Fiche-élève pour Zéro de conduite

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Fiche-élève pour Zéro de conduite
« Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933)
« Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933)
1. A quoi se réfèrent les deux mots du titre du film ? Quel est
d’ailleurs le sous-titre de ce film ?
1. A quoi se réfèrent les deux mots du titre du film ? Quel est
d’ailleurs le sous-titre de ce film ?
2. Pensez-vous qu’il soit adapté au contenu du film ?
2. Pensez-vous qu’il soit adapté au contenu du film ?
3. A quoi voit-on que l’histoire se déroule à une autre époque que la
nôtre ? Donnez quelques détails.
3. A quoi voit-on que l’histoire se déroule à une autre époque que la
nôtre ? Donnez quelques détails.
4. Etablissez la liste des principaux personnages de cette histoire, en
leur donnant à chacun, un signe particulier.
4. Etablissez la liste des principaux personnages de cette histoire, en
leur donnant à chacun, un signe particulier.
5. Citez quelques farces produites par les pensionnaires de ce collège.
5. Citez quelques farces produites par les pensionnaires de ce collège.
6. Ce film, bien que déjà parlant, a été tourné en 1932, c’est-à-dire à
une époque de transition où le cinéma, de muet, passait petit à petit
au sonore. Montrez que ce film garde encore quelques particularités
des films muets.
6. Ce film, bien que déjà parlant, a été tourné en 1932, c’est-à-dire à
une époque de transition où le cinéma, de muet, passait petit à petit
au sonore. Montrez que ce film garde encore quelques particularités
des films muets.
7. De nombreuses scènes du film sont tournées soit en plongée* soit,
comme à la fin, en contre-plongée** (cf. la scène finale sur le toit).
Ce parti pris du réalisateur, montrant plusieurs points de vue,
produit du sens chez le spectateur. Quel sens voyez-vous donc dans
l’utilisation de ces plans en plongée et en contre-plongée par rapport
au statut des personnages ?
7. De nombreuses scènes du film sont tournées soit en plongée* soit,
comme à la fin, en contre-plongée** (cf. la scène finale sur le toit).
Ce parti pris du réalisateur, montrant plusieurs points de vue,
produit du sens chez le spectateur. Quel sens voyez-vous donc dans
l’utilisation de ces plans en plongée et en contre-plongée par rapport
au statut des personnages ?
8. Ce film a fait scandale à sa première projection en 1933. Il a été
censuré par les institutions qu’il dénonce d’ailleurs. Citez quelques
exemples de scènes pouvant avoir été censurées à l’époque.
8. Ce film a fait scandale à sa première projection en 1933. Il a été
censuré par les institutions qu’il dénonce d’ailleurs. Citez quelques
exemples de scènes pouvant avoir été censurées à l’époque.
9. Le réalisateur, dans ce film très bien structuré, fait des références
cinématographiques indéniables à d’autres cinéastes reconnus.
Pouvez-vous en citer ? A leur tour, plusieurs cinéastes modernes
rendront hommage à Jean Vigo dans leurs films. Pouvez-vous en
citer ?
9. Le réalisateur, dans ce film très bien structuré, fait des références
cinématographiques indéniables à d’autres cinéastes reconnus.
Pouvez-vous en citer ? A leur tour, plusieurs cinéastes modernes
rendront hommage à Jean Vigo dans leurs films. Pouvez-vous en
citer ?
*Un plan est en plongée, quand il est montré de haut en bas et inversement en contreplongée.
*Un plan est en plongée, quand il est montré de haut en bas et inversement en contreplongée.
« Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933)
Eléments de correction :
1.
A quoi se réfèrent les deux mots du titre du film ? Quel est d’ailleurs
le sous-titre de ce film ?
- A une sanction, une sentence donnée contre un comportement déviant et défiant
l’autorité (plusieurs fois entendu dans le film : 3 fois). Le sous-titre est « Jeunes
diables au collège ».
2. Pensez-vous qu’il soit adapté au contenu du film ?
- Oui, car il met en scène l’indiscipline de collégiens face à une autorité excessive.
3. A quoi voit-on que l’histoire se déroule à une autre époque que la
nôtre ? Donnez quelques détails.
- On peut le voir entre autres aux uniformes des élèves, le train à vapeur, les
costumes des adultes, noir pour l’autorité et gris pour la liberté, chapeau compris
(pas les mêmes pour Huguet, chapeau non rond, sauf quand il imite Charlot avec
sa canne, et les autres, chapeau rond ; cf. le sketch avec le chapeau mis sous
cloche par le directeur, trop petit), l’intérieur du pensionnat et des salles de cours...
4. Etablissez la liste des principaux personnages de cette histoire, en
leur donnant à chacun, un signe particulier.
- Les personnages principaux sont :
Huguet, le surveillant ‘lunaire’, rêveur (il a souvent la tête en l’air), « un brave
type » (d’après Caussat), il est du côté des enfants (cf. la scène où le directeur
vient réprimander Tabard, Huguet est détaché du groupe d’autorité)
René Tabard, l’élève qui se rebelle
Mme Tabard, sa mère
Caussat, Colin et Bruel, trois élèves farceurs
Le surveillant-général, dit Bec-de-gaz, moustachu, muet (on ne le voit jamais
parler ; « ... zéro de conduite. Consignés dimanche », dit hors-champ) et marchant
ou plutôt glissant entre deux eaux, aimant les friandises des élèves et cleptomane à
ses heures ; il surveille plus le surveillant Huguet que les élèves
Le surveillant à lunettes, dit Pète-sec (celui qui les attend à la gare)
Cornacchia, le censeur
Le professeur de chimie, gros plein de soupe, suant et à tendance pédophile
Le veilleur de nuit, semble-t-il « aveugle » avec ses lunettes noires
Le directeur
Le gardien
Remarque : Tous les personnages qui représentent l’autorité portent des lunettes
et/ou la barbe ou la moustache.
« Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933)
5. Citez quelques farces produites par les pensionnaires de ce collège.
- Les cris d’animaux de la ferme au couché, à 21h00 ; la toux répétée et rythmée
des élèves punis jusqu’à 23h00, le mal au ventre simulé de Colin, le somnambule,
fumer dans les toilettes pendant la récréation, l’imitation par Huguet de Charlot
dans la cour, Huguet qui fait le poirier sur le bureau de permanence, la bataille
d’haricots qui ne fait pas rire Colin, car c’est sa mère qui a cuisiné, le squelette qui
suit le professeur de chimie, la bataille de polochons, l’injure « Merde » faite au
professeur de chimie puis au directeur, la révolte, la crucifixion du surveillant
dans son lit, ...
6. Ce film, bien que déjà parlant, a été tourné en 1932, c’est-à-dire à
une époque de transition où le cinéma, de muet, passait petit à petit
au sonore. Montrez que ce film garde encore quelques
particularités des films muets.
- cf. les cartons ([Finies les vacances. La Rentrée] ; [Complot d’enfants] ;
[Dimanche. Caussat chez son correspondant...] ; [Et Colin auprès de la mère
Haricot, sa maman...] ; ), la rareté des dialogues (cf. les gamins se retrouvant au
début dans le train, ne parlent pas, mais font des gags : le pouce coupé, la balle
sauteuse, la mini trompette, les faux seins en baudruches, les plumes dans le
derrière, les cigares (cf. le raccord sur la fumée), ), la présence plutôt de la
musique imitative (cf. le train, au début ou la musique au tambour pendant la
parade des révoltés) et des chansons d’enfant.
7. De nombreuses scènes du film sont tournées soit en plongée* soit,
comme à la fin, en contre-plongée** (cf. la scène finale sur le toit).
Ce parti pris du réalisateur, montrant plusieurs points de vue,
produit du sens chez le spectateur. Quel sens voyez-vous donc dans
l’utilisation de ces plans en plongée et en contre-plongée par
rapport au statut des personnages ?
- En plongée pour écraser les enfants, ne pas les faire grandir, et en contreplongée, pour les libérer, les faire grandir, les faire devenir adultes (d’ailleurs
Caussat a des pantalons longs en haut du toit).
8. Ce film a fait scandale à sa première projection en 1933. Il a été
censuré par les institutions qu’il dénonce d’ailleurs. Citez quelques
exemples de scènes pouvant avoir été censurées à l’époque.
- Les scènes-tabous : l’autorité (sortant du compartiment, on nous montre la
panneau « Non fumeurs » ; la petite taille et la voix aigue du directeur ; le non
respect de l’autorité par Huguet, le préfet tiré comme un pantin, le drapeau
« Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933)
français jeté et remplacé par le drapeau à tête de mort), le sexe (les faux seins, les
fesses au lever du lit et sortant des toilettes dans la cour, le côté féminin de Tabard
(cheveux longs, il dort en chemise de nuit) ; l’allusion aux relations
homosexuelles de Tabard avec son camarade Bruel, indiquée par le directeur ; les
jambes à moitié nues, les mi-bas et la culotte de la petite fille vues sous sa robe
chez le correspondant de Caussat ; le corps nu, puis le sexe d’un garçon pendant la
parade ; ), la religion (la femme transformée en curé en robe noire, près de
l’église, le curé au début de la fête du collège ; la crucifixion du surveillant dans
son lit), la mort (cf. au début, dans le compartiment : « Il est mort ! Foutons le
camp ! » )
9. Le réalisateur, dans ce film très bien structuré, fait des références
cinématographiques indéniables à d’autres cinéastes reconnus.
Pouvez-vous en citer ? A leur tour, plusieurs cinéastes modernes
rendront hommage à Jean Vigo dans leurs films. Pouvez-vous en
citer ?
- Les références cinématographiques renvoient à : Charlie Chaplin (« Les
Lumières de la ville », 1931) ; à Luis Buñuel (« Un Chien Andalou », 1928 pour
les références à la religion surtout ; Exemple : la transformation surréaliste à la
Buñuel de la femme en prêtre) ; à Jean Cocteau ( « Le Sang d'un poète », 1930 ;
« La Belle et la bête », 1946 ; « Orphée » , 1950, pour les scènes de ralenti) ;
- Les cinéastes qui lui ont rendu hommage sont : Jacques Tati (« Jour de fête »,
1949, « Les Vacances de Monsieur Hulot », 1953 ; « Mon Oncle », 1958) pour le
personnage désarticulé et ressemblant à un pantin de Monsieur Hulot, voir la
pantomime de Bec-de-gaz quand il apprend la venue de Monsieur de directeur ;
François Truffaut (« Les Quatre Cents Coups », 1959) pour la sortie en ville avec
Huguet qui fait la cour à une dame, suivi par les pensionnaires ; ou encore
Luchino Visconti (« Mort à Venise », 1971) pour le personnage de Tabard, double
de Tadzio.
*Un plan est en plongée, quand il est montré de haut en bas et inversement en
contre-plongée.
« Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933)
Quelques informations supplémentaires :
Les effets comiques ? – les lunettes noires du veilleur de nuit, la
marche glissante du surveillant-général, ses pantomimes, le dessin sur la
feuille qui se met à s’animer ressemblant à Bec-de-gaz lequel se
métamorphose en Napoléon, l’imitation par Huguet de Charlot,
l’apparition du directeur, avec sa petite taille et sa voix aigüe, l’effet du
miroir grandissant quand le directeur s’y contemple, l’apparition de sa
chauffeuse à ses pieds, le lever de casquette par toute la classe, suivant
celui de Huguet face à la dame ; la course poursuite des enfants derrière
Huguet poursuivant lui-même la dame, la transformation de la dame en
curé dans la rue ; « M. le surveillant général, vous aviez raison. Il faut
les surveiller » dit le directeur ; le plan diabolique en contre-plongée du
directeur semblable à un diable ; Caussat et Colin, imitant la marche de
Bec-de-gaz ; la bataille d’haricots qui préfigure celle avec les
polochons ; la manière de parler de Caussat, semblable à un ivrogne ; le
squelette qui suit le professeur de chimie quand il entre en classe ; la
crucifixion du surveillant dormant dans son lit au matin de la rébellion ;
les personnalités (religion, institution scolaire, pouvoir-préfet) assises
devant le stand de tirs avec les pantins-potiches (caricatures, les enfants
vont les prendre d’ailleurs ainsi puisqu’ils se mettent à leur tirer dessus,
Huguet comptant les tirs vainqueurs) ;
cf. le faux raccord quand Huguet salue la dame ; avec la balle envoyée
par la mère à Colin dans la cuisine ;
Citez quelques farces produites par les pensionnaires de ce collège.
- les cris d’animaux de la ferme au couché, à 21h00 ; la toux répétée et
rythmée des élèves punis jusqu’à 23h00, le mal au ventre simulé de
Colin, le somnambule, fumer dans les toilettes pendant la récréation,
l’imitation par Huguet de Charlot dans la cour, Huguet qui fait le
poirier sur le bureau de permanence, la bataille d’haricots qui ne fait
pas rire Colin, car c’est sa mère qui a cuisiné, le squelette qui suit le
professeur de chimie, la bataille de polochons, l’injure « Merde » faite
au professeur de chimie puis au directeur, la révolte, la crucifixion du
surveillant dans son lit,
« Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933)
cf. Références à : théâtre d’ombres chinoises ou l’effet du miroir
renvoyant par artifice l’image surdimensionnée du directeur, en fait
celle de son surveillant-général ; et aux effets spéciaux : le tour de
magie avec le ballon en permanence, le dessin animé sur la feuille,
représentant a priori Bec-de-gaz qui se métamorphose en Napoléon ; la
musique de tambour extradiégétique qui vient appuyer la parade des
révoltés dans le dortoir , le ralenti de la parade pendant la révolte ;
Le film est parlant et mis en musique, mais les mots ont du mal à se connecter à
l’image : la plupart sont soit prononcés hors champ, soit attribués à des personnages
au dos tourné, soit à d’autres filmés de loin ; d’où parfois, et même dans des cas où le
personnage parlant est filmé de près, des écarts de synchronisation des dialogues. La
technologie primitive qui forme le squelette du film, un muet sur lequel le son a été
simplement plaqué, manque ici de rigueur pour donner l’illusion d’une vraie parole
captée.
Le parti pris de la caméra pour les enfants et non les adultes : On
peut citer également les mouvements de caméra et l’usage de certains
plans faits pour aider le spectateur à comprendre, ou à accuser les
méfaits des adultes ou le désintérêt des enfants vis-à-vis d’eux (cf. le
mouvement de caméra, du côté des enfants, qui montre le responsable
du vol de chocolat en permanence, ou encore le gros plan sur la main du
professeur pédophile sur la main de Tabard, dénonçant le travers du
professeur ou encore le mouvement de va-et-vient de la caméra qui se
détourne de l’autorité du directeur venu dans la classe demander à
Tabard qu’il fasse des excuses)
cf. les raccords trompeurs du montage : Huguet qui sort de sa chaise pour aller
... non pas punir Caussat qui colle tous les livres de l’étagère, mais pour aider
un gamin à faire la chandelle, en permanence
cf. les illogismes : Tabard sur le toit en train de fixer le drapeau de la révolte et
en même temps Tabard dans le dortoir en train de parader
Cela tient en partie au fait que la question du sexe et de son oppression, loin de faire
irruption comme un coup de force dans cette partie finale, hantait le film depuis le
début, la lutte d’indépendance se doublant d’une lutte pour l’identité sexuelle. On ne
pourra oublier le personnage de l’élève Tabard, garçon effacé d’apparence efféminée
– peut-être sous l’influence de sa mère couveuse, entrevue au début – et qui réveillera
avec véhémence sa personnalité au moment de faire l’objet de caresses suspectes
(dénoncées en deux gros plans, sur la victime et sur la main coupable) d’un de ses
professeurs, pour prendre la tête de la rébellion.
« Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933)
On a souvent dit que ce film manquait de structure et de rigueur, ce qui
est absolument infondé et inexact. Essayez de retrouver sa structure, son
plan (début, milieu, fin).
Maurice Jaubert est un compositeur français né à Nice le 3 janvier 1900 et
mort au front, à l'hôpital de Baccarat, le 19 juin 1940.
Maurice Jaubert est particulièrement connu pour ses nombreuses partitions
pour le cinéma, Zéro de conduite et L'Atalante de Jean Vigo, Quatorze Juillet
de René Clair, Un carnet de bal et La Fin du jour de Julien Duvivier, Drôle de
drame, Hôtel du Nord, Le Quai des brumes et Le jour se lève de Marcel Carné.
Ce film a été tourné en 1932 par Jean Vigo dans le collège de SaintCloud où il passa lui-même une partie de sa scolarité ; celui-ci s’inspire
donc de ses propres souvenirs personnels. L'institution scolaire y
apparaît répressive et fermée. Le film est jugé « antifrançais » et, sous la
pression des Pères de famille organisés, il fut censuré et n'obtient son
visa d'exploitation qu'en 1945, après la Libération, c’est-à-dire douze
ans après sa première et seule projection.
Les vacances se terminent et il est temps pour quelques garçons de
revenir au collège, un lieu sans joie où les professeurs, des adultes
obtus, leur infligent des punitions sévères et les privent de liberté et de
créativité. Quatre d'entre eux, punis avec un « zéro » de conduite,
décident de se rebeller, avec la complicité d'un nouveau surveillant,
Huguet (Jean Dasté), plus proche de la mentalité des jeunes que de celle,
rigide, des autres adultes.
C'est ainsi que se déchaîne une bataille le jour de la fête du collège, les
adultes ont le dessous et les garçons peuvent courir sur les toits, enfin
libres.
Le début du récit de Vigo souligne l'insouciance joyeuse de l'enfance :
le train qui ramène deux garçons à l'école après les vacances est le
théâtre de leurs farces. À la gare se profile la sévérité du collège qui
accueille les garçons alignés en file par deux, mais également la figure
extravagante du nouveau surveillant, Huguet. Le dortoir nous montre au
« Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933)
« Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933)
premier plan les figures de trois plus jeunes des protagonistes (Caussat,
Colin et Briel) soumis aux punitions du « censeur ». C'est lors de la
récréation que commence le complot des trois, apparemment protégés
par l'adulte Huguet, lequel, après avoir imité le célèbre Charlot, se
montrera même capable de faire le poirier sur le bureau au milieu des
garçons enthousiastes, ce à quoi met fin l'entrée de l'autre surveillant ;
celui-ci, dont la façon n'est pas du tout la même, punira plus tard les
garçons avec l'habituel zéro de conduite et l'interdiction de sortir le
dimanche. La présentation du directeur du collège est un des instants les
plus amusants du film ; il arrive alors que les garçons sont sur le point
de sortir en compagnie du jeune maître qui, les ayant laissés seuls, se
promène l'air distrait et fait la cour à une dame. Un autre personnage
grotesque dans le corps enseignant est « Cornacchia », surpris à voler
aux garçons leurs desserts et puni par eux-mêmes qui se servent de
colle. La nourriture du collège déchaîne une réaction désordonnée et
railleuse. Les attentions équivoques du professeur de sciences
provoquent une violente réaction verbale (« Y a la merde », anagramme
du pseudonyme du père de Vigo) de l'autre tout jeune protagoniste
(Tabart), présenté depuis la scène de la gare avec des traits délicats et
efféminés, et qui ainsi est définitivement accepté par les trois rebelles.
L'action touche à son sommet : à l'occasion de la fête de l'école les
quatre garçons organisent une révolte, au cours de laquelle des
mannequins et des exhibitions dignes d'un cirque soulignent de façon
expressive l'impasse d'un pouvoir définitivement mis au pilori, et les
enfants s'enfuient sur les toits, vers les cieux sereins garants d'une
nouvelle liberté.
Nounez qui exècre l’académisme du cinéma de cette époque. Il va
financer zéro de conduite dont il trouve le scénario formidable.
Un certain nombre de personnes (dont Pierre Merle, Albert Riera, Henri
Stork, le journaliste Charles Goldblatt, futur parolier des chansons de
l’Atalante…) vont constituer le clan Vigo et c’est à l’occasion du
tournage de son premier long métrage (65 minutes) que ce clan va se
concrétiser. Vigo est un homme de rencontres. Il va avoir la chance de
rencontrer quelqu’un qui va croire totalement en lui et voir le génie
sous-jacent dans A propos de Nice. Ce mécène (on ne peut pas l’appeler
autrement au vu de ce qui va arriver) est un dénommé Jacques Louis-
Zéro de conduite raconte la conspiration fomentée, pour combattre l’ennui et
se révolter contre l’autorité, par quatre adolescents (Caussat, Colin, Bruel et
Tabard) à l’occasion de la fête officielle d’un pensionnat de province. Il s’agit
d’un film sur l’enfance, tourné par un enfant à qui on a confié une équipe de
tournage et des studios. Film au montage chaotique et décousu, dont on a
parfois du mal à suivre la trame narrative (mais çà n’a pas beaucoup
d’importance et çà ne gêne pas à la compréhension de l’histoire), c’est un
monument à la gloire de la désobéissance dont le sommet, qui pourrait nous
paraître bien anodin aujourd’hui, est cette séquence où le jeune Tabard dit
‘Merde’ à l’autorité. Ceci dit, malgré un côté potache très prononcé, les
différents regards du réalisateur sur la morale, l’autorité, la religion, (ainsi que
l’évocation sans équivoque de la pédophilie) sont d’une acuité confondante et
d’une audace rarement égalée.
Zéro de conduite est un film qui a manifestement inspiré bien des
cinéastes. On en donnera un exemple parmi d’autres. Vigo, montre
rarement ses propres influences. Il fera un hommage amusant à Charlie
Chaplin par l’intermédiaire du personnage du surveillant incarné par
Jean Dasté (que l’on retrouvera dans le rôle du marinier, dans
l’Atalante) imitant Charlot dans la cour de récréation. Mais, il est quasi
évident que ce personnage lunaire habillé d’un pardessus gris et d’un
chapeau, gaffeur, légèrement obsessionnel, est l’archétype de Monsieur
Hulot.
Zéro de conduite est aussi un film de transition entre le muet et le
cinéma parlant.
Le film commence par une très belle séquence muette dans le train, où
deux jeunes pensionnaires comparent les différents jeux qu’ils ont
amenés avec eux pour la rentrée des classes. Vigo nous montre qu’il
connaît les conventions du muet et qu’il sait en jouer avec vivacité et
humour, la séquence se termine sur un bruitage du train qui surprend le
spectateur.
Les techniques de sonorisation viennent d’arriver en France et Vigo
n’aura aucun mal à s’en emparer, osant les expérimentations les plus
variées avec les moyens du bord, ce qui donnera une bande son
« Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933)
étonnante mais malheureusement fort abîmée à l’arrivée. Pendant
longtemps, les versions que l’on a pu voir dans les Ciné-club (ou à la
télévision où Zéro de conduite n’a guère été diffusé avant minuit) étaient
à la limite de l’audible. C’est sûrement un des prétextes qui ont justifié
la diffusion restreinte de Vigo à la télévision, empêchant ainsi toute
reconnaissance par un large public. Même si Lobster Films (société de
restauration connue d’une grande partie des cinéphiles) a fait, une fois
de plus, un travail incomparable pour nous redonner un confort
d’écoute, il faudra encore rester attentif. On pourra, malgré cela,
remarquer les qualités de la bande son, et surtout les judicieuses
ponctuations musicales de Maurice Jaubert indissociables du film (ce
sera encore plus vrai dans l’Atalante), notamment la modernité de
l’illustration sonore d’un des sommets du film, la bataille de polochons
dans le dortoir.
Cette scène d’anthologie résume presque toutes les qualités de ce film.
Une certaine maladresse enfantine et un sens poétique indéniable, mais
en même temps une grande maîtrise filmique. Mais aussi scène
scandaleuse qui est sûrement pour beaucoup dans l’interdiction du film :
non seulement il s’agit, sans aucun doute, d’une parodie de procession,
mais l’un des plans laisse entrevoir brièvement, quoiqu’ assez
clairement, un sexe d’adolescent sous la chemise de nuit qui se soulève.
Selon les témoins, la présentation du film est, c’est le moins que l’on
puisse dire, houleuse ! Zéro de conduite ne sera jamais diffusé au public
du vivant de l’auteur. Le film est frappé d’interdiction par la
commission de censure qui réclame tellement de coupes que celui-ci
déjà très court deviendrait totalement inexploitable. Il ne sera à nouveau
visible qu’à la libération, en 1945.
Le Clan Vigo est consterné. Jean a fait un film extrêmement personnel
où il y a mis beaucoup de sa vie et de ses convictions. La sanction est
douloureuse. Jacques Louis-Nounez (qui adore le film) se retrouve avec
une perte sèche dont beaucoup ne se relèveraient pas, or il insiste car il
croit au talent de Vigo. Mais il décide (car il ne peut pas prendre le
risque d’un second échec) de confier à l’enfant terrible un scénario très
consensuel que l’on pourrait même qualifier d’un peu mièvre. Il sait que
Vigo en tirera quelque chose de fort, mais au moins il compte se débarrasser
des aspects politiques qui pourraient conduire la censure à frapper de nouveau.
« Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933)

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