après
absorption d’un photon, avec changement de spin (de S=5/2 à 3/2) ; il est nécessaire de renverser un spin et la
transition devient interdite de spin (voir figure 3).
3)Structure électronique et magnétisme
Plusieurs approximations (grossières …) seront faites ici : a) les électrons se placent dans les
orbitales en fonction du champ des ligands (figure 23) ; b) les complexes sont supposés suivre
la loi de Curie, dans un modèle où seul le spin électronique est pris en compte ; c) la loi de
Curie peut s’écrire, en sytème uem-cgs : χMT = n(n+2)/8, où χM est la susceptibilité
magnétique molaire (/ cm3 mol-1), T la température absolue / K et n le nombre d’électrons non
appariés dans le complexe (S = n /2).
Ainsi, dans les complexes suivants, on aura:
K4[FeII(CN)6], d6, (t2g)6, bas spin, S = 0 : l’échantillon n’est pas attiré [1] .
K3[FeIII(CN)6], d5, (t2g)5, bas spin, S = 1/2 : l’échantillon est attiré [2] .
(NH4)2FeII(SO4)2•6H2O, sel de Mohr, d6, (t2g)4(eg)2, haut spin, S = 2 : l’échantillon est
fortement attiré [3].
[1] Le diamagnétisme est trop faible (χM <0) et le champ magnétque trop faible pour que la
réulsion soit observée ;
[2] χMT = n(n+2)/8 = 1(1+2)/8 = 0,75 / cm3 mol-1 K ;
[3] χMT = n(n+2)/8 = 4(4+2)/8 = 3 / cm3 mol-1 K.
24
V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
Figure 5 : a) balance magnétique de Pierre Curie (collection de physique, Université Pierre et Marie Curie) ; (b)
aimant permanent et échantillons pour montrer que l’aimantation dépend du nombre d’électrons dans des
complexes para- ou dia-magnétiques (R. Thompson, Université de British Columbia, Vancouver) ; (c) courbes
d’aimantation pour des composés diamagnétique (bleu clair), paramagnétiques (violet), et un aimant dur (rouge).
Le risque et sa maîtrise
Risque traditionnel d’aimants puissants.
Eliminer les solutions dans le récipient à résidus minéraux aqueux
Notes et références
Cours de chimie de coordination
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
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Fiche d’expérience : transition de spin
Sujet Transition de spin
But Montrer un phénomène de changement de spin dans une chaîne d’ion fer(II) à ponts
triazole substitués : changement de couleurs et de spin.
Equipements et produits chimiques
- Chaîne de catena tris µ-triazole)fer(II) [Fe(II)(NH2triazole)3]Br2.H2O
NH2triazole = 4-amino-1,2,4-triazole (Fig. 1a)
- deux flacons de verre pouvant être suspendus sous forme de pendule sur un statif de
laboratoire.
- Petit Dewar bas avec azote liquide et Sèche-cheveux
- Aimant neodyme-fer-bore au bout d’une tige aimantée. Ecran
(a)
(b)
Figure 1 : (a) Structure cristallographique d’une chaîne de cuivre(II) isostructurale de la chaîne de fer(II) ; (b)
Schéma de la chaîne de fer (II) [2]. Le composé utilisé ici comporte un groupement NH2 comme substituant R et
des anions bromure entre les chaînes [3].
Description et mode opératoire (comment faire)
Observer la couleur des deux échantillons à la température ambiante, vraisemblablement
blancs. Les chauffer avec le séche-ceheveux pour obtenir un composé parfaitement blanc,
dans la masse. Pendre l’un des échantillons au statif sous forme de pendule, approcher
l’aimant : forte attraction. Le composé est paramagnétique.
Plonger le même échantillon dans l’azote liquide : il devient instantanément rouge bordeaux.
Le secouer et transformer tout l’échantillon, dans la masse, en rouge bordeaux. Pendre l’
échantillon au statif, aprrocher l’aimant : il n’y a plus d’attraction. Le composé est devenu
diamagnétique.
Explications et théorie (comment expliquer simplement)
La structure de la chaîne de fer(II) est donnée ci-desssus. L’ion fer(II) présente une transition
de spin à une température critique proche de la température ambiante avec une forte hystérésis
26
V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
(plusieurs dizaine de Kelvins), due à l’interaction entre les ions fer(II). Haut spin, spin S=2
(Figure 2A) ou encore χMT = 3 / cm3 mol-1 K (figure 2D, points blancs) et blanc à haute
température, le complexe devient bas spin S=0 (Figure 2C) ou encore χMT = 0 / cm3 mol-1 K
(figure 2D, points rouges) et rouge à basse température. La transition de spin s’accompagne :
du départ des deux électrons des orbitales antiliantes eg* vers les orbitales non liantes t2g ; et
donc d’une forte contraction de la sphère de coordination autour du fer (- 0,2 Å !) et d’une
forte augmentation du champ des ligands (changement de couleur).
Figure 2: (A-C) Structure électronique de la chaîne de fer (II), orbitales et étas de spin du fer(II) ; (D)
susce`tibilité magnétique et bistabilité du système ; (E-F) démonstrateur d’affichage à l’ICMC Bordeaux
(communication : J.F. Letard, ICMC Bordeaux)
L’hystérésis large définit un domaine de bistabilité (à une même température, le système peut
être haut spin ou bas spin, blanc ou rouge et il a une « mémoire » de son passé thermique. Il
peut être utilisé dans des dispositifs et afficheurs (Figure 2).
Kahn et ses collaborateurs ont beaucoup travaillé sur ce système allant qusiment jusqu’à
l’application industrielle avec France Telecom. C’est un très bel exemple de passage rapide
de la mécanique quantique et de la thermodynamique la plus fondamentale aux applications
(démonstrateurs).
Le risque et sa maîtrise
Risques de manipulation de liquide cryogénique (éviter les contacts prolongés et les
projections. Mettre des gants et des lunettes)
Notes et références
[1] O. Kahn, La Recherche, 1994
[2] A.B. Gaspar, M. Seredyuk, F. Villain et al, Eur. J. Inorg. Chem., 2007, 4181-4191.
[3] Les échantillons étudiés ont été synthétisés en travaux pratiques par les étudiants de
l’université Pierre et Marie Curie, Paris. Nos remerciements à A. Proust, C. Roux et C. Train.
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
27
Fiche d’expérience : les molécules sont magnétiques
Diamagnétisme de N2 et paramagnétisme de O2
Sujet Les molécules sont magnétiques
But Montrer expérimentalement le diamagnétisme du diazote, paramagnétisme du dioxygène
Equipements et produits chimiques
Diazote et dioxygène liquide
Vases Dewar (un litre) pour contenir les fluides cryogéniques. Petit Dewar transparent.
Dispositif à deux aimants en U
Gants
Description et mode opératoire (comment faire)
Préparation du dioxygène liquide :
Variante simple (dioxygène chargé de cristaux de glace)
Diazote liquide dans un Dewar. Y plonger un tube de verre suffisamment long pour sortir du
Dewar. Du dioxygène se condense rapidement, gris avec de la glace en suspension.
Variante pour obtenir du dioxygène pur
Diazote liquide dans un Dewar de un litre. Bouteille de dioxygène gazeux et manomètre ad
hoc. Montage pour condenser le dioxygène à l’abri de l’air (barboteur ou serpentin). Du
dioxygène d’une très belle couleur bleu clair apparaît rapidement dans le condenseur,.
Au moment de la présentation, transférer dans un Dewar transparent pour montrer la couleur
bleu clair.
Paramagnétisme du dioxygène
Variante simple
Transférer 5 à 10 ml de of liquid dioxygen dans untube à essai pendu au bout d’une longue
ficelle à un statif. Approcher d’un (électro-)aimant puissant : le tube est attiré.
Throw the liquid towards the pole of the electromagnet : the liquid sticks to the poles.
Variante avec aimant ou dispositif en U
Avec le dispositif : plonger le fer en U dans le diazote liquide ; dégagement gazeux. L’aimant
se refroidit. En fin de dégagement, sortir le fer en U : il n’y a rien entre les deux pôles. Le
diazote est diamagnétique. Plonger sans attendre le fer en U dans le dioxygène liquide. Le
ressortir : un cylindre de dioxygène s’est formé entre les deux aimants. Il s’évapore lentement
avec des phénomènes dynamiques intéressants. Le dioxygène est paramagnétique.
Réalisation Philippe Lejeune, CIM2).
28
V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
(a)
(b)
(c)
Figure 1: Propriétés magnétiques des molécules de l’air: a) le diazote liquide, diamagnétique, de se fixe pas
entre les pôles de l’aimant permanent; b) le dioxygène liquide, paraagnétique, est attiré en un cylindre liquide
transparent entre les deux pôles ; c) à la température ambiante, le dioxygène liquide s’évapore et le liquide
restant est attiré par l’un ou l’autre pôle de l’aimant (démonstrateur du Prof. S. Gao, Peking University).
Variante avec l’aimant : l’aimant est statique, placé sur un rétroprojecteur. On projette les
liquides cryogéniques sur l’aimant avec le même résultat que précédemment.
Explications et théorie (comment expliquer simplement)
L’explication du paramagnétisme du dioxygène a été considéré comme le triomphe de la
théorie des orbitales moléculaires délocalisés sur la théorie de Lewis. On trouve l’explication
en figure 2, dans une représentation qui se limite aux orbitales π.
E
!g
!u
!x
!y
(a)
N2
(b)
NO
(c)
O2
triplet
(d)
O2
singulet
(e)
(f)
Figure 2: Occupation des orbitales π (a), de l’azote (b) ; du monoxyde de carbone (c), of nitrogen monoxide ; (c)
de l’oxygène triplet (d) ; de l’oxygène singulet (e) ; (f) le simple dispositif utilisé pour tester le magnétisme des
liquides magnétiques : deux aimants néodyme–fer-bore sur une armature en U.
Nous ne ferons qu’un commentaire : les orbitales πx∗ et πy∗ du dioxygéne sont orthogonales et
les deux électrons adoptent la configuration électronique triplet dans les deux orbitales
moléculaires dégénérées (principe de Hund). Cette conclusion est d’intérêt général. Dans le
modèle d’Heitler et London de la liaison chimique, l’écart en énergie J entre l’état singulet et
l’état triplet ES et ET (J = ES - ET) de deux électrons localisés dans deux orbitales |a> et |b>
dégénérées d’intégrale de recouvrement S, d’intégrale de résonance ß et d’intégrale d’échange
(biélectronique) k est, au prmeir ordre en S : J = 2k + 4 ß S. Quand S est strictement nul, J =
2k (>0) et le couplage est ferromagnétique (ES > ET). Le dioxygène est paramagnétique,
triplet, S=1 !
Pour mémoire : le dioxygène singulet a une réactivité très différente de celle du dioxygène
singulet. On peut le montrer simplement avec les bâtons lumineux disponibles dans les
magasins de camping pour campeurs agés, qui produisent une trés spectaculaire
chimiluminescence (luminol et dérivés, vers luisants, lucioles …).
Le risque et sa maîtrise
Risques traditionnels liés à l’utilisation de fluides cryogéniques et d’aimants puissants. Pour
le dioxygène, éviter tout contact avec des graisses pouvant donner des peroxydes et des
explosions. Pour le reste, sa manipulation est inoffensive.
Notes et références
Shakashiri, Chemical Demonstrations, Volume 1-
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
29
Fiche d’expérience : dimérisation du dioxyde d’azote
Sujet Dilemme en magnétisme moléculaire
But Sortir du dilemme : peut-on former des liaisons et des composés stables et garder en
même temps des électrons non appariés ?
Figure 1: Le dilemme: construire à la fois des liaison chimiques fortes, organisées en paires d’électrons
diamagnétiques (bas) et contrôler la très faible interaction entre électrons célibataires paramagnétiques (haut)
(avec la complicité involontaire de Michelangelo’s plafonc de la chapelle Sixtine à Rome).
Equipements et produits chimiques
- Gros tube rempli au prélable de dioxyde d’azote.
- Vase Dewar à fond plat et diazote liquide.
Description et mode opératoire (comment faire)
Placer le tube rempli de dioxyde d’azote, •NO2, roux, sur le vase Dewar. Laisser refroidir
lentement. La couleur change progressivement jusqu’à ce que le tube devienne incolore.
Plonger alors le tube dans l’azote liquide. Il peut apparaîre un liquide de jolie couleur bleue.
(a)
(b)
Figure 2 : (a) ballon rempli de dioxyde d’azote, roux et paramagmétique et orbitale moléculaire antiliante
simplement occupée ; (b) tetroxyde de diazote N2O4 incolore, diamagnétique.
Explications et théorie (comment expliquer simplement)
30
V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
•NO2 est une molécule paramagnétique. Si vous n’en êtes pas convaincu(e), comptez les
électrons. L’électron célibataire est dans une orbitale antiliante (figure 1a). La réaction de
dimérisation de •NO2 est exothermique :
•NO2 (brun) + •NO2 (brun)
⇔
N2O4 (incolore)
∆Hº < 0
Quand on baisse la température, l’équilibre se place dans le sens de la formation de N2O4.
Cette réaction est d’ailleurs le plus souvent étudiée pour illustrer les principes du déplacement
de l’équilibre chimique. Pour nous, il s’agit de la formation d’une liaison sigma N-N, faible
mais qui conduit à une molécule diamagnétique (figure 2b).
Ceci illustre le dilemme du chimiste en magnétisme moléculaire : pour faire des produits
stables, il lui faut établir des liaisons stables donc apparier des électrons et pour avoir des
propriétés nagnétiques, il lui faut garder des électrons non appariés. Avec le dioxyde d’azote,
c’est perdu ! Les métaux de transition sont, de ce point de vue, une aubaine : les électrons non
appariés restent dans les orbitales d tandis que les liaisons sont assurées par d’autres électrons
(dans des réactions acide-base de Lewis).
Bonus coloré. Le dioxyde d’azote est produit par oxydation de monoxyde d’azote, incolore,
lui aussi paramagnétique, formé par la réaction de l’acide nitrique sur le cuivre métallique. Il
peut se faire qu’il reste un peu de monoxyde d’azote dans le tube de dioxyde d’azote. Il se
produit alors la réaction suivante :
•NO2 (brun) + •NO (incolore) ⇔
N2O3 (liquide bleu)
On observe la reaction en plongeant le tube dans le bain d’azote liquide. La possibilité de
l’observation de la jolie couleur de N2O3 n’est pas si fréquente : profitez en ! (figure 3
Figure 3: Haut : dioxyde d’azote brun NO2 (brun) à température ambiante ; milieu : la réaction de dimérisation
est favorisée à basse température et donne la molécule diamagnétique incolore N2O4 avec la formation d’une
liaison N-N (mélange de NO2 et N2 O4 incolore ; on peut voir, à gauche, une goutte bleu vert de N2O3 (c)
decreasing the temperature in a sealed tube filled with NO2; bas, prés de la température de l’azote liquide,
incolore et aussi N2O3, liquide bleu clair indiquant qu’il est demeuré du monoxyde d’azote NO résiduel lors de la
préparation du tube.
Le risque et sa maîtrise
Eviter de briser l’ampoule.
Risques traditionnels de manipulation de liquides cryogéniques.
Notes et références
Nombreux cours et travaux pratiques de thermodynamique (pour les données
thermodynamiques) et de chimie inorganique moléculaire (pour les structures des produits
formés - Cotton, Greenwood et Earnshaw …).
Voir le texte de la conférence pour ces données.
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
31
Fiche d’expérience : démonstrateurs
Sujet
Démonstrateurs illustrant l’intérêt de composés à précurseurs moléculaires dont la
température de Curie est proche de l’ambiante.
But
Faire fonctionner les démonstrateurs et … montrer que la recherche fondamentale (mécanique
quantique …) est proche des applications (brevets à prendre …)
Equipements
Trois dispositifs montés au préalable.
(a)
(b)
(c)
Figure 1: Trois démonstrateurs utilisant les propriétés de l’aimant “moléculaire” (à précurseurs moléculaires,
analogue du bleu de Prusse) VCr dont la température de Curie est proche de la température ambiante : (a)
machine thermodynamique oscillante qui transforme l’énergie lumineuse en énergie mécanique; les deux sources
de chaleur sont gratuites (soleil, atmosphère) ; (b) interrupteur magnétique et sonde thermique ; (c) aimant
tournant.
Description et mode opératoire (comment faire)
Dispositif 1 (aimant oscillant). En position de repos, la lampe éteinte, l’aimant moléculaire
contenu dans un tube de verre sous vide ou sous argon (TC ≈ 42 ºC), est attiré par l’aimant
permanent fixe. Allumer la lampe : le rayon lumineux, focalisé sur un point au-dessus de
l’aimant permanent où se trouve l’aimant moléculaire, chauffe l’aimant moléculaire qui
entame alors un mouvement oscillant. Jouer avec les paramètres de réglage pour optimiser le
mouvement, varier le régime d’oscillations …
Dispositif 2 (interrupteur magnétique). L’aimant moléculaire contenu dans un petit tube de
verre sous vide ou sous argon (TC ≈ 42 ºC) est fixé sur un bras de levier équipé d’un coupe le
de rappel. Dans sa phase ferrimagnétique il est attiré par un aimant permanent fixe chauffé au
dessus de la tempéature de Curie (T ≈ 50 ºC) – qui simule le milieu à sonder thermiquement.
De manière périodique, le bras de levier oscille. Un drapeau à l’opposé du bras de levier
permet d’ouvrir et de fermer un circuit électrique, ce qui allume / éteint deux LED de couleur
32
V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
différente (rouge/vert). C’est un interrupteur magnétique couplé à une sonde thermique à la
température de Curie.
Dispositif 3 (la roue tournante).
Les rayons d’une roue sont équipés de petits tubes de verre sous vide ou sous argon contenant
l’aimant moléculaire (TC ≈ 42 ºC). La roue tourne librement autour d’un axe vertical. Un
aimant permanent fort (neodyme-fer-bore), fixe, est placé de manière à attirer l’aimant
moléculaire de l’un des tubes. On éclaire alors ce tube avec un faisceau lumineux puissant,
focalisé sur l’aimant moléculaire. La roue se met à tourner. Mouvement perpétuel ?
Varier les conditions expérimentales
Explications et théorie (comment expliquer simplement)
Plusieurs aspects méritent commentaires.
L’analogue vanadium-chrome du bleu de Prusse
On ne transforme pas par hasard un aimant à (TC = 5,6 K, bleu de Prusse) en des aimants à TC
supérieures à la température ambiante (de 310 K (S. Ferlay, [8c]) à 376K - G. Girolami, [8g]).
Les références [8] résument près de 10 ans de recherche sur ce sujet. Fondamentalement, il
s’agit de l’application élémentaire du modèle d’Heitler et London à l’échange dans les bleus
de Prusse, dans l’alignement quasiment lineáire A-NC-B. On part de deux électrons localisés,
spins Sa et Sb, dans deux orbitales |a> et |b>, dégénérées, intégrale de recouvrement S,
intégrale de résonance ß, et intégrale d’échange k (biélectronique).
On écrit l’Hamiltonien de Heisenberg : H = - J Sa•Sb où J est une observable physique : J =
ES - ET (ES énergie du singulet, ET, énergie du triplet). J peut s’écrire au premier ordre en S : J
= 2k + 4 ß S. Quand S est strictement nul (orthogonalité), J = 2k (>0), le couplage à courte
distance est ferromagnétique (ES > ET), triplet au fondamental (↑↑). Quand S est différent de
zéro (recouvrement), le plus souvent J ≈ 4 ß S (<0) et le couplage à courte distance est
antiferromagnétique (ET > ES), le singulet est au fondamental (↑↓). Quand Sa ≠ Sb le couplage
antiferromagnétique débouche sur une situation ferrimagnétique, le spin total est non nul et
est égal à ST = | Sa - Sb| (↑↓). L’interaction antiferromagnétique conduit au magnétisme.
Comme le recouvrement est la chose du monde la mieux partagée, la “stratégie
ferrimagnétique” pour synthétiser des matériaux magnétiques est une approche efficace.
La figure 2 montre la situation des ordres de spin à longue distance dans le bleu de Prusse luimême (figure 2a), un composé ferromagnétique (CsNiII[CrIII(CN)6] [CrNi, Gadet, 8a]) (figure
2b), un composé ferrimagnétique (VII4[CrIII(CN)6]8/3) [V4Cr8/3, Ferlay, 8c] (figure 2c)).
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
(a)
(b)
33
(c)
Figure 2 : Structure de spin et ordre à longue distance : (a) dans le bleu de Prusse, ferromagnétique (TC = 5,6K)
; (b) un analogue ferromagnétique CrNi (TC = 90K) ; (b) un analogue ferrimagnétique V4 Cr8/3 (TC = 315K),
utilisé dans les dispositifs.
Figure 2 : Température de Curie en fonction du numéro atomique dans des analogues de bleu de Prusse de
II
III
stochiométrie A 4[Cr (CN)6]8/3. L’optimisation rationnelle de la structure électronique de AII, des
orthogonalités et des recouvrements orbitalaires conduit à une température de Curie ferrimagnétique supérieure à
la température ambiantte. Ce résultat a pu être reproduit par plusieurs équipes dans le monde.
La transition de part et d’autre de la température de Curie (ferri / para)
34
V. Gadet, F. Villain, M. Verdaguer, Magnétisme des molécules, fiche d’expérience
Figure 3 : Aimantation du composé VCr dans un champ appliqué de 30 G. A proximité de la température de
Curie TC , une variation de température ∆T entraîne une variation importante de l’aimantation ∆M, mise à profit
dans les dispositifs [attraction forte dans la phase ferrimagnétique (T < TC,), attraction faible dans la phase
paramagnétique (T > TC)].
Les cycles thermodynamiques s’exercent entre une température légèrement supérieure à TC
(atteinte par absorption de la lumière – énergie gratuite si elle est solaire -) et la température
atmosphérique ambiante Tamb, également gratuite. Les dispositifs fonctionnent d’autant mieux
(et le rendement est d’autant plus élevé) que la température ambiante Tamb est plus basse.
Les dispositifs eux-mêmes
Ce sont de petites merveilles d’ingéniosité, de mécanique et d’électronique, depuis les
premiers prototypes de R. Ouahès, professeur à l’université d’Alger et directeur de recherche
au CNRS aux dispositifs plus sophistiqués, conçus et réalisés par G. Keller (UFR Pharmacie,
Chatenay-Malabry) (conception et mécanique) et F. Tournilhac (ESPCI) (électronique)
accompagnés par F. Villain, en passant par ceux et celles qui ont synthétisé le produit, R.
Garde et N.Galvez … Merci à tous.
Le risque et sa maîtrise
Eviter de regarder la source de lumière, particulièrement intense (écran, lunettes)
Notes et références
M. Verdaguer, N. Galvez et al. Interface 2002, Fall 2002, 28 ; Polyhedron, 2005, 24, 2906.
M. Verdaguer, N. Galvez, R. Garde, C. Desplanches
Electrons at work in Prussian Blues analogues
Interface, 2002, Fall 2002, 28-32.
M. Verdaguer, F. Villain, R. Ouahès, N. Galvez, R. Garde, G. Keller, F. Tournilhac
Attractive Magnetic Prussian Blues
Polyhedron, 2005, 24, 2906-2908.
Il s’agit de la première description sommaire de deux des dispositifs.
Atelier expérimental, Congrès de l’UdPPC, Paris de Sciences, ENCPB, 29 octobre 2007
35
Notes et références supplémentaires
Magnétisme moléculaire, généralités
[1]
[2]
[3]
[4]
[5]
[6]
Kahn O., Molecular Magnetism, VCH, New York, 1991.
La base, par le fondateur de la discipline, trop tôt disparu, à un niveau (post-)doctorat.
Molecular Magnetism, K. Ito ; N. Kinoshita, Eds, G, 1998.
Magnetism : Molecules to Materials ; Vol. 1-5, J.S. Miller, M. Drillon Eds, VCH, 2001-2005.
Molecular Magnets, Recent Highlights ; W. Linert, M. Verdaguer Eds, Springer, Berlin, 2003.
Verdaguer M., Rational design of molecular magnetic materials, a tribute to Olivier Kahn, Polyhedron 2001, 20,
1115.
Coord. Chem. Reviews 2005, 249, Numéro spécial Special “Molecular Magnetism”.
Aimants à précurseurs moléculaires à haute température de Curie
[8]
a) V. Gadet et al. J. Am. Chem. Soc. 1992, 114, 9213 ; b) T. Mallah et al. Science , 1993, 262, 1554 ; c) S. Ferlay,
Nature, 1995, 378, 701 ; d) E. Dujardin et al. J. Am. Chem. Soc. 1998, 120, 11347 ; e) Verdaguer M. et al.; Phil.
Trans. A, 1999, 357, 2959; f) Coord. Chem. Rev., 1999, 190, 1023 ; g) Verdaguer M., Girolami G., in ref 3,
Volume V, pages 283 ; h) Garde R., F. Villain et al. ; J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 10531 ; i) E. Ruiz et al.;
Chemistry, a european journal 2005, 11, 2135.
Transition de spin
[9]
[10]
P. Gütlich, A. Hauser, H. Spiering, Angewandte Chem. 1994, 33, p.2024 ; P. Gütlich, H.A. Goodwin Eds, Spin
Cross over in transition metal compounds, (Vol. I-III) Springer, Berlin, 2004.
A.B. Gaspar, M. Seredyuk, F. Villain et al, Eur. J. Inorg. Chem., 2007, 4181-4191.
Matériaux magnétiques multifonctionnels
Molécules-aimants et chaînes-aimants
[11]
[12]
D. Gatteschi, R. Sessoli ; Angew. Chem., Int. Ed. 2003, 42, 268 ; D. Gatteschi, R. Sessoli, J. Villain Molecular
Nanomagnets, Oxford University Press, 2006.
Lescouëzec R., Julve M. et al.; Angewandte Chem. 2003, 42, 1483-1486; etref [6] 2005, 2691-2729.
Photomagnétiques
[13]
[14]
Marvaud V., F. Tuyèras et al.; Chemistry, an european journal 2003, 9, 1677-1705 ; Herrera J.M. et al. Angew.
Chem. Int. Ed. 2004, 43, 5468-5471.
Bleuzen A., Escax V., Cartier dit Moulin C. et al.; J. Am. Chem. Soc. 2001, 123, 12536-12546 ; Angew. Chem. Int.
Ed., 2004, 43, 3728–3731; Angew. Chem. Int. Ed., 2005, 44, 2.
Aimants Chiraux
[15]
Andres M. et al.; Inorg. Chem. 1999, 38, 4637; 2001, 40, 4633 ; R. Clément et al. ; ref [4] p.1 ; F. Pointillart et al.
Tetrahedron Assymetry, 2006, 17, 1937 ; R. Gheorghe, Train C., M. Gruselle, Rikken G. et al. work in progress ;
Pointillart, F., Train C., Boubekeur K., Gruselle M., Verdaguer M., Tetrahedron Assymetry, 2006, 17, 1937-1943 ;
Pointillart, F., Train C. et al. J. Am. Chem. Soc. 2007, 129, 1327-1334.
Articles de vulgarisation
[16]
M. Verdaguer, Magnétisme moléculaire, un hommage à Olivier Kahn
Actualité Chimique 2001, Juin, 9-18. Un hommage au père de la discipline dans un numéro thématique
[17]
V. Gadet, L.P. Regnault, J.P. Renard, M. Verdaguer, du gap de Haldane aux aimants moléculaires
Actualité Chimique, 2005, Mars, p. 10-18. Une belle histoire d'amitié entre chimistes et physiciens.
[18]
M. Verdaguer, A. Bleuzen, R. Lescouëzec, V. Marvaud, C. Train
(Nano)magnétisme moléculaire
Actualité Chimique, 2005, Octobre-Novembre, p. 36-43. Le magnétisme moléculaire sacrifiant à la mode nano.
[19]
J.M. Hererra, M. Verdaguer (en portugais, dans la revue des professeurs de chimie du Portugal).
Magnetismo molecular : Como transformar moléculas em magnetos? Uma abordagem racional.
Química, Boletim da Sociedade Portuguesa de Química, 2007, 104, 27-37.
[20]
Documents audiovisuels téléchargeables :
a) Texte de la conférence « Magnétisme des molécules » :
http://www.espci.fr/esp/CONF/2007/C07_02/conf02_2007.htm
b) Présentation Powerpoint (anglais) « How molecules go magnetic » :
http://www.magmanet-eu.net/index.php?/michel_verdaguer.html
c) Video sur les matériaux moléculaires (UTLS 2000)
http://www.canal-u.education.fr/canalu/index.php?q=verdaguer+michel&x=41&y=11
Pour d’autres références, voir celles du texte de la conférence ou nous consulter.

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