Dick Rivers

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Dick Rivers
Après le grand retour au
rock’n’roll du début des années 70,
avec un répertoire essentiellement
en anglais, Dick Rivers, tout au long
des années 1973-74, s’est refait un nom
au premier plan du rock français grâce à
« Marilou », « Hey Mamy » et surtout
« Maman N’Aime Pas Ma Musique »
(JBM N°163). A partir de 1975, peaufinant
dorénavant ses albums aux Etats-Unis,
Dick va confirmer son statut d’artiste sachant
s’élever au-delà des modes avec des tubes
tels « Faire Un Pont », « Roule Pas Sur Le Rivers »
et « Je Continue Mon Rock’n’Slow ».
Ce que nous raconte ici son biographe
préféré, Alain Duval, pour la sortie
de son dernier album avec « Le Mauvais
Joueur », annonciateur de nouveaux
concerts à partir de l’automne 2006.
chevé depuis le mois de janvier 1975, l’album « The Dick Rivers Connection » ne
sort finalement qu’à la rentrée de septembre sous une magnifique pochette marron
dessinée par Rick Breach et représentant des Indiens et un pistolero. Produit par Steve Rowland
aux studios Advision et Lansdowne de Londres,
il comporte dix titres composés par les musiciens
qui ont joué sur le disque et notamment Chas
Hodges et Dave Peacock (cinq morceaux), Hugh
Burns (deux, guitariste écossais très country
dans l’âme), John Verity, Albert Hammond et Mike
Hazlewood.
Le premier morceau, « Ride Baby », est un rock
cuivré de bonne facture où la guitare de Caleb
Quaye (qui a joué avec Elton John) et les chœurs
excellent également. « Takin’ It Easy » est nettement plus country dans la forme et le texte (un
country-rock à la manière de groupes comme
Poco ou Manassas) avec l’adjonction d’Albert
Lee en renfort et d’une pedal-steel. « Many A
Man » est une très belle mélodie country intimiste
et aisée à retenir avec des paroles intéressantes
et philosophiques. Une chanson qui aurait mérité
un texte en français de façon à connaître un retentissement plus important. « Dry Party » renoue
avec la sensibilité rock plus traditionnelle et les
longs chorus de guitare incisifs sont agréables.
Pour terminer cette première face, « Ulla, Ooh La
La » est un morceau plus cajun aux paroles pittoresques avec dobro, fiddle et harmonica. Une
réussite ! La deuxième face débute avec un titre
familier, la version anglaise de « Maman N’Aime
Pas Ma Musique », « Mama Sure Could Swing
A Deal », qui est éditée en 45 tours en Angleterre,
couplée à « Well, Read And Blue » des mêmes
A la rentrée 1975, album en anglais de Dick Rivers.
auteurs. « So Surprising » et son intro à la Chuck
Berry est un rock’n’roll bienvenu avec chorus de
piano de Pete Robinson et un solo de guitare cristallin remarquable de Caleb Quaye. Avec « Come
Up And See Me Anytime » retour à la country où
s’expriment tour à tour dobro et guitare. On n’est
pas surpris de retrouver ce titre au sein de l’album
« Hiding » d’Albert Lee en 1979 ! « Station Station » avec banjo, pedal-steel et violons est, vous
l’aurez deviné, plus cajun avec un zest de rock un
peu à la manière de Doug Kershaw. Enfin « Well,
Read And Blue », grâce à son intro et son rythme
façon « Not Fade Away » et cet écho dans la voix,
conclut résolument en rock plus classique. Destiné à un hypothétique marché anglo-américain,
ce disque a assez peu de retentissement et une
diffusion confidentielle, malheureusement exploité en fonds de catalogue le plus souvent selon
le jargon des professionnels ! Qu’à cela ne tienne,
notre Dickou national n’est jamais à cours de ressources et, du 29 septembre au 17 octobre 1975,
il est en Louisiane afin de réaliser un rêve vieux de
deux ans, depuis qu’il est en plein trip country :
enregistrer au cœur même du pays cajun, emprunt du folklore sudiste, dans un des studios les
plus réputés des Etats-Unis.
Ce Studio In The Country situé à Bogalusa, petite
ville perdue au fond de la Louisiane près du Mississippi à quelque 150 km de la Nouvelle-Orléans,
a été monté par les gens du Record Plant Studio
de Los Angeles et a accueilli des stars comme
Johnny et Edgar Winter. Dick Rivers se sent très
à l’aise pour y travailler. Il y enregistre de midi
jusque tard dans la nuit. Ses proches sont tous là
bien évidemment, Mouche, puis Joëlle et Serge
Koolenn d’Il Etait Une Fois (Serge a écrit tous les
textes), Tommy Brown qui compose deux des
trois originaux, le photographe Claude Gassian et
Jean Veidly (ex-bassiste des Pirates qui travaille
alors chez Sonopresse). Le producteur Philippe
Rault a réuni les meilleurs spécialistes du genre :
James Burton (guitare, Rick Nelson, Elvis Presley,
Emmylou Harris...), Jim Gordon (batterie, Joe
Cocker, Eric Clapton, John Lennon...), Emory
Gordy (basse, Elvis Presley), David Briggs (claviers) et Russell Hicks (pedal steel, une multitude
de chanteurs country, Eddy Mitchell), Lon Price
(saxo, Paul McCartney...), Buddy Spicher, Rufus
Thibedeaux (violons), etc. Tout ce joli monde est
si compétent que souvent la première prise est la
bonne ce qui fait gagner un temps fou ! Seuls les
chœurs et les ajouts de violons sont faits au Quadrafonic Studio de Nashville. On entre dans le vif
du sujet avec « L’Homme De La Louisiane » situant d’emblée l’esprit de l’album « Mississippi
River’s ». Ce thème réapparaît à la fin du disque
en version plus rapide. Il s’agit de l’adaptation de
« Son Of A Louisiana Man » de Doug Kershaw,
lui-même clin d’œil à son plus gros succès,
«Louisiana Man». Il y a ici un son stupéfiant. Dick
Rivers est totalement imbibé du climat ambiant et
par un texte éblouissant : Je me suis pris des
fleuves qu’on croirait des rivières/ Ici y’a tellement
d’eau qu’on manque un peu de terre, et plein
d’humour : Parlez-moi de Venise et je sors mon
revolver. Le tout bercé par le fiddle de Rufus Thibedeaux et la guitare de James Burton en liesse !
« Jambalaya », traditionnel s’il en est, presque un
hymne là-bas, est formidablement rendu par un
tempo gai et léger et des paroles qui conservent
toutes les sonorités originales. Après toutes les
versions inimaginables qui existent (Hank
Williams, Brenda Lee, Jerry Lee Lewis, Fats Domino, les Carpenters, Emmylou Harris, Doug Kershaw, Wanda Jackson, etc.), celle de Dick tient
Signée Morris, le créateur belge de Lucky Luke, la très fameuse double pochette de «Mississippi River’s».
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