Prévenir le suicide chez les hommes
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Prévenir le suicide chez les hommes
DOSSIER Comprendre la détresse des hommes, mieux intervenir EXPERTE INVITÉE Dre Suzanne éveillée, psychologue [email protected] La Dre Léveillée est psychologue depuis 1987 et professeure à l’Université du Québec à Trois-Rivières depuis 1994. Ses projets de recherche portent sur les enjeux psychosociaux, la santé mentale et la violence intrafamiliale. Elle donne des formations sur ce sujet et elle exerce en pratique privée (psychothérapie et expertise psycholégale). 26 | Psychologie Québec, vol. 32, n o 5 | DOSSIER La détresse vécue par les hommes est bien réelle. En traitant de ce sujet, plusieurs questions nous viennent en tête. D’une part, la détresse vécue par les hommes diffère-t-elle de celle des femmes ? D’autre part, comment cette détresse s’exprime-t-elle et quels en sont les déclencheurs ? Enfin, qu’en est-il de la demande d’aide effectuée par les hommes ? En tant que psychologue, il est important de bien évaluer ces enjeux spécifiques aux hommes pour intervenir de manière plus efficace. Les différences hommes-femmes La comparaison entre les hommes et les femmes a fait l’objet de plusieurs études en lien avec la séparation, l’autodestruction et la demande d’aide. Un des déclencheurs de détresse intense chez les hommes (a ects dépressi s, comportements destructeurs ou violents contre soi ou autrui) est sans aucun doute la séparation amoureuse. Selon plusieurs études, les hommes prennent moins fréquemment l’initiative de la rupture que les emmes en moyenne, des emmes prennent la décision de la rupture (Cyr-Villeneuve et Cyr, 2009). Les conséquences de ce constat pourraient être un vif sentiment de trahison, le peu de préparation à la perte qui arrive subitement pour les hommes. Ainsi, le processus de deuil vis-à-vis des pertes (de la conjointe, des enfants) débute à un moment di érent chez les hommes de chez les emmes (Genest-Dufault, 2013). Les hommes entretiendraient plus longtemps des fantaisies de réconciliation. Aussi, entretenir un attachement envers une personne qui n’est pas attachée en retour engendrerait de la honte et une baisse de l’estime de soi. De plus, certains hommes se sentent trahis et réagissent par des comportements violents lors de l’annonce de la séparation (Baum, llis, Stuc less et Smith, ). n e et, certains hommes présentent des comportements violents envers leur conjointe pendant la période de la séparation, même s’ils n’en avaient jamais présenté avant. Le manque de mots, le trop plein d’émotions, les di cultés à contenir ses émotions lors d’un stress intense pourraient expliquer, sans les ustifier, des comportements agressi s en contexte de séparation (Léveillée et Lefebvre, 2010). D’autres travaux indiquent un lien entre la séparation et des épisodes de dépression majeure (Baum, 2004), une augmentation de la consommation d’alcool et des comportements autodestructeurs ( olves, Ide et e eo, 2010). Demander de l’aide n’est pas aisé pour les hommes Les hommes présentant des valeurs masculines traditionnelles plus ancrées en lien avec la performance, la force et la restriction émotionnelle démontrent plus de di cultés à demander de l’aide. Ces valeurs seraient aussi liées à des di cultés à reconna tre leur vulnérabilité (Fletcher et St-George, 2010). De plus, la honte masculine serait associée aux valeurs masculines : plus ces valeurs sont ancrées, plus les hommes éprouvent des di cultés à demander de l’aide, et plus ils ressentent de la honte (Parcel, 2010). La demande d’aide des hommes : quand paroles et comportements s’entremêlent Parfois, l’expression d’agressivité est la seule porte d’entrée vers la verbalisation la détresse s’exprime souvent chez les hommes par des comportements ou propos teintés d’agressivité. es propos auraient pour onction de masquer les a ects dépressifs. Même dans ce contexte, il importe dans la mesure du possible de faire preuve d’empathie et de respect, de démontrer notre intér t à mieux comprendre les di cultés vécues et exprimées sans adopter un ton moralisateur ou culpabilisant ( uilmette et coll., sous presse, mars ). Il demeure essentiel de ne pas accepter une agressivité qui dépasserait nos limites personnelles ou professionnelles. Toutefois, nommer la détresse sous-jacente à l’irritabilité reste un outil thérapeutique à retenir. Quand les comportements remplacent les mots, un espace de parole sécuritaire et sans jugement pourrait aider les hommes en détresse à nommer le trop-plein d’émotions et ainsi diminuer le risque de passage à l’acte violent. Par exemple, dans le contexte d’une séparation con ictuelle o l’homme a des comportements violents, Vasselier-Novelli et Heim (2010) soulignent que des rencontres (individuelles ou de groupe) permettent à l’homme de se sentir écouté, de voir que l’on reconnaît sa détresse, malgré, par exemple, les accusations portées contre lui. Dans un tel contexte judiciaire, une ou deux rencontres de soutien pourraient précéder un travail thérapeutique ultérieur plus approfondi. Le groupe, un outil de traitement fort appréciable pour les hommes n des défis de l’intervention aupr s des hommes est de les aider à briser l’isolement, à élargir leur réseau de soutien et à réinvestir leurs liens sociaux ( remblay et ’ eureux, ). es pratiques de groupe o rent aux hommes la possibilité de recevoir du soutien émotionnel et l’opportunité de créer des liens significati s. e plus, une des orces de l’intervention de groupe est de stimuler le lien social permettant à la personne de se sentir moins seule et isolée dans une période di cile, et ce, à un moment précis de sa vie. es personnes en détresse ont souvent l’impression que leurs di cultés pourraient durer toute leur vie. DOSSIER | Psychologie Québec, vol. 32, no 5 | 27 Quatre textes sur la détresse masculine Les thèmes abordés dans cette brève mise en contexte sont repris et élaborés plus à fond par les auteurs du présent numéro thématique. Les auteurs nous font part de leur expertise en arrimant les résultats de recherche à la pratique clinique. Ainsi, partant de travaux récents, ils proposent des pistes d’intervention pertinentes à prendre en compte quand le psychologue recoit un homme en consultation. La question du suicide est particulièrement sensible pour les hommes et les psychologues doivent y porter attention. Les auteures Janie Houle et Brigitte Lavoie ont écrit deux textes en collaboration. es textes intitulés révenir le suicide chez les hommes et ratiques à promouvoir pour mieux aider les hommes traitent des travaux récents et proposent des pistes d’intervention concr tes et spécifiques aux hommes. La détresse vécue par les hommes lors d’une rupture conjugale est abordée par Richard Cloutier. Dans son texte intitulé upture con ugale et détresse masculine , l’auteur nous sensibilise à ce phénom ne et soul ve l’importance d’o rir aux hommes un accompagnement sur les plans relationnel, uridique et financier. et accompagnement pourrait assurer un filet de sécurité sociale appréciable. nfin, le th me de la détresse entourant le poids, l’image corporelle et l’insatisfaction corporelle a beaucoup été développé pour les femmes, mais peu de travaux portent sur ce type de sou rance chez les hommes. ans leur texte intitulé ’insatis action corporelle chez les hommes : une détresse méconnue qui mérite notre attention , Patricia Groleau et Jodie Richardson présentent les travaux e ectués sur cette thématique et abordent quelques éléments d’évaluation et de traitement, ainsi que les directions futures dans ce domaine de recherche et d’intervention encore trop peu connu. Puisse la lecture de ces textes être stimulante et motivante, tout en avorisant la ré exion et une meilleure pratique aupr s de la clientèle masculine. Bibliographie Baum, N. (2003). The male way of mourning divorce: When, What, and How. Clinical social work journal, 31(1), 37-50. Baum, N. (2004). On helping divorced men to mourn their losses. American Journal of Psychotherapy, 58(2), 174-185. Cyr-Villeneuve, C., et Cyr, F. (2009). En quoi et pourquoi les hommes et les femmes sont-ils affectés différemment par la séparation conjugale? Psychologie française, 54, 3, 241-258. Ellis, D., Stuckless, N., et Smith, C. (2015). Marital Separation and Lethal Domestic Violence. London and New York : Routledge. Fletcher, R. J., et St-George, J. M. (2010). Men’s Help-Seeking in the context of family separation. Advance in Mental Health, 9, 1, 49-62. Genest-Dufault, S. (2013). Les hommes nus d’amour, l’expérience masculine de la rupture amoureuse : perspectives sur le deuil, le genre et le sens dans l’hypermodernité, (thèse de doctorat), Université Laval, Québec. Guilmette, D., Tremblay, G., Genest-Dufault, S., Audet, S., et Léveillée, S. (Sous presse, à paraître en mars 2016). La rupture au masculin : comprendre et intervenir. Dans Saint-Jacques, M. C., Lévesque, S., Robitaille, C., et St-Amand, A. (dir.) Séparation familiale, recomposition familiale : enjeux contemporains, Presses de l’Université du Québec. Kolves, K., Ide, N., et De Leo, D. (2010). Suicidal ideation and behaviour in the aftermath of marital separation: Gender differences. Journal of Affective Disorders, 120(1-3), 48-53. Léveillée, S., et Lefebvre, J. (2010). Ces hommes qui tuent leur famille. Vers une meilleure compréhension de l’homicide conjugal masculin et du familicide. Saint-Jérôme: Éditions Ressources. Parcel, R. (2010). Développement et validité initiale du questionnaire de la honte de la vulnérabilité masculine. Thèse de doctorat, Université de Sherbrooke. Tremblay, G., et L’Heureux, P. (2010). Des outils efficaces pour mieux intervenir auprès des hommes plus traditionnels. Dans J. M. Deslauriers, G. Tremblay, S. Genest-Dufault, D. Blanchette et J.Y. Desgagnés (éd.). Regards sur les hommes et les masculinités : Comprendre et intervenir, p. 125-151. Québec : Presses de l’Université Laval. Tremblay, G., Roy, P., Morin, M.-A., Desbiens, V., et Bouchard, P. (2011). Conflits de rôle de genre et dépression chez les hommes. Revue québécoise de psychologie, 32 (1), 181-200. Vasselier-Novelli, C., et Heim, C. (2010). Représentations de couple et de la famille, chez les auteurs de violence conjugale à partir d’expériences comparées de groupes de paroles. Thérapie familiale, 4, vol. 31, 33-56. "DUJWJU¥TEFGPSNBUJPO 'PSNBUJPODPOUJOVF -ōFYQMPSBUJPOFJE¥UJRVFEFMBRVFTUJPOFYJTUFOUJFMMFEFMB NPSUVOBDDPNQBHOFNFOUTFOTJCMFBODS¥EBOT MōFYQ¥SJFODFTVCKFDUJWF %¥CVUFUPDUPCSF-JFV2V¥CFD .POUS¥BM BWSJM 4BHVFOBZ NBJ 2V¥CFD NBJ 4VQFSWJTJPOMBQTZDIPUI¥SBQJF "DUJWJU¥TEFDPE¥WFMPQQFNFOU 4UBHFTFUGPSNBUJPOFO'SBODF XXXJNBHFFJEFUJRVFDPN Information et inscription : www.image-eidetique.com [email protected] 418 653-0193 Dossier Pratiques à promouvoir pour mieux aider les hommes Brigitte Lavoie Psychologue Dre Janie Houle Psychologue Mme Lavoie est psychologue, superviseure et formatrice principale de Lavoie Solutions. Elle offre plusieurs formations reconnues en psychothérapie, dont l’une sur l’intervention auprès de la clientèle masculine. La Dre Houle est psychologue communautaire, professeure au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal et chercheure à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Au Québec, les hommes se suicident de trois à quatre fois plus que les femmes1 et ont une espérance de vie de quatre années inférieure2. Lorsqu’ils sont en détresse, les hommes sont moins nombreux à consulter des ressources d’aide que les femmes3-4 et ceux qui le font obtiennent un moins bon suivi . Par exemple, une étude portant sur Montréalais ayant re u un nouveau diagnostic de dépression montre que les hommes sont moins susceptibles d’obtenir un suivi médical après leur diagnostic, de bénéficier d’une continuité de soins et de recevoir un nombre optimal de rencontres5. Dans la même veine, les hommes qui consultent dans une urgence pour des raisons de santé mentale sont moins nombreux que les emmes à obtenir un suivi ( contre ) . n ce qui concerne les hommes hospitalisés pour des raisons de santé mentale, ils sont plus souvent dirigés à leur domicile après leur congé que les femmes, alors que celles-ci sont plus nombreuses à obtenir un suivi en CLSC . nfin, une étude qualitative aupr s de hommes utilisateurs de services dans la région de Montréal a révélé que les hommes en détresse rencontraient souvent de nombreux obstacles dans l’accessibilité aux services, dont l’obligation fréquente de faire de multiples demandes d’aide avant de trouver la ressource qui pourra et acceptera de répondre à leurs besoins . Le manque de formation des professionnels quant aux réalités masculines a été mentionné par plusieurs participants comme un élément nuisant à la qualité des soins qui leur sont o erts. Accroître l’accessibilité à la psychothérapie Il ne faut pas croire que tous les hommes soient réfractaires à la psychothérapie, au contraire. Une étude récente auprès de personnes vivant un premier épisode de dépression montre que, chez les participants qui avaient une pré érence, des hommes préféraient la psychothérapie aux antidépresseurs comme modalité de traitement8. Cependant, plusieurs n’y auront pas accès en raison des multiples barrières qui se dressent sur leur route, telles qu’un manque d’accompagnement dans la référence, des délais trop longs ou de nombreuses tentatives infructueuses. Les psychologues peuvent améliorer l’accessibilité à leurs services en facilitant l’accès à la première rencontre. Accepter qu’un proche prenne le premier rendez-vous ans plusieurs amilles, les rendez vous (du coi eur au médecin) sont pris par la mère ou la conjointe. On pourrait souhaiter qu’il en soit autrement, mais comme psychologue, il faut tenir compte de cette réalité. xiger cet appel peut représenter une barrière infranchissable. Les hommes sont plus ouverts à la psychothérapie si on les accueille quand ils sont en crise, qu’ils aient téléphoné ou non9. Les psychologues qui ont commencé à agir de la sorte ne rapportent pas de di érence dans l’engagement du client, au contraire. Les clients apprécient souvent l’ouverture du psychologue et sont enclins à aire confiance à un clinicien qui a compris que cet appel était au-dessus de leurs forces (sans qu’ils aient à le lui dire). Accepter qu’il soit accompagné à la première rencontre Certains hommes ressentent le même malaise dans un bureau de psychologue que certaines femmes dans un garage. Pour s’assurer qu’elles peuvent aire confiance aux propos du garagiste, il n’est pas rare que certaines femmes demandent à un homme de les accompagner. Peu importe le genre du psychologue, il est important de se rappeler que la psychothérapie se joue sur un territoire plus féminin. La couleur des murs, les DOSSIER | Psychologie Québec, vol. 32, no 5 | 29 revues dans la salle d’attente, les mots et même le ton utilisés peuvent susciter de l’inconfort. Certains hommes souhaitent eux aussi tre accompagnés et l’expriment ainsi : Je ne sais pas si je vais me faire avoir, c’est quand même quelqu’un qui va me jouer dans la tête… Puisqu’ils ne sont pas à l’aise dans cet environnement, leur nervosité s’apaisera plus facilement s’ils peuvent compter sur l’avis d’une personne qui connaît cet univers. n assouplissant cette premi re rencontre, le clinicien obtiendra sans doute plus rapidement certaines informations que le client aurait pu oublier considérant la gravité de ses symptômes. Choisir des interventions qui tiennent compte des exigences de la masculinité Certaines recherches ont démontré que les hommes qui adhèrent aux exigences de la masculinité traditionnelle auront plus de di cultés à répondre aux exigences de la thérapie10. C’est pour ces hommes en particulier qu’il est nécessaire d’adapter nos interventions. Quand on sait qu’il peut être difficile pour certains de montrer leurs aiblesses, d’ tre vulnérables, de reconnaître leurs échecs, d’exprimer leurs émotions et d’admettre leur ignorance9, on peut facilement imaginer qu’ils auront de la di culté à bien répondre à un traitement où ces conditions sont réunies. Les bonnes pratiques invitent les psychologues à adapter leurs interventions en fonction des traitements démontrés e caces et à tenir compte des pré érences et du contexte du client. L’approche orientée vers les solutions a été démontrée aussi e cace et dans certains cas plus rapide10 que d’autres traitements basés sur les données probantes. lle o re une possibilité qui tient compte des exigences de la masculinité. Sans pour autant adopter cette approche de a on exclusive, nous o rirons ici quelques pratiques qui sont issues de cette approche11 et qui pourraient favoriser l’adhésion de cette clientèle et la réussite d’une intervention auprès de celle-ci. S’intéresser à ses histoires de compétences et souligner ses forces Puisque l’homme se sent souvent honteux d’avoir à demander de l’aide, il sera particulièrement important de lui donner la possibilité de montrer qu’il est compétent (ou qu’il l’a déjà été). Avec un homme à la retraite qui se sent démuni, il peut être pertinent de lui poser des questions sur sa plus grande réalisation au travail. S’il a des di cultés au travail, mais qu’il semble avoir une bonne relation avec ses enfants, il serait fort utile de lui demander de raconter un moment où il a été particulièrement fier. our surmonter les di cultés d’introspection de certains, on leur demande de raconter des événements avec le plus de détails possible. C’est le psychologue qui pourra lui re éter ses orces, mettre en évidence ses valeurs et le complimenter sur ses habiletés ou ses intentions : Dans ce que vous me racontez, il est clair que vous avez toujours eu à cœur de préserver la dignité de vos employés ; on voit que vous êtes un citoyen engagé ; un père qui veut être près de ses enfants. n lui donnant la possibilité de parler de ses réussites, on lui donne l’occasion de se présenter au meilleur de lui-même, de nous révéler qui il est. Il est plus grand que ses problèmes. Il est important qu’il sente que nous le voyons ainsi. Proposer une tâche qu’il est presque certain de réussir Faire ace aux échecs est extr mement di cile pour certains hommes. Certains pourraient ne pas commencer s’ils ne sont pas s rs de réussir. es hommes vont apprécier avoir une t che à accomplir à l’extérieur des rencontres. Il sera cependant extrêmement important de choisir une action qui leur permettra de vivre un succès. Le psychologue augmente cette probabilité s’il demande au client de répéter une action qui a déjà marché (pour lui) ou de reprendre des pensées qui l’ont déjà aidé à rebondir dans le passé. Quand le client a très peu d’énergie, une t che d’observation sera aussi plus accessible (par exemple : remarquer les moments o a va un peu mieux). Le psychologue peut aussi suggérer d’enlever des t ches avant d’en a outer. Il sera par ois nécessaire d’encadrer certaines recommandations pour qu’il accepte de les considérer. Par exemple, le mot permission peut être emprunté au monde militaire pour suggérer une action. n e et, quand les soldats ont une permission, ils ont la possibilité de laisser leurs obligations et d’aller voir leur famille, de s’amuser. Certains hommes ont parfois l’impression qu’ils doivent lutter tant qu’ils n’ont pas triomphé de leurs symptômes. Cette attitude peut contribuer à ce qu’ils s’empêchent de faire des activités qui pourraient les aider à aller mieux (par exemple : aller à la p che avec des amis pendant qu’ils sont en congé de maladie). Préserver sa dignité s’il a échoué Si le client n’a pas réussi ce qu’il devait faire entre les rencontres, il sera important de lui permettre de sauver la ace. a a on recommandée est de prendre la responsabilité et de reconna tre des acteurs externes : Je suis désolé, j’ai sous-estimé le niveau de difficulté. Vous avancez avec face au vent, on ne peut pas aller aussi vite dans ce temps-là. Regardons ensemble ce qui serait plus réaliste. Il ne s’agit pas ici de se confondre en excuses, mais de présupposer qu’il n’a pas échoué par manque de volonté. C’est probablement héroïque pour certains d’avouer qu’ils n’ont pas été capables de remplir leur engagement. Notre réaction peut favoriser l’adhésion aux rencontres ou au contraire, briser la relation de confiance et aire en sorte que ce soit la derni re. Accueillir l’expression des émotions (au masculin) Plusieurs psychologues qui travaillent exclusivement avec une client le masculine ont cessé d’utiliser la phrase : Comment te sens-tu ? a ne veut pas dire pour autant que l’expression des émotions est évacuée des rencontres, au contraire. Il est possible d’avoir accès à ce qu’ils ont ressenti en posant des questions di érentes : Comment as-tu réagi quand il t’a dit ça ? Quel a été l’effet sur toi ? Leurs réponses pourraient être très éloquentes comme celle ci : Je me suis senti comme une boîte de courriel qu’on ouvre après avoir été sur le mode avion pendant 10 jours. Tu sais… quand ça n’arrête pas de sonner. Quand on pense que c’est fini, il y en a encore d’autres. Un autre client a déclaré devant ses collègues, après avoir échappé de justesse à la mort : Moi je vous le dis, les gars, c’est ce soir que je la demande en mariage ! st il nécessaire que le premier admette qu’il se sent complètement dépassé et que le second avoue qu’il a eu peur de mourir Ils n’ont peut tre pas utilisé les mots consacrés, ils n’expriment pas moins ce qu’ils ressentent. Il est possible de comprendre sans leur demander de traduire. Programme de formation continue* Conclusion Nous espérons que ces pratiques (sans être exhaustives) vous o riront des pistes pour mieux aider les hommes. ous avons choisi celles qui pouvaient se réaliser dans les prochains jours. Ces petits changements pourraient avoir des impacts importants sur l’accessibilité, l’adhésion et la réussite du traitement (plus particulièrement auprès des hommes qui adhèrent aux règles de la masculinité). Au Québec, certains groupes militent pour que les hommes se libèrent de ce cadre rigide qui peut leur aire vivre de la sou rance. out en reconnaissant les e orts qui sont aits à cet égard, nous ne pouvons pas attendre que les hommes changent pour que nous puissions mieux les aider. Il est possible de le faire dès maintenant en les accueillant tels qu’ils sont. Bibliographie 1. Légaré, G., Gagné, M., St-Laurent, D., et Perron, P.-A. (2015). La mortalité par suicide au Québec : 1981 à 2011. Mise à jour 2014. Institut national de santé publique du Québec. Gouvernement du Québec. 2. Payeur, F. F. (2015). « La mortalité et l’espérance de vie au Québec en 2014 ». Institut de la statistique du Québec, Coup d’œil sociodémographique, nº 40. 3. Houle, J., et Guillou-Ouellette, C. (2014). Analysis of coroners’ records on suicide mortality in Montreal: Limitations and prevention implications. Chronic Diseases and Injuries in Canada, 34(1), 23-29. 4. Vassiliadis, H. M., Tempier, R., Lesage, A., et Kates, N. (2009). General practice and mental health care: determinants of outpatient service use. Canadian Journal of Psychiatry, 54(7), 468-476. 5. Houle, J., Beaulieu, M. D., Lespérance, F., et coll. (2010) Inequities in medical follow-up for depression: a population-based study in Montreal. Psychiatric Services, 61(3), 258-263. 6. Filion, G. (2012). Portrait des usagers en santé mentale, selon le sexe, le territoire du CSS SAM-N et autres territoires de CSSS de la région de Montréal. Période 2009-2010. Centre de santé et de services sociaux d’Ahuntsic et Montréal-Nord. 7. Lajeunesse, S. L., Houle, J., Rondeau, G., Bilodeau, S., Villeneuve, R., et Camus, F. (2013). Les hommes de la région de Montréal : Analyse de l’adéquation entre leurs besoins psychoso ciaux et les services qui leur sont offerts. Montréal: ROHIM. 8. Houle, J., Villaggi, B., Beaulieu, M.D., Lespérance, F., Rondeau, G., et Lambert J. (2013). « Treatment preferences in patients with first episode depression ». Journal of Affective Disorders, 147, 94-100. 9. Dulac, G. (1999) Intervenir auprès des clientèles masculines. Théories et pratiques québécoises. Montréal. A.I.D.R.A.H. 10. Franklin, C., Trepper, T., Gingerich, W.J., et McCollum, E.E. (2012). Solution-focused brief therapy: A handbook of evidence-based practice. NY: Oxford University Press. 11. Bavelas, J., De Jong, P., Franklin, C. et coll. (2013). Solution Focused Brief Therapy Treatment Manual for Working with Individuals. Solution Focused Brief Therapy Association. Mieux comprendre pour mieux intervenir: L’Institut de Psychologie Projective « Évaluation structurale de la personnalité (Rorschach,TAT) » Odile Husain, Ph.D., en partenariat avec le Centre de Psychologie Gouin, assure le Niveau I (40h) qui débutera le 13 janvier 2016. Inscription avant le 30 novembre 2015 *formation reconnue par l’OPQ www.psychologieprojective.org [email protected] Dossier Rupture conjugale et détresse masculine Dr Richard Cloutier Psychologue Le Dr Cloutier est professeur émérite associé à l’École de psychologie et au Centre de recherche sur les jeunes et les familles à risque (JEFAR) de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval. L’évolution rapide du portrait de la famille constitue l’un des changements marquants de l’histoire sociale récente au uébec. Si personnes sur vivent tou ours dans une 1 cellule familiale , la base conjugale de la famille s’est radicalement transformée. Plus de la moitié des couples de ans et moins vivent en union libre, des en ants naissent hors mariage et plus d’un enfant sur trois ne vit pas avec ses deux parents biologiques2. La séparation conjugale est devenue un phénomène courant, mais ses conséquences psychosociales demeurent di ciles à anticiper. Plusieurs facteurs interagissent pour moduler l’impact de la séparation con ugale : initiateur ou quitté niveau de con it dans le couple présence d’en ant statut con ugal (mariage ou union libre) durée de l’union infidélité présence de violence physique ou psychologique irritants financiers et ressources matérielles disponibles santé physique et mentale niveau d’éducation étape de vie ( eune, senior, a né) unions antérieures culture religion qualité du réseau de soutien social etc. Il existe certainement des cas où la séparation conjugale est anticipée, opérée en douceur et bien gérée dans toutes ses facettes. Mais le plus souvent, la rupture donne lieu à une crise dans la vie des acteurs. Si la majorité des individus réussissent à surmonter les défis que pose cette transition3, une trop grande proportion n’y arrivent pas et, parmi ceux-là, les hommes quittés sont à risque d’aller plus loin dans l’enlisement relié à la crise de la séparation ils sont au c ur de la ré exion qui suit. Facteurs de risque masculins Chaque mois, sinon chaque semaine, les médias rapportent une agression fatale commise par un individu de sexe masculin en rupture conjugale où, a posteriori malheureusement, on prend connaissance d’éléments de détresse, de rejets ou de pertes annonciateurs d’un risque de dérive. La déstabilisation de la rupture frappe aussi les femmes, sans contredit4. Mais sans prétendre à l’exclusivité de genre, que peut on identifier comme plus spécifique aux hommes quittés dans la dynamique de leur détresse et de leur plus grand risque de dérive Plusieurs facteurs de risque sont typiquement associés aux hommes dans leur rapport à leur santé et aux services : ils ont tendance à sous-estimer et à négliger leurs problèmes 32 | Psychologie Québec, vol. 32, n o 5 | DOSSIER de santé physique et mentale, ils tardent à demander de l’aide, ils consultent moins les services existants, etc. 5. Voici quelques déterminants associés à la détresse masculine en lien avec la rupture conjugale. Un déficit de lecture émotionnelle. La socialisation masculine traditionnelle repose sur la valorisation de la force, de l’indépendance, de la persévérance et sur la restriction de l’expression des vulnérabilités. ypiquement, les gar ons sont entra nés à restreindre l’expression de leurs sentiments intimes, de leurs craintes et de leurs besoins d’aide, parce qu’en faire part, c’est traduire sa faiblesse . n psychologie du développement, les ancrages instrumentaux de l’identité masculine et les assises relationnelles de l’identité féminine sont reconnus comme vecteurs d’orientation de la conformité aux rôles de genre . La prégnance des valeurs de socialisation masculine traditionnelle (force, autonomie, courage, initiative, détermination, etc.) détournerait les gar ons de l’univers de la ré exivité émotionnelle et relationnelle un écart de genre en résulterait qui les placerait en déficit relati en mati re d’habiletés à mentaliser leur vie intérieure et leurs relations intimes, et à décoder leurs sentiments, ce qui les handicaperait dans la gestion de leurs émotions. C’est à cela que renvoie la notion d’alexithymie, c’est-à-dire une sorte d’analphabétisme émotionnel8. Ce déficit de lecture handicape le repérage de solutions adaptées en contexte de séparation conjugale. Moins de travail émotionnel dans le couple. Le degré d’anticipation de la rupture représente un facteur d’impact et d’ajustement important à la transition de séparation. L’initiateur de la séparation peut voir le changement venir, sinon le contrôler, alors que la personne quittée peut être prise par surprise et vivre une déstabilisation plus grande. La tendance voulant que dans un couple, la conjointe traduise un niveau de satisfaction moindre que son conjoint est encore bien répandue, même si son ampleur empiriquement démontrée est plutôt modeste9. Au-delà des questions importantes relatives aux déséquilibres dans le ardeau assumé pour les soins aux en ants, les t ches domestiques ou dans le partage du pouvoir décisionnel, la notion de travail émotionnel (emotional work10) semble distinguer l’engagement psychologique des membres du couple selon le genre : la emme travaillerait plus ort que l’homme à monitorer et à gérer la relation con ugale elle serait plus attentive au climat relationnel dans le couple et au soutien du conjoint, ce qui expliquerait, au moins en partie, le fait que les conjointes nomment plus souvent les problèmes conjugaux, sont plus souvent à l’origine des consultations et amorcent plus souvent le processus de séparation11. Bref, le moindre engagement masculin dans le suivi et la gestion de la relation contribuerait à la moins bonne anticipation de la séparation. Pour le conjoint qui ne l’a pas vu venir , la surprise amplifie la déstabilisation. Dégradation fonctionnelle potentiellement forte. Sans tomber dans le cliché de l’homme qui ne savait pas se aire cuire un u , orce est de constater que la séparation provoque des changements concrets de régime de vie pour lesquels un bon nombre d’hommes sont mal préparés. Par exemple, pour les hommes, encore nombreux, dont la sphère domestique n’était pas trop de leur ressort dans le couple, un déménagement a ectera négativement les habitudes de vie (l’alimentation, l’hygiène personnelle, le sommeil, etc.) et pourra contribuer de manière importante à la détresse associée à la transition. Échec de rôle. Pour une femme comme pour un homme, le fait d’être quitté provoque généralement un fort sentiment d’avoir échoué dans son rôle conjugal. Cependant, même s’ils amorcent moins souvent le processus de séparation, les hommes sont plus souvent mis en cause dans l’échec. Compte tenu de l’importance de la relation qui se termine, le constat de cet échec peut ébranler certains piliers identitaires comme l’estime de soi et le sentiment d’e cacité personnelle. renons l’exemple du r le de pourvoyeur : malgré la valorisation souvent mitigée qu’on lui réserve, ce rôle destiné à assurer une bonne réponse aux besoins matériels des proches est très important pour la famille et, au-delà des changements rapides dans le couple moderne sur ce plan, il demeure un constituant majeur du rôle conjugal de l’homme. Or une proportion importante de con oints ont du mal à tre à la hauteur des attentes les irritants financiers sont réquents dans les couples ragiles, ils exacerbent les con its à l’origine de la rupture tout en persistant parfois longtemps après la séparation, notamment autour des arrangements relatifs à la pension et à la garde des enfants. L’échec dans cet aspect du rôle de conjoint et de père contribue à la détresse12. Isolement social. Dans la vie de couple, les contacts avec le réseau social sont souvent animés par la conjointe et l’homme a moins d’expérience, sinon d’habiletés, dans l’entretien des liens sociaux. ncore ici, sau exception, l’homme séparé est susceptible de vivre un isolement social plus marqué, lui qui n’est pas enclin à divulguer ses besoins d’aide et n’a généralement pas beaucoup d’amis intimes à qui se confier13. Pour mieux contrer les risques L’apparition de symptômes dépressifs, la dégradation des habitudes de vie, l’augmentation de la consommation d’alcool et de drogue, l’apparition de problèmes en emploi, font partie des séquelles couramment observées chez les hommes vivant une séparation mal contrôlée14. n a outant à cela la tendance masculine à l’extériorisation comportementale (contrairement à la tendance féminine à l’intériorisation), on débouche sur un risque plus élevé, chez certains hommes, de conversion de leurs sou rances en uite vers l’avant et en réponses agressives qui augmentent l’enlisement. Si les cas extrêmes de dérive agressive qui vont jusqu’à l’homicide ou au suicide sont très fortement médiatisés, ils demeurent exceptionnels, heureusement. Cependant, l’extrême surreprésentation des hommes, en tant qu’agresseurs, dans ces drames familiaux demeure frappante15. Dans ce domaine, la liste des facteurs de risque invoqués est considérable, mais elle contraste avec la capacité décevante de prévenir ces catastrophes . Pour l’ensemble de la population, la problématique des ruptures con ugales entra ne des co ts humains et financiers ustifiant clairement une réponse sociale beaucoup mieux adaptée aux besoins. Dans tous les cas, la séparation exige une série de choix déterminants. Or c’est souvent à l’improviste et en contexte de crise que des décisions sont prises. a ré exion, la validation et l’accompagnement professionnel compétent sont nécessaires, mais font très souvent défaut au moment de ces choix aux conséquences durables. De plus en plus de couples et de familles échappent au traitement juridique de la séparation ( on ne divorce pas lorsqu’on n’est pas mariés ) et une minorité seulement accèdent aux services de médiation familiale, tr s pertinents par ailleurs. a plupart des décisions d’ordre financier ne sont ni validées ni l’objet de conseils professionnels compétents. Dans les cas à plus haut risque de violence, les conjointes et les proches ne sont souvent pas sensibilisés aux dangers de dérive de leur ex-conjoint ni à la nécessité d’une protection active. Les décideurs comme le public doivent prendre conscience du fait que la séparation conjugale est plus qu’un changement d’adresse et que la compétence des choix de réorganisation et l’évitement des écueils (portés par les con its, notamment) pourraient aire toute la di érence. ’ensemble des personnes qui se séparent ont besoin d’un accompagnement et DOSSIER | Psychologie Québec, vol. 32, no 5 | 33 de conseils compétents en matières relationnelle, juridique et financi re . Un tel accompagnement, accessible gratuitement aux individus comme aux couples, briserait l’isolement des situations en y assurant un regard externe impartial pouvant aussi servir de sentinelle dans le dépistage des risques plus sensibles de dérive et dans l’orientation des acteurs vers les ressources adaptées, y compris des services de protection en cas de besoin. Si l’on prend en compte les coûts directs et indirects des ruptures mal gérées18, un tel filet de sécurité, accessible à tous gratuitement, serait acilement couvert, au grand bénéfice de toutes les personnes concernées. Bibliographie 1. La notion de famille, définie par Statistique Canada pour le recensement de 2006, renvoie à l’ensemble des ménages privés où des conjoints vivent avec ou sans enfants de tous âges. Voir MFA (2011). Un portrait statistique des familles au Québec, Québec, gouvernement du Québec, ministère de la Famille et des Aînés, [www.mfa.gouv.qc.ca/ fr/publication/documents/sf_portrait_stat_complet_11.pdf], p. 621. 2. MFA (2011), op. cit. 3. Saint-Jacques, M.-C., Turcotte, D., Drapeau, S., Cloutier, R. et coll. (2004). Séparation, monoparentalité et recomposition familiale. Québec, Presses de l’Université Laval. 4. Dans la réflexion qui nous occupe ici, il est impossible de parler des hommes ou des femmes comme s’il s’agissait d’ensembles homogènes. Presque toutes les tendances rapportées devraient être accompagnées d’une mise en garde à l’effet que seule une partie, parfois très petite, de la population est concernée par le risque discuté. La notion de risque est essentiellement probabiliste et doit constamment être ramenée à l’échelle statistique à laquelle elle renvoie. 5. Roy, J. et coll. (2015). Un portrait social et de santé des hommes au Québec : des défis pour l’intervention. Rapport de recherche. Québec, Université Laval, Équipe Masculinités et Société. Tremblay, G., Cloutier, R., Antil, T., Bergeron, M.-È., Lapointe-Goupil, R. (2005). La santé des hommes au Québec. Québec, gouvernement du Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux. 6. Cloutier, R. (2004). Les vulnérabilités masculines. Montréal, Éditions de l’Hôpital Sainte-Justine. 7. Tap, P. (2005). Enfance et identité sexuée. Dans Cloutier, R., Gosselin, P., et Tap. P. (éd.). Psychologie de l’enfant. Montréal, Gaëtan Morin, p. 277-297. 8. Taylor, G. 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J., Brown, M., et Porter, R. (2013). Economic Costs and Policy Implications Associated With Divorce: Texas as a Case Study, Journal of Divorce & Remarriage, 54, 1-24. magazine-opq2.indd 1 • Traitements spécialisés des troubles anxieux • Formations aux intervenants • Supervision clinique Fondé et dirigé par Dre Pascale Brillon, psychologue, l’Institut est spécialisé dans le traitement de l’anxiété selon une approche cognitive-comportementale. Nous travaillons en collaboration avec des massothérapeutes et des ostéopathes spécialisés en gestion du stress. De plus, des séances de relaxation, de méditation et de yoga sont offertes dans notre studio. Formations aux intervenants • 23 octobre 2015 Traiter le TOC par la TCC : Bases et nouvelles approches. Dr Marc-André Bernard, psychologue 9h à 16h30 Détails et inscription en ligne • 20 novembre 2015 Sortir l’anxiété de l’assiette : Traiter l’alimentation émotionnelle et les comportements hyperphagiques. Dre Patricia Groleau, psychologue • 4 décembre 2015 Stratégies avancées pour aider les victimes de stress post-traumatique et sortir de l’impasse thérapeutique. Dre Pascale Brillon, psychologue Formations reconnues par l’OPQ pour formation continue Institut Alpha institutalpha.com 1600 boul. Henri-Bourassa Ouest, suite 420, Montréal, H3M 3E2 514.332.1600 2015-07-13 Dossier Prévenir le suicide chez les hommes Dre Janie Houle Psychologue Brigitte Lavoie Psychologue La Dre Houle est psychologue communautaire, professeure au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal et chercheure à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Mme Lavoie est psychologue, superviseure et formatrice principale de Lavoie Solutions. Elle offre plusieurs formations reconnues en psychothérapie, dont l’une sur l’intervention auprès de la clientèle masculine. Au Québec, comme partout en ccident, de à des suicides sont commis par des hommes. haque année, plus de hommes s’enl vent la vie par suicide dans la province, ce qui correspond à plus de deux décès par jour1. Les suicides sont des morts évitables et les psychologues ont un rôle à jouer dans leur prévention. Reconnaître et soulager une détresse exprimée différemment es recherches estiment qu’environ des personnes qui s’enl vent la vie sou rent de troubles mentaux au moment de leur déc s : la dépression et les troubles d’abus ou de dépendance à l’alcool ou aux drogues sont les plus prévalents2. Plusieurs symptômes de dépression entrent en contradiction avec les normes de la masculinité, qui mettent l’accent sur le stoïcisme, l’invulnérabilité et l’autonomie3,4. Conséquemment, les hommes tendent à manifester des symptômes de dépression qui sont plus socialement acceptables pour eux, mais qui s’éloignent de la configuration plus classique de sympt mes observée chez les femmes (incluant la tristesse, les pleurs, la perte d’énergie) , . Par exemple, ils seront plus enclins à présenter de l’irritabilité, des attaques de colère, des comportements agressifs et des comportements de prise de risque, incluant l’abus d’alcool ou de drogues. Ainsi, la dépression serait sous-diagnostiquée chez la population masculine. Une enquête américaine tend à appuyer cette hypothèse . lle indique que l’utilisation d’une mesure de la dépression incluant à la fois les symptômes traditionnels et les symptômes alternati s masculins ait dispara tre la di érence de genre dans la prévalence de la dépression, alors que celle-ci est deux fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes lorsqu’elle est mesurée à l’aide des instruments habituels. hez pr s de la moitié ( ) des hommes qui s’enl vent la vie, il y a comorbidité entre la dépression et un trouble de toxicomanie8. La consommation d’alcool ou de drogue est utilisée par plusieurs hommes pour soulager leur sou rance psychologique, cette forme d’automédication étant moins stigmatisante à leurs yeux que de devoir consulter un professionnel ou de prendre des antidépresseurs9,10. r ces abus sont per us par les proches11, tout comme par plusieurs intervenants12, comme des problèmes de comportement qui traduisent un manque de volonté, plut t que comme les sympt mes d’une sou rance 36 | Psychologie Québec, vol. 32, n o 5 | DOSSIER qu’il importe de soulager. Ces perceptions négatives s’accompagnent de désapprobation, d’un manque d’empathie et d’un soutien de moins grande qualité. Pour prévenir les décès par suicide chez les hommes, il faut d’abord reconnaître leur détresse, même lorsqu’elle s’exprime avec de la colère ou de la toxicomanie. Il est particulièrement important de faire la distinction entre violence et colère. Il ne s’agit pas ici d’accepter la violence, mais d’accueillir la colère comme l’expression tout aussi légitime d’une émotion. Certaines techniques d’intervention non violente peuvent être utiles. ar exemple : Votre réaction est légitime ! Vous ne réagiriez pas autant si ce n’était pas important ! C’est normal d’être indigné dans de telles circonstances ! Il y a sûrement de bonnes raisons pour que ça vous enrage autant! our tre e caces, ces mots doivent être prononcés sur le même ton. L’empathie vis-à-vis de la colère ne s’exprime pas avec une voix douce. Le ton de voix de l’homme va souvent s’adoucir s’il sent que nous comprenons le sérieux de la situation (avec nos mots et notre volume), que nous reconnaissons ses intentions positives (protéger sa famille ou défendre son honneur) ou la valeur qui a été blessée (l’intégrité, la loyauté, le devoir). n ce qui concerne la consommation, il peut tre utile de l’aborder en permettant à l’homme de préserver sa dignité : Certains hommes qui ont perdu leur emploi se mettent à boire davantage, c’est comme une façon de s’engourdir. Est-ce que c’est le cas pour vous ? Il est important de vérifier l’e et de la consommation sur le passage à l’acte en étant direct : Est-ce que vous aviez consommé lors de votre dernière tentative de suicide? Présentement, vous me dites que vous ne voulez pas mourir, je vous crois. Je me préoccupe du moment où vous aurez pris 12 bières et que vous serez seul. Est-ce que ce qui vous garde en vie sera assez fort ? Ce n’est pas que je ne vous fasse pas confiance, c’est que j’ai peur que dans ces moments-là ce soit plus dur. J’aimerais qu’on les planifie mieux ensemble. Être vigilant après une perte de nature humiliante Chez les hommes, la séparation amoureuse, particulièrement lorsqu’elle revêt un caractère humiliant, est souvent le principal facteur précipitant le suicide13. n cas de figure réquent est la rupture décidée par la conjointe en raison d’une longue accumulation de comportements inadéquats ou délictueux de l’homme, découlant souvent de ses problèmes d’abus ou de dépendance14. n plus de la séparation amoureuse, les pertes d’emploi, de m me que les probl mes financiers et udiciaires sont plus souvent observés chez les hommes décédés par suicide que chez les femmes13,15. Les dettes de jeu ou de drogue, les arrestations, les menaces d’agence de recouvrement caractérisent les derniers mois d’une proportion importante d’hommes qui s’enlèvent la vie14. n présence d’un homme qui vient de subir une ou plusieurs pertes de cette nature, il est recommandé de ne pas attendre d’autres signes précurseurs pour vérifier si le client pense au suicide, et ce, dès la première rencontre. S’il ne pense pas au suicide, il serait aussi important de consigner au dossier ce qui pourrait le faire basculer. Le psychologue pourra être proactif s’il connaît et anticipe ces moments critiques. tre systématiquement vérifiée par le psychologue, elle n’est toute ois pas su sante pour statuer sur la dangerosité de la situation. a présence d’un plan défini est associée à un risque accru de passage à l’acte, mais son absence ne doit pas être interprétée comme un indicateur d’une faible dangerosité. La planification d’un geste suicidaire peut s’e ectuer en quelques minutes seulement et la majorité des gestes sont posés sans planification préalable20,21. Le où se limite bien souvent au domicile de la personne et le quand survient lorsque la souffrance devient intolérable ou que la personne est intoxiquée à l’alcool (de à des personnes qui se suicident ont de l’alcool dans le sang au moment du décès)22. Les psychologues qui interviennent auprès d’un homme suicidaire doivent estimer la dangerosité de la situation et retirer l’accès aux moyens. L’estimation de la dangerosité est une procédure complexe qui est bien balisée. lle est recommandée par le Guide des bonnes pratiques en prévention du suicide23 et fait l’objet d’une formation reconnue par l’Ordre des psychologues du Québec, intitulée Intervenir auprès de la personne suicidaire à l’aide de bonnes pratiques et o erte partout au Québec. Faire grandir les raisons de vivre n prévention du suicide, l’une des t ches primordiales du psychologue est de faire grandir chez la personne ses raisons de vivre, un facteur de protection déterminant . Les hommes ne réalisent pas toujours l’impact profond et durable que leur suicide aura sur leur entourage . Le rôle de protecteur, central à l’identité masculine, peut ainsi servir de frein puissant au suicide et raccrocher un homme à la vie9. Par ailleurs, ce n’est pas toujours le bonheur qui aide les hommes à rester en vie, mais parfois simplement quelque chose qui a assez de sens. Lorsqu’un compagnon de cellule disait à Viktor Frankl18 que la vie ne pouvait plus rien lui apporter, il lui répondait tr s doucement : Et si tu te demandais ce que tu pourrais apporter à la vie ? Dans cette perspective, on peut demander : Qui a besoin que tu restes en vie ? Quel combat vaut encore la peine de continuer ? Parle-moi d’un moment où tu savais qu’on avait besoin de toi. Donne-moi un exemple dans ta vie où la partie qui veut vivre prend le dessus, où elle gagne. C’est comme s’il y avait un combat à l’intérieur de toi. D’un côté, la partie qui se bat pour vivre, de l’autre côté, celle qui en a assez de souffrir. Que fais-tu dans les moments où c’est la première qui gagne ? Il ne faut pas sous-estimer l’importance de petits projets qui peuvent sembler à première vue anodins, mais qui peuvent tre su samment importants pour que la personne décide de remettre son geste à plus tard. On peut gagner du temps en mettant de l’avant ces projets et ces valeurs. Accompagner dans la référence n raison du tableau clinique complexe que l’on trouve généralement chez les hommes à haut risque de suicide, il s’avère souvent nécessaire de les diriger vers d’autres professionnels et ressources pour compléter l’aide o erte par le psychologue. Notamment, une aide spécialisée en traitement des dépendances est souvent requise. Or il est crucial d’accompagner dans la référence et d’éviter de remettre entre les mains de l’homme le fardeau de se trouver un rendez-vous de suivi chez une nouvelle ressource. Il peut être possible d’appeler pour vérifier la procédure, de prendre un rendez vous avec lui (dans le bureau), de vérifier si un proche peut l’accompagner. Il est parfois idéal d’avoir le prénom d’une personne qui l’attend au service. Il peut être utile que le psychologue reste en contact jusqu’à ce qu’un lien soit créé avec la nouvelle ressource pour éviter une rupture de services. Il existe un fort mouvement pour favoriser l’autonomie des personnes. Même si nous sommes tout à ait avorables à ces e orts, il reste que dans certaines circonstances cet appel téléphonique est un pas insurmontable. n conclusion, pour mieux prévenir le suicide chez les hommes, il nous apparaît primordial d’adapter nos pratiques à leur réalité particulière. De petits changements en ce sens peuvent aire toute la di érence. Retirer l’accès aux moyens létaux et estimer correctement la dangerosité Les hommes utilisent des moyens plus létaux que les femmes lorsqu’ils posent un geste suicidaire, de sorte qu’ils en meurent davantage19. Bien que la planification du geste suicidaire doive DOSSIER | Psychologie Québec, vol. 32, no 5 | 37 Bibliographie 1. Légaré, G., Gagné, M., St-Laurent, D., et Perron, P.-A. (2015). La mortalité par suicide au Québec : 1981 à 2011. Mise à jour 2014. Institut national de santé publique du Québec. Gouvernement du Québec. 2. Arsenault-Lapierre, G., Kim, C., et Turecki, G. (2004). Psychiatric diagnoses in 3275 suicides : a meta-analysis. BMC PSychiatry, 4 :37. 3. Addis, M. E. (2008). Gender and depression in men. Clinical Psychology Science and Practice, 15(3), 153-168. 4. Kilmartin, C. T. (2005). Depression in men: Communication, diagnosis and therapy. Journal of Men’s Health and Gender, 2, 95-99. 5. Magovcevic, M., et Addis, M. E. (2008). 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ENSEIGNER LA MÉDITATION PLEINE CONSCIENCE: OUTILS PRATIQUES ET COMPRÉHENSION DE L’INTERFACE PSYCHOLOGIE/SPIRITUALITÉ FORMATEUR Roger Marcaurelle, Ph.D., est psychologue clinicien et professeur associé de psychologie à l’UQAM. Sanskritiste et docteur en sciences des religions, il a été chargé de cours au département de sciences des religions de l’UQAM. Il enseigne la méditation depuis plus de 40 ans. OBJECTIFS Au terme de l’activité, le participant sera en mesure de: 1- Décrire et différencier les diverses formes de méditation pleine conscience (MPC); 2- Pratiquer la MPC dans sa vie personnelle; 3- Enseigner les principales formes de MPC de manière efficace et assurer un suivi adéquat des expériences des clients concernant la pratique de la MPC; 4- Appliquer la MPC à la lumière des données probantes, de l’étude comparée des diverses formes de méditation et de l’interface psychologie/spiritualité. FORMATIONS COMPLÈTES À MONTRÉAL ET À QUÉBEC Volets 1 à 3: ateliers Dates : samedi au dimanche Montréal Québec Volet 1 : 26-27 sept. 2015 Volet 2 : 7-8 nov. 2015 Volet 3 : 16-17 janv. 3-4 oct. 2015 21-22 nov.2015 23-24 janv. 2016 Frais: 448.40 $ par volet (tx incl.) Volet 4 : retraite de méditation Dates : Jeudi (soir) au dimanche Montréal Québec 5-8 mai 2016 21-24 avril 2016 Frais (incluant hébergement pour 3 nuits et repas): INFORMATIONS ET INSCRIPTION PleniSources.com/Enseigner 43h reconnues (OPQ). Aucun pré-requis. Dossier L’insatisfaction corporelle chez les hommes : une détresse méconnue qui mérite notre attention Dre Patricia Groleau Psychologue Dre Jodie Richardson Psychologue La Dre Groleau est psychologue à l’Institut Alpha, elle se spécialise dans les troubles des conduites alimentaires et les autres problématiques reliées à l’image corporelle, de même que dans les troubles anxieux. La Dre Richardson est fondatrice de Connecte, Groupe de psychologie de Montréal et se spécialise dans les troubles de l’alimentation, l’image corporelle et les problèmes reliés au poids. Définition et épidémiologie / ’insatis action corporelle se définit comme le décalage per u entre l’idéal corporel d’une personne et son corps actuel ( hompson, ). Ce phénomène qui a typiquement été associé à la gent féminine est de plus en plus reconnu chez les hommes. n e et, quoique cette problématique ait commencé à tre étudiée il y a plus de ans à la suite de l’identification de cas d’anorexie inversée (aussi appelée bigorexie à cette époque ope, atz et udson, ), ce n’est que dans les dernières années qu’une attention accrue s’est portée sur le sujet, tant dans la communauté scientifique que dans les médias populaires. Au-delà du poids, les diktats de beauté actuels et les stéréotypes associés à l’identité masculine génèrent chez les hommes des préoccupations qui concernent également, et principalement, la définition du corps et la musculature (Burle et Shurts, 2013). Les résultats d’études suggèrent que ces préoccupations sont en hausse, avec des hommes en , et en , se disant insatis aits et préoccupés par leur tonus musculaire ( hompson, einberg, ltabe et antle unn, ). Selon les données actuelles, une augmentation de l’insatisfaction se produirait à la puberté, et pr s de des adolescents de sexe masculin se sentiraient très sérieusement préoccupés par leur musculature (Field et coll., 2014). Chez les hommes adultes, la tendance montre qu’au fil des ans de plus en plus d’hommes émettent le désir de perdre du poids (McCabe et Ricciardelli, 2004). Finalement, des études se sont penchées sur les di érences de préoccupations en onction de l’orientation sexuelle, démontrant que les hommes homosexuels sont plus à risque que les hétérosexuels de développer des troubles des conduites alimentaires et d’être plus préoccupés par une recherche de minceur excessive (Mc reary et coll., ). de soi, des symptômes dépressifs, des risques accrus d’abus d’alcool et d’utilisation de substances destinées à améliorer l’apparence et la per ormance (S ), telles que les stéroïdes anabolisants, l’éphédrine et des pro-hormones (Walker, nderson et ildebrandt, Field et coll., ). ertains troubles de santé mentale peuvent émerger des di cultés d’image corporelle sévères, tels que les troubles des conduites alimentaires et la dysmorphie musculaire. Une étude longitudinale menée aupr s de plus de adolescents de sexe masculin a révélé que usqu’à rapportaient avoir eu des épisodes sporadiques d’orgies alimentaires, d’hyperphagie sans perte de contrôle ou des comportements purgatifs, et pr s de satis aisaient aux crit res diagnostiques de l’hyperphagie boulimique (Field et coll., 2014). La dysmorphie musculaire, qui a o ciellement ait son entrée dans le SM comme spécificateur d’un trouble de dysmorphie corporelle (APA, 2013), a quant à elle été associée à la pratique de musculation excessive, à une alimentation centrée sur la prise de masse ou la perte de gras corporel et à des idées suicidaires ( livardia, ope et udson, ope et coll., ). Conséquences sur la santé Chez plusieurs, les préoccupations à l’égard de la minceur et de la musculature mènent à des conséquences sur la santé physique et mentale. Des études indiquent des associations significatives entre l’insatis action corporelle et une aible estime Facteurs psychologiques Plusieurs facteurs psychologiques ont été associés au développement ou au maintien d’une image corporelle négative. Par exemple, des expériences de victimisation et d’intimidation ( ol e et Sapouna, idie et coll., ), des railleries 40 | Psychologie Québec, vol. 32, n o 5 | DOSSIER à propos du poids ( axton, isenberg et eumar Sztainer, ), le ait d’avoir été en surpoids ou en sous poids par le passé ( isenberg et coll., ), la pratique de certains sports, particulièrement ceux où la régulation du poids est une partie intégrante de la discipline (Galli et coll., 2011), les comportements de vérification corporelle ( al er, nderson et ildebrandt, 2009), le niveau d’intériorisation des idéaux de beauté et de forme physique véhiculés par les médias et le perfectionnisme (Grammas et Schwartz, 2009) sont tous des facteurs qui ont été reliés à l’insatisfaction corporelle chez les hommes. Facteurs sociaux Les stimuli sociaux ont beaucoup changé dans les dernières décennies. Par exemple, des études ont démontré une augmentation de la musculature des figurines d’action et des personnages de dessins animés destinés aux enfants dans les derni res années ( ope et coll., ). u c té des adultes, le contenu des magazines destinés aux hommes, précédemment orienté vers des activités de loisir (p. ex. la chasse et la pêche), est maintenant centré sur la performance, la forme physique et la nutrition ( lexander, ). Finalement, des études révèlent que le corps masculin est de plus en plus dévoilé et les modèles présentés sont de plus en plus musclés et soignés ( atoum et Belle, eit, ope et ray, ). es messages entraînent chez plusieurs l’intériorisation d’idéaux irréalistes les amenant à autoévaluer leur apparence très négativement ( gliata et antle unn, ). Phénomène méconnu et peu détecté L’insatisfaction corporelle chez les hommes et les problématiques associées sont souvent peu détectées par les cliniciens et autres travailleurs de la santé. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène. Premièrement, les hommes ont tendance à nier ou à minimiser leurs préoccupations d’image corporelle, puisqu’ils consid rent que ce type de di cultés est typiquement éminin. ’inverse est aussi vrai les pro essionnels tendent à ne pas évaluer ces problèmes chez les hommes (Grieve, Truba et Bowersox, 2009). De plus, la valorisation de la musculature et de la mise en forme dans la culture populaire augmente les risques que des attitudes et des comportements malsains soient erronément pris pour des pratiques orientées vers le bien tre et la santé ( eumar Sztainer et isenberg, 2014). Finalement, les critères diagnostiques des troubles des conduites alimentaires n’incluent pas des préoccupations et comportements plus fréquemment présentés par les hommes, ce qui diminue la détection de ces symptômes (Field et coll., 2014). Évaluation uisque les di cultés d’image corporelle sont rarement le motif de consultation des hommes, nous recommandons aux professionnels de la santé de poser des questions ouvertes qui pourraient entamer une discussion à propos de l’image corporelle. Voici quelques exemples : À quelle fréquence vous préoccupez-vous de l’apparence de votre corps ? À quelle fréquence scrutez-vous votre corps dans le miroir ? Si les réponses à ces questions indiquent qu’une évaluation plus poussée mérite d’ tre e ectuée, plusieurs éléments devraient figurer sur la liste des choses à évaluer : l’insatis action corporelle, la recherche excessive de musculature, la dysmorphie musculaire, les troubles des conduites alimentaires et l’utilisation de SDAAP. Quelques questionnaires peuvent vous assister dans votre évaluation : le Drive for Muscularity Scale (McCreary et Sasse, 2000), et le Eating Attitudes Test ( arner et coll., version ran aise : eichner et coll., ). Traitement La psychoéducation s’impose comme première étape pour discuter des th mes suivants : variations naturelles de silhouette et du poids, ine cacité et dangerosité de certains comportements pour altérer l’apparence physique (p. ex. l’exercice physique excessif et l’utilisation de SDAAP), facteurs reliés à l’insatisfaction corporelle chez les hommes et exemples d’options saines et équilibrées pour atteindre des objectifs de gestion de poids et de orme physique ( eumar Sztainer et isenberg, 2014). L’approche psychothérapeutique la plus communément utilisée est la thérapie cognitive comportementale. Le programme empiriquement validé de Thomas Cash propose des techniques telles que la restructuration cognitive, la pleine conscience et l’exposition via le miroir (Cash, 2008). Directions futures es e orts de conscientisation devraient mettre en lumi re les e ets né astes de la promotion d’idéaux de musculature chez les hommes, travailler à défaire le mythe selon lequel l’insatisaction corporelle est un probl me de emmes et prioriser la promotion d’une image corporelle positive, incluant l’appréciation, la protection et la connexion au corps (Gillen, 2015). Des interventions pourraient être particulièrement pertinentes dans les écoles, où nous pourrions cibler les jeunes qui sont dans le processus de générer et de consolider leur image corporelle et leur estime de soi. n résumé, l’insatis action corporelle chez les hommes est un phénomène en croissance, associé à des conséquences négatives sérieuses sur la santé et le bien-être de plusieurs qui en sont a ectés. Il est primordial de continuer à améliorer nos connaissances afin de mieux prévenir, détecter et traiter ces problématiques. Bibliographie Agliata, D., et Tantleff-Dunn, S. (2004). 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