C Berson HSS The Political Economy of Education
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C Berson HSS The Political Economy of Education
The Political Economy of Education Implications for Growth and Inequality Mark Gradstein, Moshe Justman, and Volker Meier La politique de l’éducation est une problématique économique héritée de la philosophie. Déjà elle fut traitée par les philosophes antiques comme Platon dans La République, ouvrage décrivant le système d’éducation idéal, utilisant au mieux les capacités de chacun pour assurer la cohésion sociale et le développement de la République. De là sont nés l’Académie (Platon) et le Lycée (Aristote), institutions au sein desquelles sont enseignés la physique, les mathématiques et la philosophie afin de véhiculer le savoir de la société et le développer. Cependant, l’éducation reste un privilège réservé à l’élite dont le rôle dans le développement politique et économique est crucial. L’éducation reste alors un outil du pouvoir et non une amélioration de la condition humaine puisqu’elle exclut les femmes et les métèques. Néanmoins, c’est une première approche de l’éducation de masse qui, contrairement au recours à un précepteur, permet une instruction plus large et plus uniforme de la République. Les Lumières ont marqué un tournant dans cette conception en introduisant l’idée d’une éducation dans un but d’égalité et de démocratisation. En effet, en plus d’améliorer la productivité des travailleurs, l’éducation participe à l’élaboration d’une citoyenneté basée sur un creuset de valeurs communes. La problématique de l’éducation n’est donc pas seulement à vocation économique, mais aussi politique et sociale. C’est pourquoi elle est au cœur des débats sur le rôle de l’Etat. En 1776, A. Smith réfléchit sur ce problème dans An Inquiry Into the Nature and Causes of the Wealth of Nations et conclut à la nécessité de l’implication publique dans l’éducation du peuple : Ignorance will be banished from the rising generation, and the number of poor will hereafter become less, because their abilities, by the aid of education, will be greater… A nation under a well-regulated government should permit none to remain uninstructed. It is monarchical and aristocratical government only that requires ignorance for its support. A sa suite, de nombreux économistes ont traité ce sujet comme Gary Becker ou Milton Friedman en élaborant des modèles microéconomiques complétés par une solide réflexion. Dans cette lignée, Mark Gradstein, responsable de la chaire du département d’économie à l’Université Ben-Gurion de Negev en Israël et chercheur au Center of Economic Policy Research de Londres et à l’Institute for Economic Research (IFO) de Munich , Moshe Justman, professeur chercheur dans cette même université et Volker Meier, chercheur au département de politique sociale et du marché du travail à l’IFO de Munich, publient leur réflexion dans The Political Economy of Education, Implications for Growth an Inequality (2004). Nous allons présenter dans une première partie une mise en situation de cet ouvrage, avant de développer une critique enrichie de comparaisons avec la réalité. Celle-ci concernera tout d’abord l’élaboration de la politique de l’éducation et son impact sur la croissance économique, puis le débat entre financement centralisé et régionalisé de l’éducation. Enfin nous verrons l’impact social des politiques économiques de l’éducation. Partie 1 : Introduction à la politique de l’éducation Les Lumières, la sécularisation et la Révolution industrielle ont engendrées un renouveau dans la conception de l’éducation. En effet, l’implication de l’Etat émerge au cours du XVIII° et XIX° siècles et prend de plus en plus d’importance au fil du temps avec le développement de l’urbanisation, l’industrialisation et de la démocratie. Dès lors, le système d’éducation est politique puisqu’il dépend du régime en vigueur, il peut être plus ou moins centralisé (France ≠ USA). Néanmoins, on note une tendance générale dans les pays de l’OCDE puisque plus de 90% d’une génération fréquente l’école primaire et secondaire et qu’en moyenne les dépenses d’éducation représentent 13% des dépenses publiques et 6% du PIB. Aussi, l’étude du « marché » de l’éducation nous permet de constater que la demande s’accroît et se diversifie ce qui pousse l’offre à être plus efficace et à s’adapter aux besoins et évolutions de la société. Cependant, il n’existe de marché de l’éducation à proprement parler, puisqu’on ne peut mesurer la productivité marginale de l’éducation et donc déterminer un prix d’équilibre. De ceci, naît un débat complexe autour du mode de financement et d’administration de l’éducation, de son degré de compétitivité et de sa capacité à réduire les inégalités engendrées par le marché. Alors une compréhension théorique de l’économie politique de l’éducation est nécessaire pour démontrer les liens complexes entre l’éducation, la croissance et la politique de redistribution des revenus et mettre en place une politique de financement et de prise de décisions adaptée. L’éducation participe à la fois à la création du capital humain par l’apprentissage de qualités professionnelles améliorant la productivité, la construction du capital social en véhiculant des normes du comportement et les valeurs démocratiques nécessaires à la formation du citoyen. En outre, elle entraîne un mécanisme de présélection des aptitudes professionnelles de l’individu pour l’entrepreneur. L’éducation a donc des retombées économiques, politiques et sociales. Les premières justifient son administration publique ; les secondes, son financement public. Notons que ces externalités positives concernent plusieurs dimensions : la production (Acemoglu A Microfoundation for Social Increasing Returns in Human Capital 1996), le crime (Ehrlich On the Relation between Education and Crime 1975), la santé, l’intégration des immigrés, la fertilité et la démocratie (Wolfe et Zukekas Non Market Effects of Education 1997), la cohésion sociale car l’éducation permet de véhiculer des normes communes et donc de réduire les différences entre les classes sociales et ethniques (Friedman Capitalism and Freedom 1965). Il existe donc plusieurs justifications et surtout plusieurs formes de financement et d’administration de l’éducation. Nous pouvons citer quatre exemples caractéristiques pour aider à la compréhension des prochaines parties et les illustrer. En Allemagne, c’est au XVIII° siècle qu’émerge la p ratique moderne de l’éducation publique influencée par la sécularisation Prussienne. Frédérick William I rend l’école obligatoire en Prusse dès 1717 qui établit se légitimité à travers l’éducation de masse. En 1794, la « Volksschule » entre dans le code civil et l’école primaire devient une institution de l’Etat financée par des taxes locales. Aujourd’hui, le système éducatif allemand est complexe et a su s’adapter à une demande diversifiée. Un cursus commun rend l’école obligatoire jusqu’à 16 ans. Puis l’élève a le choix entre le « Gymnasium » et l’université, la « Realschule » qui donne un enseignement professionnel et l’ « Hauptschule » qui constitue une formation intermédiaire. L’éducation est financée et administrée au niveau des Länders et l’Etat Fédéral gère les méthodes, la formation des professeurs et les examens. En 1995, 75% du financement de l’éducation est fourni par les autorités régionales, 25% vient des autorités locales dont 5% d’organisations à buts non lucratifs. Notons que la constitution allemande exige une redistribution entre les Länders riches et les pauvres. Enfin, les écoles privées représentent seulement 5% de l’ensemble des établissements. Aux Etats-Unis, l’histoire diffère selon les états ; c’est dans le Massachussets que l’école publique gratuite et obligatoire est née en 1852. Mais l’école américaine reste ségrégationniste puisque les élèves noirs rentrent dans les écoles de blancs en 1954 grace à La Cour Suprême et son arrêté intitulé « Separate Educational Facilities and Inherently Unequal ». Le système est composé de la Middle School et la High School (deux ans de collège et quatre ans d’université).La responsabilité financière et administrative est géré par les localités. En 1999, 7% des dépenses proviennent de l’Etat Fédéral, 40% des localités, 50% des états et 3% de source privée. Mais ceci varie selon les états : dans le Vermont 20% des dépenses pour l’éducation proviennent d’une source locale, 60% dans l’Illinois. Le principal problème est la disparité des dépenses selon les richesses des états et des districts. Cela a entraîné la redistribution entre les districts après le jugement de la Cour Suprême Californienne en 1971. Mais ceci n’empêche pas les disparités de dépenses entre les états : à New York, 11000$ sont dépensés par élève et par année alors que seulement 5000$ sont dépensés dans l’Utah. On constate que 10% des élèves fréquentent les écoles privées. Le Chili est le premier pays d’Amérique Latine à introduire l’éducation publique obligatoire de 6 à 14 ans, dès 1842. Le système est composé de l’école élémentaire puis secondaire ou une formation professionnelle. En 1970, 50% d’une génération atteint l’enseignement supérieur, 82% en 1996. Le financement et l’administration sont centralisés, le gouvernement central représente 90% des dépenses en éducation et les localités seulement 5% et suffit pourtant à créer des disparités entre les localités. En 1996, 40% des élèves fréquentent une école privée. En Nouvelle-Zélande, l’école est obligatoire de 6 à 16 ans et gratuite jusqu’à 19 ans. Le financement provient du budget étatique et est relatif au nombre d’élèves mais l’administration est décentralisée depuis 1989 et la réforme « Tommorow’s school ». En effet, le ministère de l’éducation délègue ses pouvoirs à des administrateurs qui gouvernent chaque école comme une entité individuelle. Chaque conseil d’administration regroupe proviseur, parents, professeurs et représentants des communautés, dans le but de créer une école compétitive assurant l’égalité pour tous. 10% des élèves sont dans des écoles privées. Ces particularités ont permis d’étayer notre réflexion pour répondre aux interrogations soulevées par cet ouvrage. En effet, celui-ci met en évidence, par des procédés économétriques, comment l’éducation publique affecte et est affectée par le niveau de revenus, de croissance et par la politique de distribution des revenus. Puis il décrit un modèle expliquant la prise de décision politique déterminant le budget de l’éducation. Ensuite les auteurs comparent les politiques économiques d’éducation au niveau local et central. Enfin, ils étudient les choix individuels entre éducation publique et privée et son impact social. Partie 2 : L’élaboration de la politique d’éducation et ses conséquences sur la croissance économique L’ensemble des théories qui ont étudié l’impact de l’éducation sur la distribution des revenus, la croissance et la réduction des inégalités tire les mêmes conclusions que celles de la théorie de la croissance endogène, à savoir que l’éducation publique émet des externalités positives sur la croissance, le PIB, l’IDH et de nombreux autres indicateurs économiques de développement. Souvent le point de désaccord se situe dans le sens de la corrélation. En effet, pour certains ce sont les revenus élevés et la densité des services de l’Etat Providence qui génèrent un haut niveau d’éducation. Alors que pour d’autres, l’augmentation du niveau d’éducation est à la fois la cause et la conséquence de la hausse des revenus. Cet impact positif de l’éducation est composé de bénéfices privés et sociaux. Les premiers se concrétisent dans l’ascension sociale et la hausse du revenu de l’individu. Les seconds sont difficilement mesurables, surtout du fait de l’existence d’effets positifs non marchands qu’on peut illustrer par l’amélioration du style de vie, du sentiment de citoyenneté et du comportement de prévention faces aux problèmes de santé, de fertilité… sans oublier les liens avec la baisse du crime et autres problèmes sociaux. Ces théories s’appuient sur le modèle de Solow dans lequel ils substituent le concept de capital humain au résidu (µ). Alors l’impact du niveau d’éducation sur la croissance est mesuré à travers une régression macroéconomique. En outre, leurs conclusions sont confirmées par certaines évidences empiriques. On peut citer l’étude statistique de Havemon et Wolfe (1984) qui estiment la baisse du crime, dans les pays de l’OCDE, de 14 à 26% avec l’obtention d’un diplôme supérieur. Aussi, Rauch (1993) tire de ses études empiriques sur les Etats-Unis dans les années 80, les enseignements suivants : l’allongement d’une année du niveau moyen d’éducation dans une ville entraîne une hausse de 4% du salaire moyen des individus. Cependant, ces études rencontrent des difficultés à mesurer les bénéfices sociaux de l’éducation publique. Becker et Chiswick (1966) notent que les inégalités de revenus sont corrélées positivement avec les inégalités d’instruction et négativement avec le niveau moyen d’éducation. Enfin, les externalités positives de l’éducation primaire sont les plus importantes. En ce qui concerne la détermination de la politique de financement de l’éducation, on utilise un modèle simplifié dans lequel une alternative existe, une éducation purement privée et une éducation purement publique. La comparaison des deux modèles obtenus, dont nous ne reprendrons que les conclusions, nous montre qu’une éducation purement privée conserve les inégalités de la société et empêche l’ascension sociale. En effet, dans ce cas, les revenus de tous les ménages croissent au même taux qui est celui de la croissance économique. De plus, l’existence d’une contrainte sur le crédit n’offre pas la possibilité aux familles pauvres d’investir un montant minimal dans l’éducation de leurs enfants, les enfermant dans une trappe à pauvreté. Au contraire, une éducation purement publique détruit le lien unissant le niveau de revenu individuel d’un ménage et son niveau de scolarité, permettant la mobilité intergénérationnelle, mais reste tout de même moins efficace du fait de son manque de compétitivité. En outre, elle a pour effet une réduction des tensions sociales et des pressions politiques sur la détermination du système de redistribution des revenus. Cependant, ces résultats sont faussés par l’introduction des capacités des individus, héritées en partie de son entourage familial et social. Le financement public de l’éducation détermine un niveau de dépense uniforme qui implique que les différences de capacités soient la seule source d’inégalités des revenus. Notons que l’éducation publique est d’autant plus efficace que l’élasticité de l’éducation dans la production et la transmission intergénérationnelle des capacités sont faibles. Le modèle dynamique montre l’intérêt des individus à opter pour une éducation publique puisqu’à long terme elle participe à la croissance de tous les revenus et au développement de l’économie. Enfin, les historiens de l’éducation démontrent que l’éducation est à la fois un produit dérivé et une source de la démocratisation. L’ouvrage montre donc que l’impact de l’éducation publique sur la croissance économique, les inégalités de revenus et la mobilité intergénérationnelle est supérieur à celui d’une éducation purement privée. Néanmoins, un alliage des deux formes d’éducation est préférable puisqu’il permet de concilier les avantages des deux systèmes. Nous nous intéresserons maintenant au mode de financement de l’éducation. Partie 3 : Comparaison d’un financement de l’éducation au niveau local avec un financement au niveau central ? La réflexion précédente nous amène à nous interroger dans quelle mesure le financement de l’éducation doit être public. Il existe deux possibilité extrêmes : un financement centralisé par l’Etat ou un financement au moyen de taxes locales. Tout d’abord, les auteurs s’interrogent sur la présence d’un financement local. On constate alors une ségrégation résidentielle car les agents choisissent leur lieu de résidence en fonction des taxes payées et des services fournis en contrepartie, ainsi que du prix du logement et des externalités positives dues au revenu (Nechyday, 2003). Chaque individu maximise son utilité sous contrainte de son revenu disponible net. L’équilibre est atteint lorsque le déplacement d’une petite quantité d’individu n’influe pas sur l’impôt voté à la majorité dans chaque région et incite les migrants à retourner dans leur lieu de résidence d’origine. L’équilibre optimal provient de l’homogénéité des communautés ainsi créées (séparant généralement riches et pauvres). Plusieurs études (Fernandez et Rogerson, 1956 et Bénabou 1993,1994) ont montré que les choix individuels de résidence génèrent une ségrégation due à l’éducation de l’individu et au niveau d’instruction moyen du secteur. Après une étude microéconomique, les auteurs déduisent que le financement centralisé de l’éducation réduit les inégalités des dépenses dans les écoles par rapport au financement local. Cependant dans les régions où le revenu moyen est supérieur à la moyenne nationale, les individus doivent dépenser une somme plus importante pour une qualité égale d’éducation afin de financer les régions les plus pauvres. D’autres, trop pauvres trouvent la taxe trop élevées par rapport à leur revenu. Pour illustrer ce phénomène, on peut citer la décision de la cour suprême californienne qui a jugé le système de financement par district anticonstitutionnel et exige une redistribution entre les secteurs riches et pauvres. Ils sont appuyés dans leur raisonnement par l’analyse dynamique de Bénabou qui montre qu’au-delà de ses effets de court terme, l’éducation centralisée soutient la croissance de long terme en réduisant les inégalités. Cependant, l’idéal reste un mélange des deux régimes de financement. Deux d’entre eux ont été modélisés : le « Foundation Grants » et le « Power Egalization regime with Recapture » (PER) développé par Fernandez et Rogerson. Le premier consiste à garder un seuil minimal d’imposition national finançant l’éducation de tout l’Etat et à y ajouter une taxe locale laissée à la discrétion de la population régionale. Prenons pour exemple le système éducatif allemand qui est majoritairement financé par les Länder qui imposent un programme commun complété localement. L’Etat fédéral exige une redistribution des Länder les plus riches vers les Länder les plus pauvres se substituant au seuil minimal d’imposition, assurant une base de dépense commune. Le PER reste un financement local où l’Etat central impose un seuil de taxe minimal à respecter. Libre aux collectivités d’ajouter une taxe supplémentaire si leur population le désire. Peu d’analyses empiriques ont pu être réalisées sur ce sujet, cependant des hypothèses ont été confortées selon lesquelles la combinaison entre un financement local et central permet d’augmenter les dépenses d’éducation tout en assurant une qualité similaire dans les régions. Partie 4 : impact social des politiques économiques de l’éducation Dans les chapitres 7 et 8, les auteurs s’intéressent à la diversité sociale et à ses conséquences pour l’éducation, ainsi que les conséquences des politiques menées sur cette diversité sociale. Tout d’abord, leur réflexion se tourne vers la différence entre l’administration publique et privée et les enjeux que cela entraîne. Dans un second temps, ils s’intéressent à l’hétérogénéité de la société et essaient de voir dans quelles mesures l’éducation peut la renforcer ou la résorber. Voyons donc les grands traits de leur pensée avant de pouvoir essayer d’en apporter des exemples pour les clarifier. Les auteurs encouragent l’existence d’une éducation privée afin d’obliger l’institution publique à être plus efficace. En effet, selon un calcul microéconomique, ie avec un agent rationnel qui maximise son utilité sous la contrainte de son budget, les individus vont choisir l’institution qui permet à leurs enfants d’augmenter leur capital humain à moindre coût. Si l’instruction publique n’est pas efficace par rapport à une instruction privée, les individus vont placer leurs enfants dans le privé, si le coût engendré est inférieur au bénéfice perçu. L’Etat a donc intérêt à favoriser la présence d’écoles privées pour améliorer la qualité de son enseignement, puisque pour conserver ses élèves, il sera dans l’obligation d’améliorer la qualité de son enseignement. Ce résultat nous fait évidemment penser à l’introduction d’une concurrence à l’Etat, donc d’un marché dans le domaine de l’éducation où il n’existe traditionnellement pas. Cet effet peut être pervers si l’on considère que les agents pouvant choisir le privé sont des individus ayant un revenu suffisant pour payer l’école en plus des taxes finançant l’enseignement public. Les agents n’ayant pas les moyens d’envoyer leurs enfants dans le privé vont donc subir une mauvaise instruction si l’Etat ne réagit pas face à une fuite des élèves en dehors de son système à cause d’un meilleur enseignement dans les institutions privées. Une opposition se créé donc entre les deux extrêmes, les pauvres contre les riches. Cependant, les auteurs nous font remarquer que si l’élasticité de substitution est inférieure à 1, nous obtenons un cas des « extrémités contre le milieu » car les pauvres préfèrent une taxe moindre et les riches envoient leurs enfants dans le privé donc veulent payer le moins de taxe possible puisque leurs enfants n’en profitent pas. Alors que les revenus médians désirent une meilleure éducation de leurs enfants et donc une taxe plus importante. Cependant, le choix de l’institution ne se fait pas uniquement sur des critères financiers et d’efficacité du système. Les auteurs soulèvent alors le problème de la religion, qui est un des facteurs principaux de création d’écoles privées. Des parents sont près à mettre leurs enfants dans une institution privée car elle enseigne à leurs enfants leurs coutumes et religion malgré un prix plus élevé. Ce cas est très fréquent aux Etats-Unis où le sentiment d’appartenance religieuse est fort. Le seul frein à cet engouement pour le secteur privé est la taxe imposée à tous pour financer l’école publique. Les parents ne voulant pas payer deux fois l’enseignement de leurs enfants hésitent à sortir du système public. De plus, la présence d’écoles privées peut réduire la ségrégation des quartiers. Pour cela, il faut que l’Etat finance en partie l’enseignement privé, puisque cela permet aux agents les plus pauvres de pouvoir choisir leur mode d’enseignement. De leur côté, les agents les plus riches peuvent habiter les quartiers pauvres et envoyer leurs enfants dans le privé si l’éducation du quartier ne leur convient pas. Ce raisonnement prévaut évidemment dans un système financé en partie localement. Nous pouvons étudier ce genre de problème en France, par exemple, où l’enseignement est sectorisé. Les enfants doivent donc être scolarisés dans l’école de son quartier. Si l’enseignement prodigué dans cette école est mauvais, les parents ont pour seul recours de sortir du système public et de placer leur enfant dans une institution privée. Les individus des quartiers défavorisés n’ont donc pas d’autre choix que de laisser leurs enfants dans les écoles de quartiers dont le niveau est parfois peu élevé. En plus d’une plus grande équité, la centralisation de l’organisation de l’éducation permet de construire des normes sociales et une culture commune au sein de la nation. C’est pourquoi l’enseignement est un facteur d’homogénéisation de la société et de socialisation maîtrisé par les pouvoirs publics. Nous pouvons ici citer Emile Durkheim, pionnier de la sociologie de l’éducation : La société ne peut exister que s’il existe entre ses membres un degré suffisant d’homogénéité. L’éducation perpétue et renforce cette homogénéité en fixant chez l’enfant, depuis le commencement, les similarités nécessaires à la vie collective. L’Etat a donc un rôle essentiel à jouer dans la formation d’une nation unifiée à travers sa politique de l’éducation. Ce rôle est particulièrement visible dans les sociétés où l’immigration est forte, puisqu’il est nécessaire d’intégrer les nouveaux venus pour former une culture commune à tous. Typiquement, les Etats-Unis donnent un exemple très probant de ces nations puisque ce pays connaît une très forte immigration depuis sa création. Cependant, la plupart des pays développés peuvent être pris en exemple puisque des pays comme l’Allemagne ou la France connaissent également une forte immigration. L’Allemagne exige d’ailleurs des étrangers demandant la nationalité allemande une pratique de la langue allemande. Cela montre combien est importante la culture commune pour une meilleure intégration dans la population et donc une plus grande homogénéité de la population. Mauro le montre en 1995 dans son analyse croisée de pays, dont il déduit que l’hétérogénéité d’une population et sa division en plusieurs pôles conduit à dégrader la qualité des services d’un Etat centralisé et cause des troubles politiques. Cependant, l’adhésion d’un individu à la culture majoritaire à un coût émotionnel très fort qui pousse souvent les parents immigrés à placer leurs enfants dans des écoles privées cultivant leurs traditions. Les auteurs étudient ce problème dans un régime scolaire décentralisé et sectorisé. La société possède, dans leur cas d’étude, deux communautés ayant chacune des écoles spécifiques à leurs traditions. Le choix optimal des parents n’est pas de mettre leurs enfants dans une école creusant un trop grand fossé entre la culture d’origine et celle que les enfants acquièrent au cours de leur scolarité, donc dans une école de l’autre communauté. Cependant, il est montré que lorsque le seuil de communautarisme, ie la différence entre les orientations sociales des deux communautés (chiffrées dans notre exemple), n’est pas extrêmement élevé, les deux communautés tendent à placer plus facilement leurs progénitures dans des écoles culturellement différentes. Cela déclanche un cercle vertueux, améliorant la productivité de l’économie, et donc sa croissance, diminuant la différence de salaire des deux communautés et réduisant le communautarisme de la société. A partir de cette analyse, il est naturel de penser encore une fois à l’intégration des minorités dans une société de marché. Les auteurs prolongent leur raisonnement en posant en hypothèse qu’une communauté forme la culture principale du pays, et la seconde, beaucoup plus réduite forme la minorité immigrée. L’étude ci-dessus pousse donc à adhérer à l’idée d’un « melting pot » au sein de la société, c’est-à-dire la présence d’une minorité (ou plusieurs) tout à fait intégrée. Cependant, on peut remarquer que cela n’est pas vérifié, notamment aux Etats-Unis. Dans ce pays, les minorités noires, hispaniques et asiatiques tendent à être intégrés dans la société mais la discrimination est encore d’actualité : la majorité reste victime de ghettoïsation, de sous-emploi, d’une éducation limitée et de bas salaires. Peu d’hispaniques sont visibles dans les hauts postes. Or les Etats-Unis sont un pays où le régime scolaire est en partie centralisé. Les auteurs expliquent ce genre de différences par la présence d’écoles privées en trop grand nombre. Les parents ayant suffisamment de revenus placent alors leurs enfants dans une école ne les mélangeant pas avec les immigrés. En conclusion, les auteurs préconisent un effort pour tenir compte de tous ces problèmes dans leur politique économique de l’enseignement par l’intégration des préférences religieuses et culturelles, du lieu de résidence et de la demande d’enseignement privé dans la problématique de l’éducation. Cette approche de la modélisation de l’enseignement et de ses conséquences économiques et sociales est originale dans la mesure où elle s’intéresse à des problèmes de sociétés rencontrés aujourd’hui par la plupart des pays développés. A propos de l’immigration, ils proposent donc d’analyser le problème selon l’importance de la minorité et de son revenu moyen. L’analyse menée conseille plutôt une éducation centralisée pour diminuer le communautarisme, cependant, il ne tient pas compte de la demande culturelle de la minorité. En effet, seul un système délocalisé permet d’entretenir les différentes valeurs de la société car chaque école développe son programme selon la majorité locale. Cet ouvrage conclut à la nécessaire implication de l’Etat dans le financement et l’administration de l’éducation. En effet, son intervention permet de réduire les inégalités, de favoriser l’ascension sociale et d’accroître la croissance économique tout en diminuant les tensions politiques et sociales. L’éducation publique a également des effets positifs sur l’intégration des minorités culturelles et la démocratisation. Cependant, comme toute intervention économique de l’Etat à long terme, elle engendre une perte d’efficacité par rapport à une gestion privée. Par conséquent, il nous semble qu’une alliance des deux modes d’administration et de financement sont nécessaires pour maximiser les externalités positives de l’éducation. Chaque pays doit alors adapter ce système mixte aux besoins de sa société. Bibliographie : Smith An Inquiry Into the Nature and Causes of the Wealth of Nations (1776) Platon La République Acemoglu A Microfoundation for Social Increasing Returns in Human Capital (1996) Ehrlich On the Relation between Education and Crime (1975) Wolfe et Zukekas Non Market Effects of Education (1997), Friedman Capitalism and Freedom (1965). Fernandez et Rogerson Income Distribution, Communities, and the Quality of Public Education (1996) Fernandez et Rogerson Equity and Resources : An Analysis of Education Finance Systems (2003) Haveman et Wolfe Schooling and Well-Being: the Role of Non Market Effects(1984) Rauch Productivity Gains from Geographic Concentration of Human Capiltal: Evidence from the Cities(1993) Becker et Chisswik Education and the Distribution of Earnings(1966) Emile Durkheim Education et Sociologie (1922)