Le travail des aides à domicile et la santé, Séminaire Inpes – 9 mars

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Le travail des aides à domicile et la santé, Séminaire Inpes – 9 mars
Recherches sur le handicap et la perte d’autonomie liée à l’âge (Convention INPES/CNSA)
Philippe Cardon (Université Lille 3), Ghislaine Doniol‐Shaw (LATTS (CNRS), Université Paris‐Est),
Franck Guichet (CSI), Emmanuelle Lada (Centre en Etudes Genre LIEGE, Université de Lausanne et
CRESPPA‐GTM), Audrey Sitbon (INPES)
Le travail des aides à domicile et la santé
Séminaire INPES – 9 mars 2009
Compte rendu analytique
Ce séminaire a été organisé dans le cadre des projets de l’INPES issus d’une convention avec la CNSA
et relatifs aux populations âgées en perte d'autonomie et aux personnes en situation de handicap.
L’objectif était d’échanger à partir de travaux de recherche récents sur des thèmes ou des
populations qui sont l’objet d’une investigation nouvelle ou particulière au sein de l’institut.
Dans cette perspective, la première séance a été consacrée aux aides à domicile, en tant que
professionnelles les plus directement aux prises avec les populations âgées. Ont été conviés à cet
effet quatre chercheurs qui ont accepté de rendre compte des résultats de leurs recherches
qualitatives et de discuter la question du rapport à la santé de ces professionnelles.
Ghislaine Doniol‐Shaw et Emmanuelle Lada sont parties de leurs résultats sur les parcours d'emploi,
de travail, de formation et de qualification des salariées dans le secteur de l'aide aux personnes. Dans
le cadre d’un doctorat en cours, Franck Guichet interroge différemment cette professionnalisation,
considérée sous l'angle des savoirs investis dans l'expérience de travail. Philippe Cardon interroge
quant à lui la place de l’alimentation dans les interventions des aides à domicile auprès de personnes
âgées dépendantes, question cruciale dans la mesure où l’alimentation est au cœur des politiques
publiques (PNNS) de prévention auprès des personnes âgées via les personnes intervenant auprès
d’elles.
Des travaux exploratoires réalisés dans le cadre des études sur la santé et la perte d’autonomie
menés à l’INPES ont orienté les débats.
Trois dimensions au moins nous intéressaient. Nous souhaitions interroger l’impact du métier d’aide
à domicile sur la santé de ces professionnelles, mais il nous importait aussi de comprendre
l’investissement, le rôle, et les pratiques de ces professionnelles dans la santé des populations
bénéficiaires. Nous avions également demandé aux chercheurs de nous apporter des éléments sur
les méthodes de recherche qui leur semblaient plus adéquates pour interroger ces professionnelles.
Les communications des intervenants et les débats qui ont suivi sont présentés ici sous la forme d’un
compte rendu analytique. Une rapide présentation des chercheurs et quelques‐unes de leurs
publications figurent en annexe du document.
1. Les dimensions du travail de l’aide à domicile en lien avec la santé
La santé n’est pas a priori l’enjeu premier du travail des aides à domicile davantage centré autour des
questions de préservation de l’autonomie, de la mise en place de toutes les conditions permettant
un maintien à domicile, dans des conditions favorables, de personnes âgées qui peuvent être
atteintes de pathologies physiques et mentales diverses.
Les questions d’autonomie et de santé s’entrecroisent, si cette dernière est entendue dans une
acception large. La notion de santé est en effet polysémique. Elle peut être comprise dans une
dimension biomédicale ou recouvrir non seulement l’absence de pathologie mais aussi le bien‐être
-1-
physique et mental. En ce sens, elle peut rejoindre les préoccupations des aides à domicile mais
devient plus difficile à appréhender, la totalité de leur intervention étant susceptible d’avoir un
impact sur la santé. De manière non exhaustive, trois dimensions du travail de l’aide à domicile
pouvant avoir un lien avec la santé ont été abordées : un soutien d’ordre psychosocial, la prise en
compte des risques et l’alimentation.

Le soutien
De fortes attentes de la part des proches des personnes bénéficiaires de l’aide émergent sur le
terrain de l’aide psychosociale. Certains soulignent que la présence des aides à domicile peut
« structurer le temps » de la personne, est susceptible de les « valoriser », de restaurer leur
confiance en eux. Au regard d’une fonction attendue de soutien moral, la qualité de la relation est
parfois citée comme déterminante dans l’évaluation de l’aide à domicile. Un travail également
escompté par des familles est celui du maintien ou de la restauration de l’identité des bénéficiaires.
Elles y participent quand elles contribuent à leur donner un sentiment d’utilité ou à améliorer leur
estime de soi par exemple en les mettant en situation de transmission d’un savoir ou en les aidant à
exploiter leurs propres ressources. Enfin, par le maintien d’un confort au domicile, les tâches
ménagères vont contribuer au confort mental des bénéficiaires de l’aide.

La prise en compte des risques
Les aides à domicile exercent une surveillance par rapport à l’état de santé physique et mental des
bénéficiaires, étant en première ligne pour repérer les difficultés et évolutions et transmettre les
informations aux proches et aux professionnels de santé. Elles s’organisent par exemple pour être
présentes en même temps qu’eux au domicile. Leur rôle a d’autant plus d’importance quand les
personnes tendent à minorer leurs troubles et reculent le moment d’appeler le médecin. Le carnet
de liaison comme modalité de communication entre professionnels ne peut remplacer les contacts
directs, dans la mesure où toutes les informations ne peuvent y figurer, laissant la possibilité, pour le
bénéficiaire, d’en prendre connaissance.

L’alimentation
La question de l’alimentation, abordée par Philippe Cardon, tient une place importante au regard de
la question de la santé et dans la pratique des aides à domicile. Les types d’activités
alimentaires (approvisionnement et/ou l’aide à la préparation) dépendent des types d’interactions
sociales avec les personnes âgées. Dans ces activités est en jeu, au regard de la demande des
institutions, la marge d’autonomie et de liberté dont bénéficie ou non l’aide à domicile.
* Le rôle assigné aux aides à domicile dans la délégation alimentaire (le fait d’avoir recours à un tiers
en matière d’approvisionnement ou de préparation) poursuit deux buts attendus par l’employeur :
 Un diagnostic : il leur est demandé de repérer les habitudes et préférences
alimentaires, de surveiller l’approvisionnement et d’observer, vérifier le contenu des
repas.
 Un rôle de prévention : elles doivent valoriser et appliquer une alimentation
équilibrée et saine selon la terminologie du PNNS qui engage à manger de tout en
petites quantités et à maintenir la régularité des repas.
* Les aides à domicile se positionnent de manière variable par rapport à ces demandes de
l’employeur. Le type et le niveau d’investissement varient en fonction de leur niveau de formation et
surtout de la génération ou de l’âge. Les plus âgées auraient tendance à investir davantage la
question des courses, des repas, et assument de manière plus ou moins autorisée ou attendue le rôle
de diagnostic et de prévention. Elles peuvent proposer de nouveaux produits ou modifier les menus,
ou encore surveiller le contenu des repas. Elles ont plutôt tendance à rejeter le discours
-2-
nutritionniste diététicien délivré dans des formations qui intéressent en revanche les plus jeunes en
demande d’informations sur des dimensions plus scientifiques (physiologie du corps, biologie…). Ces
aides à domicile moins expérimentées tendent à assurer un rôle de surveillance sans réellement
mettre en place tout ce que souhaite l’employeur à travers les recommandations du PNNS. Elles sont
plus distantes et critiques vis‐à‐vis de ces prescriptions jugées inadaptées à l’expérience d’une
personne âgée en fin de vie. Considérant qu’elles n’ont pas le savoir‐faire culinaire pour suivre ces
conseils, elles se cantonnent à répondre aux demandes du bénéficiaire. Elles questionnent l’intérêt
de modifier les habitudes alimentaires avec le risque de diminuer le plaisir de vivre au regard duquel
les excès alimentaire apparaissent d’autant plus dérisoires que la personne atteint des âges élevés.
* Parallèlement, le positionnement de la personne âgée vis‐à‐vis de l’intervention des aides à
domicile dépend de la façon dont elle perçoit les compétences et savoir‐faire de l’aide à domicile en
comparaison avec ses propres connaissances sur l’alimentation. Par exemple, un conflit récurrent
dans le Finistère sur la question de la prise en charge de l’alimentation portait sur la capacité des
aides à domicile à reconnaître un bon poisson, ce qui pouvait amener les personnes âgées à
demander à changer de professionnelle. Le rapport de l’aide à domicile à l’alimentation va aussi
dépendre de l’âge des bénéficiaires et de leur situation fonctionnelle. Après 90 ans, elles sont plutôt
confrontées à des problèmes de dénutrition et se demandent comment faire manger la personne.
* Au final, dans l’interaction sociale entre l’aide à domicile et les personnes âgées se jouent trois
formes de délégation alimentaire dont les effets varient en fonction des attentes des bénéficiaires.
- Situation de subordination (faire pour) : la parole de la personne âgée fait autorité et celle‐ci
refuse de prendre en compte les recommandations des aides à domicile.
Situation de complémentarité (faire avec) : La relation entre la personne âgée et l’aide à
domicile se construit davantage sur le registre de l’échange.
Situation de substitution (faire à la place de). L’aide à domicile va prendre en charge les
activités alimentaires plutôt désinvesties par les bénéficiaires. Cette configuration est plutôt
caractéristique des situations où des hommes seuls délèguent totalement ces questions.
Ces trois formes amènent à distinguer deux figures des aides à domicile sur la question de
l’alimentation : l’exécutante et l’entrepreneur.
L’organisation concrète des repas est également influencée par la localisation du domicile de la
personne âgée à plus ou moins grande distance des commerces, laissant un temps variable pour la
préparation. Cela veut dire que l’observance de la diversité alimentaire est tributaire de la gestion du
rapport entre temps de travail et espace de travail.
Sur un plan statistique, on s’aperçoit que plus la délégation est importante, ce qui est le cas
lorsqu’elle se fait en dehors du ménage, plus on perd en diversité alimentaire. Le cas paroxystique
des services de portage de repas à domicile en est l’illustration, étant en décalage avec les habitudes
et attentes : les plateaux peuvent alors partir à la poubelle ou un repas s’étaler sur la journée.

Une attention à la prise en compte des besoins mise en tension
La nécessité de répondre aux besoins des bénéficiaires, voire de partir de leur demande, comprend
plusieurs dimensions potentiellement en tension : l’idée de respecter l’autonomie décisionnelle
d’autrui en étant à l’écoute de ses attentes se heurte à une désignation et une anticipation par les
professionnelles des actions qui sont à leurs yeux bénéfiques pour la personne, en partie issues de
recommandations de leurs structures, de formations ou des politiques publiques. Cette ambivalence
peut aussi se traduire ainsi : conserver les habitudes quotidiennes, les repères de la personne âgée
(le changement étant considéré comme une source de stress) vient se confronter à la nécessité
d’inciter à agir (proposer de sortir faire les courses) ou de stimuler la personne, avec l’idée de faire
avec et non faire pour ou à la place de. Des tentatives de compromis entre cette stimulation et les
risques pour la personne (de chutes par exemple) mais aussi pour les aides à domicile peuvent être
recherchées. Il s’agirait alors d’accompagner le changement (aménagement de la maison…), d’éviter
les comportements trop intrusifs, ou encore de s’adapter au temps dont la personne aura besoin
pour modifier ses habitudes.
-3-
D’autres formes de tensions apparaissent entre les possibilités de maintenir à la fois le bien‐être
physique et mental, la santé du bénéficiaire ou celle de l’aide à domicile, entre la volonté de
respecter les normes établies ou se baser sur son expérience ou encore entre les contradictions
relevées au sein des différents repères normatifs.

Les ressources des aides à domicile pour faire face
Les professionnelles possèdent un certain nombre d’atouts pour faire face à des situations
complexes. Elles peuvent retrouver une capacité d’agir constamment renouvelée auprès des
personnes, l’effet de lassitude étant beaucoup moins marqué que dans le cadre d’une institution où
le travail est plus fractionné, « divisé » entre les professionnelles. Elles ont la possibilité
d’appréhender la personne comme un tout. La recherche réalisée par G. Doniol‐Shaw, E. lada et A.
Dussuet montre en quoi elles construisent au fur et à mesure des situations qu’elles rencontrent, de
l’énorme diversité des situations. La recherche met ainsi en lumière comment, d’une personne à
l’autre, tout est différent (entre les pathologies rencontrées, le lieu de vie, l’environnement), ce qui
les amène à inventer les conditions dans lesquelles elles vont réaliser leur activité auprès d’une
personne et tenter de faire en sorte de tenir leur objectif, soit au mieux, de maintenir l’autonomie de
la personne, ou de rétablir des capacités parfois dégradées par un épisode d’hospitalisation. Elles
font preuve d’inventivité face aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, travaillant à
prendre en compte cet état qui met souvent beaucoup plus à mal l’entourage que les salariées. Un
de leurs « avantages » par rapport aux proches est de pouvoir s’extraire de cette situation puisque le
temps de travail est borné. Leur regard sur la maladie est très loin d’être stigmatisant, considérant au
contraire qu’il s’agit d’une situation avec laquelle il faut composer.
Cette recherche pointe une autre forme de ressources, en dehors des formations initiales et
continues. Les aides à domicile ont tendance à aller chercher de l’information sur les sujets de santé,
notamment sur Internet dans l’optique de pouvoir comprendre les situations et améliorer leurs
pratiques (auto formation). Elles apprennent par ailleurs beaucoup au domicile, en expérimentant
elles‐mêmes les situations, mais aussi auprès des infirmières et dans une moindre mesure des aides‐
soignantes.
2. Contraintes générales susceptibles de limiter l’investissement et le rôle des aides à
domicile dans la santé des personnes bénéficiaires et de majorer l’impact de leur travail sur
leur propre santé.
Des conditions de travail défavorables peuvent retentir sur l’investissement, le rôle, les pratiques de
ces professionnelles, et par ricochet sur la qualité de l’aide et les conditions de maintien à domicile,
et in fine sur la santé des populations bénéficiaires mais aussi sur celle des aides à domicile.
2.1 Précarité de la situation des aides à domicile
Les travaux sur cette population, et notamment ceux de G. Doniol‐Shaw et E. Lada, soulignent la
situation précaire des salariées, tant en termes de statut, que de rémunération, de qualification, de
conditions d’emploi, de faibles perspectives de carrière, de reconnaissance, etc. Lors de ce séminaire,
ces deux chercheures ont ainsi rappelé ces différentes réalités et pointé leurs conséquences sur la
santé des salariées et des personnes aidées. Ainsi :
* L’organisation du travail
Souvent, la volonté des aides à domicile de répondre à la demande des personnes se heurte au
nombre d'heures limitées d'intervention, à l’intensification du travail et à sa fragmentation. Des
personnes peuvent effectuer des interventions d’1/4 d’heure à domicile par exemple (pour un
-4-
change, pour poser des bas de contention, pour la prise de médicaments…), comme si elles
intervenaient dans une structure collective. Elles doivent faire face à la dégradation des états de
santé des personnes alors que les plans d’aide, et donc le nombre d’heures d’intervention n’évolue
pas et s’avère insuffisant ou inadapté. Le contenu du travail n’est pas assez défini avec les salariées
qui vont intervenir très concrètement et qui sont détentrices des savoirs et des connaissances sur ce
travail. L’imposition de normes standardisées issues de normes qualité ou de référentiels, construites
sans référence au travail réel, tel qu’il se fait au domicile comme le montrent G. Doniol‐Shaw et E.
Lada, tend par ailleurs à réduire la dimension relationnelle et se fait donc au détriment du
bénéficiaire.
Les interventions limitées, voire inexistantes durant les week‐ends, sont vécues de manière
problématique par les bénéficiaires. La référence temporelle de l’APA (allocation personnalisée
d’autonomie), calculée sur une base mensuelle, ne correspond pas à un besoin qui est à l’échelle de
la semaine, posant ainsi problème pour les mois de 5 semaines. De la même façon, pour les
personnes en situation de handicap, la PCH n’inclut pas des tâches domestiques telles que les
courses et la préparation des repas. Pour les bénéficiaires de la délégation alimentaire,
l’approvisionnement est aussi tributaire d’une dimension spatiale (distance géographique entre le
domicile et les commerces) qui, combinée avec le fractionnement du temps de travail, met en
difficulté la diversité alimentaire comme P. Cardon l’a souligné.
Les conséquences de cette réalité de l’intensification et de la fragmentation du travail se traduisent
pour les salariées rencontrées par G. Doniol‐Shaw et E. Lada par le sentiment d’être maltraitantes.
Certaines sont par exemple exposées à la difficulté de donner à manger à des personnes fragiles
habitant parfois loin les unes des autres en intervenant ½ heure durant laquelle elles doivent à la fois
préparer à manger, nettoyer, donner à manger, etc. Des atteintes à la santé de l’aide à domicile sont
constatées. Du côté des personnes aidées se pose aussi la question de la dégradation des conditions
du maintien de la santé. Du coup, une interrogation émerge sur le périmètre des aides à distribuer
aux personnes âgées dans la mesure où les besoins de la population sont en augmentation constante
et que les financements des Conseils Généraux n’évoluent pas.
* Rôle mal défini et reconnu
En l’absence de référentiel métier, une définition mal assurée du rôle des aides à domicile et
une répartition des tâches problématiques avec celles des aides soignantes mettent en jeu une
coordination satisfaisante du travail. De plus, le soin au corps est une source de valorisation du
métier des aides à domicile alors qu’en même temps, elles n’en ont ni tous les droits ni les
qualifications (à l’exception des plus qualifiées d’entre elles, les Auxiliaires de Vie Sociale, mais pour
certaines tâches comme la toilette), d’où le caractère parfois déstabilisant de ces tâches. Il existe une
tension entre leur volonté pour maintenir ou améliorer le bien‐être de la personne âgée et leurs
possibilités d’action au titre de leur fiche de poste. Aussi, une forme de reconnaissance pourrait
consister à œuvrer pour le rapprochement des deux professions, sans quoi les aides à domicile
n’auront jamais aucune légitimité ou reconnaissance pour pouvoir intervenir dans le domaine de la
santé pris au sens large. Emmanuelle Lada et Ghislaine Doniol‐Shaw ont d’ailleurs avancé à ce propos
le nom d’une nouvelle fonction, celui d’auxiliaire de vie soignante.
Ensuite, les bénéficiaires et leur entourage familial ou professionnel connaissent mal le rôle de ces
salariées, souvent considéré comme ne relevant que des seules tâches ménagères. Leur employeur
n’est pas toujours au courant de la réalité des difficultés rencontrées dans leurs pratiques. Les cadres
de secteur peuvent être centré.e.s sur des questions administratives, en particulier la gestion des
plannings, au détriment de l’écoute des aides à domicile et d’une aide à la résolution des problèmes.
Le soutien par les paires ne semble pas non plus évident, car les possibilités de rencontre sont faibles
et l’organisation de groupes de parole est loin d’être généralisée. Les difficultés rencontrées du fait
des financements insuffisants ont même tendance à faire diminuer la fréquence de ces réunions,
voire à les faire disparaître.
-5-
* Qualifications, statuts, carrières et rémunération
Le secteur de l’aide à domicile est caractérisé par des temps de travail partiels et des bas
niveaux de salaires. Le faible pourcentage de salariées diplômées du secteur, le caractère polyvalent
des diplômes (ils couvrent à la fois l’aide aux personnes âgées et la prise en charge des très jeunes
enfants) comme facteur de limitation des qualifications, des frontières étanches entre les filières du
sanitaire et du social ont pour corollaire de faibles perspectives de carrière pour ces professionnelles.
D’après E. Lada et G. Doniol‐Shaw, plus de la moitié des salariées d’associations sont recrutées sans
diplôme dans ces métiers mais pas forcément sans pratique. Néanmoins, quand ces femmes sans
formation rentrent dans le métier, dans le cadre d’une embauche dans une association d’aide à
domicile, la pratique dominante est celle qu’elles ont nommé la « mise à l’épreuve » : elles sont
confrontées à des situations relativement difficiles qui fonctionnent comme une pratique de
sélection par les associations, ou comme manière de voir qui va rester ou partir. N’ayant pas les
outils, qu’elles auraient pu acquérir lors de formations préalables, pour se préserver, elles peuvent
être déstabilisées par ces premiers temps qui les confrontent à des situations où les marges de
manœuvre sont très réduites. Des femmes ont indiqué lors des entretiens : « être qualifiée, c’est
savoir dire non. » Du côté des personnes aidées, ces formes de mises à l’épreuve pèsent directement
sur la qualité de l’aide et les conditions de maintien à domicile.
Ensuite, un diplôme est obligatoire pour monter dans la grille de classification, puisqu’une des
particularités de la convention de l’aide à domicile est de lier l’emploi dans la grille à la détention
d’un diplôme comme pour les professionnels de santé. Il est impossible de monter du niveau A au
niveau B sans diplôme reconnu (titre assistante de vie, BEP sanitaire et social etc.) et l’on ne peut
passer au niveau C de la grille, le plus élevé même s’il reste au premier niveau de diplôme (niveau V,
c’est‐à‐dire CAP ou BEP) sans le DEAVS ou le BEP Carrières sanitaires et sociales associé à la mention
complémentaire « aide à domicile ». En conséquence, beaucoup de personnes ont du mal à
progresser par la VAE, notamment lorsqu’elles sont rentrées par le premier niveau, les exigences de
la VAE étant de plus en plus difficiles à remplir, notamment pour accéder au plus haut niveau,
financièrement sensiblement plus avantageux, le niveau B étant plus proche du niveau A que du
niveau C en matière de classification et donc de salaire.
Ensuite, ces métiers de l’aide à domicile auprès des personnes fragilisées par l’âge ou les évènements
de la vie n’existent pas officiellement, aucun diplôme ni référentiel métier n’étant dédié à la prise en
charge de ces publics. En revanche, les nombreuses formations qualifiantes présentent une
polyvalence entre les personnes âgées et la petite enfance. C’est le cas des trois principaux
diplômes : en formation initiale, le BEP sanitaire et social (mention aide à domicile), le titre
« assistante de vie aux familles », diplôme du ministère du travail et des affaires sociales constitué de
trois certificats : « petite enfance », « personnes âgées », « entretien de la maison ». Le troisième
diplôme plus récent, le DEAVS (diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale) a revalorisé les métiers de
l’aide à domicile, tout en restant lui aussi polyvalent. Or, il existe des diplômes pour s’occuper de la
petite enfance par ailleurs (CAP Petite enfance, diplôme d’Etat d’aide puéricultrice). À côté de cela,
des politiques publiques énoncent en permanence les difficultés de recrutement et prônent la
polyvalence au nom d’une plus grande ouverture, de davantage de perspectives de carrière pour les
salariés, ce qui est détrompé par la réalité. Aucune polyvalence réelle n’a été constatée dans
l’échantillon interrogé par G. Doniol‐Shaw et E. Lada. Certaines aides à domicile avaient commencé à
travailler auprès de petits enfants, étaient passées auprès des personnes âgées et n’envisageaient
pour rien au monde de revenir à la petite enfance. Par ailleurs, 80% de l’aide à domicile se fait auprès
des personnes âgées, 10% auprès des enfants, les 10% restant correspondant à une aide auprès de
personnes malades ou handicapées. Sont exclues de cette comptabilité les assistantes maternelles
qui ne travaillent pas au domicile des personnes aidées mais à leur propre domicile, ce qui est très
différent. La conséquence de cette polyvalence est que les salariées ne sont jamais formées
complètement dans ce domaine et qu’on leur demande par ailleurs d’acquérir des connaissances et
des savoir‐faire qu’elles ne mettront jamais en pratique.
-6-
Du coup, leur sont délivrées des formations de très courte durée visant à leur donner un minimum de
connaissance en ergonomie, sur l’alimentation, sur « comment manipuler une personne »,
« comment prendre en compte les pathologies ». Ce ne sont jamais pour les salariées des approches
globales de la situation des personnes, ce qu’elles regrettent toutes.
Enfin, les filières du sanitaire et du médicosocial restent étanches : l’auxiliaire de vie sociale relève de
la filière médicosociale et l’aide soignante de la filière sanitaire. La grille de classification est la même,
mais si l’on passe d’auxiliaire de vie à aide soignante, on se retrouve en bas de la grille, comme si l’on
n’avait pas d’expérience et les diplômes d’un domaine ne sont pas reconnus dans l’autre. Cela veut
dire que réciproquement, si une aide soignante veut travailler comme aide à domicile, elle sera
rémunérée au niveau le plus bas, c’est‐à‐dire en A, et au début de la grille, comme une salariée non
diplômée et novice dans le métier.
2.2 La nature du travail qui implique…
a/…une délimitation floue entre les domaines professionnels et domestiques « personnels »
Du fait du caractère domestique d’une partie de leurs activités, les aides à domicile n’ont pas
forcément conscience des savoir‐faire nécessaires pour effectuer les tâches, notamment ménagères,
dans des conditions qui ne soient pas délétères pour leur santé. Par ailleurs, Philippe Cardon montre
que l’organisation des activités alimentaires au domicile des personnes âgées dépend du rapport
entre investissement familial et professionnel : en effet, au statut de travailleuse qui doit assurer les
activités liées à l’alimentation des personnes âgées se juxtapose généralement leur statut d’épouse
et de mère ayant justement en charge l’approvisionnement alimentaire et la préparation des repas
dans leur propre foyer. Cela renvoie à l’assignation aux rôles domestiques. Cette porosité entre les
espaces professionnel et familial a du coup un impact sur la préparation des menus et des repas :
toutes les femmes s’expriment sur la difficulté à penser la diversité alimentaire tant pour soi que
pour plusieurs personnes âgées, tous les jours, deux à trois fois par jour. Cela constitue une charge
mentale extrêmement importante. De fait, l’attention portée par les aides à domicile à la diversité
alimentaire s’agrège en tant que compétence professionnelle à celle de compétence familiale
qu’elles développent au sein de leur propre famille. Penser le menu est d’autant plus lourd que l’on
passe du rôle d’exécutant au rôle d’entrepreneur et beaucoup plus marqué dans les cas où l’on est
face à des mères de familles.
Ces femmes peuvent en réaction tenter de poser des frontières entre leur univers professionnel et
personnel, possédant une marge de manœuvre plus ou moins grande pour ce faire. Par exemple, des
aides à domicile interrogées par A. Sitbon n’envisagent pas leur rôle de la même façon au moment
des repas : certaines n’hésitent pas à manger avec la personne, d’autres sont plus réticentes.
Autrement dit, une divergence apparaît entre le besoin de sociabilité de la personne âgée comme
contexte favorable à une alimentation conforme aux recommandations en vigueur (besoin identifié
au niveau de l'encadrement des services rencontrés) et le souhait de certaines aides à domicile de
poser une barrière entre leur vie professionnelle et privée. Il existe également des situations,
nombreuses, où, à l’inverse, il est formellement interdit aux aides à domicile de prendre leur repas
avec la personne aidée, même si cette dernière le souhaite. Or, comme le souligne G. Doniol‐Shaw,
cette démarche tend à établir une relation de service au détriment d’une relation d’aide et va ainsi à
l’encontre de la demande des personnes âgées. Dans cette relation de donneur d’ordre à exécutant,
l’idée de maintenir les capacités d’une personne à réaliser elle‐même les actes de la vie quotidienne
est absente des considérations.
-7-
b/ Une fatigue physique, mentale et relationnelle
La dégradation de la santé des aides à domicile est une conséquence de l’organisation du
travail précédemment décrite, qui, combinée à la nature même du travail, peut engendrer des efforts
physiques et une dimension relationnelle difficiles à gérer 1 au sein du domicile de la personne.
Les futures aides à domicile elles‐mêmes anticiperaient mal la répartition des tâches et la fatigue
physique, imaginant que leur travail sera davantage axé sur les aspects relationnels au détriment du
ménage, alors qu’il se produit l’inverse dans les faits, en particulier lorsqu'elles prennent en charge
des personnes catégorisées en GIR 4 et surtout 5 et 6. Les problèmes de santé physique viennent se
cumuler lorsque les salariés doivent réaliser plus rapidement une activité intensive et pénible,
directement liée à la prise en charge de personnes en situation de handicap. Les manutentions et un
travail d’entretien dans un domicile inadapté à la gestion des incapacités et inconfortable conduisent
à des situations limites, voire extrêmes, de mise en danger et d’usure du corps. Pour F. Guichet, la
santé des aides à domicile comme critère des possibilités de maintien à domicile est à interroger.
Face à la fatigue physique, le manque de qualification des aides à domicile entrant dans le métier les
prive des outils qui auraient pu leur permettre de se préserver. Autre conséquence déjà évoquée,
elles peuvent avoir dans ces conditions le sentiment d’être maltraitantes malgré elles, avec des effets
psychologiques importants, se considérant atteintes dans leur éthique. Elles se trouvent alors
démunies, isolées et déplorent le manque de personnes ressources identifiées (Valette, 2004). Ces
professionnelles risquent de plus, par des voies détournées, de se trouver accusées d’être à l’origine
de la situation dégradée de la personne. E. Lada et G. Doniol‐Shaw indiquent que cette évolution
peut les amener à quitter le métier malgré leur engagement, le plaisir et l’intérêt qu’elles y trouvent.
Dans ces conditions, un des risques est de voir les plus jeunes s’écarter de ces filières alors que toute
une génération d’aides à domicile arrive à l’âge de la retraite.
Un travail d’adaptation important face à la diversité des situations qu’elles rencontrent, tant sur le
plan des pathologies, des lieux de vie, des formes d’interactions, etc. et à leur imprévisibilité oblige à
des formes d’inventivités motivantes dans l’optique d’un maintien ou d’une restauration de
l’autonomie mais elles ont leur revers en termes de fatigue psychique.
La distance ou la proximité d’origine sociale entre les aides à domicile, plus souvent issues d’un
milieu populaire, et les bénéficiaires appartenant à des catégories sociales moyennes ou supérieures
constitue un facteur contraignant la relation. Celle‐ci peut par ailleurs être amenée à se détériorer en
raison de la dégradation de la situation de la personne âgée face à des évènements tels que des
deuils ou des problèmes de santé, dans la mesure où l’aide à domicile en a été le témoin. Les salariés
ont tendance à garder pour elles ces situations qui évoluent lentement et auxquels les employeurs
sont peu sensibilisés. Des situations de maltraitance sont également dénoncées dans le sens
bénéficiaire/employée.
Le coût moral parfois important de la gestion des relations avec les populations bénéficiaires, mais
aussi avec les proches, peut avoir des conséquences non négligeables, ces derniers étant susceptibles
de désavouer l’aide à domicile auprès des employeurs. Sur la question de l’alimentation, il est fait
état d’une cacophonie autour des recommandations alimentaires qui peut se répercuter en termes
de divergences entre les pratiques de l’aide à domicile et ce que désire la famille pour la personne
âgée.
Le positionnement de ces professionnelles vis‐à‐vis des familles se voit compliqué par la non prise en
compte, dans l’organisation du travail, de l’intervention des proches, considérée parfois comme
allant à l’encontre de la démarche de restauration de l’autonomie.
3. Des perspectives d’avenir…
1
Cf. également les travaux de C. Avril.
-8-
Ces professionnelles de l’aide à domicile ont plus souvent à faire face aujourd’hui à des
personnes touchées par des pathologies lourdes (Alzheimer, Parkinson) et complexes, leurs formes
d’expression étant très variables. Aussi, il est essentiel qu’elles puissent disposer des connaissances
sur les différentes figures prises par ces maladies, les conséquences du handicap ou de la maladie sur
les comportements de la personne ou sur les gestes ou les formes d’interactions à mettre en place. Il
s’agit également de les aider à comprendre l'évolution des configurations familiales et les réactions
des proches face à l'arrivée d’une professionnelle afin de leur permettre de se positionner plus
facilement dans cette relation triangulaire. Ces formations ne seraient pas à délivrer sous forme de
bonnes pratiques mais plus dans l’optique de leur fournir à la fois un socle de connaissances et une
grille de lecture leur permettant de comprendre que la situation n’est pas de leur fait. Pour ces
professionnelles, il est souvent aussi question de savoir comment appréhender globalement une
personne, sa santé et faciliter l’expression de ses besoins.
Les formations des aides à domicile ont intérêt à ne pas reposer seulement sur une transmission des
connaissances, néanmoins indispensable, mais aussi sur un partage de leurs expériences à partir
d’études de cas, de documentaires et de films qui vont leur permettre de se positionner et de
confronter leurs difficultés et savoir‐faire, dans l’optique de capitaliser et valoriser ces derniers. Une
meilleure visibilité de l’impact du travail de l’aide à domicile sur la santé et sur le travail de maintien
de l’autonomie des bénéficiaires irait également dans ce sens. La création ou le maintien d’espaces
collectifs sont importants.
Les formations qui pourraient être mises en place à cet effet ne devront pas être considérées comme
un levier suffisant au regard des aspects organisationnels, statutaires, etc… défavorables. Il ne
faudrait pas que la délivrance d’informations visant à enjoindre des aides à domicile à porter une
attention plus soutenue à la conservation de leur propre santé aient pour corollaire de les
responsabiliser davantage, alors qu’il serait plutôt nécessaire de les déculpabiliser par rapport à des
effets de systèmes et des situations qui leur échappent. Une réflexion doit également être engagée
sur l’organisation du travail telle que la construisent les structures qui emploient les salariées et les
acteurs publics par les mesures engagées. L’analyse ne peut se limiter au seul périmètre du domicile
et au face‐à‐face personne aidée‐personne(s) aidante(s), comme l’ont souligné E.Lada et G. Doniol‐
Shaw.
C’est d’ailleurs un travail que P. Cardon réalise en intervenant au sein d’institutions hospitalières
auprès d’aides soignantes et de personnels du service de restauration. Ces professionnelles ne
comprennent pas pourquoi leur alimentation n’est pas appréciée et ces travaux pourraient leur
permettre de prendre du recul et de les déculpabiliser.
Les formations pourraient aussi leur donner les moyens de faire remonter à leur employeur les
contraintes les empêchant de mettre en œuvre toutes les activités nécessaires au bien‐être de leurs
bénéficiaires, mais aussi à la préservation de leur propre santé. L’existence de groupes de parole, qui
ont des difficultés à se maintenir sous la pression de normes de rentabilité, remplirait également une
fonction d’analyse des pratiques et de transmission d’information à l’encadrement des structures.
L’enjeu est de faire reconnaître la valeur du travail de l’aide à domicile. Une meilleure connaissance
de l’activité de leurs salariées, notamment via des formations à destination des employeurs,
permettrait de davantage articuler la réalité du travail au quotidien et l’édiction de normes. Enfin,
d’autres types d’acteurs sont à interpeller sur la réalité du travail, à savoir ceux étant à l’origine des
politiques publiques et ayant un rôle à jouer sur les conditions de travail. Deux sujets en particulier
devraient retenir leur attention : la possibilité pour les salariées de bénéficier de temps d’échange et
la réduction des temps d’intervention auprès des populations.
G. Doniol‐Shaw et E. Lada ont également souligné le paradoxe actuel de l’organisation des activités
au domicile des personnes qui exclut toute participation des aides à domicile, même des plus
qualifiées d’entre elles, à la définition du contenu et des conditions de réalisation du travail (Doniol‐
Shaw, Lada, 2009). Dans le cas des interventions auprès de personnes bénéficiant de l’APA, ce qui est
aussi la situation la plus fréquente, les activités sont définies dans le plan d’aide établi par le Conseil
-9-
général, gestionnaire de l’aide financière. Si cette évaluation des besoins de la personne ne
correspond pas à la réalité, que ce soit en termes de temps nécessaire ou en termes d’activités à
réaliser, ce que les aides à domicile constatent fréquemment, elles ne disposent d’aucun moyen pour
faire remonter les difficultés rencontrées. Il est donc nécessaire de repenser l’organisation du travail,
pour faire une place aux salariées, notamment les plus qualifiées, dans la définition et l’organisation
des activités auprès des personnes aidées. La création d’une fonction d’auxiliaire de vie
coordonnatrice a ainsi été suggérée par G. Doniol‐Shaw, E. Lada et A. Dussuet dans le cadre de leur
recherche.
4. Les perspectives méthodologiques des travaux de recherche
4.1. La présentation de Ghislaine Doniol‐Shaw et Emmanuelle Lada est issue d’une
recherche sur les parcours professionnels des femmes dans les métiers de l’aide aux personnes.
Deux axes ont été proposés dans l’optique de nourrir d’éventuels contenus de formation pour ces
salariées dont le métier, les savoirs et savoir‐faire sont en transformation :
‐ partir des situations de travail réelles qui font se rencontrer les personnes aidées, les aides à
domicile, la famille ou des proches, et éventuellement l’employeur qui va intervenir à différents
niveaux.
‐ partir des situations de formation réelles des aides à domicile.
Prenant appui sur cette recherche et un article à paraître sur les effets des transformations du
secteur en matière d’intensification du travail (Doniol‐Shaw, Lada, 2010), les deux chercheures ont
pointé les limites de la formation et de la diffusion de seuls livrets d’information auprès des salariées
quant aux gestes et posture : si pour certaines salariées les accidents du travail et atteintes à la santé
sont dus à une méconnaissance des gestes qui protègent, pour une majorité des femmes
rencontrées, le problème n’est pas celui de l’apprentissage de ces gestes. Le problème est celui de la
difficulté voire de l’impossibilité de faire « comme il faudrait », selon les principes appris en
formation (ergonomie, etc.), en raison du manque de temps qui conduit à faire « plus vite ». C’est
donc l’organisation du travail qui doit être questionnée dans la problématique de la formation aux
gestes et posture, à l’instar des résultats de recherches menées dans d’autres univers professionnels.
Cette recherche financée par le service du droit des femmes du ministère du travail visait à faire le
point sur les parcours d’emploi, en termes de travail, de formation et de qualification de femmes
salariées dans des structures associatives de l’aide à domicile. L’idée était de comprendre comment
des salariés de ce secteur vont prendre place dans un univers qui est caractérisé par la division
sociale sexuelle et ethnique du travail, par la faible qualification reconnue aux salariées du secteur,
par des mises en emploi qui reposent sur des temps partiels, voire très partiels, des bas niveaux de
salaires et des perspectives de carrières assez faibles.
La population interrogée
L’étude s’est focalisée sur six associations appartenant à une fédération d’associations, chacune
étant porteuse d’un projet de qualification et de stabilisation des salariées, ce qui dans le contexte
actuel est loin d’être la norme. Les salariées d’associations représentent environ la moitié de la
population des aides à domicile qui travaille directement auprès des personnes, les autres 50% étant
employées directement par les particuliers. Les chercheures se sont intéressées aux salariées qui
cumulaient de l’ancienneté dans le métier (5 ans, voire 3 ans pour les plus jeunes) dans un secteur
structuré par un important turn‐over. Il s’agissait de prendre en compte les différentes voies de
qualification de ces professionnelles et de formation possibles, par la formation initiale, la VAE ou
différents dispositifs dans le cadre de la formation continue. Ont été également prises en compte les
zones rurales/urbaines et les profils de migrantes/non migrantes.
Les migrantes (ou enfants de migrant‐e‐s) rencontrées constituent une population très hétérogène.
Certaines étaient dans un processus de déclassement parce qu’elles sont hautement qualifiées,
diplômées dans leur pays de naissance. Elles se dirigent vers les segments les plus formels du secteur
- 10 -
sachant qu’elles peuvent être auparavant passées dans le secteur informel, le travail illégal. D’autres
étaient peu qualifiées. A l’intérieur du groupe, les situations des personnes issues des pays d’Europe
du Sud et de l’Est diffèrent en termes de parcours migratoires de celles venant du Maghreb ou
d’Afrique noire. Si les migrantes tendent à être concentrées sur ce secteur, leur présence varie
cependant en fonction des pratiques de recrutement et des différents types de structures et est plus
importante en milieu urbain. Dans les milieux ruraux, on trouve des femmes non migrantes ancrées
localement dans des milieux populaires 2.
Cette recherche qualitative repose également sur des regards croisés d’intervenantes à domicile,
d’acteurs associatifs, de personnel d’encadrement et de l’Agence Nationale de Services aux
personnes.
Le recueil de données
Des entretiens très longs (entre 3 et 5 heures) ont été réalisés avec les aides à domicile. Ces
entretiens non directifs visaient à comprendre leur histoire, leur parcours scolaire et la formation
initiale, leur parcours professionnel (emploi, travail) et se terminaient par l’emploi du temps très
détaillé de la semaine. Les professionnelles étaient amenées à s’exprimer sur des situations pratiques
(Que faites‐vous ? Avec qui ? Depuis quand ? Comment faites‐vous ? Est‐ce que vous avez les moyens
de le faire ? Quels sont les outils ?), des problèmes de travail et non des opinions ou représentations.
4.2. Franck Guichet s’appuie sur un travail de thèse en cours réalisé dans le cadre d’une
convention CIFFRE à l’UNA (Union Nationale de l’Aide, des soins et des services aux domiciles).
Le contexte dans lequel la thèse a commencé, en 2006, était marqué à l’UNA par l’arrivée ces
dernières années dans le secteur de l’aide à domicile de toute une série de réglementations (la loi de
2002, le diplôme, des accords de branche, décrets, réglementations qui étaient tombés d’un coup,
qui s’abattaient sur elles avec une mise en marche forcée vers des évolutions et une
professionnalisation). Après avoir réfléchi à la façon d’intégrer au mieux ces évolutions, l’UNA a
commencé à réfléchir à ce qui faisait le cœur de métier, c’est‐à‐dire les pratiques professionnelles
des aides à domicile et à tous les travaux menés jusqu’ici pour professionnaliser le secteur. Dans ce
cadre, F. Guichet est arrivé avec l’idée d’étudier les savoirs que les aides à domicile ont acquis dans
leur expérience de travail. Il a mobilisé la démarche ergologique, en référence aux travaux d’Yves
Schwartz, qui repose sur une convocation des savoirs à l’étude des problèmes que pose le travail
réel. Considérant que le travail est toujours un débat de normes et de valeurs, et jamais la simple
exécution de tâches prédéfinies et donc bornées une fois pour toutes, il s’agit de mettre à jour cette
dimension vivante de l’activité humaine qui réactualise et renormalise les rapports entre l’homme et
son milieu. Il a essayé d’appliquer cette démarche au secteur de l’aide à domicile avec le projet
politique de faire reconnaître une expérience de travail très riche, mais insuffisamment reconnue et
encore trop faiblement soutenu dans la professionnalisation de ces métiers. Il a rencontré à l’UNA
une double commande. Premièrement, l’UNA se reconcentrait sur son cœur de métier, des
programmes étaient lancés sur la production de bonnes pratiques professionnelles. On voulait à
travers des situations à risques comme la fin de vie, la maladie d’Alzheimer, la maladie psychique, ou
encore la maltraitance, développer des programmes de recommandations de bonnes pratiques pour
permettre aux aides à domicile d’avoir une expertise ou une capacité à répondre à ces situations, et
par là même faire reconnaître leurs capacités à intervenir auprès de personnes en situation
complexe. F. Guichet a surtout travaillé sur le programme concernant la fin de vie à partir de récits
d’aides à domicile racontant ce qu’elles avaient fait pour accompagner des personnes en fin de vie.
La première étude lui a donné envie d’aller plus loin. Le matériau recueilli à partir des entretiens
d’une durée d’environ 1h30 avec des aides à domicile était déjà très riche et il s’est demandé ce
qu’aurait apporté le fait de les suivre dans leur travail. Le dispositif consistait à accompagner une
2
L’enquête de 2008 de la DREES sur les intervenants à domicile auprès des personnes âgées et handicapées
montre que plus de 95% de ces salariées sont de nationalité française ou sont nées en France. Les premiers
résultats de cette enquête seront publiés au 2ème trimestre 2010 dans Etudes et Résultats.
- 11 -
aide à domicile pendant une semaine dans son travail quotidien et à observer. Observer ne veut pas
simplement dire regarder ce qui se passe, il faut au contraire se parler et bien s’entendre pour
découvrir comment regarder et ce qu’il faut voir. Avant de rentrer chez une personne bénéficiaire,
l’aide à domicile décrivait la situation, qui était la personne, les difficultés qu’elle pouvait rencontrer
chez elle, ou bien l’importance de certains actes qu’elle y réalisait. F. Guichet se présentait à la
personne via l’aide à domicile, notait tout ce qu’il voyait et tout ce qui était discuté au moment de
l’intervention. Il croyait pouvoir observer tranquillement le travail de l’aide à domicile, mais il se
passait en fait ce que la personne avait décidé qu’il se passerait : à domicile les personnes sont chez
elles et à ce titre elles peuvent décider de ce que l’on vient y faire, y compris la manière dont on
mène une enquête de sociologie ! Beaucoup de personnes avaient envie de lui parler et finalement, il
s’est aperçu que l’observation du travail à domicile reposait en partie sur ce discours de la personne
bénéficiaire qui se présentait comme un résultat « parlant » de la longue relation qu’elle entretenait
avec son aide à domicile. En considérant cela de manière pragmatique, il pouvait apparaître que
l’expression de la parole des personnes bénéficiaires était soutenue, maintenue, encouragée voire
initiée par l’activité même des aides à domicile, y compris dans ses aspects les plus basiques comme
le ménage, où chaque geste est déjà une parole.
La question qu’il s’est surtout posée est : comment les aides à domicile décrivent‐elles leur travail, ce
qu’elles font réellement chez les personnes ? Si elles doivent parler de ce qu’elles font chez les
personnes, de ce qu’elles apprennent des personnes, que vont‐elles dire, comment formulent‐elles
ce savoir qu’elles acquièrent, et qui est, semble‐t‐il, confondu presque indistinctement dans leur
pratique ?
Par ailleurs, une autre enquête a été commandée en lien avec une actualité juridique : le décret du
25 juin 2004 qui réglementait les SSIAD (Services de soin infirmiers à domicile) auprès des personnes
handicapées et adultes alors que jusqu’à présent, ils n’intervenaient qu’auprès des personnes âgées.
L’UNA se demandait dans son réseau qui comprend 350 SSIAD s’ils prenaient en charge des
personnes handicapées, avec l’idée qu’ils n’en faisaient pas ou très peu et qu’il devait y avoir des
freins, des résistances de la part des services ou des aides‐soignantes elles‐mêmes.
F. Guichet a émis l’idée de réaliser des études de cas de prises en charge de personnes handicapées.
Ces études de cas ont été suffisamment intéressantes pour prendre au sérieux la question du
handicap, non pas sous l’angle du stigmate ou des représentations sociales (du type : vous nous
voyez comme des handicapés parce ce que ce sont vos représentations), mais en partant de ce que la
pratique des soins à domicile révèle comme manière de vivre avec un handicap. On a alors affaire à
des personnes ayant des incapacités dont les conséquences ou les effets se découvrent au fur et à
mesure, bien souvent de façon inattendue, ce qui suppose de regarder avec une attention nouvelle
des états et des modes de vie assez inédits, que les discours sur le handicap ne permettent pas
d’entrevoir.
Ce travail s’est prolongé par un contrat de recherche avec la CNSA, la HAS et le CSI (laboratoire de
sociologie de l’Ecole des Mines). La recherche était principalement méthodologique : comment va‐t‐
on faire exprimer et formaliser le savoir que les aides‐soignantes ont pu acquérir en intervenant
auprès des personnes handicapées ? Par rapport aux différentes approches sur le handicap
(interactionnistes, en termes de droit…), ils avaient l’hypothèse que les aides‐soignantes
développaient une approche différente sur le handicap parce qu’elles rencontraient des personnes
qui étaient certes dotées d’un discours mais qui avaient aussi un handicap à soigner, à prendre en
charge et qu’il leur fallait réussir à en parler, à le décrire, à le faire ressentir, pour faire faire aux
aidants le travail qu’elles attendaient. Dans ces activités de travail se développent des savoirs
propres.
Le défi méthodologique a consisté à travailler directement en lien avec les aides soignantes pour
analyser les situations avec elles (7 études de cas qui ont été rédigées ensuite sous forme de récits).
Le dispositif consistait à demander aux trois SSIAD qui ont participé à leur enquête de leur indiquer
les situations les plus complexes pour eux dans leur travail avec des personnes handicapées. Le but
de l’équipe de recherche était de passer une journée entière chez une personne handicapée, en
- 12 -
arrivant le matin avec l’aide‐soignante lors de son passage du matin, et de repartir le soir avec elle s’il
y a un deuxième passage le soir et de rester tout au long de la journée pour voir les différents
intervenants se succéder chez la personne. Etait ensuite réalisé un entretien avec l’aide‐soignante,
l’infirmière coordinatrice et avec la directrice du SSIAD. Toute la journée était enregistrée, un
entretien récit de vie avec la personne était réalisé (on lui faisait raconter sa carrière de soignée
jusqu’à pourquoi elle en est arrivée à être aidée à domicile aujourd’hui). Ensuite, était rédigée une
étude de cas d’une trentaine de pages comprenant une description très détaillée de la manière dont
les personnes vivent chez elles, ainsi qu’une analyse des problèmes ou des questions posés par la
prise en charge au travers des différents points de vue exprimés. Sur la base de ces études de cas, un
séminaire de recherche a été réalisé avec les aides‐soignantes d’une part, avec les infirmières
coordinatrices d’autre part pour analyser ensemble certains aspects de ces études de cas. En termes
de méthodologie, F. Guichet estime beaucoup moins pertinent de demander à des intervenants
professionnels (des aides à domicile ou des aides‐soignantes notamment) de parler de leur métier,
de leur carrière ou de leur travail d’une manière générale, que de les interroger précisément sur les
situations concrètes qu’elles connaissent bien pour les pratiquer, et qui auront été si possible
observées préalablement par l’enquêteur.
Tout dépend de l’objet et du dispositif d’enquête, mais la méthode d’entretien lui paraît assez
limitée, ou alors à condition de la réfléchir plus avant et de la spécifier. Le recours à l’observation est
très important, surtout s’il peut être approfondi par le recours à des entretiens plus ciblés sur les
pratiques (peut‐être pas uniquement semi‐directifs).
4.3. P. Cardon travaille sur la problématique « alimentation et vieillissement », champ
d’étude relativement récent en sociologie, qu’il traite partir de questionnements sur les
déterminants sociaux et les évolutions des pratiques alimentaires (et non pas des comportements)
au fil du vieillissement dans le contexte précis des transformations du cadre de vie (c’est‐à‐dire lors
de tous les moments importants comme le passage à la retraite, le veuvage, le déménagement, le
passage en institution hospitalière, le retour au domicile). P. Cardon travaille sur une deuxième
thématique, à savoir la mise en place des politiques publiques nutritionnelles, notamment au niveau
du PNNS (2001). Ce plan a désigné de manière significative pour ce qui concerne le volet personnes
âgées, les associations d’aide à domicile comme relais ou intermédiaires de cette politique publique,
et notamment les aides à domicile. P. Cardon a présenté sous cet angle l’activité ou la pratique
professionnelle des aides à domicile sur la question de l’alimentation. Il a travaillé autour d’une
question classique en sociologie interactionniste et en sociologie des professions, celle de connaître
le rôle attendu des aides à domicile de la part des employeurs et analyser le positionnement des
aides à domicile par rapport à cette attente.
En termes de méthode, sur la question vieillissement et alimentation, deux types de problèmes se
posent. En matière d’alimentation, comment fait‐on pour savoir ce que les gens mangent ?,
problématique complexe, abordée par la sociologie de l’alimentation et l’économie.
La deuxième question méthodologique revient à savoir sur qui l’on travaille. La population des
personnes âgées n’est pas homogène, il existe une quantité de situations extrêmement différentes :
parle‐t‐on de personnes seules, en couple, en cohabitation avec un enfant ? De personnes vivant en
milieu rural ou urbain ? Ces éléments conditionnent la façon de mettre œuvre la démarche.
Pour tenter d’y répondre, la méthode repose sur deux types d’approches, d’abord quantitative sur la
base de plusieurs enquêtes auprès d’échantillons représentatifs de la population de 3000 personnes
âgées de plus de 60 ans. Ces études, menées au sein du laboratoire ALISS en collaboration avec
d’autres chercheurs, mettent en évidence que les pratiques alimentaires des personnes âgées sont
notamment influencées par la région et la CSP. Ces deux facteurs ressortent dans les pratiques des
aides à domicile autour de l’alimentation.
P. Cardon a également réalisé des observations, a habité chez des personnes âgées. Dans la manière
de s’interroger sur l’alimentation, il a observé tout ce qui relevait de l’approvisionnement, de la
préparation, des façons de cuisiner et des plats consommés, notamment à travers une liste
alimentaire permettant de rendre compte du contenu des repas des personnes. Cette seconde
- 13 -
approche qualitative s’est aussi appuyée sur une démarche de type interactionniste : il s’agissait
d’interroger à la fois les personnes âgées, les personnes intervenant auprès d’elles, l’entourage, les
directeurs de structures (associatives), et des représentants des politiques publiques générales,
notamment sur la question de l’alimentation. Cette méthode a pour fonction d’interroger la façon
dont la question alimentation/vieillissement/intervention à domicile est coconstruite entre plusieurs
acteurs : la personne âgée, l’aidant à domicile et son employeur. L’idée est de réfléchir sur
l’intervention de l’aide à domicile à partir de l’interaction entre ces trois types d’acteurs. La
recherche s’est focalisée sur deux départements français : le Finistère et le Doubs, qui sont liés aux
spécificités régionales du point de vue alimentaire. Sont comparées des zones rurales et urbaines qui
présentent des réalités et contextes très différents. A l’intérieur de l’urbain, ont été distingués les
quartiers du centre ville et de la périphérie, notamment en raison de variations dans la proximité des
lieux de commerces. Au niveau des zones rurales, est‐on dans une petite commune, commune
moyenne ou une zone totalement isolée ? Deuxième élément important : le type d’habitation : est‐
on en appartement, maison individuelle ? P. Cardon rejoint les autres intervenants sur la nécessité de
prendre en compte la diversité des configurations.
5. Comment interroger les pratiques et les formes d’investissement des aides à domicile
sur la question de la santé des bénéficiaires ?
Le recueil des données sur les pratiques de ces professionnelles nécessite la construction
d’outils méthodologiques adéquats. Partir d’un questionnement sur la façon dont la notion de santé
ou celle des bénéficiaires est intégrée dans leur rôle ou leur métier risque de ne pas refléter la
diversité des pratiques. Le problème se pose de manière encore plus aiguë si l’on veut interroger les
activités que l’on pourrait rattacher à l’éducation pour la santé ou à la prévention, termes mal
connus qui ne feront pas écho et qui seraient difficiles à relier au contenu de leur travail. S’appuyer
dans un premier temps sur des situations expérimentées permettrait dans un second temps de
revenir sur leur perception de la notion de santé et de son intégration dans leur pratique. Allier une
phase d’observation en la mettant en regard avec ce qu’elles disent sur ce qu’elles font semble aussi
pouvoir délivrer une vision plus juste des pratiques et du sens qu’elles leur donnent.
Il serait nécessaire par ailleurs de s’intéresser aux implications liées au fait d’interroger des salariées
employées par des services ou directement par les bénéficiaires. La DREES l’a fait en 2007‐2008, les
données issues d’une interrogation auprès de plusieurs milliers d’intervenants à domicile étant en
cours d’analyse. Cette enquête de la DREES fournira entre autres des éléments sur les conditions de
travail, le temps de travail, le niveau de formation, les diplômes, des éléments de la trajectoire
professionnelle, ainsi que quelques éléments sur la santé.
Les différents modes d’intervention (emploi direct, par le biais de services prestataires ou
mandataires) sont‐ils à même de répondre avec une qualité égale aux besoins des personnes, en
particulier sur les questions de santé ? Le cas échéant, comment poser une interrogation sur la
qualité des différents modes d’intervention (emploi direct, en mandataire, en prestataire) eu égard
aux questions de santé ? Quels types d’indicateurs peut‐on retenir ? (La satisfaction des
bénéficiaires, le taux de maintien à domicile en lien avec la santé perçue des aides à domicile…. ?)
Quels sont les critères les plus importants à intégrer lorsque l’on interroge des aides à domicile sur
les aspects relatifs à la santé ? P. Cardon a montré que sur la question de l’alimentation, la diversité
des configurations devait tenir compte par exemple de la localisation géographique (zones
urbaines/rurales ; proximité ou non des commerces, type d’habitation, etc.)
- 14 -
ANNEXE
Présentation des intervenant.e.s
Ghislaine Doniol‐Shaw est ergonome, ingénieur de recherches CNRS au LATTS ‐ Laboratoire
Techniques, Territoires et Sociétés, UMR CNRS 8134, rattachée à l’Université Paris‐Est
Ses activités de recherche sont orientées sur l'analyse de l'impact des transformations techniques et
organisationnelles sur les conditions de travail, la sécurité et la santé des salariés et sur la sécurité et
la fiabilité des systèmes. La dimension du genre est intégrée dans l’ensemble des travaux, avec une
attention particulière portée aux questions d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
et de (dé) qualification des emplois féminins. Les recherches portant sur le travail et l’emploi des
aides à domicile sont directement liées à ces orientations.
Emmanuelle Lada est sociologue. Actuellement professeure‐assistante à l’Université de Lausanne
(UNIL), elle est rattachée au Centre en Etudes Genre de cette université et membre du CRESPPA‐
GTM (Paris).
Ses travaux portent sur les recompositions des statuts d’emploi et de l’organisation du travail dans
les services ainsi que sur les effets de ces transformations sur les parcours (professionnels, de
formation, familiaux et de santé) des salarié‐e‐s. Ces objets de recherche sont abordés dans une
perspective de genre, articulée aux problématiques liées aux migrations et aux rapports entre
générations (perspective intersectionnelle). Elle s’est ainsi plus particulièrement intéressée aux
jeunes en début de vie active ainsi qu’aux salarié‐e‐s occupant des emplois en bas de l’échelle des
qualifications, dans des entreprises publiques, le secteur associatif ou l’hôtellerie. Dans ce cadre, elle
a mené des recherches sur le secteur de l’aide à domicile.
Ghislaine Doniol‐Shaw et Emmanuelle Lada ont récemment publié séparément ou conjointement :
Doniol‐Shaw G., Lada E., Work schedules of home care workers for the elderly in France : fragmented
work, deteriorating quality, detrimental health impact, Work (à paraître).
Doniol‐Shaw G., Lada E., Le travail des aides à domicile auprès des personnes âgées en France :
façons de dire, façons de faire, Actes du colloque Actes éducatifs et de soins, Nice, 4‐5 juin 2009 (à
paraître).
Lada E., Doniol‐Shaw G, De la nécessité d'inscrire les salariées intervenant auprès des bénéficiaires
de l'APA vivant à leur domicile dans la définition et la réalisation du plan d'aide, Communication
présentée au colloque international « Le soin négocié entre malades, proches et professionnels.
Situations de maladies et de handicaps de longue durée », Université de Bretagne occidentale,
octobre 2009.
Lada E., Doniol‐Shaw G., Les salariées de l'aide à domicile face aux violences au travail. Continuités et
disparités entre femmes. Violence against women and ethnicity : Commonalities and differences
across Europe. A reader, Dirigé par Ravi Thiara, Monika Schroettle, Stephanie Condon (à paraître)
Doniol‐Shaw G., 2009 L’engagement paradoxal des aides à domicile dans les situations repoussantes,
Travailler, n° 22, 27‐42.
Lada E., 2009, Individualisation, isolement au travail et pratiques collectives. Expériences de salarié‐e‐
s migrant‐e‐s dans les mondes de l’hôtellerie. Cardon P, Kergoat D, Pfefferkorn R (dir), Chemins de
l’émancipation et rapports sociaux de sexe, La Dispute.
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Lada E., 2009, Division du travail et précarisation de la santé dans le secteur hôtelier en France : de
l’action des rapports sociaux de sexe et autres rapports de pouvoir. Travailler, n°22.
Doniol‐Shaw G., Lada E., « De la définition du plan d'aide à sa réalisation pour les bénéficiaires de
l'APA : une place à construire pour les salariées intervenantes. » Actes des 1ères Rencontres
scientifiques de la CNSA, 12 février 2009, « Évaluer pour accompagner », pp. 54‐55.
Doniol‐Shaw G., Lada E., 2008, « Quelle place du travail dans la construction des métiers et des
qualifications dans le secteur de l'aide à domicile. Le cas de la France. » Communication au congrès
de l’AISLF, 7‐12 juillet, Istanbul.
Doniol‐Shaw G., 2008, « Pourquoi les connaissances sur la santé ne permettent‐elles pas d’améliorer
la santé au travail ? » in Santé au travail. Quels nouveaux chantiers pour les sciences humaines et
sociales, Cahiers Risques collectifs et situations de crise, n°9, MSH‐ALPES, pp 221‐239.
Doniol‐Shaw G., Lada E., Dussuet A., 2007, Les parcours professionnels des femmes dans les métiers
de l’aide à la personne : leviers et freins à la qualification et à la promotion, Rapport LATTS‐CNRS,
www.travail‐solidarite.gouv.fr/…/Latts rapport definitif 21 mars 2008.pdf
Doniol‐Shaw G., 2005. Les mises en situation reconstituées peuvent‐elles être considérées comme
des situations de travail ? Questions sur un dispositif de validation des acquis de l’expérience dans
l’aide aux personnes à domicile. Actes du 40ème Congrès SELF, Saint Denis de la Réunion 21‐23
septembre 2005, pp. 238‐245.
Doniol‐Shaw G., 2005, La qualification des emplois de l’aide à domicile au regard de l’analyse de la
Validation des Acquis de l’Expérience dans le métier d’Assistante de Vie. Rapport LATTS, avril 2005,
146 p.
Franck Guichet est sociologue. Il réalise une thèse en convention CIFRE avec l'UNA, sous la
direction d'Antoine Hennion (Centre de Sociologie de l’Innovation).
Son travail de doctorat en cours d’écriture porte sur la professionnalisation de l'aide à domicile,
considérée sous l'angle des savoirs investis dans l'expérience de travail. Sa recherche s’appuie sur
plusieurs enquêtes de terrains en lien avec les programmes institutionnels menés par l'UNA,
notamment sur l'accompagnement des personnes en fin de vie et des malades d'Alzheimer, puis un
terrain de recherche pendant quatre mois avec des aides à domicile dans leurs interventions
quotidiennes. Franck Guichet termine actuellement un contrat de recherche (CNSA/HAS) sur la prise
en charge des personnes handicapées dans les SSIAD.
Guichet Franck, Hennion Antoine, Paterson Florence, Le handicap au quotidien, des expériences
d’assistance à domicile, rapport de recherche pour la CNSA/HAS, septembre 2009.
Guichet Franck, Hennion Antoine, Vivre avec Alzheimer, vivre avec un « Alzheimer », Gérontologie et
société, n°128/129, pp. 117‐128, 2009
Philippe Cardon est Maître de Conférences en sociologie à l’Université Lille 3. Il est membre du
laboratoire CeRies (Centre de recherche Individus, épreuve, société) de Lille 3 et membre associé
au laboratoire Alimentation et Sciences Sociales (Unité de recherche 1303 ALISS de l’INRA d’Ivry
sur Seine) au sein de l’équipe SOLAL (Sociologie de l’alimentation).
Ses travaux portent entre autres sur l’alimentation des personnes âgées. Il s’intéresse aux
déterminants sociaux conduisant aux transformations des pratiques alimentaires des personnes
âgées, dans le contexte des transformations du cadre de vie (retraite, veuvage, relogement) et de la
mise en place de politiques publiques nutritionnelles à destination de cette population, via
l'intervention des services d'aide à domicile.
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Il a notamment publié récemment :
« Manger en vieillissant pose‐t‐il vraiment problème ? Veuvage et transformations de l’alimentation
des personnes âgées », Lien Social et Politiques, n°62, automne 2009
« Les personnes âgées face à la dépendance culinaire : entre délégation et remplacement», /Retraite
et société/, Paris, n° 56, 2009 (avec Séverine GOJARD)
« Retraite et alimentation : les effets de la mobilité», /Recherches familiales/, n°6, janvier 2009, pp.
105‐115 ;
« Vieillissement et alimentation : les effets de la prise en charge à domicile », INRA Sciences sociales/,
Paris, n° 2, mai 2008 ;
« Vieillissement et délégation alimentaire aux aides à domicile : entre subordination,
complémentarité et substitution », /Cahiers d’économie et de sociologie rurales/, Paris, n° 82‐83,
2007
« La construction sociale de la valeur des aliments. L’alimentation des personnes âgées face au
Programme National Nutrition Santé», /Valeurs à fixer, valeurs à partager. Conduites et
représentations des acteurs économiques et sociaux/, ss. dir. Ph. Chaudat, L’Harmattan, 22 pages,
2009
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Autres références bibliographiques
Avril C., Le travail des aides à domicile pour personnes âgées : contraintes et savoir faire ; Le
mouvement social, 216, 2006, 87‐89
Avril C., Les compétences féminines des aides à domicile, in Weber F., Gojard S., Gramain A. ; Charges
de famille, Dépendance et parenté dans la France contemporaine, Paris La Découverte, 2003, 187‐
207
Valette (M.), Membrado (M.) / dir., Association Régionale des Organismes de Mutualité Sociale
Agricole Midi Pyrénées. (A.R.O.M.S.A.). Toulouse. FRA, Comité Régional des Politiques de Santé
Midi Pyrénées. FRA / com., Etude régionale de santé. "Femmes aidantes ‐ génération pivot". La
prise en charge d'une personne âgée dépendante ou d'un enfant handicapé mental vieillissant :
incidence sur la santé de l'aidante familiale et émergence des attentes,2 vol. (414 ; 53p.), ann.,
2004, réf. 7p.
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