Activité physique adaptée et bronchopneumopathie chronique
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Activité physique adaptée et bronchopneumopathie chronique
Activité physique adaptée et bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) 4e Journée de l’activité physique adaptée # Article coordonné par G. Ninot*, A. Varray* Mots-clés : Réhabilitation - Post-réhabilitation - Activité physique adaptée – Prévention - Réentraînement à l’effort. Keywords: Rehabilitation - Post-rehabilitation - Adapted physical activity – Prevention – Training. “ La réhabilitation respiratoire est un ensemble de soins personnalisés, dispensés au patient atteint d’une maladie respiratoire chronique, par une équipe transdisciplinaire. Elle a pour but de réduire les symptômes, d’optimiser les conditions physiques et psychosociales, de diminuer les coûts de santé” (1). L’entraînement à l’effort (ou le réentraînement à l’effort) est la pierre angulaire de la réhabilitation. Il est recommandé en grade A chez le patient atteint de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) [1]. Cet entraînement individualisé permet d’augmenter la tolérance à l’effort, elle-même à l’origine, avec le concours de l’équipe transdisciplinaire, d’un ensemble d’améliorations comportementales (dont le contrôle de la dyspnée) favorisant l’autonomie et la qualité de vie, tout en limitant les coûts de santé (2-4). L’entraînement est souvent limité à un pédalage individualisé sur cycloergomètre. Or, se limiter à cette pratique physique serait mal comprendre les finalités à long terme de la réhabilitation respiratoire. Il s’agit d’induire des changements durables de comportements, et notamment le maintien d’une pratique corporelle individualisée initiée au cours de la réhabilitation. C’est la raison pour laquelle il est primordial de proposer au cours même de la réhabilitation respiratoire, “généralement structurée autour d’un pneumologue” (1), des activités physiques adaptées plus motivantes, permettant l’acquisition de capacités motrices et comportementales qui seront autant d’éléments favorables à la poursuite autonome d’une activité physique en post-réhabilitation. Une pratique corporelle réduite à la phase de réhabilitation ou épisodique est antinomique avec les finalités de la réhabilitation. Des cercles vertueux doivent être instaurés pour lutter contre les conséquences systémiques de la BPCO (5), les cercles vicieux associés au déconditionnement (6, 7), les répercussions psychosociales d’une maladie respiratoire chronique (8, 9) * UFR STAPS, faculté des sciences du sport, université Montpellier-I. La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 2 - mars-avril 2007 LPN 2-mars-avril 2007.indd 63 et les effets du vieillissement (10). La logique de prévention secondaire et tertiaire à long terme est donc essentielle (11). Parmi les acteurs de la réhabilitation respiratoire, une profession méconnue a été mentionnée dans les Recommandations 2005 de la SPLF : “l’éducateur sportif” formé à la réhabilitation (1). Cette profession reste méconnue : il s’agit de l’enseignant en activité physique adaptée (APA) [diplôme universitaire de licence en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), parcours “APA et Santé”]. La notion d’APA est apparue en 1973 à l’université du Québec à Trois-Rivières. Elle regroupe l’ensemble des pratiques d’activités physiques et/ou sportives utilisées auprès de personnes malades chroniques, en situation de handicap et/ou vieillissantes, à des fins de prévention, de réhabilitation, de post-réhabilitation, de rééducation, d’éducation ou d’insertion sociale (12). Aujourd’hui, l’APA recouvre à la fois un champ d’intervention professionnel et un domaine de recherche (13). La vocation de ces métiers à bac + 3 (licence, niveau technicien supérieur, “enseignant en APA”), bac + 5 (master, niveau cadre, “coordinateur en APA”) et bac + 8 (doctorat, “chercheur”) est de favoriser la santé, la qualité de vie, l’autonomie et la participation sociale de leurs usagers. L’enseignant en APA dispose de solides connaissances universitaires en physiologie et psychologie de l’exercice, ainsi qu’en physiopathologie et psychopathologie, afin d’établir un programme individualisé d’activité physique (nature, fréquence, intensité, durée) sur la base d’évaluations appropriées, et de l’encadrer au sein d’un groupe de patients selon une pédagogie et une didactique adéquates. L’enseignant en APA travaille à l’interface du biologique et du psychosocial en envisageant le patient dans sa globalité (approche holistique), et en l’aidant à construire un projet individualisé à visée de santé intégrant l’activité physique. Aujourd’hui, nul ne peut enseigner les activités physiques contre rémunération sans diplôme reconnu par l’État (décret du 27 août 2004, L. 363.1, code de l’éducation, L. 212 .1, code du Sport). L’exercice professionnel est réglementé afin d’assurer, en particulier, la sécurité des usagers. Les fiches du Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) définissent les corps de métiers en APA et les limites d’exercice dans un champ professionnel constitué. Elles détaillent un domaine d’activité, un référentiel d’emploi, des intitulés de métiers, des objectifs professionnels, une formation, des connaissances et des compétences. Elles rendent lisibles les métiers pour les employeurs, informent les usagers et orientent les futurs étudiants. Désormais, deux Compte-rendu de congrès C ompte-rendu de congrès 63 20/04/07 15:26:33 Compte-rendu de congrès C ompte-rendu de congrès fiches RNCP définissent le corps de métier du face à face pédagogique et de cadre en APA. La première fiche porte sur les diplômés de licence. Pour le niveau licence STAPS, parcours ou spécialité et santé, le professionnel a vocation à participer à la conception, la conduite et l’évaluation de programmes de prévention, de réhabilitation ou/et d’intégration par l’activité physique. Tout diplômé doit demander l’obtention de la carte professionnelle à la Préfecture (qui peut sous-traiter à la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la vie associative). Cette fiche est en vigueur depuis 2006 (voir le site de la conférence des directeurs STAPS, www.c3d-staps.org). La seconde fiche, qui concerne le grade de master, est en cours de finalisation (master, spécialité ingénierie des activités physiques pour la santé). Supervisé par le pneumologue lors d’une phase de réhabilitation ou de post-réhabilitation, l’enseignement des APA réalisé par un diplômé de licence est complémentaire à la kinésithérapie respiratoire, comme l’indique le tableau. En tant que première unité de formation et de recherche (UFR) en STAPS à avoir délivré des diplômes APA en France, en 1982, l’UFR STAPS de Montpellier (université Montpellier I) a voulu dresser un bilan des métiers en APA dans le secteur de la réhabilitation respiratoire à l’occasion de sa 4e Journée des APA. Cent soixante patients, professionnels, universitaires et étudiants se sont rassemblés afin de faire un bilan des demandes des patients présentant une BPCO et des réponses proposées par ces nouveaux métiers de la santé. Cet événement a servi également de révélateur de la professionnalisation au sein d’une équipe de réhabilitation, de post-réhabilitation ou de recherche. Les articles ci-après en sont des illustrations. Le témoignage d’une patiente : H. NEUVILLE* “Trois stages de réhabilitation respiratoire incluant un réentraînement à l’effort physique m’ont permis d’apprécier et de comprendre l’intérêt de l’intervention qui m’était proposée. Mon corps moteur devait porter secours à mon système respiratoire devenu insuffisant et le soulager. L’association APRRES du réseau AIR + R pour la poursuite de la réhabilitation respiratoire en Languedoc-Roussillon s’est mise en place grâce au désir et à la volonté de professionnels spécialisés. Elle se compose d’une responsable de réseau qui coordonne les différents intervenants. Un enseignant prépare et encadre les APA et les marches. Un psychologue anime un groupe de parole tous les mois. Un enseignement thérapeutique est dispensé par différents professionnels de santé. Lors des séances d’APA, nous sommes actifs physiquement. Les activités sont adaptées à nos difficultés et à nos capacités. À Montpellier, nous bénéficions de 2 séances de 2 heures par semaine, se déroulant dans une salle de gymnastique rythmique * 71 ans, BPCO modérée, réseau AIR + R, Montpellier. 64 LPN 2-mars-avril 2007.indd 64 Tableau. Complémentarité du kinésithérapeute et de l’enseignant en APA. Dénomination Kinésithérapeute Enseignant en APA Diplômes Diplôme d’État (bac +3) Licence universitaire STAPS parcours APA et santé (bac +3) Rééduquer une fonction et/ou une structure organique Augmenter les capacités motrices et l’adaptation aux contraintes environnementales par l’enseignement et la prévention Techniques et méthodes de rééducation statique et/ou fonctionnelle Méthodes et programmes d’apprentissage utilisant l’activé physique à des fins de santé, d’autonomie et de qualité de vie Modalité d’intervention Individuelle En groupe Lieu d’exercice Cabinet, centre de réhabilitation, service hospitalier Association, centre de réhabilitation Objectif Moyen et sportive et dans un gymnase. Chaque lieu a ses spécificités et nous permet d’utiliser l’espace, le sol et le matériel de façon différenciée. L’enseignant en APA, toujours à l’écoute, nous propose des exercices préparés, motivants, variés, progressifs, mobilisant les potentialités de chacun au seuil ventilatoire. Nous devons connaître ce dernier à l’occasion d’un test d’effort indispensable et préalable aux séances d’APA. Aucune compétition collective n’est provoquée. Il s’agit au contraire d’un défi individuel par rapport à l’évolution de notre état de santé. Une dynamique de groupe salutaire se crée. Tout en nous prenant au jeu, nous veillons à ne pas nous mettre en danger (surveillance de la saturation en oxygène et du rythme cardiaque). Nous apprenons à contrôler et maîtriser notre souffle, nos efforts, à respecter les temps de récupération après un travail au seuil. Nous sommes souvent en mouvement, sauf lors de courtes pauses pour boire et récupérer. Tous les exercices ont un sens. Leur caractère ludique nous permet de rire, de crier sans “spasmer”, et d’accepter la difficulté. La contrainte inhérente à l’effort devient un plaisir. Elle nous libère en toute sécurité. Nous pouvons nous ‘lâcher’. Nous devons écouter, enregistrer, mémoriser les consignes, anticiper, coordonner nos mouvements et notre souffle, garder l’équilibre, évaluer les distances, aiguiser nos réflexes, travailler La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 2 - mars-avril 2007 20/04/07 15:26:33 au seuil, respecter nos partenaires. Nous travaillons en endurance. Ce travail régulier est salutaire, car il tient compte du temps, de l’intensité et de la répétition. Notre renforcement musculaire est à ce prix. C’est souvent à la fin d’un exercice qui peut paraître long que s’installe un mieux-être. Les marches au seuil ventilatoire individualisé concrétisent nos apprentissages et animent notre curiosité. Elles permettent d’explorer de nouveaux sites. Au passage, des visites d’expositions ou d’ateliers de création peuvent être envisagées. Le groupe de parole est une tribune où nous pouvons exprimer des émotions, nous questionner, formuler nos ressentis, élaborer des idées, partager des moyens de faire face à la maladie. Il favorise notre cohésion collective et sociale. Au fil des séances, nous prenons conscience de notre propre fonctionnement. Il s’ensuit alors une sorte de déprogrammation, perte de mauvaises habitudes et de nos certitudes, dépassement de nos renoncements. Nous pouvons ainsi accepter d’autres propositions que nous pouvons reproduire et répéter, car nous les avons intériorisées. Il s’agit alors d’une reprogrammation. Au cours des enseignements thérapeutiques, nous apprenons à connaître la physiologie respiratoire et musculaire, à gérer notre hygiène de vie, notre alimentation, notre sommeil, nos médications. Cette réhabilitation globale, débutée en centre puis poursuivie en association, permet d’harmoniser notre corps, notre souffle et notre tête pour mieux vivre au quotidien. Nous gérons de manière plus sereine les moments de panique. Nous ‘travaillons’ avec plaisir. Nous constatons peu de refus ou d’absences volontaires parmi les adhérents à l’association.” L’activité physique adaptée chez le malade chronique : du paradoxe à la réhabilitation IP A. Varray En dépit d’une conception associant immanquablement, et souvent de façon trop simpliste, l’activité physique et la santé, le lien entre ces deux entités a connu des évolutions parfois surprenantes. En effet, vers la fin des années 1950, des études épidémiologiques ont commencé à mettre en évidence des relations nettes entre la dépense physique et la diminution de la morbidité cardiovasculaire. Ces travaux ont contribué à encourager la pratique régulière et modérée des activités physiques chez les sujets sains dans une visée de prévention à long terme. Cette première étape, d’une importance considérable au regard de l’ampleur du problème de santé publique posé par les maladies cardiovasculaires, était déjà porteuse d’un paradoxe, puisque l’activité physique était sensée contribuer à la santé… des sujets bien portants. Si le lien entre pratique physique et santé (ou plutôt préservation de la santé) s’est rapidement imposé, il en a été tout autrement dans les domaines où le capital santé était déjà altéré. C’est ainsi que la pratique La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 2 - mars-avril 2007 LPN 2-mars-avril 2007.indd 65 des activités physiques a été fréquemment et durablement contre-indiquée dans de nombreuses maladies chroniques, car la manifestation de certains symptômes était interprétée comme une exacerbation de l’état pathologique initial. L’évolution des mentalités, soutenue par de nombreux travaux scientifiques sur les conditions de l’innocuité des pratiques, a ensuite conduit à considérer l’accès aux activités physiques comme un droit et une nécessité pour le développement fonctionnel, affectif et social des individus (14). Si les conceptions progressaient, la pratique physique n’en demeurait pas moins paradoxalement marginalisée par un discours centré sur les dangers potentiels à éviter. Ainsi, la place des APA dans le processus à synergie thérapeutique des maladies chroniques relevait encore de l’utopie. Pourtant, depuis une quinzaine d’années, de nombreux travaux scientifiques ont contribué à un changement radical dans la perception du lien entre activité physique et maladie chronique, en démontrant que l’activité physique était un moyen efficace et pertinent utilisable dans la prise en charge thérapeutique des pathologies chroniques, et ce pour deux raisons essentielles : – l’hypoactivité secondaire générée par l’état pathologique peut avoir des conséquences désastreuses en termes d’aggravation de l’état fonctionnel du sujet, avec notamment une exagération des symptômes de la pathologie primaire, ainsi que sur le pronostic à long terme (évolution plus rapide de la pathologie, comorbidité, etc.). Cette dynamique, souvent qualifiée de cercle vicieux du déconditionnement et de la dégradation fonctionnelle, met en évidence une incapacité croissante à faire face à une dépense physique, initiée par la pathologie chronique primaire, puis entretenue et démultipliée par le déconditionnement physique subséquent à l’hypoactivité croissante du sujet, qui peut être considérée comme une véritable pathologie secondaire (15) ; – les effets physiologiques et métaboliques induits par des pratiques physiques contrôlées peuvent être utilisés pour corriger, voire compenser les déficiences secondaires aux pathologies chroniques. Dès lors, l’activité physique ne présente plus un caractère “hygiénique” global et mal défini, mais devient un élément incontournable et efficace dans la prise en charge thérapeutique des patients atteints de pathologies chroniques. Un nouveau paradoxe était ainsi mis à jour : proposer à des sujets pathologiques (et dans un but thérapeutique) une activité que l’imaginaire collectif réserve plus spontanément à des sujets bien portants. La prise de conscience de cette histoire mouvementée est importante, car, bien souvent, le patient perçoit peu ou prou une opposition de principe entre son état de malade et l’utilisation des activités physiques dans la stratégie de réhabilitation qui peut lui être proposée. Il faut être également conscient que les activités physiques utilisées dans le cadre de pathologies chroniques posent toujours avec acuité un paradoxe évident : de façon aiguë, l’exercice physique est accompagné de multiples réactions physiologiques pouvant réactiver des craintes spécifiques souvent à l’origine de l’apparition d’une hypoactivité croissante (bronchospasme Compte-rendu de congrès C ompte-rendu de congrès 65 20/04/07 15:26:33 Compte-rendu de congrès C ompte-rendu de congrès post-exercice chez l’asthmatique, hypo- ou hyperglycémie d’effort chez les diabétiques insulino-dépendants, exacerbation de la dyspnée chez les BPCO, peur d’accident cardiaque aigu chez les coronariens, etc.). À l’inverse, les effets à long terme de la pratique physique permettent de normaliser l’état de santé du patient : diminution des risques de crises postexercice chez l’asthmatique (16, 17), meilleur contrôle métabolique chez le diabétique de type I (18, 19), diminution de la dyspnée d’exercice chez le patient atteint de BPCO (20-22), et plus globalement, l’amélioration de la qualité de vie. La façon la plus efficace d’atteindre ces objectifs à long terme tout en évitant les problèmes à court terme implique deux principes fondamentaux : – la définition de bases physiopathologiques précises, car les activités physiques peuvent avoir des effets différenciés selon leurs modalités de pratique et les problèmes à régler diffèrent en fonction des pathologies concernées. Un type unique de pratique pour toutes les pathologies est une idée à proscrire, car elle est à la fois erronée et potentiellement dangereuse ; – l’individualisation des pratiques, pour être toujours en adéquation avec les capacités physiologiques réelles des sujets. Seule cette approche peut permettre de dépasser efficacement le paradoxe décrit précédemment. C’est par le respect de ces règles que le paradoxe de la réhabilitation peut devenir réalité et offrir aux patients une perspective d’amélioration de leur qualité de vie. Les APA en centre de réhabilitation respiratoire : de l’individualisation à l’appropriation IP P. Desnot* La clinique du souffle La Solane, située à 1 250 mètres d’altitude dans les Pyrénées-Orientales, accueille 102 malades respiratoires chroniques stables pour un stage de 29 jours contractualisés et personnalisés de réhabilitation respiratoire. Après évaluation clinique et fonctionnelle, chaque patient bénéficie d’un programme complet comprenant la kinésithérapie respiratoire et fonctionnelle, le réentraînement à l’effort, la nutrition, le soutien psychologique, l’aide au sevrage tabagique, l’éducation thérapeutique et les APA. Si le réentraînement à l’effort, la “pierre angulaire” de la réhabilitation, doit répondre au critère d’individualisation (travail à l’intensité du seuil ventilatoire : garantie de son efficacité), les APA peuvent et doivent apporter une dimension supplémentaire. Elles seront déclinées afin de permettre à chaque malade de s’approprier ce réentraînement en leur donnant les outils nécessaires à une poursuite à domicile. Prenons deux exemples parmi toutes les activités proposées à la clinique du souffle La Solane : * Clinique du souffle La Solane, Osséja. ** Réseau AIR + R, Montpellier. 66 LPN 2-mars-avril 2007.indd 66 – la marche en extérieur est une APA privilégiée, car c’est l’activité la plus facile à reproduire en post-réhabilitation. Chaque patient, quelles que soient ses capacités, participe à plusieurs marches durant son séjour : de 4 créneaux hebdomadaires de 3 heures pour les plus aptes à 3 créneaux hebdomadaires de 1 heure pour les malades les plus sévères ; – les activités aquatiques sont également très présentes dans ce programme, et s’adaptent à tous les niveaux : les plus faibles participent à des séances de renforcement musculaire dans l’eau (activité ludique complétant le travail en endurance) ; les autres bénéficient de séances plus dynamiques de gymnastique aquatique et de natation. Cette activité sera également facilement réalisable au retour à domicile (les piscines municipales proposant très souvent ce type d’activité). Le “classique” réentraînement à l’effort sur bicyclette ergométrique ou tapis roulant trouve ainsi naturellement son prolongement dans les APA. Dans un programme de réhabilitation respiratoire, les APA, tout en respectant les recommandations des sociétés savantes et les capacités de chaque patient, permettent d’associer plaisir, réalisme et efficacité. Par ces qualités, elles favorisent et concrétisent l’appropriation par les malades respiratoires du réentraînement à l’effort. Le rôle des APA dans le réseau régional de post-réhabilitation AIR + R IP M. Partyka** La réhabilitation a une efficacité démontrée et recommandée en grade A par les sociétés savantes (1) pour la prise en charge des BPCO. Cependant, la pérennité des progrès réalisés par les patients durant leur séjour de réhabilitation en centre dépend de la poursuite de ces activités. Une solution efficace à cette poursuite est le réseau de santé. La conjoncture sanitaire est favorable au développement des réseaux et aux innovations pour la prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques. En Languedoc-Roussillon, le réseau de post-réhabilitation AIR + R coordonne des professionnels de santé et 8 associations locales de patients malades respiratoires chroniques (APRRES) depuis novembre 2002, grâce au Fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) de l’URCAM. De retour à domicile, les patients poursuivent leurs activités au quotidien. Les pratiques proposées sont : une séance d’APA par semaine (2 heures), deux marches au seuil ventilatoire par mois (2 x 2 heures), un groupe de parole (1 heure) et un enseignement thérapeutique (2 heures) par mois (23). Ces activités se font dans une véritable dynamique entre les professionnels de santé spécialisés dans la réhabilitation et les patients. Il est recommandé aux adhérents de réaliser une séance par semaine de kinésithérapie respiratoire en cabinet, couplée à un réentraînement des membres inférieurs. Les patients peuvent ainsi maintenir, et améliorer pour la majorité, les acquis obtenus lors de la réhabilitation. De plus, chaque APRRES organise des rencontres socioculturelles conviviales telles que des visites de musée, des repas, etc. La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 2 - mars-avril 2007 20/04/07 15:26:34 Les objectifs spécifiques du réseau AIR + R sont les suivants : – pérenniser les bienfaits acquis en centre de réhabilitation ; – améliorer l’autonomie ; – diminuer le nombre d’hospitalisations ainsi que leur durée ; – rompre l’isolement provoqué par la maladie ; – améliorer la relation soignant-soigné. À l’image de la réhabilitation, des professionnels provenant de divers domaines (infirmiers, kinésithérapeutes, pneumologues, psychologues, enseignants en APA et diététiciens) participent à l’encadrement des patients, partagent leurs connaissances et collaborent au développement du réseau. Les enseignants en APA ont un rôle primordial dans cet encadrement, car leurs interventions bihebdomadaires développent une véritable complicité avec les participants, rappellent les conduites à tenir, et alertent les autres professionnels de santé en cas de signes d’aggravation. Les résultats des évaluations internes et externes démontrent que le réseau de post-réhabilitation AIR + R permet aux patients d’améliorer encore le contrôle de leur dyspnée, leur tolérance à l’effort et leur qualité de vie après un séjour de réhabilitation. Le réseau et les patients s’inscrivent aussi dans un mode de vie et une philosophie de prévention, tant pour eux que pour les autres. Fin 2005, par exemple, les membres du réseau ont participé à la journée mondiale de la BPCO. L’objectif principal était de sensibiliser le grand public à ce problème majeur de santé. Un réseau de post-réhabilitation est une approche innovante qui a prouvé son efficacité dans l’accompagnement des personnes atteintes de maladies chroniques, et qui mériterait d’être repris en France (24). APA, réhabilitation respiratoire et recherche : quelles interactions ? IP M. Poulain*, N. Heraud* La recherche biomédicale se définit comme suit : “Tout essai ou expérimentation organisé ou pratiqué sur l’être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales”. Ces recherches sont réalisées dans des conditions très précises : – elles doivent être menées par des personnes compétentes, formées à la recherche. L’investigateur principal dans le domaine biomédical est un médecin ; – les investigateurs de la recherche doivent prendre toutes les mesures pour protéger les personnes qui se prêtent aux essais ; – toute recherche doit être accomplie selon les obligations légales et réglementaires et avoir obtenu l’approbation d’un comité d’éthique. * Clinique du souffle La Solane, Osséja. ** Clinique du souffle La Vallonie, Lodève. La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 2 - mars-avril 2007 LPN 2-mars-avril 2007.indd 67 Dans un contexte de réhabilitation respiratoire, le service recherche est intégré à l’équipe de réhabilitation, composée de médecins, d’enseignants en APA, de kinésithérapeutes, de psychologues, de diététiciens et d’infirmiers. Le service vise les objectifs suivants : – pour le patient, il s’agit d’améliorer sa prise en charge et sa qualité de vie tout en répondant aux exigences des recommandations sur les programmes de réhabilitation. Des protocoles sont mis en place pour vérifier l’efficacité des thérapeutiques (oxygène, intensité de réentraînement, etc.) et valider du matériel mieux adapté permettant aux patients de réaliser leur programme avec plus de confort et d’efficacité ; – pour l’équipe, il s’agit de trouver de nouveaux outils d’évaluation plus discriminants et/ou plus sensibles, de former ses membres pour leur faire acquérir une méthodologie de bonnes pratiques et une rigueur toujours plus grande dans la réalisation des tests, et d’informer sur les nouvelles thérapeutiques ainsi que sur les recommandations des sociétés nationales et internationales. Compte-rendu de congrès C ompte-rendu de congrès Le service recherche répond à une obligation finale de publications scientifiques dans des revues internationales pour communiquer et valider scientifiquement les résultats obtenus, et “authentifier” son savoir-faire. D’un point de vue fonctionnel, le service recherche est composé d’un conseil scientifique, permettant de communiquer aux membres de l’équipe l’actualité scientifique et les résultats des travaux réalisés au sein de l’établissement, ainsi que d’un comité de recherche. Ce dernier décide de la politique de publication annuelle et des orientations scientifiques. Les protocoles de recherche sont présentés lors de ces comités et validés s’ils répondent aux exigences scientifiques. Les prérésultats ou les résultats d’études en cours sont présentés et discutés. La composition des membres du comité de recherche est orientée par le fonctionnement de ce comité. Les membres du comité sont des professeurs, des chercheurs, des membres de la clinique et des autres centres du groupe, des administratifs du groupe. Quels regards sur les APA ? De l’intervention sur le terrain à la direction d’un établissement de soin IP G. Vallet** Les APA sont un enjeu pour la santé. Dans le domaine de l’accompagnement des maladies chroniques, les activités physiques dites adaptées occupent une place de plus en plus importante. Leur succès est très probablement à mettre en perspective avec un profond changement de nos habitudes de vie. La réduction du niveau d’activité physique, dans nos pays dits modernes, conduit à constater que la sédentarité devient un facteur de risque indépendant. Celui-ci demeure à l’origine d’une surmortalité, non seulement chez les sujets appartenant à la population générale, mais aussi chez des sujets porteurs d’une maladie chronique. 67 20/04/07 15:26:34 Compte-rendu de congrès C ompte-rendu de congrès La mise en place de programmes de réhabilitation dans le traitement de ces pathologies chroniques ainsi que la publication de nombreux travaux scientifiques légitiment l’importance des enseignants en APA dans les institutions de santé. Pour autant, l’absence de véritable statut professionnel, en particulier dans les diverses conventions collectives, dont celle de l’hospitalisation privée, suggère qu’un long chemin vers la reconnaissance reste à parcourir. L’image véhiculée par cet “homme en survêtement” renvoie à des notions plus souvent attachées à la “bonne santé” et à l’efficience motrice qu’à la maladie ou au handicap. Les clefs du succès d’une bonne intégration dans une équipe médicale supposent une bonne connaissance du contexte institutionnel dans lequel l’enseignant en APA devra travailler. Une connaissance des “espaces de compétences” et des autres professionnels de santé tels que les ergothérapeutes, les kinésithérapeutes ou les médecins du sport facilite un meilleur positionnement de l’enseignant en APA. L’acquisition d’un vocabulaire spécifique de “base” facilite ici l’intégration dans l’équipe de soin, qui partage depuis fort longtemps un “code”, voire son code de communication. Cela sous-entend bien entendu d’avoir au préalable une excellente connaissance du handicap traité. L’écueil majeur à éviter demeure donc l’absence de spécialisation de son enseignement (“l’adaptation”) dans le domaine du handicap traité. Du côté soignant, et s’il ne s’agit pas pour autant de renoncer à son identité, être porteur d’un discours trop “nouveau” ne facilite pas l’intégration de l’enseignant en APA à l’équipe soignante. Inversement, conserver un discours “démédicalisant” est une stratégie nécessaire pour sécuriser les patients et faciliter leur adhésion à un programme de soin. Toutefois, un mot médical technique, donné çà et là au détour de conseils ou d’avis appartenant plus au “monde normal” confère une crédibilité qu’il est nécessaire de cultiver. Tout cela est affaire de juste dosage. Une démarche méthodologique rigoureuse constitue un atout supplémentaire. Avancer des objectifs précis, proposer des contenus pertinents, positionner clairement ses interventions par rapport à un projet thérapeutique d’établissement assure un bon positionnement dans l’équipe médicale. Enfin, si le monde médical n’est pas resté insensible à la qualité des formations des enseignants en APA, et si elles constituent une voie professionnelle d’avenir, il n’en demeure pas moins que beaucoup de résistances d’ordre historique, sociologique, psychologique et corporatiste sont encore à lever. Une meilleure communication de ce nouveau métier de la santé en direction des syndicats hospitaliers et privés est probablement à faire. n Références Bibliographiques 1. Société de pneumologie en langue française. Recommandations sur la réhabilitation du malade atteint de BPCO. Rev Mal Resp 2005;22(5):7S2-7S118. 2. Pitta F, Troosters T, Probst VS, Spruit MA, Decramer M, Gosselink R. Physical activity and hospitalization for exacerbation of COPD. Chest 2006;129:536-44. 3. 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