Dictionnaire mondial de la photographie

Transcription

Dictionnaire mondial de la photographie
Cet ouvrage
est paru à l’origine
sa numérisation
édition
a été réalisée
numérique
les Éditions
Larousse
a
été
aux Éditions
avec
Larousse
le soutien
spécialement
du CNL.
Cette
recomposée
par
dans le cadre d’une collaboration
pour la bibliothèque
numérique
en 1996 ;
Gallica.
avec la BnF
*Titre : *Dictionnaire mondial de la photographie / Larousse
*Auteur : *Larousse
*Éditeur : *Larousse (Paris)
*Date d'édition : *2001
*Sujet : *Photographes -- Biographies -- Dictionnaires
*Sujet : *Photographie -- Dictionnaires
*Type : *monographie imprimée
*Langue : * Français
*Format : *766 p. : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul. ; 29 cm
*Format : *application/pdf
*Droits : *domaine public
*Identifiant : * ark:/12148/bpt6k1200506v </ark:/12148/bpt6k1200506v>
*Identifiant : *ISBN 2035052823
*Source : *Larousse, 2012-129523
*Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb377073095
*Provenance : *bnf.fr
Le texte affiché comporte un certain nombre d'erreurs.
En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique
par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux
de reconnaissance obtenu pour ce document est de 100 %.
downloadModeText.vue.download 1 sur 634
Cet ouvrage est paru à l’origine aux Éditions Larousse en 1996 ;
sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL. Cette
édition numérique a été spécialement recomposée par
les Éditions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la BnF
pour la bibliothèque numérique Gallica.
downloadModeText.vue.download 2 sur 634
downloadModeText.vue.download 3 sur 634
downloadModeText.vue.download 4 sur 634
OUVRAGE PUBLIÉ AVEC LE CONCOURS
DU CENTRE NATIONAL DU LIVRE
CONCEPTION
JEAN-PHILIPPE BREUILLE
ÉDITION
MICHEL GUILLEMOT
avec la collaboration pour la partie technique de
PIERRE CHIESA
INDEX
MATHILDE RUBINSTEIN
DIRECTION ARTISTIQUE
FRÉDÉRIQUE LONGUÉPÉE
MISE EN PAGE
VÉRONIQUE KEMPF
ICONOGRAPHIE
VIVIANE SEROUSSI
LECTURE-CORRECTION
SERVICE DE LECTURE-CORRECTION LAROUSSE
FABRICATION
JANINE MILLE
© Larousse, 1996 pour la première édition
© Larousse/VUEF, 2001 pour la présente impression
Toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, du texte et/ou de
la nomenclature contenus dans le
présent ouvrage et qui sont la propriété de l’Éditeur, est strictement
interdite.
Distributeur exclusif au Canada : Messageries ADP, 1751 Richardson,
Montréal (Québec).
ISSN !!!!-!!!!
ISBN !-!!-!!!!!!-!
downloadModeText.vue.download 5 sur 634
5
En faisant paraître, pour la première fois en France, un Dictionnaire mondial de la photographie des origines à nos jours, nous avons pris le
parti de
considérer la photographie comme une discipline à part entière, ayant ses
règles propres, à l’égal de la peinture, du cinéma ou de la littérature.
Ce parti
pris n’est pas foncièrement original. C’est celui qui s’est imposé ces
dernières
années. Mais cette reconnaissance est encore récente, et si, dès sa
divulgation, l’invention
de Niépce et de Daguerre connut un grand succès puis, en un temps
relativement court,
fut vouée à une immense vulgarisation (on se souviendra du célèbre
slogan de la firme
Kodak : You press the bouton, and we do the rest), elle a cependant été
longtemps tenue
pour secondaire et, malgré – ou peut-être à cause de – ses grandes
qualités documentaires, évaluée à une valeur bien moindre que d’autres moyens de
représentation tels que
le dessin, la gravure ou la peinture (Baudelaire la qualifia de «
servante de la peinture »).
Situation de la photographie aujourd’hui
Aujourd’hui, les choses en vont tout autrement. La photographie figure
dans les
musées auprès de la peinture. Quantité d’expositions lui sont dédiées
dans les « hauts
lieux » de la culture et son histoire est enseignée dans les
universités. Elle fait l’objet
de très nombreuses (et souvent très luxueuses) publications. Les
photographes ont
obtenu le droit de signer leurs photos et ne sont plus cantonnés dans
l’anonymat par
les agences. Enfin, des festivals sont organisés à travers le monde
entier, à commencer
par la France qui donna l’exemple avec ses célèbres « Rencontres d’Arles
», son « Mois
de la Photo » et ses « Photofolies ».
Le statut de la photographie
La raison pour laquelle cette reconnaissance de la photographie fut si
tardive est
certainement à chercher dans sa nature même. On s’est beaucoup interrogé
sur son
statut : Arago, le premier, en 1839, dans son discours de présentation
du daguerréotype
devant l’Institut, évoque ses liens avec l’art et la science.
Attestation scientifique,
enregistrement du réel, preuve juridique, elle est en même temps pure
illusion
lumineuse et regard subjectif. C’est là, semble-t-il, sa nature, d’être
aussi bien et tout
à la fois l’enregistrement d’un instant passé et l’illusion de la
restitution – impossible
– de cet instant (comme l’écrivait Roland Barthes dans la Chambre claire
à propos
de la photographie d’un condamné à mort prise juste avant l’exécution :
« Il est mort
et il va mourir »). Mais tout autant que ce pouvoir « magique » pour
l’esprit, c’est
la diversité de ses utilisations qui déconcerte, ainsi que son
extraordinaire capacité
à intégrer aussi bien l’art, la science ou la technologie que la réalité
quotidienne. En
effet, quel rapport établir entre l’humanisme de Doisneau ou de Kertész,
les études
downloadModeText.vue.download 6 sur 634
6
sur le mouvement de Marey ou de Muybridge et la photographie de mode
d’Avedon,
de Newton ou de Klein ? entre le pictorialisme de Demachy ou de
Stieglitz, les
recherches graphiques de Moholy-Nagy ou de Rodtchenko et
l’anthropométrie de
Bertillon ou le Photomaton ? entre le surréalisme d’Alvarez Bravo ou de
Man Ray, la
photographie astronomique des frères Henry et les portraits de Nadar, de
Cameron
ou de Sander ? entre l’engagement social et politique de W. Evans ou de
Lange, les
images intimes de Lartigue, de Hugo ou de Lewis Carroll et les
photographies prises
par des satellites ? entre le photojournalisme de Cartier-Bresson, de
Salgado, de
Depardon, les mises en scène de Bayard, de Clérambault, d’Ouka Lele ou
de Sherman
et la photo de famille ?
C’est ce que chacun pourra chercher à découvrir, en utilisant ce
Dictionnaire mondial
de la photographie. Avec ses 1 200 entrées et ses 450 illustrations, il
offre un point
de vue incomparable sur les mille visages de la photographie. Sans
prétendre être
exhaustif (des milliers de photographes travaillent aujourd’hui et 20
000 entrées
n’auraient pas suffi), il est très largement représentatif de toutes les
tendances
esthétiques, scientifiques ou documentaires et de tous les aspects
techniques. Par sa
générosité comme par sa facilité d’accès, par sa concision comme par son
pouvoir
de réconcilier les contraires et d’abolir toute hiérarchie, la forme du
dictionnaire
se prête particulièrement bien à la spécificité de la photographie. Plus
accessible
qu’une conventionnelle histoire qui semble encore difficile à écrire
tant sa matière
est vivante, le dictionnaire semble aussi être mieux à même de la saisir
dans tous ses
états et d’éclairer les enjeux de la création photographique contemporaine.
Photographie et peinture
Une place privilégiée a été faite dans cet ouvrage aux rapports
particulièrement
étroits entre la photographie et la peinture. Il ne faut pas oublier que
la plupart des
premiers grands pionniers du genre (Daguerre, Talbot, Baldus, Nègre...)
étaient aussi
des peintres. Influencée au départ par l’iconographie et le point de vue
pictural,
elle est devenue bien vite un très précieux outil d’étude et de
documentation pour
l’artiste. Mais nombre de ces derniers et non des moindres (Degas,
Bonnard, Vuillard,
Magritte, Brancusi...), se mirent à la pratiquer pour elle-même. Puis ce
fut son tour
d’influencer la peinture. Duchamp et les futuristes s’inspirèrent de la
photographie
scientifique, le pop’art, de la photographie de presse. Elle constitue
même la seule
attestation possible pour les courants artistiques qui se développèrent
dans les
années 1960 (land art, art conceptuel, art corporel). Plus récemment, la
photographie
couleur est devenue, pour de nombreux artistes, un moyen de réaccéder à une
dimension picturale face à l’impasse dans laquelle se trouve la peinture.
Les autres grands domaines de la photographie n’ont pas pour autant été
oubliés.
La part belle a évidemment été faite au photojournalisme, au reportage,
à la
photographie de mode, au portrait, au paysage, à la photographie
scientifique ou
documentaire...
Composition du dictionnaire
Ce dictionnaire n’a donc rien à voir avec les nombreux annuaires ou
répertoires
professionnels qui recensent les photographes actifs dans la mode ou la
publicité.
Son ambition est tout autre : il traite de la photographie selon une
perspective
downloadModeText.vue.download 7 sur 634
7
critique, historique, technique et thématique. Ses qualités critiques
sont assurées à la
fois par le nombre (plus de cinquante) et la diversité (conservateurs de
musée ou de
bibliothèque, universitaires, historiens de l’art, photographes) des
auteurs, qui, par
ailleurs, ont tous participé à l’élaboration de la nomenclature. Il est
historique dans la
mesure où il prend en compte aussi bien les premiers inventeurs de la
photographie
que les photographes les plus contemporains. Il est technique par la
large place
accordée au vocabulaire spécialisé, dans des domaines aussi différents
que l’optique,
la chimie, la mécanique ou l’électronique, et par ses notices consacrées
aux grands
procédés. Enfin, il est thématique à travers les nombreuses synthèses
proposées sur
les genres, les thèmes, les courants esthétiques et les structures
professionnelles ou
culturelles attachées à la photographie.
Les notices
Chaque notice consacrée a un photographe se présente comme une courte
biographie.
L’entrée est suivie d’indications de nationalité, des dates et des lieux
de naissance et
de décès. La nationalité est précédée d’une mention professionnelle
(photographe,
artiste, peintre, historien, savant, etc.). Dans un souci d’unité, cette
mention est
souvent le fait de l’éditeur. Elle n’établit aucune hiérarchie entre «
photographe » et
« artiste », par exemple, mais vient indiquer simplement la spécificité
des supports et
des techniques utilisés. Le texte s’efforce de respecter un ordre
chronologique. Partant
de la formation, il suit et analyse le développement des activités du
photographe, en
fournissant un certain nombre d’informations d’ordre documentaire,
titres d’oeuvre,
publications, collections et fonds. L’astérisque « * » placée après un
nom ou un terme
indique que ce mot fait l’objet d’une entrée spécifique dans l’ouvrage.
Ce système
multiplie les moyens de circulation et ouvre de nombreux chemins de lecture
différents.
L’illustration
Une très large place a été faite à l’illustration et un très grand soin
a été apporté au
choix et à la qualité de reproduction des images. S’il n’a pas été
possible d’illustrer tous
les photographes, un choix très représentatif des époques, des pays, des
tendances
esthétiques et des genres rend compte de la richesse et de la diversité
des pratiques.
Pour la photographie couleur, nous avons choisi, pour des raisons tant
historiques
que pratiques, de la réunir à la fin du volume (pages 681 à 728), en un
véritable album
de photographies que le lecteur pourra aussi consulter pour son seul
plaisir. Un
renvoi (voir illustration p. 000) situé à la fin des notices concernées
permet d’accéder
directement aux illustrations en couleur.
En fin de volume, une bibliographie sélective ordonnée selon les genres,
les thèmes et
les courants esthétiques, rappelle les principaux ouvrages de référence.
Par ailleurs,
un index recensant près de 4 000 noms (personnes, titres d’ouvrages ou
de revues,
agences) permet une recherche complémentaire en renvoyant aux articles
où ils sont
cités.
downloadModeText.vue.download 8 sur 634
8
COLLABORATEURS
L’éditeur remercie tous les collaborateurs qui ont participé à la
rédaction et à l’élaboration
de cet ouvrage, ainsi que Jean-François CHEVRIER, Françoise HEILBRUN,
Philippe
NÉAGU et Françoise SERRES pour leurs précieux conseils.
Philippe ARBAIZAR (P.A.), conservateur à
la Bibliothèque nationale de France.
Sylvie AUBENAS (S.A.), archiviste paléographe ; diplômée de l’École pratique des
hautes études ; conservateur chargé de la
photographie ancienne au département
des Estampes et de la Photographie de la
Bibliothèque nationale.
Roger BELLONE, journaliste.
Caroline BENZARIA (C.B.), diplômée de
recherche de l’École du Louvre ; diplômée
d’études supérieures en histoire de l’art,
université Paris-I (Paris-Sorbonne) ;
chargée de documentation au fonds de
photographie ancienne du musée d’Orsay.
Marie BOREL (M.B.), diplômée d’études
supérieures en histoire de l’art.
Nathalie BOULOUCH (N.B.), docteur de
l’université Paris-I (Paris-Sorbonne).
Stéphanie de BRABANDER (S.B.),
diplômée d’études supérieures en
histoire de l’art, université Paris-IV
(Paris-Sorbonne).
Christine BUIGNET (Ch.B.), docteur en
esthétique et science de l’art ; agrégée en
arts plastiques ; enseignante à l’université
de Toulouse-le-Mirail ; photographe
plasticienne.
Anne CARTIER-BRESSON (A.C.-B.),
conservateur responsable de l’Atelier de
restauration des photographies de la Ville
de Paris.
Nathalie CATTARUZZA (N.C.), diplômée
d’études supérieures en histoire de l’art,
université Paris-IV (Paris-Sorbonne).
Marie CERCIELLO (M.C.), diplômée
d’études supérieures en histoire de l’art.
Martine CLÉMENT (M.J.M.C.),
documentation du musée d’Orsay.
Cécile CLERGUE (C.G.), diplômée de
recherche de l’École du Louvre ; diplômée
d’études supérieures en histoire de l’art,
université Paris-IV (Paris-Sorbonne).
Sylvie COUDERC (S.C.), chargée de
mission, Amiens, musée de Picardie.
Françoise DUCROS (F.D.), inspecteur
à la création artistique (Délégation aux
Arts plastiques) ; enseignant associé à
l’université de Paris-IV (Paris-Sorbonne).
Emmanuelle de L’ÉCOTAIS (E.E.),
diplômée d’études supérieures en
histoire de l’art de l’université Paris-IV
(Paris-Sorbonne).
Viviane ESDERS (V.E.), expert en
photographie et art contemporain, Paris.
Michel FRIZOT (M.F.), chargé de
recherche au C.N.R.S. ; professeur à l’École
du Louvre.
Véronique GAUDRY (V.G.), diplômée
d’études supérieures en arts plastiques de
l’université Paris-VIII (Saint-Denis).
Jean-Luc GUIRAL (J.-L.G.), diplômé
d’études supérieures en histoire de l’art de
l’université Rennes-II.
Thomas Michael GUNTHER (T.M.G.),
docteur en philosophie de l’université
Paris-I (Paris-Sorbonne) ; ancien élève de
l’École du Louvre ; maître de conférences à
l’Institut d’études politiques, Paris.
downloadModeText.vue.download 9 sur 634
9
André GUNTHERT (A.G.), chargé de
cours à l’université Paris-VIII (Saint-Denis) ;
secrétaire général de la Société française de
photographie.
France HEYDACKER (F.H.), diplômée
d’études supérieures en histoire de l’art de
l’université Paris-VIII (Saint-Denis).
Franck HORVAT (F.Ho.), photographe.
Christian KEMPF (C.K.), photographe.
Philippe de LA COTARDIÈRE (P.L.C.),
ancien président de la Société astronomique
de France.
Vincent LAVOIE (V.L.), diplômé d’études
supérieures en histoire de l’art.
Maurice LECOMTE (M.L.), iconographe au
Centre national de la photographie, Paris.
Serge LEMOINE (S.L.), professeur à
l’université Paris-IV (Paris-Sorbonne) ;
conservateur en chef du musée de Grenoble.
Bernard MARBOT (B.M.), conservateur
en chef chargé de la photographie ancienne
au département des Estampes et de la
Photographie de la Bibliothèque nationale.
Armelle MAUGIN (A.Ma.), diplômée
d’études supérieures en histoire de l’art.
Anne de MONDENARD (A.M.), diplômée
de recherche de l’École du Louvre ; chargée
des collections photographiques au musée
national des Monuments français.
Sylvain MORAND (S.M.), conservateur
chargé des collections photographiques du
musée d’Art moderne et contemporain de
Strasbourg.
Monique MOULÈNE (M.M.), bibliothécaire
au cabinet des Estampes et de la Photographie
de la Bibliothèque nationale.
Tadashi ONO (T.O.), photographe, diplômé
de l’École nationale de photographie d’Arles.
Pierre OZANAM (P.O.), diplômé d’études
supérieures en histoire de l’art.
Denis PELLERIN (D.P.), professeur certifié
d’anglais ; historien de la photographie.
Brigitte PERTOLDI (B.P.), diplômée d’études
supérieures en histoire de l’art de l’université
Paris-VIII (Saint-Denis).
Hélène PINET (H.P.), documentaliste
chargée des collections photographiques au
musée Rodin.
Michel POIVERT (M.P.), docteur de
l’université Paris-I (Paris-Sorbonne) ;
président de la Société française de
photographie.
Martine RAVACHE (M.R.), historienne de
la photographie.
Sophie ROCHARD-FIBLEC (S.Ro.),
diplômée de l’École du Louvre ; diplômée
d’études supérieures en histoire de l’art de
l’université Paris-IV (Paris-Sorbonne).
André ROUILLÉ (A.R.), professeur à
l’université Paris-VIII (Saint-Denis) ;
rédacteur en chef de la Recherche
photographique.
Pascal-Louis ROUSSEAU (P.L.R.), diplômé
d’études supérieures en histoire de l’art de
$$$de l’université Paris-I (Paris-Sorbonne).
Christophe SAVALE (C.S.), diplômé d’études
supérieures en histoire de l’art de l’université
Paris-X (Nanterre).
Secrétariat de rédaction Larousse (S.R.).
Paul SZTUIMAN (P.S.), photographe,
diplômé de l’École nationale de photographie
d’Arles.
Marie de THÉZY (M.T.), conservateur en
chef à la Bibliothèque historique de la Ville
de Paris.
Silvana TURZIO (S.T.), chercheur en
littérature française à la faculté des lettres
et langues étrangères de Milan ; critique
photographique.
Dominique WEITZ (D.W.), galeriste.
downloadModeText.vue.download 10 sur 634
10
ABRÉVIATIONS
Arles, R.I.P. : Arles, Rencontres internationales de la photographie
Bâle, Kunstmuseum : Bâle, Öffentliche
Kunstsammlung, Kunstmuseum
Barcelone, M.A.C. : Barcelone, Museo de
bellas artes de Cataluña
Bath, R.P.S. : Bath, Royal Photographic
Society
Berlin, Nationalgalerie : Berlin, Staatliche Museen-Preussischer Kulturbesitz,
Gemäldegalerie
Bordeaux, C.A.P.C. : Bordeaux, Centre
d’art plastique contemporain
Cologne, W.R.M. : Cologne, Wallraf-Richartz Museum
F.I.A.P. : Fédération internationale de l’art
photographique
F.R.A.C. : Fonds régional d’art contemporain
Londres, B.M. : Londres, British Museum
Londres, I.C.A. : Londres, Institute of
Contemporary Art
Londres, V.A.M. : Londres, Victoria and
Albert Museum
Los Angeles, LA.C.M.A. : Los Angeles,
County Museum of Art
Lyon, musée Saint-Pierre A.C. : Lyon,
musée Saint-Pierre Art Contemporain
Madrid, M.E.A.C. : Madrid, Museo español de arte contemporáneo
M.A.C. : musée d’Art contemporain
M.A.M. : musée d’Art moderne
New York, Guggenheim Museum : New
York, The Solomon R. Guggenheim Museum
New York, I.C.P. : New York, International
Center of Photography
New York, Metropolitan Museum : New
York, Metropolitan Museum of Art
New York, M.O.M.A. : New York, Museum of Modern Art
New York, W.M.A.A. : New York, Whitney
Museum of American Art
N.G. : National Gallery, Nationalgalerie
Paris, A.R.C. : Paris, Art Recherche
Confrontation
Paris, B.H.V.P. : Paris, Bibliothèque historique de la Ville de Paris
Paris, B.N. : Paris, Bibliothèque nationale, département des Estampes et de la
Photographie
Paris, C.N.A.C. G.-P. : Centre national
d’art et de culture Georges-Pompidou
Paris, C.N.A.P. : Paris, Centre national des
arts plastiques
Paris, C.N.P. : Paris, Centre national de la
photographie
C.N.R.S. : Centre national de la recherche
scientifique
D.A.T.A.R. : Délégation à l’aménagement
du territoire et à l’action régionale
Paris, E.N.S.B.A. : Paris, École nationale
supérieure des beaux-arts
Paris, F.N.A.C. : Paris, Fonds national d’art
contemporain
Paris, I.D.H.E.C. : Paris, Institut des hautes
études cinématographiques (devenu aujourd’hui F.E.M.I.S. : Institut de formation et
d’enseignement des métiers de l’image et du
son)
Paris, M.A.M. V.P. : Paris, musée d’Art
moderne de la Ville de Paris
Paris, M.N.A.M. : Paris, musée national
d’Art moderne
Paris, Orsay : Paris, musée d’Orsay
Paris, S.F.P. : Paris, Société française de
photographie
Rochester, George Eastman House :
Rochester, George Eastman House,
International Museum of Photography
downloadModeText.vue.download 11 sur 634
11
ABBE James
photographe américain
(Newport News, Virginie, 1883 - San
Francisco 1973)
Surtout connu pour ses photographies de
stars de l’écran, Abbe commence sa carrière de photographe seulement à l’âge de
34 ans, à New York, en se spécialisant dans
le portrait*. Celui de Janes Eagles, acheté
par le Saturday Evening Post, paraît en
couverture et lui confère une certaine notoriété. Dès lors, il travaille régulièrement
pour de grands journaux tels le Saturday
Evening Post, le New York Times, etc. et
voit défiler dans son studio les artistes
célèbres de l’écran et de la scène dont,
par exemple, Fred Astaire, Fanny Brice,
Natasha Valentino (Rudolph et Natasha
Valentino, 1921, New York, Washburn
Gall.). Il travaille uniquement en lumière
naturelle, utilisant des miroirs pour réfléchir la lumière dans les zones sombres.
Son association avec les stars de l’époque
le conduit inévitablement à Hollywood,
où il photographie notamment Mary Pickford, Carol Lombard et Gloria Swanson.
De retour à New York, en 1922, il travaille
pour D.W. Griffith. Les plus grandes stars
du cinéma du moment, Dorothy et Lillian
Gish, sont ses sujets favoris et deviennent
même ses amies. Il accompagne d’ailleurs
Lillian en Italie pour le tournage du film
The White Sister. Il innove en quittant son
studio pour photographier les acteurs sur
scène le jour de la première. Rapidement
copié, Abbe sera cependant le premier à
apporter cette nouvelle « technique » en
Europe. Ses travaux sont alors publiés dans
de nombreux magazines, dont Vogue*
(Paris et New York) et Harper’s Bazaar*.
À la fin des années 1920, Abbe commence
une carrière de reporter. Il travaille pour le
Berliner Illustriert Zeitung (1929), pour le
North American Newspaper (1936), etc. Le
photographe se rend partout où se trouve
l’événement : en 1929, il couvre la révolution mexicaine ; en 1932, il est le premier
à réaliser un portrait de Staline ; en 1936,
il couvre la guerre civile espagnole du côté
franquiste. Rentré aux États-Unis à la fin
des années 1930, Abbe se lance alors dans
downloadModeText.vue.download 12 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
12
la radio, créant sa propre émission pour
une station de San Francisco.
Dans les années 1950 et jusqu’à sa retraite – en 1961 –, il est critique de télévision. Son travail photographique est
notamment représenté aux États-Unis, à la
George Eastman House (Rochester).
M.C.
ABBOTT Berenice
photographe américaine
(Springfield, Ohio, 1898 - Monson, Maine,
1992)
Abbott occupe une place importante
dans l’histoire de la photographie. Tout
d’abord, ses portraits mémorables, ses
vues saisissantes de New York et ses
puissantes images scientifiques lui garantissent un renom bien mérité. Ensuite,
c’est elle qui, en rachetant le fonds Atget*
en 1928, a sauvé l’oeuvre du grand précurseur de la photographie moderne. Après
la Première Guerre mondiale, elle habite
New York, où elle rencontre M. Duchamp* et Man Ray*, avant de partir pour
l’Europe en 1921. Elle étudie la sculpture
à Paris et à Berlin. En 1923, Man Ray l’engage comme assistante dans son atelier
parisien et l’initie aux techniques photographiques. Deux ans plus tard, elle ouvre
son propre studio de portraits et compte
parmi sa clientèle André Gide, Jean Cocteau, James Joyce, Marie Laurencin et
André Maurois. En 1926, elle expose son
travail à la galerie Au sacre du printemps.
La même année, elle rencontre E. Atget,
dont elle fait un portrait émouvant peu
avant qu’il ne meure, en 1927. À la fin
des années 1920, elle retourne à New
York et, inspirée sans doute par le travail
d’Atget, décide d’y rester pour photographier les changements rapides que subit
la ville. Elle continue à faire des portraits
et, dans les années 1930, travaille pour
Fortune et pour Life*. Ses reportages sur
New York, fruit d’une commande de la
Works Progress Administration, sont
exposés au Museum of the City of New
York en 1937 et publiés deux ans plus tard
sous le titre Changing New York. Abbott
commence à enseigner à la New School
for Social Research en 1935, une activité
qu’elle poursuivra jusqu’en 1958. Dans les
années 1940, elle publie A Guide to Better
Photography et The View Camera Made
Simple, tandis qu’elle explore les rapports multiples entre la photographie et
la science*, s’associant à plusieurs projets
pédagogiques majeurs.
Dans les années 1950, elle entreprend
une expédition photographique le long de
la route nationale 1 entre le Maine et la
Floride pour enregistrer un mode de vie
américain condamné à disparaître. En
1964, elle publie The World of Atget, avant
de céder la collection du maître parisien
au M.O.M.A.* de New York quelques années plus tard. En 1968 paraît A Portrait
of Maine, dans lequel elle célèbre cet État
de la Nouvelle-Angleterre où elle s’est retirée au début des années 1960.
T.M.G.
ABRAMOCHKIN Youri
Vasilievitch
photographe russe
(Moscou 1936)
Abramochkin étudie la photographie
dans sa ville natale à l’École du journalisme d’image de l’agence Novosti de 1958
à 1960 et il prend ses premières photos
lors du Festival international de la jeunesse, à Moscou en 1957. Il obtient un
diplôme de droit de l’Institut juridique
de Moscou en 1974. Depuis 1961, photographe attitré de l’agence Novosti,
membre de la section photographique de
l’Union des journalistes, il est reconnu
downloadModeText.vue.download 13 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
13
comme l’un des principaux photographes
d’agence et correspondants ; couvrant les
événements d’actualité exceptionnels et
les sujets de politique intérieure et extérieure, il visite plus de 50 pays. Artiste inventif, il présente ses travaux avec une approche originale, avec plus de sensations
et d’émotions. Ses images des congrès
du Parti communiste soulignent surtout
l’atmosphère de la vie politique russe, les
discussions entre participants, au-delà du
simple reportage*. Il se consacre parallèlement à des recherches personnelles sur
les thèmes de la vie sociale russe (People
of my Country ; Siberian Geologists ;
Kamtchatka et surtout People of Prague,
ville où il a fait de nombreux séjours). Ses
travaux sont primés lors de nombreuses
expositions. Il reçoit la médaille de bronze
d’Interpress en 1966, le prix du reportage
politique de l’Union des journalistes en
1969, la distinction de Travailleur émérite de la culture pour la Fédération russe
en 1977, la médaille d’or de l’exposition
Sport, ambassadeur de paix en 1980. Il vit
et travaille à Moscou.
V.E.
ABRASION
Les marques d’abrasion sont des taches,
claires ou sombres, qui se forment durant
le développement* d’une couche sensible
vierge ayant subi, par action mécanique,
une érosion superficielle qui en altère localement les propriétés.
S.R.
ACCONCI Vito
ar tiste américain
(New York 1940)
Jusqu’en 1960, Acconci se consacre à la
poésie, puis s’oriente vers une création
visuelle impliquant son propre corps dans
une série de performances. Les Photo
Pieces (1969) sont les enregistrements
photographiques d’actions simples : sauter, se pencher, étendre les bras, lancer une
balle. À partir de 1970, le corps de l’artiste
devient un terrain d’expérimentations
dont il garde toujours la trace sous forme
de photos, de films, d’enregistrements sonores. Chaque action est une activation de
l’inconscient, de ses obsessions ou de ses
fantasmes sexuels. Elle est une réflexion
sur la relation entre l’espace, l’artiste, le
spectateur et sur la communication de
l’événement. À partir de 1974, l’artiste n’est
plus présent dans l’espace et y installe des
bandes-son enregistrées. Les liens entre la
géographie, la culture et la politique sont
l’objet d’une étude spécifique qui l’amène
à intervenir dans des lieux publics, dans la
rue, autour des questions de l’habitat, du
public et du privé. The People Mobile est
un camping-car qui, en 1969, voyage de
ville en ville, aux Pays-Bas. L’artiste crée
des installations plus sculpturales, prenant
à partie l’environnement urbain et domestique. La photographie est, dans l’oeuvre
d’Acconci, un objet autonome, présent
essentiellement entre 1969 et 1970. Liée au
texte, relatant les circonstances de l’action,
elle engage la définition de ses projets, de
sa pensée, lui permettant d’accéder à une
expérience visuelle que l’écriture, seule, ne
lui permettrait pas.
S.C.
ACHROME
Se dit de la photographie en noir et blanc
ou de celle qui ne permet pas une restitution des couleurs.
Une surface* sensible achrome est constituée d’un support (verre, matière plastique transparente ou opaque, papier*) sur
lequel est coulée une couche de gélatine
downloadModeText.vue.download 14 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
14
contenant des cristaux de sels d’argent en
suspension.
Émulsions, germes sensibles et
supports
L’émulsion proprement dite est obtenue,
par exemple, en versant une solution de
nitrate d’argent dans une gélatine fluide,
maintenue à 37 °C et contenant des halosels alcalins (bromure, iodure ou chlorure de potassium) ; il se forme ainsi le
sel d’argent correspondant, constitué de
fins cristaux sensibles aux seules radiations violettes et bleues (pour ce qui est
du spectre visible). Quand l’émulsion est
figée, une suite d’opérations élimine les
résidus de la réaction. La sensibilité* à la
lumière de cette gélatine contenant des halosels d’argent est relativement faible. On
l’augmente soit en refondant l’émulsion
épurée, que l’on maintient à une température convenable pendant une durée déterminée, soit par l’adjonction de produits
appropriés (ammoniaque, par exemple).
La sensibilité est exprimée en degrés ISO*.
La sensibilité spectrale d’une émulsion
ordinaire est limitée à l’ultraviolet, au violet et au bleu. On élargit cette sensibilité
jusqu’au rouge et à l’infrarouge par l’adjonction de certains colorants organiques.
Les émulsions ainsi rendues sensibles au
vert et au jaune sont dites orthochromatiques ; celles qui sont en outre sensibles
au rouge sont dites panchromatiques. Certaines émulsions spéciales (par exemple
pour la photo aérienne*) sont sensibles à
l’infrarouge (jusqu’à des longueurs d’onde
d’environ 1 500 nm). Pour les applications
relatives à de nombreux domaines des
sciences* (en particulier l’astronomie), il
existe des films sensibles aux rayons ultraviolets, aux rayons X, gamma, etc.
Les fins cristaux de bromure, d’iodure ou
de chlorure d’argent contenus dans la gélatine doivent leur sensibilité à des germes
répartis sur les faces ou à l’intérieur des
cristaux, et leur nature les apparente à des
particules d’argent colloïdal. Ces germes
sont les « supports » de l’image latente* ;
sous l’effet de la lumière, ils subissent une
transformation invisible et complexe et
deviennent le point de départ de l’image,
qui sera rendue visible par l’action du révélateur*, dont le rôle est, en quelque sorte,
de développer le germe impressionné, en
lui apportant de l’argent réduit emprunté
au petit cristal qui le supporte.
L’émulsion sensible est toujours coulée sur
un support, à l’origine limité à la plaque
de verre et au papier. Le nitrate de cellulose apparut en 1889 (Reichenbach, Eastman), l’acétate ininflammable en 1901
(A. Eichengrün) et le triacétate, beaucoup
plus robuste, en 1951. Pendant la Seconde
Guerre mondiale est développé le polyester, auquel sa très haute résistance mécanique et sa stabilité dimensionnelle très
supérieure confèrent des avantages certains. Sous le nom de Cronar ou d’Estar, il
est employé en particulier pour les émulsions destinées aux arts graphiques et aux
applications scientifiques.
Traitement et tirage
Après la prise de vue, l’image qui s’est
inscrite sur la surface sensible est invisible : elle est latente. Sous l’action de la
lumière (ou d’autres radiations), les cristaux d’halogénure d’argent ont cependant
subi une transformation ; en particulier, l’énergie apportée à un cristal par un
photon éjecte l’électron périphérique de
l’ion halogène ; cet électron peut alors se
déplacer à travers le cristal jusqu’à ce que,
piégé par une impureté ou un défaut de
structure, il attire un ion d’argent interstitiel et forme le premier maillon de l’image
latente. Le processus est répété, ce qui produit des cristaux d’halogénure dont la probabilité de réduction en argent métallique
est accrue. Autrement dit, les cristaux
d’halogénure d’argent qui ont été atteints
downloadModeText.vue.download 15 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
15
par des photons peuvent être réduits par
les agents oxydants du révélateur à une
vitesse incomparablement plus grande que
celle des cristaux non insolés.
Le traitement d’un film achrome comprend
deux opérations principales : l’immersion
dans le bain révélateur*, qui transforme
l’image latente en image visible, constituée
par de l’argent réduit, et, après rinçage, le
passage dans le bain de fixage*, qui élimine
les sels d’argent inutilisés. Les formules de
révélateur sont nombreuses ; suivant la
composition, on obtient des clichés doux
ou contrastés, un grain* grossier ou un
grain fin. Le fixage est effectué dans une
solution d’hyposulfite de sodium à 20 %
environ, additionnée éventuellement de
bisulfite de sodium. Le film traité donne un
« négatif », image présentant des opacités
et des transparences inverses des lumières
et des ombres du sujet.
Le tirage s’effectue sur couche sensible
à image latente (papier, plaque ou film)
par exposition de durée déterminée à la
lumière blanche, à travers le négatif, et se
traite comme les négatifs achromes dans
des bains similaires. Généralement, le négatif est tiré sur papier sensible par agrandissement. À cet effet, il est introduit dans
un agrandisseur*, appareil qui permet la
projection de son image sur le papier sensible selon un rapport modulable.
S.R.
ACTIONNISTES VIENNOIS
Le groupe des Actionnistes viennois, qui a
pour principaux représentants Hermann
Nitsch, Günter Brus, R. Schwarzkogler*
et Otto Muehl, a développé au début des
années 1960, à Vienne, une approche de
l’art corporel qui s’est inspiré à la fois de
la peinture expressionniste et des happenings. Chacun des artistes de ce groupe a
manifesté l’engagement de l’art dans la réalité, le corps humain devenant un matériau
artistique à part entière afin de le libérer
de toutes instances répressives. L’oeuvre de
Nitsch s’est développée dans le cadre d’actions collectives qui composent Das Orgien Mysterien Theater dont les contenus
complexes sont à la fois religieux, sexuels
et psychanalytiques. Le caractère éphémère de la démarche de ces artistes les ont
amenés à utiliser la photographie comme
un médium artistique à part entière. On
pourrait évoquer aux côtés des Actionnistes, l’apport de Gerhard Rühm, Heinz
Cibulka, Valic Expork ou A. Rainer*. À
côté d’une utilisation de la photographie
sous la forme d’un constat parfois proche
de la photographie de presse, Hermann
Nitsch et Schwarzkogler ont révélé les
ambiguïtés de la photographie en tant que
forme photographique où le documentaire
peut intégrer des éléments de composition
picturale.
F.D.
ADAMS Ansel
photographe américain
(San Francisco 1902 - Monterey, Californie, 1984)
Souhaitant devenir pianiste, il étudie la
musique au conservatoire de San Francisco, mais, dès 1916, il photographie le
Yosemite avec un appareil offert par son
père. Expérience marquante, car, en 1930,
il choisit finalement la photographie. Une
rencontre avec P. Strand* lui fait connaître
la Straight* Photography, et, en 1932, il
fonde avec I. Cunningham* et E. Weston*
le groupe f.64* (formule désignant la plus
petite ouverture de diaphragme d’un objectif, celle qui donne le maximum de profondeur de champ, et donc une netteté sur
les différents plans de l’image). En 1935, il
publie l’important ouvrage didactique Making a Photograph. Le souci de perfection
downloadModeText.vue.download 16 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
16
technique qui anime Adams correspond à
une ambition esthétique précise : donner
par ses photographies une émotion aussi
intense que celle qu’il éprouve à la vue des
paysages sauvages, grandioses, de l’Ouest
américain. Pour la cerner, il cherche à
« retrouver les perceptions aiguës de l’adolescence, le goût de la découverte et la
puissance de l’émerveillement » ; et pour
la traduire, il tente de transcrire les différentes tonalités de lumière avec le plus de
précision possible. Vers la fin des années
1930, il développe le « zone-system »,
méthode de calcul de l’exposition qui tient
compte de très nombreux paramètres. Il
met aussi un soin extrême à ses tirages et
lutte pour la qualité des reproductions. Il
s’attache à l’harmonie que crée la lumière
entre les éléments d’un paysage à un moment donné, plus qu’au rendu concret
des matières et des formes (dans Nuages
à midi, Glacier National Park, Montana,
1942, la similitude des zones d’ombre et
de lumière des nuages et de la montagne
fait que limites et différences entre eux
s’estompent). Ainsi ses images ont-elles
souvent un aspect désincarné, immatériel. Il photographie des vues d’ensemble
(comme Moonrise, Hernandez, New
Mexico, 1941, l’une de ses images les plus
célèbres, ou les impressionnantes falaises
desquelles se détachent les Ruines d’Antelope House, canyon de Chelly National
Monument, Arizona, 1942) ou des plans
plus restreints d’arbres, de rivières et, très
souvent, de nuages en des variations où se
retrouve sa passion pour la musique (High
Clouds, Golden Canyon, Death Valley National Monument, Californie, vers 1947) ;
mais aussi des gros plans, devenant parfois
abstractions (comme Eau et écume, vers
1955). Il a réalisé également des portraits
et des natures mortes. D’innombrables
expositions, prix, et honneurs divers ont
couronné l’oeuvre d’Adams qui a, de plus,
créé les départements de photographie du
M.O.M.A.* de New York (en 1940, avec
B. Newhall* et D. McAlpin), du San Francisco Art Institute (1946), et cofondé le
Center for Creative Photography de Tucson, Arizona (1970), où se trouve actuellement conservé son fonds photographique.
Ch.B.
ADAMS Robert
artiste américain
(Orange, New Jersey, 1937)
Après des études de littérature anglaise
et l’obtention d’un doctorat à l’université de Californie du Sud, en 1965, Adams
retourne vivre et travailler dans le Colorado, où il a grandi. Mais ce paysage aimé
de son adolescence a été détérioré par le
développement de l’urbanisation, et il se
retrouve, selon ses propres termes, face à
un « problème d’ordre intellectuel et émotionnel à résoudre » : celui de se réconcilier avec sa propre région. C’est dans cette
intention qu’il commence, en 1967, à pratiquer la photographie et qu’il publie, en
1974, sa première série importante sous le
titre The New West : Landscapes Along the
Colorado Front Range. Dès lors, chaque
nouvelle série, toujours en noir et blanc,
sera consacrée à un site particulier. Cette
volonté de rendre à nouveau familier ce qui
était devenu étranger perdure dans toute
l’oeuvre d’Adams, comme l’indique le titre
de l’ouvrage publié en 1990, à l’occasion de
sa rétrospective, To Make it Home. En 1980
paraît From the Missouri West, consacré à
un des sites les plus représentatifs du paysage sublime américain. Adams prend soin,
dans ces photographies, d’inclure non pas
la figure de l’homme, mais la présence de
celui-ci à travers les blessures qu’il inflige à
la nature (autoroutes, buildings, déchets...).
Un an plus tard, il publie un ouvrage théorique : Beauty in Photography, Essays in DedownloadModeText.vue.download 17 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
17
fense of Traditional Values. Il faut attendre
l’édition, en 1983, du livre Our Lives and
Our Children pour qu’apparaisse véritablement la figure humaine dans une série
d’instantanés pris sur une aire commerciale,
à proximité d’un site nucléaire. Ces photographies, saisissant les individus dans une
lumière blanche, agissent comme autant
de métaphores de l’imminente explosion.
Dans la série d’images qu’il réalise en 1986
et qu’il publie dans un ouvrage intitulé Los
Angeles Spring, Adams retourne au paysage*
en montrant la déperdition du fameux « tableau de la nature » évoqué par Cézanne,
une de ses références majeures. Mais la subtilité de ses photographies réside justement
dans l’attention soutenue qu’il porte à cette
nature blessée. Si les images décrivent un
paysage abîmé, elles ne se contentent pas
de dénoncer un désastre et ne peuvent être
réduites à un simple jugement critique ou
moral. Elles affirment, avant tout, la possi-
bilité de retrouver une cohérence qui prend
acte des dommages subis par la nature, sans
pour autant les indexer ou les ignorer. Elles
tentent aussi de restituer, selon ses propres
mots, une « réalité intemporelle » du paysage. Ses principales expositions ont eu lieu
au M.O.M.A.*, à New York, en 1979, au Philadelphia Museum of Art en 1981 et 1989,
année où il est également présent dans l’exposition Une autre objectivité au C.N.A.P.,
à Paris.
P.S.
ADAM-SALOMON
Antoine-Samuel
photographe français
(La Ferté-sous-Jouarre 1811 - Paris 1881)
Sculpteur (élève de Vercelli), il réalise des
oeuvres pour le Louvre, les Invalides... En
1858, il va étudier la photographie à Munich, chez le portraitiste bavarois F. Hanfstaengl*, qui lui apprend une méthode de
retouche des épreuves et aussi des clichés.
Dans la maison qu’il fonde à Paris, rue de
La Rochefoucauld, en 1859, il se consacre
au portrait (sans toutefois abandonner
la sculpture). Il expose cette année-là à
la Société* française de photographie, à
Paris (épreuves à partir de plaques sensibilisées au collodion* humide). Il fait des
portraits de notabilités de la politique, de
la finance, du monde élégant, mais diffère
de son contemporain Nadar* en de nombreux points : mises en scène inspirées
de la peinture (parfois même allégories
ou pastiches), attitudes très étudiées, soin
apporté aux costumes, aux drapés, aux
accessoires souvent symboliques.
Il travaille particulièrement ses éclairages
et invente un fond réflecteur incurvé pour
obtenir une lumière qui a été comparée à
celle des toiles de Rembrandt. Lamartine
parle des « merveilleux portraits saisis à un
éclat de soleil par Adam-Salomon, le statuaire du sentiment ».
Il adopte un format unique, de petites
dimensions, et retouche le plus souvent
ses photographies. Un autoportrait, de
composition très élaborée, le montre, vers
1860, en vieux philosophe, sur le modèle
des vanités du XVIIe siècle, la main posée
sur un crâne. En 1865, il ouvre un second
atelier rue de la Faisanderie, et, très apprécié des Anglo-Saxons, il expose à Londres
(1867) et à Boston (1869). En 1870, il reçoit
la Légion d’honneur.
Ch.B.
ADAMSON Robert et
HILL David-Octavius
photographes britanniques
(Édimbourg 1821 - id. 1848 et id.
1802 - id. 1870)
Une rencontre comme il en arrive parfois
dans l’histoire : celle d’un photographe,
Adamson, qu’une santé fragile empêche
downloadModeText.vue.download 18 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
18
de poursuivre de longues études, et un
peintre reconnu, Hill, secrétaire de la
« Scottish Academy of Painting ». Le
premier ouvre un studio en mai 1843, à
Édimbourg, alors que le second, qui ne
méconnaît pas les possibilités offertes
par le procédé de Talbot*, reçoit la même
année la commande d’un tableau représentant les 450 délégués de la convention
qui a fondé l’Église libre d’Écosse. C’est sir
David Brewster, l’inventeur de la photographie stéréoscopique, qui met les deux
hommes en contact. Pendant cinq ans,
de 1843 à 1847, les deux artistes créent
une oeuvre photographique de grande
envergure, comprenant non seulement
des portraits ayant pour prétexte l’établissement d’une documentation pour
les portraits du fameux tableau, mais
aussi des photographies de gens simples
du port du Newhaven, d’amis, la famille
ou de personnalités d’Édimbourg. À cela
viennent s’ajouter des paysages et des
scènes de genre. À la qualité picturale de
Hill répondent parfaitement l’analyse de
la lumière et l’utilisation des possibilités
esthétiques du calotype* par Adamson.
La collaboration s’arrête brusquement
à la disparition d’Adamson en 1848. Hill
ne retrouve jamais une pareille collaboration. En 1851, à l’Exposition universelle de Londres, leurs images soulèvent
l’admiration et sont ensuite exposées
régulièrement pendant dix ans. Mais
c’est à la fin du siècle que les pictorialistes* redécouvrent cette oeuvre, qu’ils
considèrent comme précurseur de leur
mouvement. J.C. Annan* fit de nombreux
tirages à partir de leurs négatifs originaux
afin de les diffuser auprès des nouveaux
esthètes. Le tableau de Hill qui avait provoqué cette rencontre ne fut achevé que
vers 1866. Les négatifs des photographies
d’Adamson et Hill sont conservés en
Grande-Bretagne, notamment à Londres
(V.A.M.) et Édimbourg (Royal Scottish
Museum), et aux États-Unis.
S.M.
ADDITIFS (procédés)
Synthèse additive trichrome, technique de
restitution des couleurs dans laquelle la
sensation colorée est produite par l’action
conjuguée sur la rétine de trois flux lumineux, bleu, vert et rouge.
Procédés additifs trichromes, ensemble de
techniques de restitution des couleurs utilisées en photographie et en cinématographie et reposant sur la synthèse additive,
soit par projection en superposition de
trois images de sélection respectivement à
travers les filtres bleu, vert et rouge, soit
par une mosaïque de filtres bleus, verts et
rouges appliquée sur une émulsion panchromatique. En 1904, grâce à une meilleure sensibilité spectrale des couches
sensibles (plaques panchromatiques*),
A. et L. Lumière* réalisèrent la plaque
autochrome*, commercialisée en 1907,
qui permettait directement la photographie en couleur par synthèse additive. La
plaque autochrome comporte une couche
de vernis sur laquelle on fait adhérer un
mélange de grains de fécule de pomme
de terre respectivement bleus, verts et
rouges, formant une sorte de mosaïque irrégulière ; sur celle-ci est coulée l’émulsion
panchromatique*. La vue est prise au travers du support et de la couche de grains
colorés jouant le rôle de filtres primaires.
Le développement est effectué suivant la
méthode dite « par inversion ». Le procédé
avait déjà été décrit (mais non réalisé) par
L. Ducos du Hauron*. En 1893, John Joly,
de Dublin, avait produit manuellement la
première plaque à réseau : il traçait à la
plume, sur une plaque de verre, les lignes
du réseau qu’il recouvrait ensuite d’une
émulsion noir et blanc. Les procédés addownloadModeText.vue.download 19 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
19
ditifs n’avaient pas une grande définition
en raison du réseau. De plus, la présence
des filtres était cause d’une grosse perte
de lumière. Ils ne furent donc pas utilisables lorsque, après 1934, arrivèrent les
appareils de petits formats ; après 1950, les
derniers procédés additifs furent abandonnés (Autochrome*, Dufaycolor). Cependant, en 1982, la firme Polaroid* lançait
un procédé de diapositive à développement instantané* pour appareils 24 × 36
(Polachrome), reposant de nouveau sur le
principe d’un procédé additif à réseau. La
télévision en couleur est aussi fondée sur la
synthèse additive.
S.R.
ADZAK Roy
ar tiste britannique
(Reading 1927 - Paris 1987)
Le travail photographique d’Adzak s’inscrit dans la complémentarité de ses recherches de sculpteur sur les empreintes
de matières organiques en déshydratation, les formes en négatif et positif. Entre
1972 et 1986, il entreprend une introspection photographique de son propre
corps : l’Homme anthropométrique. Cette
série réunit un ensemble de mesures et
d’empreintes de son propre corps, prises
de l’extérieur (moulages et photographie)
et de l’intérieur (radiographie* et thermographie). En 1980, il réalise une centaine
de portraits par procédé thermographique
à la demande des Rollings Stones, pour
lesquels il conçoit la pochette de l’album
Emotional rescue. Atteint de leucémie, il
réalise entre 1983 et 1985 une série de 36
autoportraits, qui seront exposés au Mois
de la photo, à Paris, en 1986, sous le titre
de la Modification. Il soumet sa personne à
l’attaque de matériaux divers ou au recouvrement de matières comme le sable, la
boue, le papier collant. L’ensemble de son
oeuvre est conservé dans son musée-atelier, au 3, rue Jonquoy, à Paris.
N.B.
AÉRIENNE (photographie)
Prise de vue effectuée à partir d’un ballon,
d’un avion ou d’un engin spatial (navette,
satellite, sonde).
Le développement de la photographie
aérienne a dû sa rapidité à sa liaison avec
la photogrammétrie* et à la résolution par
G. Poivilliers (1892-1968) du problème de
la restitution d’un couple stéréoscopique
de photographies aériennes. On peut distinguer plusieurs formes de photographie
aérienne.
La première est la photographie documentaire. Utilisée pour l’enseignement,
l’archéologie, etc., elle est généralement
oblique et prise à basse altitude. Quant
aux missions militaires de reconnaissance,
elles sont effectuées par des avions très
rapides et volant très bas. Dans ce cas, on
entraîne le film derrière une fente, à une
vitesse égale à celle du déplacement de
l’image optique, et on obtient ainsi une
photo continue de la bande de terrain survolée par l’avion.
La deuxième est la photographie technique, à des fins de prospection, inventaire ou cartographie. Elle est, en général, verticale. Les formats les plus utilisés
sont 18 × 18 cm et surtout 24 × 24 cm ;
quant aux focales, elles sont de 85, 152 ou
310 mm. Les progrès réalisés dans la qualité du matériel optique et dans la diversité
des émulsions (émulsion rapide et à grain
fin de 100 ASA*, émulsion couleur, émulsion dite en « fausses couleurs » sensible
aux infrarouges, etc.) ont permis d’étendre
encore davantage les domaines accessibles
à la photographie aérienne : hydrologie,
étude de la végétation, etc.
downloadModeText.vue.download 20 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
20
Un nouveau type de photographie aérienne est apparu au début des années
1960 : la photographie spatiale. La prise de
vue, effectuée depuis une fusée, un satellite artificiel, une sonde ou une navette
spatiale, permet de couvrir des surfaces à
l’échelle de la Terre (ou de certains astres
du système solaire). Les domaines d’application privilégiés de la photographie spatiale sont la géophysique (météorologie,
géologie, etc.) et l’étude des ressources terrestres. La photographie spatiale s’intègre
dans l’ensemble technique constitué par la
télédétection, pour lequel l’image chimique
est le plus souvent remplacée par l’enregistrement numérique. La photographie
devient ainsi une technique d’imagerie, qui
permet de couvrir l’ensemble des bandes
de fréquence du spectre électromagnétique, et plus uniquement le spectre de la
lumière visible. Plutôt que de photographie spatiale, il est alors plus juste de parler maintenant d’image satellite ou d’image
satellitaire.
S.R.
AGENCES
PHOTOGRAPHIQUES
La constitution et la multiplication des
agences photographiques dans l’entredeux-guerres est la conséquence du développement rapide de la presse illustrée. Il
faut que la production des photographes
soit portée facilement à la connaissance
des rédacteurs et directeurs artistiques.
Les agences assurent la circulation des
images, représentent les photographes
en se constituant ainsi un fonds iconographique. Ainsi, le photographe confie à
d’autres l’aspect commercial de son activité et peut s’adonner pleinement à sa pratique, mais son contrôle sur la distribution
et la présentation de ses images est, en
revanche, plus restreint.
Intermédiaires entre les revues et les photographes, les agences deviennent les lieux
mêmes où se conçoivent les reportages.
Dephot (Deutscher Photodienst), créée
à Berlin par S. Guttmann, définit, dès sa
création en 1928, le reportage comme un
ensemble suivi et complet d’images et se
spécialise très vite dans la production
de récits photographiques. F. H. Mann*,
Umbo* et T. Gidal* se rencontrent à Dephot ; K. Hutton y fait ses premiers reportages. À la même période, à Paris, l’agence
Keystone s’intéresse surtout à l’actualité,
mais elle passe aussi commande de photographies de mode et d’intérieurs (A. Kertész* en 1936). D’autres agences assurent
la liaison avec les États-Unis (Associated
Press, ancienne Pacific and Atlantic).
Avec la montée des périls, le mouvement
commencé en Europe se poursuit aux
États-Unis et au Canada à partir de la fin
des années 1930. Black Star à New York,
sur le modèle de l’agence de Mauritius de
Berlin, fournit en 1938-1939 à W. Klein*
des contrats avec Life* et avec Collier’s.
Après 1945, les agences deviennent les
lieux où se regroupent en coopérative les
photographes, telle l’agence Magnum*.
En s’associant, ils instaurent de nouveaux
rapports avec la presse illustrée et tentent
d’échapper à l’exploitation et à l’appropriation abusive de leurs images. À partir
de 1972, l’agence Viva de Paris prône une
photographie d’information, sociale, attachée aux problèmes quotidiens et ennemie du sensationnel. C. R. Dytivon, G. Le
Querrec*, M. Franck*, H. Gloaguen* et
F. Hers* étudient les moeurs et coutumes
d’un groupe en en partageant, pendant
plusieurs semaines, la vie quotidienne.
Il en résulte une exposition, Familles en
France. Mais les agences ont de plus en
plus de mal à travailler avec la presse, et la
finalité de leur travail devient parfois l’exposition. En 1980, Ana (Paris) poursuit
downloadModeText.vue.download 21 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
21
tout de même la production de grands reportages (noir et blanc, couleur) accompagnés de textes rédactionnels. Mais c’est
surtout à New York, avec Contact Press
Image, que le photojournalisme continue
véritablement.
F.H.
AGRANDISSEUR
Appareil permettant de projeter un phototype* sur une surface sensible afin de le
reproduire par agrandissement. L’agrandissement désigne l’opération qui consiste
à tirer d’un phototype une épreuve agrandie, ainsi que l’épreuve obtenue.
S.R.
AGUADO Olympe, comte
photographe français
(Paris 1827 - Compiègne 1894)
Aristocrate parisien, il s’initie à la photographie en 1849 chez G. Le Gray* et chez
le vicomte Vigier et, en 1851, il est un des
membres fondateurs de la Société héliographique. Il révèle dans un autoportrait
(Olympe Aguado et son frère Onésime,
vers 1853), réalisé dans une pièce de son
hôtel parisien aménagé en atelier, le caractère fictionnel de la représentation photographique par l’exhibition volontaire des
stratagèmes – accessoires, décoration, système de réglage de la lumière et de délimi-
tation de l’espace scénique – utilisés dans
la pratique du portrait*. Désignant l’espace
spécifique du studio comme lieu d’élaboration d’un leurre, cette image est riche
de renseignements sur les conventions du
portrait photographique sous le second
Empire. Adepte du daguerréotype*, il
mène des expériences sur le collodion* et,
en 1856, soumet à la Société française de
photographie* (S.F.P.), dont il est membre
fondateur, des épreuves* obtenues par
agrandissement* d’après des négatifs verre
au collodion. La même année, L.-A. Poitevin*, qui utilise une méthode de photolithographie, à titre expérimental, pour
tirer quelques épreuves, effectue le tirage*
de ses clichés de la forêt de Fontainebleau
et du bois de Boulogne. Proche de la cour
impériale, il représente à la fin des années
1850 les souverains et leurs invités au château de Compiègne.
V.L.
AGUIRRE Jorge
photographe argentin
(Buenos Aires 1929)
Après des études incomplètes de sciences
économiques, Aguirre s’intéresse à la peinture et à l’histoire de l’art dans l’atelier du
graveur suisse Clément Moreau. Plusieurs
années de reportage graphique et de collaboration avec des revues comme La
Nación, Time Life, Leoplan ou Vea y Lea
l’amènent à la photographie à partir de
1956. Journaliste spécialisé, il est directeur
de la photographie pour diverses maisons
d’édition et travaille avec l’agence Associated Press. Reporter vedette des grands éditoriaux nationaux, il publie dans Atlantid
Abril et Perfil.
Aguirre ne souhaite pas exposer ses
images, mais préfère les montrer entre
deux commandes, en privé. Il a toujours
séparé son travail de photographe-reporter de celui de créateur solitaire. Il aime
passionnément Buenos Aires ; toutes ses
images sont réalisées dans le périmètre
de cette ville. Avec humour et élégance, il
observe les habitants et leurs habitudes.
À partir de 1981, il expose 35 « papiers
brûlés et autres feux » à la Galerie Velázquez de Buenos Aires. Avec un procédé
de combustion de papiers chromatiques,
il recherche un autre langage artistique,
diamétralement opposé au reportage. Il
downloadModeText.vue.download 22 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
22
met en avant l’idée que la photographie ne
reproduit pas la réalité, mais qu’elle doit
prendre des chemins détournés afin d’investiguer une forme nouvelle d’expression.
Aguirre exalte à la fois la beauté de la création et celle de la destruction. Cette nouvelle direction de son travail l’a totalement
éloigné des préoccupations du reportage
et de la direction de sociétés d’édition. Il
se consacre totalement à ses nouvelles
recherches.
V.E.
AIGNER Lucien
photographe américain d’origine hongroise
(Novezamky, Hongrie, 1901)
Aigner commence le photojournalisme*
en France, pays où il s’établit dans les années 1930. Il travaille comme correspondant pour Az Est (Hongrie) et le London
General Press, et participe également à
l’Illustration, au Miroir du monde, au Picture Post et au Muenchner Illustrierte...
En 1939, Aigner émigré aux États-Unis, à
New York, où il est l’un des premiers photographes européens à travailler pour la
revue Life*. Il contribue également à Look,
au New York Times, à Newsweek et à Time
Magazine jusqu’en 1948. De 1946 à 1953,
il est directeur de production pour le programme en langues étrangères de Voice of
America. De 1954 à 1976, Aigner ouvre
un atelier de portrait à Great Barrington
(Massachusetts) tout en continuant le
photojournalisme en indépendant. Il se retire ensuite de la photographie pour archiver ses clichés d’avant-guerre et se consacrer à la musique et à l’étude religieuse. Il
est membre permanent de Professional
Photographers of America. Ce pionnier du
photojournalisme est surtout connu pour
ses travaux réalisés en Europe dans l’entredeux-guerres. Il s’est spécialisé dans les
portraits de personnages célèbres pris sur
le vif, tels que Hitler, Mussolini, Roosevelt,
Churchill, etc. Ses clichés d’Einstein sont
les plus connus. Il s’est lié d’amitié avec
d’autres pionniers du photojournalisme,
comme E. Salomon*, A. Eisenstaedt* et
R. Capa. Il est représenté dans de nombreuses collections, notamment à New
York (M.O.M.A.), à Rochester (George
Eastman House) et à Chalon-sur-Saône
(musée Nicéphore Niépce).
M.C.
A-I-Z (Die Arbeiter Illustrierte
Zeitung)
journal ouvrier illustré
Revue illustrée du mouvement ouvrier
communiste allemand sous la République
de Weimar. Paraît le 7 novembre 1921 sous
le titre Sowjet Russland im Bild, en réponse
à l’appel de Lénine à la solidarité prolétarienne internationale du 2 août, au moment
des famines de la Volga. Après 12 numéros,
devient Sichel und Hammer, Illustrierte
internationale Arbeiter – Zeitung (Faucille
et marteau, Journal illustré de l’internationale ouvrière), organe de l’AIH – aide ouvrière internationale, dont le secrétaire est
Willi Münzenberg. Le 30 novembre 1924,
sortie du no 1 de Die Arbeiter Illustrierte
Zeitung : A-I-Z, bi-mensuel puis hebdomadaire à partir du 1er novembre 1926. Cette
même année, Willi Münzenberg fonde
le Neuer Deutscher Verlag, le Münzenberg Konzern – trust éditorial. Thälmann
prend la tête du KPD (parti communiste
allemand). Lors des élections de 1926, le
tirage atteint 500 000 exemplaires. De 1927
à 1932, le journal fonctionne avec cinq
collaborateurs au collectif de rédaction.
Hermann Leupold puis Lily Becher sont
rédacteurs en chef. En 1932, le tirage est
de nouveau de 500 000 exemplaires. Willi
Münzenberg, qui s’est rapproché de l’aile
downloadModeText.vue.download 23 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
23
gauche du KPD, est exclu du Konzern. Des
numéros de l’A-I-Z sont saisis. Fin juillet,
deux diffuseurs de la revue sont assassinés. La dernière édition légale du 5 mars
1933 appelle à voter pour la liste 3, celle
du KPD. Le Neuer Deutscher Verlag est
interdit. Les finances sont saisies. Après
quelques numéros à Paris sous la direction
de F.C. Weiskopf, le premier numéro de la
rédaction en exil paraît à Prague le 18 mai
1933. Lily Becher est rédactrice en chef.
Puis le journal devient en 1936 Volksillustratier, tribune propagandiste et organi-
sationnelle du Komintern. Le dernier numéro paraît le 5 octobre 1938. Il dénonce
la tentative de putsch comme prétexte à
l’arrivée des troupes allemandes en Tchécoslovaquie. Willi Münzenberg, après sa
rupture avec le Komintern, est exclu du
Comité central KPD en 1938, du KPD un
an après. Il est assassiné en France entre
juin et octobre 1940.
Le Münzenberg Konzern est une force
économique réelle. Véritable trust médiatique, il regroupe des journaux, des revues,
des agences photographiques ouvrières,
des firmes de production cinématographique à Moscou et Berlin, une association culturelle prolétarienne de diffusion,
Volkverband für Filmkunst. L’ensemble
de l’organisation de la production – diffusion de la culture sur des bases révolutionnaires est au service des masses. Les
archives des agences de photographies
ne sont pas en mesure de fournir à l’A-IZ les documents dont elle a besoin : des
photographies de la vie quotidienne des
ouvriers. Willi Münzenberg conçoit le
projet de créer une équipe de collaborateurs photographes indépendants recrutés
dans la classe ouvrière. L’A-I-Z publie un
appel en mars 1926, rédigé comme une
annonce de concours qui précise les points
de vue déterminants dans la sélection des
photos : la classe ouvrière vue à travers
le mouvement révolutionnaire, sa situation sociale, sa vie quotidienne, et aussi
les lieux et les conditions de travail, les
constructions industrielles et les méthodes
de fabrication, les techniques modernes.
Ce sont de véritables propositions pour un
renouvellement esthétique de l’image photographique. Un an plus tard, le VdAFD
(Association des photographes ouvriers
d’Allemagne) est fondé à Erfurt. Quatre
ans plus tard, l’association compte plus de
cent groupes locaux, avec 2 412 membres,
comme l’indiquent les dernières listes
publiées en 1931. L’organe du VdAFD Der
Arbeiter-Fotograf, revue spécialisée qui
donne aux amateurs de photographie de la
classe ouvrière des indications esthétiques
et techniques, paraît le 1er septembre
1926. En plus de son activité d’agence photographique prolétarienne pour l’A-I-Z, la
revue organise des conférences avec projections, réunit du matériel pour la formation politique des militants à la demande
des autres organisations ouvrières.
L’A-I-Z donne la priorité à la mise en page,
aux photoreportages, au rapport texte/
image, aux photomontages, aux images
montées en séries. Les illustrations sont
utilisées sur des bases révolutionnaires,
comme moyen d’exposition de problèmes
politiques à la classe ouvrière. L’esthétique
est au service de la cause. La densité du
parti pris détermine après coup ce que
l’on peut reconnaître comme un style. Les
opérateurs photographes ouvriers et paysans photographient la communauté qu’ils
fondent et l’histoire pour laquelle ils combattent. Le plus illustre collaborateur est
J. Heartfield*. Il travaille avec Georg Grosz
et s’inspire des constructivistes russes qui
utilisent les photomontages et les collages.
Il bouleverse la forme, initialement prévue pour choquer et ruiner la tranquillité
d’esprit de spectateurs élitistes. Deux expositions importantes ont lieu à Berlin : en
downloadModeText.vue.download 24 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
24
1924, Dada, en 1931, Photomontage. C’est
également en 1931 que paraît l’ouvrage de
Walter Benjamin sur la photographie. La
revue organise de grands reportages : sur
les usines Krupp à Essen, le grand propriétaire Kähne, les usines Leuna... L’AI-Z diffuse également des chants et des
poèmes prolétariens et révolutionnaires et
s’intéresse au théâtre (ce sont les années de
grande activité de Bertolt Brecht en Allemagne) et au cinéma (élément essentiel
de la nouveauté culturelle). De nombreux
auteurs, poètes, artistes collaborent au
journal : Johannes R. Becher, Albert Einstein, Käthe Kollwitz, Erwin Piscator, Max
Reinhardt, Kurt Tucholsky, Erich Weinert,
Heinrich Zille... L’esthétique de la revue
s’inscrit également dans une direction
alors commune aux mouvements révolutionnaires et réformistes, et qui va bientôt
être détournée par les nazis : insister sur
les vertus de la vie naturelle et sur le rôle
du sport dans l’émancipation des travailleurs. À partir de 1928, plusieurs revues
paraissent en France qui s’inspirent directement de l’expérience de 1’A-I-Z : Vu*,
dont le rédacteur en chef est L. Vogel*,
et essentiellement, Nos Regards, qui deviennent en 1931 Regards.
M.B.
ALBAN Aram
photographe égyptien
d’origine arménienne
(Istanbul 1883 - Le Caire 1961)
Élevé à Istanbul, puis au Caire, Alban
abandonne ses études et est engagé comme
apprenti chez un photographe local. Il
découvre le métier en faisant les photographies d’identité des 250 membres du
personnel de la Compagnie des tramways
du Caire. Fort de cette expérience et pris
d’admiration pour le maître portraitiste
italien Gustavo Bonaventura, Alban part
pour Milan afin de se perfectionner dans
ce domaine. Après cette nouvelle étape
d’apprentissage, le photographe quitte
l’Italie pour la Belgique, où il s’installe
à son compte et connaît rapidement le
succès. Au début des années 1920, dans
son studio de l’avenue de la Toison-d’Or,
à Bruxelles, il réalise des portraits qui,
bien qu’imprégnés d’une ambiance pictorialiste, sont des représentations résolument modernes, naturelles et élégantes.
Vers 1925, Alban ouvre une succursale à
Paris, rue de Ponthieu. Dans un premier
temps, il s’associe avec Georges Saad et se
lance dans la photographie de publicité*
et de mode* (Worth, Thomson, Dunlop,
Christofle). Ses images sont publiées en
couverture de Voilà, de Votre Beauté et
de Paris-Magazine. Vers 1928, il engage
son compatriote, Hrand Minassian, né à
Constantinople en 1909 et fixé en France
depuis peu. Amis de nombreux musiciens,
tels Tasso Janopoulos, Jacques Tibault
et Yehudi Menuhin, les deux hommes
font de nombreux portraits de grands
violonistes, pianistes, chanteurs et chefs
d’orchestre. Vers 1930, Alban laisse à Minassian la gérance du studio de Paris, installé alors rue du Faubourg-Saint-Honoré,
jusqu’au moment où ce dernier décide, en
1933, de devenir photographe indépendant. Au début des années 1930, Alban
abandonne aussi le studio de Bruxelles
pour retourner au Caire, où il poursuit
son activité de photographe jusqu’aux
années 1950.
T.M.G.
ALBERT Josef
photographe et inventeur allemand
(Munich 1825 - id. 1886)
Sous l’égide de son père, ingénieur, Albert décide d’entreprendre des études de
construction et d’architecture, mais la
downloadModeText.vue.download 25 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
25
découverte des recherches de L.J.M. Daguerre* et la rencontre décisive avec
A. Löcherer le décident à abandonner une
carrière d’ingénierie pour ouvrir à l’âge de
25 ans son propre studio de photographie
à Augsbourg.
Il se spécialise dans les travaux de reproduction (notamment d’oeuvres artistiques), grâce auxquels il acquiert une
rapide reconnaissance. Cela lui vaut d’être
appelé dès 1858 à la cour de Maximilien II,
puis de travailler pour le fameux Louis II
de Bavière, dont il est le portraitiste officiel le plus subtil. Servi par une certaine
intuition technicienne, il met au point un
procédé d’impression phototypique sur
verre (albertypie) dont les progressives
améliorations lui permettront de produire
un nombre important de tirages (près
de 1 000) à partir d’une même plaque*.
Quelques années plus tard, il adopte la trichromie*, qui trouve un aboutissement en
1877 dans la phototypie couleur.
Il meurt neuf ans plus tard, en 1886, en
nous laissant un témoignage historique sur
la cour, sur la construction des « folies »
gothiques de Louis II (Neuschwanstein
ou Linderhof) ainsi que quelques célèbres
portraits de Richard Wagner.
P.L.R.
ALBIN-GUILLOT Laure
photographe française
(Paris 1879 - Nogent-sur-Marne 1962)
Venue à la photographie par des recherches
sur la microphotographie*, Albin-Guillot
reçoit la médaille d’or de la Revue française
de photographie en 1922. Elle monte sa
première exposition personnelle, à Paris,
en 1925. Nommée archiviste en chef du
service photographique des Beaux-Arts
(1932), elle organise la Cinémathèque
nationale au palais de Chaillot (1933).
Membre du jury de l’Exposition internationale de la photographie contemporaine
au pavillon de Marsan du Louvre (1936),
elle obtient, avec E. Sougez*, Montel et
Santeul, la création de la section photogra-
phique de l’Exposition internationale de
Paris de 1937. Elle projette même la fondation d’un musée de la photographie dans le
nouveau Trocadéro. « La grande dame de
la photographie française » devait pourtant faire une carrière de pianiste. « La
musique, dit-elle, a une influence puissante
et bénéfique sur ma pratique. » L’omniprésence d’un flou* léger et vaporeux dans son
oeuvre – obtenu grâce aux objectifs* spéciaux l’Eidoscope et l’Opale – fait d’elle « la
dernière des pictorialistes » (selon D. Masclet, 1956). Elle est peintre, et sa pratique
photographique est très inspirée du dessin. « Presque toujours, les études que je
fais pour mes photos sont faites au dessin
avant d’être faites en photographie. » En
1936, elle traduit en images le Narcisse de
Paul Valéry, en 1937, les Douze Chansons
de Bilitis de P. Louÿs* et les Préludes de
Claude Debussy. Portraitiste de renom, elle
compte parmi sa clientèle Montherlant,
Gide, Valéry, Cocteau.
Par ailleurs, elle revendique une place pour
les oeuvres photographiques dans la décoration intérieure et se fait une spécialité
de la photographie décorative. Elle réalise, par exemple, un paravent à partir de
microphotographies de grains de café. Son
oeuvre, à ce jour, n’a fait l’objet d’aucune
exposition rétrospective.
S.Ro.
ALBUMINÉ (papier)
Papier* recouvert d’une couche d’albumine (substance organique visqueuse,
soluble dans l’eau, coagulable à la chaleur,
contenue notamment dans le blanc d’oeuf ).
Celle-ci contient du chlorure de sodium,
que l’on transforme en chlorure d’argent à
downloadModeText.vue.download 26 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
26
l’aide de nitrate d’argent. Le papier albuminé a été très employé par les photographes
de 1850 à 1890.
S.R.
ALEXANDRE
(Alexandre Édouard Drains, dit)
photographe belge
(Paris 1855 - ? 1925)
Alexandre Édouard Drains ne garde
que son seul prénom en guise de signature lorsqu’il s’installe à Bruxelles, en
1875. Jusqu’en 1922, il réside dans la capitale belge, où son atelier de portraitiste
attire une clientèle aisée.
Dès 1887, il est membre de l’Association
belge de photographie. Véritable institution, cette société fédère toutes les associations de photographes en Belgique. Au
tournant du siècle, celles-ci sont de plus
en plus nombreuses sous l’impulsion de
l’amateurisme et de son pendant artistique : le pictorialisme*.
Alexandre connaît un grand succès dans les
cercles des artistes photographes et bénéficie d’une exposition individuelle au Cercle
artistique de Bruxelles dès 1888. Présent
dans les nombreux Salons pictorialistes
internationaux, il est admis en 1893 au
célèbre Linked Ring* de Londres. Par ailleurs, sa carrière est marquée par une
collaboration originale avec le peintre Fernand Khnopff : le photographe reproduit
les toiles du peintre et celui-ci retouche
les épreuves à la craie et les signe comme
des originaux. Les sujets de prédilection
d’Alexandre sont les scènes militaires, les
marines, mais aussi le nu* et les scènes
champêtres héritées du naturalisme de
Millet et reconverti à plus d’académisme.
Virtuose des effets de contre-jour et des
reflets, il voit ses épreuves publiées en
photogravure dans de luxueuses revues,
comme en témoigne le Matin après la
pluie, photographie parue dans la revue
allemande Die Kunst in der Photographie
(1903, Paris, Bibliothèque nationale).
M.P.
ALINARI
firme italienne
Fondée en 1854 par Leopoldo Alinari – qui
a appris la photographie avant 1850 en travaillant pour la Casa Bardi – et ses deux
frères, Giuseppe et Romualdo, Fratelli Alinari va devenir l’atelier le plus prospère de
toute l’Italie.
D’abord consacrée à la reproduction
d’oeuvres d’art (peinture, sculpture, architecture) de Florence, la collection Alinari
s’étend à la Toscane et à d’autres régions
d’Italie, et la firme devient le premier
fournisseur des institutions, musées, bibliothèques, écoles d’art et érudits de par
le monde, sans que les touristes soient
négligés (ils se voient offrir sur place des
albums de vues de Toscane notamment).
L’atelier profite de la primauté de Florence, devenue capitale de l’Italie unifiée en 1865. Le fonds Alinari vise alors
à constituer un musée documentaire de
l’art italien ; après une pratique des grands
formats, la taille uniforme 21 × 27 cm est
privilégiée pour les tirages, tandis que le
style de prise de vue est particulièrement
constant lui aussi (de telle sorte que l’on
a l’impression d’un auteur unique). Des
succursales, des accords de commercialisation (par exemple avec Giraudon à Paris) et une diffusion stable font la renommée d’Alinari. La direction est assurée à
partir de 1890 par le fils de Leopoldo, Vittorio, qui réoriente la production vers les
vues urbaines et vers une documentation
temporelle plus proche de la carte postale. Pendant tout le XIXe siècle, Fratelli
Alinari est aussi un atelier de portraits
fréquenté par la bourgeoisie florentine,
downloadModeText.vue.download 27 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
27
et il exécute des travaux de commande,
en particulier pour les entreprises, firmes
et magasins de la région. En 1916, la fondation de la Casa Editrice tente de remédier par l’édition au déclin du document
photographique original. Les archives de
près de 100 000 clichés sont aujourd’hui
intégrées à un ensemble muséal et éditorial qui perpétue la raison sociale Alinari.
La production de l’atelier se distingue par
une rigueur objective au service du sujet
enregistré, toujours traité dans un sens
archéologique.
M.F.
ALLIANCE PHOTO
agence photographique
(Paris 1934-1940 et 1944-1946)
Alliance Photo est l’une des premières
agences* photographiques créées à Paris. Fondée en 1934, l’agence naît de la
rencontre de Maria Eisner avec l’équipe
du Studio Zuber. Eisner (1909-1991)
travaille à Berlin pour l’éditeur Martin
Hurlimann mais quitte l’Allemagne en
1933. À Paris, elle fonde l’agence AngloContinental avec Fritz Goro, puis décide
de mettre son expérience de la presse* illustrée au service des photographes groupés autour de R. Zuber*. Ce dernier travaille pour l’agence de publicité d’Étienne
Damour de 1929 à 1932, collaborant à
la revue Vendre, puis ouvre son propre
studio photographique, rue Vernier. Il
embauche son ami P. Boucher*, qui apporte sa compétence de maquettiste et de
graphiste, ainsi qu’Emeric Feher, arrivé à
Paris de sa Hongrie natale en 1929 et initié à la photographie par M. Tabard* chez
Deberny-Peignot*. Bientôt, D. Bellon*
et P. Verger* se joignent à l’équipe d’Alliance Photo. Au fil des années, d’autres
photographes font appel à l’agence pour
commercialiser leurs images : R. Capa*,
Chim* (David Seymour), H. CartierBresson*, P. Halsman*, Juliette Lasserre
(1907) et Suzanne Laroche (1906-1993).
L’agence fournit des photographies à un
grand nombre de magazines et de revues
illustrés français, dont Art et Médecine,
Arts et Métiers graphiques, Fiat Revue,
le Monde illustré, Paris-Magazine, Pour
lire à deux, Visages du monde, Voilà et
Vu*. La diffusion des images d’Alliance
Photo est aussi internationale. Elles sont
publiées aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Suisse, en Belgique et aux PaysBas grâce aux bonnes relations qu’Eisner
entretient à l’étranger avec des agences
comme Black Star à New York ou ABCPress à Amsterdam. La réputation des
photographes de l’agence va croissant.
Par exemple, Bellon, Boucher, Feher et
Verger sont invités à participer à l’exposition historique qu’organise B. Newhall* à
New York (M.O.M.A.) en 1937. La guerre
met fin aux activités de l’agence. Eisner
est internée au printemps 1940. Libérée
deux mois plus tard, elle réussit à gagner
les États-Unis. Le siège de l’agence est
pillé par les occupants.
À la Libération, Suzanne Laroche relance
Alliance Photo, qui devient pour quelque
temps le point de ralliement des photographes, mais l’agence disparaît définitivement en 1946, lorsque Laroche fonde
l’A.D.E.P. (Agence de documentation et
d’édition photographiques).
En 1947, Eisner sera l’un des sept fondateurs de Magnum* avec R. Capa, Chim,
Cartier-Bresson, G. Rodger*, Bill et Rita
Vandivert. En 1988, la Bibliothèque his-
torique de la Ville de Paris consacre à Alliance Photo une exposition rétrospective
et un catalogue.
T.M.G.
downloadModeText.vue.download 28 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
28
ALPERT Max Vladimirovitch
photographe russe
(Simferopol 1899 - Moscou 1980)
Alpert est un des pionniers du reportage
photographique en Union soviétique.
Après un apprentissage chez un photographe d’Odessa en 1914, il fait ses débuts
professionnels pendant la guerre civile,
en 1917, en photographiant les soldats de
l’Armée rouge – qu’il rejoint en tant qu’engagé volontaire en 1919.
Dès 1924, il travaille à Moscou pour la
Rabotchaïa Gazeta et, quatre ans plus
tard, il collabore à la Pravda. À l’aide de
son Nettel 9 × 12, il réalise des photographies sur les événements officiels de l’État
(parades, cérémonies), les catastrophes
naturelles (tremblement de terre en Crimée), les grands travaux (électrification
du pays – Lénine et Wells – chemin de fer,
Turkestan-Sibérie)...
Intéressé par les sujets sociaux, il est le
pionnier du reportage narratif : le Géant
et le Bâtisseur montre par une série de
photos la vie de Viktor Kolmykov, un
maçon qui, suivant le premier plan quinquennal pour la construction de Magnitogorsk (Oural), apprend à lire et à écrire
et devient un grand constructeur.
Il réalise des photomontages* et des photos expressives pour la revue l’U.R.S.S.
en construction en 1931, et montre des
hommes et des femmes bien portants, qui
ont un travail, à manger, un toit (VingtQuatre Heures de la vie de Filippov, en collaboration avec A. Shaikhet*). Pendant dix
ans, il travaille ainsi pour les agences Tass
(1936-1945), Novosti (à partir de 1946) et
APN (dès 1961 et jusqu’à sa mort). Alpert
obtient le Grand Prix du président de la
République d’U.R.S.S. en 1976 ; une exposition personnelle itinérante est organisée en
1967, et une monographie écrite par Roman
Karmen paraît en 1974. Par ailleurs, il figure
dans l’ouvrage Pionniers de la photographie
russe soviétique (Paris, 1983).
E.E.
ALVAREZ BRAVO Manuel
photographe mexicain
(Mexico 1902)
Élevé dans une atmosphère artistique, il
commence à photographier en 1922 et devient photographe indépendant en 1930.
Initié par le photographe H. Brehme*,
stimulé par la découverte de l’oeuvre picturale de Picasso, par les photographies
de T. Modotti*, connue pour son militantisme, et par celles de E. Weston*, Alvarez
Bravo, également proche d’artistes engagés comme les muralistes, se distingue
par son indépendance. Il s’intéresse en
priorité aux portraits, aux paysages et
aux objets. En 1934, il expose à Mexico
avec H. Cartier-Bresson* et découvre le
surréalisme* en 1938 avec André Breton.
À la demande de ce dernier, il réalise la
célèbre photographie la Bonne Renommée endormie, devenue l’emblème de la
photographie surréaliste, mais lui-même
ne se définit pas comme un photographe
surréaliste. Le Mexique est plus fantastique que surréaliste.
Dans la vie de tous les jours, l’artiste mexicain est confronté aux mythes et légendes,
à la fantaisie, à la magie. Dans ses photographies, où dominent les thèmes de la solitude et de l’érotisme, il exprime avec une
sensibilité profonde sa vision du monde où
se mêlent réalité et poésie. La recherche
de titres participe à cette expression poétique de la vie mexicaine. En 1959, après
plusieurs années consacrées au cinéma
(1943-1959), il retrouve la photographie
et poursuit son oeuvre. Pendant les années
1970, il reçoit de nombreux prix et les
rétrospectives se succèdent : au M.A.M.
de la Ville de Paris en 1986, au musée de
downloadModeText.vue.download 29 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
29
l’Élysée à Lausanne en 1992. Álvarez Bravo
est représenté dans de nombreux musées,
notamment à Mexico (Instituto Nacional
de Bellas Artes), à New York (M.O.M.A.)
et à Paris (B.N. et M.N.A.M.).
A.M.
ANAGLYPHE ou
ANAGLYPTE
Procédé assurant la perception du relief*
binoculaire à partir d’images et de filtres
en couleurs complémentaires. L’anaglyphe
consiste en un couple stéréoscopique dont
l’une des images est tirée en rouge, l’autre
en bleu-vert. Si on les examine ensemble
– l’image rouge à travers un filtre bleuvert et l’image bleu-vert à travers un filtre
rouge –, le sujet apparaît en relief. Cet examen peut se faire en projection ou sur une
image imprimée.
S.R.
ANDRADE Alecio de
photographe brésilien
(Rio de Janeiro 1938)
Étudiant en droit à l’université de Rio, de
Andrade poursuit parallèlement des études
littéraires. Il écrit des poèmes et obtient un
prix à la Semaine de l’art contemporain de
Rio, en 1962. Après des expériences cinématographiques et photographiques, il
obtient une bourse du gouvernement français pour des études à l’I.D.H.E.C. En 1965,
il quitte le Brésil, s’installe à Paris et travaille occasionnellement avec des revues
comme Elle. Son goût pour les scènes de
rue et les enfants vont donner naissance
à une exposition itinérante, l’Enfance. En
1968, il est chargé de la rédaction française du journal brésilien Manchete, qui
tire à un million d’exemplaires. Avec deux
autres photographes, il assure les reportages dans toute l’Europe. Parallèlement,
il poursuit des recherches personnelles.
En 1970, membre associé de l’agence Magnum* à Paris, il publie Paris ou la Vocation
de l’image, livre préfacé par Julio Cortázar.
Son travail en couleur fait l’objet de nombreuses expositions à Rio, Berlin, Rome,
Bonn, Heidelberg. Andrade collabore à
Elle, Marie-Claire, Il Tempo, Newsweek,
Fortune, le Nouvel Observateur.
V.E.
ANDRÉ Rogi (Rosa Klein, dite)
photographe hongroise
(Budapest 1905 - Paris 1970)
Rosa Klein, dite Rogi André, arrive à
Paris vers 1925, attirée par la présence
de grands artistes tels que P. Bonnard*,
Matisse, Léger, Braque, Picasso, Brancusi*... En 1926, elle rencontre A. Kertész*,
avec qui elle vit et étudie la photographie
jusqu’en 1933. Dès 1934, elle réalise ses
célèbres portraits de peintres, sculpteurs,
architectes, écrivains, poètes, marchands,
éditeurs ou critiques qui eurent un rôle
éminent sur la scène culturelle de la première moitié du XXe siècle.
Son oeuvre constitue de ce fait un témoignage important d’une époque. Avant
1940, elle a déjà photographié Bonnard,
Picasso, Chagall, Max Jacob, Le Corbusier,
Soutine, Cocteau, Varèse, Artaud, René
Crevel, Eluard, D. Maar*, Giacometti... Elle
photographie ses sujets « en pied », dans
le cadre de leur vie quotidienne afin d’atteindre leur intimité.
Elle cesse son activité de portraitiste dans
les années 1950 pour se consacrer désormais à la peinture. Ce n’est qu’en 1981
qu’un livre paraît sur son oeuvre (Portraits
de peintres) ; une exposition rétrospective
lui est consacrée au musée national d’Art
moderne à Paris en 1982. Ses photographies sont conservées au M.O.M.A. de
New York et à Paris (B.N.).
S.B.
downloadModeText.vue.download 30 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
30
ANDREEV Léonid
écrivain et photographe russe
(Orel 1871 - Finlande 1919)
Andreev est un des représentants les plus
originaux et les plus controversés de la
littérature russe. Il est connu avant tout
comme écrivain pour ses nouvelles et ses
pièces de théâtre, qui eurent un immense
succès de son vivant.
C’est tout récemment et grâce à sa petitefille que l’on a découvert sa passion pour la
photographie. Olga Andreev Carlisle a en
effet préfacé en 1978 à Paris un livre intitulé : Léonid Andreev, photographies par
un écrivain russe.
Né en 1871 à Orel, au coeur de la région
Pushkarnaya, aîné d’une famille de six enfants, il fait de brillantes études de droit à
Saint-Pétersbourg et commence à publier
des nouvelles. Déjà dépressif à l’âge de
20 ans, il tente de se suicider puis part à
Moscou, est rejoint par sa famille, et rencontre sa future femme, Aleksandra Veligoskaïa. Un grand journal de Moscou lui
offre le poste de reporter pour couvrir les
procès. À partir de 1899, l’aide de Maxime
Gorki est d’une importance considérable
pour ses publications et pour son introduction dans le cercle littéraire Mercredi.
En 1901, son premier livre, le Mur, est acclamé par la critique et le rend célèbre dans
le pays. En 1905, il est arrêté, emprisonné
pour ses sujets révolutionnaires. Menacé,
il fuit vers Berlin avec sa famille, voyage
en Suisse puis s’installe en Finlande. De
nouveau poursuivi, en 1906, il retourne à
Berlin où il écrit sa pièce de théâtre la plus
novatrice, la Vie de l’homme. En 1907, il se
remarie et s’installe à Vammelsun, sur le
golfe de Finlande, pour une nouvelle vie.
Quittant Petrograd en 1917 pour Vammelsun, il se retrouve dans une Finlande
indépendante, devant se battre pour survivre au milieu des privations de la guerre.
Il meurt à 48 ans d’une hémorragie cérébrale. De 1908 à 1914, il réalise 300 autochromes* Lumière et 1 500 photographies
stéréoscopiques en noir et blanc. Ses
images sont pleines d’émotion, non seulement par leur qualité intrinsèque, mais
aussi par le côté poignant et sombre de
ses portraits et autoportraits. Sa sensibilité
lyrique nous révèle la société de l’époque,
celle que nous connaissons par les pièces
de Tchékhov.
À travers sa vie privée, ses enfants, ses
amis artistes, la campagne et ses voyages,
Andreev décrit une Russie prérévolutionnaire, monde prospère et tranquille dans
lequel il évolue.
V.E.
ANDREEV Nikolaï
photographe russe
(Serpukov 1882 - ? 1947)
Issu d’une famille de coiffeurs, Andreev
vient d’une ville proche de Moscou. En
1901, pratiquant déjà la peinture, il s’intéresse à la photographie et commence un
travail sur le paysage. Dès 1905, il participe
à de nombreuses expositions en Russie et
à l’étranger. Avec un objectif* « à effet de
flou* », ses images prennent une dimension mystérieuse, comme la série sur les
tempêtes de neige où apparaissent des traîneaux tirés par des chevaux dans un halo
de brouillard. Il prend un soin tout particulier à la qualité du tirage définitif, dont
se dégage une grande poésie. Il accomplit
son service militaire pendant la Première
Guerre mondiale, puis lors de la guerre
civile de 1918 à 1921, pendant laquelle il
est blessé. En 1921, il reprend son activité
de photographe et, durant cette décennie,
remporte un grand nombre de médailles et
de diplômes. Andreev est le photographe
russe le plus primé dans les manifestations
internationales des années 1920.
downloadModeText.vue.download 31 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
31
Critiqué pour formalisme, comme de
nombreux photographes dont les groupes
artistiques ont été démantelés par un décret du comité central du C.P.S.V. en 1932,
il arrête son métier et consacre les dix dernières années de sa vie à la fabrication des
décors et costumes du Théâtre dramatique
Serpukov. La collection de ses photographies est conservée par ses descendants
dans les archives familiales à Moscou.
V.E.
ANDRIEU Jean
photographe français
(Montaigu 1816 - après 1872)
On ne sait rien de la première moitié de
la vie de ce fils de cultivateur du Tarnet-Garonne dont le nom n’apparaît qu’en
1862 dans les colonnes de l’Almanach du
commerce et de l’industrie. Spécialisé dans
la prise de vue stéréoscopique, Andrieu
réalise exclusivement des vues topographiques des diverses régions qu’il traverse.
Il dépose entre 1862 et 1863 un Voyage aux
Pyrénées ainsi que sa série la plus célèbre
sur les Villes et ports maritimes de l’Océan
et de la Méditerranée.
Devenu photographe du ministère de la
Marine en 1865, il publie sous la marque
JA une série de vues d’Italie, de Suisse et
de Savoie, photographie une éruption de
l’Etna, puis effectue un second voyage aux
Pyrénées, qu’il complète par un reportage
photographique sur l’Espagne. La liste de
ses stéréogrammes est rassemblée dans un
premier catalogue paru en 1868. L’année
suivante, un second catalogue décrit les
vues qu’il réalise en Palestine, en Syrie et
en Égypte. Il dépose en octobre 1871 une
dernière série sur les désastres de la guerre
et de la Commune. Son nom disparaît de
l’Almanach du commerce en 1876. Son
fonds est repris et exploité pendant plusieurs années par l’éditeur Adolphe Block.
D.P.
ANGERER Ludwig
photographe hongrois
(Malaczka, Hongrie, 1827 - Vienne 1879)
Pharmacien de formation, Angerer exerce
ce métier de 1856 à 1858 et photographie
en amateur. En 1858, il a, avec Hugo von
Strassern, son atelier à Vienne, ville dans
laquelle il introduit le procédé de Disderi,
la carte* de visite.
À partir de 1859, il fait des portraits de
la famille impériale, ce qui lui vaut d’être
nommé photographe de la cour royale et
impériale en 1861.
De 1866 ou 1867 à 1872, il fonde avec son
frère Viktor une société de photographes,
la Maison Angerer, qui a une grande réputation sur la scène viennoise. En 1879, Angerer meurt à Vienne ; son frère reprend
et continue l’affaire sous le nom de L. und
V. Angerer.
S.B.
ANNAN James Craig
photographe britannique
(Hamilton, Écosse, 1864 - Glasgow 1946)
Fils de T. Annan*, qui fut quelque temps associé avec le célèbre calotypiste D.O. Hill*,
il apprit tout naturellement la photographie auprès de son père. Après des études
de chimie et de philosophie à l’université
de Glasgow au début des années 1880, il
se rend en 1883 à Vienne pour y étudier
l’héliogravure auprès de son inventeur,
Karl Klic.
De retour en Écosse, il met à profit ses
nouvelles connaissances afin de développer la réputation de la firme familiale. Vers
1890, conscient de l’importance de l’oeuvre
de ses compatriotes Hill et R. Adamson*, il
downloadModeText.vue.download 32 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
32
réalise une série de photogravures à partir
de leurs négatifs calotypes*, rendant ainsi
leurs lettres de noblesse à ces pionniers de
la photographie.
Intéressé par l’aspect artistique du médium photographique, Annan devient en
1895 membre du Linked* Ring, club fermé
à l’image d’une confrérie qui organise des
salons annuels où se développe le pictorialisme*, mouvement qui place la photographie sur un pied d’égalité avec les autres
formes d’art.
L’oeuvre d’Annan est d’ailleurs fortement
influencée par l’esthétique de ses amis de
l’école impressionniste de Glasgow, par l’art
japonais, ainsi que par Velázquez et Whistler. En 1904, A. Stieglitz* publie une sélection de ses oeuvres dans la revue Camera
Work*, fer de lance du mouvement pictorialiste aux États-Unis, et il devient le premier président de l’International Society
of Pictorial Photographers. Participant à
toutes les expositions internationales du
mouvement pictorialiste jusqu’en 1916, il
n’en poursuit pas moins, et bien après cette
date, sa carrière dans le cadre du studio
familial. Annan est notamment représenté
en Grande-Bretagne, à Bath (R.P.S.), et en
France, à Paris (musée d’Orsay).
M.L.
ANNAN Thomas
photographe britannique
(Glasgow 1830 ? - id. 1888 ?)
Il suit un apprentissage de graveur sur
cuivre puis s’installe dans sa ville natale
en 1855 comme photographe commercial
et exécute des photographies de peinture, d’architecture ainsi que des tirages
pour d’autres photographes. En 1857, il
se spécialise dans la photographie d’objets d’art et commence à photographier
les maisons et les intérieurs de Glasgow.
Il entreprend la même année, dans une
roulotte qu’il utilise comme chambre*
noire, un voyage dans toute l’Écosse, qu’il
photographie. En 1859, il ouvre un studio
de portraits au 202, Hope Street, à Glasgow. Pour photographier une peinture
de D.O. Hill*, son ami de longue date,
il construit en 1865 un appareil avec un
objectif* de Dallmeyer. En 1866, il achète
avec son frère les droits d’exploitation
pour le procédé au charbon* breveté
par Swan. Il est considéré à son époque
comme un spécialiste du portrait et de
l’étude d’ouvrages d’art, mais le documentaire social et l’édition lui doivent bien davantage aujourd’hui. Parmi les ouvrages
qu’il publie : The Old Country Houses of
the Glasgow Gentry (1870) et Memorials
of the Old College Glasgow (1871), il en
reste un plus célèbre : The Old Closes and
Streets of Glasgow (1868/1878), issu d’une
commande de recensement des « monuments anciens dignes et d’intérêt » faite
par le Glasgow Improvement Trust. Ce
documentaire évocateur présente des
images qui sont les premières à dénoncer
l’insalubrité des taudis. En 1873, il s’associe avec son frère et, conjointement à son
studio, il ouvre une galerie avec un droit
d’entrée pour visiter. Il reçoit le 27 mars
1877 une licence pour la chromotypie
et l’autotypie. Annan est représenté en
Grande-Bretagne (R.P.S.) et en France
(musée d’Orsay).
C.B.
ANTHROPOMÉTRIE
À partir du début des années 1880
s’ajoutent au portrait* et au nu* traditionnels de nouvelles images photographiques
des corps. En France, elles prennent naissance à l’hôpital de la Salpêtrière, avec
A. Londe* (1858-1917), photographe du
Dr Charcot, spécialiste de l’hystérie ; au
parc des Princes, où est installée la stadownloadModeText.vue.download 33 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
33
tion du professeur É.-J. Marey* (18301904), physiologiste de la locomotion ; et
à la Préfecture de police de Paris, dans le
service de l’identité judiciaire de A. Bertillon* (1853-1914). Qu’il soit artistique ou
commercial, le portrait photographique
était dès ses débuts dominé par l’illusion
physiognomonique d’exprimer l’âme, la
personnalité et les passions des modèles.
Le projet est ici différent. La photographie
sert d’instrument pour étudier les corps
(la symptomatologie corporelle des maladies mentales avec Londe et Charcot, ou
les mécanismes de la locomotion humaine
et animale avec la chronophotographie*
de Marey) ; elle sert aussi à exercer un
contrôle sur eux, avec le portrait judiciaire
de Bertillon.
Au moment où la société industrielle
s’engage dans une phase nouvelle de son
développement, les fous, les ouvriers et les
délinquants, qui étaient auparavant exclus
de la représentation photographique, y
sont désormais admis. Mais avec un statut
particulier. Alors que le modèle du portrait
bourgeois avait l’initiative et la jouissance
de son image, qu’il en était le sujet, les modèles de Londe, de Marey ou de Bertillon
la subissent et en sont dépossédés : ils en
sont les objets.
Ces mesures, études et contrôles photographiques des corps s’opèrent dans des
dispositifs rompant radicalement avec
celui du studio de portrait, et génèrent des
techniques, des appareils et des images
particuliers : la chronophotographie chez
Londe et Marey, le paradigme face-profil
chez Bertillon.
L’expérience de celui-ci, qui révèle la puissance de la photographie dans l’établissement d’un savoir-pouvoir sur les corps,
en trahit aussi les limites. Si Bertillon a dû
d’abord établir des règles formelles strictes
pour détacher la photographie de police
du portrait de studio, qu’il nomme « photographie d’art », elle s’avérera vite difficile
à utiliser : analogique et tributaire des apparences, elle ne se prête que difficilement
au classement systématique, et demeure
impuissante face aux changements physiques des individus.
Bertillon associera alors aux vues de face
et de profil des détenus un ensemble
de mesures anthropométriques (des
membres, de la tête, etc.), c’est-à-dire une
image composée d’une série numérique :
une image non analogique, qui autorisera
un mode de classement rigoureux, et qui
permettra d’identifier des récidivistes,
indépendamment de leurs transformations physiques. Avant la découverte et
l’utilisation généralisée des empreintes
digitales.
A.R.
APPAREIL
PHOTOGRAPHIQUE
Instrument destiné à la prise de vue photographique. Un appareil photographique
est, pour l’essentiel, constitué d’une
chambre* noire sur laquelle est monté un
objectif*. Celui-ci forme l’image lumineuse
à l’intérieur de la chambre, sur sa face
opposée, où un dispositif maintient la surface sensible. Derrière l’objectif (ou entre
ses lentilles) se trouve l’obturateur, qui ne
laisse passer la lumière qu’au moment de la
prise de vue. Son fonctionnement est provoqué par un déclencheur actionné par le
photographe. Pour permettre de cadrer le
sujet, l’appareil comporte un viseur. Enfin,
il peut être équipé d’autres organes : dispositif de mise au point (réglage par bague sur
l’objectif, télémètre, dépoli, microprismes,
système autofocus* de mise au point automatique, etc.), diaphragme, posemètre,
magasins de film interchangeables, moteur
d’entraînement de la pellicule, dispositif de
downloadModeText.vue.download 34 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
34
synchronisation du flash*, flash incorporé,
etc.
Formats
Les appareils se distinguent avant tout par
le format d’image qu’ils permettent d’enregistrer sur l’émulsion sensible. Les plus
anciens sont les grands formats, surtout
utilisés avec les chambres d’atelier. Ils font
appel à des plaques ou à des plans-films
dont les dimensions les plus courantes
sont 6 × 9, 9 × 12, 13 × 18 et 18 × 24 cm. La
plupart des appareils actuels s’utilisent à la
main et reçoivent une pellicule en bobine
ou en cartouche, laquelle donne des images
de formats inférieurs : moyens formats
(4,5 × 6, 6 × 6 et 6,5 × 9 cm, notamment),
petit format (24 × 36 mm sur film perforé
de 35 mm de large, le plus répandu, créé en
1924 par O. Barnack* pour la maison Leitz
en Allemagne), demi-format (18 × 24 mm,
soit la moitié du 24 × 36), miniformats ou
microformats (soit sur film de 16 mm ou
9,5 mm de large, généralement conditionné
en chargeur, soit sur disque sur lequel sont
impressionnées 15 images de 8 × 10 mm).
Mais, depuis les années 1980, l’évolution a
été très significative dans ce domaine. Le
succès du format 24 × 36 mm, sur les modèles compacts et reflex, a entraîné l’abandon presque total des formats plus petits ;
les plus grands restent essentiellement des
formats professionnels.
Perfectionnements techniques
récents
Les appareils ont aussi connu de notables
changements. Le fonctionnement de la
plupart des 24 × 36 est désormais automatique : chargement et rebobinage du
film par moteur ; affichage de la sensibilité
commandé par un code sur la cartouche ;
mise au point et exposition réglées par
des modules électroniques et des cellules
photoélectriques, souvent sous le contrôle
d’un microprocesseur ayant plusieurs programmes en mémoire ; réglage automatique du flash par cellule et circuits électroniques ; autocorrections de certaines
erreurs d’exposition ou de mise au point,
etc. Sur les appareils les plus perfectionnés, le débrayage des automatismes permet d’effectuer des corrections, de réaliser
des effets spéciaux ou d’utiliser des techniques particulières (astrophotographie,
photomicrographie*, photos d’architecture avec un objectif à décentrement, etc.).
S.R.
APPELT Dieter
artiste allemand
(Niemegk 1935)
Né près de Berlin, Appelt a surtout connu
dans son enfance les destructions de la
guerre et la difficile reconstruction. Ayant
fait d’abord des études de musique, il est
formé à la photographie à partir de 1959
par H. Hajek-Halke*, dans le cadre de la
« photographie subjective », qui considère
la photographie comme un acte de création artistique, de surcroît lié volontiers à
l’avant-garde. Il est donc naturel qu’après
une série d’autoportraits, il se soit tourné
vers les « actions » de J. Beuys* et des actionnistes* viennois, et que la photographie en soit le constat effectif et la mise
en forme. Il se photographie lui-même nu,
en situation rituelle (Die Symmetrie des
Schädels, 1977), dans une tour sommaire
de branches ligaturées (Der Augenturm,
1977), ou enduit de boue séchée, pendu
par les pieds, recroquevillé sur le sol dans
une maison délabrée (Monte Isola, 1976),
ou encore formulant le rêve d’Icare dans
la grotte d’Oppedette (1981). Le corps est
toujours présent (jusqu’au milieu des années 1980) en tant que figure des origines
primitives de l’homme et support d’une
transformation de la matière, moment
précaire qui renaît des strates géologiques
(Système de numération des Masaï, 1977).
downloadModeText.vue.download 35 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
35
Le corps est le refuge de la pensée, du langage, du souffle, qui seuls impressionnent
le présent comme la lumière sur la plaque*
sensible. Il travaille parfois en référence à
Ezra Pound et à ses symbioses de signeslangages, à son brassage des langues (Ezra
Pound, 1981 ; Canto, 1987), ou aux motsimages de Raymond Roussel.
L’allusion à la construction, à la stratification, à l’accumulation des dépôts est
constante, surtout dans les travaux des
années 1980, qui font souvent appel à des
superpositions infinitésimales de prises de
vue innombrables, sur des sujets en mouvement rotatif – ou à la pose très longue
(Bethanien, 1984). La « densité » de l’image
est le produit d’une concrétion, d’une superposition d’éléments mouvants, répétés
comme le battement d’un coeur ou la persistance d’un regard.
L’une des significations développées par
Appelt, également dans son oeuvre de
sculpteur ou de cinéaste, est bien résumée
par l’un de ses titres : Présence des choses
dans le temps (1985).
M.F.
APRIL Raymonde
photographe canadienne
(Moncton 1953)
April expose ses photographies depuis
1979. Alors que dans ses premières oeuvres
textes et photos sont associés, elle réalise
des images seules à partir du milieu des
années 1980. L’artiste a pour particularité
d’aborder des thèmes d’ordre privé sans
pour autant relever d’une démarche réellement autobiographique. Les objets familiers, les paysages connus, les portraits
de personnes de son entourage sont des
images récurrentes qui, toutefois, ne développent ni une chronique ni un journal.
Exclusivement en noir et blanc, ses photos
ont l’avantage d’éviter autant l’anecdote
que la banalité et de participer d’une vision
d’un monde à la fois proche et intelligible,
hors de l’exploitation de tout stéréotype ou
lieu commun. À l’occasion d’un séjour à
Paris, en 1989, elle réalise Sphinx, une série
d’impressions photographiques sur toile
qui sont des agrandissements d’images
d’anonymes, rencontrés par hasard, dans
la foule.
Les formats, les cadrages, l’usage du flou*
ou au contraire le parti pris de la mise
au point, les valeurs, les poses*, les vues
d’ensemble ou de détail, l’image en diptyque, en triptyque ou bien unique, sont
autant de choix qui interviennent dans
l’oeuvre d’April pour définir, chaque fois,
une approche singulière et personnelle de
l’auteur face à ses sujets.
S.C.
ARAGO François (Dominique
François, dit)
savant et homme politique français
(Estagel, Pyrénées-Orientales, 1786 - Paris
1853)
Physicien et député démocrate des Pyrénées-Orientales, il présente le 7 janvier
1839, pour la première fois dans l’histoire,
des daguerréotypes* à l’Académie des
sciences de Paris.
Le 3 juillet 1839, il défend devant la
Chambre un projet de loi qui prévoit l’octroi d’une rente viagère de 6 000 francs à
L.J.M. Daguerre* et de 4 000 francs au fils
de N. Niépce*.
Il consacre l’invention de la photographie
le 19 août 1839 en dévoilant le procédé mis
au point par Daguerre devant l’Académie
des sciences et l’Académie des beaux-arts
réunies. Il évoque dans son rapport les
recherches séculaires sur les sels d’argent
et l’évolution de la chambre* noire depuis
la Renaissance, et vise à établir la filiation
du daguerréotype avec la science et l’art.
downloadModeText.vue.download 36 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
36
L’archéologie, la peinture, l’astronomie, la
photométrie et la topographie sont selon
lui des domaines qui profiteront de l’invention de Daguerre. Obnubilé par l’exactitude et la richesse de détails du daguerréotype, il néglige les avantages des positifs
directs sur papier de H. Bayard* et rejette
le procédé négatif/positif de W.H.F. Talbot* qui, à la différence du daguerréotype,
permet la reproductibilité des épreuves
photochimiques.
V.L.
ARAKI Nobuyoshi
photographe japonais
(Tokyo 1940)
Pendant des études de photographie à la
Chiba University, Nobuyoshi Araki se passionne pour le cinéma et admire des réalisateurs comme Dreyer, Bresson, Godard et
Ozu. Il débute en 1964, avec une série sur
les enfants de la ville faite lors du tournage
de son propre film. En 1970, il expose la
série des images de sexes féminins en gros
plan, Manifesto of Sursentimentalism 2,
et, l’année suivante, publie à son compte
Sentimental Journey, un roman photographique sur son voyage de noces dans
lequel figurent des scènes banales, quotidiennes, vécues avec sa femme, y compris
des scènes d’amour. À travers les images
de sa vie privée (surtout de sa femme),
de nus (surtout de sexes) et de la ville de
Tokyo, Araki entreprend une lutte face
à une société submergée par les images
publicitaires. Il s’assimile donc à un résistant. Armé de sa mitrailleuse à calembours
sexuels et de grenades à scandales, il ironise
et provoque le régime établi. Chez Araki,
l’acte photographique est totalement intégré à sa vie, à ses activités quotidiennes. En
jouant sans cesse à la lisière de la vérité et
de la fiction, il produit une énorme quantité d’images, publie une dizaine de recueils
par an, organise simultanément plusieurs
expositions et manifestations. Son surnom
« Ararky » (Araki + anarchy) devient le
nom d’un médium plutôt que celui d’un
photographe. Le travail d’Araki repose sur
la notion de reproduction et non pas sur
celle d’expression. Chacune de ses images
n’a pas la prétention d’être « bonne » ou
« intéressante ». Elles sont accumulées et
arrangées par un travail de montage (souvent cinématographique) pour créer un
réseau de signification complexe. Ses principaux ouvrages sont, entre autres, Yoko,
My love (1978, Asahi Sonorama, Tokyo),
Fake Diary (1980, Byakuya-shobo, Tokyo),
Tokyo Monogatari (1989, Heibonsha, Tokyo). Dès 1986, il fait aussi dans une salle
de cinéma la projection de ses images,
qu’il nomme « Arakinema ». En Europe,
l’oeuvre d’Araki a été présentée en 1990 à la
Grande Halle de la Villette de Paris (Photo
de Famille), en 1992 au Forum Stadtpark
de Graz (Akt-Tokyo Fotoarbeiten von Araki
1971-1991) et en 1995 à la fondation Cartier, à Paris (Journal intime).
T.O.
ARBUS Diane
(Diane Nemerov, dite)
photographe américaine
(New York 1923 - id. 1971)
Diane Nemerov naît dans la haute bourgeoisie. En 1935, elle étudie le dessin avec
une ancienne étudiante de George Grosz.
Au début des années 1940, elle ouvre
un studio de photographie commerciale
avec son mari, Allan Arbus. Ils travaillent
principalement pour les magazines de
mode. Désirant mener un travail personnel, elle étudie la photographie avec
A. Brodovitch* en 1954, puis, en 1957,
avec L. Model*, avec laquelle elle partage
une même fascination pour les mythologies quotidiennes. Son travail va à l’endownloadModeText.vue.download 37 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
37
contre de la vision humaniste et universaliste véhiculée par l’exposition Family
of Man*. Ses vues de parias comme des
gens de la middle class placent au centre
d’un cadrage stable leurs attitudes raides
où se lit la déformation imprimée par la
norme sociale. Elle reçoit deux bourses de
la Fondation Guggenheim, en 1963, pour
ses projets The American Experience et,
en 1966, pour American Rites, Manners
and Customs.
En 1967, son oeuvre, représentative de
l’esprit des années 1960, est présentée
avec celles de L. Friedlander* et de G. Winogrand* dans l’exposition du M.O.M.A.*
New Documents*. Ses dernières images
de handicapés mentaux, plus expressives,
tranchent avec sa neutralité habituelle et
métaphorisent sa vision traumatique de
la condition humaine. Elle se suicide en
1971. L’année d’après, portées par le courant de la contre-culture, ses images sont
exposées à la Biennale d’art contemporain
de Venise, et une rétrospective de son
oeuvre voyage durant sept ans à travers
l’Amérique, l’Asie et l’Europe.
P.O.
ARCHER Frederick Scott
photographe britannique
(Bishops Storford, Herfordshire,
1813 - Londres 1857)
Initié au procédé du calotype* de
W.H.F. Talbot par H.W. Diamond* en
1847, Archer complète sa formation de
sculpteur par celle de photographe portraitiste. Né en 1813 dans une famille
d’artisan boucher, il part à Londres après
la mort de ses parents pour apprendre le
métier d’orfèvre. Puis il étudie la sculpture,
et plus particulièrement l’art du buste.
En 1847, il participe aussi à la création
du Photographie Club of London, encore
appelé le Calotype Club. À partir de cette
date, il va se « plonger » de plus en plus
dans la photographie tout en continuant
à pratiquer son métier de sculpteur. Pendant 10 ans, jusqu’à sa mort, en 1857, il ne
cessera de rechercher de nouvelles améliorations techniques aux procédés photographiques. Ses travaux sur les procédés négatifs* sont les plus importants et ouvrent
une ère nouvelle à la photographie. Archer
met au point le procédé au collodion* et
publie en 1850 et 1851, dans la revue The
Chemist, une série d’articles décrivant la
réalisation de négatifs sur une plaque* de
verre. Le procédé au collodion permet la
multiplication des images (comme le calotype*) sans perte de précision (comme le
daguerréotype*). C’est toute une pratique
photographique qui se trouve bouleversée pour près de 40 ans. Le procédé au
collodion permet l’essor des ateliers professionnels et engendre une esthétique
nouvelle, qui fut appelée « l’Âge d’or de la
photographie ».
S.M.
ARCHITECTURE ET
PHOTOGRAPHIE
Un outil de documentation
Avec le portrait, l’architecture est le sujet majeur de la photographie naissante.
En effet, sa rapidité, là où le dessin est
long, ainsi que son exactitude à rendre
le détail font de la photographie un outil
capital tant pour les critiques et historiens que pour les architectes. Le genre
se développe d’abord en France puis,
dans la seconde moitié du XIXe siècle,
en Angleterre. En France, dès l’annonce
de la découverte du daguerréotype*, en
1839, N.M. Paymal Lerebours – fabricant d’instruments d’optique – envoie
des daguerréotypistes de Paris jusqu’en
Égypte. Il réunit ensuite ces images en
deux volumes dans Excursions daguerdownloadModeText.vue.download 38 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
38
riennes, vues des monuments les plus
remarquables (1840-1842). En effet, la
photographie d’architecture répond à
la curiosité des hommes du XIXe siècle
qui désirent connaître le monde entier
et archiver le passé. Les voyages dans
le passé monumental se multiplient et
s’institutionnalisent, les organismes gouvernementaux ou privés commandent
des inventaires photographiques.
D’abord en France, où la Commission
des monuments historiques charge, en
1851, cinq photographes – E. Baldus*,
H. Bayard*, Le Gray*, Le Secq* et Mestral – de donner en images un état du
patrimoine français, puis dans le reste
du monde occidental. En Angleterre, ce
n’est qu’en 1855 qu’apparaît le premier
album de photographie d’architecture.
Publié par P.H. Delamotte*, il traite de
la reconstruction du Crystal Palace à
Sydenham. Puis, jusqu’aux années 1880,
d’autres entreprises semblables se succèdent, sans pourtant être systématiques
comme en France. Dixon* se penche sur
la désagrégation du tissu urbain. À cette
volonté d’archiver le paysage monumental s’ajoutent les relevés commandés par
les militaires ; ainsi le travail de T. O’Sullivan* en Amérique, qui réalise l’inventaire d’une terre nouvellement conquise.
L’expansion de l’empire colonial anglais
donne naissance à des relevés documentaires des pays colonisés : Murray ramène des images de l’Inde et F. Beato* du
Moyen-Orient et de l’Extrême-Orient.
Pendant le second Empire, la photographie d’architecture prend, en France et ailleurs, de l’expansion. Cela est surtout dû
aux grands travaux d’urbanisme contemporains. En effet, la photographie permet
de conserver des archives de bâtiments
destinés à disparaître. Les travaux de
C. Marville* couvrent la transformation
de Paris : la disparition de vieux quartiers,
et l’expansion de nouveaux dans les zones
périphériques. En plus, l’emploi du négatif verre de grande dimension et du tirage
contact permet de rendre avec précision
les détails du tissu urbain. C’est à cette
époque qu’apparaît un nouveau sujet, celui
de l’architecture des ingénieurs. Parties
intégrantes de l’urbanisme de l’époque industrielle, les chemins de fer et les usines
sont l’objet d’inventaires détaillés. Les
voies ferroviaires sont notamment illustrées en France par Baldus et aux ÉtatsUnis par W. Rau*.
L’essence de la ville moderne
La photographie, instaurée comme un
art par le pictorialisme*, perd ses qualités documentaires – la recherche de
l’exactitude du détail allié au rendu du
volume – au profit d’une vision personnelle de l’architecture. Les travaux
de A.L. Coburn* à Londres montrent la
volonté de rendre une atmosphère par
la variation de la lumière. L’apparition
de l’électricité incite des photographes,
tel G. Loppé*, à saisir la ville la nuit. La
grande ville moderne, l’urbanisation et
l’industrialisation deviennent des sujets
de prédilection des membres de PhotoSécession*. Ponts, gratte-ciel et chantiers
sont traités, dans une vision idéalisée, par
Steichen*, Coburn, Haviland*, Stieglitz*,
etc. Les années 1920-1930 marquent un
tournant dans l’histoire de la photographie d’architecture qui s’inscrit d’une part
dans le développement du documentaire
social et d’autre part dans les mouvements artistiques modernes. Les travaux
de B. Abbott* à New York pour la Work
Progress Administration et de W. Evans*
dans le sud des États-Unis pour la F.S.A.*
se penchent sur la ville durant la crise. Le
constructivisme, le Bauhaus* et la Nouvelle* Objectivité permettent aux photographes d’interpréter l’esprit de l’architecture moderne : angles insolites, contrastes
downloadModeText.vue.download 39 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
39
violents, plongées et contre-plongées,
gros plans montrent que le photographe
donne une image personnelle du bâtiment
et crée une perception de l’espace, par la
géométrisation, libérée du sujet d’origine,
allant parfois jusqu’à l’abstraction. Ainsi
l’esthétique moderniste se reconnaît dans
les travaux de Lux Feininger, A. RengerPatzch* et E. Landau*. Cette interprétation de l’architecture contemporaine
rejaillit sur celle des monuments historiques comme le montre la vision géométrique de Cologne et de sa cathédrale de
A. Sander*. Aux États-Unis, utilisant cette
nouvelle vision, E. Weston* et P. Strand*
réalisent des interprétations dramatiques
de l’industrialisation.
L’éclatement d’après-guerre
Aujourd’hui, chaque photographe interprète l’architecture et donne à voir des
images qui renouvellent la perception
d’un bâtiment, s’il ne crée pas une image
radicalement différente. Les attitudes se
personnalisent et permettent difficilement de dresser un inventaire : les visions
idylliques de J. Meyerowitz* sont loin de
la neutralité de celles des Becher* qui recensent des tours industrielles ou encore
des visions sordides et dénuées de commentaires personnels de L. Baltz*. Le travail en série est sans doute le point qui
réunit la plupart des photographes sans
pour autant être systématique. La collecte
d’images pour la mémoire ne perd pas sa
force. Dans les années 1970, aux ÉtatsUnis, les artisans de la Nouvelle Topographie rendent froidement des paysages de
la culture industrielle (R. Adams*, Baltz,
Stepen Sore, etc.). En France, la Mission photographique de la D.A.T.A.R.
en 1984 charge quinze photographes
(dont G. Basilico* et Albert Giordan) de
donner en images un état de la France
contemporaine.
M.C.
ARLES (Rencontres internationales
de la photographie d’)
C’est en 1970, à l’initiative de L. Clergue*,
Jean-Maurice Rouquette et M. Tournier*,
que sont créées les Rencontres interna-
tionales de la photographie d’Arles, qui
se déroulent chaque année aux mois de
juillet et août. Le projet, à l’époque, est de
donner une place à la photographie dans
le champ artistique et culturel français et
d’établir sa reconnaissance comme moyen
d’expression à part entière. Plutôt confidentielle au départ, cette manifestation
ne cesse de s’accroître pour devenir une
véritable institution. À ses débuts, elle révèle au public la photographie américaine
avec la venue de A. Adams*, W.E. Smith*
ou L. Friedlander*, pour ne citer qu’eux.
Cet esprit de découverte se poursuit par
la suite, avec des éditions consacrées à la
Chine en 1988 ou aux pays latino-américains en 1991. Soucieuses de prendre
en compte les différentes applications du
médium, les Rencontres organisent des expositions, réparties dans les lieux les plus
prestigieux de la ville, allant de la photographie artistique au reportage en passant
par les travaux du XIXe siècle. Des soirées,
consacrées à des projections de films ou de
montages audiovisuels, complètent ce programme. Enfin, les stages, animés par des
professionnels choisis pour leur notoriété,
constituent la troisième partie du projet.
Ils se déroulent dans le cadre de l’École nationale de la photographie créée en 1982,
et dont l’infrastructure – laboratoire, bibliothèque, salle de projection – est mise à
la disposition des stagiaires. Des initiatives
parallèles ont progressivement pris place
autour des Rencontres, et Arles est ainsi,
pendant l’été, un point de rendez-vous
pour le milieu de la photographie.
P.S.
downloadModeText.vue.download 40 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
40
ARMAS Ricardo
photographe vénézuélien
(Caracas 1952)
Initié à la photographie dès sa jeunesse,
Armas devient professionnel en 1972. Il
travaille pour la revue de théâtre et de
spectacle Escena, dans laquelle il publie les
portraits des acteurs et danseurs de tout
le continent latino-américain. En 1974, il
part étudier la photographie à l’International Center of Photography de New York,
puis rentre pour occuper un poste de professeur à l’Institut de dessin de Caracas.
Entre 1976 et 1978, il est le photographe
attitré de la Galerie d’art national de la
même ville où il réalise tous ses travaux
pour le Ballet international de Caracas.
Depuis 1976, il est photographe au musée
d’Art contemporain de Caracas où il fait
sa première exposition. Il vit et travaille à
New York depuis 1979 grâce à une bourse
du Consejo nacional de cultura. Il est
invité à Arles aux Rencontres internationales de la Photographie en 1979 pour une
manifestation sur l’Amérique latine et au
2e Colloque latino-américain à Mexico en
1981. Il participe à la grande exposition
Photographie latino-américaine de 1860 à
nos jours au Kunsthaus de Zurich en 1981,
puis à Berlin en 1982.
V.E.
ART CONCEPTUEL ET
PHOTOGRAPHIE
La notion d’« art conceptuel et photographie » devient possible lorsque, dans
les années 1970, l’enjeu pour l’artiste
n’est plus de produire de beaux objets
mais de montrer l’idée qu’il se fait de
l’art, lorsque, à la suite de M. Duchamp*,
la mort de l’art est annoncée. La photographie devient conceptuelle quand l’accent est mis sur des processus, quand la
pratique de l’artiste est l’objet même de
sa recherche.
J. Dibbets* est l’un des premiers à utiliser la photographie dans une attitude
conceptuelle (Domaine d’un rouge-gorge/
Sculpture, 1969). Intervenant dans une démarche plus générale, la photographie est
un instrument de seconde main servant
de document, d’archivé ou de mémoire.
Cependant, elle peut parfois intervenir de
façon directe. L’oeuvre archétypale de l’art
conceptuel, Une et trois chaises de J. Kosuth*, présente la photographie au même
niveau que le langage verbal et le référent
objectuel pour une mise en acte conceptuelle de la notion de représentation.
Dans une autre optique, B. et H. Becher*
se livrent, depuis une vingtaine d’années,
à un travail de repérage et d’archivage des
monuments industriels et vernaculaires.
L’oeuvre se définit par un projet global sur
les catégories perceptives. Sa finalité est le
photomontage des espaces. Le reportage*
lui-même devient mitoyen de ce courant.
Dans une séquence quasi conceptuelle,
Riebesehl montre des personnes photographiées à leur insu dans un moment de
totale et creuse indifférence. Chargeisheimer donne l’image de Cologne vide, photographiée en un point précis du temps à
la même focale et à la même hauteur (Köln,
5 Urh 30). Et Crane prend systématiquement tous les gens qui sortent par la même
porte d’hôtel (People on the North Portal).
L’attitude conceptuelle se prolonge dans la
photographie de paysage*. Mathys travaille
sur les rythmes du temps qui passe en photographiant les mêmes lieux mais à des saisons différentes. Depuis 1969, G. Dekkers*
étudie les « polders », paysages conçus par
l’homme, et dispose ses images répétitives
et monotones en séquences. Pour d’autres,
notamment les artistes rattachés au Land*
Art, la photographie est utilisée comme
simple constat d’une opération effectuée
downloadModeText.vue.download 41 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
41
(H. Fulton*, R. Long*...). Avec l’art conceptuel, une nouvelle voie est ouverte à la
photographie : faire partie d’une démarche
plus large, d’un projet.
F.H.
ASA
voir ISO
ASTRONOMIE ET
PHOTOGRAPHIE
La photographie est l’une des techniques
qui ont permis l’essor de l’astrophysique,
la branche la plus développée de l’astronomie moderne. Son application à l’astronomie, conjuguée à celle de la photométrie et
de la spectroscopie, a été à l’origine d’une
véritable révolution dans l’étude de l’Univers. Bien que la plaque photographique
soit beaucoup moins sensible que l’oeil,
elle présente sur celui-ci un avantage très
important, celui d’accumuler la lumière
qu’elle reçoit avec la durée de la pose : elle
permet ainsi d’enregistrer l’image d’objets
très peu lumineux, imperceptibles à l’oeil,
comme des étoiles, des nébuleuses ou
des galaxies, la limite étant imposée par
la luminosité du fond du ciel qui finit par
impressionner la plaque. Par ailleurs, les
enregistrements photographiques constituent des documents objectifs, suscep-
tibles d’être ultérieurement analysés, mesurés et comparés.
La première photographie d’un objet
céleste fut un daguerréotype* de la Lune
obtenu en mars 1840, avec vingt minutes
de pose, au foyer d’un télescope de 13 cm
d’ouverture, par l’Américain J.W. Draper.
Puis, le 7 décembre 1845, à l’Observatoire de Paris, H. Fizeau et L. Foucault*
obtinrent le premier daguerréotype réussi
du Soleil. Enfin, la nuit du 16 au 17 juillet
1850, l’astronome américain W.C. Bond
et son compatriote le photographe
J.A. Whipple, à l’aide de la grande lunette
de 38 cm d’ouverture de l’observatoire du
collège Harvard, prirent, avec une pose
de cent secondes, la première photographie montrant des étoiles : Véga, dans la
constellation de la Lyre, et Castor, dans
celle des Gémeaux. Avec le même instrument, ils recueillirent aussi, la même année, de bonnes images de la Lune.
Ce n’est toutefois qu’après l’apparition, en
1851, du procédé au collodion humide,
dix à cent fois plus sensible que le procédé primitif de Daguerre, que la photographie commença à produire des résultats contribuant réellement au progrès de
l’astronomie. Les premières observations
photographiques journalières de la surface
solaire furent entreprises en 1858 à l’observatoire de Kew, près de Londres, qui les
poursuivit jusqu’en 1872. Ce travail précurseur fut ensuite continué et développé
à l’observatoire de Greenwich, sous l’impulsion de E.W. Maunder, et, en France, à
l’observatoire de Meudon, à l’initiative de
son fondateur et premier directeur, J. Janssen. L’astronome amateur anglais W. de la
Rue réussit en 1857 et 1859 les premières
photographies détaillées de la Lune ; ses
images des éclipses de Soleil de 1858 et
1860 furent les premiers documents décisifs qui aidèrent à comprendre la nature
des protubérances solaires.
À l’époque, les instruments astronomiques, conçus pour l’observation visuelle,
laissaient encore fort à désirer pour les
usages photographiques : ils souffraient
notamment de ne pas disposer d’un système d’entraînement suffisamment précis
pour assurer un excellent suivi des astres
photographiés pendant la durée de la pose.
Le manque de sensibilité des émulsions
et leur incapacité à enregistrer les radiations lumineuses de manière uniforme sur
l’ensemble du spectre visible constituaient
deux autres handicaps pour l’emploi sysdownloadModeText.vue.download 42 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
42
tématique de la photographie en astronomie. Ce n’est qu’après l’invention, en 1871,
de l’émulsion au gélatino-bromure d’argent
que la plaque photographique commença
à présenter une sensibilité suffisante pour
concurrencer, puis supplanter l’observation visuelle des étoiles.
On doit à deux astronomes amateurs,
l’Américain H. Draper et le Britannique
W. Huggins, les premières tentatives
visant à appliquer la photographie à la
spectroscopie astronomique. Ils obtinrent
au cours des années 1870 les premières
photographies de spectres stellaires. Puis
Huggins réussit à photographier pour la
première fois, en 1881, le spectre d’une
comète et, en 1882, celui d’une nébuleuse
(celle d’Orion). La première série importante de photographies stellaires fut réalisée par l’Américain B.A. Gould, de 1875
à 1882, à l’observatoire de Córdoba, en
Argentine. Elle comprenait environ 1 400
clichés. Puis, à l’observatoire du Cap,
l’Écossais D. Gill établit, de 1885 à 1891,
une carte photographique du ciel austral,
révélant tous les objets d’éclat supérieur
à la magnitude 10. Celle-ci servit de base
à l’établissement du premier grand catalogue photographique de positions stellaires, le Cape Photographic Durchmesterung, publié de 1896 à 1900 et contenant
plus de 450 000 étoiles. Vers la même
époque, l’Américain E.C. Pickering, à
l’observatoire du collège Harvard, s’attachait à développer la spectrographie stellaire ; ses travaux allaient être à l’origine
de la classification spectrale moderne des
étoiles. Simultanément, à l’Observatoire
de Paris, les frères Henry effectuaient des
essais dont allait sortir, en 1887, la plus
grandiose entreprise de photographie céleste jamais lancée : la Carte du Ciel. Dixhuit observatoires répartis sur l’ensemble
du globe et tous équipés du même instrument, une lunette photographique de
33 cm d’ouverture à monture équatoriale,
participèrent à l’opération, qui avait pour
objet de dresser la carte photographique
de tout le ciel, jusqu’à la magnitude 14, et
qui ne s’acheva qu’en 1964.
Au début du XXe siècle, la mise en service de grands instruments d’observation
astronomique conjuguée à l’emploi systématique de la photographie a permis de
reculer les frontières de l’Univers observé.
C’est en parvenant à photographier des
étoiles dans la « nébuleuse » d’Andromède,
que l’Américain E. Hubble a pu établir, en
1924, l’existence de galaxies extérieures
à la nôtre. Puis la photographie a permis
l’exploration du monde des galaxies et leur
étude spectrographique a conduit à mettre
en évidence le phénomène de l’expansion
de l’Univers.
Malgré sa très grande capacité de stockage
d’éléments d’information, la plaque photographique souffre d’un défaut majeur :
sa faible sensibilité ; il faut, en moyenne,
au moins 100 photons pour noircir un
grain d’émulsion de bromure d’argent.
Aussi, la photographie doit-elle de plus
en plus affronter aujourd’hui la concurrence de dispositifs d’imagerie électronique beaucoup plus efficaces pour collecter la lumière, en particulier celle des
dispositifs à transfert de charge, ou CCD
(Charge Coupled Devices), dont le rendement atteint 60 à 80 % et qui possède de
nombreux atouts : leur réponse linéaire à
la lumière, leur bruit de fond très faible,
leur capacité à enregistrer simultanément
l’image d’objets d’éclats très différents,
leur miniaturisation et leurs signaux numérisés, bien adaptés au traitement par
ordinateur. La photographie reste inégalée pour la cartographie céleste et les recherches qui requièrent un grand champ ;
les dispositifs électroniques du type CCD
apparaissent, en revanche, mieux adaptés
à l’imagerie d’objets déjà localisés, partidownloadModeText.vue.download 43 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
43
culièrement s’ils ont une luminosité très
faible.
P.L.C.
ATGET Jean Eugène Auguste
photographe français
(Libourne 1857 - Paris 1927)
Orphelin à l’âge de quatre ans, il est ac-
cueilli par un oncle à Bordeaux, puis s’embarque comme marin pendant quelques
années. À son retour, en 1879, il entre au
Conservatoire d’art dramatique de Paris et
devient comédien en 1881. Il n’obtient pas
de grand succès, mais rencontre Valentine Delafosse, qui deviendra sa femme.
Il se tourne alors vers la peinture, puis la
photographie. Installé rue CampagnePremière, il entreprend de photographier,
en collectionneur, tout ce qu’il y a de typique, de pittoresque et d’artistique dans
Paris et ses environs. Il travaille avec une
lourde chambre à soufflet 18 × 24, qu’il
gardera toute sa vie, et utilise des plaques
de verre au gélatino-bromure d’argent. Sa
femme fait souvent les tirages. Ses photographies sont d’abord destinées aux
peintres ; il affiche sur sa porte : « Documents pour artistes ». Il vend des tirages
à Derain, à Braque, à Utrillo... mais aussi
à des organismes officiels : la Bibliothèque
historique de la Ville de Paris lui en achète
dès 1899, puis la Bibliothèque nationale, la
bibliothèque des Arts décoratifs, le musée
Carnavalet... Il prend ses photos au petit
matin, quand les rues et les places sont
désertes (Colonne Morris, place Saint-Sulpice ; place de la Concorde...). Il affectionne
particulièrement les cours (Cour, rue Broca, 41 ; Cour, rue Saint-Sauveur, 22), les
entrées (Hôtel, place des Victoires, 10 ;
escalier de l’Hôtel Le Lièvre, rue de Prague,
6), les passages, les détails architecturaux
(Paris, Notre-Dame, sous-bassement du
portail de la Vierge). Ses promenades lui
font traverser les jardins et parcs de Paris
et de la banlieue, dont il photographie
souvent les statues (Tuileries, Daphné par
Théodore). Il ira à Versailles, Saint-Cloud,
Sceaux, mais aussi plus loin, à Beauvais,
Rouen, Amiens, ramenant des images
des monuments et de la vie quotidienne.
Il s’intéresse beaucoup aux petits métiers
en voie de disparition (Porteuse de pain,
porte d’Asnières ; Chiffonnier du passage
Trébert...), aux marchés (boulevard EdgarQuinet), aux étalages. Il a d’ailleurs l’idée
de vendre aux commerçants des clichés de
la devanture de leur boutique. Il constitue
également des séries d’images de fleurs
(Ombelles), de voitures, d’animaux... Il
fait aussi des photographies sur les prostituées – dont des nus. Après la guerre de
1914-1918, pressé par la nécessité, il vend
à différents musées des images d’archives :
aux Monuments historiques, les photographies de bâtiments détruits pendant la
guerre, au musée des Beaux-Arts, 2 621
clichés groupés en deux séries, l’Art dans
le vieux Paris et Paris pittoresque. En
1921, il s’intéresse plus particulièrement à
l’art, statues et éléments décoratifs dans la
ville, salles du musée du Louvre. Man Ray,
enthousiasmé par certaines des photographies d’Atget, lui en achète une cinquantaine, dont il fait paraître quelques-unes
dans la Révolution surréaliste (dont Éclipse
de soleil, 1912, place de la Bastille, qu’il
sous-titre les Dernières Conversions, et
Marchand de corsets, boulevard de Strasbourg, qui illustre un récit de rêve). Les
surréalistes sont les premiers à avoir vu
dans les clichés d’Atget autre chose que
leur aspect documentaire : ils y lisent la
possibilité du dérapage dans l’imaginaire
à partir de ces fragments de réalité que
sont les photographies. B. Abbott*, alors
assistante de Man Ray, rencontre en 1926
Atget, qui finit sa vie dans la misère et la
tristesse (sa femme est morte cette annéedownloadModeText.vue.download 44 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
44
là) ; très séduite par son travail, elle acquiert une partie de ses tirages et négatifs,
et publiera aux États-Unis deux ouvrages
sur lui (dont The World of Atget en 1964).
Les photographes de la Nouvelle* Objectivité allemande s’intéressent aussi à son
oeuvre, surtout aux images comportant des
objets en séries, et présentent plusieurs
tirages à l’exposition Film und Foto* à Stuttgart en 1929. Depuis, quelles que soient
les interprétations qui ont été faites des
quelque 10 000 plaques qu’il a laissées, son
statut d’artiste est unanimement reconnu.
W. Benjamin*, dans Petite Histoire de la
photographie, fait son éloge, considérant
qu’il se situe hors de toute convention et
qu’il inaugure le regard moderne sur l’objet. Des expositions lui ont été consacrées
au M.O.M.A. à New York (1952, 1981), au
musée Carnavalet à Paris (1982, 1985)...,
et de nombreux ouvrages ont été publiés,
dont The Work of Atget (en 4 volumes), par
le M.O.M.A. entre 1981 et 1985.
Ch.B.
AUBERT François
photographe français
(Lyon 1829 - Condrieu 1906)
À l’âge de 25 ans, Aubert, alors élève à
l’école des beaux-arts de Lyon, s’embarque
pour l’Amérique centrale. Au Mexique, il
rencontre les photographes Jules Armel et
Mérille, qui l’initient à la photographie. En
1864, il achète le fonds d’Amiel et s’installe
à Mexico, où il réalise des photographies
de personnages officiels. Ses portraits « officiels » de personnalités et ses types « ethnographiques » font de lui un photographe
professionnel ; mais c’est l’écroulement de
l’Empire mexicain qui donne à Aubert l’occasion de participer à la naissance du photojournalisme* et d’entrer dans la légende
en réalisant un reportage exceptionnel :
l’arrestation et l’exécution de l’empereur
Maximilien et de l’impératrice Charlotte,
en 1867. En 1890, il quitte le Mexique pour
l’Algérie, où il photographie des bateaux de
guerre. Ses photographies sont conservées
en Belgique, dans les collections du musée
de l’Armée et à Paris (B.N.).
S.B.
AUBRY Charles Hippolyte
dessinateur et photographe français
(Paris 1811 - id. 1877)
Apprenti dans le dessin appliqué à l’industrie, il conçut pendant plus de 30 ans des
motifs pour les tapis, les papiers peints
et les produits manufacturés. En 1857, il
expose comme dessinateur à l’exposition
industrielle de Bruxelles. Il se lance dans
la photographie dans le début des années
1860 et monte en 1864 une société de
production de moulages en plâtre et de
photographies de plantes et de fleurs, qu’il
établit 8, rue de la Reine-Blanche, à Paris.
En 1864, il rassemble dans un grand album
un ensemble photographique d’études de
fleurs, Étude de feuilles, qu’il dédicace au
prince impérial. Sa firme s’effondre en
1865. À l’Exposition universelle de 1867,
il expose des plâtres et des photographies
d’objets d’art dans la section Application
du dessin et de la plastique aux arts usuels.
Il s’installe en 1869 à Mandres-les-Roses
(Seine-et-Oise) et construit un petit studio. En 1872, il rentre à Paris et jusqu’à
sa mort sa production reste minime et il
retire ses premiers négatifs. Son aventure
photographique, voulue à l’origine comme
une aide aux arts industriels, a produit
des natures mortes aux compositions très
étudiées représentant des fleurs en monochromie qui évoquent celles des peintres.
Elles dépassent le simple modèle utilitaire
serviteur de l’art décoratif pour atteindre
une dimension esthétique en soi. Son
oeuvre est représentée à Paris (B.N., musée
downloadModeText.vue.download 45 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
45
d’Orsay, bibliothèque du musée des Arts
décoratifs).
C.B.
AUTOCHROME
L’invention de l’Autochrome découle des
recherches de L. Ducos du Hauron* et de
la théorie de la trichromie*, qui permet
de restituer toutes les couleurs à partir de
trois couleurs du spectre, dont le mélange
optique – ou le mode de synthèse – est additif ou soustractif. Plus précisément, l’Autochrome est une application du principe
des réseaux colorés, qui combinent côte à
côte les trois couleurs de base. Les plaques
autochromes sont présentées par les frères
Lumière* à l’Académie des sciences le
30 mai 1904, et la première démonstration
publique a lieu le 10 juin 1907 au siège de
l’Illustration. Il s’agit d’une plaque de verre
sur laquelle on dépose un « filtre-mosaïque » trichrome, puis un vernis, puis la
couche de gélatino-bromure* d’argent photosensible. Le filtre-mosaïque est constitué
de grains de fécule de pomme de terre (10
à 15/1 000e de mm) colorés en orange, vert
ou violet. À l’exposition dans l’appareil, le
rayon lumineux atteint la couche sensible
après avoir été filtré par les grains colorés ;
au cours d’un double développement, l’impact de ce rayon, d’abord opaque, est inversé et laisse percevoir par transparence
les grains sélectionnés. La fabrication des
plaques autochromes a été longue à mettre
en oeuvre, car elle requiert une répartition
homogène des grains, un laminage sous
pression et un garnissage des interstices
par une poudre de charbon. Ces grains
seraient au nombre de 6 000 à 7 000 au
mm 2. Les plaques ont été disponibles dans
divers formats, dont 4,5 × 6 cm, 6 × 9 cm,
9 × 12 cm, 13 × 18 cm et les formats stéréoscopiques, 4,5 × 10,7 cm et 6 × 13 cm.
Peu rapides, elles ne permettent pas l’instantané* (de 2/10e de s à 1 s, au soleil), ce qui
impose l’usage d’un trépied. Les manipula-
tions de développement* sont cependant
accessibles à un amateur. La couche-image
étant très fragile, les Autochromes sont
doublés d’une seconde plaque de verre. Ils
ne peuvent être observés que par transparence ou par projection et demeurent une
image unique, non duplicable.
À partir de 1907, les Autochromes sont
en concurrence avec de nombreux autres
procédés à réseaux (Finlay, Paget, Dufay,
Jougla) qui apparaissent à la même époque,
mais ils sont seuls à s’imposer durablement
sur le marché ; en 1932, le procédé est disponible sur support souple.
Les meilleurs artistes du moment se passionnent un temps pour l’Autochrome.
A. Stieglitz*, E. Steichen*, H. Kühn* et
F. Eugene* le découvrent à Paris, en 1907,
et l’expérimentent aussitôt au cours de
vacances en Bavière : 40 pièces figurent
à l’exposition de photographie pictorialiste, à New York en 1909. La revue The
Studio publie en 1908 un numéro spécial
consacré à l’Autochrome, où l’on trouve
les oeuvres de J.C. Annan*, A.L. Coburn*,
Kühn, A.G. De Meyer*, G. Shaw*... Certains reporters l’adoptent, notamment
pour les besoins de l’illustration des rares
magazines qui peuvent se permettre des
reproductions en couleurs (L. Gimpel*
pour l’Illustration ; le National Geographic Magazine). Mais ce sont les amateurs
(aisés, car le prix de revient est relativement élevé) qui forment la cohorte des
utilisateurs : A. Personnaz*, Julien Girardin, J.H. Lartigue*, Jean Tournassoud ;
des fonds entiers restent certainement à
découvrir. La plus importante collection
documentaire est celle que réunit le financier Albert Kahn à Boulogne en envoyant,
au début du siècle, des collaborateurs du
Moyen-Orient à l’Extrême-Orient. L’Autochrome rapproche théoriquement la
downloadModeText.vue.download 46 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
46
photographie de la peinture par la prise
en compte de la couleur. Toutefois, cette
image d’un type nouveau ne trouve que
peu de débouchés, l’impression trichrome
sur papier n’étant pas assez développée
avant 1930 pour traduire la justesse des
couleurs de l’Autochrome.
M.F.
AUTOFOCUS
Se dit d’un système de mise au point automatique de la distance équipant un appareil* photo, une caméra, un appareil de
projection, etc.
Plusieurs sortes de dispositifs ont été
conçus, notamment pour obtenir la
mise au point automatique sur différents
matériels (appareils reflex ou compacts,
Caméscopes, projecteurs...). Certains,
dits actifs, possèdent un émetteur et un
récepteur de rayonnement. Ce peut être
un système électronique qui fait le point
en se basant sur le temps mis par des ultrasons à parcourir la distance émetteursujet-récepteur (cas des appareils Polaroid). Ce peut être aussi un dispositif
optoélectronique mesurant l’angle que
forme un rayon infrarouge en parcourant ce même trajet : angle variant avec
la distance à laquelle se trouve le sujet et
l’écartement séparant l’émetteur du récepteur sur l’appareil (cas des compacts
24 × 36 et de certains Caméscopes). Les
dispositifs autofocus les plus précis sont
intégrés aux matériels reflex (24 × 36 et
Caméscopes). Ils sont passifs et n’utilisent donc que la lumière transmise par
l’objectif de prise de vue. De tels systèmes sont constitués, pour l’essentiel,
d’un bloc optique et d’un senseur portant des microcellules qui transforment
l’énergie lumineuse en énergie électrique
d’intensité proportionnelle. Le signal
électrique ainsi obtenu est traité par un
microprocesseur pour commander un
micromoteur de mise au point.
S.R.
AUTOPORTRAIT
L’impossibilité d’être en même temps
le sujet qui cadre, choisissant l’instant
flatteur, et le modèle qui pose, explique
peut-être la rareté des autoportraits photographiques en buste – comme souvent
ceux des peintres : peur de rencontrer
soudain, en cette trace de réalité aléatoire, un « autre » soi-même, redouté ou
insoupçonné... (A.L. Coburn*, A. Stieglitz*
ont posé figés, sérieux...). Cependant, tout
photographe, ou presque, a fait au moins
un autoportrait ; certains, surtout récemment, basent même leur oeuvre sur cette
pratique ; mais la plupart se mettent en
scène, dans une attitude contrôlée, plus ou
moins symbolique. Désireux de s’affirmer
comme artistes, certains photographes ont
choisi de se représenter en peintres, face
à un chevalet, ou une palette à la main
(O.G. Rejlander* en 1871, E. Steichen* en
1901, J.H. Lartigue* en train de peindre
son autoportrait, un miroir à côté de lui, en
1923...). Mais l’affirmation de la photographie comme art à part entière a amené la
vague des autoportraits avec appareil photo (G. Krull* en 1925, A. Renger-Patzsch*
en 1925, Man Ray* en 1932, M. Tabard*
en 1942, Brassai* et son agrandisseur*...).
Avec la disparition des frontières entre les
arts, des combinatoires originales apparaissent : J. Le Gac* reconstitue, en autoportraits et textes, la vie d’un peintre imaginaire (années 1970), J. Vallhonrat* fait
en 1982 un Autoportrait à la manière de
Bacon, qu’il tire en très grand format, sur
papier toilé.
L’ombre et le miroir
Si la photographie est censée proposer un
reflet fidèle, elle permet aussi tous les jeux
downloadModeText.vue.download 47 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
47
avec le miroir, comme on le voit dès 1889
avec les autoportraits « transformistes »
(anamorphoses) de L. Ducos du Hauron*
ou de L. Gimpel* vers 1900. Le questionnement de sa propre image, rendu fascinant par la trace, indéfiniment renouvelable, d’une présence au monde toujours
déjà passée, peut devenir une activité
obsédante, narcissisme où se redoublent
l’être et le temps. Mais la distance à soimême, que D. Roche* rêve d’annuler dans
l’acte photographique, reste le plus souvent présente dans l’exhibition : ironie de
la critique sociale (F. Chevallier*, recueil
le Bonheur, 1993), représentation de sa
propre vie (N. Goldin*) ou, même, visage
imposé comme une évidence (A. Warhol*,
Coutelle). Transformer ses apparitions, sa
personne même en oeuvre d’art, comme
le font Gilbert &amp; George*, ou sculpter son corps comme A. Minkkinen* et
J. Coplans*, c’est tenter de s’approcher de
soi-même comme Autre. La rencontre de
son ombre (L. Friedlander*, recueil Autoportraits ; A. Tress*) ou de son double
(D. Michals*, Je suis un autre, 1973) peut
aussi manifester que l’autoportrait est la
recherche d’une impossible identité.
Métamorphoses
La projection dans l’imaginaire offre une
autre voie. Le rêve de se voir « multiple »
devient possible grâce aux trucages (Rejlander, S.I. Witkacy*, Michals, Tenneson
se représentent en double, W. Wulz* en
Moi + chat, M. Duchamp* sous cinq faces
dans Around the table...). Suivant ses fantasmes, le photographe, ayant recours à
maquillage, travestissement et accessoires,
peut se couler dans diverses identités, souvent stéréotypées. Plusieurs femmes ont
produit dans les années 1970-1980 des
séries de cette nature, souvent en couleurs,
où l’on peut lire aussi un regard critique
sur la société, parfois issu du féminisme :
Golden (Caméléon, 1975), J. Dater*,
Cowin*, et surtout C. Sherman*. Sur un
mode plus ludique, Man Ray s’est représenté en hindou, en prêtre..., Ontani en
Tarzan, Narcisse, Dante..., Hocks en géant
botté, Journiac en son père, puis sa mère.
L’expérience est pour certains beaucoup
plus intime, parfois poussée aux confins
de la schizophrénie ; s’y jouent identité et
fantasmes sexuels. P. Molinier* se photographie en travesti, en femme, en homosexuel ; C. Cahun* en homme, et, comme
U. Lüthi*, en androgyne... ; L. Samaras*
exhibe dans Album ses « autopolaroids »
érotiques.
Visages de la mort
Le rapport entre photographie et mort,
étudié par R. Barthes* dans la Chambre
claire, se déploie dans l’autoportrait
jusqu’à devenir chez les artistes contemporains un jeu avec l’autodestruction. On
passe de la simple présence de symboles
de la mort (ossements, crânes chez Nadar*
et chez A.S. Adam-Salomon*, vers 1860),
ou de l’humour noir (H. Bayard*, les surréalistes), à de véritables interventions
sur les corps, devenus le lieu de l’activité
artistique. Chez les actionnistes* viennois
(R. Schwarzkogler*, Brus, Nitsch, Muehl),
comme dans les happenings de l’art corporel, le corps de l’artiste est présenté réellement souffrant, frôlant la mort jusqu’à
la rejoindre. La photographie permet de
garder une trace du rituel d’automutilation. La relation à la mort se vit aussi, dans
le regard lucide sur le moi qui constate –
parfois en l’orchestrant – la dégradation du
corps. L’image retrouve alors toute sa symbolique, comme dans le dernier autoportrait de R. Mapplethorpe* avec canne à tête
de mort, ou chez A. Rainer* (Face-Farces,
1968) et Braeckman, qui maculent leurs
photographies l’un de grandes traînées
de peinture colorée, l’autre de révélateur.
L’image du visage et/ou du corps, morcelés
ou entiers, momies, êtres monstrueux ou
downloadModeText.vue.download 48 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
48
antéhistoriques, en décomposition ou pris
dans la matière originelle (Bonfert, D. Appelt*), témoigne d’une interrogation sur la
mort comme horizon et origine de la vie.
L’autoportrait devient ainsi le moyen privilégié de représenter l’indicible. Plusieurs
expositions ont été consacrées à l’autoportrait, dont Autoportraits photographiques,
1898-1981 (Centre Georges-Pompidou), à
Paris en 1981 ; Autoretrato ¿Narcisismo o
provocación? à Madrid en 1987 (Círculo de
Bellas Artes).
Ch.B.
AVEDON Richard
photographe américain
(New York 1923)
Dès son enfance, Avedon est en contact
avec la mode et la photographie. Son père
est propriétaire d’un magasin pour dames,
sa mère collectionne les revues de mode
et la pratique de la photographie est un
loisir familial. Avedon photographie sa
jeune soeur et punaise sur les murs de sa
chambre des images de M. Munkacsi* déchirées dans Harper’s Bazaar*. En 1942, il
accomplit son service militaire dans le département photo de la marine marchande
américaine et, en 1945, présente son portfolio à celui qui deviendra son mentor,
A. Brodovitch*, directeur artistique de
Harper’s Bazaar. Dès lors, Avedon entame une collaboration qui durera vingt
ans avec cette revue. En 1946, il ouvre son
propre studio. À partir de 1950, il travaille
en indépendant pour Life*, pour Look et
pour Graphis et, de 1952 à 1955, est rédacteur et photographe pour Theater Arts. En
1966, il est débauché par Vogue*, pour qui
il travaille encore. Il collabore également
à la luxueuse revue Égoïste et réalise de
nombreuses campagnes publicitaires.
Avedon est, avec I. Penn*, le photographe
de mode* le plus marquant des années
1950 et il domine longtemps ce genre. Il
présente la femme et la mode avec fraîcheur et simplicité. Il introduit dans son
travail un élément nouveau, la personnalité du mannequin, qui est souvent à l’origine d’innovations. Ses modèles sont des
femmes belles, élégantes et diablement
vivantes : elles s’agitent et rient à l’extérieur des studios. Cependant, cette vitalité
et cette exubérance sont savamment orchestrées. Dans les années 1960, Avedon,
dans sa quête de la simplicité et de la vérité, isole ses modèles dans un studio vide,
devant un fond blanc, sous une lumière
plate, et se consacre à l’étude du mouvement en faisant abstraction de toute narration. Il est ainsi le premier à combiner la
tradition statique du studio et le mouvement. Il agit de même pour ses portraits,
qui sont sa seconde activité. Il arrache le
sujet à son environnement et le photographie, avec une précision chirurgicale, à la
chambre 20 × 25 cm, frontalement, sur un
fond blanc et souvent plein cadre. Dans ce
contexte, il crée une confrontation entre
le photographe et l’homme. Cette tension
permet à Avedon de capter la vérité d’un
être dans son rapport avec le monde, et
le spectateur ressent le portrait plus qu’il
ne le voit. En observateur lucide de la
société, Avedon s’intéresse à la « géographie émotionnelle » du visage et du corps.
En 1993-1994, une rétrospective de son
oeuvre est présentée à New York (Whitney
Museum) puis voyage à Milan, Cologne et
Los Angeles.
N.C.
AYERZA Francisco
photographe argentin
(actif entre 1870 et 1900)
Photographe amateur, Ayerza est le pionnier de l’illustration de livres sur des
thèmes littéraires. Il a illustré de ses phodownloadModeText.vue.download 49 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
49
tographies un roman de José Hernández,
Martín Fierro, publié entre 1872 et 1879,
dates qui correspondent à sa période de
plus intense activité. Il travaille dans cette
discipline de 1885 à 1900, se consacrant à
la littérature de l’Amérique latine. Cependant, la plupart de ses photographies personnelles n’ont pas été publiées. Il est reconnu par les personnalités de son époque
et dans son milieu professionnel, qui lui
rendent un hommage mérité. À partir de
1894, il entreprend des voyages à travers la
campagne argentine et réalise des scènes
de genre qui sont de véritables scénographies. Il distribue les rôles, femmes en
costumes de ville et homme habillés en
paysans se retrouvant dans des cours de
fermes et dans des banquets campagnards
très pittoresques.
V.E.
downloadModeText.vue.download 50 sur 634
50
B
BACOT Edmond
photographe français
(? 1814 - ? 1875)
Après avoir étudié la peinture dans l’atelier
du peintre Paul Delaroche, Bacot passe à
la photographie vers le milieu des années
1840 : on a de lui une vue du Panthéon de
1846. Il s’installe à Caen, d’où il est originaire, pratique le calotype* mais surtout
la photographie à l’albumine* ou au collodion*. Il est un des pionniers de la photographie instantanée*, et la marine qu’il
présente à l’Académie des sciences en 1851
fait sensation. Il réalise une série de vues
de Caen (1851) et de Rouen (1853) influencées par la redécouverte de l’art roman et
gothique, dans l’esprit de la Mission* héliographique. Sa Vue de la cathédrale de
Caen présentée à l’Exposition universelle
de 1855 lui vaut les éloges de la critique.
Il est alors considéré comme un des meilleurs photographes normands, ami de
A. de Brébisson*, dont il réalise un beau
portrait. En décembre 1852, grâce aux
milieux républicains normands, il rend
visite à V. Hugo*, alors en exil à Jersey et
qui souhaite s’initier à la photographie. En
mars 1853, Charles, le fils du poète, passe
quinze jours chez lui à Caen pour prendre
des leçons. Cette relation prestigieuse sti-
mule Bacot ; le goût d’Hugo pour l’architecture médiévale, ses écrits, ses dessins
influent peut-être sur son style. C’est à
cette époque qu’il produit ses plus belles
photographies.
En juillet 1862, invité à Hauteville House,
la maison des Hugo à Guernesey, il réalise
une soixantaine de vues stéréoscopiques :
portraits, intérieur de la maison, repas des
enfants pauvres, etc., qui constituent le
premier reportage sur la vie intime et familiale d’un grand écrivain. Il est représenté
dans plusieurs collections en France, à Paris (Bibliothèque nationale, Société française de photographie et musée d’Orsay).
S.A.
BAGUE-ALLONGE
Tube métallique équipant les appareils
reflex mono-objectifs, qui, s’intercalant
downloadModeText.vue.download 51 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
51
entre le boîtier* et l’objectif*, permet d’allonger la distance séparant l’objectif du
film, et ainsi de faire la mise au point sur
les sujets rapprochés. On nomme aussi cet
accessoire tube-allonge. Il en existe de différentes longueurs.
S.R.
BAILEY David (David Royston
Bailey, dit)
photographe britannique
(Londres 1938)
Élevé dans le quartier populaire de l’East
End londonien et nourri de cinéma et de
jazz, Bailey, autodidacte en photo, devient
en 1959 l’assistant du photographe de
mode* londonien John French. Dès 1960, il
travaille sous contrat avec Vogue* comme
photographe de mode et en indépendant
pour le Daily Express, le Sunday Times, le
Daily Telegraph, Elle ou Glamour. Tout à
coup, il devient célèbre. Dans le « swinging
London » de la contre-culture des années
1960 et sur le modèle de la rock star, le
jeune Bailey est l’incarnation du mythe
du « photographe-héros ». Il photographie comme il vit, sur fond de musique et
de sexe. En 1967, il sert de prototype au
photographe du film d’Antonioni Blow
Up. Les images de Bailey, très influencées
par le cinéma, surtout celui de la Nouvelle
Vague, sont empreintes de fraîcheur et de
spontanéité, grâce au naturel des modèles :
« Mes photos sont dépourvues de style,
déclare-t-il, mais mes modèles en ont un. »
Dans les années 1960, il réalise aussi des
films publicitaires et des documentaires,
notamment sur C. Beaton*, A. Warhol*
et Visconti. À partir de 1969, Bailey continue de remplir des contrats de mode et
de publicité, mais sa curiosité naturelle
le porte à photographier des paysages, de
l’architecture, des natures mortes, des nus.
Il se spécialise dans le portrait*, abordé
dès 1964 en réaction à la photographie de
mode. En 1984, le V.A.M. de Londres lui
consacre une grande exposition.
N.C.
BAILLY-MAÎTRE-GRAND
Patrick
photographe français
(Paris 1945)
Après des études scientifiques et une courte
activité picturale, Bailly-Maître-Grand est
conduit, vers 1979, à la photographie. Il redécouvre en 1982 le procédé ancien du daguerréotype et il réalise des vues urbaines et
statiques orientées vers le rendu des ombres
et de la lumière, parfois dans de très grands
formats. En 1986, revenant à la pratique du
tirage sur papier, il explore une technique
de prise de vue en mouvement, la « périphotographie », dont il applique le procédé
à une série d’animaux naturalisés, images
fantastiques, à la beauté inquiétante et ironique (Formol’s Band, château d’Oiron).
L’expérimentation renouvelée toujours par
séries de procédés photographiques anciens – rayogramme*, solarisation*, virage*
– traduit la fascination portée par l’artiste
à l’égard des phénomènes de minéralisation
dans le rendu des paysages, des objets ou
des visages (les Véroniques, 1992).
À plusieurs reprises, Bailly-Maître-Grand
a approfondi les principes optiques de la
camera obscura* en réalisant diverses installations qui manifestent la réinterprétation constante des pratiques liées à l’histoire originaire de la photographie.
F.D.
BALAGNY Georges
photographe français
(Paris 1837 - id. 1919)
Élève au lycée Louis-le-Grand, ce fils de notaire se prend de passion pour la chambre*
downloadModeText.vue.download 52 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
52
noire. Le bris de ses clichés pendant un
voyage l’incite à expérimenter à partir de la
fin des années 1880 un papier pelliculaire
de son invention, puis des plaques souples
(exemplaires à Paris, B.N.). Des dizaines
d’articles et de plaquettes, sa participation
fréquente à des congrès et à des expositions, son concours à la création de sociétés (fondation de la Société d’excursion des
amateurs photographes en 1887) en font
alors une personnalité connue du monde
photographique. Adhérent de la S.F.P.*
(1875), il y propose près de 150 communications souvent agrémentées d’images
qu’il obtient à la belle saison en essayant de
nouveaux procédés. Les 21 vues de la forêt
de Fontainebleau déposées sous forme de
tirages sur papier albuminé* 32 × 26 cm
à Paris (B.N.) en 1877 le montrent aussi
féru de technique qu’amateur de beaux
paysages : chaos imposants, colosses végétaux, dessous de bois touffus.
B.M.
BALDESSARI John
ar tiste américain
(National City, Californie, 1931)
Étudiant au San Diego State College de
1949 à 1957, Baldessari réalise des tableaux en expérimentant le rapport entre
peinture et langage. Ses premières réalisations datent de 1957. En 1963, il privilégie
le médium photographique et commence
à produire de nombreux films vidéo. Le
musée californien de La Jolla lui consacre
en 1960 sa première exposition personnelle. À partir de 1971, son oeuvre est
régulièrement présentée en Europe. Il est
l’auteur de pièces photographiques exploitant images cinématographiques et télévisuelles à travers la pratique du montage.
Ses photographies sont extraites de films
de série B, de « serials ». Sa réflexion porte
sur le statut et l’impact des images médiatisées. L’artiste propose des associations de
reproductions, provoquant une véritable
déconstruction des signes visuels et textuels. Il fait ainsi apparaître des images qui
opèrent comme des stimuli sur l’inconscient ou l’imaginaire. Le spectateur participe à la lecture des montages d’images
à travers les affects qu’ils véhiculent. Baldessari est également l’auteur d’écrits et de
livres réunissant ses photographies.
S.C.
BALDUS Édouard Denis
photographe français d’origine allemande
(Grunebach, Prusse, 1813 - ? 1882)
D’abord peintre portraitiste, il vient en
France en 1838, et se consacre à la photographie une dizaine d’années plus tard.
En 1851, il est l’un des cinq photographes
de la Mission* héliographique, chargée de
rapporter des images à la fois documentaires et artistiques du patrimoine français, commandée par la Commission des
Monuments historiques. Il se voit confier,
à partir de Fontainebleau, la Bourgogne, la
vallée du Rhône, le Dauphiné, la Provence.
Il ramène une centaine de négatifs papier
(sur lesquels il a passé de la gélatine iodurée pour obtenir une meilleure définition).
Déjà ses photographies, d’une composition
très équilibrée, négligent le pittoresque au
profit d’une vision large de l’espace. Ses
images d’architecture, d’une très grande
précision, conservent cependant le charme
romantique des ruines : Théâtre romain
d’Arles, où l’étagement des plans rend bien
la profondeur du lieu ; Amphithéâtre, vue
de l’enceinte extérieure, Nîmes, traité en panorama à partir de deux négatifs mis côte
à côte. D’autres commandes s’ensuivront ;
il réalise plusieurs séries de photographies,
des monuments parisiens en 1852, et des
travaux du nouveau Louvre entre 1855 et
downloadModeText.vue.download 53 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
53
1858 (plus de 1 200 vues, détails et plans
d’ensemble)... Mais il s’intéresse aussi au
paysage, et revient d’un voyage en Auvergne avec des clichés de nature dont il
présentera certains à l’Exposition universelle de 1855. Cette année-là, le baron de
Rothschild lui demande de faire un repor-
tage sur les chemins de fer pour l’offrir à
la reine Victoria : en seulement trois jours,
il produit l’album Chemin de fer du Nord,
ligne de Paris à Boulogne, qui comprend
50 planches. En 1856, l’État lui commande
un travail sur les inondations du Rhône :
des images de Lyon montrent des maisons effondrées, des gravats... ; d’autres,
près d’Avignon, des terrains dévastés par
l’eau. En 1859, il fait un second album
sur les transports ferroviaires : Chemin
de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, regroupant des photographies prises
entre Lyon et Toulon, de gares (Lyon, gare
de Perrache), de voies ferrées (Entrée de
Robinet à Viviers-sur-Rhône), de tunnels
(Vienne, entrée du souterrain), mais aussi
de paysages (Bandol) et de vues générales
(Avignon)... Il utilise, comme la plupart du
temps, des négatifs de grand format – de
30 × 40 cm à 40 × 50 cm – qu’il retouche
parfois au lavis.
Dans les années 1850, certaines de ses
photographies, comme Moulin à Enghien,
sont éditées en vues stéréoscopiques. En
1860, il s’installe rue d’Assas (au 25, puis au
17) et exploite son fonds, à partir duquel il
réalise des gravures héliographiques. Il ne
cesse d’améliorer sa technique, obtenant
une gamme de gris très étendue.
Il est présent à l’Exposition universelle de
Londres en 1862, à celle de Paris en 1867,
et aussi au palais de l’Industrie en 1869 et
1874, avec la S.F.P., dont il est membre.
Son fils, James Édouard Théodore, né en
1848, a collaboré un moment avec lui. Une
importante exposition organisée par le
musée d’Orsay, envoyée d’abord au Metropolitan Museum de New York puis à Montréal en 1994, sera présentée au public à
Paris en 1995.
Ch.B.
BALTERMANS Dimitri
Nikolaievitch
photographe russe
(Moscou 1912 - 1990)
Baltermans étudie les mathématiques
à l’université de sa ville natale de 1928 à
1933, puis enseigne la géométrie analytique dans une école militaire. Autodidacte en photographie, il commence cette
discipline à partir de 1936. Photoreporter
dans l’Armée rouge, correspondant du
quotidien Izvestia et de Na Razgrom Vara-
ga de 1940 à 1945, il publie de nombreux
articles sur la guerre et se voit attribuer
le titre de Soldat-photographe. Pendant
toute cette période dramatique, il est en
première ligne pour témoigner dans les
tranchées. Ses cadrages vous plongent directement sur les lieux du drame et accentuent l’atmosphère tragique. Il montre les
survivants près des morts sur les champs
de bataille et les soldats courant qui tirent
sur un ennemi invisible comme dans cette
image célèbre, l’Attaque. Il photographie
les sièges de Moscou et de Sébastopol, la
bataille de Stalingrad, la libération du sud
de la Russie et de la Pologne, pour terminer
à Berlin. À cette époque, son pays ne voulant pas de ces images de désespoir, il ne
les sort de ses archives qu’en 1945, quand
il devient reporter en chef pour Ogonek.
Il obtient le deuxième prix à l’Exposition
mondiale de la photographie à Hambourg
en 1965, puis le Mérite culturel du travailleur de la Russie en 1970. La Guerre russe
fait l’objet d’expositions à travers le monde
– en Tchécoslovaquie, Grande-Bretagne,
Italie, États-Unis – et de publications
dans Time-Life, Stern, Paris-Match, qui
downloadModeText.vue.download 54 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
54
le consacre comme le « Robert Capa* »
soviétique. Pour cet homme pacifiste, une
compréhension humaine de la guerre doit
devenir une nécessité dans le contexte
international.
V.E.
BALTZ Lewis
photographe américain
(Newport Beach, Californie, 1945)
Baltz pratique la photographie depuis
1956. Étudiant au San Francisco Art Institute en 1967, il réalise à cette date les
Prototypes Works puis, en 1971, les Tract
House, des photographies de maisons
préfabriquées, qui sont l’objet, la même
année, de sa première exposition personnelle à la galerie Leo Castelli de New York.
La dépression de la société industrielle, ses
résidus constituent le thème dominant de
son oeuvre. Particulièrement attentif au
phénomène d’entropie, de dégradation des
sites, Baltz propose une image photographique qui n’en dresse pas le constat docu-
mentaire, mais qui construit une véritable
esthétique. Les vues de détail, les agrandissements, l’image des matériaux – qu’il
s’agisse de gaines ou de fils électriques, de
déchets à l’intérieur de terrains vagues –
sont soumis à un réel traitement photographique à travers la lumière, les noirs et
les blancs. Baltz est également l’auteur de
photographies où se côtoient le paysage
et l’habitat dans la mémoire de l’oeuvre de
W. Evans* (Near Reno, 1986). La Ronde de
nuit (1992) est présentée à Paris (Centre
Georges-Pompidou) sous la forme d’un
mur de photos qui rend compte de l’univers des technologies actuelles : l’objectif*
se substitue à la caméra d’une télévision
de surveillance. La photo se confond alors
avec un dispositif policier et autoritaire. De
nombreuses expositions ont présenté Baltz
aux États-Unis, à New York (M.O.M.A.) en
1972, à Washington (Corcoran Gallery of
Art) en 1974. Elle est exposée en Europe
depuis le milieu des années 1970 à Amsterdam (Stedelijk Museum) en 1992 et à
Paris (musée d’Art moderne de la Ville) en
1993.
S.C.
BARBIERI Gianpaolo
photographe italien
(Milan 1940)
G. Armani, le styliste italien qui a renouvelé, à la fin des années 1970, le prêt-àporter, écrit, non sans un accent de regret :
« Barbieri est un très grand photographe
de mode, mon travail n’est pas assez stylisé
pour lui. » Très peu de livres et d’expositions ont été consacrés à ce grand metteur
en scène de l’image fixe, en noir et blanc et
en couleur, qui préfère les pages satinées
des journaux à celles, plus définitives, du
livre. Les plus grands magazines de mode
se sont arraché ses photos et, devant chacune d’elle, on s’étonne de sa capacité à
construire un récit aussi dense et parfait. S. Moon* déclare qu’elle ne peut pas
photographier si l’image qu’elle recherche
ne fait pas partie d’une histoire qu’elle se
raconte. De même, les images de Barbieri
sont des fenêtres sur un film virtuel qu’il
serait en train de tourner et dont il nous
révèle la scène principale. Les lumières,
cinématographiques dans leur intensité
et leur cadrage, le décor et les attitudes
évoquent le cinéma des mythiques années
1940. Ses débuts en tant que comédien,
à l’issue du conservatoire, avec Luchino
Visconti et ensuite son assistanat parisien
avec Tom Kublin ont contribué à former
le regard théâtral qu’il porte sur la femme,
dont il exalte une beauté lointaine, à l’instar de certaines héroïnes de Visconti. Ses
images ont enchanté Yves Saint Laurent
et Valentino, pour qui il travaille souvent.
downloadModeText.vue.download 55 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
55
Fixé depuis
chelles, il
îles en les
identique à
quelques années aux îles Seyphotographie les habitants des
plongeant dans une atmosphère
celle de ses images de mode.
S.R.
BARNAK Oscar
ingénieur allemand
(Lynow, Brandenburg, 1879 - Bad
Nauheim 1936)
La naissance du photoreportage est communément attribuée aux développements
techniques, et particulièrement à l’invention du Leica (35 mm), mis sur le marché
en 1924. C’est Barnak – de la maison Leitz,
à Wetzlar – qui a développé cet appareil
miniature en 1913. Le Leica permet à la
fois une grande précision de l’image dans
une lumière réduite, la pose instantanée
et l’avance rapide du film. Enfin, il donne
la possibilité de prendre une succession
de clichés (36 poses) sans changer de film
et – par la rapidité – de saisir l’action sans
attirer l’attention du sujet.
M.C.
BARNARD George N.
photographe américain
(1819 - 1902)
Barnard est le premier à obtenir une photo
qui s’apparente au genre journalistique,
réalisant par la suite de véritables « reportages » lors de la guerre de Sécession. Il
commence sa carrière de photographe
comme daguerréotypiste à Syracuse dans
l’État de New York entre 1851 et 1854. On
mentionne qu’en 1853 il est secrétaire de
la New York State Daguerrian Association.
C’est à Oswego qu’il réalise le premier
reportage photographique, au daguerréotype*, alors que le feu embrase un silo à
grains. Lorsque la guerre de Sécession
éclate, Barnard est engagé par l’Armée de
l’Union pour reproduire cartes et plans
et, quand l’occasion se présente, il photographie des champs de bataille après le
combat. En effet, le procédé complexe du
collodion rend difficile sinon impossible
à l’époque une prise de vue sous le feu de
l’action. Aussi Barnard photographie-t-il
les installations militaires éloignées des
lignes de front, les soldats quand ils ne
se battent pas mais aussi les ruines, toute
trace qui fait état de la guerre dévastatrice.
Des nuages rajoutés à l’original suivant le
principe de « ciel rapporté » au moment du
tirage renforcent le caractère dramatique
de ses photos. De même que A. Gardner*,
il décide de travailler en indépendant afin
de pouvoir signer les photographies qu’il
réalise. En 1864, Barnard voyage avec l’armée de Sherman, qu’il accompagne dans
sa « march to the sea » ; 61 photos seront
publiées sous le titre Photographic Views of
Sherman’s Campaign en 1986. A.T. Antony et Harper’s Weekly éditeront ses photos. La même année Gardner fait paraître
Gardner’s Photographic Sketch Book of the
War : 7 photos de Barnard seront publiées,
autant d’images qui imposent une approche contemplative et rétrospective de
la guerre.
A.Ma.
BARROW Thomas
photographe américain
(Kansas City 1938)
Élève de A. Siskind* à l’Institut of Design
de Chicago de 1965 à 1967, il est en même
temps membre de l’équipe de la George
Eastman House jusqu’en 1972. C’est pendant ses études qu’il réalise ses premiers
photogrammes* à partir de magazines. En
1968, Barrow commence à faire des travaux en utilisant la photocopieuse Verifax,
qui lui permet de continuer ses recherches
sur la juxtaposition d’images. ParallèledownloadModeText.vue.download 56 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
56
ment, il commence les séries Pink Stuff et
Pink Dualities, photographies en paires
qui explorent la nature de la vision photographique. S’inspirant de la méthode
classique de l’imprimeur qui efface les
plaques pour limiter une édition, sa série
Cancellations (1973), photographies topographiques de paysages urbains, est réalisée à partir de négatifs qu’il barre d’une
croix. En 1977-1978, l’artiste travaille sur
Libraries, des clichés de différentes bibliothèques. Sa volonté de trouver des alternatives à la photographie se poursuit : dans
Spray Photograms, images sur lesquelles il
passe de la laque pour voiture (1978), dans
Caulked Pieces, des clichés de paysages
tourmentés réassemblés avec des agrafes
et de la colle (1979) et, plus récemment,
dans ses oeuvres sculpturales commencées
en 1982. Au-delà d’une approche conceptuelle, Barrow est également pictural ;
son travail couvre une très grande variété
de techniques et de matériaux dont le fil
conducteur est la nature de la photo ellemême, la manière dont elle rend l’information (Self-Reflexive, 1978, San Francisco,
Museum of Modern Art). Pour cela, l’artiste utilise les techniques classiques, auxquelles il adjoint une multitude de procédés, tels le verifaxing, la photolithographie
– qui s’adapte indifféremment à la reproduction de clichés photographiques, de
montages, de collages – le Polaroid*, etc.
En 1973, il est nommé directeur associé du
musée d’Art de l’université du NouveauMexique, à Albuquerque, et, à partir de
1976, il enseigne à plein temps au département d’art. Il est représenté dans de nombreuses collections, entre autres à New
York (M.O.M.A.) et à Rochester (George
Eastman House).
M.C.
BARTHES Roland
critique français
(Cherbourg 1915 - Paris 1980)
Après plusieurs articles consacrés à la
photographie dans une perspective sémiologique, Barthes présente son ultime
ouvrage, la Chambre claire (1980), comme
une « Note sur la photographie ». Selon
les voies d’une « phénoménologie désinvolte », il se propose de dégager une spécificité de la photographie en distinguant
trois niveaux de sens dans les images :
le niveau informatif non codé ; le niveau
symbolique intentionnel – le « sens obvie » du « Troisième sens » (1970) devenant ici le studium – ; et le punctum – le
« sens obtus ».
Le punctum est ce qui, dans un détail sou-
vent infime d’une photographie, vient provoquer le trouble chez le spectateur. Impromptu et aléatoire, il n’est pas de l’ordre
de la production, mais de la réception de
l’image. Alors que le studium suppose un
investissement (appliqué) du spectateur,
un mouvement vers l’image, le punctum,
lui, « part de la scène, comme une flèche ».
« Le punctum d’une photo, c’est ce hasard
qui, en elle, me point (mais aussi me meurtrit, me poigne). » Si la Chambre claire
s’impose de fait comme une alternative
aux thèses de Walter Benjamin et de Pierre
Bourdieu, la posture choisie par Barthes
est toutefois celle du sujet qui n’obéit qu’à
sa subjectivité, qu’à ses émotions, et qui a
renoncé aux méthodes, savoirs et discours
scientifiques de la sociologie, de la sémiologie et de la psychanalyse. Sujet solitaire
au-delà de la science, mais aussi en deçà de
la photographie.
S’étant situé radicalement à l’extérieur de la
photographie, les images lui apparaissent
le plus souvent plates, minces, sans épaisseur, et détachées des procédures photographiques qu’il ignore délibérément.
downloadModeText.vue.download 57 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
57
Barthes ne voit pas l’épaisseur des images
dont il néglige l’écriture, les formes, la
matérialité, les aspérités, ou ce « grain »
matériel ou formel, sensuel et charnel,
qu’il sait pourtant si bien découvrir ailleurs
– dans la voix, le texte, la musique, etc.
Aussi le punctum d’une photographie ne
provient-il jamais, dans les exemples qu’il
en donne, d’une forme ou d’une matière
photographique, mais toujours d’un détail
du réfèrent. En fait, la pensée de Barthes
est fortement marquée par le mythe de la
photographie comme « pure dénotation ».
En 1961, dans son article « Le message
photographique », il voit dans toute photographie « la coexistence de deux messages,
l’un sans code et l’autre à code » – le code
étant constitué par ce qu’il désigne comme
« l’“art”, ou le traitement, ou l’“écriture”, ou
la rhétorique de la photographie ».
Trois ans plus tard, en 1964, la « Rhétorique de l’image » reprend et développe
l’idée en scindant le procès de production
de l’image photographique en deux phases
successives : la « pure dénotation », puis
la connotation ; d’un côté, l’enregistrement
mécanique et, de l’autre, les « interventions de l’homme » ; le non-code naturel
et le code culturel. Mais, surtout, « Rhétorique de l’image » introduit l’« avoir-étélà », et reconnaît dans la photographie une
catégorie nouvelle de l’espace-temps, locale immédiate et temporelle antérieure :
« La photographie installe non pas une
conscience de l’être-là de la chose (que
toute copie pourrait provoquer), mais une
conscience de l’avoir-été-là. »
Enfin, en 1970, l’article « Le troisième
sens », consacré à quelques photogrammes
de Eisenstein, distingue dans les images
non plus deux, mais trois niveaux de sens.
Au-delà du niveau informatif (celui de la
communication), au-delà du niveau symbolique (le « sens obvie » des sciences du
symbole : la psychanalyse, l’économie, la
dramaturgie), « hors de la culture, du savoir, de l’information », Barthes reconnaît
un « autre sens, le troisième, celui qui vient
“en trop”, comme un supplément que [son]
intellection ne parvient pas à bien absorber, à la fois têtu et fuyant, lisse et échappé,
[il] propose de l’appeler le sens obtus ».
En 1970 est ainsi esquissée la posture
adoptée dans la Chambre claire : celle du
troisième sens, celle du punctum. Non pas
le niveau de la communication (le premier
sens), à peine celui de la signification (le
sens symbolique), mais, radicalement, le
troisième niveau que, après Julia Kristeva,
il nomme la « signifiance ».
A.R.
BARTHOLDI Auguste
artiste français
(Colmar 1834 - Paris 1904)
Mondialement célèbre pour sa statue de
la Liberté, le statuaire et sculpteur Bartholdi compte à son actif de nombreuses
autres oeuvres d’importance (Lion de Belfort). Son goût du colossal lui serait venu
d’un voyage de jeunesse en Égypte et dans
l’Arabie Heureuse, réalisé avec le peintre
Léon Gérôme en 1855-1856. Outre une
importante série de croquis, il en rapporte une centaine de négatifs sur papier,
dont les tirages positifs sont exécutés en
France à son retour.
Non publiés et restés méconnus du pu-
blic, ces calotypes*, actuellement conservés à Colmar, font l’objet ces dernières
années d’un regain d’intérêt justifié.
Abandonnant complètement le projet initial de photographier les types humains,
Bartholdi enregistre essentiellement les
aspects pittoresques de l’Égypte contemporaine : maisons, bazars, cafés, cours,
boutiques, paysages. Il ne réserve qu’un
cinquième environ de sa production aux
downloadModeText.vue.download 58 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
58
grands monuments antiques, dont, bizarrement, pyramides et sphinx sont absents.
La hardiesse des cadrages serrés, le graphisme des formes, l’équilibre des masses
aux forts contrastes de lumière et d’ombre,
le jeu des motifs répétés et l’émergence
de la matière sous des éclairages rasants
confèrent à ses images une qualité incontestable. Leur puissance esthétique, devançant la simple représentation documentaire, est pourtant desservie parfois par
une technique hésitante. Abandonnant la
pratique, Bartholdi, par la suite, utilise cependant encore beaucoup la photographie
comme support préparatoire et publicitaire pour son oeuvre plastique.
C.K.
BASILICO Gabriele
photographe italien
(Milan 1944)
Basilico est d’abord diplômé d’architecture, en 1973. Pourtant, dès 1975, il opte
pour la photographie et s’y consacre en
professionnel, alternant reportages à caractère social et travaux commerciaux. Il
mène une recherche originale sur la photographie d’architecture*. Il explore le paysage contemporain : les villes et les ports,
les quartiers industriels et populaires,
l’Italie et la France. Il se fait connaître des
autorités culturelles et du grand public
par des publications nombreuses. En 1982
paraissent Milano, ritratti di fabbriche et
Naples 82, cité de la mer. Il participe en
1984 à la Mission photographique de la
D.A.T.A.R., choisissant de représenter le
littoral du nord de la France. Vedute (1987)
est le titre d’une exposition en Arles et
d’une publication. Portrait of a Landscape
paraît en 1988. Porti di mare obtient en
1990 le prix du Mois de la photo à Paris.
Basilico manie magistralement le langage
structural de la photographie. Il porte un
regard objectif sur les constructions. Par
une prise de vue frontale, il découpe les
masses, utilisant la lumière matinale pour
modeler les formes. Architecte et photographe, Basilico est aussi un architecte de
la photographie.
M.M.
BATHO Claude
photographe française
(Chamalières 1935 - Paris 1981)
Après des études d’arts appliqués et de
photographie à Paris, elle devient en 1957
photographe aux Archives nationales.
Elle y rencontre J. Batho*, avec qui elle se
marie en 1963. Sa personnalité artistique
s’affirme à la fin des années 1960 quand
elle enregistre des impressions fugitives,
en noir et blanc exclusivement ; elle capte
l’interrogation contenue dans le regard
des enfants ; elle photographie ce qui l’entoure : son appartement, les préparatifs du
repas, un tricot oublié, des voisines... les
témoins d’une vie simple qu’elle partage
avec la plupart des femmes. En effet, Batho
poursuit sa recherche artistique en assurant ses tâches ménagères et en travaillant.
La délicatesse de la lumière et le velouté de
ses ombres donnent sa poésie à cet univers
que révèle le Moment des choses, album
publié en 1977 aux Éditions des Femmes.
La photographie est intimement mêlée à
l’existence de Batho, dont certains clichés
montrent les tirages* en train de sécher
dans sa salle de bain ; l’autobiographie de
l’auteur s’esquisse à travers la présence
silencieuse des choses. En 1980, alors que
le cancer dont elle souffre devient inexorable, son travail dans le jardin de Monet
à Giverny constitue une sorte d’adieu.
L’année suivante, Batho disparaît en laissant l’un des plus parfaits témoignages de
la sensibilité de son temps ; le M.A.M. de la
downloadModeText.vue.download 59 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
59
Ville de Paris lui a consacré une exposition
rétrospective en 1982.
P.A.
BATHO John
photographe français
(Beuzeville, Eure, 1939)
Batho se forme en autodidacte tout en
exerçant sa profession de restaurateur aux
Archives nationales. En 1963, il épouse
la photographe Claude Bodier. À la fin
des années 1960, il conquiert son langage
plastique, et la photographie en couleur
devient son territoire exclusif.
Toutefois, sa recherche reste secrète
jusqu’à sa découverte du procédé Fresson,
en 1976. Celui-ci lui permet de métamorphoser les toiles de tente de Deauville en
blocs de couleur. L’oeuvre se développe
ensuite en séries, et le tournoiement baroque des Manèges (1980-1983) prend le
contrepied des images statiques de Deauville (1977-1986). La Couleur détachée,
expérience de 1986, assemble des motifs
découpés dans les tonalités franches du
Cibachrome*. Cette matière s’accorde à
la transparence de l’eau et à ses effets de
miroir dans Giverny (1980-1983).
Pour les surfaces abstraites de Burano
(1983-1985), il revient au poudroiement
pastel du procédé Fresson. En 1987, Papier couleur recueille un simple rayon de
lumière sur une feuille de papier. Cette
série très épurée contraste avec le jeu formel des Nageuses et des Parasols (1992).
La même année, Éléments présente différents états de la même image selon la
durée de son exposition*. La progression rigoureuse de Batho évite tout effet
spectaculaire ; la couleur lui impose sa
discipline dans le respect du processus
photographique.
P.A.
BATTAGLIA Letizia et
ZECCHIN Franco
photographes italiens
(Palerme 1935 et Milan 1953)
Bien que différents de formation, de génération et de provenance, Battaglia et Zecchin sont désormais réunis sous le même
chiffre : celui de photographes qui ont
fait de leur métier un instrument systématique de dénonciation des crimes de
la Mafia italienne. Ils ont fixé les visages,
les victimes, l’atmosphère qui régnait en
Sicile pendant les procès et dans les rues
avec tant de perspicacité et d’intensité
qu’on s’est souvent demandé par quelle
extraordinaire chance ils ont pu échapper
à cette vengeance qui a frappé beaucoup
de personnes. Ils sont tellement entrés
dans cette atmosphère de peur et d’impunité, de menaces et de tension quotidienne
qu’ils ont été en mesure de prendre sur le
vif ce mélange, incompréhensible pour un
étranger et qui a constitué pendant longtemps le seul air qu’on respirait en Sicile.
Leurs images ont souvent causé un véritable choc dans les journaux internationaux et dans les nombreuses expositions
sur le sujet. Le risque aujourd’hui pour eux
est de passer pour des photographes spécialisés dans un phénomène criminel qui
pourrait les empêcher de trouver d’autres
sujets sur lesquels s’investir de la même
manière. Battaglia, qui a obtenu en 1985 la
bourse Eugène Smith, dirige, entre autres
nombreuses activités, La Luna, maison
d’édition féministe sicilienne. Zecchin fait
partie depuis 1988 de l’agence Magnum*
en tant que membre externe.
S.R.
BAUHAUS
Le Bauhaus, « école supérieure de la
forme », a été fondé en 1919 à Weimar
downloadModeText.vue.download 60 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
60
par Walter Gropius dans le but d’enseigner d’une nouvelle façon l’art, en le rapprochant de l’artisanat, en le faisant collaborer avec l’industrie, en l’unissant à
l’architecture. De nombreux artistes y ont
été professeurs, tels Johannes Itten, Paul
Klee, Wassily Kandinsky, Lyonel Feininger,
Oskar Schlemmer et L. Moholy-Nagy*. Le
Bauhaus a été transféré en 1925 à Dessau
dans de nouveaux bâtiments construits
par Gropius, puis, de 1932 à 1933, à Berlin, où il a été fermé par les nazis. Parmi
ses activités, où dominent l’architecture
et les arts appliqués, le Bauhaus a notamment été un foyer de la « nouvelle photographie », grâce à la présence du peintre
constructiviste hongrois Moholy-Nagy.
D’autres photographes s’y sont révélés, en
particulier L. Moholy*, ainsi que Lux Feininger, A. Feininger*, F. Henri*, H. Bayer*,
Moï Ver, Umbo*, Erich Consemüller et
W. Peterhans*, la photographie étant
présente dans tous les domaines du Bauhaus, au point que tous les « Bauhausler »,
maîtres et élèves, l’ont pratiquée. Elle n’y a
toutefois pas bénéficié d’un enseignement
spécifique : ce n’est qu’en 1929 que fut créé
un atelier de photographie, confié à Peterhans, qui permit à cette technique de faire
enfin partie du cursus des études.
Avec l’arrivée en 1923 de Moholy-Nagy,
appelé par Gropius pour succéder à Itten,
débute la véritable entrée de la photographie au Bauhaus. Artiste « total », Moholy-Nagy se montrait très préoccupé par les
nouvelles techniques et en particulier la
photographie, qui devait devenir pour lui
un moyen d’expression apte à transformer
la vision ; il la considérait aussi comme un
élément de communication et de pédagogie. Cet intérêt répondait exactement
au nouveau programme élaboré par Gropius, qui réclamait l’unité de l’art et de la
technique. Menant de concert activité
pratique et réflexion théorique, aidé par
sa femme, la photographe Lucia Moholy,
Moholy-Nagy publia en 1925 Malerei Fotografie Film, huitième volume de la série
des « Bauhausbücher », dans lequel il proposait notamment de passer de la « reproduction » à la « création productive ».
Au Bauhaus, la photographie a servi à
divers usages : dans le cadre de l’activité
scolaire, où elle a permis de réaliser des
exercices sur la composition, la texture,
la lumière ; dans la vie quotidienne, avec
les instantanés ; dans la création artistique
proprement dite, avec les photographies
« pures » : par exemple celles de MoholyNagy, qui sont des équivalents de ses tableaux grâce au cadrage, à l’utilisation de la
plongée et de la contre-plongée, de la dissymétrie, du contrepoint et de l’équilibre. La
photographie sert aussi de matériel pour la
fabrication des collages et des photomontages qui sont parfois utilisés dans la typographie et la publicité, comme le montrent
les prospectus de Bayer ou les affiches de
Xanti Schawinsky. Un grand nombre de
photos industrielles ont été réalisées par
Lucia Moholy, puis par Consemüller, pour
présenter les objets manufacturés et les
réalisations architecturales des différents
créateurs du Bauhaus. Ces photographies
ont illustré les catalogues de produits, les
revues, les livres du Bauhaus. Enfin, aux
antipodes l’une de l’autre, on trouve la
photographie de reportage illustrée par
Moï Ver (Moshe Raviv-Vorobeichic) et la
photographie expérimentale, c’est-à-dire
les photogrammes de Moholy-Nagy (des
photographies, généralement abstraites,
obtenues sans le moyen d’un appareil :
Blumenphotogram, vers 1922, Paris, musée
national d’Art moderne), les surimpressions (ainsi les superpositions de plusieurs
images réalisées par Heinz Loew) et les
effets spéciaux procurés par des miroirs
(Henri) et des boules de verre (Georg
Muche, Moholy-Nagy). Au Bauhaus, la
downloadModeText.vue.download 61 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
61
photographie, omniprésente, a connu un
usage interne (pédagogie ou reportage) et
surtout a trouvé un débouché à l’extérieur
grâce aux publications dans lesquelles elle
a été insérée : elle a ainsi largement permis
la diffusion de l’esthétique du Bauhaus, des
objets réalisés par les ateliers (Neue Arbeiten des Bauhauswerkestätten) aux bâtiments de Gropius (Bauhausbauten Dessau), en passant par l’art du ballet d’Oscar
Schlemmer. Mais le Bauhaus ne constitue
pas pour autant une exception dans l’Allemagne de Weimar, comme en témoignent
les activités du Deutscher Werkbund dans
ce domaine, l’exposition Film und Foto* de
Stuttgart en 1929, ainsi que la revue Das
deutsche Lichtbild, de même que l’esprit de
ses créations sera commun à celui de toute
l’avant-garde de l’époque, du constructiviste soviétique A. Rodtchenko* au précisionniste américain C. Sheeler*. Une exposition rétrospective sur la photographie au
Bauhaus a été présentée à Paris, au palais
de Tokyo, en 1991.
S.L.
BAUMEISTER Willi (Wilhelm)
ar tiste allemand
(Stuttgart 1889 - 1955)
Né à Stuttgart, Baumeister entre à l’académie des beaux-arts de cette ville en 1908. À
partir de 1918, il réalise la série des Mauerbilder, panneaux incrustés dans le mur,
mi-peinture, mi-sculpture. Inspirées des
collages cubistes, ces oeuvres traduisent
le goût de l’artiste pour des formes d’expression issues de la nouvelle civilisation
technique. Ainsi, dès 1919, il s’intéresse
à la typographie et devient professeur de
graphisme à l’école d’art de Francfort en
1928. De 1930 à 1933, il réalise les couvertures des revues Das Neue Frankfurt et
Die Neue Stadt, où photographies et typographie sont juxtaposées avec un souci de
clarté dans une composition pure et rigoureuse. En 1927, il commence la série Sportbilder, tableaux où les éléments abstraits
se mêlent à l’élément figuratif des corps
humains en activité.
C’est pour cette série qu’il réalise en 1926
et 1927 des esquisses composées de photographies, de papiers collés et d’éléments
géométriques ou figuratifs dessinés au trait
à l’encre de Chine. Exaltation du corps
humain par le sport, ces compositions aux
formes construites et rythmées deviennent
des formules à l’esthétique dépourvue de
toute subjectivité.
M.L.
BAURET Jean-François
photographe français
(Paris 1932)
Initié par son père au maniement de la
chambre 13 × 18, c’est en 1950 que Bauret épouse la vocation photographique. La
photographie de Meret Oppenheim par
Man Ray*, relevée dans le Minotaure, en
est le puissant déclic. Ses premiers travaux,
rassemblés dans des livres qu’il édite en tirage limité (1959), résultent de rencontres
artistiques (Bram van Velde, Hadju, Vieira
da Silva...). Il collabore, par ailleurs, avec
P. Knapp* (Elle) et André Énard (l’OEil). En
1962, il installe son studio rue des Batignolles (Paris) et s’engage dans la publicité
et la mode. La renommée ne se fait guère
attendre. Mais la fin des années 1960 voit
le public scandalisé par ses campagnes
en noir et blanc. Il introduit l’« homme
nu » Sélimaille, dévoile la femme enceinte
Materna ou la stratégie financière (B.N.P.).
Parallèlement, il pratique, en studio, les
Portraits [spécialement] Nus (éditions
Contrejour, 1984), parfois collectifs (Trois
Femmes). C’est la vérité de l’être, la personnalité et non l’esthétique du galbe qu’il
tente de révéler. Dépouillée d’accessoires,
downloadModeText.vue.download 62 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
62
cette expérience a, pour le photographe,
valeur d’autoportrait. D’abord statiques,
les nus sont désormais invités à se mouvoir
au rythme de leurs pulsations intérieures
(Isabelle Barbat).
En 1992, Bauret impose, sereins par
leur naturel, les Portraits d’habitants de
la ville de Muret (éditions Belle Page).
Autre thème, les fleurs fanées prédominent dans ses natures mortes. En
1971, l’A.R.C. au musée d’Art moderne
de la Ville de Paris, puis la galerie municipale du Château-d’Eau (1980), à Toulouse, et l’Espace photographique de Paris (1990) lui consacrent des expositions
personnelles.
C.C.
BAYARD Hippolyte
photographe français
(Breteuil-sur-Noye 1801 - Nemours
1887)
Bayard, fonctionnaire au ministère des Finances, ami de quelques artistes, semble
s’être intéressé à la fixation des images de
la chambre* noire au tout début de 1839,
au moment où le daguerréotype* est un
objet d’interrogation. En quelques mois, il
met au point un procédé personnel qu’il
expérimente méthodiquement : le positif
direct, image unique obtenue sur papier
dans la chambre noire, qu’il montre à
F. Arago et à Biot, alors chargés de vérifier
la validité du daguerréotype. Le refus qui
lui est opposé, pourtant suivi d’un rapport élogieux de l’Académie des beauxarts, entraîne une grande déception dont
témoigne son Autoportrait en noyé, première oeuvre de fiction narrative (octobre
1840). Il semble avoir ensuite adopté, sans
rancune, le daguerréotype, puis le calotype* de W.H.F. Talbot, dont il est alors
un des rares adeptes en France, tout en
continuant à jouer un rôle de premier
plan dans l’élaboration et le perfectionnement des techniques photographiques
– parallèlement à l’action de L.D. Blanquart-Évrard* – et en bénéficiant de ce
fait d’une aura de pionnier. Assez indépendant, un peu secret aussi, à l’écart des
vicissitudes du commerce (bien qu’il ait
ouvert un studio de portrait en 1860 avec
Bertall, jusqu’en 1866), Bayard construit
dans les années 1840 une oeuvre très personnelle, heureusement en grande partie conservée, qui ne trouve d’équivalent
que chez Talbot. Vues de Paris, architec-
tures, objets de jardinage, autoportraits,
scènes arrangées avec personnages font
de lui un des inventeurs de l’esthétique
de la nouvelle image, à laquelle il donne
un sens spécifique, lié à sa nature physico-chimique. En 1851, il est l’un des
cinq photographes chargés de la Mission
héliographique* des Monuments historiques (Normandie), pour laquelle il est le
seul à utiliser le verre albuminé*. Membre
fondateur de la Société héliographique
(1851), puis de la Société française de
photographie* (1854), dont il devient le
secrétaire général en 1867, il s’emploie à
propager les nouveaux procédés, dont le
collodion* sur verre. Il participe au projet
d’imprimerie photographique de Blanquart-Évrard, et publie chez celui-ci l’Art
religieux ; peinture (1853), le Musée photographique (1853), l’Art contemporain
(1854). Une grande partie de ses archives
est conservée à la Société française de
photographie.
Si la reconnaissance de son rôle dans
l’invention de la photographie n’est plus
l’objet de polémiques, son oeuvre personnelle a rarement été jugée en fonction de sa
réelle innovation dans un contexte précoce
dénué de règles.
M.F.
downloadModeText.vue.download 63 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
63
BAYER Herbert
ar tiste américain
(Haag, Autriche, 1900 - Californie 1985)
Bayer, issu de l’école du Bauhaus (19211923), est à la fois designer, typographe,
photographe, peintre, architecte et sculpteur. C’est durant les années 1920 qu’il
fait ses premiers clichés selon les principes de la Nouvelle Vision : gros plans,
contrastes d’ombre et de lumière, vues en
plongée et contre-plongée (Pont transbordeur de Marseille, 1928). De 1925 à 1928,
il enseigne le graphisme et la typographie
au Bauhaus. Il s’installe ensuite à Berlin,
où il dirige de 1928 à 1930 la partie artistique de l’édition allemande de Vogue*. Ses
recherches personnelles s’intensifient, et il
crée de nombreux photomontages dans un
style original. Parfois proches de la fantaisie surréaliste (le Citadin solitaire, 1932),
ceux-ci sont chargés de signification,
pleins d’humour, et directement liés à son
travail publicitaire et à ses conceptions de
couvertures de magazines : les « typo-photos » sont des compositions dans lesquelles
les images et les mots ont une importance
égale. En 1936, il crée les Fotoplastiken,
terme qui définit ses travaux photographiques sur le volume et l’espace par la représentation d’objets (roue, cerceau, cadre)
qu’il a fabriqués. Sa peinture, entre 1935 et
1937 (série qu’il appelle Dunstlöcher), utilise aussi ces formes et ces objets symboliques. En 1938, l’artiste fuit le régime nazi
et s’installe aux États-Unis (il obtient la
nationalité américaine en 1944). Conseiller artistique de différentes entreprises, il
réalise aussi des expositions (au M.O.M.A.
de New York), des projets d’agencements
intérieurs (Mexique, États-Unis, R.F.A.) et
s’adonne à la sculpture. L’Arco Center for
Visual Arts de Los Angeles organise une
exposition rétrospective sur son oeuvre
photographique en 1977.
E.E.
BAZAN Ernesto
photographe italien
(Palerme 1959)
Inséparable de son appareil photo depuis
l’âge de 14 ans, il part pour New York en
1979. Il termine ses cours à la School of
Visual Arts en 1982 et remporte le prix
pour les jeunes photographes des Rencontres internationales d’Arles* ainsi que
sa première exposition en Europe. L’année
suivante, il obtient le prix « Photo Reportage News », toujours en Arles, et expose
à nouveau dans cette même ville. Son sujet
de prédilection est la colonie italo-américaine de New York, à laquelle il consacre
un livre en 1985. Depuis, il vit à New York
et travaille pour le compte de l’agence
Contraste sur le thème des réfugiés.
S.T.
BEATO Felice
photographe britannique d’origine italienne
(1835 ? - 1906 ?)
Frère d’Antonio (auteur de vues d’Égypte),
beau-frère de J. Robertson* (dont il fut
longtemps l’associé), Beato voyage de
l’Adriatique à la mer du Japon. Il a le comportement d’un reporter inlassable et
hardi, élargissant la gamme des faits enre-
gistrables, notamment en Inde (révolte des
cipayes, 1857-1858) et en Chine (expédition franco-anglaise, 1860) : premières
photographies de cadavres sur un champ
de bataille proposées à une société qui répugnait à laisser l’objectif traiter le thème
de la mort violente. Répondant en 1863 à
l’appel de son ami Charles Wirgman, dessinateur au Japon de l’Illustrated London
News, il s’installe à Yokohama. Sa fréquentation des peuples de la Méditerranée et
de l’Asie lui permet de saisir incontinent
l’originalité de la race énergique et fière
qu’il côtoie et de conserver sur le verre
downloadModeText.vue.download 64 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
64
albuminé les spectacles insolites et charmants que l’île offre encore à ses nouveaux
hôtes, sans verser dans l’orientalisme de
bazar de nombreux studios. Il parcourt
aussi le pays pour en fixer les monuments
(Nagasaki, Kyoto, Tokyo, Nikko) ou suivre
officiellement sur place des événements
historiques (canonnade du passage de Shimonoseki en 1864). Ses Views of Japan et
ses Natives Types, reliés en albums ou vendus à la pièce, constituent la partie la plus
connue et la mieux diffusée de son oeuvre
personnelle. Après sa disparition, des tirages mêlés à d’autres vues que les siennes
circulent. En effet, le baron Raimund von
Stillfried (1839-1911), qui a lui-même ouvert un studio en 1872, rachète trois ans
plus tard le fonds Beato, amoindri cependant par l’incendie qui avait ravagé Yokohama en 1866. Kimbei Kusakabe, assistant
et successeur de Stillfried en 1886, assure
la relève en même temps que A. Farsari,
acquéreur du reste du stock. Beato suit
entre-temps l’expédition du général Wolseley au Soudan (1884) en tant que photographe officiel, puis il retourne vivre au Japon. Une exposition Felice Beato et l’école
de Yokohama (1863-1877) a été présentée
à Paris en 1994 (C.N.P., hôtel Salomon de
Rothschild).
B.M.
BEATON sir Cecil
photographe britannique
(Londres 1904 - Broadchalke, Wiltshire,
1980)
Dès son adolescence, Beaton aime photo-
graphier ses deux jeunes soeurs, imagine
des décors et des costumes sophistiqués et
peint des toiles de fond pour ses mises en
scène fantaisistes. Il fait alors également de
nombreux autoportraits*. De 1926 à 1930,
il possède son propre studio et pratique la
photographie professionnellement, réalisant des photos de mode et des portraits.
À partir de 1928, Vogue* l’engage comme
illustrateur, mais, peu à peu, il s’impose en
tant que photographe. Dès lors, il travaille
principalement pour les éditions Condé
Nast, à Londres et aux États-Unis. À l’opposé de la simplicité de celles d’un E. Steichen*, ses images sont influencées par la
tradition anglaise, par la Renaissance et
par le cinéma hollywoodien (il travaille à
Hollywood pendant les années 1930). De
façon générale, Beaton photographie en
studio. À l’instar du baron de Meyer*, il
compose des décors extravagants et surchargés. D’une veine néoromantique, ses
images évoluent vers le style rococo puis,
à partir de 1936, sont d’une austérité relative. En 1937, Beaton retourne en Angleterre, devient le portraitiste officiel de la
famille royale et, durant la Seconde Guerre
mondiale, fait du reportage pour le compte
du gouvernement britannique. Au milieu
des années 1950, la direction de Vogue
le renvoie, le jugeant démodé. Il travaille
alors comme photographe indépendant et
se consacre avec succès à son autre métier,
la décoration au théâtre et au cinéma. Il
devient membre, en 1964, de la Royal*
Photographic Society de Londres. En 1974,
la Kodak Gallery à Londres organise une
exposition rétrospective de son oeuvre.
N.C.
BECHER Bernd et Illa
artistes allemands
(Siegen 1931 et Berlin 1934)
Bernd Becher a reçu une formation de
peintre et de lithographe à l’Académie de
Stuttgart puis à celle de Düsseldorf. Sa
rencontre avec Illa Wobeser, qui a étudié
la photographie à Potsdam, marque le
début d’une collaboration. Dès 1959, des
photographies qu’ils prennent lors de promenades amènent la découverte du monde
downloadModeText.vue.download 65 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
65
industriel. Ils photographient en Europe
puis en Amérique du Nord les symboles
archéologiques de cette ère finissante autour de grandes séries typologiques telles
que châteaux d’eau, silos, hauts-fourneaux,
maisons, gazomètres et chevalets. Publiées
de manière scientifique (Anonyme Skulpturen. Eine typologie technischer Bauten,
1970), ces photographies sont présentées
dans les années 1970 et 1980 (Dokumenta V, Cassel, 1972). La méthode sérielle
est soulignée par un accrochage en bloc.
Elle est liée au parti pris de l’inventaire,
du cadrage anonyme et de la suppression
de tout effet de lumière. Ce point de vue
rigoureusement scientifique qui souligne
les variations formelles et les structures
fondatrices communes a permis l’assimilation de leur oeuvre aux pratiques artistiques conceptuelles et minimalistes. Une
attention plus grande est portée, à partir
des années 1980, à des détails de machines
et d’architecture. Bernd Becher enseigne la
photographie à l’Académie de Düsseldorf.
Ils ont reçu le prix de la sculpture à la Biennale de Venise en 1992.
F.D.
BEDFORD Francis
photographe britannique
(1816 - 1894)
Bien que lithographe à ses débuts, Bedford
est connu comme photographe de territoire et de paysage. Son travail autour de
l’architecture et du paysage, en GrandeBretagne principalement, est tenu en
haute estime par ses contemporains et
fera l’objet d’une large diffusion, que ce
soit sous forme de photos vendues séparément ou en séries, de cartes de visite ou de
vues stéréoscopiques, par la suite éditées
en albums. Bedford utilise des plaques au
collodion* humide ou sec, et ses épreuves,
le plus souvent de petit format, sont tirées
sur papier albuminé. En 1853, Bedford est
membre fondateur de la Royal Photographic Society. En 1862, la reine Victoria,
confiante en sa réputation, lui demande
d’accompagner le jeune prince de Galles
pour un voyage éducatif en Orient. 172
photos feront état de cette excursion. Elles
seront distribuées sous forme de trois
portfolios intitulés Tour in the East : Photographic Pictures Made by Francis Bedford accompagning his Royal Highness, The
Prince of Wales. À cette occasion, Bedford
exécute des vues de la Palestine, de la Syrie
mais aussi de Constantinople, d’Athènes
et des îles de la Méditerranée. En 1862
paraît aussi Ruined Abbeys and Castles of
Great Britain. Une impression de sérénité accompagne les photos de Bedford,
qui donne à voir la vie pastorale, rarement
figurée à l’époque victorienne, faisant référence en cela à l’art préraphaélite, qui
montre l’harmonie entre le monde naturel
et celui de l’homme.
A.Ma.
BÉLÉGOU Jean-Claude
photographe français
(Le Havre 1952)
Après des études de philosophie et d’histoire de l’art, Bélégou débute la photographie en 1980. Composé d’images souvent
sombres, son travail se déploie en une
vingtaine de séries regroupées en trois
cycles. Le cycle des Espaces (1980-1985)
– paysages urbains et industriels déserts
et décrépis, corps inscrits dans des lieux
clos, etc. – explore les limites de l’objet
photographique, notamment par une mise
en question des règles de la prise de vue.
Commencé peu avant la fondation, avec
F. Chevallier* et Y. Trémorin*, du groupe
Noir Limite*, le cycle des Éléments (19851989) aborde les questions de l’indifférenciation du physique et du mental, de l’élan
downloadModeText.vue.download 66 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
66
sensuel et de la pensée. Le corps féminin
est confronté au toucher (série Corps à
corps) et aux matières primitives (séries
l’Eau, la Terre, etc.) : corps habité, mais
aussi corps de chair offert à l’érotisme,
au trouble, voire à la morbidité. Enfin, le
cycle de l’Existence (1989-1994) interroge
la solitude humaine et la relation à l’autre
(Visages et les Amants, où apparaissent les
premiers autoportraits), l’espace quotidien, intime (le Territoire), le voyage, l’immersion dans la nature (Erres) et le cercle
des proches (série Présents).
A.R.
BELLMER Hans
artiste français d’origine allemande
(Katowice, Haute-Silésie, 1902 - Paris
1975)
La vocation artistique de Bellmer est profondément marquée par sa révolte contre
un père autoritaire. En 1922, l’artiste fréquente les milieux artistiques berlinois
puis travaille pour la publicité. En 1932, il
prend plusieurs photographies d’un mannequin de sa fabrication. Cette Poupée va
nourrir son inspiration pendant des années
et susciter l’enthousiasme des surréalistes.
En 1937, un an avant de s’établir à Paris,
Bellmer met au point une nouvelle Poupée.
Ce mannequin, mieux articulé, figure dans
des scènes où règne une grande tension
érotique ; le coloriage des photographies
en accroît le mystère ; des détails réalistes,
tels les bas tombant sur de petits souliers à brides, suggèrent une adolescence
aiguillonnée par le désir. Ces images sont
publiées en 1949 avec des poèmes en prose
de Paul Eluard sous le titre les Jeux de la
Poupée. Ce sont des oeuvres à part entière,
alors que les travaux ultérieurs servent à
l’artiste d’auxiliaire documentaire. Il s’en
inspire dans ses métamorphoses érotiques
qui illustrent, entre autres, les ouvrages
de Georges Bataille. Une dernière série
de photographies représente Unica Zürn
ligotée ; différents travaux plastiques reprennent l’image de ce corps déformé par
les liens. Bellmer trouve dans la photographie le miroir de ses obsessions que prolongent ses visions graphiques exacerbées.
P.A.
BELLOCQ Ernest James
photographe américain
(1873 - 1949)
Bellocq est un photographe typique du
début du siècle, resté toujours installé
dans la même ville (La Nouvelle-Orléans) : après avoir été employé, il ouvre
un studio professionnel en 1908 et se
consacre jusqu’en 1938 au portrait et aux
commandes industrielles (photographies
d’usines, de chantiers ou de magasins, à
la demande). Il n’y aurait vraisemblablement pas de quoi dépasser un travail de
qualité, et Bellocq n’aurait pas atteint une
notoriété posthume sans la découverte,
dans son bureau, après sa mort, de 89
négatifs sur verre représentant des prostituées de la ville. Ces plaques, acquises
par L. Friedlander, firent l’objet de tirages
soignés et d’une publication partielle par le
M.O.M.A. de New York en 1970. Pris en
1912, ces clichés constituent un constat
d’une rare honnêteté, sans emphase et
sans provocation ; de véritables portraits
transparents d’un groupe social habituellement regardé avec méfiance et ambiguïté.
Certaines femmes posent avec un masque,
pour d’autres, on a gratté le négatif au niveau du visage, mais à aucun moment on
n’a l’impression d’une intrusion du photographe dans la sphère privée. Il faut toutefois relativiser l’engouement pour cette
série en admettant que beaucoup d’autres
auteurs méconnus mériteraient une telle
sollicitude. La redécouverte de Bellocq est
downloadModeText.vue.download 67 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
67
un symptôme éloquent de l’historicisation
de la photographie et de son entrée récente
dans la grande machinerie de l’histoire.
M.F.
BELLON Denise
photographe française
(Paris 1902)
Au début des années 1930, Bellon s’initie
à la photographie sur les conseils de son
ami P. Boucher*. « Pourquoi ai-je choisi
la photo ? Que l’on puisse en appuyant
sur un bouton immobiliser le temps, cet
éternel ennemi de l’homme... Dans cette
lutte entre l’homme et le temps, l’homme
était enfin un petit peu vainqueur. »
Elle rejoint une équipe de jeunes photographes que Maria Eisner réunit en 1934
pour former Alliance Photo*. Aux côtés
des autres membres de l’agence, Boucher,
R. Capa*, Chim*, Émeric Feher, Suzanne
Laroche, Juliette Lasserre, R. Zuber*, Bellon entame une carrière de photojournaliste. Ses clichés sont principalement
inspirés par ses voyages (Maroc, 1936) et
par une attention nouvelle portée à la vie
quotidienne, familière, et à l’environnement. Derrière son objectif, elle découvre
les joies de la nature et du corps, les vacances, le sport, la natation, le camping,
le ski, le nu en plein air, la photogénie des
enfants, en un mot toutes les expressions
enthousiastes du bonheur. Ses images
dynamiques sont publiées dans un grand
nombre de revues et magazines : Art et
Médecine, Arts et Métiers graphiques,
Paris-Magazine, Plaisir de France, Votre
Beauté, Vu*... Passionnée par le mouvement surréaliste, elle photographie toutes
les expositions du groupe à Paris en 1938,
1947, 1959, 1965. À la veille de la guerre,
elle rencontre Georges Kessel, avec qui
elle effectue un reportage en Afrique-Occidentale pour Paris-Match. En 1940, elle
quitte Paris, où elle reviendra en 1956,
après un long séjour à Montpellier. Elle
est la mère de deux filles qui seront souvent ses modèles : Yannick, réalisatrice de
cinéma, et Loleh, actrice et écrivain.
M.R.
BELLUSCI Rossella
photographe italienne
(San Lorenzo de Valle, Calabre, 1947)
Dans l’oeuvre de Bellusci, la lumière est
devenue matière de la photographie. La
présence du réel est épurée jusqu’à un
presque rien, une ligne, une trace, c’està-dire un concentré de lumière piégé sur
la page blanche. Cette quête obsessionnelle de la lumière évoque-t-elle le soleil
implacable de la Calabre où elle est née ?
En 1978, à Milan, elle aborde la photographie dans une agence de presse, travaillant
surtout sur les marginalités. D’un séjour
aux États-Unis, elle rapporte un reportage
sur les Indiens des réserves. En 1980, elle
commence son travail personnel par une
série d’Autoportraits exposés à Beaubourg.
Elle arrive à Paris en 1981 ; c’est là qu’elle
vit et travaille depuis. De 1981 à 1984,
elle réalise trois séries de nus masculins :
elle choisit des statures néoclassiques et,
pourtant, à cause des cadrages coupés,
les plages blanches déjà semblent vouloir
triompher. Les tourments du corps, le sien,
celui de ces hommes, se consument. Bellusci manie magistralement les objectifs et
les papiers.
Ces recherches se poursuivent de 1986
à 1988 sur des objets anodins, isolés,
natures mortes découpées franchement
par la force de l’éclairage. L’éblouissement a quasiment dévoré les formes.
Que reste-t-il ? Une quintessence de
beauté pure.
M.M.
downloadModeText.vue.download 68 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
68
BENJAMIN Walter
critique et essayiste allemand
(Berlin 1892 - Port-Bou 1940)
Dans ses écrits, Benjamin aborde des
thèmes relevant de la littérature, de la linguistique, de l’histoire, de la philosophie et
de la sociologie dans des optiques essentiellement marxiste et brechtienne. Dans
le domaine artistique, il rejette l’esthétisation de la politique opérée par le régime
nazi et soutient les efforts du communisme pour politiser l’art. Il s’intéresse particulièrement à la photographie, développant ses idées dans sa Petite Histoire de la
photographie (1931) et dans l’OEuvre d’art
à l’ère de sa reproductibilité technique (ce
dernier essai est d’abord publié en français en 1936, une deuxième version étant
reproduite dans Schriften, recueil de ses
oeuvres édité par Theodor Adorno et son
épouse en 1955). Dans son histoire de la
photographie, Benjamin relève l’importance de la technique dans l’élaboration
de nouveaux critères esthétiques. Il exprime son admiration pour le travail de
D.O. Hill*, de E. Atget* et de A. Sander*. Il
interroge le rapport entre le réel et l’image,
constatant combien une oeuvre plastique
ou une architecture « se laisse mieux
saisir en photo que dans la réalité ». En
« rapprochant les choses de soi » par des
méthodes mécaniques de reproduction,
l’homme s’en assure la maîtrise. Enfin, à la
photographie créatrice Benjamin oppose
l’entreprise surréaliste de construction, qui
s’associe à la démarche du cinéma russe.
Dans l’OEuvre d’art..., Benjamin analyse
l’étendue et l’influence des techniques
de reproduction, dont la photographie
occupe la première place. Il considère
que, par la reproduction, l’authenticité de
l’oeuvre est dévaluée, son aura atteinte et
l’objet lui-même détaché du domaine de la
tradition. Ainsi, l’oeuvre d’art est émancipée de son rôle rituel, de sa valeur de culte.
Ce sont, avant tout, la photographie et le
cinéma qui effectuent ce changement, ce
dernier surtout permettant « une critique
révolutionnaire des anciennes conceptions
de l’art » et peut-être même des rapports
sociaux.
T.M.G.
BENNETT Henry Hamilton
artiste américain
(Farnham, Canada, 1843 - Kilbourn 1908)
Bennett ouvre un atelier de photographe
à Kilbourn en 1857. Portraitiste à la base,
il trouve son expression dans le paysage.
Comme beaucoup de ses contemporains,
il a fait la plupart de ses travaux sous forme
de vues stéréographiques. De 1865 à 1908,
il traite le même sujet pris dans le Wisconsin Dells. Ses panoramas sont parmi
les plus grands jamais faits alors (18 × 60).
Il est également connu pour ses séries du
Milwaukee, du carnaval de la glace à Saint
Paul (1886), ses portraits des Indiens Winnebago, etc.
Comme beaucoup de paysagistes des années 1880 – c’est le moment où le collodion est progressivement remplacé par la
plaque sèche à la gélatine –, il a été influencé par les concepts naturalistes, cherchant
à représenter le « quotidien » et non le
spectaculaire ; ainsi, du Wisconsin Dells, il
saisit des vues de pique-niques, de promenades en canot (Panorama from the Overhanging Cliff, Wisconsin Dells, 1891, New
York, M.O.M.A.).
L’artiste a perfectionné un obturateur pour
la photographie instantanée, et il est le
premier à avoir capturé une image de feu
d’artifice. À son crédit également, le premier documentaire photographique américain, The Story of Raft’s Life on the Wisconsin, réalisé en 1886. La plupart de ses
travaux sont liés au marché touristique ; il
downloadModeText.vue.download 69 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
69
est l’un des promoteurs les plus actifs du
Wisconsin. Il a d’ailleurs vendu ses images
à travers toute l’Amérique, mais, à la fin
des années 1890, son travail devient plus
difficile quand le public se désintéresse des
vues stéréographiques. Il est notamment
représenté à New York (M.O.M.A.) et au
Smithsonian Institute.
M.C.
BERENGO GARDIN Gianni
photographe italien
(Santa Margherita Ligure, Gênes, 1930)
Il pratique la photographie dès 1954 et
fait bientôt partie de La Gondola, un photoclub vénitien (le groupe le plus intéressant et le plus cultivé d’Italie, selon le critique R. Martinez*), ainsi que du Groupe
frioulan pour une nouvelle photographie.
L’évolution de la photographie italienne
d’après-guerre doit énormément aux clubs
d’amateurs qui surgissent surtout en province, où la vie culturelle est généralement
très vivace. La Gondola verra ainsi passer
certains de ses membres à la photographie
professionnelle. Tel est le cas de Berengo Gardin, qui, de 1954 à 1965, travaille
pour Il Mondo, hebdomadaire connu, qui
publiera les images des plus grands photographes italiens de l’époque. Au début
des années 1960, Berengo commence une
carrière nourrie de livres (plus d’une centaine) et de très nombreuses expositions.
La première exposition qui le consacre sur
le plan international se tient aux ÉtatsUnis, à Rochester, en 1965 (les 125 Photographes les plus représentatifs de la photographie contemporaine, George Eastman
House). De 1969 à 1971, il est le correspondant italien pour le Daily Telegraph, et
pour Epoca en 1984-1985. En 1969, il réalise un livre sur les asiles psychiatriques,
qui aura un poids certain dans le vote de la
loi pour leur suppression. Depuis 30 ans,
c’est lui qui fait toutes les illustrations pour
les éditions du Touring Club. En 1972, il
participe à l’exposition internationale (The
32 Top Photographers, Modern Photography) et, en 1975, à celle organisée par
C. Beaton* (les Photographes de paysage
du XXe siècle). Auteur d’un livre sur l’atelier
du peintre Morandi (1993), Berengo Gardin confirme encore aujourd’hui la justesse
de son regard : il tâche avant tout de maîtriser l’image, donnant à voir, en premier
lieu, le récit dont elle est porteuse.
Toute son activité de reportage peut être
comprise sous le signe d’un humanisme
intense et à peine ironique. Au cours des
années, une distance sereine par rapport
aux sujets fixés se dégage de plus en plus
de ses images : c’est que son proverbial
« understatement » le protège de toute
interprétation trop violente, et le respect
qu’il montre devant toute réalité fait de lui
un des plus remarquables chroniqueurs
de la société contemporaine. Le musée
de l’Élysée, à Lausanne, lui a consacré une
exposition rétrospective en 1991.
S.T.
BERGON Paul
photographe français
(Paris 1863 - id. 1912)
Figure importante du pictorialisme* français, amateur éclairé, Bergon fait ses
études au lycée Condorcet, puis fréquente
l’école de droit, qu’il abandonne rapidement au profit du Conservatoire, dont
il sort avec un premier prix d’harmonie.
C’est également un passionné de sciences
naturelles, et il se préoccupe par ce biais
de photographie : il présente à la Société*
Française de Photographie* un appareil
stéréoscopique « disposé pour reproduire
en grandeur naturelle les objets de botanique » (1893). Membre de cette vénérable
institution, puis du Photo-Club* de Paris
downloadModeText.vue.download 70 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
70
(1898), il occupe un atelier à Montmartre
et commence à travailler la photographie
du nu et du drapé, qui devient sa spécialité.
Parent de René Le Bègue et ami d’Achille
Lemoine, il partage avec eux son atelier
aménagé à l’orientale. Les excursions photographiques mènent Bergon en Bretagne,
dans l’île de Croissy, sur les plages de
l’embouchure du Var, ou bien encore dans
son ancienne demeure de la rue Lamarck,
où il y a des grottes étonnantes datant du
XVIIIe siècle. Cependant, c’est l’île d’Herblay, sur la Seine, qui demeure le lieu privilégié de sa carrière. Il y réalise ses pastiches
de scènes 1830 et des nus en plein air, genre
auquel il consacre un petit traité d’art photographique. Pour lui, tout réside dans la
composition ; il cherche les jeux naturels
de lumière, et accorde beaucoup d’importance à la recherche des modèles et des
costumes pour la constitution des tableaux
vivants. Il est peu féru de technique et ses
appareils restent fort simples ; il se soucie
plus des procédés de tirage, employant les
multiples variétés de tons du charbon*. À
l’apparition des autochromes*, en 1907, il
est un des rares pictorialistes à se lancer
dans l’image couleur. Ses épreuves sont
régulièrement présentes aux Salons du
Photo-Club de Paris et connaissent un réel
succès dans les revues spécialisées vers
1902-1903.
M.P.
BERMAN Mieczyslaw
ar tiste polonais
(Varsovie 1903 - id. 1975)
Né à Varsovie, Berman y fait ses études à
l’École des arts décoratifs, avant de devenir
graphiste, comme beaucoup de jeunes artistes de sa génération épris de modernité.
À partir de 1927, influencé par Szczuka,
figure de proue du constructivisme polonais, il réalise ses premiers photomontages dans un style géométrique propre à
ce mouvement. Dès 1930, toutefois, sous
l’influence des oeuvres de l’artiste allemand
J. Heartfield*, il abandonne le constructivisme, trop abstrait, pour réaliser des
oeuvres dont l’aspect narratif est plus apte
à exprimer la satire antinazie. Proche du
parti communiste, il est en 1934 l’un des cofondateurs du groupe d’artistes de gauche
« Gzapka Frygiska » (Bonnet phrygien), et
collabore à la création de couvertures de
livres et à la réalisation d’affiches publicitaires. Entre 1939 et 1946, il se réfugie en
U.R.S.S., où il travaille à un cycle de photomontages satiriques anti-hitlériens. De retour en Pologne, il est associé à la politique
culturelle officielle du régime communiste,
et continue à créer des photomontages*
dans lesquels il stigmatise le conformisme
et les idéaux petits-bourgeois. À partir de
1960, il refait à l’identique d’anciens photomontages détruits, et en 1961 une rétrospective de ses montages satiriques réalisés
entre 1930 et 1960 est organisée à Varsovie. Ses oeuvres originales (photomontages
satiriques et affiches) sont conservées au
Musée national de Varsovie.
M.L.
BERSSENBRUGGE Henri
photographe néerlandais
(Rotterdam 1873 - Goirle 1959)
Après des études de peinture à l’Académie des arts plastiques de Rotterdam,
Berssenbrugge se fait connaître en tant
que photographe à partir de 1901. Installé
successivement à Tilburg (1901-1906),
Rotterdam (1906-1917), La Haye (19171942) et Goirle (1942-1959), il est membre
de l’association Helios et du Nederlandse
Club voor Fotokunst, ainsi que de plusieurs
autres clubs de photographes amateurs.
Il est fortement marqué par le mouvement pictorialiste international ; ses sujets
downloadModeText.vue.download 71 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
71
explorent l’univers populaire de la paysannerie, mais aussi des scènes urbaines
ainsi que les figures féminines empreintes
de l’élégance de la Belle Époque. Berssenbrugge aime à employer les procédés de
tirage conférant une facture très plastique
aux épreuves, tels la gomme bichromatée,
le report à l’huile, mais également le platine. Sensible au jeu des formes, il montre
dans ses compositions, après 1905, un
souci plus moderniste, tendance qu’il accentue ouvertement au cours des années
1920. Il est d’ailleurs représenté à l’exposition historique Film und Foto*, à Stuttgart,
en 1929. Par la suite, il revient aux recettes
d’un pictorialisme* tardif, et utilise le procédé à l’huile dans le traitement de vues citadines. Ses photographies sont présentes
dans les collections de nombreux musées
néerlandais (Leiden, Tilburg, Rotterdam,
La Haye, etc.).
M.P.
BERTILLON Alphonse
photographe français
(Paris 1853 - id. 1914)
Anthropologue (il publie en 1883 les Races
sauvages), Bertillon s’intéresse aux critères
d’identification des individus, à une époque
où de nombreuses théories ont cours sur
la criminalité. Il met d’abord au point des
méthodes d’analyse anthropométriques
(appliquées à partir de 1882 par la Préfecture de police) qui permettent de retrouver
les « repris de justice » et de traiter plus
efficacement les cas de récidive. Déjà, en
1871, les photographies de communards,
par Appert, avaient été utilisées à des fins
répressives par la police. Ce n’est qu’à partir de 1885 que l’image photographique est
intégrée aux méthodes de Bertillon, sous
une forme bientôt systématisée et précisément codée : prises de vue de face et de
profil au 1/7. L’analyse des photographies
est annexée en 1888 au Service d’identité
judiciaire que dirige Bertillon. Mais les
données recueillies par la photographie ne
sont pas directement exploitables car elles
souffrent d’insuffisances de classement et
de comparabilité. Il faut alors passer de
critères discontinus et visuels à des descriptions verbales, qui recherchent finalement des traits caractéristiques, des écarts
à la moyenne : c’est le « portrait parlé »
de Bertillon, établi d’après photographie.
Le pavillon de l’oreille apparaît finalement
– plus que le nez ou les yeux – comme le
principal invariant individuel. Au faîte de
la vogue du « bertillonnage », Bertillon
publie Instructions sur la photographie
judiciaire (1890), puis la Photographie métrique (1912). Mais son attachement rigide
à sa seule méthode, une expertise erronée
du « bordereau » dans l’affaire Dreyfus,
sa réticence à reconnaître les empreintes
digitales comme l’unique indice d’individualité fiable l’éloignent au début du siècle
des investigations policières. Du système
Bertillon perdure principalement l’usage
typologisé de la photographie judiciaire,
de face et de profil, encore en usage.
M.F.
BERTSCH Auguste Adolphe
photographe français
(? - 1870)
Prototype des chercheurs amateurs pris de
passion pour l’image argentique, Auguste
Bertsch consacre sa carrière au progrès
des techniques photographiques. « Soutenu par ses seules ressources et par son
zèle pour la science » (A. Davanne*), il se
signale dès 1852 par ses travaux sur l’instantanéité, et plus encore par ses microphotographies, présentées à l’Exposition
universelle de 1855. S’il n’est pas le premier à explorer ce domaine, la qualité de
ses épreuves, améliorée par l’invention de
downloadModeText.vue.download 72 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
72
plusieurs appareils et dispositifs optiques,
surclasse largement les tentatives de
l’époque. Membre fondateur de la Société
française de photographie en 1854, auteur,
avec son collaborateur Camille d’Arnaud,
d’une célèbre prise de vue d’une éclipse de
Lune en 1856, il reçoit en 1858 la Légion
d’honneur pour ses travaux scientifiques.
Ami de Nadar*, qui décrira « sa petite
mansarde de la rue Saint-Georges, [...]
encombrée de cuvettes et flacons étages »,
il ouvre avec d’Arnaud un atelier de portraits. Étudiant les procédés d’agrandisse-
ment, il présente en 1860 un « appareil de
voyage » de 10 cm 2, puis un obturateur mécanique à ressort en 1862 – recherches qui
témoignent d’une conception de la photographie très en avance sur son temps.
Élu membre du conseil d’administration
de la Société française de photographie
en 1868, il décède dans des circonstances
indéterminées au cours du siège de Paris,
en hiver 1870.
A.G.
BEUYS Josef
ar tiste allemand
(Krefeld 1921 - Düsseldorf 1986)
Après avoir suivi les cours de sculpture
d’Ewald Mataré à la Kunstakademie de
Düsseldorf, où il enseignera lui-même à
partir de 1961, Beuys passe d’une conception relativement classique et formelle de
la sculpture à une vision élargie d’un art
engagé devenu acte politique et conceptualisé dans la notion de « sculpture sociale »,
où la performance prend rapidement un
rôle prépondérant. La photographie, qu’il
ne pratique pas lui-même, vient alors servir de document à des oeuvres souvent
éphémères et théâtrales (Comment on explique les tableaux au lièvre mort, Düsseldorf, 1965 ; Coyote, New York, 1974...). Elle
peut être aussi considérée dans le contexte
particulier du chamanisme développé par
Beuys, comme la relique sensible d’une
oeuvre inscrite dans un temps révolu. Cet
aspect proprement fétichiste de la photographie pourrait ne pas être étranger
à l’édition de nombreuses photos à son
effigie diffusées sous la forme de cartes
postales signées de sa main. Beuys, qui a
marqué profondément toute une génération d’artistes européens, a participé à de
nombreuses expositions internationales,
de la Documenta de Kassel aux biennales
de Venise (1976) et de São Paulo (1979).
D’importantes rétrospectives de son
oeuvre ont eu lieu dans de nombreuses
villes européennes depuis sa mort.
P.L.R.
BEZOUKLADNIKOV Andreï
photographe russe
(Perm 1959)
Il est né dans l’Oural, « au sein d’un monstrueux complexe industriel totalement iso-
lé au milieu d’une des plus grandes forêts
du monde ; sur les cartes, on trouve sobrement indiqué Perm », dit-il. Il poursuit des
études dans une école spécialisée dans la
photographie technique. Dès 1978, il s’installe en professionnel et s’associe au cercle
d’artistes d’avant-garde « Cellar », dont le
leader est Youri Tschernischov. Son goût
pour les sciences naturelles et pour l’art
et son caractère tranquille l’orientent vers
la photographie artistique. Ses liens avec
le théâtre Vassiliev et ses relations avec
les écrivains et artistes lui valent la célébrité lorsqu’il emménage à Moscou, en
1986. Dès l’année suivante, il figure parmi
les premiers artistes du mouvement « new
wave » qui participent à des expositions
internationales. Témoin privilégié de toute
la culture parallèle et underground de la
capitale moscovite, il réalise ses reportages
sur les manifestations d’avant-garde, le
downloadModeText.vue.download 73 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
73
théâtre, la musique ou la mode. Ses séries
d’images sont provocantes pour la Russie
de cette période : couple nu dans l’eau,
gros plan sur des jambes féminines gainées
de bas résille ou couple dans un lit. Il réalise par la suite de nombreuses séries de
photos : Swiss for You, Ornaments (1991),
collage de microphotos, et même une installation de 12 images, In the Shadow of
the Transparent Wing. Il expose dès 1988
à Moscou et à Londres, à Arles en 1989,
et dans la grande exposition de 1990 au
Manège de Moscou, 150 ans de photographie. Il travaille actuellement sur une série
de portraits-diptyques intitulée Vols audessus de Moscou. Ses travaux ont été présentés au Grand Écran, à Paris, au Mois de
la Photo 1992, dans le cadre de l’exposition
Expériences photographiques russes.
V.E.
BIASIUCCI Antonio
photographe italien
(Dragoni, Caserta, 1961)
Après des études en sciences politiques,
il devient photographe, se situant dans la
tradition des anthropologues du sud de
l’Italie. Il adopte tout de suite une esthétique très personnelle, ses points de repère se trouvant dans le milieu paysan du
paysage de son enfance. À la suite d’une
commande, le Vésuve est resté longtemps
son sujet préféré. Il s’est ensuite intéressé aux animaux, sujet qui a donné lieu à
plusieurs expositions, à Milan en 1983
(Centre culturel San Fedele), à Naples en
1985 (Museo Pignatelli). Dans un reportage qu’il effectue sur la mise à mort du
cochon, rite quasi sacré vu à même la peau
de l’animal sacrifié, le quotidien est regardé du point de vue de l’animal. La dernière
série en date, exposée à Genève en 1991
(Centre de la Photographie), présentée en
Arles* en 1992 (arènes) et à Nice en 1993
(Nice Audiovisuel), a été faite dans une
même étable, où les seules figures sont
toujours les mêmes vaches, poules, brebis
qui habitent un espace sombre, à la limite
du visible, semblable à la caverne de Polyphème. En 1992, il remporte, en Arles, le
prix européen Kodak Panorama.
S.T.
BIERMANN Änne
photographe allemande
(Goch 1898 - Gera 1933)
Änne Sternefeld épouse l’homme d’affaires
Herbert Biermann en 1919. Elle étudie le
piano jusqu’en 1922, puis commence à s’intéresser à la photographie, qu’elle apprend
seule, en autodidacte. Son mari lui présente F. Roh* et Franz Werfel, avec lesquels
elle ouvre un studio en 1923 à Gera, près
de Leipzig. Dès 1926, elle réalise des natures mortes de plantes ou de fleurs inspirées du style de A. Renger-Patzsch*. À partir de 1928, elle intensifie ses recherches.
Ses clichés sont publiés dans les revues
Das Kunstblatt, Die Form, Das Neue Frankfurt, Variétés, Photo Graphie et d’Arts et
Métiers graphiques ; sa première exposition personnelle a lieu à Munich (1928).
En 1929, elle figure à l’exposition Film und
Foto* de Stuttgart, puis, en 1932, à l’Exposition internationale de la photographie
à Bruxelles. Roh écrit et édite Fototek 2 :
Änne Biermann (1930), qui reproduit 60
de ses épreuves. Partie intégrante de la
Neue Sachlichkeit, l’oeuvre de Biermann
réunit portraits, paysages enneigés, architectures selon des perspectives savantes,
natures mortes harmonieuses et solidement construites, surimpressions ainsi que
photomontages, cela sur une période qui
s’étend principalement de 1929 à 1932.
En 1937, plus de mille photographies sont
confisquées par les nazis à Trieste. Elles
sont conservées aujourd’hui en grande
downloadModeText.vue.download 74 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
74
partie au musée Folkwang de Essen. Ute
Eskildsen publie Änne Biermann – Fotografien 1925-1933 en 1987.
E.E.
BIFUR
revue d’avant-garde
(Paris 1929 - 1931)
Le premier numéro de Bifur est publié à
Paris par les éditions du Carrefour en mai
1929. Les sept numéros suivants, chacun comportant entre 175 et 195 pages,
se succèdent à un rythme quelque peu
irrégulier (juillet 1929, septembre 1929,
décembre 1929, avril 1930, juillet 1930,
décembre 1930, juin 1931). Le comité
de rédaction est composé du mécène
Pierre Lévy, qui s’attribue la direction
de la publication, du journaliste Nino
Frank, qui assure le secrétariat général,
et de l’écrivain dadaïste Georges Ribemont-Dessaignes, rédacteur en chef. Les
sept premiers numéros font mention de
la collaboration de six « conseillers étrangers » : Bruno Barilli, Gottfried Benn,
Ramón Gomez de la Serna, James Joyce,
Boris Pilniak et William Carlos Williams
(cette liste n’apparaît pas dans le dernier
numéro). La revue publie les recherches
et les points de vue de l’élite intellectuelle
française et internationale de l’époque :
Emmanuel Berl, Robert Desnos, JeanPaul Sartre, Paul-Yves Nizan, André Malraux, Albert Savinio, Massimo Bontempelli, Edgar Varèse, Alfred Döblin, Martin
Heidegger et Sergueï Eisenstein, entre
maints autres. Inspiré par le mouvement
dada et par l’entreprise surréaliste, Bifur
critique les idées reçues dans tous les
domaines, mêlant récits, commentaires,
essais, poèmes, pièces, faits divers, analyses philosophiques, dessins, peintures,
extraits de films (Man Ray*, Luis Buñuel)
et photographies. Ouverte aux courants
novateurs, la revue reconnaît la photographie comme un art à part entière dès
le premier numéro, qui reproduit des
oeuvres de G. Krull*, A. Kertész*, E. Lotar*, L. Moholy-Nagy* et M. Tabard*. Par
la suite, la rédaction fait appel également
aux services de presse et à d’autres photographes indépendants comme Sasha
Stone, C. Sheeler*, T. Modotti*, N. Dumas*, Ina Bandy, etc. Bifur peut être associé à d’autres revues d’avant-garde de
l’époque, telles que Der Querschnitt en
Allemagne et Variétés* en Belgique, pour
lesquelles la photographie est une forme
d’expression unique, d’une grande valeur
à la fois documentaire et artistique.
T.M.G.
BILORDEAUX Adolphe
photographe français
(Paris 1807 - ?)
Lithographe, Bilordeaux aurait appris la
photographie auprès de G. Le Gray*. Il
est reconnu comme praticien de grand
talent avec des reproductions de bas-reliefs religieux (1855), des reproductions
d’oeuvres et des spécimens de dessins
industriels (1857). Il rapporte d’Italie des
vues de Rome, Pompéi et Paestum (1856),
est portraitiste (1861), publie un ensemble
sur des chevaux célèbres (1863-1865), et
un jeu de cartes d’après ses propres dessins est annoncé (1865). Une vue de Paris
et des natures mortes lui sont également
attribuées (procédés négatifs sur papier, à
l’albumine* et au collodion*). Il propose
une application de la pierre lithographique
au tirage des épreuves (1855) et participe à
l’étude des procédés de lithophotographie
de L.-A. Poitevin* (1857). Il est présent à
de nombreuses expositions internationales
(1855-1862) et exerce à Paris (59, rue de
la Fontaine-au-Roi [1857-1858], 119, rue
Saint-Maur [1859-1860] et 4, rue du FaudownloadModeText.vue.download 75 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
75
bourg-Montmartre [1861-1870]). Il est
représenté à Paris dans les collections de
la Bibliothèque nationale et de la Société
française de photographie.
B.P.
BINDE Gunar
photographe lituanien
(Aluksnes 1933)
Éduqué à Beja de 1940 à 1950, Binde étudie l’agriculture jusqu’en 1957. Il commence la photographie en 1958 avec
Genady Koposov à la Maison des journalistes de Moscou. Il travaille comme éclairagiste de théâtre dans plusieurs villes,
s’arrêtant à Riga en 1964, date à laquelle
il devient membre du photo-club de cette
ville après avoir suivi différents stages
photographiques. Il devient professeur
à l’école des arts appliqués et reçoit son
premier prix international en 1964. De
nombreux titres et médailles le récompensent pour son oeuvre. À partir de 1968,
il participe à des expositions dans les pays
de l’Est, en Allemagne et en Tchécoslovaquie avec E. Spuris* et Peter Tooming.
Parallèlement, de 1966 à 1976, il présente
de nombreux films documentaires (Hello
Moscou, Un moment d’une ère) et participe à d’autres réalisations de films (les
Filles de Valmiera ; Je suis, j’ai été, je serai ;
le Miroir de la soif). C’est à la fin des années 1960 que s’est développée l’expression de la culture nationale lituanienne
fondée sur la tradition de l’art populaire.
Le travail photographique de Binde et
son enseignement exemplaire ont formé
et inspiré la génération contemporaine.
Figure historique inséparable du développement de la photographie en Lituanie, il
est l’un des pionniers de l’art du nu dans
le paysage.
V.E.
BING Ilse
photographe américaine
(Francfort 1899 - New York 1998)
Après des études d’histoire de l’art, Bing
s’aperçoit qu’elle préfère appréhender l’art
de manière plus passionnelle qu’intellectuelle ; elle décide ainsi de s’adonner à la
photographie en 1928. Elle est une des
pionnières dans l’utilisation du Leica, et
réalise des reportages en 1929 et 1930
(publiés dans Das Illustrierte Blatt), avant
de s’installer à Paris. C’est dans un style
mêlé de sensibilité et de modernité qu’elle
exécute des photos de la ville (ce qu’elle
appelle « l’abstrait de la vie » : des flaques
d’eau, des feuilles mortes...), des portraits (Autoportrait au Miroir, 1931), des
reportages (vendanges en Bourgogne),
des photos de mode (Schiaparelli). Par
ailleurs, elle use avec talent de la solarisation. La danse est un de ses sujets favoris (1931 et 1933). E. Sougez* la découvre
lors de sa première exposition à la galerie
de la Pléiade et la surnomme la « reine du
Leica » (1935). Ses photographies sont
publiées dans Arts et Métiers graphiques,
Photo Graphie, Vu, Harper’s Bazaar...,
et elle participe à plusieurs expositions
(Pavillon de Marsan, 1936 ; M.O.M.A. de
New York, 1937). En 1940, elle est déportée dans un camp de concentration, puis
émigré aux Etats-Unis. Portraits (femmes,
enfants) et natures mortes sont ses principaux sujets. En 1957, elle n’utilise plus
que la couleur ; elle arrête la photographie
en 1959.
En 1976, une exposition des Nouvelles
Acquisitions au M.O.M.A. de New
York permet de la redécouvrir. Bing
vit aujourd’hui aux États-Unis. Le musée Carnavalet a exposé son oeuvre en
1988. Ses photographies sont présentes
dans les collections de nombreux musées américains, notamment à New York
downloadModeText.vue.download 76 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
76
(M.O.M.A. et I.C.P.), à Chicago (Art Institute) et à San Francisco (Museum of
Fine Arts).
E.E.
BISCHOF Werner
photographe suisse
(Zurich 1916 - cordillère des Andes 1954)
Élève de H. Finsler* à l’école des Arts appliqués de Zurich, Bischof se familiarise
avec l’esprit du Bauhaus*. Ses premières
photographies sont des études de lumière
et de composition qui révèlent la beauté
concrète des choses de la nature. Il ouvre,
en 1936, à Zurich, un atelier de photographie et de dessin publicitaire, conçoit
les installations de l’Exposition nationale
suisse et commence à collaborer au magazine suisse Du* en 1941. Ses premiers
reportages sont réalisés aux côtés d’Emil
Schulthess en 1945 à travers l’Europe : les
ravages de la guerre lui révèlent la nécessité de témoigner par la photographie et,
en 1949, il rejoint l’agence Magnum*. De
1951 à 1952, il est en Inde, en Corée du
Sud, au Japon et en Indochine ; en 1953,
en Europe et aux États-Unis, puis, en 1954,
en Amérique du Sud. Son reportage le
plus célèbre porte sur la famine en Inde ;
publié dans Life*, il accélère l’intervention
humanitaire des États-Unis. Le choix de
l’angle de vue, le soin accordé au cadrage
en fonction d’une efficacité affective font
converger esthétique formelle et engagement éthique. Une pureté des lignes, un
humanisme sans faille se révèlent tout particulièrement à travers ses photographies
d’enfants et son reportage sur le Japon
publié en 1954 en France et à l’étranger.
L’originalité du style de Bischof, sa force
de conviction comme son respect de la
souffrance d’autrui en font un des grands
reporters-photographes. Son activité a
été interrompue par sa mort accidentelle
au Pérou découverte le 16 mai 1954. Ses
archives sont conservées par Magnum et
par ses fils à Zurich.
F.D.
BISSON Louis-Auguste et AugusteRosalie (dits Frères)
photographes français
(Paris 1814 - id. 1876 et Paris 1826 - id.
1900)
Ils commencent à faire de la daguerréotypie en 1840 et réalisent dès 1841
des épreuves de portraits exécutées en
quelques secondes. Ils font à la même
époque des reproductions d’animaux microscopiques et des épreuves destinées à
l’étude de l’histoire naturelle. Entre 1849
et 1851, ils exécutent les 900 portraits des
membres de l’Assemblée nationale. Les
ministères du Commerce, des Travaux publics, de l’Industrie publique, de la Guerre,
de la Marine, la direction des Beaux-Arts
leur confient d’importants travaux de reproductions de machines, d’instruments,
d’objets d’art, d’armes, etc. Entre 1854 et
1858, ils reproduisent les plus beaux types
d’architectures et de sculptures : des vues
des principaux monuments historiques
de France – porte de la bibliothèque du
Louvre, de l’Hôtel-de-Ville de Paris, escalier du château de Blois –, mais aussi des
détails, des fragments, des études des différentes parties de chaque édifice. Entre
1855 et 1868, ils réalisent de nombreuses
épreuves dans les Alpes. Les ascensions
du mont Blanc par Napoléon III et Eugénie en 1859 et 1860 donneront lieu à un
album : Haute-Savoie, le mont Blanc et ses
glaciers, souvenirs de voyage de LL. MM.
l’Empereur et l’Impératrice. Ils ont créé un
vaste établissement photographique où ils
réalisent des reproductions d’estampes de
maîtres anciens tels Rembrandt ou Dürer.
Les industriels ont aussi recours à leurs
downloadModeText.vue.download 77 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
77
ateliers pour faire tirer des épreuves des
modèles et des dessins de leurs fabriques.
Les Bisson sont représentés notamment à
Paris (B.N.).
V.L.
BITUME
Matière organique naturelle ou provenant
de la distillation du pétrole, à base d’hydrocarbures, brun-noir ou noire, très visqueuse ou solide.
La sensibilité à la lumière du bitume de
Syrie (dit aussi de Judée), qui a pour propriété de durcir sous l’effet de celle-ci, a
été utilisée par N. Niépce* vers 1822 pour
ses expérimentations de photographie sur
métal. Elle est encore mise en application
aujourd’hui pour créer des réserves de
photogravure.
S.R.
BLANC et
DEMILLY (Théo Blanc et Antoine
Demilly, dits)
photographes français
(1898 - 1985 et 1892 - 1964)
Dans les années 1880, Édouard Bron, devenu orphelin, quitte la Suisse pour trouver du travail à Lyon chez un photographe
alors à la mode, l’atelier Victoire. Quelques
années plus tard, après avoir acquis tout
le savoir-faire du métier, il s’installe à son
compte au 10, quai Saint-Antoine. En
1907, il déménage à nouveau pour s’installer au dernier étage d’un immeuble neuf
au 31 de la rue Grenette, artère plus commerçante que les quais. De son mariage, il
a deux filles, qui épousent respectivement,
vers 1918, Théo Blanc et Antoine Demilly.
En 1924, Edouard Bron prend sa retraite
et l’enseigne de l’entreprise devient alors
« Blanc et Demilly successeurs ».
Durant quarante années, des dizaines
de milliers de portraits de la bourgeoisie lyonnaise, mais aussi de célébrités
comme L. Lumière*, Le Corbusier, Maurice Utrillo, de paysages de la région
lyonnaise et de natures mortes sortent
de leur atelier, qui se démarque de la production de l’époque par un emploi précoce du Rolleiflex et du Leica. En 1935,
l’affaire s’agrandit et ils ouvrent, rue Président-Carnot, une galerie qui devient le
cénacle lyonnais de la photographie de
qualité où ils exposent et vendent des
séries d’images.
Blanc assurait le travail plus commercial des portraits de commande alors que
Demilly se consacrait à une recherche
plus artistique ; ce dernier donne, avec ses
lumières tamisées, une image poétique de
Lyon et de la vie locale, avec des images
du théâtre de Guignol mais aussi des premières représentations du metteur en
scène Roger Planchon. En 1963, la société
est vendue à René Comte, qui la cède à son
tour, en 1971, à Jean Aimard. Ils sont représentés dans les collections du F.R.A.C.
Rhône-Alpes.
H.P.
BLANQUART-ÉVRARD Louis
Désiré
photographe français
(Lille 1802 - id. 1872)
Chimiste et négociant en draps, Blanquart-Évrard est un personnage typique
des débuts de la photographie, une
époque où il est nécessaire d’avoir des
connaissances scientifiques et d’être un
« entrepreneur » économique. En 1847,
il communique à l’Académie des sciences
ses Procédés employés pour obtenir des
photographies sur papier, amélioration
très sensible du calotype* de W.H.F. Talbot* – qui se plaint de ce « piratage » – :
downloadModeText.vue.download 78 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
78
les sels d’argent ne sont plus déposés à
la surface du papier, mais imprègnent sa
texture, les procédures sont plus faciles et
plus précises, le papier négatif peut être
préparé à l’avance, le tirage des épreuves
positives est plus rapide.
Blanquart-Évrard rend ainsi le calotype
accessible à un plus grand nombre et peut
être tenu pour responsable (avec G. Le
Gray*, auteur du procédé avec papier ciré
sec) de l’essor qu’il connaît dans les années
suivantes. Grâce à l’organisation du travail et à la standardisation des opérations,
les recherches techniques ont une autre
conséquence à laquelle se voue BlanquartÉvrard : la possibilité d’industrialiser le
tirage de calotypes en créant une entreprise d’édition (malencontreusement intitulée « imprimerie photographique », ce
qui peut prêter à confusion). C’est chose
faite en septembre 1851 avec l’ouverture
de l’atelier de Loos-lès-Lille, qui répond au
voeu formulé par la récente Société héliographique. Il s’agit d’éditer, en nombre et à
un prix satisfaisant, des tirages d’après négatifs papier qui sont sollicités auprès des
meilleurs praticiens du moment, en particulier C. Marville*. Entre 1851 et 1855,
date de fermeture de son établissement,
Blanquart-Évrard édite, d’une part, trois
albums archéologiques (Égypte, Nubie, Palestine et Syrie de M. Du Camp*, Jérusalem
de A. Salzmann*, le Nil de J.B. Greene*) et,
d’autre part, 24 portfolios regroupant environ 550 photographies collées sur papier
épais et identifiées, toutes des tirages sur
papier salé, que l’on peut qualifier à la fois
d’oeuvres, de documents, d’études, bref, de
photographies, en restituant à ce terme un
sens novateur.
M.F.
BLOSSFELDT Karl
photographe allemand
(Schielo, Harz, 1865 - Berlin 1932)
Après une enfance passée en montagne et
des études de sculpture et de peinture à
l’École royale du musée des Arts décoratifs de Berlin, il part grâce à une bourse
avec son maître, M. Meurer, en Europe
et en Afrique du Nord pour récolter des
plantes. Professeur de modelage, il photographie d’abord les végétaux dans un
but documentaire, en grand format – il se
construit en 1900 un appareil 13 × 18 cm
– et en macrophotographie : gros plans
en vision frontale, sur fond uni et avec
une grande précision des détails. Ses
études l’amènent à voir en la structure
du végétal et son type de croissance un
modèle général applicable à l’être humain,
mais aussi à ses constructions, artistiques
ou industrielles. Ainsi le livre Urformen
der Kunst (« formes originelles de l’art »)
est-il fort bien accueilli, en 1928, par les
tenants de la Neue* Sachlichkeit (« Nouvelle Objectivité »), et Blossfeldt participe
à l’exposition Film und Foto à Stuttgart
en 1929. Outre leur réalisme, ses images
peuvent séduire tant par leur aspect décoratif (Impatiens Glandulifera, Balsamine,
Spingkrant, 1927) que par leur puissance
d’évocation (Aconitum, avant 1928). Photographe indépendant, il voyage souvent,
et collabore à diverses revues. Ses images
figurent dans de nombreuses collections :
Museum Ludwig de Cologne, Bibliothèque nationale à Paris, Metropolitan
Museum of Art de New York, Länderbank
à Vienne...
Ch.B.
BLOW-UP
Le terme blow-up fut popularisé par le
film du même nom, réalisé par MichelandownloadModeText.vue.download 79 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
79
gelo Antonioni en 1966. Dans une scène
désormais célèbre, le protagoniste agrandit une photographie dans l’espoir d’y voir
distinctement un cadavre dont il pense
déceler la présence dans une épreuve plus
petite. L’image, successivement agrandie,
devient comme un tableau abstrait dans
lequel le regard se perd à mesure que le
grain du film grossit et empêche toute distinction des formes. Le film décrit la perte,
chez un photographe, de la croyance en
un possible rapport objectif avec la réalité.
Plus généralement, blow-up est le terme
anglo-américain pour « agrandissement
photographique ». Il faut le distinguer du
gros plan – « close-up » – qui correspond
à la focalisation sur le sujet dès la prise de
vue. Ce terme fait également référence aux
premiers travaux de l’artiste conceptuel
J. Kosuth*, dont les oeuvres, réalisées entre
1965 et 1968, consistent en des définitions
du dictionnaire, photographiées et agrandies. Son utilisation de l’agrandissement
photographique débouche, elle aussi, sur
une abstraction que l’artiste explique en
ces termes : « Partant dans cette série de
l’abstraction d’une chose concrète (l’eau,
l’air), j’en vins à présenter des abstractions
d’abstractions (signification, vide, universel, rien, temps). »
P.S.
BLUMENFELD Erwin
photographe américain
(Berlin 1897 - Rome 1969)
Après sa rencontre avec Georg Grosz en
1915, Blumenfeld est un membre actif du
groupe dada berlinois. En 1918, il rejoint
Grosz en Hollande et fonde, sous le pseudonyme de Bloomfield et avec P. Citroen*,
la Centrale dada d’Amsterdam. Auteur de
collages et de poèmes, il aborde la photographie et multiplie ses expérimentations,
tandis qu’il vit des bénéfices de sa boutique
de maroquinerie, acquise à Amsterdam en
1922. Suite à la faillite de son commerce,
il s’installe à Paris en 1935 et devient
photographe professionnel. Apprécié des
surréalistes, il est publié dans les revues
Minotaure, Verve mais aussi dans Photographie. Les commandes affluent, notamment pour Vogue* dès 1938 et Harper’s
Bazaar* à partir de 1939. En 1941, il émigré à New York et ouvre son propre studio en 1943. Blumenfeld, qui a beaucoup
travaillé pour la publicité, est connu pour
l’excellence et le caractère inventif de ses
images et couvertures conçues pour les
magazines féminins. Qu’il travaille en noir
et blanc ou en couleur, il impose une vision
très personnelle servie par une technique
appropriée. À la manière de Man Ray*, les
clichés pris en studio sont manipulés avec
génie dans la chambre noire : solarisations,
combinaisons de négatif et de positif, distorsions, surimpressions, photomontages.
Ces méthodes donnent à ses images une
rigueur graphique ou une ambiguïté poétique. Il cesse toute activité à la fin des
années 1950. En 1982, le Centre GeorgesPompidou organise une rétrospective de
son oeuvre.
N.C.
BOENO David
photographe français
(Brest 1955)
Après avoir collaboré durant plusieurs
années à de nombreux journaux et périodiques français auxquels il livrait des
reportages photographiques (1979-1987),
Boeno élabore un travail de photographie
où science, optique et télécommunication viennent dialoguer dans un détour-
nement poétique du langage scientifique.
L’optique est ainsi convoquée dans une
série de travaux rapprochant morphologiquement certaines formes de lentilles avec
downloadModeText.vue.download 80 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
80
les orbites de quelques comètes. Fasciné
par l’histoire des sciences, Boeno recopie
sur Minitel certaines citations érudites
qu’il photographie ensuite directement sur
l’écran. On retrouve ainsi reproduites sous
un caractère informatique des phrases emblématiques de Kepler, mais aussi, dans un
répertoire plus hétéroclite, des dialogues
ou maximes d’Aristophane, de Pline, d’Hésiode ou même de Tintin. Cette oeuvre a
été présentée aux ateliers de l’A.R.C. du
musée d’Art moderne de la Ville de Paris
en 1988 et, plus récemment, à la galerie
des Archives (Paris).
P.L.R.
BOIFFARD Jacques-André
photographe français
(Épernon 1902 - Paris 1961)
Durant ses études de médecine à Paris,
Boiffard se rapproche du milieu littéraire
d’avant-garde par l’intermédiaire de Pierre
Naville, de la revue l’OEuf dur puis de la
Révolution surréaliste, à laquelle il participe, dès 1924, par la publication de textes,
de photographies et de récits de rêve. Il
devient l’assistant puis le collaborateur de
Man Ray*, avec qui il apprend la photographie (1924-1929), et il réalise, pour André
Breton, les photographies illustrant Nadja
(1928). Après sa rupture avec ce dernier,
il se rapproche de Georges Bataille, du
groupe Contre-Attaque et de la revue
Documents (1929-1930). Boiffard apporte
une contribution importante au surréalisme par ses photographies de visages, de
nus féminins comme par sa série célèbre
sur le « gros orteil » (1929). Il se rapproche
parallèlement de E. Lotar*, avec qui il
fonde, en 1929, un studio photographique.
En 1932, il s’engage auprès de l’Association
des écrivains et artistes révolutionnaires
et du groupe Octobre, avec lequel il entreprend, en 1933, un voyage à Moscou. Les
photographies d’une croisière mondiale
réalisée avec Lotar en 1934 sont montrées
à la galerie La Pléiade. À côté de portraits
de vedettes du milieu artistique et de
reportage, il a réalisé des photographies
de tournage de films pour Jean Painlevé,
Jacques Prévert et pour les Enfants du paradis (1947) de Marcel Carné. Entre 1940
et 1959, il travaille comme radiologiste à
l’hôpital Saint-Louis après avoir repris ses
études de médecine.
F.D.
BOISSONNAS Frédéric
photographe suisse
(Genève 1858 - 1946)
Fils d’Henri-Antoine Boissonnas (18331889), peintre genevois converti à la photographie depuis 1864 et spécialisé dans
les portraits d’enfants, Frédéric et son frère
Edmond-Victor (1862-1890) sont formés
par leur père et reprennent en 1887 son
activité déjà prospère. L’apprentissage de
Frédéric, perfectionné auprès de Kohler
à Stuttgart (1878) puis de Brandseph à
Budapest (1880), fait passer l’atelier familial de la notoriété à la célébrité. Ses portraits sophistiqués et ses scènes de genre
(la Caisse d’épargne, Retour du concert) lui
valent de nombreuses médailles d’or (Genève 1896, Paris 1900). Mais Boissonnas
n’est pas seulement un habile photographe
commercial ; il réalise aussi, en 1889, des
photographies du mont Blanc avec des
plaques sensibles « orthochromatiques »
mises au point par son jeune frère. La mort
prématurée de ce dernier, qui succombe
au typhus aux États-Unis, où il était parti
travailler dans une fabrique de plaques
photographiques, le laisse seul à la tête de
l’entreprise. En 1900, il commence à fonder des succursales à Paris, Reims, Lyon,
Marseille (où il rachète l’ancien atelier de
Nadar*) et Saint-Pétersbourg. À partir de
downloadModeText.vue.download 81 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
81
1903, il voyage régulièrement autour de
la Méditerranée à la demande de riches
amateurs ou d’éditeurs ; effectués en compagnie d’archéologues et d’historiens, ces
périples le mènent en Grèce, en Italie, en
Tunisie, en Égypte, en Nubie, d’où il ramène des milliers d’épreuves. Il se montre
sensible aux beautés de l’architecture, mais
aussi aux types humains, aux scènes quo-
tidiennes. Son atelier de Genève est repris
successivement par trois de ses fils : Edmond-Édouard (1920-1924), Henri-Paul
(1924-1927) et surtout Paul (1927-1969),
qui, après un accident, laissera la direction
du studio à sa fille et son gendre.
S.A.
BOÎTIER
Corps d’un appareil* photographique s’utilisant à la main, sans son objectif*.
S.R.
BOLOGNA Achille
photographe italien
(actif dans l’entre-deux-guerres)
Avocat de profession et photographe
amateur à Turin, Bologna s’associe avec
Stefano Bricarelli et Carlo Baravalle pour
assumer la direction rédactionnelle du
Corriere fotografico en 1922. Cette importante revue italienne, fondée à Piacenza
en 1904 par Tancredi Zanghieri, est éditée
ensuite à Milan, puis à Turin. Elle s’adresse
à une catégorie de lecteurs qui souhaitent
approfondir leurs connaissances de la
technique photographique tout en s’informant des tendances esthétiques du moment. Aussitôt, les trois hommes lancent
une nouvelle série d’albums annuels, Luci
ed Ombre, d’une qualité supérieure d’impression et de gravure. De 1923 à 1934, ce
recueil présentera les meilleurs exemples
de la nouvelle photographie italienne, où
se mêlent virtuosité technique, recherches
novatrices et représentations pictorialistes. Le travail de Bologna, qui y figure
depuis 1923, réunit ces caractéristiques.
À la fin des années 1920, sa photographie
devient, cependant, plus réaliste ; la structure de l’image se simplifie et les formes
géométriques se remarquent davantage. Le
photographe semble attiré par l’idéologie
fasciste, comme en témoigne l’affiche photographique qu’il conçoit pour l’exposition
de la Révolution fasciste et qui est publiée
à la première page de l’édition de 1932 de
Luci ed Ombre.
T.M.G.
BOLTANSKI Christian
artiste français
(Paris 1944)
La photographie noir et blanc est présente dans l’oeuvre de l’artiste dès 1969
comme le constat, au même titre que les
lettres, les objets ou les films, d’une autobiographie impossible. Alors qu’il tente de
reconstituer les objets ou les événements
de son passé, Boltanski prend conscience
de leur banalité et du fait qu’ils appartiennent à une mémoire plus collective
que personnelle (les Habits de François
C., 1972 ; l’Inventaire photographique des
objets ayant appartenu au jeune homme
d’Oxford, 1973). L’Album de la famille D.
(1972) est l’appropriation d’un album de
photos de famille, encadrées et présentées par rangées au mur. L’artiste introduit la couleur en 1975 avec « les images
modèles », qu’il réalise lui-même comme
les parodies d’une imagerie du bonheur
et de la famille. Il confirme cet usage des
stéréotypes avec les Compositions fleuries,
japonaises, grotesques, véritables murs
d’images qui confèrent à la photo une dimension quasi sculpturale. Cette relation
entre l’espace et la photo conduit l’artiste
downloadModeText.vue.download 82 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
82
vers la construction, au cours des années
1980, des Monuments qui sont des environnements à la mémoire des anonymes.
Avec les Leçons des ténèbres (1986), les
Élèves du lycée Chases et la Réserve des
Suisses morts (1991), il crée de véritables
autels, éclairés par de petites ampoules
électriques, les images qui s’y intègrent
ayant valeur d’icônes. La photographie
engage une réflexion sur l’absence et sur la
mort, la parodie cède désormais à la dramaturgie, la légèreté à la gravité.
S.C.
BONFILS Félix
photographe français
(Saint-Hippolyte-du-Fort 1831 - Alès
1885)
Relieur à Saint-Hippolyte-du-Fort, Bonfils
est amené à voyager au Liban en 1861 puis
en 1864, et il rentre conquis par la beauté
du pays. Après avoir été initié à la photographie par Niépce de Saint-Victor*, qui
l’encourage à s’établir et à se spécialiser
dans l’héliographie, il fonde un atelier de
photographie à Alès en 1865. En 1867, il
part pour Beyrouth avec sa famille et s’y
fixe comme photographe. Il déploie une
activité frénétique, puisqu’en quatre ans
il crée une collection de 15 000 tirages à
partir de 591 négatifs et 9 000 vues stéréoscopiques : ce sont des images de Syrie,
de Grèce, de Palestine et d’Égypte, prises
avec des négatifs sur verre au collodion
humide ; vues de monuments, mais aussi
paysages, portraits pittoresques. Il les présente à la S.F.P.* en 1871 et publie un album, Architecture antique, chez Ducher, à
Paris, en 1872. Il commence alors à confier
la vente de ses photographies à des agents
du monde entier. En 1876, il rentre à Alès
pour commercialiser son entreprise la plus
ambitieuse : une série d’albums intitulés
Souvenirs d’Orient, vendus sur commande
et chez ses agents à Paris, Bâle, Londres,
Jérusalem, etc. Il obtient une médaille à
l’Exposition universelle de Paris en 1878,
à celle de Bruxelles en 1883. En 1880, il
ouvre un atelier de phototypie à Alès, où
il meurt en 1885. L’oeuvre de Bonfils, bien
que dictée surtout par des impératifs commerciaux, est, par sa sensibilité et sa beauté, comparable à celles des archéologues
ou des voyageurs amateurs de photographie tels que Louis de Clercq ou E. Piot*.
S.A.
BONNARD Pierre
peintre français
(Fontenay-aux-Roses 1867 - Le Cannet
1947)
Comme beaucoup d’autres particuliers,
grâce à l’apparition des appareils instantanés dans les années 1880, Bonnard s’est
adonné à la photographie en amateur
pour enregistrer des scènes de sa vie quotidienne. Ses clichés, pris entre 1894 et
1920, montrent qu’il s’est surtout penché
sur le mouvement et la lumière. En effet, si,
à l’inverse de Degas*, il ne s’est pas intéressé à l’exercice de la photographie – il n’a,
notamment, jamais fait tirer de grandes
épreuves de ses négatifs ni cherché à améliorer sa technique –, il apporte cependant
une vision nouvelle, celle du peintre. À l’exception de ses sujets parisiens, les thèmes
qu’il aborde sont les mêmes que ses peintures, des scènes intimes et familiales. Ce
sont des nus de sa compagne Marthe (et
de lui-même), des scènes de jeux d’enfants,
des membres de la famille en compagnie
d’animaux domestiques. Ses images les
plus marquantes datent des années 1890,
mis à part son étonnante Marthe au tub,
réalisé vers 1908 (Paris, Orsay). Ses photographies n’ont pas influencé ses peintures,
mais, au contraire, témoignent de sa vision
de peintre. L’évolution de son style dans
downloadModeText.vue.download 83 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
83
les années 1907-1908 se retrouve simultanément dans ses clichés. La photographie
a sans doute aidé le peintre à transcrire
des attitudes fugitives, des mouvements.
Il transpose des nus de sa compagne, pris
dans l’appartement parisien (1899-1900),
dans des lithographies destinées à illustrer
une édition de Vollard, le Parallèlement de
Verlaine (1901), et la série des nus pris à
Montval en 1900-1901 se retrouve dans
la seconde édition de Vollard, Daphnis
et Chloé (1902). La majeure partie de ses
clichés sont réalisés pendant ses séjours
à la campagne. À Noisy-le-Grand (18981899), au Grand-Lemps dans le Dauphiné,
où, chaque été, il retrouve famille et amis,
à Montval, où Bonnard fait aine série de
nus de Marthe (Marthe debout au soleil,
1900-1901, Paris, Orsay), à Vernouillet (où
il réalise le fameux Marthe au tub) et enfin
à Vernon. S’ajoutent des photographies de
voyages : à Venise avec Vuillard et Roussel (1899) ; en Espagne en compagnie de
Vuillard et du prince Emannuel Bibesco
(1901). Enfin, deux séries d’études de
modèles, v. 1905 et v. 1916, sont les dernières photographies de l’artiste parvenues
jusqu’à nous. Les travaux de Bonnard sont
conservés à Paris (musée d’Orsay).
M.C.
BONNETTE
Lentille s’adaptant devant un objectif*
pour en modifier la distance focale.
Sur les appareils* ne permettant pas la photographie d’objets relativement proches,
on utilise des bonnettes d’approche, appelées aussi « lentilles additionnelles », qui
sont des lentilles convergentes dont la distance focale est à peu près égale à la distance du sujet à l’appareil.
S.R.
BOSTOCK Cecil W.
photographe australien
(Grande-Bretagne 1884 - Sydney 1939)
Bostock arrive en Australie (Sydney) à
l’âge de quatre ans. Vers 1901, il quitte
son travail de technicien dans les tramways pour commencer une carrière artistique. Jusqu’en 1916 – année où il devient
membre de la Photographic Society of
New South Wales –, sa vie est peu documentée. Bostock est également un des
fondateurs du Sydney Camera Circle,
dont les réunions ont lieu dans son
propre atelier jusqu’en 1921. Il sert pendant la guerre dans l’infanterie, puis passe
six mois à Londres, en 1919, où il rejoint
la Royal Photographic Society et organise une exposition individuelle sur ses
aquarelles de guerre en 1920 (année de
sa démobilisation). Pendant les 20 années
suivantes, il se spécialise dans l’image publicitaire et travaille notamment pour le
magazine The Home. En 1917, il a publié
un album de ses travaux, A Portfolio of Art
Photographs, en édition limitée. Ses photographies sont austères, avec une mise
au point nette, à l’opposé de celle des pictorialistes. C’est lui qui conçoit et édite les
catalogues des grandes expositions pictorialistes telles que : The Australian Salon
of Photography (1924, 1926), l’exposition
du Contemporary Camera Group (1938)
– première exposition indépendante en
Australie de la photographie moderne. Il
a également largement participé à l’illustration de The Book of the Anzac Memorial N.S.W. (paru en 1934). Son oeuvre a
été dispersée, et seuls quelques-uns de ses
clichés ont pu être localisés. Il est notamment représenté à Sydney (National Gallery of New South Wales) et à Canberra
(National Gallery).
M.C.
downloadModeText.vue.download 84 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
84
BOUBAT Édouard
photographe français
(Paris 1923 - id. 1999)
Boubat passe son enfance à Montmartre
avant d’entrer à l’école Estienne, où il apprend la photogravure (1938-1942). En
1945, il réalise ses premières photogra-
phies et travaille dans un atelier de photogravure, rue Dauphine. Exposant au Salon national, Boubat partage un prix avec
R. Doisneau* en 1949. En 1951, il expose
avec Brassaï*, Doisneau, Facchetti et Izis* à
la galerie La Hune. Bertie Gilou, directeur
artistique de Réalités*, remarque ses photographies et lui confie un premier reportage, les Artisans de Paris. En 1953, Boubat
intègre l’équipe de la revue. C’est le début
d’un voyage ininterrompu dans les cinq
continents : « Mes photographies comme
des portes dans le temps m’ouvrent le
monde. » Depuis la Petite Fille aux feuilles
mortes du Luxembourg (1946), Boubat ne
cesse de s’émerveiller devant le monde et
les hommes. « Photographier, dit-il, c’est
exprimer une gratitude. » Dans un état de
grâce perpétuel, il fixe les rencontres, les
paysages, les instants de plénitude. Il immortalise « les moments où il ne se passe
rien sauf la vie de tous les jours ». Boubat
est en quelque sorte un sage, un apôtre, un
photographe béat, un « correspondant de
paix », disait Prévert.
En 1976, le Centre Georges-Pompidou organise une exposition itinérante, Édouard
Boubat, essai rétrospectif (Paris, New York,
Chicago). Boubat reçoit, en 1977, le Grand
Prix du livre d’Arles avec la Survivance
(Paris, Mercure de France). En 1987-1988
a lieu une exposition itinérante au Japon,
Édouard Boubat, une aventure poétique.
S.Ro.
BOUCHER Pierre
photographe français
(Paris 1908)
Boucher, étudiant à l’Ecole des arts appliqués de 1922 à 1925, apprend la photographie pendant son service militaire dans
l’aviation (1928-1930). Influencé à la fois
par la Nouvelle Vision, le Bauhaus* et le
surréalisme*, il refuse d’adhérer à une
école particulière et fait de la photographie
pure, du photomontage*, utilise la solarisation* et la surimpression. « Photo-graphiste », il considère la photo comme un
outil nécessaire à ses travaux publicitaires :
il fait un stage chez Deberny-Peignot* et
travaille dans le Studio Zuber. En 19331934, il fonde avec R. Zuber*, P. Verger*,
R. Capa* et Chim* (D. Seymour) l’agence
Alliance Photo*, dirigée par M. Eisner. Il
voyage en Espagne, au Maroc, en Égypte,
et ses photos paraissent dans Arts et Métiers graphiques, Photo Magazine, Vu...
Il publie plusieurs livres, dont le Nu en
photographie (1935) et Truquages en photographie (1938). Toujours à la pointe de
la technique, il réalise des photos sousmarines (publiées dans Photo-France et
Caméra, 1941 et 1942) grâce à un appareil
qu’il conçoit lui-même. Dans les années
1950 et 1960, il travaille pour de nombreuses agences. Depuis qu’il s’est retiré,
Boucher a créé une nouvelle technique de
photographie abstraite en couleur, la « polarisation ». Une monographie intitulée
Pierre Boucher photo-graphiste est parue
aux éditions Contrejour en 1988.
E.E.
BOUDINET Daniel
photographe français
(Paris 1945 - id. 1990)
En autodidacte, Boudinet se consacre à la
photographie dès 1968. Il s’intéresse en
downloadModeText.vue.download 85 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
85
priorité à des lieux marqués par l’abandon. Dans Bagdad-sur-Seine, son premier
livre, paru en 1973, il fixe les dernières
traces d’un Paris qui disparaît. À Bomarzo,
à l’invitation de René Fouque, il travaille
dans le parc du palais Orsini, peuplé de
monstres taillés dans d’énormes rochers.
Avec la même prédilection, Boudinet photographie la nature et l’architecture. Ses
paysages d’Alsace sont publiés par la revue
Créatis avec un texte de Roland Barthes*
en 1977. Bien que très sombres, ses images
en couleur de Paris, Londres, Rome, la nuit,
nous laissent peu à peu percevoir de nouvelles formes. Exposées pour la première
fois à la galerie la Remise du parc en 1978,
elles surprennent par leur nouveauté. En
1979, Boudinet explore son propre appartement comme un labyrinthe. Parallèlement, il photographie des figures du cinéma pour la revue le Cinématographe ; ces
images sont exposées à la galerie Agathe
Gaillard en 1981. Il collabore également à
Beaux-Arts, City et Décoration internationale, tout en poursuivant ses investigations
dans le désert de Retz à Joyenval, dans le
jardin de Ian Hamilton Finlay, ou encore
au cimetière des Espagnols à Oran. Il photographie aussi Petra, les villes d’eaux,
des théâtres. En 1985, pour la Caisse des
monuments historiques, il retranscrit dans
une lumière douce les lignes de l’architecture du Panthéon et, en 1989, dans le cadre
d’une commande sur le paysage pour la
Fondation Cartier, il photographie pour la
dernière fois la nature, les herbes. Il meurt
du sida en 1990.
A.M.
BOUGÉ
Mouvement involontaire donné à l’appareil de prise de vue au moment du déclenchement, qui produit une image plus ou
moins floue*.
S.R.
BOULTON Alfredo
photographe vénézuélien
(Caracas 1908)
Pionnier de la photographie de paysage
dans les années 1940, Boulton est un
homme combatif qui a consacré sa vie à
établir la justice politique et sociale. Depuis l’enfance, il manifeste un intérêt pour
le monde artistique. Il réalise plusieurs
livres sur l’art vénézuélien et sur l’histoire
de l’art au sens plus large.
En 1922, son oncle lui donne un appareil
Kodak, et il s’initie à la photographie avec
Guillermo Zuloaga. En 1940, il publie son
premier livre, Images de l’ouest du Venezuela, illustré de nombreux portraits, de
maisons de villages et de symboles, comme
les croix. En 1950 paraissent Los Llanos de
Paéz, autre ouvrage sur son pays, ainsi que
A Margarita, où il documente l’île, ses habitants et ses pêcheurs.
Il continue à photographier les oeuvres
d’art de ses amis artistes, notamment les
sculptures de Francisco Narvaez, pour une
publication en 1951. Il travaille aussi avec
Manuel Alvarez Bravo sur les fêtes mythologiques de Yare. Dans la grande tradition
de la photographie documentaire et sociale, ses ouvrages comme Lara, Timotes,
El Cementerio de la Mesa de Esnujaque, El
Valle de Motatán célèbrent la beauté des
paysages vénézuéliens et témoignent de
la vie sociale des habitants. En 1982, il est
l’un des premiers photographes à exposer
au musée des Beaux-Arts de Caracas avec
son travail Imagens. Ses oeuvres sont dans
les collections du musée d’Art moderne de
New York.
V.E.
downloadModeText.vue.download 86 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
86
BOURDEAU Robert
photographe canadien
(Kingston, Ontario, 1931)
Autodidacte en photographie, il rencontre
en 1965 M. White*, qui lui inculque sa
vision mystique de la photographie de paysages. Il délaisse l’approche subjective de
White au début des années 1970 et opte
pour une approche plus descriptive de
la nature. Employant des négatifs de très
grand format et travaillant exclusivement
en noir et blanc, il réalise des paysages
naturels, des natures mortes, des études
architecturales et des paysages urbains.
L’absence de premier plan et de ligne d’horizon, l’abolition des repères topologiques,
la description scrupuleuse des textures
et des formes naturelles caractérisent ses
paysages (Yorkshire, 1975 ; Maine, 1979),
alors que ses vues rapprochées de rochers
témoignent d’une vision fragmentée de la
nature qui isole chacun des éléments de
l’image.
V.L.
BOURDIN Guy
photographe français
(France, 1933 - 1991)
Avant de débuter dans la photo de mode,
Bourdin fait de la peinture et signe des
photos de paysages sous le nom d’Edwin
Alan. Ses premières publications de mode
paraissent en 1955 dans l’édition française
de Vogue* à l’initiative de sa rédactrice en
chef, Francine Crescent. Pendant plus
de 30 ans, il restera très proche de cette
revue. À partir de 1965, Bourdin débute,
avec les chaussures Charles Jourdan, une
collaboration qui le rend célèbre et qui
marque un tournant dans l’histoire de
la photo publicitaire : pour la première
fois, le produit présenté est sublimé par la
photographie. Les images de Bourdin ont
doté l’entreprise Jourdan d’une identité
immédiatement reconnaissable. Il tra-
vaille également pour Grès, Chanel, Bloomingdale et pour Vogue Italie, mais sa carrière restera géographiquement limitée.
Avant le milieu des années 1960, Bourdin
utilise ses photos personnelles comme
esquisses pour les photos de mode. Par la
suite, toutes ses commandes deviennent
des photos personnelles. Son travail
publicitaire pour Jourdan a, sans aucun
doute, joué un grand rôle dans l’évolution
de son style. Jourdan, puis Vogue France,
dont il devient le photographe vedette
avec H. Newton dans les années 1970, lui
accordent une totale liberté d’action. Aussi Bourdin signe-t-il des photos parmi les
plus importantes et les plus audacieuses
de la décennie. Elles mettent en scène
ses propres obsessions et abordent les
thèmes du sexe et de la violence. Bourdin
adopte le système de l’image dans l’image,
crée un climat menaçant (un courant
d’air, une ombre en mouvement) qui renforce le sentiment de vulnérabilité dégagé
par ses modèles qui se contorsionnent
dans le cadre. Elles sont cependant très
apprêtées : coiffure, maquillage et tenues
sont toujours impeccables. L’éclairage au
flash, particulièrement cru, rend la chair
blême et les couleurs saturées. La mise en
page, que Bourdin contrôle, accentue le
pouvoir narratif de ses images : photo à
bords perdus, économie de texte, double
page. Bien que son oeuvre soit capitale
dans l’histoire de la photographie de
mode, Bourdin a toujours refusé catégoriquement l’utilisation de son travail hors
de son contexte commercial d’origine. Il
n’a donc, de son vivant, jamais publié ni
exposé ses photographies.
N.C.
downloadModeText.vue.download 87 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
87
BOURKE-WHITE Margaret
photographe américaine
(New York 1904 - Stramford, Connecticut,
1971)
C’est durant ses études à la University
of Michigan puis à la Cornell University
qu’elle fait, vers 1927, ses premières photographies (vues d’architectures, machines).
Henri Luce, impressionné par son travail,
l’engage comme rédactrice en chef dès
la création de Fortune (1930). Le 23 no-
vembre 1936 paraît le premier numéro
de Life* avec, en couverture, le Barrage de
Fort-Peck, Montana.
C’est le début d’une longue collaboration
(1936-1971) et d’une grande carrière de
photojournaliste : l’U.R.S.S. (1931) puis,
avec E. Caldwell, un reportage sur la pauvreté aux États-Unis (1937). Photographe
de la US Air Force, elle couvre le siège
de Moscou, la libération des camps de la
mort, l’Allemagne en ruine ; puis l’Inde
(1948), l’Afrique du Sud (1950), la guerre de
Corée (1952). Parallèlement, elle travaille
pour différentes agences de publicité. La
maladie de Parkinson lui fait interrompre
sa carrière dès la fin des années 1950. Ses
Mémoires, Portrait of Myself, paraissent
en 1963. Témoin des événements les plus
importants du XXe siècle, Bourke-White
saisit des regards, des gestes, construit
puissamment ses images et donne, souvent
à travers le particulier, le sens profond des
faits historiques.
L’International Center of Photography de
New York organise, en 1988, une grande
exposition itinérante, Bourke-White : A
Retrospective (Detroit, Kansas City, Hartford, Washington, Fort Worth, Cleveland,
Londres, Milan, Paris). La bibliothèque
George-Arents, à New York, conserve la
plus grande collection d’épreuves et de
négatifs de la photographe. Elle est aussi
représentée au M.O.M.A., à Rochester
(George Eastman House), à Chicago (Art
Institute) et à Bath (Royal Photographic
Society).
S.Ro.
BOURNE Samuel
photographe britannique
(Nottingham 1834 - id. 1912)
C’est dans l’atelier de Richard Beard, un
des pionniers du daguerréotype en Angleterre, que Bourne apprend, à 17 ans, en
1851, la technique photographique. Puis il
retourne à Nottingham, sa ville natale, où
il occupe un poste de clerc de notaire. Il
n’oublie pas pour autant la photographie
et, en 1858, il expose des photographies
de paysages. En 1862 commence la grande
aventure de Bourne. Il part pour les Indes
et photographie de nombreux paysages,
sites et monuments. Pour pouvoir continuer son périple photographique du Bengale à l’Himalaya, il vend ses images aux
touristes anglais de passage. Pendant plus
de cinq ans, il rassemble une collection
photographique importante. En 1867,
de retour pour un an en Angleterre, il se
marie et exerce toutes sortes de métiers,
comme manutentionnaire ou poète. De
retour en Inde, il ouvre un second atelier avec son associé, l’éditeur Charles
Shepherd, qui se charge de la commercialisation des images pendant qu’il reprend son périple pour deux ans. Après
son retour en Angleterre, vers 1870, il
publie dans le British Journal of Photography le catalogue des photographies
de Calcutta. Il devient membre actif de la
Nottinghamshire Amateur Photographic
Association puis vice-président du Nottingham Camera Club en 1892, avant d’en
devenir président en 1903. En 1896, il se
retire définitivement des affaires, mais est
néanmoins élevé au titre de photographe
downloadModeText.vue.download 88 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
88
officiel du roi George V en 1911 avant de
s’éteindre à Nottingham le 27 avril 1912.
S.M.
BOVIS Marcel
photographe français
(Nice 1904 - Antony 1997)
Après une formation à l’école des arts
décoratifs de Nice (1919-1922), Bovis travaille successivement comme décorateur
aux ateliers d’art des Galeries Lafayette et
au Bon Marché. Devenu décorateur indépendant en 1930, son intérêt pour la photographie – pratique qu’il découvre seul au
service militaire en 1926 – va grandissant.
En 1933, il présente son travail à C. Peignot*, qui retient une épreuve pour le numéro annuel Photographie de la revue Arts
et Métiers graphiques. Paris-Magazine
lui achète sept photographies nocturnes
de Paris, et Aujourd’hui lui commande
l’illustration des Suicidés de Simenon.
Puis il collabore à la revue Arts et Métiers
graphiques : reportages sur les fêtes foraines, les métiers d’art et la reproduction
d’oeuvres d’art. En 1940, Bovis se consacre
exclusivement à la photographie, et l’illustration devient son domaine privilégié.
Entre 1943 et 1947, il travaille pour le
Commissariat général au tourisme, illustre
des livres sur Paris, dont Voyage dans Paris
de Pierre Mac Orlan (1941). À partir de
1950, il parcourt l’Algérie pour le Gouvernement général et rapporte des paysages
monumentaux.
En véritable artisan, il construit une
oeuvre intimement liée aux courants
photographiques de son temps. Sa vision
s’aiguise avec les images de la Nouvelle
Photographie – il admire E. Sougez* –,
mais gardera toujours le juste ton et la
sérénité qui lui sont propres. L’Enfant à la
colombe, réalisé en 1933, peut être considéré comme une des premières « photographies humanistes ». En 1991, à l’occasion de la donation de son oeuvre à l’Etat,
une rétrospective est organisée au palais
de Tokyo à Paris.
S.Ro.
BRADY Mathew B.
photographe américain
(Lake George, New York, 1823 - New York
1896)
Il étudie en 1840 la daguerréotypie avec
S.F.B. Morse* et ouvre à Broadway, en
1844, un atelier où il fait des portraits. Le
velours rouge, le satin, les feuilles d’or, les
portraits de souverains et d’aristocrates
ornent les murs de son studio de Broadway et attestent sa réussite sociale et
commerciale.
En 1847, à Washington, il ouvre une galerie
qui sera dirigée par son assistant A. Gardner* de 1858 à 1863. La publication en
1850 de The Gallery of Illustrious Americans, un ouvrage réunissant 12 lithographies d’après ses daguerréotypes, présente
un panthéon de personnalités connues et
respectées.
Toujours à Broadway, il installe en 1860
un nouveau studio et réalise des clichés de
personnages illustres, dont celui du président des États-Unis Abraham Lincoln
(1860). Principalement connu pour ses
reportages sur la guerre de Sécession réalisés sur le front, il organise, de 1861 à 1865,
avec l’accord préalable du gouvernement
américain, des équipes photographiques
dans toutes les parties de l’armée. Assisté
de Levin Handy, Gardner, George S. Cook,
Michael Miley et T. O’Sullivan*, il prend
le parti de montrer l’horreur de la guerre
et démontre ainsi le rôle de premier plan
joué par la photographie dans la pratique
du reportage.
V.L.
downloadModeText.vue.download 89 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
89
BRAGAGLIA Anton Giulio et
Arturo
photographes italiens
(1890 - 1960 et ?)
Le « photodynamisme » des frères Arturo
et Anton Giulio Bragaglia est une expérience brève, formulée parallèlement au
futurisme mais qui ne trouve que peu
d’écho dans ce mouvement (les peintres
futuristes, emmenés par Boccioni, le
rejettent catégoriquement en 1913) ou
parmi les mouvements photographiques
dont les frères Bragaglia se voulaient résolument séparés. Ils tentent, dès 1910,
mais surtout par leurs travaux de 19111913, de trouver un équivalent photographique de la peinture futuriste, en partant
des recherches chronophotographiques
de E.-J. Marey* (initiées en 1882), dont
ils veulent en outre dépasser la rigueur
formelle et scientifique. Ils cherchent à
rendre l’invisible d’un geste, le déroulement du temps d’une action ; ils veulent
en faire la synthèse dynamique sans en
réaliser l’analyse par étapes successives.
Opposant un refus à l’instantanéité aussi bien qu’au pictorialisme, ils mènent
une tentative d’« art photographique »
qui aurait ses propres règles et se donnerait pour tâche de représenter l’invisible. Anton Giulio publie en 1912-1913
Fotodinamismo futurista, où il expose ses
théories et donne des exemples de réalisations : le Salut, l’Homme qui marche,
la Dactylographe, Main en mouvement.
Les photographies auraient été faites
par Arturo, qui restera photographe (et
acteur) alors qu’Anton Giulio deviendra
cinéaste et metteur en scène. Bien que
de peu d’influence à l’époque, les photodynamiques des Bragaglia, qui tiennent
aussi des photographies de fluides psychiques en honneur vers 1900, sont une
tentative d’exacerbation des principes de
la photographie.
M.F.
BRANCUSI Constantin
sculpteur français d’origine roumaine
(Hobita 1876 - Paris 1957)
Fils de paysans, Brancusi fait des études
à l’Académie des beaux-arts de Bucarest
avant de se rendre à pied à Paris via Munich. Dans la capitale française, il rencontre
Rodin, qui lui propose de venir travailler
avec lui, proposition qu’il refuse. Très tôt,
Brancusi prend conscience de l’importance de la photographie dans la diffusion
de son oeuvre sculpté, tout en constatant
l’abîme qui sépare cette technique de ses
préoccupations de sculpteur. C’est alors
qu’il décide de photographier lui-même
ses sculptures, contrôlant ainsi la vision
que le spectateur peut en avoir. Son atelier
devient bientôt un véritable atelier de photographie : il y bâtit une chambre noire,
aménage rideaux, projecteurs, paravents
et écrans afin d’avoir un contrôle absolu de
la lumière, élément indispensable à l’existence de ses photographies tout autant
qu’à celle de ses sculptures. C’est ainsi que
voient le jour des centaines de clichés qui
sont bien plus que de simples documents.
Qu’il photographie ses oeuvres isolées
sur un socle ou réunies dans des mises
en scène complexes, il ne perd jamais de
vue l’importance des volumes, des jeux
d’ombre et de lumière, des juxtapositions,
des textures du bois brut ou poncé, du
marbre et du bronze poli à l’extrême.
Partie intégrante de sa création artistique,
la pratique de la photographie permet à
Brancusi de sculpter au sens propre du
terme avec la lumière. Ses négatifs sont
conservés au M.N.A.M. de Paris.
M.L.
downloadModeText.vue.download 90 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
90
BRANDT Bill
photographe britannique
(Hambourg 1904 - Londres 1983)
Né à Hambourg en 1904, mais ayant
reçu une éducation britannique dans une
famille aisée, Brandt n’aura de cesse de
donner sa vision personnelle de l’Angle-
terre, comme une mission à accomplir
pour mieux s’inventer ensuite une liberté
d’artiste résolument autonome. Atteint de
tuberculose dans sa jeunesse, il apprend la
photographie au moment de sa guérison,
vient en 1929 à Paris, où il travaille avec
Man Ray*, et conçoit d’emblée la photographie comme une activité spécifique,
liée aux idées plastiques de l’époque. En
1931, il est à Londres et commence, pour
des magazines, sa série de photographies
sur les Anglais, sur les types sociaux, sur
les styles de vie et la séparation des classes.
En 1936, The English at Home est comme
une nomenclature des niveaux sociaux
et des clivages irréversibles qui choquent
Brandt ; de l’aristocratie indifférente aux
ruelles glissantes, du pub au golf, du champ
de courses au dîner familial, de l’asile de
nuit au parc embrumé, il traque les images
clés d’une Angleterre encore énigmatique,
pour en constituer un rapport critique.
En 1938, A Night in London, sur le modèle
de Paris de Nuit de Brassaï* (1933), est
une extension beaucoup plus sociale du
propos de celui-ci, traité comme la déclinaison d’un thème (la vie de nuit) dans
tous les lieux et toutes les situations. Les
scènes sont en fait reconstituées à partir
d’éléments réellement perçus. La guerre
et les bombardements de 1940 donnent
lieu à deux importantes séries, sur les
abris souterrains et sur les monuments
et immeubles en danger de disparaître.
Les tirages de Brandt, qu’il fait lui-même,
deviennent de plus en plus sombres et
contrastés, la saturation des noirs se transformant en élément de style lié sans aucun
doute à la charge émotionnelle de ses
images. Brandt a également entrepris des
séries d’images pour la presse (notamment
pour Lilliput) : portraits d’artistes (Bacon,
Moore, Casais...) ; sites d’inspiration littéraire (Literary Britain, 1951). En 1945,
il substitue à la vision oculaire que respecte approximativement l’appareil normal la perception distordue d’une grande
chambre ancienne en bois, avec grand-angulaire. Influencé par Orson Welles et par
Hitchcock, il photographie non pas des
nus, mais plutôt une présence féminine
dans des intérieurs, tant les espaces sont
dilatés – plus proches de ceux du souvenir
que de la réalité. Les distorsions imposées
par le grand-angle sont ensuite transposées sur des plages où des plans rapprochés de corps féminins se fondent avec des
galets et des rochers, dans la confusion des
espaces emboîtés (Perspectives sur le nu,
1961). Brandt s’y montre un digne concurrent de Moore et de Arp en traitant le médium photographique comme un outil de
sculpture. Mais la série la plus étonnante
est certainement celle des gros plans d’oeil
isolé (droit ou gauche) d’artistes (Dubuffet,
Tàpies...; 1960-1964) par laquelle Brandt
achève de briser toute limite imposée par
la tradition d’usage de la chambre noire ;
il avait méthodiquement et sereinement
conquis cette liberté. Le C.N.P. lui a consacré, en 1995, une importante exposition.
M.F.
BRAQUEHAIS Bruno
photographe français
(Dieppe 1823 - après 1874)
Gendre du daguerréotypiste Alexis Gouin
à partir de 1850, il figure parmi les petits
maîtres du nu artistique avec la série publiée sous le titre général de Musée-DadownloadModeText.vue.download 91 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
91
guerrien (dépôt d’une dizaine d’académies
à la Bibliothèque nationale en 1854).
L’esthétique du daguerréotype (qu’il pratiquera avec constance) prévaut par les natures mortes qu’offrent les compositions,
cet attrait pour deux genres réunis dans la
même image se retrouvant chez J.E.F. Boitouzet (actif de 1854 à 1865).
Comme Moulin, Braquehais change de
cap, puisqu’il s’évade de l’atelier et se
porte à la rencontre de l’événement dans
la centaine d’épreuves réalisées en 1871 :
il est à peu près le seul à fixer les fédérés
et leurs familles (en particulier, une série
de groupes posant place Vendôme au pied
de la colonne abattue) alors que la plupart
des photographes n’ont retenu que les destructions causées par les obus prussiens et
surtout par les incendies de la Commune
de Paris.
B.M.
BRASSAÏ (Gyula Halász, dit)
photographe français d’origine roumaine
(Braşov 1899 - Nice 1984)
Après des études aux Académies des
beaux-arts de Budapest et de BerlinCharlottenburg, Brassaï s’installe en 1924
à Paris, où il gagne sa vie en étant correspondant d’un journal sportif hongrois
et de magazines allemands. Il avoue :
« Jusqu’à l’âge de trente ans, je n’ai jamais
eu une caméra en main et la photographie
était complètement hors de mes préoccupations. Mais à Paris, pendant six ans, je
menais une vie noctambule, et lorsque
saturé des beautés de la nuit parisienne,
je me demandais par quel moyen je pourrais les capter, la photographie s’est imposée, seule et unique. » En 1929, il achète
donc un appareil Voigtländer et son livre
Paris de nuit paraît fin 1932, année où il
commence à photographier les graffiti
sur les murs. Ami de Fargue, Queneau,
Miller, Picasso et Dalí, il évolue en marge
du groupe surréaliste, publiant ses photos dans la revue Minotaure, comme les
Graffiti ou la série des Sculptures involontaires qu’il réalise avec Dalí. Malgré
cette proximité avec les surréalistes, Brassaï ne se considère pas comme l’un des
leurs, déclarant : « Le surréalisme de mes
images ne fut autre que le réel rendu fantastique par la vision. Je ne cherchais qu’à
exprimer la réalité, car rien n’est plus surréel. » Lorsqu’en 1932 il écrit son premier
article, il défend le concept de photographie-témoignage par opposition à celui de
photographie esthétisante, et même dans
les années 1980 il continue à penser que la
photographie n’est pas un art. Après Paris
de nuit, Brassaï photographie Paris de
jour, orientant son intérêt vers les monuments et vers l’homme de la grande ville
qu’il aime à suivre alors qu’il vaque à ses
occupations quotidiennes. Nombreuses
sont les études de personnages qui se présentent sous forme de séries qu’il qualifie d’« études filmiques ». Ces reportages
diffusés dans Détective et Paris-Soir lui
permettent de subvenir à ses besoins. Il
photographie également les sculptures de
Picasso dans ses ateliers de Boisgeloup en
Normandie, de la rue de La Boétie (1932)
et de la rue des Grands-Augustins (19431946). De l’amitié entre les deux hommes
naît un livre intitulé Conversations avec
Picasso (1965), dans lequel le texte est accompagné d’une cinquantaine de photographies. Après la guerre, Brassaï réalise
plusieurs décors photographiques pour
différentes pièces de théâtre : En passant
de R. Queneau (1947), D’Amour et d’eau
fraîche d’Elsa Triolet (1949), Phèdre, ballet de Cocteau et Auric (1950). De 1949
à 1960, il collabore à Harper’s Bazaar*,
parcourt le monde (Grèce, Irlande, Italie,
Brésil, États-Unis...). En 1956, il tourne au
zoo de Vincennes le film Tant qu’il y aura
downloadModeText.vue.download 92 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
92
des bêtes, qui reçoit le prix de l’originalité à Cannes. À la fin de sa vie, Brassaï
connaît la consécration avec des expositions en France et aux États-Unis et la
publication de plusieurs livres : Graffiti
(1960), Paris secret des années 30 (1976),
les Artistes de ma vie (1978). Le Centre
national de la Photographie a présenté, en
1994, une exposition intitulée Brassaï, du
surréalisme à l’art informel.
M.L.
BRAUN Adolphe
photographe français
(Besançon 1812 - Dornach 1877)
Dessinateur pour étoffes, Braun ouvre en
1847, à Dornach, près de Mulhouse, un
atelier vite prospère. Il aborde la photographie en 1854-1855, par une collection de
vues de fleurs, en bouquets ou couronnes,
faites sur plaques au collodion. Destinées aux fabriques « qui utilisent la fleur
comme ornementation », elles obtiennent
un immense succès public, par leurs qualités techniques autant qu’esthétiques.
Exploitant cette nouvelle voie, dans une
optique commerciale, il s’entoure de divers opérateurs habiles : son père Samuel,
son frère Charles, son fils Gaston et JeanClaude Marmand, formé par les frères Bisson. Sa maison se taille une des meilleures
parts dans la photographie paysagiste, avec
ses séries stéréoscopiques sur l’Allemagne,
la Suisse et la Savoie, notamment. Ses
vues en grand format (40 × 50 cm), puis
panoramiques à partir de 1866, d’une force
sereine, confirment sa réputation, offrant
des milliers de titres. Quelques séries remarquables, mais épisodiques, viennent
diversifier son catalogue : l’Alsace photographiée (1859), les animaux de ferme, les
grandes planches de panoplies de gibier
(1867), les costumes de Suisse (1869), des
vues d’Égypte (de Gaston, 1869), les dé-
sastres de la guerre (1870-1871). À partir
de 1866, il commence à reproduire, par le
procédé inaltérable au charbon de Swan,
les dessins, sculptures, puis peintures des
plus grands musées d’Europe. Son nom
devient alors synonyme, dans le monde
entier, de reproduction de qualité d’oeuvres
d’art.
C.K.
BRÉBISSON Louis-Alphonse de
photographe français
(Falaise 1798 - id. 1872)
Botaniste renommé et personnalité appréciée de Normandie, de Brébisson s’intéresse à la photographie dès l’apparition
publique de celle-ci (1839). Dévoué à son
perfectionnement et à sa diffusion, il est
aussi un praticien important entretenant
des relations avec le baron L.A. Humbert de Molard*, avec Ferdinand Tillard,
E. Bacot*, Augustin Autin, Julien Blot...
H. Bayard* lui rend visite lorsqu’il vient
photographier les monuments historiques de la Normandie (Mission héliographique*, 1851). Ses améliorations et
inventions concernent tant la daguerréotypie que le support papier, la plaque
de verre à l’albumine* ou au collodion*
(châssis-presse* pour le tirage des positives, 1847-1848 ; photomicrographie*,
1849 ; recherches sur l’instantanéité). Il
adopte aussi la stéréoscopie (paysages
du sud de la France, mai-juin 1863). À
Falaise, où il habite et où il initie plusieurs photographes, Brébisson réalise
de nombreux portraits, des vues de paysages architecturaux, naturels et urbains,
des natures mortes et des photographies
scientifiques. Il expose à la Société française de photographie* (membre fondateur en 1854) et L.D. Blanquart-Évrard*
publie ses épreuves (1851 et 1853). Il
rédige de nombreux ouvrages, comme
downloadModeText.vue.download 93 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
93
Glanes photographiques-Notes complémentaires concernant la photographie sur
papier (1848) ou encore un Traité complet de photographie sur collodion (1855),
et réunit des épreuves de divers photographes importants. Brébisson est un de
ces amateurs qui marquent l’histoire de
la photographie par leur dynamisme, leur
imagination et leur croyance en ce nouveau mode de représentation. Ces qualités l’ont fait connaître en province en
même temps qu’à Paris et il a suscité de
nombreuses vocations.
B.P.
BREHME Hugo
photographe mexicain d’origine
allemande
(Eisenach, Allemagne, 1882 - Mexico
1954)
Dès son enfance, passée en Allemagne, il
est fasciné par le médium photographique.
Pendant sa jeunesse, il voyage en Afrique,
déjà muni d’un appareil dont il connaît
bien la technique. Il rapporte une grande
collection de plaques de verre.
Il contracte la malaria pendant son séjour et retourne en Amérique du Sud.
Il concrétise de nouveaux projets de
voyages au Costa Rica, au Salvador, au
Guatemala et enfin au Mexique. Il photographie dans ce dernier pays les sites
archéologiques du Yucatán et de Quintana Rovo. Il ouvre un atelier à Mexico,
qui deviendra l’un des plus célèbres de la
ville, et s’intéresse au paysage, à la révolution et au portrait. En 1923, il publie en
Allemagne son livre Malerisches Mexiko.
Il rencontre cette année-là le jeune photographe M. Alvarez Bravo*. Il ne quitte
plus la ville de Mexico, où ses descendants vivent toujours.
V.E.
BRESLAUER Marianne
photographe allemande
(Berlin 1909)
Issue d’un milieu social raffiné, Breslauer
bénéficie d’une éducation artistique précoce et avoue avoir arpenté passionnément, dès l’âge de quatre ans, les salles des
musées berlinois. Après avoir suivi une
formation de photographe dans une école
d’arts appliqués, elle se rend en 1929 à Paris, où elle devient l’élève de Man Ray*. Elle
fréquente alors le milieu de l’avant-garde
allemande (P. Citroen*, l’écrivain Franz
Hessel) et le Tout-Paris du monde de l’art.
Ses premières photographies à Paris sont
prises à la sauvette dans les rues. Elle y
révèle un sens indéniable de l’humour et
une prédilection pour les situations incongrues. Avec ses portraits d’amis, elle met
au point cette manière directe, libérée de
toute contrainte : Umbo (1927), Man Ray
(1932), Martin Munkacsi (1932), et une
étonnante galerie de jeunes artistes berlinoises à l’allure moderne et androgyne.
Lors d’événements mondains, son oeil saisit infailliblement le moment d’abandon
ou d’intimité des célébrités. Paul Cézanne
fils, Ambroise Vollard, Alfred Barnes,
Picasso... se font ainsi épingler. Ce style
instantané, moins formel que sagace se
trouve résumé avec Premier Jour de printemps à Berlin (1930) : la fillette allongée
sur un banc dont Breslauer saisit les pieds
au premier plan devient le modèle idéal
d’un photographe insolent. Elle retourne à
Berlin en 1930 puis revient à Paris en 1932,
voyage en Espagne, à Jérusalem. Elle publie
régulièrement ses reportages aux éditions
Ullstein et dans la presse allemande : Frankfurter Zeitung, Querschnitt, Weltspiegel...
En 1936, elle quitte l’Allemagne, se marie
avec le marchand d’art Feilchenfeldt et
s’installe à Zurich, où elle vit désormais.
M.R.
downloadModeText.vue.download 94 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
94
BRIDGES George Wilson
révérend et photographe britannique
(actif dans les années 1840-1850)
En janvier 1846, le révérend Bridges est
initié à la pratique du calotype par un
assistant de W.H.F. Talbot*. Dès le mois
de mars, il part pour Malte rejoindre un
cousin de Talbot et C.R. Jones*; il voyage
en leur compagnie et photographie l’Italie
(Pompéi, Naples, Rome). En mai, Bridges
décide de continuer seul son périple autour
de la Méditerranée et passe sept années à
photographier les sites de Sicile, de Grèce,
d’Égypte et le chemin de la Sainte Croix. Il
réalise ainsi environ 1 700 négatifs, chaque
scène étant toujours photographiée deux
fois. Palestine As It Is : In a Serie of Photographic Views Illustrating the Bible (1858),
ouvrage illustré d’images de quatre photographes différents, publie une vingtaine de
vues prises par Bridges. Celui-ci fait figure
de pionnier dans le domaine de la photographie de voyage, tellement en vogue au
milieu du XIXe siècle.
F.H.
BRIGMAN Anne
ar tiste américaine
(Honolulu 1869 - Eagle Rock, Californie,
1950)
Adepte du mouvement pictorialiste à partir de 1903, Brigman est surtout connue
pour ses nus, traités par le biais de l’allégorie, thème alors difficile dans une société
américaine puritaine (la Bulle, 1905, Art
Museum, University of Princeton). Son
interprétation des paysages est proche de
celle des artistes nippons, dont elle connaît
bien l’art grâce à de fréquentes croisières
dans le Pacifique avec son mari, capitaine
de marine (Paysages, v. 1906, Metropolitan
Museum). Sa première exposition a lieu
en 1903 au San Francisco Photographic
Salon, où elle découvre le travail des photographes de Photo-Sécession*. Dans les
années 1930, l’artiste abandonne la photographie pour se consacrer à la poésie.
Ses oeuvres sont conservées dans les collections de nombreux musées, notamment
à Oakland (Oakland Museum), à New
York (Metropolitan Museum), à Rochester
(George Eastman House) et à Bath (Royal
Photographic Society).
M.C.
BRIHAT Denis
photographe français
(Paris 1928)
Après avoir pratiqué la photographie de
reportage et d’illustration, avec essentiellement un travail réalisé en Inde en 1955
et 1956 qui lui valut le prix Niépce en
1957, Brihat s’installe en 1958 à Bonnieux
(Provence), où il réside jusqu’à ce jour. Les
fleurs, les oignons, les arbres, les kiwis et,
plus récemment, les kakis sont la source
de son art. Ses photographies sont plus
des portraits d’éléments de nature que des
natures mortes.
Outre cette approche approfondie de la
nature, l’apport de Brihat est dès 1968 son
étude de la technique des « virages métalliques » : il s’agit de remplacer l’argent du
tirage photographique par d’autres métaux
afin d’obtenir des photographies couleur à
partir de négatifs noir et blanc. De plus, il
utilise une sorte de gravure chimique de
l’épreuve (grignotage) qui permet d’épurer
les fonds et de donner plus de force plastique à l’image.
Ses photographies ont été exposées à
travers le monde, et particulièrement
au M.O.M.A. à New York, au musée
Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône
en 1977, à la galerie municipale du Château-d’Eau à Toulouse en 1980 et au palais
downloadModeText.vue.download 95 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
95
de Tokyo à Paris en 1993 (Hommage à
E. Sougez).
De nombreuses institutions en France et
à l’étranger collectionnent ses photographies, dont le Center for Creative Photography (Arizona) et la Maison européenne
de la photographie (Paris).
S.B.
BRODOVITCH Alexey
artiste américain d’origine russe
(nord-ouest de la Russie 1898 - Le Thor,
Vaucluse, 1971)
Russe blanc, contraint à l’exil, Brodovitch
trouve refuge à Paris en 1920. Peintre
autodidacte, il s’oriente rapidement vers
l’art commercial après avoir remporté un
certain succès dans ce domaine. En 1930,
il s’établit à Philadelphie, où il est chargé
d’organiser le département de design publicitaire de la Philadelphia Museum School of Industrial Arts.
En 1934, il est engagé par Carmel Snow,
rédactrice en chef de Harper’s Bazaar*,
comme directeur artistique de la prestigieuse revue. Il y travaille jusqu’en
1958. Sous l’influence de dada, du
constructivisme et du Bauhaus, entre
autres, il transforme de façon radicale
l’aspect visuel du magazine avec une mise
en page dynamique fondée sur la notion de
contraste et de rythme et un usage inédit
et accru de l’image photographique.
Il favorise ainsi l’émergence d’une photographie de mode plus libre, plus spontanée, principalement axée sur le mouvement flou ou figé dans l’instantané. En
1945, Ballet, un album de 104 clichés réalisés par Brodovitch sur les Ballets russes,
est l’illustration de son credo et sa seule
expérience en tant que photographe. Très
controversées, ces images libérées de la
précision descriptive fournissent un vocabulaire utile pour exprimer vitesse et mouvement. Parallèlement à Harper’s Bazaar,
où il accueille de jeunes photographes
talentueux (R. Avedon*, L. Dahl-Wolfe*,
Hiro* et tant d’autres), leur offrant un protectorat esthétique, Brodovitch poursuit
jusqu’en 1966 son activité d’enseignant.
Dans le cadre du Design Laboratory, rejetant tout dogmatisme théorique et rigide,
il dispense un enseignement fait d’aphorismes et de provocation, forçant l’élève à
trouver seul sa propre direction. Il exerce
ce rôle de catalyseur sur plusieurs générations de photographes, influençant profondément la photographie contemporaine. I. Penn*, son ancien élève, a un jour
déclaré : « Tous les photographes, qu’ils en
soient conscients ou non, sont des élèves
de Brodovitch. » En 1966, malade, il se retire dans le sud de la France. En 1982, une
exposition lui est consacrée aux Galeries
nationales du Grand Palais à Paris. Il est
représenté dans les collections du musée
Réattu, à Arles.
N.C.
BROGI Giacomo et Carlo
photographes italiens
(Florence 1822 - id. 1881 et id. 1850 - id.
1925)
G. Brogi ouvre à Florence, en 1860, un atelier de photographie qui connaît immédiatement un grand succès. Portraitiste, il fait
aussi des reproductions d’art et d’architecture. De retour de Palestine, il publie un
Album de Palestine, dont le seul exemplaire connu se trouve actuellement au
musée d’Histoire de la photographie Alinari de Florence. Après 1870, on retrouve
un atelier Brogi à Rome et à Naples. De ses
deux fils, Carlo et Alfredo, c’est surtout le
premier qui prend la relève à sa mort ; mais
les conditions ont changé, et les Brogi n’arrivent plus à faire face à l’essor de plus en
plus évident des Alinari*. L’atelier fermera
downloadModeText.vue.download 96 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
96
en 1950 et la crue de l’Arno de 1966, faisant suite aux dommages causés par la Seconde Guerre mondiale, réduira fortement
les archives des Brogi. Actuellement, il ne
reste que 50 000 plaques environ, déposées
au musée Alinari. Il n’est cependant pas
rare de trouver des albums de vues d’Italie
illustrés par leurs photos.
S.T.
BROMOIL
voir OLÉOBROMIE
BROODTHAERS Marcel
ar tiste belge
(Bruxelles 1924 - Cologne 1976)
Parallèlement à une activité de poète qui
le rapproche du milieu surréaliste belge,
Broodthaers débute une carrière de photographe reporter sous l’influence de
Julien Coulommier. Ses reportages, qui le
conduiront un court moment à Paris vers
1960, évoquent principalement le monde
urbain. Cette activité est marginale en
comparaison de l’utilisation nouvelle de
la photographie qu’il a développée dans
son oeuvre plastique élaborée à partir de
1964. Utilisée comme un médium à part
entière, la photographie figure dans des
réalisations aussi diverses que des installations (le Salon noir, 1966), des objets, des
publications, des films, ou des montages
par associations ou par émulsion sur toile
photographique. Il a aussi généralisé son
usage jusque dans la mise en scène de la
projection de diapositives (Miroir, la signature de l’artiste, 1971). La photographie est
un outil neutre permettant d’élaborer une
vision du monde dans le contexte de l’art
conceptuel autour des notions d’inventaire, de collection, de répétition sérielle
et de fragment. Il en résulte une approche
poétique et ironique fondamentale pour le
renouvellement critique des pratiques artistiques, comme le montraient les rétrospectives qui eurent lieu en 1991 au Jeu de
Paume à Paris et au Centro de Arte Reina
Sofia à Madrid.
F.D.
BROOKS Ellen
photographe américaine
(1946)
Après des études à l’université du Wiscon-
sin puis de Californie (Los Angeles), elle
enseigne à l’Art Institute de San Francisco.
Son oeuvre photographique est réalisée à
partir de Polaroids de grand format auxquels elle fait subir un procédé technique
qui confère à l’image un grain coloré
proche des effets pointillistes utilisés par
Signac et par Seurat. Elle réalise ainsi de
nombreux paysages, ainsi qu’une suite de
portraits en buste installés dans des pauses
artificielles sur des fonds unis de couleurs
vives. Cette oeuvre photographique, fondée sur des effets coloristes dialoguant
ouvertement avec l’univers de la modernité picturale, a été présentée à Paris à la
galerie Urbi et Orbi.
P.L.R.
BRUGUIÈRE Francis Joseph
artiste américain
(San Francisco 1879 - Londres 1945)
Peintre et photographe, Bruguière rencontre lors d’un voyage à New York en
1905 A. Stieglitz* et surtout F. Eugène*, qui
lui enseigne la photographie et l’introduit
dans le groupe Photo-Sécession*. De retour
à New York en 1919, l’artiste se spécialise
dans le théâtre ; ses portraits paraissent
dans Vogue*, dans Harper’s Bazaar* et
dans Vanity Fair. Il est photographe officiel du théâtre Guild jusqu’en 1927. Dès
1912, Bruguière débute des recherches sur
la lumière, des superpositions à la prise de
downloadModeText.vue.download 97 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
97
vue, mais ce n’est que dans les années 1920
qu’il obtient ses photographies abstraites
en exposant des formes, des papiers découpés pour obtenir un système complexe
d’ombres et de lumières qui font ressurgir
mouvement et volume : Abstraction lumineuse, v. 1926, Sam Wagstaff Coll., New
York. En 1927, sa première exposition individuelle a lieu à l’Art Center à New York.
En 1929, à l’exposition historique Film
und Foto* de Stuttgart, il est classé parmi
les photographes d’avant-garde. Installé à
Londres en 1928, il réalise, deux ans plus
tard, avec Oswell Blakeston, un film abstrait, Light Rythms. Parallèlement, l’artiste
continue ses expériences de solarisation,
cliché-verre, etc. Pour des raisons de santé, il abandonne la photographie en 1940.
Bruguière reste, avec A.-L. Coburn*, celui
qui a le plus développé le concept d’abstraction en photographie dans la première
partie de ce siècle. Tous deux ont basé leur
abstraction sur la lumière pure comme
principal agent de forme et d’expression.
M.C.
BRZESKI Janusz Maria
ar tiste polonais
(? 1907 - Cracovie 1957)
Après des études à l’école des Arts décoratifs de Poznan, Brzeski devient typographe. Il séjourne à Paris en 1925, puis
en 1929 et 1930, travaille à la revue Vu* et
crée ses premiers collages. De retour en
Pologne, il devient directeur artistique des
magazines illustrés As et Swiatowid et collabore à la réalisation de films expérimentaux avec Podsadecki. C’est avec ce dernier
qu’il organise à Cracovie, en 1931, l’Exposition internationale de la photographie
moderniste, où sont réunis de nombreux
artistes allemands d’avant-garde ainsi que
Lissitzki*, l’un des principaux représentants du constructivisme en U.R.S.S. En
1933, Brzeski réalise une importante série
de photomontages intitulée Naissance du
Robot, série dans laquelle le jeu des dialogues et l’accumulation des images, superposées ou juxtaposées sur un fond clair,
traduisent la toute-puissance de l’industrie
et la démesure de l’urbanisme, symbolisant
ainsi l’écrasement de l’homme par la société capitaliste. Après la Seconde Guerre
mondiale, il exécute de nombreuses maquettes de revues.
M.L.
BUCQUET Maurice
photographe français
(? 1860 - Paris 1921)
Formé aux sciences et au droit, passionné
de photographie mais aussi d’archéologie
et de numismatique, occupant de légères
fonctions à la légation de la république
de Saint-Marin à Paris, Bucquet mieux
que tout autre illustre la figure de l’amateur éclairé au tournant du siècle dernier.
Personnalité phare de la photographie
artistique – ou pictorialisme –, il préside
le Photo-Club de Paris, est membre de
la Société française de photographie et
appartient à un nombre impressionnant
de sociétés photographiques, en province
comme à l’étranger. Promoteur des institutions qui voient alors le jour – Bucquet est
un des membres fondateurs de l’Union internationale des sociétés photographiques
(1891) et le vice-président de l’Union nationale des sociétés photographiques de
France (1892) –, il est surtout l’instigateur
des fameux Salons d’art photographique
(1894-1914) qui lui valent en 1905 la médaille Janssen décernée par la S.F.P. « pour
avoir prouvé à tous que l’art existe en
photographie ». L’oeuvre du photographe
reste toujours fidèle au procédé instantané
apparu lorsqu’il réalise ses premiers essais. Habitué des excursions qui rythment
downloadModeText.vue.download 98 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
98
alors la vie de tout amateur photographe,
Bucquet réalise des vues de Hollande, de
Belgique et de diverses régions françaises.
Moins friand que ses collègues pictorialistes d’une esthétique du tableau vivant, il
s’attache surtout aux scènes de rues parisiennes, tel l’Effet de pluie publié en 1900
dans Esthétique de la photographie, édité
par le Photo-Club de Paris.
M.P.
BULHAK Jan
photographe polonais
(Ostaszyn 1876 - Gizyeka 1950)
Bulhak mène parallèlement une carrière
de photographe, de théoricien de la photographie et d’enseignant. Après des études
de philosophie, il fait ses premières photographies en 1905. En 1910, il commence
un inventaire photographique des monuments d’architecture de Pologne (10 000
photographies). De 1914 à 1918, il approfondit ses connaissances photographiques
auprès de H. Erfurth, à Dresde. À son
retour en Pologne, il obtient un poste de
chargé de cours à la faculté des arts de Vilnus. Au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale, il photographie le pays dans ses
nouvelles frontières. Ses photographies
ont été exposées, entre autres, au Centre
Georges-Pompidou en 1981 lors d’une exposition sur la photographie polonaise. Par
ailleurs, Bulhak est l’auteur de quinze livres
sur l’art de photographier et de plus de 240
articles parus dans la presse spécialisée.
S.B.
BULLA Viktor Karlovitch
photographe russe
(Saint-Pétersbourg 1883 - ? 1944)
Issu d’une famille de photographes, Bulla
est initié à cet art, bien avant la révolution, par son père Karl et son frère aîné
Alexandre. C’est en 1904-1905, durant la
guerre russo-japonaise, qu’il fait ses débuts
comme correspondant de la revue Niva.
Dès son retour à Saint-Pétersbourg, il
fonde Apollo, société de production de
films documentaires et historiques. En
1917, il enregistre les événements de la
révolution et certaines de ses images illustrent l’album de Rodtchenko et Varvara
Stepanova le Premier Détachement monté.
Cette année-là, il poursuit ses reportages
sur les ouvrières de Ptersk, les barricades
de Liteïny, les combats d’artillerie de Gostini Dvor. Il dirige alors les studios de
photographie du soviet de Petrograd. Les
portraits de Lénine, qu’il prend régulièrement, au cours des congrès du Komintern
ou lors de ses interventions dans les rues,
restent très célèbres. Bulla participe en
1928 à l’importante exposition Dix Ans de
photographie soviétique à Moscou et y reçoit un diplôme d’honneur. Ses reportages,
d’une très grande force, représentant les
troupes du gouvernement provisoire en
train de tirer ou des combats de rue, furent
réalisés dans des conditions difficiles et
s’apparentent au documentaire cinématographique. Ils furent d’ailleurs particulièrement remarqués par le metteur en scène
Eisenstein. 130 000 négatifs, une trentaine
de films ainsi que les photographies de son
père et de son frère sont conservés aux
Archives centrales du Parti. Bulla a été
arrêté en 1937 ; la date et le lieu de sa mort
restent incertains.
V.E.
BURCHARTZ Max
artiste allemand
(Elberfeld 1887 - Essen 1961)
Burchartz suit des études à la Kunstakademie de Düsseldorf de 1906 à 1909, puis
séjourne à Munich, Berlin, Paris, jusqu’à
ce que la Première Guerre mondiale indownloadModeText.vue.download 99 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
99
terrompe momentanément ses activités
artistiques. Après la guerre, il s’établit à
Hanovre, où il rencontre K. Schwitters*,
puis à Weimar, où il fréquente le milieu
du Bauhaus* et rencontre Théo Van Doesburg. Influencé par les idées du Bauhaus,
qui prône la réconciliation des arts et de
la technique et qui se propose de favoriser une révolution esthétique capable de
recréer tout l’environnement humain,
Burchartz fonde en 1926 à Bochum l’atelier de publicité « Werbe-bau », en collaboration avec Johannes Canis. Il y met en
application les idées nouvelles, créant des
prospectus où il mêle typographie, photographie et dessin. Nommé professeur
à la Folkwangschule d’Essen en 1926, il
poursuit ses recherches plastiques et apparaît comme l’un des créateurs les plus
innovateurs dans le domaine de la publicité. Il présente 8 photographies, 2 photogrammes et 2 photomontages à l’exposition Film und Foto* de Stuttgart en 1929
et publie 2 photographies dans le numéro
spécial Photographie édité par Arts et Métiers graphiques à Paris en 1930. Renvoyé
du service public par les nazis en 1933, il
ne retrouve son poste qu’en 1949.
M.L.
BURGIN Victor
ar tiste britannique
(Sheffield 1941)
Après avoir étudié la peinture au Royal
College of Art de Londres (1962-1965) et
à la Yale University de New Haven (19651967), où il suit l’enseignement de Robert
Morris, il propose un travail analytique
sur notre processus de vision fortement
influencé par la pensée structuraliste française. À partir d’une analyse du rôle primordial de la langue dans nos rapports
aux images, il s’intéresse à la photographie
au tout début des années 1970. La photographie est d’abord convoquée pour son
pouvoir illusionniste. C’est le cas dans
une oeuvre qu’il réalise pour l’exposition
Quand les attitudes deviennent formes
(Berne, 1969) : une suite de photos de
parquet développées à l’échelle 1 puis installées à même le sol en parquet, l’image
venant se superposer littéralement sur
l’objet qu’elle représente. Il entame ensuite
une recherche plus systématique sur le
principe de décodage de l’image en recourant notamment à la rhétorique de la publicité. Dans une oeuvre de 1977 intitulée
Framed (« encadrée »), il combine ainsi la
photographie d’une affiche Marlboro dans
un espace public et un texte (inscrit sur
le négatif du cliché) traitant d’une femme
en proie à sa propre image reflétée dans
un miroir. La déconnection apparente du
texte et de l’image invite le spectateur à
s’interroger sur les nombreux réseaux de
signification contenus dans l’image. C’est
donc une approche ouvertement sémiologique que nous propose ici l’artiste-théoricien. Auteur de nombreux textes sur
les rapports entre la photographie et les
théories de l’information ou la psychanalyse, Burgin s’attache à démêler la question
d’une possible convertibilité de l’image et
du texte. Le musée de Villeneuve-d’Ascq a
accueilli récemment une rétrospective de
son oeuvre.
P.L.R.
BURRI René
photographe suisse
(Zurich 1933)
Il étudie la photographie à la Kunstgewerbeschule de Zurich (1949-1953)
sous la direction de H. Finsler*. Ce grand
pédagogue suisse prône une rigueur formelle que l’on retrouve chez tous ses
élèves. Juste après ses études, Burri bénéficie d’une bourse pour réaliser un film
downloadModeText.vue.download 100 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
100
sur les activités de l’école (1953-1954). En
1955, par l’intermédiaire de W. Bischof*,
autre élève de Finsler, il entre en contact
avec l’agence Magnum*. Son reportage sur
l’éducation musicale des enfants sourdsmuets, commandé par le magazine Science
et Vie et publié dans Life*, est très remarqué. Il devient alors correspondant de
Magnum et, dès 1956, voyage en Europe
et au Moyen-Orient. En 1959, il devient
membre de l’agence et parcourt le monde
pour couvrir des sujets d’actualité : Fidel
Castro, les funérailles de Kennedy (1963),
Israël, la Jordanie (1966), Rio et Bahia pendant le carnaval (1967). Plusieurs repor-
tages, comme les Nouveaux Rois du pétrole
(1974) ou les Combattants palestiniens
(1979) sont publiés dans Life, et dans Du*,
le célèbre mensuel suisse. Burri a photographié pratiquement tous les événements
et les conflits importants de cette seconde
moitié du XXe siècle. Mais les images qu’il
nous a transmises sont plus chargées de
symboles et de sens que de violence et
d’anecdotes. En 1982, il est élu président
de Magnum France, et le Kunsthaus de
Zurich présente en 1984 une rétrospective
de 30 années de photographies, rassemblées dans l’album One World, publié à
cette occasion.
A.M.
BURROWS Larry (Henry Frank
Leslie Burrows, dit)
photographe britannique
(Londres 1926 - Langvie, Viêt Nam, 1971)
Burrows commence une carrière dans
la presse au département artistique du
Daily Express, avant de rejoindre l’agence
Keystone, où il est à la fois photographe
et technicien de laboratoire. En 1942, le
voici tireur aux éditions de Time-Life. Il
devient bientôt le photographe de guerre
le plus talentueux du magazine Life*. Établi
à Hongkong à partir de 1961, il va, comme
chargé d’une mission, revenir sans cesse
sur les champs de bataille du Viêt Nam.
C’est là qu’il trouve la mort, le 20 février
1971. Honnête témoin oculaire, Burrows
ne fait aucune concession à l’horreur de la
guerre. La composition, toujours maîtrisée, est ici au service d’une efficace expression de la douleur et vise à convaincre le
spectateur occidental du drame humain
qui se joue, ailleurs. Honoré par de nombreux prix – Robert Capa Award (1964,
1966) ; The Magazine Photographer of the
Year (1967) ; British Press Picture of the
Year Award (1967) –, il devient membre
de la Royal Photographic Society en 1971.
S.Ro.
BUSTAMANTE Jean-Marc
photographe français
(Toulouse 1952)
Les premières photos de l’artiste datent
de 1974. Il traite ses tirages comme des
tableaux. De 1983 à 1987, il s’associe avec
Bernard Bazile, et ils signent ensemble
leurs pièces, sous le nom de Bazile Busta-
mante. Ils travaillent à la relation entre le
mobilier, la sculpture, l’environnement. À
partir de 1987, Bustamante travaille seul,
orientant ses recherches à travers la production de pièces accrochées au mur, mitableaux, mi-sculptures, ou bien placées
au sol et réalisées avec des matériaux de
construction industrielle : bois, ciment,
brique, acier. Au cours des années 1980,
il a exécuté un ensemble de cibachromes
de grands formats qui sont des vues de
paysages relevant à la fois de la tradition
picturale du motif et du réalisme propre
aux campagnes photographiques relatives
à l’étude de l’aménagement du territoire.
Bustamante cherche à traiter l’image en
tant que matériau. Celle-ci gagne, effectivement, en matérialité avec la série des
downloadModeText.vue.download 101 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
101
Lumières initiée en 1989-1990, de grands
tirages sérigraphiques sur Plexiglas. Salles
de classes, halls, lieux publics désertés sont
les sujets de ces photographies où les éléments mobiliers et d’architecture sont très
souvent représentés en série. Le cadrage, la
construction de l’image place ces oeuvres
dans la lignée d’une école européenne de
l’objectivité. Ces pièces photographiques
font toujours partie intégrante des installations présentées par l’artiste, aux côtés de
ses réalisations tridimensionnelles.
Bustamante est sélectionné en 1987 pour
la Documenta de Kassel. Le musée d’Art
moderne de la Ville de Paris lui consacre
en 1990 une exposition personnelle. Le
musée d’Art contemporain de Rochechouart réunit un ensemble spécifique de
ses pièces photographiques en 1993.
S.C.
BUTYRIN Vitaly
photographe lituanien
(Kaunas 1947)
Butyrin s’initie à la photographie en
1963, dès l’âge de 16 ans. Depuis 1965, il
est membre de la Société d’art photographique de Vilnius et de Kaunas. Dès ses
débuts au photo-club de Kaunas, dont il
sera membre d’honneur en 1973, il est fasciné par la réalité du monde qui l’entoure
et décide d’orienter ses recherches vers
un certain symbolisme, créant son propre
univers par le détour du photomontage. Sa
créativité sans limite nous plonge dans une
nouvelle expérience visuelle faite d’extravagance et de mystère, comme l’illustrent
les séries Terra incognita et Contes de la
mer, réalisées en 1976. Il précise qu’il ne
privilégie pas les procédés, mais juxtapose
les représentations de son imagination. Il
obtient de nombreux prix internationaux,
est membre d’honneur du club de photo
Natron, du Salon international de Landerneau en 1976, de la Fédération internationale de l’art photographique de Berne en
1977, et participe à une grande exposition
lituanienne en Arles en 1983. Il vit et travaille à Vilnius et présente régulièrement
son oeuvre lors d’expositions en Europe.
V.E.
downloadModeText.vue.download 102 sur 634
102
C
CADIEUX Geneviève
photographe canadienne
(Montréal 1955)
Le travail photographique de Cadieux est,
à l’instar du titre d’une de ses oeuvres de
1987, « à fleur de peau » : une oeuvre où
l’omniprésence de la peau est un renvoi
métaphorique à la sensibilité dermique de
la pellicule. L’agrandissement, auquel recourt abondamment l’artiste canadienne,
lui permet de traiter de la fragmentation
du corps en réglant notre acuité visuelle à
l’échelle du pore. Dans Trou de mémoire,
la beauté inattendue (1988), Cadieux nous
présente ainsi en gros plan une très lumineuse cicatrice, qui envahit l’ensemble de
l’oeuvre. L’usage du gros plan, qui vient
exhiber le corps dans son intimité, nous
renvoie ouvertement à la technique cinématographique que l’on retrouve dans les
montages séquentiels de ses oeuvres monumentales. C’est le cas de l’oeuvre polyptyque intitulée Séquence no 6 (1980), où un
même oeil, singulièrement agrandi, est vu
sous différents angles. Le regard est ramené à la surface de la peau, l’oeil est toujours
submergé par l’échelle de l’image. C’est ce
dont traite justement l’important diptyque
À fleur de peau (1987), qui juxtapose deux
cadres identiques, dont l’un renferme la
reproduction d’une feuille de plomb sur
laquelle est gravée une phrase en braille
quand l’autre reproduit un miroir bruni
et craquelé réfléchissant l’image du spectateur. Ses oeuvres, souvent proches de
l’installation, sont représentées dans plusieurs musées du Canada, pays que l’artiste
a représenté aux biennales de São Paulo
(1987), de Sydney (1988, 1990) et de Venise (1990).
P.L.R.
CAHUN Claude (Lucy Schwob,
dite)
poète et photographe française
(Nantes 1894 - Jersey 1954)
Issue de la grande bourgeoisie intellectuelle, elle étudie les lettres et la philosophie, et s’installe à Paris avec Suzanne
Malherbe (Moore). Poète (Vues et Visions,
downloadModeText.vue.download 103 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
103
1919), essayiste (Les paris sont ouverts,
1934), elle participe aux activités du groupe
surréaliste. Sa démarche photographique
se caractérise par une grande inventivité et
l’implication intime de sa personne. Dans
l’autoportrait* se déploie son obsession
de l’ambivalence de l’identité. Elle met en
scène une mythologie personnelle complexe : androgynie, féminité outrancière,
dandysme, orientalisme... Le visage, privilégié, est souvent fardé ou même masqué, le regard droit, fixant l’objectif, les
cheveux courts ou le crâne rasé. Pour son
texte autobiographique Aveux non avenus
(1930), elle réalise avec son amie Moore
des photomontages, auxquels se mêlent
parfois mots et dessins. Elle en fait à nouveau pendant la guerre, dans une optique
politique. Enfin, elle photographie aussi
des artefacts énigmatiques, indéfinissables
personnages-objets, théâtre allégorique
miniature (ainsi en 1937 pour le recueil de
poèmes de L. Deharme, le Coeur de pic).
Elle s’installe avec Moore à Jersey, où elle
est condamnée à mort, en 1944, comme
résistante et juive. Elle est graciée en 1945,
mais nombre de ses clichés sont détruits
par la Gestapo. La galerie Zabriskie lui a
consacré deux expositions en 1992, à New
York et à Paris et, en 1995, son oeuvre a
été présentée au musée d’Art moderne de
la Ville de Paris.
Ch.B.
CAICEDO Carlos
photographe colombien
(Caqueza, Cundinamarca, 1929)
Reporter photographique de El Siglo, Revista Semana, El Espectador, Cromos et El
Tiempo, Caicedo travaille comme professionnel depuis 1955. Président de l’union
des reporters, il dirige la rubrique Cámara
y Letras. Lauréat du grand prix national
du Cercle colombien des reporters graphiques, à l’occasion de son travail sur
le sport, il reçoit le prix national Simón
Bolívar. Sa première exposition personnelle se tient au musée d’Art moderne de
Bogotá et circule dans les principales villes
du pays.
En 1978, il participe au 1er Colloque latinoaméricain de photographie à Mexico, où il
expose des images d’enfants, un reportage
sur le Congrès eucharistique de Templete
et sur les policiers au repos dans la cour
du Capitule de Bogotá. Caicedo est un des
premiers photographes colombiens à poser les bases d’un vrai langage visuel qu’il
développe avec force. Son réalisme sert de
support aux idées qu’il défend au-delà de la
matérialité, sans anecdote. Le témoignage
de Caicedo, contrastant avec les méthodes
académiques du reportage et les procédés
plus sophistiqués des photo-clubs, est un
véritable apport au niveau national.
V.E.
CALLAHAN Harry
photographe américain
(Detroit, Michigan, 1912 - Atlanta, Georgie,
1999)
Il commence à photographier en amateur en 1938. En 1941, après avoir suivi
quelques conférences de A. Adams*, cet
ingénieur de chez Chrysler Motor, diplômé du Michigan State College, décide de
se consacrer entièrement à la pratique de
la photographie.
Ses premiers paysages réalisés avec un
appareil grand format ne doivent pourtant rien aux compositions grandioses de
Adams. Dépouillées, voire minimalistes
parce que souvent ramenées à des signes
graphiques, ses photographies s’organisent
autour de trois grandes séries : les paysages,
les vues urbaines et les portraits d’Eleanor,
sa femme depuis 1936, source d’inspiration
de la plus grande partie de son oeuvre. Ses
downloadModeText.vue.download 104 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
104
titres ne fournissent aucune explication,
indiquent simplement le lieu et la date de
chaque prise de vue. Alors qu’il travaille au
laboratoire photographique de la General Motors (1944-1945), il expérimente la
couleur, mais celle-ci ne semble pas alors
répondre à ses impératifs de simplicité et
d’austérité. Callahan accomplit son oeuvre
avec sérénité, parallèlement à l’enseignement qu’il dispense à l’Institute of Design
de Chicago (1946-1961). Ses rencontres
avec A. Siskind* et E. Steichen* sont pour
lui déterminantes. Ce dernier l’encourage
et expose ses photographies au M.O.M.A.
en 1949. En 1956, il reçoit une bourse de
la Fondation Graham et séjourne 15 mois
en Europe, plus particulièrement à Aixen-Provence. En 1961, il quitte Chicago
pour la Rhode Island School of Design,
où il poursuit son enseignement jusqu’en
1977. Grâce à une bourse de la Fondation
Guggenheim en 1972, il voyage trois mois
au Mexique. En 1975, ses archives sont
acquises par le Center for Creative Photography de Tucson, en Arizona, et une
rétrospective de son oeuvre est organisée
au M.O.M.A. en 1978. Depuis 1977 il a
repris son travail en couleur, au Maroc, au
Portugal, avec une maîtrise qu’il doit à son
expérience. La même année, il est invité
aux Rencontres internationales de la photographie d’Arles.
A.M.
CALLE Sophie
photographe française
(Paris 1953)
Les photographies de Calle ont valeur de
pièces à conviction. Elles confirment des
mises en scène, des situations créées par
l’artiste dont elle concrétise elle-même,
dans la réalité, les différents épisodes. En
1979, elle invite 28 personnes à venir dormir dans son lit pour les photographier
toutes les heures. En 1980, elle glisse ses
pas dans ceux d’un homme qui entreprend un voyage à Venise. Cette filature
est l’occasion d’un livre, Suite vénitienne,
publié avec un texte de Jean Baudrillard.
En 1981, elle se fait engager comme femme
de chambre dans un grand hôtel vénitien
pour photographier, en leur absence, les
chambres des clients. L’Homme au carnet
est la chronique – parue dans le journal
Libération, pendant un mois, l’été 1983
– d’un chassé-croisé avec le propriétaire
d’un carnet trouvé. Le texte accompagne
presque toujours la photographie ; il vient
induire le sens de l’image. La question du
langage liée à celle du regard est au centre
de la série les Aveugles (1986), constituée
de 23 photographies et de textes : « J’ai
rencontré [dit l’artiste] des personnes nées
aveugles qui n’avaient jamais vu. Je leur
ai demandé quelle image de la beauté ils
avaient. » L’autobiographie, chez Calle, se
constitue de récits en partie imaginaires.
Les identités sont problématiques ; celles
de l’homme au carnet, des occupants
des chambres vénitiennes ne sont jamais
dévoilées. L’oeuvre de l’artiste cultive à la
fois la fiction et le secret, le voyeurisme et
l’exhibitionnisme. Avec les Tombes (1989),
l’artiste ne fabrique pas d’anecdotes. Elle
prélève directement, au moyen de la photographie, l’énigme de la réalité. Elle y renouvelle les rapports entre photographie
et mort, entre image et anonymat : elle
prend en 1978, dans un cimetière californien, des photographies de tombes sur
lesquelles ne figurait aucun état civil, mais
seulement les mots « Brother », « Sister »,
« Mother », « Father ». Une centaine de
photographies de ces tombes ont été réalisées en 1989-1990. Le M.A.M. de la Ville
de Paris lui a consacré une rétrospective en
1991 et le C.N.P. en 1998.
S.C.
downloadModeText.vue.download 105 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
105
CALOTYPE (ou Talbotype)
Le calotype, du grec kalos (« beau »), est
breveté par W.H.F. Talbot* en 1841 et utilisé pendant une décennie, avant d’être progressivement remplacé par des méthodes
sur verre à l’albumine* et au collodion* humide. Le calotype est une feuille de papier
dont on enduit une surface, au pinceau,
d’une solution de nitrate d’argent. Une fois
séchée, cette surface est immergée dans
une solution d’iodure de potassium (2 à
3 minutes) pour permettre la formation
de l’iodure d’argent (nécessaire à la sensibilisation du support). Pour utiliser cette
feuille comme surface sensible, on l’enduit
d’un mélange de gallonitrate d’argent, puis
on l’introduit, séchée ou humide, dans un
châssis pour l’exposer. Le temps d’exposition varie entre une et plusieurs minutes,
selon les conditions atmosphériques. On
développe ensuite le négatif avec du gallonitrate d’argent avant de le laver et de le
fixer dans un bain d’hyposulfite de soude.
Le grand avantage de la calotypie sur la
daguerréotypie est sa possibilité de tirer
d’un seul négatif de multiples positifs. Talbot tente de prouver l’originalité de son
procédé en éditant, en 1844-1846, le premier livre imprimé illustré de photographie, The Pencil of Nature (le Crayon de la
nature). En Europe plus qu’aux États-Unis,
où le daguerréotype* connaît son apogée,
le calotype est choisi par les photographes
pour la possibilité de reproduction qu’il
offre, mais aussi pour ses spécificités esthétiques. De couleur grisâtre ou brun
foncé, le calotype a une apparence granuleuse due aux fibres du papier du négatif.
Entre 1843 et 1847, les Écossais D.O. Hill*
et R. Adamson* produisent, grâce à ce
procédé, la première oeuvre majeure de
Grande-Bretagne.
J.-L.G.
CAMERA
revue suisse
Cette revue mensuelle de langue allemande, lancée en 1922, est destinée aux
amateurs. Elle est fondée par le tireur
C.J. Bucher en Suisse, à Lucerne. Son but
est d’être un magazine international de
la photographie et du film. Tirée sur du
beau papier, avec des reproductions de
qualité, Camera a rapidement une grande
influence, particulièrement en Europe centrale. La Seconde Guerre mondiale altère
ses fonctions sans la faire disparaître :
pendant cette période, elle continue à
paraître régulièrement, mais son champ
de diffusion se restreint à la Suisse. Après
la guerre, la revue est publiée en trois langues : allemand, anglais et français (1948).
Dans les années 1950, Camera est diffusée
à travers le monde. Elle montre de jeunes
photographes et également beaucoup de
travaux du XIXe siècle ; certains numéros
portent sur un seul photographe ou encore
sur un thème : ainsi le numéro 8 de l’année
1947 est-il consacré au Mexique. En 1981,
des difficultés financières contraignent le
rédacteur en chef de Camera, Allan Porter
– qui a été précédé à ce poste notamment
par Hans Kasser et Walter Läubli –, à cesser la publication de la revue.
M.C.
CAMÉRA CLUB DE VIENNE
voir WIENER CAMERA CLUB
CAMERA OBSCURA (dite aussi
chambre noire ou chambre optique)
Le principe de la camera obscura, connu
depuis l’Antiquité, est déjà décrit par Aristote (env. 384-322 av. J.-C.) dans ses Problematica, puis au XIe siècle par le savant
arabe Alhazen, qui l’utilise en astronomie,
et par Léonard de Vinci (1452-1519) dans
downloadModeText.vue.download 106 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
106
ses manuscrits (Codex atlanticus) : dans
une pièce ou une boîte obscure, les rayons
lumineux qui traversent un petit orifice
d’une paroi constituent sur la paroi opposée l’image inversée de ce qui se trouve à
l’extérieur. Le physicien italien Giambattista Porta aurait, le premier, ajouté une
lentille au dispositif, en 1589. Depuis le
XVIe siècle, et surtout au XVIIIe, la camera obscura est souvent utilisée par les
peintres comme machine à dessiner, car
elle leur offre directement la perspective
d’une « vue », ce qu’apprécient Canaletto
et les vedutisti. On voit alors apparaître
des chambres noires portatives, dans lesquelles l’ouverture garnie d’une lentille
convergente est élargie. Les images obtenues sont ainsi plus lumineuses et plus
nettes, mais elles doivent être reçues à une
distance bien déterminée de la lentille.
(Autre « outil », la chambre claire, qui,
elle, permet de tracer, en pleine lumière,
contours et détails d’un sujet vu à travers
un viseur, sera perfectionnée au début
du XIXe siècle.) Restait à introduire dans
la camera obscura une surface sensible
capable de fixer l’image : c’est ce que fait
N. Niépce* en 1826. Issu directement de la
camera obscura, le « sténopé* », technique
tirant son nom du trou minuscule percé au
centre d’une plaque mise à la place de l’objectif d’une chambre photographique, présente des avantages (champ large, grande
profondeur de champ) exploités par de
nombreux créateurs actuels : P. Gioli*, Paterson, Renner, Thorne-Thomsen, Wolff...
Ch.B.
CAMERA WORK
revue américaine
(New York 1903 - 1917)
La prestigieuse revue Camera Work, par
son existence même, fait apparaître l’importance et l’autonomie de la photographie, à une époque où les polémiques sur
son statut artistique sont vives. Elle est fondée par le groupe Photo-Sécession*, dirigé
par A. Stieglitz*. Tirée à 1 000 exemplaires,
publiée à raison de quatre numéros par an
jusqu’en 1914, un en 1916 et un numéro
double en 1917, elle comprend une cinquantaine de pages (format 21 × 29 cm) :
articles d’esthétique et comptes rendus
critiques, reproductions pleine page (au
moins une dizaine par numéro), publicités
(une publicité pour la revue elle-même,
parue dans le numéro 30, présente une
caricature de Stieglitz par son associé
Marius de Zayas et un court texte insistant sur l’indépendance de la publication).
C’est une revue luxueuse, d’une présentation inspirée de l’Art nouveau. E. Steichen*
en est le conseiller artistique et en dessine
la couverture. Les illustrations sont parfois des similigravures, le plus souvent des
héliogravures (plus de 400 pour l’ensemble
des numéros) réalisées sur papier japon
à partir des négatifs photographiques
(et considérées par Stieglitz comme des
épreuves originales), brochées ou collées
à la main dans chaque volume. L’objectif
de la revue est de diffuser et de défendre
une photographie artistique. D’orientation au départ nettement pictorialiste,
Camera Work présente des images de
Stieglitz, Steichen, C.H. White*, G. Käsebier*, A.L. Coburn*, F.H. Evans*..., mais
aussi des artistes des différents groupes
européens : parmi les plus importants, les
Britanniques J.C. Annan*, J.M. Cameron*,
les Français R. Demachy*, C. Puyo*, les
Allemands T. et O. Hofmeister, A.G. De
Meyer, F. Eugene*, l’Autrichien H. Kühn*...
On y trouve donc paysages, portraits,
natures mortes, nus, scènes de genre, traités soit selon des moyens purement pho-
tographiques (comme Cathédrale d’Ely,
souvenir des Normands, d’Evans, en 1903,
ou le Verger, de White, en 1905), soit avec
downloadModeText.vue.download 107 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
107
des manipulations diverses, tirages à la
gomme bichromatée, mélanges de gomme
et de platine, interventions de type pictural
(la Mare, de Steichen, en 1903, Lutte, de
Demachy, en 1904). Pour certaines images
– de Steichen souvent, à qui un supplément est consacré en 1906 –, les photogravures sont retouchées manuellement.
La revue se fait ainsi l’écho des différentes
approches de la photographie. Stieglitz,
qui a déjà fait connaître des peintres européens en les exposant dans sa Galerie 291
en 1908, commence à faire paraître des
reproductions de tableaux dans Camera
Work en 1910. Dans un numéro spécial en
1913, il présente des oeuvres de Cézanne,
Van Gogh, Picasso, Picabia. La même année paraissent deux articles polémiques
du critique Marius de Zayas. Le premier,
intitulé Photography, en janvier (numéro
41), commence par ces mots : « La photographie n’est pas de l’art. Ce n’est même
pas un art. L’art est l’expression d’une idée.
La photographie est la vérification plastique d’un fait. » Le second, en novembre
(numéro 42-43), Photography and Artistic
Photography, affirme : « La photographie
n’est pas de l’art, mais des photographies
peuvent avoir pour objet d’être de l’art. »
Avec l’évolution personnelle de Stieglitz
(dont le célèbre cliché Steerage, 1907, est
considéré comme marquant un tournant
important), la revue s’oriente de plus en
plus vers ce qui va être la photographie
moderne. Au lieu de se référer aux genres
traditionnels de la peinture, elle aborde la
réalité de front. Dans les deux derniers numéros, on trouve 17 clichés de P. Strand*
(certains intitulés simplement Photographie). Stieglitz s’en explique dans un article
du numéro 49-50, Our Illustrations, où,
louant la pureté du travail de Strand, il déclare : « Ces photographies sont l’expression directe d’aujourd’hui. » La présence
d’une image comme Blind Woman, qui
manifeste une nette préoccupation sociale
et une esthétique dépouillée, montre le
chemin parcouru par la revue depuis le
pictorialisme*. Mais Camera Work n’a plus
alors que 37 abonnés, et Stieglitz décide
de cesser la publication. La revue, dont on
peut trouver les originaux à la B.N. (cabinet des Estampes) et au musée d’Orsay à
Paris, entre autres, a été rééditée en 1969,
par les éditions Kraus Reprint. En 1973,
J. Greene a publié chez Aperture Camera
Work, a Critical Anthology, qui regroupe
une sélection d’articles et d’illustrations de
la revue, l’ensemble des sommaires, ainsi
que de nombreuses informations et analyses périphériques.
Ch.B.
CAMERON Julia Margaret
photographe britannique
(Calcutta, Inde, 1815 - Kalutara, Ceylan,
1879)
De famille aristocratique, très cultivée,
élevée par sa grand-mère à Paris et en
Grande-Bretagne, elle retourne en Inde à
l’âge de 19 ans et épouse en 1838 un diplomate britannique avec qui elle aura cinq
enfants (l’un d’entre eux, H.H.H. Cameron, deviendra photographe portraitiste).
Dix ans plus tard, elle regagne la GrandeBretagne, s’installant dans le Kent, puis à
Londres, où le peintre G.F. Watts lui apprend l’illustration, et, en 1860, dans l’île
de Wight, où elle rencontre le poète Tennyson. C’est cette année-là qu’elle commence la photographie, consacrant ses
recherches au portrait et au groupe de figures. Contrairement à de nombreux photographes de son époque, et probablement
parce que, n’étant pas professionnelle, elle
n’a pas à répondre aux demandes d’une
clientèle, elle ne cherche pas à obtenir une
très bonne définition, un rendu précis des
détails, relevant d’une prouesse technique.
downloadModeText.vue.download 108 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
108
Au contraire, par des méthodes diverses
– mise au point approximative, prise de
vue très rapprochée, éclairages contrastés plongeant dans l’ombre une partie du
sujet, travail avec des lentilles mal corrigées, pose longue, mais aussi utilisation, au
tirage, d’une plaque de verre entre le négatif-verre au collodion* et le papier –, elle
vise le flou*, la transfiguration qui peuvent
rendre ses oeuvres plus poétiques, plus
évocatrices. Elle dira : « Mon seul désir
était de fixer toute beauté qui se présentait
devant moi, et à la longue ce désir a été
exaucé. » Dès 1865, elle présente ses photographies chez Colnaghi’s, à Londres. Ses
portraits – visage seul ou buste – sont tantôt évanescents, baignés de clarté diffuse
(Christabel), tantôt empreints de force, la
ligne lumineuse d’un profil se détachant
sur le noir du reste de l’image (Julia Jackson de profil, 1867 ; ou Mrs Leslie Stephen),
parfois plus sobres (Julia Cameron). Elle
photographie aussi bien ses enfants que
sa domestique (Adriana, vers 1864), ou
des personnalités parmi ses connaissances
(entre 1866 et 1870 surtout) : l’astronome
sir J. Herschel (portrait tourmenté, publié
en 1913 dans Camera Work), le biologiste
C. Darwin, le peintre G.F. Watts... Très inspirée par les peintres préraphaélites, elle
réalise aussi, avec des membres de sa famille ou des amis, des scènes allégoriques,
souvent d’inspiration mystique, comme
Lumière et Amour (1865) qui montre, en
cadrage serré, un nouveau-né sur lequel se
penche une jeune femme voilée, de profil
(ou, sur le même thème, Hosanna, enfant
entouré cette fois de trois visages féminins). Elle représente des anges (I Wait,
1872), met en scène des personnages mythiques ou légendaires (Vénus, Cupidon,
le roi Arthur...). Entre 1870 et 1875, elle
réalise des illustrations photographiques
pour les poèmes de Tennyson, comme
And Enyd Sang, épreuve tirée au charbon*,
pour l’ouvrage The Idylls of the King (publié
en 1875). Elle écrit un journal, Annals of
My Glass House, qui sera édité en 1889,
après sa mort. Les pictorialistes, très intéressés par l’oeuvre novatrice de Cameron,
qui annonçait, à bien des égards, leurs
recherches, présentent ses images aux
expositions du Camera Club, à Londres,
en 1890, et du Photo-Club*, à Paris, en
1894. La Royal Photographic Society*,
qui conserve une partie de ses travaux, a
organisé en 1927 une grande rétrospective à Londres ; une exposition itinérante
a été présentée en Grande-Bretagne, en
Espagne, en France (C.N.P., Paris), aux
États-Unis (International Center of Photography, New York)...
Ch.B.
CANEVA Giacomo
peintre et photographe italien
(Padoue 1810 - Rome 1890)
La redécouverte de Caneva est récente ;
elle résulte du constat que les négatifs
papier qui ont servi à nombre de tirages
signés de Ludovico Tuminello sont en réalité dus à un autre auteur, Caneva, dont on
a trouvé également des tirages originaux
signés au verso. Cette réattribution amplifie ainsi considérablement la production
connue de Caneva.
Né à Padoue, il était peintre, fut aéronaute
avec Arban en 1847, et s’intéressa vraisemblablement à la même époque au procédé
de calotypie tel qu’il avait été perfectionné et adapté par L.-D. Blanquart-Évrard*
(1847) à partir des données de W.H.F. Talbot*. Il existe en effet à Rome autour de
1850 un groupe de calotypistes français,
parmi lesquels on compte Flachéron*,
Constant, Normand, L.-A. Davanne*. En
1855, Caneva publie un Trattato pratico
de photographie et édite une série de Vues
de Rome et de ses environs par la photodownloadModeText.vue.download 109 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
109
graphie ; il est resté fidèle au négatif papier
pour son « naturel » de traduction des effets de lumière et de matière.
Ses images, souvent de grand format,
sont toujours d’une composition parfaite
et transmettent une vision élégante de la
campagne romaine, des ruines d’aqueducs,
des implantations rurales.
C’est après la mort de Caneva que Tuminello, à son retour d’exil politique en 1868
ou 1869, dut acquérir plusieurs centaines
de ses négatifs, qu’il inscrivit à son propre
catalogue, pratique courante au XIXe siècle.
M.F.
CAPA Robert
(André Friedmann, dit)
photographe américain d’origine
hongroise
(Budapest 1913 - Thai-Binh 1954)
André Friedmann, expulsé de Hongrie
pour agitation politique de gauche, est
venu à la photographie après des études de
sciences politiques à Berlin. Assistant auprès de l’agence Dephot en 1931, il a l’occasion de connaître l’exemple des grands re-
porters allemands. Il émigre à Paris en 1931
et rencontre H. Cartier-Bresson*, D. Seymour* (Chim) et Gerda Tarö Il adopte le
nom de Robert Capa. En 1936, son reportage sur les événements de la guerre civile
espagnole, publié dans Vu*, Regards, Ce
soir, Weekly Illustrated (Londres) et Life*,
révèle un nouveau style, émotionnel, caractérisé par des gros plans ou des vues
rapprochées. Il photographie pour Life et
Colliers l’invasion japonaise de la Chine
et les événements de la Seconde Guerre
mondiale. Il devient le photographe des
grands conflits historiques, radiographiant
l’événement avec toute sa portée héroïque,
sociale et psychologique. Il a émigré à New
York en 1939 où il fonde, en 1947, avec
H. Cartier-Bresson et D. Seymour l’agence
Magnum*. Il voyage avec Ernest Hemingway en U.R.S.S., réalise un reportage en
Israël (1948-1950). Capa a publié plusieurs
livres sur son travail : Death in the Making
(1938), The Battle of Waterloo Road (1941),
Slightly out of the Focus (1947), Report on
Israël (1950).
Sa conception du reportage, associée trop
rapidement parfois à la photographie de
bataille, résulte d’une position de journaliste refusant tout effet de technique pour
affirmer la force de l’image en tant que
document historique.
Ses photographies, des « images de choc »,
si elles résultent souvent d’une continuité
narrative et filmique, sont à lire comme des
allégories de l’histoire constituant un apport essentiel au photojournalisme. Capa
devient président de Magnum en 1951. Il
a été naturalisé américain en 1954, l’année
de sa mort tragique lors d’un reportage sur
le conflit en Indochine. Ses archives sont
conservées par Magnum et l’International
Center of Photography de New York.
F.D.
CAPONIGRO Paul
photographe américain
(Boston, Massachusetts, 1932)
L’oeuvre de Caponigro réalise la synthèse
de la photographie directe et de la poésie mystique pour « étudier et partager la
beauté et la force du monde naturel ». À
Boston, il a étudié le piano à l’université.
Attaché à l’armée américaine comme photographe de 1953 à 1955, il s’installe ensuite
comme professionnel dans sa ville natale. Il
a été l’élève de M. White*, auprès de qui il a
appris la virtuosité dans la maîtrise des éléments pittoresques. Son premier portfolio
de tirages originaux, Port folio I, paraît en
1962. Il obtient une bourse de la Fondation
Guggenheim et du National Endowment
for the Arts. Il enseigne la photographie
downloadModeText.vue.download 110 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
110
dès 1960 dans les universités de Boston,
Bath, St Laurence, Yale, Maine... Depuis
1973, il est établi à Santa Fe, au NouveauMexique. De grandes rétrospectives de
ses oeuvres ont été présentées en 1983 à la
George Eastman House de Rochester et en
1990 à la Vision Gallery. Le sujet unique
de Caponigro est le paysage : arbres du
Connecticut, ciels du Nouveau-Mexique,
tournesols de son jardin (Sunflower, 1974),
temples japonais (1976), mégalithes d’Irlande ou de Bretagne (Stonehenge, 1978,
ou Megaliths, 1987). Plantes, sables et rivières disent l’harmonie du monde. Musicien de formation, Caponigro interprète la
partition de la nature de manière très personnelle, au plus près des choses.
M.M.
CARABIN François Rupert
sculpteur français
(Saverne 1862 - Strasbourg 1932)
D’origine alsacienne, sa famille, pour rester
française, s’installe en 1871 à Paris (Montmartre). Carabin s’initie à la gravure, au
dessin puis devient ouvrier chez un sculpteur sur bois. En 1890, il est reconnu grâce
à sa première grande oeuvre, la grande
bibliothèque exécutée pour Henry de
Montandon, qui célèbre la gloire du livre :
l’Ignorance, la Vanité, l’Avarice, la Colère,
la Bêtise et l’Hypocrisie vaincues par la
Vérité, la Science et la Passion (Orsay).
Comme tout sculpteur, Carabin fait des
esquisses au crayon, au fusain, mais, surtout, il photographie ses modèles, ce qui
est original pour l’époque : la photographie
remplace la pose des modèles. Il invente le
détourage pour mieux servir sa sculpture
et photographie dans un esprit scientifique. Carabin a de nombreux amis dans le
monde du spectacle. Le maître de ballet de
l’Opéra-Comique, Mariquita, lui présente
la belle Otero, célèbre danseuse espagnole
qui posera pour lui. Aux Folies-Bergère,
c’est le triomphe de Loïe Fuller, danseuse
américaine aux jeux de voiles extraordinaires qui viendra également dans son atelier. De ses soirées au Chat-Noir, à la Nouvelle-Athènes, cabarets où il rencontre
des artistes comme Toulouse-Lautrec, il
reste le cliché de la danseuse, chanteuse et
comédienne Polaire (Paris, Orsay). Beaucoup de figurines reprennent ses traits.
La production de Carabin, datée de 18951910, comporte plus de 600 photographies
de modèles, nus et habillés. En 1915, Le
Corbusier lui demande des notes sur l’Art
Nouveau. Carabin s’adonne à la photographie avec passion, pratique le détourage
en collant du carton découpé directement
sur la plaque. Deux types de photographies se distinguent. Les unes sont traitées
dans la tradition du nu académique : Trois
femmes nues debout de face, (Paris, Orsay),
illustrent les trois Grâces. Les autres sont
des images plus personnelles du sculpteurdécorateur à la recherche d’attitudes, de
mouvements de danse, de compositions
proches de certaines photographies érotiques de l’époque. Certains groupes de
modèles miment des amours saphiques,
Deux femmes se lutinant, (Paris, Orsay).
De ces compositions empreintes de naturel se dégage ce sentiment de dérision et
de grotesque qui se retrouve dans tout
l’oeuvre tant sculptural que photographique de l’artiste. Grâce à une lettre de Le
Corbusier adressée en 1929 à Carabin et
lui demandant sa collection de photographies, Mme Colette Merklen-Carabin, fille
de Carabin, fait don du fonds en 1953 à Le
Corbusier. Ce fonds est acquis en 1992 par
le musée d’Orsay.
M.J.M.C.
CARBRO (procédé)
voir OZOBROMIE
downloadModeText.vue.download 111 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
111
CARJAT Étienne
photographe français
(Fareins, Ain, 1828 - Paris 1906)
De milieu modeste, il entre en apprentissage chez un dessinateur (tissus, tapis),
puis aborde plusieurs domaines : théâtre
(en tant qu’acteur, et auteur de deux vaudevilles), journalisme (il est illustrateur,
caricaturiste, auteur, et fonde l’hebdomadaire le Boulevard), etc. Il apprend la
photographie avec Pierre Petit en 1858, et
ouvre deux ans plus tard son premier atelier de portraitiste (avec deux associés) à
Paris, 56, rue Laffitte (il s’installera ensuite
62, rue Pigalle, puis, vers 1869, au 10, rue
Notre-Dame-de-Lorette). Comme son ami
Nadar*, il rejette tout décor et artifice, préférant les fonds sombres et unis, usant de
cadrages très sobres. Travaillant sans assistant pour favoriser une certaine intimité, il
essaie de constituer un Panthéon parisien,
une Galerie des célébrités contemporaines
(il a donné ces titres à deux séries, en 1863
et 1869), photographiant peintres, écrivains, musiciens : Courbet (qu’il montre
dédoublé dans un photomontage*), Corot,
Daumier, V. Hugo* (avec qui il correspond
pendant une vingtaine d’années), E. Zola*,
Daudet, Rimbaud à 17 ans, Rossini, et de
nombreux comédiens, souvent en costume
de scène, tels Sarah Bernhardt (en reine
dans Ruy Blas de Hugo), Frédérick Lemaître, Mounet-Sully, le mime Debureau,
etc. Baudelaire, pourtant difficile, le félicite
dans une lettre de 1863 pour le portrait
qu’il a fait de lui (« J’ai rarement vu quelque
chose d’aussi bien »). Cette photographie
met l’accent sur le regard sombre et perçant du poète, laissant floue une partie du
vêtement. Ses clients sont parfois aussi
des hommes politiques, des opposants
à Napoléon III, des républicains comme
Jules Ferry, Léon Gambetta..., ou encore
l’Algérien Abd el-Kader. On connaît également de lui un nu féminin, réalisé en 1874,
Nu se coiffant : une femme est debout sur
une estrade, dans une pose apprêtée, son
buste se reflétant dans un miroir au cadre
très ouvragé. Carjat continue également à
écrire, notamment un recueil de poésies
en 1883 : Artiste et Citoyen – lamento du
photographe. Ses images, dont il a présenté
quelques exemplaires aux Expositions universelles de 1861 à 1878, ont fait l’objet
d’une exposition au musée Niépce, à Chalon-sur-Saône, en 1980.
Ch.B.
CARON Gilles
photographe français
(Neuilly-sur-Seine 1939 - Viêt-Nam ?
1970)
Caron connaît une carrière fulgurante.
En trois ans, il devient un grand reporter de guerre. À l’âge de 15 ans, il a parcouru l’Europe et, à 17, l’Inde. La guerre,
il la découvre lors de son service militaire
en Algérie. À son retour, il suit des cours
à l’École du Louvre et travaille dans une
galerie d’art. Ses premières photographies
sont celles de sa fille. Très vite, il devient
photographe, d’abord assistant chez Molinard, photographe publicitaire, puis chez
Giancarlo Botti, photographe de mode.
Entre-temps, en 1965, il devient membre
de l’agence Apis et fait la une de FranceSoir avec une photographie relative à l’affaire Ben Barka.
En 1967, Caron entre à l’agence Gamma
trois mois après sa création. Dès lors, il va
témoigner en photojournaliste de tous les
conflits mondiaux : la guerre des Six Jours,
celle du Viêt-Nam (1967), Mai 68 à Paris,
le Biafra (1968), Prague (1969), le Tchad et
le Cambodge (1970). Le 5 avril 1970, il disparaît non loin de Phnom Penh. R. Depardon* lui rend hommage dans un livre qu’il
downloadModeText.vue.download 112 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
112
lui consacre : Gilles Caron, grand reporter
(Le Chêne, 1978).
S.Ro.
CARRICK William
photographe russe
(Édimbourg 1827 - ? 1878)
Né à Édimbourg, Carrick émigré en 1828
à l’âge de un an avec sa famille à Kronstadt. En 1844, il entre à l’Académie des
arts de Saint-Pétersbourg et obtient son
diplôme de portraitiste en 1853. L’été de
cette année-là, il part à Rome jusqu’au
printemps suivant. Revenu à Saint-Pétersbourg, il va passer six mois avec sa famille
à Édimbourg, où il suit une formation dans
le studio de photographie de James Good
Tunny et où il rencontre John MacGregor,
qui deviendra par la suite son partenaire
en Russie. En 1859, il ouvre un studio à
Saint-Pétersbourg, est rejoint par MacGregor et travaille dans les années 1860
comme photographe commercial de portraits, apprenant la technique de fabri-
cation d’images multiples à partir d’une
seule plaque. Spécialiste des personnages
urbains pittoresques, qu’il vend comme
souvenirs, il s’intéresse aussi beaucoup
à la photographie d’oeuvres d’art. À la fin
des années 1860, il termine sa série Personnages et scènes de Saint-Pétersbourg.
Il voyage à travers les régions proches de
Novgorod et jusqu’en Finlande, pour saisir
les sujets de la vie quotidienne. En 1867, il
se marie secrètement avec une journaliste
révolutionnaire, Aleksandrina Markelova,
qui jouera un grand rôle pendant les dix
dernières années de sa vie. MacGregor
meurt en 1872, et Carrick reprend ses
périples à partir de Simbirsk pour réaliser
des reportages ethnographiques sur la vie
locale à Iaroslavl, Tver, Kostroma, Kazan.
Ses thèmes de prédilection sont inspirés
des peintures réalistes des « Itinérants »
qu’il a côtoyés toute sa vie. Son album le
plus populaire, intitulé Individus paysans
de la province de Novgorod et de Simbirsk,
montre les paysans au quotidien, avec leurs
costumes traditionnels, de retour de la
cueillette des champignons, les paysannes
aux champs ou sur le seuil des cabanes.
V.E.
CARROLL Lewis (Charles
Lutwidge Dodgson, dit)
photographe britannique
(Daresbury 1832 - Guilford 1898)
Charles Lutwidge Dodgson, auteur et
mathématicien, plus connu sous son pseudonyme Lewis Carroll, est né le 27 janvier
1832 à Daresbury, près de Wallington dans
le comté du Cheshire, en Grande-Bretagne. Il est le fils aîné de Charles Dodgson, archidiacre de Richmond et l’un des
chanoines de la cathédrale de Ripon. Sa
mère, Frances Jane Lutwidge, est la cousine germaine de son père qui l’épouse en
1830. Né peu avant l’accession au trône de
la reine Victoria, Carroll mourra quelques
années avant elle en 1898, à Guildford
dans le Surrey. Il est, sinon un éminent
victorien, du moins un des plus originaux
et même excentrique. À l’école de Rugby,
il excelle en mathématiques et en théologie. Il publie le journal de l’école, The
Rectory Umbrella. Admis à Christchurch
à Oxford en 1850, il s’engage dans une carrière de mathématicien et enseigne dans
son collège, qu’il ne quittera plus jusqu’en
1881. Pour ne pas être obligé d’abandonner
la vie oxfordienne qui lui convient excel-
lemment, il entre dans les ordres mais ne
prêche presque jamais, sauf à des enfants.
Il est d’un naturel timide, sauf avec les
petites filles. En 1865, il publie Alice au
pays des merveilles et en 1871 De l’autre
côté du miroir, qui sont ses oeuvres les plus
connues, avec la Chasse au Snark, publiée
downloadModeText.vue.download 113 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
113
en 1870. Ses oeuvres mathématiques et
logiques sont estimables mais lui ont valu
moins de gloire. Les années de son activité
photographique sont celles de la composition d’Alice au pays des merveilles et De
l’autre côté du miroir. La passion de Lewis
Carroll pour la photographie, comme en
témoigne son journal, a duré 24 ans, de
mai 1856 à l’été 1880. Sa découverte de la
photographie date de l’été 1855, lors d’une
visite de son oncle préféré, Skeffington
Lutwidge, qui l’a déjà initié au télescope
et au microscope. L’idée de photographier
le séduit tellement qu’il écrit une sorte de
nouvelle, Photography Extraordinary (Prodige en photographie), publiée dans Comic
Times en 1855 et où il envisage une application de la photographie à la littérature
(le développement de l’image très pâle des
pensées d’un jeune homme un peu stupide, donne à lire, phase après phase, un
roman sentimental). Le 18 mars 1856, il
commande du matériel photographique. Il
note dans son journal, à la date du 3 juin
de la même année, sa première photographie réussie. Le 13 novembre 1857, il compose le poème Hiawatha’s photographing,
parodie d’un poème célèbre de Longfellow
– qui a inspiré également Baudelaire –,
où il décrit une séance de pose. Pendant
toutes les années de sa passion photographique, Lewis Carroll se consacre presque
exclusivement aux portraits qui forment la
quasi-totalité des 720 clichés qu’il considère comme dignes d’être conservés. En
1860, il compile une liste de ses photographies pour circulation privée. Il consacre
de très longs passages de son journal à des
réflexions et des comptes rendus de ses
recherches sur et avec la photographie :
choix de la composition des images et procédés techniques. Cette activité l’occupe
énormément et elle est inextricablement
liée à sa passion pour les petites filles. Les
enfants, plus particulièrement les petites
filles, sont ses modèles privilégiés. Un de
ses plus célèbres modèles est Alice Liddell,
qu’il rencontre en 1856 et pour laquelle
il écrit Alice au pays des merveilles. C’est
un technicien extrêmement méticuleux
à une époque où l’état de la technique
demande un appareillage considérable,
encombrant, coûteux et nécessitant des
soins constants. On sait qu’il trouve sa
grande contemporaine J.M. Cameron*
trop peu soigneuse. Elle est cependant une
des influences importantes pour lui et la
photographe à laquelle les historiens de la
photographie ont l’habitude de l’associer :
tous deux cherchent moins à expérimenter le réel qu’à traduire l’idée qu’ils en ont.
À la différence de Cameron, il est proche
des peintres victoriens qui composent des
scènes non religieuses et, du point de vue
de la photographie, on pourrait le rapprocher de O.G. Rejlander* dont il parle
à plusieurs reprises et dont il collectionne
les photographies de petits enfants. À
mesure qu’il progresse dans la maîtrise de
son art et des outils techniques, ses compositions avec petites filles sont de plus
en plus élaborées. Il les déguise, il leur fait
interpréter des rôles et de plus en plus il
les préfère peu habillées, même nues. Il ne
se contente pas de leur écrire des lettres
extraordinaires. Ses amies, leurs portraits
et les séances photographiques deviennent
les moments les plus importants de sa vie.
Toute référence à la photographie s’arrête
brusquement dans le journal le 15 juillet
1880. La raison en reste encore mystérieuse aujourd’hui. Certains ont supposé
que la raison était de nature technique et
que Carroll ne voulait pas abandonner la
photographie au collodion*. Cette explication ne satisfait pas H. Gernsheim*, qui,
avec de solides arguments conclut son examen du problème en disant : « Sa décision
n’avait aucun rapport avec la technique
photographique. La nouvelle technique
downloadModeText.vue.download 114 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
114
n’était pas un obstacle. Ce n’était pas cela
qui était un obstacle ». Elle ne satisfait pas
non plus Jean Gattégno : « Jamais Carroll ne donna une explication sur ce qui
l’a poussé à interrompre une activité qui
était pour lui infiniment plus qu’un passetemps. Nul doute possible sur une partie
des raisons qui l’ont motivé ». Point limite
du « rien » – comme tenue préférée de
l’artiste pour ses modèles, et de la difficulté avec les mères. En février 1858, quatre
de ses photographies sont présentées à la
5e exposition de la Photographic Society of
London.
M.B.
CARTE DE VISITE
« Quelques progressistes ont déjà inauguré
les cartes-portraits ; ainsi, plus de carton
ordinaire, mais, dans le même format, une
reproduction du personnage des pieds à
la tête. » C’est ce qu’on peut lire en 1857
dans le journal la Lumière, annonçant ce
qui allait devenir la vague déferlante des
portraits portatifs et des albums de cartes
de visite. Ce fut E. Disdéri* qui déposa, en
1854, le brevet d’un cliché à dix épreuves
réalisées avec un appareil à dix objectifs
(par la suite, les appareils eurent plutôt, le
plus souvent, quatre ou six objectifs) avec
lequel on obtenait dix portraits identiques
ou légèrement différents selon l’utilisation
qu’on faisait d’un châssis* fixe ou mobile.
Ce procédé réduisit le coût des manipulations car, à partir d’un seul tirage, plusieurs
portraits, mais obtenus à partir d’une seule
plaque*, étaient découpés (6 × 9 cm) et
collés au verso des cartes de visite. La trouvaille de Disdéri ouvrit les portes à une
production en grande série de portraits à
la portée de nombreuses bourses ; bientôt,
ce fut la grande mode et chacun s’empressa
d’avoir plusieurs séries de sa propre image.
C’est aussi à la carte de visite que l’on
doit l’usage, pour les célébrités du monde
politique ou artistique, de se faire tirer
quelques portraits qui étaient ensuite
vendus par lots dans les ateliers des photographes. Les vitrines se garnissaient de
visages de gens connus et ainsi commença,
une nouvelle forme de célébrité nourrie
par l’image plus que par la renommée.
Cette innovation qui fit baisser énormément le prix des tirages, fit connaître à la
photographie un développement commercial et un essor très important.
S.T.
CARTIER-BRESSON Henri
photographe français
(Chanteloup 1908)
Cartier-Bresson étudie la peinture avec
André Lhote à Paris (1927-1928). En 1931,
il fréquente le groupe surréaliste. Après
un voyage de deux ans en Côte d’Ivoire, il
revient en Europe et prend ses premières
photographies avec un Leica. Influencé
par Kertész* et Munkacsi* à ses débuts,
il expose ses photographies à la galerie
Julien Levy de New York (1932), puis elles
sont montrées au club Ateneo de Madrid.
C. Peignot* les publie également dans Arts
et Métiers graphiques. Il entame alors une
carrière de photojournaliste qui appréhende la réalité au moyen du « tir photographique ». En 1934, il est au Mexique, où
il photographie le monde des humbles, des
marginaux dans un style « formel et surréaliste ». En 1935, il vit aux États-Unis, effectue des commandes pour Harper’s Bazaar*, et s’initie avec P. Strand* au cinéma.
À son retour en France, il assiste Jean Renoir et réalise des films documentaires. En
1943, il poursuit pour les éditions Braun sa
série de portraits de célébrités américaines
et françaises en photographiant peintres
et écrivains (Matisse, Braque, Claudel...).
downloadModeText.vue.download 115 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
115
Après trois années de captivité, il photographie la libération de Paris. En 1946,
une rétrospective de son oeuvre a lieu au
M.O.M.A. de New York. Cofondateur
en 1947, avec R. Capa*, D. Seymour* et
G. Rodger*, de l’agence coopérative Magnum*, il en sera membre jusqu’en 1966. De
1948 à 1950, il passe son temps entre l’Europe, la Chine et l’Indonésie. Il est le premier photographe occidental à être admis
en U.R.S.S., en 1954. Entre 1960 et 1965, il
réalise un reportage à Cuba, retourne au
Mexique, se rend au Canada, va en Inde
et au Japon. Ses clichés sont publiés dans
diverses revues (Vu*, Life*, Paris-Match) et
rassemblés dans une douzaine d’ouvrages,
dont D’une Chine à l’autre (1954), Moscou (1955), Visages d’Asie (1972). En 1970,
c’est la consécration en France ; il expose
au Grand Palais : En France. Sa rigueur et
l’originalité de sa vision, son art du cadrage
et son sens de la réalité vont influencer durablement plusieurs générations de photographes. L’acuité de ce « photographe-archer » à capter « l’instant décisif » le porte
à toujours introduire dans le réel un élément de surréel qui transforme la pratique
usuelle du photojournalisme. En 1974, il
abandonne la photographie profession-
nelle pour se consacrer au dessin et à la
peinture. Le C.N.P. a présenté en 1995 ses
Carnets mexicains, 1934-1964.
C.B.
CASASOLA Agustín-Víctor
photographe mexicain
(1874 - 1938)
D’abord rédacteur dans les journaux,
curieux et passionné d’histoire, il devient
photographe en 1903. En 1910, année du
centenaire de l’indépendance, mais aussi
de l’avènement de la révolution, il photographie aussi bien les festivités officielles
que les chefs révolutionnaires. En 1911, il
fonde la première Société de photographes
de presse mexicaine, puis, en 1914, son
Agence d’information, qui regroupe plusieurs reporters. Il produit avec ses collaborateurs un très grand nombre d’images,
travaillant à la fois pour l’État et pour sa
propre agence. Cherchant à constituer
des archives « objectives » de l’histoire de
son pays, il photographie événements et
groupes humains de manière assez neutre,
souvent obliquement. En 1921, il publie
l’Album Histórico Gráfico, qui couvre les
années 1910-1920 (et sera très souvent
réédité). Par la suite, il fait de nombreuses
photographies officielles dans les tribunaux, les prisons et les salles de spectacle,
traduisant, sans artifice ni complaisance, la
misère d’une grande partie de la population. Toujours fidèle au photojournalisme,
il fonde une revue, Hoy (« Aujourd’hui »),
mais meurt la même année. Son oeuvre
est conservée au Centro cultural Hidalgo
(I.N.A.H.) à Pachuca, au Mexique.
Ch.B.
CATANY Toni
photographe espagnol
(Llucmajor, Baléares, 1942)
Après des études de chimie à Barcelone, il
travaille comme photographe pour l’édition puis fait des reportages (aux Baléares,
en Égypte, en Israël...) pour des revues
et, après 1974, des photographies sur la
danse. Acquérant deux chambres en bois
du XIXe siècle, il entreprend, à partir de
1978, des travaux utilisant le procédé du
calotype* : nus masculins hiératiques,
dont l’académisme n’exclut pas la sensualité ; paysages déserts, au mystère accentué par la faible définition de l’image. En
1980, il commence, en noir et blanc puis
en couleurs, la série de Natures mortes, de
format carré, qui lui assure une renommée mondiale : compositions épurées,
downloadModeText.vue.download 116 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
116
très élaborées, le plus souvent à base de
fleurs, en bouquets ou séchées, où apparaissent parfois gravures et objets anciens,
calots, vitres cassées, papier-calque..., éléments parfois rehaussés de poudres colorées ou de traces de peinture, en des couleurs nuancées et subtiles. L’intuition et
l’attachement au souvenir, qui guident ses
recherches, confèrent à ses oeuvres leur
aura poétique. Ses photographies figurent
dans les collections de nombreux musées
(M.N.A.M., Paris ; Museum fur Künst und
Gwerbe, Hambourg).
Ch.B.
CAVALLI Giuseppe
photographe italien
(Lucera, Foggia, 1904 - Senigallia 1961)
Cavalli est le chef de file de l’école des idéalistes de l’après-guerre, qui s’oppose aux
photographes du document et de la réalité
sociale, précurseurs du néoréalisme*. Très
connu dans les années 1950, au moment
où il obtient plusieurs prix, il est un peu
oublié après 1980. En 1940 a lieu sa première exposition (où est présentée la Poupée aveugle, image bientôt emblématique
du travail et de l’idéologie de Cavalli). Deux
ans après, il donne naissance au groupe
des Huit (Balocchi, Cavalli, Facchini, Franchini-Stappo, Finazzi, Leiss, Morelli, Vender). En 1947, il prépare le manifeste du
groupe La Bussola – qui comprendra aussi
L. Veronesi* –, qui sera publié par Ferrania, la plus prestigieuse des revues spécialisées. En 1958, il fonde le groupe Misa
avec P.G. Branzi et M. Giacomelli*. Cavalli
revendique une « photographie d’art » qui
sache extraire du réel des éléments chargés de poésie en en soulignant la portée
métaphysique. Les tons des tirages* sont
très clairs pour affirmer l’appartenance des
artistes photographes au milieu ensoleillé
de la Méditerranée. Tous les membres
du groupe sont inspirés par la pensée de
Croce, le philosophe idéaliste dont les
écrits ont influencé une bonne partie des
intellectuels italiens. Une rétrospective a
été consacrée à Cavalli en 1980 à Bologne,
la Metafisica (la Métaphysique), accompagnée d’un catalogue.
S.T.
CAZNEAUX Harold
photographe australien
(Wellington, Nouvelle-Zélande,
1878 - Sydney 1953)
Cazneaux passe sa jeunesse à Adélaïde,
où il étudie les arts plastiques. C’est en
découvrant les travaux de J. Kauffmann*
et des premiers pictorialistes aux expositions annuelles du South Australian Photographic Society, entre 1898 et 1903, qu’il
se tourne vers la photographie. En 1904, il
se rend à Sydney, où il passera le reste de
sa vie. Avant de s’installer en indépendant
– à partir de 1920 –, Cazneaux travaille
pour Freeman, un des plus vieux ateliers
de photographie de la ville, spécialisé dans
le portrait, et réalise des travaux personnels en dehors de ses heures de travail. En
1907, remarqué par N. Deck*, il est introduit auprès de la Photographic Society of
New South Wales. En 1909, celle-ci lui
propose une exposition personnelle. Très
bien perçue par les artistes et la presse,
cette exposition est probablement la première en Australie à établir la notion du
« photographe artiste ». Cazneaux est
surtout remarqué pour la spontanéité de
ses clichés, lors du Salon de Londres. En
1920, il est nommé photographe officiel
du magazine The Home ; il s’installe en
indépendant cette même année. Son travail, pictorialiste au départ, montre, dès
cette époque, la connaissance des mouvements modernes. Ses photographies
ont les formes géométriques et l’utilisadownloadModeText.vue.download 117 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
117
tion dramatique de la lumière propres au
modernisme. Cela est particulièrement
visible dans ses oeuvres industrielles et
ses paysages des Flinders Ranges qui, par
leur monumentalité, se distinguent des
travaux de ses contemporains : The Spirit
of Endurance, 1936, Canberra, (National
Gallery). En 1938, Cazneaux est nommé
membre honoraire de la Royal Society of
Great Britain et expose avec le Contemporary Camera Group. Il s’éloigne progressivement des tendances modernes, qu’il juge
trop froides et mécaniques. Ses travaux se
trouvent dans de nombreuses collections,
en particulier à Sydney (National Gallery
of New South Wales).
M.C.
CELLULE
PHOTOÉLECTRIQUE
Organe de traduction lumière-courant,
utilisant la propriété que possèdent certains métaux alcalins (potassium, rubidium) de libérer des électrons lorsqu’ils
sont éclairés, ou bien mettant en jeu la propriété que possèdent d’autres substances
(sélénium ou sulfure de cadmium) d’accuser des variations de résistance ohmique
sous l’action de la lumière. Les cellules du
premier type sont appelées photoémissives,
celles du second photorésistantes.
Ces dispositifs sont utilisés pour la réalisation d’instruments permettant de mesurer l’intensité lumineuse (luxmètre, posemètre*, flashmètre...) ou la température de
couleur (thermocolorimètre), ou ils sont
incorporés à un appareil* de prise de vue
pour commander le réglage de l’exposition* du film en fonction de la lumière
reçue par le sujet. Ces cellules font appel à
des éléments sensibles au sélénium, au sulfure de cadmium, au silicium ou à l’arséniure de gallium.
S.R.
CHAGUINE Ivan Mikhaïlovitch
photographe russe
(Iaroslavl 1904 - 1982)
Né dans une famille paysanne pauvre,
Chaguine quitte très tôt sa famille pour
gagner sa vie à Moscou, dans un grand
magasin, puis s’engage comme matelot
sur un bateau de marine marchande.
C’est en amateur qu’il découvre la photographie. De retour à Moscou en 1919,
il travaille comme ouvrier puis comme
vendeur, et ce n’est qu’en 1930 qu’il
débute comme photographe de presse
pour les journaux Nacha Jizn, Kooperativnaïa Jizn et à la maison d’édition
Selkhoziz. Entre 1930 et 1940, il se passionne pour les techniques industrielles
nouvelles, la construction du métro de
Moscou par les jeunesses communistes
et tout particulièrement les dirigeables
et les recherches pour la mise au point
des stratostats (1933). La revue l’U.R.S.S.
en construction publie ses images sur la
vie des villages, sur l’aviation et la marine soviétiques qui mettent en lumière
le retentissement social et culturel de
la modernisation. De 1933 à 1950, il
travaille pour le journal de la jeunesse
Komsomolskaïa Pravda et fixe avec perfection des instantanés captés durant les
manoeuvres de l’Armée rouge. Son style,
proche de celui de A. Rodtchenko*, se
caractérise par des images en contreplongée au cadrage extrêmement resserré. Chaguine a très souvent recours pour
ses reportages à la composition frontale,
permettant ainsi une égale attention sur
la totalité de l’image. On peut citer parmi ses meilleures réussites les portraits
de Maxime Gorki en 1935 et d’Henri
Barbusse en 1936. Durant la Seconde
Guerre mondiale, il s’engage comme reporter sur divers fronts et reçoit l’Ordre
de la Patrie. Après la guerre, il travaille
downloadModeText.vue.download 118 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
118
à l’illustration de livres et collabore avec
l’agence Novosti. Il est l’un des pionniers
de la photographie soviétique, véritable
bannière et témoignage de la révolution
de 1917.
V.E.
CHAMBI Martín
photographe péruvien
(Coaza, région de Puno, 1891 - Cuzco
1973)
Né dans un village andin, Chambi est issu
d’une famille de paysans indiens dont la
culture est héritée des Incas. Très vite, il
doit travailler dans une mine d’or exploitée par les Britanniques, qui entre autres
curiosités ont apporté un appareil photo.
Chambi ne résiste pas à la magie de ces
petites images nées de la lumière du soleil,
et son désir de se familiariser avec elles
est tel, que le photographe accepte de lui
apprendre les rudiments du métier. C’est
à Arequipa, où il s’installe en 1909, qu’il
entre au studio de Max T. Vargas, photographe le plus célèbre de la ville. Mais,
dans cette cité au lourd passé colonial, et
tout talentueux qu’il soit, Chambi reste un
Indien, handicap insurmontable dans cette
société hiérarchisée. En 1920, il s’installe à
Cuzco, ancienne capitale de l’Empire inca,
où il peut s’épanouir sans dissimuler ses
origines. Ainsi, quarante ans durant, il fait
le portrait de ses concitoyens dans toute
leur diversité, et s’applique à dresser une
cartographie de l’ancienne « ville sacrée »
photographiant ses trésors archéologiques,
les événements marquants qui viennent
troubler sa vie quotidienne ou tout simplement ses coins et recoins. Expression
d’une enquête sociale et d’un témoignage
ethnographique scrupuleux, les images
de Chambi sont comme les emblèmes de
cette société, de ce lieu.
M.L.
CHAMBRE
Enceinte obscure de l’appareil photographique, recevant la surface sensible. Appareil photographique de grand format
(chambre de studio, chambre d’atelier).
S.R.
CHAMBRE NOIRE
voir CAMERA OBSCURA
CHARBON (procédés au)
voir OZOBROMIE
CHARBONNIER Jean-Philippe
photographe français
(Paris 1921)
Son père est peintre, sa mère, écrivain.
Charbonnier découvre la photographie en
1939 dans le studio du célèbre portraitiste
de cinéma Sam Lévin et poursuit son apprentissage à Lyon, dans le laboratoire des
photographes Blanc* et Demilly (1941).
Il passe deux ans en Suisse, puis entre en
1944 comme metteur en page au journal
Libération. Cette même année, à Vienne
(Isère), il réalise son premier reportage :
l’exécution d’un collaborateur. Il travaille
comme pigiste à Point de vue, dans lequel
Albert Plécy lui permet de publier ses premières photographies – avec légendes – à
la fin de l’année 1949. En janvier 1950, il
entre au staff du magazine Réalités*. Photoreporter pour ce mensuel jusqu’en juillet
1974, il parcourt le monde – de l’Afrique
à l’Asie, sans oublier la France profonde –
et, en intercesseur privilégié, nous le fait
découvrir en pleine mutation. Charbon-
nier quitte Réalités au moment où tout
s’uniformise, où le photographe n’est plus
le seul à nous faire découvrir en images
les habitants des coins les plus reculés. Il
commence alors à photographier son envidownloadModeText.vue.download 119 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
119
ronnement le plus proche. Il se concentre
sur les nouveaux habitants de son quartier
du Marais, devenus naturellement des figures parisiennes. Il nous montre non sans
humour que l’exotisme est souvent au coin
de la rue. En 1983, une grande rétrospective au M.A.M. de la Ville de Paris a rendu
hommage à son talent, à ses images sans
préjugé, au regard insolent qu’il pose sur
ses personnages.
A.M.
CHARNAY Claude-Joseph-Désiré
photographe français
(Fleurieux 1828 - Paris 1915)
Installé à La Nouvelle-Orléans comme
instituteur en 1850, Charnay découvre les
récits de voyages en Amérique centrale
de John Loyd Stephens qui le décident
à devenir explorateur. Il quitte les ÉtatsUnis pour la France afin d’organiser son
nouveau métier. Cautionné par le ministère de l’Instruction publique, il part pour
une expédition dans le Yucatán. L’explorateur arrive à Boston en 1857 et voyage
dans les États-Unis, pendant huit mois,
avant d’arriver à Mexico, où une dizaine
de mois lui seront nécessaires pour préparer son expédition. Elle a lieu au moment de la guerre civile mexicaine, mais
Charnay arrive cependant, entre 1858 et
1860, à visiter les sites de Mitla, Palenque
Izamal, Chichén Itzá et Uxmal : Chichén
Itzá dans le Yucatán, v. 1858, Montréal
(Centre canadien d’architecture). De
retour en France en 1861, l’explorateur
publie l’année suivante un portfolio de
49 photographies grand format, intitulé
Cités et ruines américaines, Mitla, Palenquéizamal, Chichén Itzá, Uxmal. Il réalise
lui-même le récit de cette expédition et
y associe un commentaire de Viollet-leDuc sur les monuments. Une seconde
publication, allégée, suit en 1864, intitulée le Mexique et ses monuments anciens.
Cette même année, Charnay retourne au
Mexique avec les troupes chargées de secourir l’empereur Maximilien. En 1867, il
voyage aux États-Unis et, en 1875, se rend
au Brésil pour la revue le Tour du monde.
En 1878-1879, il est à Java et en Australie, envoyé par le gouvernement français
pour récolter des données d’ethnologie.
De 1880 à 1882, Charnay est de nouveau
au Yucatán ; il procède au dégagement de
vestiges mayas, les photographie, collecte
des pièces d’archéologie. Cette expédition est la plus importante – sur les plans
photographique et archéologique – qu’il
ait faite, et elle sera relatée dans la presse
française puis dans le livre les Anciennes
Villes du Nouveau Monde (Paris, 1885).
Dans cet ouvrage paraissent des gravures
sur bois tirées des clichés de Charnay.
L’explorateur passe les dernières années
de sa vie à Paris, rédigeant le récit de ses
aventures. Charnay est le premier à avoir
utilisé l’appareil photographique au service de l’archéologie en Amérique centrale. Il est notamment représenté à Montréal, au Centre canadien d’architecture.
M.C.
CHÂSSIS
Accessoire permettant le positionnement
d’un film ou d’un phototype durant une
prise de vue, un tirage* ou une projection*.
Châssis négatif, boîte étanche à la lumière,
conçue pour s’adapter à l’arrière d’un appareil* photographique et pouvant contenir une ou plusieurs plaques ou films. Un
volet permet de démasquer la surface sensible au moment de la prise de vue.
Châssis passe-vues, dispositif à glissière
que l’on place dans le couloir d’un appareil
de projection fixe, pour permettre de présenter successivement sur l’écran les différentes vues à projeter.
downloadModeText.vue.download 120 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
120
Châssis pneumatique, châssis où l’on fait
le vide entre la glace et un tapis de caoutchouc entoilé qui remplace le volet et dont
les bords sont serrés contre la glace par des
barrettes.
Châssis transporteur, sorte de châssis-
presse destiné à copier, par contact, les clichés pris avec un appareil stéréoscopique.
S.R.
CHÂSSIS-PRESSE
Châssis destiné au tirage* des copies par
contact et composé d’un cadre à feuillure
dans lequel s’emboîte le cliché retenu par
une plaque de verre. Un volet articulé permet d’appliquer uniformément le papier
sensible vierge contre le cliché, par pression au moyen d’un système de ressorts ou
de vis.
S.R.
CHÂTEAU D’EAU
(galerie municipale du)
galerie de photographie française
(Toulouse 1974)
Créée en 1974 par le photographe
J. Dieuzaide*, la galerie municipale du
Château d’Eau accueille aujourd’hui plus
de 90 000 visiteurs par an. Installée dans
un lieu original – une tour de briques
rouges élevée au bord de la Garonne au
début du XIXe siècle –, cette institution,
la plus ancienne en France consacrée de
façon permanente à la photographie, est
devenue le rendez-vous culturel privilégié des Toulousains et des amateurs de
photographie. Dès 1971, lorsque la mairie annonce l’ouverture d’un musée d’art
moderne, Dieuzaide propose de créer
un département de photographies. Si le
principe en est accepté, des travaux retardent et empêchent ce premier projet.
Dieuzaide pense alors au château d’eau
désaffecté et menacé de démolition. La
mairie lui confie provisoirement le lieu
pour une exposition. Dieuzaide contacte
R. Doisneau*, réalise les tirages, s’occupe
de l’installation ; cette première exposition s’ouvre le 23 avril 1974. Mais, pour
transformer cette manifestation temporaire en un lieu permanent pour la
photographie, il faut encore convaincre.
Dieuzaide multiplie les démarches ; l’activité de la galerie commence réellement
en 1975 avec une petite allocation versée
par la mairie. En organisant sans cesse des
expositions, en rendant ce lieu populaire,
Dieuzaide obtient peu à peu des subventions et parvient à diversifier ses activités. La galerie bénéfice aujourd’hui d’une
surface de 600 m 2. L’espace du sous-sol
est inauguré le 5 avril 1984. Un troisième
espace, ouvert le 5 octobre 1989 sous
l’arche sèche du Pont Neuf, abrite une
documentation et une bibliothèque. La
présentation très régulière d’expositions
(plus de 200) et la diversité des thèmes
abordés ont permis au public de découvrir les nombreux aspects du médium.
Les plus grands auteurs (E. Weston*,
M. Giacomelli*, B. Brandt*, A. Kertész*...) côtoient les plus jeunes. Les sujets
historiques (Toulouse 1900, Calotypes de
la région...), scientifiques (NASA, SPOT
images...) et philosophiques (Toi Photographie qui es-tu ?) invitent à d’autres
réflexions. Une publication accompagne
chaque exposition : 24 pages où textes
et reproductions fournissent au lecteur
de précieux repères. Sur son budget de
fonctionnement, la galerie collectionne.
La première acquisition intervient en
1975 et concerne quelques tirages de
É. Boubat*.
Dès 1976, des dons viennent stimuler cette activité naissante. M. Alvarez
Bravo* offre après son exposition deux
tirages. Kishin Shinoyama laisse quant
downloadModeText.vue.download 121 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
121
à lui toutes les photographies exposées.
Chaque exposition représente une opportunité d’achat : quatre W. Klein* des
années 1960 ont été acquis en 1983. Des
tirages de J.-L. Sieff*, Giacomelli et bien
d’autres sont ainsi entrés dans les collections. Une place de choix est réservée aux photographes régionaux et à
l’Espagne.
Restent cependant de grands absents,
comme M. White*, Brandt et H. CartierBresson*. En 1989, la Ville a participé à
l’enrichissement des collections en rendant possible l’acquisition de 20 calotypes*
sur Toulouse. Dans cette collection de
plus de 2 500 pièces, la plupart des photographes sont représentés par quelques
tirages seulement. Depuis l’exposition de
R. Gibson* en 1991, Dieuzaide cherche
à constituer des ensembles significatifs.
Aujourd’hui, la galerie essaie de résoudre
des problèmes inhérents à la collection :
le stockage et la conservation. La tenue
exceptionnelle du symposium de l’Asso-
ciation européenne d’histoire de la photographie, à Toulouse en juin 1991, n’a fait
que confirmer la crédibilité de cette institution. Pour la première fois, cette association, fondée à Anvers en 1979 par le
Dr Roosens (conservateur des archives de
Agfa Gevaert), a organisé sa manifestation
en France. Toulouse s’affirme ainsi comme
un lieu d’échanges entre le nord et le sud
de l’Europe.
A.M.
CHESSEX Luc
photographe suisse
(Lausanne 1936)
Diplômé de l’école de photographie de Vevey en 1959, Chessex commence par faire
des photos publicitaires. En 1961, il quitte
Lausanne pour la révolution cubaine. À
Cuba, il est délégué pour la photographie
auprès du ministère de la Culture, directeur artistique de la revue Cuba Internacional et reporter photographe à l’agence
Prensa latina.
En 1975, la « présence soviétique » le met
dans un avion en partance pour la Suisse.
De retour à Lausanne, il s’installe comme
photographe indépendant. De ces années
passées en Amérique latine naît une exposition, Quand il n’y a plus d’Eldorado,
montrée au musée des Arts décoratifs de
Lausanne et à la Photographer’s Gallery de
Londres en 1977. Sous le même titre, un
film (1980) en collaboration avec Claude
Champion et Jacques Pilet, puis un livre
(1982) verront le jour.
De 1978 à 1980, il fait un reportage en
Afrique pour le C.I.C.R. (Comité international de la Croix-Rouge) puis monte,
pour le même organisme, une exposition,
Une autre Afrique, présentée en 1987 au
musée des Arts décoratifs de Lausanne.
En 1984, la Suisse, son pays natal, s’impose
au regard du photographe ; un livre et une
exposition naîtront de cette expérience,
Swiss Life, présentée en 1987 au musée des
Arts décoratifs de Lausanne, au Kunsthaus
de Zurich et, en 1988, au Centre culturel
suisse à Paris. Depuis 1989, année de la
sortie de son film À corps perdu, Chessex
est enseignant et photojournaliste parcourant le monde : Inde, Thaïlande, Hongkong, Japon, Australie...
S.B.
CHEVALIER Jacques-LouisVincent
opticien et photographe français
(Paris 1770 - id. 1841)
Tôt initié aux travaux de son père (Louis
Vincent, opticien-miroitier à Paris), Chevalier vend des lunettes, des instruments
optiques et fabrique des objectifs et des
oculaires (1803). Son fils Charles (Paris
downloadModeText.vue.download 122 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
122
1804 - id. 1859) est son associé à partir
de 1823. L.J.M. Daguerre* et N. Niépce*
se connaissent en 1826 par l’intermédiaire des Chevalier, chez qui ils achètent
leur matériel. Leurs recherches aboutiront à la réalisation du daguerréotype*
et à la présentation publique de la photographie en 1839. De plus, Chevalier
présente au public une épreuve daguerrienne redressée selon son idée (octobre
1839) et, à l’Académie des sciences, des
images inédites d’objets microscopiques,
qui seraient réalisées avec son élève
Richebourg* (1840). Dans son établissement, des appareils à daguerréotyper et
des épreuves sont réalisés. À la disparition de Vincent, Charles lui succède et
déménage l’entreprise familiale du quai
de l’Horloge au Palais-Royal. Ses inventions sont nombreuses (objectif à verres
combinés notamment) et ses publications régulières. Son propre fils Arthur
travaillera aussi au perfectionnement de
la photographie. Cette famille souligne le
rôle essentiel de la technologie dans ce
nouveau mode de représentation.
B.P.
CHEVALIER Yvonne
photographe française
(Paris 1899 - id. 1982)
Après des études à Paris, Chevalier se
consacre entièrement à la photographie
dès 1929, abandonnant le dessin et la peinture. Elle réalise des portraits (Honegger,
Claudel), des reportages et des nus, et se
passionne pour la photographie d’instruments de musique. Son style s’inspire de
la Nouvelle Vision : cadrages serrés, vues
en plongée et contre-plongée, gros plans,
effets d’ombre et de lumière. En 1930, elle
devient la photographe attitrée de Georges
Rouault. Membre du Rectangle en 1936,
puis du groupe des XV en 1946, Chevalier
est présente lors de nombreuses expositions, et régulièrement publiée dans les
revues Arts et Métiers graphiques, Photo
Graphie, Photo Illustration... Le musée
Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône
lui consacre une exposition rétrospective
en 1990.
E.E.
CHEVALLIER Florence
photographe française
(Casablanca 1955)
Le corps est au centre du travail de Chevallier, membre de l’ex-groupe Noir Limite*
(avec J.-C. Bélégou* et Y. Trémorin*), et
auteur de plusieurs séries d’autoportraits,
nus ou non. Quête de la part inconnue de
soi ; présence obsédante de la chair, de la
sexualité, de la mort ; mise en scène critique et tragique de la destinée humaine ;
l’oeuvre est violente, souvent provocatrice, parfois ironique. En permanente
évolution esthétique. Les nus autoportraits et les corps à corps (Noir Limite,
1987 ; la Mort, 1991) sont traités en oppositions tranchées d’ombres et de lumières,
découpant les corps et les espaces, opérant une discontinuité des plans et des
lignes et un morcellement de la topographie corporelle. Dans les Nus de Naples
(1994) et dans la série de visages intitulée
Troublée en vérité (1987), les apparences
sont brouillées par l’utilisation du flou,
du bougé, des matières picturales rapportées sur le corps et sur les miroirs. Après
le noir et blanc des premières années, la
couleur est utilisée dans la Mort (1991) et
surtout dans le Bonheur (1993) comme un
élément contribuant à créer le simulacre
et un effet spectaculaire. OEuvre située de
part en part du côté de l’art, à la conjonction de la photographie et de la mise en
downloadModeText.vue.download 123 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
123
scène, et, dans le Bonheur notamment, à
la lisière du cinéma.
A.R.
CHICHKINE Arcadi Vassiliévitch
photographe russe
(Koukarka 1899 - 1985)
Fils d’un artisan de la province de Viatka,
Chichkine apprend le métier de photographe à Kazan, dès l’âge de 10 ans, puis
s’installe comme projectionniste et tireur à
Petrograd. À partir de février 1917, il ouvre
un atelier de photo à Iekaterinbourg. La
guerre civile éclate ; il est volontaire dans
l’Armée rouge, puis, de retour en 1922 à
Koukarka, il travaille comme journaliste
pour des journaux locaux.
Ses images sur la vie rurale attirent l’attention du magazine Krestianskaïa de
Moscou, qui les publie et qui l’engage
dans ses bureaux. Reporter en chef de ce
journal de 1925 à 1939, il est le chantre
de la vie paysanne de cette époque. Il
achète un Leica en 1928 et se consacre
à l’évolution des fermes en kolkhozes,
poursuivant au long des années 1930 ce
formidable travail d’observation des différents moments de la vie à la campagne.
Il réalise des reportages sur les premières
femmes conduisant des tracteurs, sur
les récoltes, les animaux et les nouvelles
techniques d’exploitation agricole. À la
fin de la guerre, où il servit comme soldat et photographe de l’armée, il réunit un
grand nombre de clichés, paysages et portraits, reportages et natures mortes qu’il
fournit à Krestianskaïa, dont il est alors le
directeur artistique. Son travail photographique est représenté lors de l’exposition
Pionniers de la photographie russe soviétique, montrée en 1983 au musée des Arts
décoratifs à Paris.
V.E.
CHIM (David Seymour/Szymin, dit)
photographe américain d’origine polonaise
(Varsovie 1911 - canal de Suez, Égypte,
1956)
Fils d’un important éditeur de livres en
hébreu et en yiddish, Szymin, appelé
par son diminutif « Chim », est envoyé
à Leipzig en 1929 pour étudier les techniques d’imprimerie, les arts graphiques
et la photographie. À Paris en 1932, il
s’inscrit à la Sorbonne avec l’intention de
poursuivre ses recherches sur les encres
d’imprimerie et la lithographie, mais la
crise économique, qui frappe l’entreprise familiale, l’empêche de continuer
ses études. Il prend contact avec un ami
de la famille, David Rapaport, qui dirige
une agence photographique à Paris et qui
l’engage comme photojournaliste. À cette
époque, il rencontre André Friedmann
(plus connu sous le nom de R. Capa*),
qui devient un ami fidèle. Chim travaille régulièrement pour Vu*, Ce soir,
la Vie ouvrière et surtout Regards, qui en
1936 l’envoie en Espagne pour couvrir la
guerre civile (ses reportages espagnols
sont également publiés par Life*). Il émigré aux États-Unis en 1939 et adopte une
orthographe américaine de son nom :
Seymour. Pendant la Seconde Guerre
mondiale, il fait partie de l’armée américaine. Envoyé en Europe, il effectue des
clichés de reconnaissance et interprète
des photographies aériennes. Après le
conflit, Chim est l’un des sept membres
fondateurs de l’agence Magnum (il en
sera président de 1954 à 1956). Chargé
de couvrir le Vieux Continent, il retrouve une Pologne qui porte encore les
cicatrices de la guerre. En Europe et au
Proche Orient, il poursuit son travail de
photojournaliste, aussi sensible aux êtres
qui subissent l’histoire qu’aux hommes
qui la font.
downloadModeText.vue.download 124 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
124
Il est abattu par un soldat égyptien au bord
du canal de Suez quatre jours après le cessez-le-feu de 1956.
T.M.G.
CHLORURAGE
Virage* d’une photographie avec une solution de chlorure d’or.
S.R.
CHOQUER Luc
photographe français
(Région parisienne 1952)
Choquer, éducateur, devient photographe-
reporter en 1980. Tout d’abord au sein de
l’agence Vu puis, dès fin 1988, de l’agence
Métis, dont il est également un des
membres fondateurs. Il se fait connaître
avec Planète France, travail documentaire
ayant pour objet la vie quotidienne en
France. En 1989, à l’initiative du journal
Marie-Claire, il part à Moscou photographier les jeunes filles de la perestroïka. Ce
travail lui vaut le prix de la Villa Médicis
(hors-les-murs) et l’incite à réaliser un
projet de fond sur ce sujet. En 1992, le
résultat donne lieu à une exposition au
palais de Tokyo, à Paris, et il reçoit le prix
Niépce. L’approche de Choquer est singulière. Il ne revendique pas la neutralité du
photojournaliste traditionnel. Il affiche sa
subjectivité avec la couleur, l’éclairage au
flash et l’utilisation du grand angulaire. Il
photographie à bout portant et intervient
directement sur ses personnages, qu’il
amène à réagir. De son propre aveu, ce qui
intéresse Choquer, c’est de « sublimer la
réalité sans la trahir [...], être à la fois témoin et auteur ».
N.C.
CHRISTO (Javacheff Christo, dit)
artiste américain d’origine bulgare
(Gabrovo, Bulgarie, 1935)
Christo a reçu une éducation réaliste socialiste, en Bulgarie. Il effectue ses études à
l’Académie des beaux-arts de Sofia (19521956) et travaille au sein de la propagande
artistique jusqu’en 1956 (« agencement »
du paysage le long du trajet de l’OrientExpress), date à laquelle il émigre à Prague,
pour séjourner ensuite un semestre à l’Académie des beaux-arts de Vienne. Il arrive à
Paris en 1958 et, en 1964, part s’installer à
New York avec sa femme, Jeanne-Claude
de Guillebon. On attribue à Christo le nom
d’artiste conceptuel, pop ou minimaliste,
mais ces définitions sont réductrices au
regard de son oeuvre, publique, conviviale,
éphémère aussi. Publique, parce que les
installations et autres aménagements gigantesques de l’auteur ne sont pas visibles
dans un musée ou dans une galerie, encore
moins « chez soi ». Et, du même coup,
conviviale, parce que, si elle n’impose pas
un droit d’entrée, cette oeuvre-là ne suppose pas non plus un public d’initiés, mais
peut se révéler à tout un chacun au hasard
du chemin : le 10 août 1972, un rideau de
Nylon polyamide orange se déploie sur
une longueur de 450 mètres au-dessus
d’une route du Colorado (Valley Curtain).
En 1976, en Californie, un mur de toile
court sur 40 kilomètres de long, comme
un immense tableau abstrait traversé par
une bande de couleur, le paysage s’anime
(Running Fence) ; le chemin emprunté peut
aussi se couvrir d’or (Wrapped Walk Ways,
en 1978). On est impliqués dans un rapport très particulier à l’oeuvre, elle-même
tributaire du lieu où elle s’inscrit comme
du contexte historique où elle s’épuise :
en 1968 à Paris, 240 bidons à pétrole sont
entassés de façon à former le Rideau de
fer qui barre la rue Visconti. Christo pardownloadModeText.vue.download 125 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
125
ticipe à la propagande artistique en Bulgarie comme plus tard il réalise ses premiers
Empaquetages à l’heure où la société de
consommation exulte en Europe occidentale, capitaliste. Et si Christo fait évoluer
la façon d’impliquer la société dans la relation à son art, ce n’est pas sans rejouer
une certaine tradition, de la notion d’atelier comme d’un certain usage de la couleur. L’oeuvre de Christo disparaît toujours,
mais, par-delà son existence éphémère,
elle perdure sous forme de pièces mobiles
que sont les dessins et photographies qui
enregistrent toutes ses étapes.
A.Ma.
CHROMOGÈNE (révélateur)
Bain de développement* permettant d’obtenir des images en couleur par l’emploi
de développateurs organiques (aminophénoliques ou à base de phénylènediamine),
sous réserve que l’émulsion ou le révélateur contienne un coupleur*.
S.R.
CHRONOPHOTOGRAPHIE
La chronophotographie est la « production photographique d’images successives
prises à des intervalles de temps exactement mesurés » (définition adoptée au
Congrès international de photographie de
Paris, en 1889). Le terme a été forgé par
É.-J. Marey* à partir des méthodes chronographiques (méthodes d’enregistrement
sur papier au noir de fumée) qu’il avait
imposées dans les années 1860 ; lorsqu’il
leur adjoint la photographie en 1882, il
parle de photochronographie, puis introduit « chronophotographie » en 1886. La
définition adoptée officiellement est assez
large, puisqu’elle n’impose pas que les
images successives soient sur un même
support, et qu’elle inclut ce qui n’existe pas
encore en 1889, le cinématographe : l’appareil breveté le 13 février 1895 par les frères
Lumière* (sans dénomination) sert en effet
« à l’obtention et à la vision des épreuves
chronophotographiques ». On retrouve
ce terme dans les brevets d’appareils cinématographiques de Joly, De Bedts, Parnaland, Kirchner, Grivolas... et, à vrai dire, il
aurait pu continuer à désigner la nouvelle
technique d’animation ; on trouve encore
un appareil « chronophotographe » chez
Gaumont en 1900.
L’idée de produire des images photographiques successives remonte aux années
1850, et elle découle naturellement des
découvertes de Plateau sur la persistance
rétinienne (1829), qui constituent le fondement théorique du cinéma : il s’agit de
donner l’illusion du mouvement en faisant percevoir à l’oeil, à des intervalles de
1/10 de seconde, des images différentes
qui paraissent non disjointes. Reste alors
à obtenir ces images : on les dessine pour
le thaumatrope, le phénakistiscope, le
zoo-trope, ou le praxinoscope de Reynaud (1877). L’idée de les réaliser par la
photographie est logique (L.J. Duboscq*,
A. Claudet*, Wheatstone), mais elle se
heurte aux temps de pose longs des années
1850, qui empêchent de saisir les mouvements en temps réel et obligent à des attitudes fixes successives. Les recherches se
portent à la fois sur les appareils d’obtention d’images et de visionnement (Cook
et Bonelli, Henry Du Mont, L. Ducos du
Hauron*, dans les années 1860), mais, malgré des solutions ingénieuses, aucun ne
parvient à des réalisations effectives. C’est
l’astronome Janssen qui imagine, pour
photographier une éclipse de Soleil en
1874, un revolver astronomique pouvant
prendre 48 images sur un disque daguerréotype, à intervalles réguliers : il s’agit
bien de chronophotographie. Cette expérience influence sans doute E. Muybridge*
downloadModeText.vue.download 126 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
126
dans le choix de sa méthode pour photographier les allures du cheval à partir de
1872 à Palo Alto (Californie) : prendre des
vues instantanées successives pour piéger
l’instant désiré. Il y parvient réellement
en 1878 avec une batterie de 12 appareils
à déclenchements électriques décalés (12
en une demi-seconde). Ce succès publié
dans la Nature produit l’admiration du
physiologiste Marey, qui, en 1882, adapte
le système avec son fusil photographique
(12 images sur le pourtour d’un disque). En
mai-juin 1882, il se résout à améliorer la
méthode dans un sens chronographique,
c’est-à-dire en contrôlant les intervalles
de temps qui séparent les images, et en
n’acceptant qu’un seul point de vue, fixe.
Le chronophotographe à plaque fixe de
1882 est une chambre photographique
classique dans laquelle se superposent, sur
une plaque sensible unique, les prises de
vue effectuées au passage des fentes d’un
disque fenêtre, tournant, qui joue le rôle
d’obturateur. Le système de superposition des vues impose d’opérer devant un
fond noir, pour lequel Marey construit un
hangar peint en noir. Ce système d’analyse
scientifique des mouvements, combiné à
des systèmes de mesure précise du temps,
lui permet d’étudier les mouvements, du
cheval, de l’homme et des oiseaux particulièrement, qui complètent notablement
ses études antérieures. Cependant, l’inconvénient des superpositions d’images
difficiles à décrypter incite Marey à imaginer un dispositif de mobilité de la surface
sensible, qui s’arrête brièvement à chaque
prise de vue. C’est la chronophotographie
sur pellicule mobile (1888), à laquelle il
adapte la pellicule Celluloïd de Kodak en
1890 ; Marey a ainsi obtenu le premier film
(suite d’images successives en temps réel
sur bande) en 1889. L’appareil connaît plusieurs perfectionnements (dont un projecteur en 1893) jusqu’à ce que Marey laisse
à d’autres (Demeny, puis Lumière, Gaumont) les applications extrascientifiques
de sa méthode, qui constituait la base du
cinéma ; il ne souhaitait en aucun cas en
faire un spectacle. Par l’adoption du mot
cinématographe, la chronophotographie
perdait son caractère scientifique et son
incertitude heuristique, et devenait un objet de plaisir. D’autres techniciens ou photographes ont développé des techniques
chronophotographiques, plus ou moins
inspirées de celles de Muybridge ou de
Marey : A. Londe* met au point en 1883 un
appareil à 9 objectifs, et un autre à 12 objectifs en 1893 ; Ottomar Anschütz (Lissa,
Prusse), avec des batteries d’appareils (à
partir de 1885), le général Sébert (étude de
torpilles), T. Eakins* (Philadelphie, 18841885) et l’on peut considérer que les divers
systèmes utilisés par Demeny, Leprince,
Donisthorpe, Friese Greene et même Edison, intégrés aujourd’hui dans le complexe
des origines du cinématographe, sont par
nature chronophotographiques.
M.F.
CIBACHROME
nom déposé
Procédé de tirage* d’épreuves photographiques en couleur, à partir de diapositives, dans lequel les colorants sont préincorporés dans le support par le fabricant
(Ciba-Geigy).
S.R.
CINÉMA ET
PHOTOGRAPHIE
Lorsque E. Muybridge* découpe en séquences photographiques le galop d’un
cheval ou que É.-J. Marey* invente en 1882,
la chronophotographie* soit 10 images par
seconde sur une seule et même plaque, la
photographie, encore débutante, se pose
downloadModeText.vue.download 127 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
127
déjà la question du mouvement et de sa
traduction. Si ces images de la décomposition d’un corps en mouvement sont un
repère historique, c’est qu’elles rendent
très ténue la frontière entre image fixe et
image animée. Leur force visuelle plonge
dans les débuts de ce que nous considérons comme la modernité. En inventant la
séquence des images, la photographie fait
déjà du cinéma.
Les avant-gardes
La volonté de dépasser les limites d’une
expression artistique puis de faire communiquer les arts visuels entre eux est un
leitmotiv de la création artistique du début
du XXe siècle. C’est sans doute pourquoi
il revient aux photographes européens
de l’avant-garde Man Ray* et L. MoholyNagy* de s’être aventurés sur le territoire
du cinéma au même moment d’ailleurs
que des peintres comme M. Duchamp*,
Fernand Léger ou Dalí. Avec Retour à la
raison (1923), Man Ray réalise le premier
film expérimental en France. La mise en
mouvement de ses rayographes produit
des effets visuels entièrement nouveaux.
Étoile de mer, réalisé en 1926 avec le poète
Robert Desnos, ramène à l’imaginaire surréaliste et à ce qu’il est convenu d’appeler
« la subversion des images ». Ce cinéma
totalement subjectif tire ses modèles de
l’activité onirique. En se plaçant du côté de
l’image, Man Ray révolutionne le cinéma.
Il appelle ses films des cinépoèmes, ni cinéma ni poésie mais les deux à la fois.
Le Hongrois Moholy-Nagy, autre expérimentateur infatigable, publie en 1925
son essai théorique Peinture Photographie
Film, où il poursuit le rêve d’un art total.
De 1926 à 1936, il réalise huit films, équivalents mobiles et sonores de ses recherches
plastiques et photographiques sur la lumière. L’exposition internationale Film
und Foto, à Stuttgart, en 1929, représente
le point d’orgue de cette effervescence.
Elle offre sans aucun doute la meilleure
sélection des recherches de l’avant-garde
de l’époque et réunit pour la dernière fois
cinéastes et photographes. Cet élan d’optimisme créatif vole en éclat à la veille de la
guerre.
Les années 1950 et 1960
Dans les années 1950, c’est sur des bases
différentes que photographie et cinéma
se retrouvent. Entre les deux pratiques
s’installe alors une forme de contamination et d’échanges. Pris dans un réseau
d’influences réciproques, la photographie
emprunte au cinéma le flou, le bougé et
le filé – « la photo fait du cinéma » –,
tandis que les ralentis et les arrêts sur
image renvoient le cinéma à un effet
photographique. R. Frank* et W. Klein*
sont les figures les plus exemplaires de
photographes cinéastes qui, chacun à
leur manière, ont avec les deux arts un
rapport d’une extraordinaire liberté. En
1960, Frank met son « Leica dans un
placard. Assez de guetter, d’attraper parfois l’essence de ce qui est noir, de ce qui
est blanc... Je fais des films. Maintenant
je parle aux gens qui bougent dans mon
viseur. » Pour Frank, le cinéma reste une
expérience limite, marginale et, pour
reprendre un mot de l’époque, « underground ». À l’inverse Qui êtes-vous Polly, Magoo ?, le premier long métrage de
Klein sur « l’intox, la mode et les médias », lui offre l’occasion d’un vif succès
et le prix Jean Vigo en 1967. Klein est le
premier à avoir l’idée d’un exercice auquel
d’autres photographes se plieront volontiers par la suite : la lecture de planches
de contacts filmées au banc-titre et commentées par le photographe lui-même,
la photographie à l’épreuve de la parole
(Contacts 1988-1989). Une autre forme
de contamination entre photographie et
cinéma se repère dans le glissement qui
s’opère du documentaire à la fiction et
downloadModeText.vue.download 128 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
128
favorise l’émergence de formes intermédiaires. La jetée de Chris Marker (1963)
est à cet égard une référence. Prototype
d’une combinaison fascinante, La jetée se
présente comme un film de 29 minutes
composé d’images fixes (il n’y a qu’une
seule image où on voit un mouvement de
l’oeil, au milieu du film). Preuve est faite
que des photographies reliées entre elles
en chaîne peuvent produire un récit de
manière aussi efficace que des images en
mouvement, compte tenu du rôle joué par
la bande-son.
Le documentaire d’auteur
Certains cinéastes ont d’abord été photographes, telle Agnès Varda à qui revient
l’initiative d’avoir introduit la photographie
sur les ondes télévisuelles par le biais d’une
série quotidienne : Une minute pour une
image (1984). Une minute de parole non
préparée pour une minute de photo qu’on
n’a pas choisie, telle est la règle qu’impose
Agnès Varda à ses interlocuteurs. D’autres
noms s’imposent comme ceux du Hollandais Johan Van der Keuken ou de R. Depardon*. « Tous sont des cinéastes du réel
liés à la tradition documentaire mais ayant
fondamentalement modifié le genre en y
introduisant, pour l’imposer avec force,
l’idée d’un regard strictement subjectif,
personnalisé, individuel : Documentaire
d’auteur, documentaire confession, documenteur... » (P. Dubois). Depardon est sans
doute le dernier exemple de cette généra-
tion de « cinéphotographes » (C. Delvaux).
Comme W. Klein, il reste photographe. Il
pousse le paradoxe de la double activité
le plus loin possible avec San Clemente
(1980), une intrusion dans une institution
psychiatrique italienne dont il fait à la fois
un film et un livre. « Je crois que je resterai
toujours un photographe-voyageur mais
je tiens à mon cinéma. » Cet entre-deux
de Depardon est au coeur des résonances
entre photographie et cinéma et à l’origine
d’une oeuvre singulière, unanimement reconnue, « qui pose autant de questions au
cinéma qu’elle apporte de réponses » (Frédéric Sabouraud).
M.R.
CITROEN Paul
photographe néerlandais
(Berlin 1896 - Wassenaar, Pays-Bas,
1983)
Citroen naît et vit en Allemagne jusqu’à
l’âge de 31 ans. Il étudie la peinture et
le dessin à Berlin, s’associe à Der Sturm
pendant la Première Guerre mondiale,
au mouvement dada de Berlin entre 1918
et 1921, puis est élève au Bauhaus* de
Weimar en 1922. Il commence à photographier en 1925, après avoir pratiqué
le collage (Metropolis, 1923). Citroen
mêle dans sa photographie l’humour dadaïste, le fonctionnalisme du Bauhaus et
les principes esthétiques de la Nouvelle
Vision. Le portrait est le thème majeur
de son oeuvre (dès 1926, il s’associe avec
Umbo* dans un studio). Contrairement à
ses contemporains, il a une vision romantique des hommes et des femmes qu’il
photographie : il utilise le flou (MoholyNagy, 1928). Ses portraits sont édités dans
Palet en 1931. En 1927, Citroen s’installe à
Amsterdam. On note une forte influence
du surréalisme* dans ses oeuvres les plus
connues : In the Theatre (1929), Toilet im
Rietwald (1932) ou Mannequin (1929). En
1932, sa première exposition personnelle
a lieu à Amsterdam. À partir de 1933, il
abandonne la photo pour se consacrer à
l’enseignement. Il s’établit définitivement
à Wassenaar en 1964. Une exposition
Paul Citroen - Retrospektive Fotografie est
organisée en 1978 à Düsseldorf.
E.E.
downloadModeText.vue.download 129 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
129
CIVIALE Aimé
photographe français
(? 1821 - ? 1893)
Membre de la Société* française de photographie (S.F.P.), il effectue pendant les
étés de 1857 et de 1858 des voyages dans
les Pyrénées et réalise un panorama montrant l’ensemble du massif de la Maladetta, différentes vues du chaos de Gèdre
et du cirque de Gavarnie, de nombreuses
images des falaises des environs de Biarritz. Pour l’obtention de ses négatifs, il se
sert du procédé sur papiers secs, moins
fragiles que les glaces collodionnées. Il
restera toujours fidèle à ce procédé qui
permet de rendre avec précision les différents plans et la finesse des détails. De
retour à Paris, il décide d’entreprendre la
description photographique des Alpes.
De 1859 à 1868, assisté d’Auguste Corberon, il réalise 600 vues de détails et
41 panoramas des montagnes de France,
de Suisse et d’Autriche. Son premier livre
sur les Alpes paraît en 1866. Civiale est
un pionnier dans l’utilisation de la photographie pour les levées topographiques,
et ses images, accompagnées d’une série
de mesures, de prélèvements (géologiques) et de notations extraphotographiques, s’inscrivent dans une démarche
scientifique et ne sont pas des paysages
à proprement parler. S’adressant au géographe, au géologue et au météorologiste,
il souhaite réaliser des images exemptes
de toute fantaisie.
V.L.
CLAASS Arnaud
photographe français
(Paris 1949)
À 18 ans, Claass interrompt ses études
musicales pour se consacrer à la photographie. Il effectue son apprentissage en
Amérique du Nord, où il réalise ses premiers reportages. Il découvre aux ÉtatsUnis les principales oeuvres de référence
et acquiert très tôt une ample culture
photographique. De 1970 à 1973, il explore l’univers visuel de la grande métropole américaine. Cependant, son regard
est rapidement attiré par ce qui se passe
en marge de l’action, par des événements
ou des objets anodins ; cette démarche
l’écarté du reportage, qui collecte des
faits significatifs. Quand il rentre à Paris,
en 1973, il développe cette orientation
personnelle, notamment dans Ellipses
(Contrejour, 1976) où les objets font
figure de métonymies pour une réalité
absente. Il reste sensible à l’univers urbain puisque Contretemps (Punto e Virgula, 1978) confronte des scènes prises
dans les rues de Paris au monumental jeu
de volumes et de lignes des gratte-ciel
américains. Mais sa recherche s’affirme
en abordant le paysage ; dans un état de
complète disponibilité, il enregistre les
variations de l’univers végétal, qui reste
néanmoins identique. En 1982, la Bibliothèque nationale expose ses Paysages
miniatures, tirages de petits formats qui
insistent sur des événements visuels tels
que la consistance différente de deux
feuillages ou la ligne qui court dans les
nuages. Il cadre les surfaces et réduit la
profondeur, l’échelle des grandeurs est
abolie. Pour Claass, l’événement reste au
niveau du visible ; il se tient prêt à le saisir à l’instant, de façon presque inconsciente. Il tend à retrouver la démarche
de C. Simon*, auteur qu’il cite à plusieurs reprises et qui a inspiré une série
sur Barcelone (Claude Simon, Marval,
1991). Claass ne recherche aucun sujet
particulier ; il photographie son environnement, son entourage, ce qu’il croise
dans ses déplacements, mais sans trahir aucune intimité. Depuis 1983, il s’est
downloadModeText.vue.download 130 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
130
fixé en Provence, où il enseigne à l’École
nationale supérieure de la photographie
d’Arles. Cette activité prolonge sa réflexion critique contenue dans plusieurs
articles, sur R. Gibson* ou E. Weston*,
entre autres. En 1986, la série Continuités témoigne de cette rencontre avec la
Provence. Silences (Marval, 1989), dépourvu de légendes comme c’est habituel
chez Claass, accorde toute l’importance
aux images, qui trouvent leur cohérence
dans leur succession. Le cadrage de
Claass tord la familiarité avec le visible ;
il détourne des hiérarchies habituelles
pour faire émerger l’hétérogénéité du
réel, dans ses fragments, avec ses halos
de sens, sa banalité et son étrangeté tout
à la fois.
P.A.
CLARK Larry
photographe et cinéaste américain
(Tulsa 1943)
Clark est étudiant entre 1961 et 1962 à la
Layton School of Art de Milwaukee. Sa
réputation s’établit avec Tulsa, un livre de
photographies publié en 1971, qui est un
témoignage de la vie des marginaux, entre
la prostitution et la drogue. Ses oeuvres
photographiques de 1980 réitèrent les
thèmes avec les enfants et les adolescents
de la 42e rue de New York. À l’encontre de
la tradition de la photo humaniste, Clark
ne peut être considéré comme un photojournaliste. Ni moralisatrice ni dénonciatrice, son oeuvre produit une esthétisation de la marginalité, de la différence
sociale ou sexuelle. Ses photographies
sont conservées dans les collections américaines du Metropolitan, du M.O.M.A.,
du musée de Philadelphie. Il est l’auteur du
film Kids (1995).
S.C.
CLARKE Henry
photographe américain
(Los Angeles 1918 - Cannes 1996)
Clarke découvre la photographie en 1945 à
New York. Abandonnant son travail d’étalagiste chez I. Magnin, grand magasin de
San Francisco, il est engagé comme accessoiriste chez Condé Nast. Il assiste aux
prises de vue de C. Beaton* dans le studio
de Vogue* et est captivé par l’imagerie photographique. La directrice du studio, Claire
Mallison, lui prête un Rolleiflex, avec lequel
il fait ses premières photographies. Dans
l’espoir de se faire embaucher, il montre
son travail à Alex Liberman, qui, à défaut
de lui trouver une place chez Vogue*, l’envoie suivre les cours de A. Brodovitch* à la
New School for Social Research. Une nouvelle revue, Kaleidoscope, l’engage comme
photographe, mais elle disparaît presque
aussitôt. Décidé de faire fortune ailleurs, il
part pour Paris au début de l’année 1949. Il
y est accueilli par son ami et camarade de
lycée, le photographe Robert Randall, qui
l’introduit dans les maisons de couture
et le présente aux magazines de mode. Il
travaille pour Fémina et l’Album du Figaro
à Paris, ainsi que pour Harper’s Bazaar*
à Londres. L’année suivante, acceptant la
proposition de Liberman, il entame une
collaboration avec les éditions française,
anglaise et américaine de Vogue, qui durera plus de 25 ans. Avec la complicité des
grands mannequins comme Suzy Parker,
Capucine, Bettina, Ann Saint-Marie, etc.,
il traduit admirablement l’élégance de la
femme « moderne », celle qui est jeune,
vivace, insouciante et prête à séduire. Il
fait aussi des portraits mémorables : Anna
Magnani, Coco Chanel, Sophia Loren,
Maria Callas, etc. Dans les années 1960,
Diana Vreeland, l’indomptable rédactrice
du Vogue américain, l’envoie tous les ans
dans un pays lointain et différent (Syrie,
downloadModeText.vue.download 131 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
131
Sicile, Iran, Inde, Turquie, Mexique) pour
photographier les derniers modèles dans
une mise en scène qu’il crée sur place. À
cette époque, il alterne la couleur et le noir
et blanc. Lors de ses voyages, il enregistre
aussi les architectures et les paysages qui
le frappent. En Europe, il photographie des
intérieurs et des jardins pour des revues
ainsi que pour son propre plaisir.
T.M.G.
CLAUDET Antoine-François-Jean
photographe français
(Lyon 1797 - Londres 1867)
Avant de partir pour Londres en 1827,
Claudet fut employé de banque. Après son
mariage avec une Anglaise, il décide de
s’installer en Grande-Bretagne et devient
représentant en verrerie, avant d’ouvrir un
magasin en 1829.
Dix ans plus tard, l’opticien Lerebours lui
présente le nouveau procédé mis au point
par L.J.M. Daguerre*. Il décide alors d’apprendre la technique du daguerréotype* et
achète une licence pour son exploitation
et son importation en Angleterre. Sous
l’enseigne « Héliographe portraitiste », il
ouvre un atelier à Londres, à 43 ans, en
1841. Son atelier de portraitiste acquiert
une certaine réputation, grâce en particulier aux innovations techniques et artistiques qu’il utilise : liqueurs accélératrices
et toiles de fond peintes puis coloriage des
épreuves. Inventeur prolifique, il améliore
la sensibilité des plaques, invente une
lampe de laboratoire, un photomètre mais
aussi un focomètre et un dynactinomètre.
À la suite d’une commande pour The Illustrated London News, il réalise en 1842
des photographies panoramiques qui sont
ensuite publiées sous forme de gravures.
À l’apparition de la carte de visite* en
1854, Claudet abandonne définitivement
le daguerréotype et adopte le procédé au
collodion* comme tous les autres photographes. Auteur de nombreux articles,
il entretint une correspondance avec
d’autres photographes, comme Nadar*. Il
devient membre de la Royal* Photographic
Society en 1853 et, en 1855, de la Société*
française de photographie. « Photographe
ordinaire » de la reine Victoria à partir de
1853, il prend sa retraite en 1862.
S.M.
CLÉRAMBAULT
Gaëtan Gatian de
psychiatre et photographe français
(Bourges 1872 - Malakoff 1934)
Après des études de droit et de médecine,
Clérambault se spécialise dans la psychiatrie. Nommé en 1905 médecin adjoint puis
médecin chef à l’Infirmerie spéciale des
aliénés de la préfecture de police de Paris,
il participe au développement de la psychanalyse par ses observations cliniques
ainsi que par ses nombreuses publications
sur l’automatisme mental et les psychoses
passionnelles. Sa redécouverte récente
résulte cependant de ses études sur la passion érotique des étoffes ainsi que sur une
classification des costumes et des drapés
qui révèlent l’étendue de son regard clinique et ethnographique ainsi que la vive
sensibilité artistique qu’il exerce par l’intermédiaire du dessin et de la photographie.
Ses archives personnelles comportent
quelque 900 tirages conservés au musée de
l’Homme et réalisés au Maroc (1917-1920).
Ils lui servirent de support pour les cours
de drapés qu’il donna à l’École des beauxarts de Paris, entre 1922 et 1924. Ces photographies révèlent l’intensité fétichiste de
son intérêt pour le corps féminin voilé, habillé d’étoffes, masquant toujours le visage
et traduisant les variations infinies entre la
surface matérielle de la photographie et la
profondeur du modelé.
F.D.
downloadModeText.vue.download 132 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
132
CLERGUE Lucien
photographe français
(Arles 1934)
L’oeuvre de Clergue est intimement liée à
son pays natal, la Camargue. D’abord hantées par la mort, ses photographies représentent des Flamants morts dans les sables
(1956), la Ville aux nécropoles (1955-1966)
ou l’agonie d’un taureau dans l’arène. La
mort exorcisée, Clergue explore la flore camarguaise. Il en retient les formes torturées
de la vigne, les empreintes énigmatiques
dans le sable ou la roche, la masse ondulante des algues du marais, révélant ainsi
un monde végétal insoupçonné, étrange,
fantastique. Clergue est aujourd’hui
connu pour son travail sur le nu féminin,
qu’il étudie depuis 1956. « J’ai voulu faire
la vie, dit-il, j’ai redécouvert la femme et
j’ai gagné en sérénité. » Son lieu favori est
la plage, où il surprend des naïades aux
formes pleines surgissant de l’eau. Sensuels
et féconds, authentiquement féminins, ses
nus, à la mer ou à la ville, convainquent par
leur force symbolique. Fondateur des Rencontres internationales de la photographie
d’Arles* en 1970, professeur à l’université
de Provence à Marseille depuis 1976, à la
New School for Social Research de New
York depuis 1979, il est aussi l’auteur de
nombreux livres et de courts-métrages.
En 1966, il reçoit le prix Louis-Lumière
pour son film le Drame du toro. Son oeuvre
est représentée dans les plus grandes collections de photographies dans le monde
(Paris, New York, Chicago, Austin, Tokyo).
S.Ro.
CLICHÉ-VERRE
(1853-1874)
En 1855, Harville et Pont, après avoir déposé un brevet, décrivent dans le Bulletin
de la Société française de photographie
un procédé « de gravure et d’impression
photographique ». Un mois plus tard, en
janvier 1856, E. Cuvelier* répond dans les
mêmes colonnes qu’il utilise depuis plus
de trois ans avec ses amis d’Arras, Dutilleux et Grandguillaume, divers procédés
de « dessins héliographiques ». C’est au
cours d’une visite chez son ami Cuvelier
que Corot est initié en 1853 à cette technique, qu’il transforme en une expression
graphique nouvelle.
Le « cliché-verre » acquiert alors une
originalité et une spécificité qui se développent autour de deux écoles principales : celle d’Arras puis celle de Barbizon.
La technique – ou plutôt les techniques
employées – consiste essentiellement à
utiliser les propriétés de la plaque photographique au collodion, qui est « grattée »
avec une pointe en acier, en ivoire, en bois
ou avec une roulette d’imprimeur, puis
« tirée » sur un papier photographique au
choix de l’artiste.
Le procédé reçoit des noms très divers,
comme « gravure diaphane », « clichéglace », « cristallographie », « héliographie sur verre », « autographie photographique », « héliotypie », « dessin sur verre
pour photographie », « photocalque », etc.
La technique du « cliché-verre », simple
dans son principe, permettait un nombre
incalculable de variantes, autorisant ainsi
une multitude de variétés d’interprétation. C’est autour des « clichés-verre »
de Corot que s’articule la période la plus
importante de cette école, c’est-à-dire
1853-1874. À son nom s’ajoutent ceux de
Daubigny, Rousseau, Millet, Delacroix ou
Brendel. Des rétrospectives importantes à
New York et à Genève ont permis de redécouvrir cette application particulière de la
photographie. Dessin par le « trait », gravure par le « grattage » et « photographie »
par l’utilisation de la lumière pour le tirage
sur papier photographique, le cliché-verre
downloadModeText.vue.download 133 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
133
est un art à la limite entre le dessin, la gravure et la photographie.
S.M.
CLIFFORD Charles
photographe britannique
(1800 ? - Madrid 1863)
Né en Grande-Bretagne, il émigré à Madrid en 1852 et devient le photographe
et le protégé d’Isabelle II et de la cour
d’Espagne. Il se spécialise dans les vues de
paysages, d’architecture, le portrait et les
scènes de la vie quotidienne espagnole,
et photographie les trésors artistiques du
Dauphin. En 1854, la reine Victoria découvre ses images à l’exposition de la London Photographic Society et les lui achète.
En 1856, il publie Vistas del Capricho,
comprenant 50 vues du palais du XVe siècle
de Guadalajara, et présente ses tirages albuminés du palais de l’Escurial. Il montre
400 images au Salon photographique de
Paris sur le thème Voyage en Espagne et
se fait remarquer par la critique française.
Ferrier lui commande en 1857 des vues
stéréoscopiques de la région de Ségovie et,
en 1858, Clifford publie un album, intitulé
aussi Voyage en Espagne.
Membre de la Société* française de photographie, il expose en 1859. Il exécute en
1861 un portrait de la reine d’Angleterre,
que celle-ci fait reproduire en peinture. En
1862, il publie un album sur l’Andalousie et
meurt à Madrid avant d’avoir terminé un
projet, Scrambles Through Spain.
Clifford est un innovateur dans son attitude expérimentale lorsqu’il traite les
sujets topographiques. Il reste un des très
grands photographes anglais d’architecture, dominant parfaitement la technique
du négatif verre collodioné avec tirage
albuminé.
C.B.
CLOSE Chuck
artiste américain
(Monroe, Louisiane, 1940)
Peintre hyperréaliste, il réalise d’après
photographies de très grands tableaux
représentant le plus souvent une tête vue
de face (Susan, 1972, 252 × 226,5 cm).
Reproduisant fidèlement les variations de
netteté induites par l’objectif (léger flou du
bout du nez en premier plan et de l’arrière
des oreilles en fond, absolue précision des
yeux), ses oeuvres proposent une réflexion
sur vision et représentation, simulacre et
réalité. Il présente, séparément, certaines
de ses photographies de départ, entourées
de ruban adhésif et avec un quadrillage
tracé dessus pour permettre l’agrandissement peint (Richard A., 1975), mais aussi
des recherches photographiques comme
ses Autoportrait et Autoportrait en neuf
parties (1979), reconstructions approximatives de son visage par assemblages
d’épreuves Polacolor, ou encore des fragments de corps nus (Carter, ou Laura,
triptyques, 1984).
Ch.B.
COBURN Alvin Langdon
photographe britannique
(Boston 1882 - Colwyn Bay 1966)
Initié à la photographie par son cousin
F.H. Day*, dont il hérite peut-être une tendance au non-conformisme, Coburn est le
meilleur représentant du versant moderniste du pictorialisme*. Esprit très cultivé,
aux tendances mystiques, en contact avec
les milieux artistiques les plus avancés de
son époque, Coburn conduit pleinement
une « oeuvre » d’artiste photographe, avec
ses périodes esthétiques, ses pièces déterminantes, ses phases occultées, ses moments prospectifs. Né à Boston dans une
famille d’industriels, voyageant souvent en
downloadModeText.vue.download 134 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
134
Europe, lié à E. Steichen*, A. Stieglitz* ou
R. Demachy*, il expose déjà à Londres en
1900 et reçoit des leçons de G. Käsebier*.
Devenu ami de F. Evans* et G.B. Shaw*,
il est introduit auprès des écrivains pour
faire leur portrait, dans un style dérangeant qui joue sur le naturel et le gros plan
du buste, et que lui autorise sa jeunesse.
Ayant appris la technique de l’héliogravure, il tire lui-même les planches de ses
portfolios London et New York. À l’affût des
nouveautés (il pratique l’autochrome* dès
1907), il cherche aussi à tirer le meilleur
parti des idées nouvelles ; son parcours
artistique est ainsi semé de belles réussites
dont, parfois, l’originalité passe inaperçue.
Il en est ainsi de certaines de ses 26 images
publiées dans Camera Work, des photographies du Grand Canyon (1911), de son
Octopus (1912), de sa Maison aux mille
fenêtres (1912), du portrait de Yeats (1908),
des illustrations pour The Cloud de Shelley (1912). Ses vues de ports, d’ouvriers, de
villes-machines enfumées et grondantes
sont bien loin du pictorialisme de salon.
Son expérience la plus avant-gardiste en
photographie est menée en janvier 1917,
dans le cadre du vorticisme fondé par Ezra
Pound et Wyndham Lewis : ce sont les
Vortographes, photographies d’effets de
lumière dans une sorte de kaléidoscope.
Après une dernière publication de por-
traits de célébrités artistiques (More Men
of Mark, 1922), installé au pays de Galles,
il semble privilégier son parcours personnel dans la franc-maçonnerie, tout en
continuant à photographier. Tenue par des
exigences intellectuelles et artistiques, la
vision de Coburn est certes parfois aristocratique, souvent teintée de connotations
spirituelles, comme si le langage de l’image
devait passer par la métaphore, par le symbolisme de l’ombre et de la lumière, du bas
et du haut, du noir et du blanc, qui sont effectivement les fondements de la pratique
photographique. Ses photographies sont
conservées dans de nombreux musées,
notamment à Rochester (George Eastman
House) et à New York (M.O.M.A.).
M.F.
COHEN Lynne
photographe américaine
(Racine 1944)
Cohen a multiplié les photographies d’intérieur – essentiellement en noir et blanc
– et plus particulièrement de salles d’attente, de vestibules, de halls d’accueil. La
notion de décor est apparentée, dans son
travail, à la banalité des lieux photographiés, au sens où l’artiste parvient à théâtraliser l’ordinaire des espaces représentés.
Cohen se place en deçà de toute formule
réaliste ou objective. Elle exploite les qualités d’une image qui demeure toujours à la
surface des choses, en mettant en évidence
des jeux de symétrie de formes, d’objets ou
de rapports de matières. Dans cette distanciation des sujets, la question du vide des
lieux, du non-sens émerge, parallèlement.
Rien dans l’image qui ne soit notifiable,
remarquable. Cohen expose en France
depuis 1988 (galerie Samia Saouma, Paris).
Le musée des Arts décoratifs de Zurich lui
a consacré une exposition personnelle en
1989. Ses photographies sont conservées
dans les collections de nombreux musées, principalement aux États-Unis et au
Canada.
S.C.
COLLARD Auguste Hippolyte
photographe français
(Valençay 1812 - après 1887)
Après avoir exercé la profession de doreur
sur bois, à Paris en 1838 puis à Poitiers de
1839 à 1850, Collard pratique la photogra-
phie en amateur à partir de 1842, mais on
downloadModeText.vue.download 135 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
135
ignore pourquoi il décide d’en faire son métier en 1850, alors qu’il avait atteint aisance
et notoriété dans son activité précédente.
Il s’installe alors à Paris, où il travaille dixhuit mois dans l’atelier Wulff et Cie avant
de fonder sa propre entreprise avec ses
deux frères. Il commence par pratiquer le
portrait, se lance dans les reproductions
d’oeuvres d’art et se forge rapidement une
solide réputation. Primé à l’Exposition
universelle de 1855 à Paris, il participe à
celle de Londres en 1862, et Ernest Lacan
peut dire de lui à cette époque : « Ses spécimens prouvent que l’on peut faire de l’art
tout en travaillant pour l’industrie. » Parallèlement, il se spécialise dans la photographie d’ingénierie, qui constitue la part la
plus originale de son oeuvre. De la réalisation en 1857 d’un premier album consacré
à la reconstruction du pont Saint-Michel
à son dernier reportage sur le barrage de
Noisiel en 1885, il collabore pendant plus
de vingt-cinq ans avec l’Administration
des travaux publics et en particulier avec
les Ponts-et-Chaussées, effectuant près de
vingt séries de photographies sur les chantiers de ponts, viaducs, barrages, etc. Ces
images de commande, documents de travail pour les ingénieurs, sont aujourd’hui
appréciées pour leur beauté propre, leur
modernité, le talent que Collard, en cela
proche de E. Baldus*, de L.-É. Durandelle*
ou des Bisson*, a déployé pour mettre en
scène ces nouveaux chefs-d’oeuvre de l’art
industriel.
S.A.
COLLECTIONNEURS
On a cru longtemps que les hommes du
XIXe siècle, en amassant des images sur
un ou plusieurs thèmes, se sont surtout
attachés à leur représentation en ignorant
leurs auteurs. Le prince Roland Bonaparte
a ainsi réuni près de 17 000 images ethnographiques. Des découvertes récentes nous
autorisent cependant à parler de collectionneurs d’épreuves dès le XIXe siècle. La
redécouverte, en 1992, dans la collection
du duc d’Aumale, de somptueux tirages
photographiques signés par les plus grands
maîtres du XIXe siècle montre qu’il a su
également rassembler des pièces contemporaines considérées aujourd’hui comme
majeures dans l’histoire de la photographie. La présence au musée d’Orsay d’un
volumineux album ayant appartenu au duc
de Chartres vient confirmer ce goût pour
la collection chez des aristocrates. L’écrivain et critique Francis Wey parle aussi en
1866 de sa collection de photographies.
Aux États-Unis, les collections formées
par A. Stieglitz* au début du siècle et par
Julien Lévy dans les années 1930 sont les
premières à réellement intégrer la photographie dans une collection d’art contemporain. Ces premiers collectionneurs du
XXe siècle ont non seulement constitué
des collections d’oeuvres contemporaines,
mais souvent ils ont favorisé à divers titres
la naissance de collections dans les musées. David Mc Alpin (famille Rockefeller)
commence, dans les années 1930, à collectionner des photographies contemporaines. En 1940, grâce à son apport financier, il permet la création du département
des photographies du Museum of Modern
Art de New York (M.O.M.A.). Soutien
financier au Metropolitan et dans d’autres
institutions, il a donné sa propre collection
à l’université de Princeton.
Parallèlement, une première génération
de collectionneurs s’intéresse à la photographie ancienne. En France, pendant les
années 1930, un homme comme Victor
Barthélémy, en rassemblant des images
du vieux Paris pour leur valeur historique,
fait figure de pionnier. L’International
Center of Photography de Rochester doit
sa richesse à deux collections privées de
downloadModeText.vue.download 136 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
136
cette première génération : celle d’Alden
Scott Boyer, qui a commencé à collectionner vers 1938 en utilisant le catalogue
de l’exposition de B. Newhall* comme un
guide et celle du Français Gabriel Cromer.
À l’exception de la collection Cromer, les
grandes collections privées d’images anciennes réunies en France entre les deux
guerres sont allées enrichir le fonds de la
Bibliothèque nationale, comme la collection Sirot, acquise en 1955, ou la collection
Albert Gilles, en 1960. Ces collectionneurs
ont sauvé des documents qui pendant des
décennies ont été détruits ou dispersés ; la
photographie, comme le souligne André
Jammes, « nous est parvenue dans un état
d’art sinistré ».
À cette première génération de collectionneurs sauveteurs qui a rassemblé des
photographies sans presque aucune référence historique succède, entre la En de la
Seconde Guerre mondiale et le début des
années 1950, une nouvelle génération où le
collectionneur devient aussi historien. En
Europe, A. Jammes et Helmut Gernsheim
commencent chacun une collection encyclopédique. Avec l’apparition des premières galeries dans les années 1970, de
très nombreux collectionneurs réunissent
des ensembles historiques ou contemporains qui souvent constituent les noyaux
des plus belles collections publiques. En
1984, le J. Paul Getty Museum, à Malibu,
s’est porté acquéreur de trois importantes
collections privées : celle de l’avocat Arnold
Crane, commencée au milieu des années
1960 et dans laquelle ont puisé de nombreuses institutions pour organiser des
expositions, celle de Samuel Wagstaff, qui,
depuis 1973, a rassemblé de belles épreuves
anciennes, et celle de Bischofberger. En
France, quelques collectionneurs privés
ont favorisé l’entrée de la photographie
dans les musées des beaux-arts. La collection Bernard Lamarche Vadel, exposée à
Poitiers en 1983, a été en partie acquise en
1986 par le musée Sainte-Croix. D’autres
collections, comme celle de Graham Nash
en 1990, ont été dispersées lors de ventes
aux enchères. La présence de nombreuses
galeries, la multiplication des ventes aux
enchères ont modifié peu à peu l’attitude
du collectionneur. Le chineur qui pendant
de nombreuses années a trouvé ses trésors
sur les marchés aux puces a cédé la place à
une autre génération, qui choisit ses pièces
une à une, qu’il s’agisse d’oeuvres anciennes
ou de création contemporaine.
A.M.
COLLECTIONS
Si, dès les débuts de la photographie, de
façon très ponctuelle, des photographies
ont été rassemblées pour leurs qualités
esthétiques par des collectionneurs*, elles
ont d’abord servi à constituer des fonds
documentaires dans des institutions
très diverses. Le pouvoir exceptionnel
de représentation de la photographie a
occulté le fait qu’elle proposait aussi un
nouveau langage visuel. Les fondateurs
de la S.F.P.* (1854), scientifiques, artistes,
amateurs éclairés ou professionnels, ont
les premiers conservé à titre d’exemple
des photographies en s’intéressant autant
aux progrès techniques du médium qu’à
ses qualités esthétiques. La collection de
la S.F.P. est une conséquence de l’activité de cette société savante. L’histoire
des fonds documentaires commence en
1851. Les premières épreuves éditées par
L.-D. Blanquart-Évrard* sont reversées à
la Bibliothèque nationale par le biais du
dépôt légal. Les épreuves et les négatifs
de la Mission héliographique* sont enregistrés sur les registres des archives de la
Commission des Monuments historiques.
Les fonds s’accroissant rapidement, on
recense déjà, vers 1880, près de 10 000
downloadModeText.vue.download 137 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
137
épreuves dans ces archives. Dans le sillage
de ces deux pionniers, des musées, au sein
de leur cabinet d’estampes, des bibliothèques, des écoles constituent des collections d’images sans particulièrement
s’intéresser aux auteurs de ces documents.
Les acquisitions du Victoria and Albert
Museum (Londres) commencent dès
son ouverture, en 1856, suivies par celles
des bibliothèques de l’École des ponts
et chaussées (1857), du musée des Arts
décoratifs (1864), de l’École des beauxarts (1866), de la Bibliothèque historique
de la Ville de Paris (1872), du musée des
Monuments français (1889), du cabinet
d’estampes du musée Carnavalet (1881),
de la Société de géographie (1881). Avant
la maîtrise des techniques d’impression
de photographies, ces fonds représentent
un accès irremplaçable à l’image. Après la
Première Guerre mondiale, la consultation des livres illustrés remplace celle des
photographies, et la plupart de ces fonds,
cessant d’être consultés, ralentissent leurs
acquisitions.
Les premières collections publiques qui
s’intéressent en priorité aux auteurs
naissent d’abord dans des musées des
beaux-arts aux États-Unis (voir entrée
Musée et photographie). Ces musées
sont ensuite relayés par des universités.
C’est l’Allemagne qui ouvre la voie. En
1959, O. Steinert*, enseignant à l’École
Folkwang de Essen pour les arts appliqués, propose de constituer, à côté de son
enseignement, une collection représentative de la photographie, et en réalise les
premières acquisitions dès 1959. Cellesci sont activement poursuivies lors de
la première vente qui se tient à Genève
en 1961. Cette collection est aujourd’hui
conservée au musée Folkwang. C’est
cependant aux États-Unis encore, où
l’intérêt pour la photographie et son
enseignement se développe de façon
importante, que ce phénomène connaît
un vrai succès. L’université d’Austin au
Texas acquiert en 1964 la collection de
l’historien Gernsheim. L’université du
Kansas commence à collectionner en
1968. En 1967, grâce à son président Samuel W. Sax, l’Exchange National Bank
est à Chicago le premier groupe financier à collectionner la photographie. Au
milieu des années 1970, Howard Gilman,
président de la Gilman Paper Company, décide de constituer au sein de
son groupe une collection de photographies. Pierre Apraxine est nommé spécialement pour rechercher les pièces et
procéder aux acquisitions. La collection,
qui réunit des pièces exceptionnelles, est
considérée aujourd’hui comme la plus
importante collection privée. En France,
un intérêt pour la photographie se manifeste à la fin des années 1970 et au début
des années 1980. Les nombreuses institutions déjà citées redécouvrent leurs
fonds documentaires, identifient des
auteurs, modifient leur classement. Des
fonds d’archives de presse comme ceux
de la Hulton Deutsch ou ceux de ParisSoir, Match et France-Soir, sauvés par la
B.H.V.P. en 1990, sont valorisés comme
des collections. En 1982, en France,
la création des Fonds régionaux d’art
contemporain correspond à la création
d’autant de collections qui intègrent la
photographie, et plus particulièrement
la photographie plasticienne. De nombreuses fondations se mettent aussi à
collectionner : en 1980, la Fondation
culturelle Télévisa confie à M. Alvarez
Bravo* le soin de constituer une collection historique. La Fondation Select, en
Suisse, acquiert, entre 1989 et 1993, plus
de 300 pièces majeures des années 1950
à 1970.
A.M.
downloadModeText.vue.download 138 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
138
COLLIAU Eugène
photographe français
(actif de 1859 à 1867)
Élève parisien de G. Le Gray*, il opère sur
papier ciré et sur plaques au collodion*
humide ou sec. Son atelier de portraits se
double un temps d’une imprimerie photographique (qui tire des clichés qui ne sont
pas de lui). Il a un répertoire varié : reproductions d’oeuvres d’art et de modèles
industriels, monuments, paysages, scènes
rurales.
Six marines antérieures à 1861, louées
par certains de ses contemporains autant
que celles de Le Gray, sont conservées à
la Bibliothèque nationale. C’est à lui que
ce maître confia le soin de diffuser la séquence des barricades de Palerme.
B.M.
COLLODION HUMIDE
Inventé en 1848 par l’Anglais F.S. Archer*,
le procédé au collodion humide apparaît
publiquement en novembre 1851. Ce procédé négatif sur verre est le plus populaire
jusqu’en 1880, où la plaque à la gélatine
sèche vient le supplanter. Pour réaliser
une prise de vue au collodion humide, on
enduit une plaque de verre d’une préparation au collodion, dans lequel on a fait
dissoudre des sels de bromure et d’iodure.
Devenue sensible à la lumière, la plaque
de verre encore humide est placée dans
un châssis, avant d’être exposée. On développe l’image en employant comme
révélateur du protosulfite de fer ou de
l’acide pyrgallique. Le négatif est alors
fixé dans une solution saturée d’hyposulfite de soude, puis lavé. Pour une meilleure conservation, on passe sur l’épreuve
un vernis à l’alcool qui a l’avantage en
durcissant de lui assurer une protection.
Malgré de nombreux inconvénients – le
poids et la fragilité du verre ; la difficulté
d’appliquer le collodion dans l’obscurité
et de développer la plaque impressionnée
avant qu’elle ne soit sèche ; l’obligation de
transporter une chambre noire portative,
les produits chimiques et l’appareil luimême –, les avantages de ce procédé sont
si grands qu’ils compensent les difficultés
de l’opération. La finesse du grain et la
clarté de ses blancs permettent d’obtenir
une grande précision dans les détails et
un large éventail de tonalités, autant de
caractères que des portraitistes tels que
Nadar* ou Carjat* ont su porter à leur
plus haute expressivité esthétique.
J.-L.G.
COLOMB Denise
photographe française
(Paris 1902)
Elle étudie le violoncelle et entre au
Conservatoire de Paris. À cause du trac,
elle abandonne cette carrière. Elle aborde
la photographie en amateur, pendant un
séjour en Indochine (1935-1937). Dix ans
plus tard, en 1947, elle souhaite devenir
photographe. Son frère Pierre Loeb, marchand d’oeuvres d’art et fondateur de la
Galerie Pierre à Paris, lui présente Aimé
Césaire. Ému par ses photographies, le
poète lui propose de participer à la mission
dirigée par Charles Leiris aux Antilles,
à l’occasion du centenaire de l’abolition
de l’esclavage. Avant ce premier reportage, son frère lui fait rencontrer Antonin
Artaud, dont elle saisit le visage angoissé.
C’est le début d’une série de portraits qui
constitue le centre de son oeuvre. Au cours
des années 1950-1960, elle photographie
les nombreux peintres ou sculpteurs que
Pierre Loeb lui présente : Vieira da Silva,
Picasso, Giacometti, de Staël. Édouard, son
autre frère, Christian Zervos, directeur des
Cahiers d’art, et François Mathey, conserdownloadModeText.vue.download 139 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
139
vateur au musée des Arts décoratifs, favorisent à leur tour de nouvelles rencontres :
Max Ernst, Braque, Chagall, César. Dans
l’espace révélateur de l’atelier, elle cherche
le mystère de la création. À côté de ces
portraits sans artifice, elle pratique des
solarisations, des surimpressions qui témoignent d’un certain raffinement, et développe une oeuvre qui, par sa sensibilité,
sa curiosité, la rattache à la génération des
photographes français de l’après-guerre.
Le 18 novembre 1991, elle a fait don de
l’ensemble de son oeuvre à l’État français,
qui lui a organisé une rétrospective à Paris
en 1992.
A.M.
COMESAÑA Eduardo
photographe argentin
(Buenos Aires 1940)
Après des études de commerce à La Plata,
Comesaña obtient un diplôme de l’École
supérieure des beaux-arts. D’abord photo-journaliste à Primera Plana, à Buenos
Aires, en 1964, il est au magazine Confirmado de 1966 à 1968. Lors de sa première
exposition en 1969, le directeur du magazine Look remarque ses images, en particulier des portraits de Jorge Luis Borges,
et il obtient un prix qui l’incite à partir
aux États-Unis. Il rencontre Cornell Capa,
A. Adams* et les éditeurs de Time-Life.
Son passage au Grupo de Cine Experimental et l’influence de Moneo Sanz, lui
fait comprendre à quel point le cinéma et
la photographie sont deux langages complémentaires. De 1974 à 1983, il donne des
cours privés, voyage en Europe et ouvre en
1977 à Buenos Aires, une agence de presse.
À titre personnel, il photographie les acteurs de théâtre et publie un livre en 1972,
Fotos poco conocidas de gente muy conocida. En 1977 et 1978, il enseigne à l’école
Panamericana de Arte de Buenos Aires
et voyage en Europe et aux États-Unis.
Membre Fondateur du Consejo argentino
de fotografía, à Buenos Aires, il poursuit
ses déplacements à travers le monde et
rencontre lors de conférences, des grands
photographes de renommée internationale, tel A. Kertész*.
En 1983, il obtient une médaille de
bronze à la première Biennale internationale de photographie de São Paulo,
au Brésil. Par son passage au Grupo de
Cine Expérimental et à l’université du
Cinéma, sous l’influence de Moneo Sanz,
Comesaña comprend que photo et cinéma sont deux langages complémentaires.
Il se sent très proche de H. Cartier-Bresson* par sa manière de voir le monde et
la connaissance de chaque étape qui permet un contrôle sur l’image finale. Ses
Visages de Buenos Aires (1981), Funérailles de Perón (1974) et Vision de New
York (1970-1972) sont des ouvrages qui
nous permettent par leur diversité de
comprendre les caractères des hommes
de plusieurs continents.
V.E.
COMPTE-POSE
Appareil indiquant la durée d’exposition*
dans les opérations photographiques.
S.R.
CONDENSEUR
Combinaison optique, généralement faite
de deux lentilles plan-convexes assemblées par une monture, la convexité à l’intérieur, et ayant pour objet de concentrer
la lumière vers l’objectif d’un appareil de
projection ou d’un agrandisseur photographique en éclairant uniformément la diapositive ou le cliché.
S.R.
downloadModeText.vue.download 140 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
140
CONSERVATION DES
PHOTOGRAPHIES
Le souci de préserver les photographies
date du début de leur histoire. Si le daguerréotype, premier procédé commercialisé,
était relativement stable, il avait l’inconvénient d’être un objet unique dont les
possibilités de diffusion étaient donc très
limitées. Les premières épreuves argentiques sur papier tirées d’après un négatif
permettaient bien une multiplication des
tirages, mais elles se sont très vite révélées être chimiquement instables. Dans les
années 1850, les travaux des pionniers de
la photographie prirent deux directions :
la recherche de procédés dits « permanents », non argentiques, et l’amélioration de la stabilité des procédés aux sels
d’argent.
En France, en 1855, A. Poitevin* met au
point les tirages au charbon, basés sur la
sensibilité à la lumière des colloïdes bichromatés. L’image finale est composée de
gélatine et de pigments minéraux, stables.
W. Willis publie en 1873 un procédé photographique dont l’image finale est composée de platine, métal très peu oxydable.
À la suite des gravures daguerriennes,
les procédés photomécaniques*, tels que
l’héliogravure et la photolithographie, ont
par ailleurs permis d’obtenir des images
composées d’encres d’imprimerie d’après
une matrice photographique. Également
dans les années 1850, la Société française
de photographie et la Royal Photographic Society britannique ont commandité
des commissions afin de comprendre les
grandes causes d’altération des images argentiques. À la fin des années 1860, grâce
à ces travaux, une amélioration de la stabilité des images était obtenue. Les effets
nocifs d’un mauvais traitement de fabrication étaient connus ; et l’introduction de
la pratique du virage à l’or séparé du bain
de fixage a permis d’augmenter la permanence des images argentiques. L’influence
des facteurs climatiques (température et
humidité) fut également reconnue dès
cette époque.
La fin de l’époque artisanale de la photographie et les débuts de l’industrialisation
des surfaces sensibles ont laissé le champ
libre aux laboratoires de recherche privés
qui, comme celui de Kodak, se sont penchés à partir de 1912 sur le problème de
la conservation de leurs produits. Face à
la multiplication des techniques et à l’inflation des images, ils ont surtout diffusé
des informations techniques sur les traitements de fabrication des images traditionnelles en noir et blanc.
Les instituts de normalisation américains
(American National Standards Institute,
ANSI) ou internationaux (International
Organization for Standardization, ISO),
composés de représentants des industries,
de laboratoires privés ou d’institutions
publiques, se sont également penchés sur
les matériaux photographiques à partir
des années 1970. Ils donnent des indications sur la fabrication des images et leur
conservation à long terme. Ils s’appuient
sur des méthodes de vieillissement accéléré et obtiennent des résultats par comparaison et extrapolation.
Depuis les années 1960, la conscience de
la valeur historique des photographies
originales s’est établie au sein des institutions culturelles. D’abord aux États-Unis,
puis en Europe, les colloques et les séminaires spécialisés se sont multipliés, installant le domaine de la conservation des
photographies dans celui de la conserva-
tion des biens culturels. Aux laboratoires
de recherche qui se sont préoccupés des
matériaux photographiques à partir des
années 1970 (Rochester Institute of Technology, Archives publiques du Canada,
Centre de recherche sur la conservation
downloadModeText.vue.download 141 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
141
des documents graphiques, en France...) se
sont adjoints des ateliers de conservation
et de restauration au sein de collections
publiques, ateliers spécialisés dans la photographie. Le premier est celui de George
Eastman House à Rochester, créé en
1975. La plupart des organismes internationaux ou nationaux de conservation possèdent actuellement des groupes de travail
spécifiques sur la photographie qui se réunissent régulièrement ; c’est par exemple le
cas de l’International Council of Museum
(ICOM), de l’International Institute of
Conservation (IIC) ou de l’American Institute for Conservation of Historic and
Artistic Works (AIC)...
Critères actuels de conservation
Grâce à tous ces efforts, il est aujourd’hui
possible de planifier dans les collections
photographiques des programmes rationnels de conservation. Ceux-ci s’appuient
sur deux priorités : le soin apporté aux
traitements de fabrication des images modernes et à la manipulation des oeuvres, et
le contrôle des conditions ambiantes.
Un fixage inadéquat ou un lavage trop
court risquent d’altérer chimiquement les
images en attaquant l’argent. Il est possible
de contrôler ce phénomène par un dosage
des sels résiduels effectué rapidement
après la fabrication de l’image. En outre,
les images étant fragiles, des manipulations maladroites peuvent endommager
irrémédiablement la couche image (traces
de doigts, saletés, rayures, plis ou lacunes
dans l’émulsion...). Leur protection individuelle au stockage ou à la consultation
peut éviter ces phénomènes.
Pour ce qui est du contrôle des conditions
ambiantes, plusieurs paramètres entrent
en compte. Les fluctuations de températures et d’humidité sont à éviter. Une température élevée, alliée à une forte humi-
dité, va accélérer le processus d’altération
chimique des images.
Une climatisation des réserves permet de
contrôler ces facteurs. Dans le cas des collections en noir et blanc, l’humidité relative doit être comprise entre 30 et 40 % (à
+ ou – 4 %) et la température entre 18 et
20 °C (à + ou – 4 °C).
La stabilisation des colorants des photographies en couleur ne peut se faire que par un
conditionnement en chambre froide. Pour
la consultation, il est alors nécessaire d’éviter toute condensation sur l’épreuve grâce
à un déconditionnement progressif. Lors
des expositions, la lumière peut décolorer
certains éléments de l’image, surtout dans
le cas des photographies anciennes ou en
couleur. Il est alors nécessaire de limiter la
durée de l’exposition (l’effet de la lumière
étant cumulatif) et l’intensité lumineuse à
50 lux (150 lux étant acceptable pour les
photographies modernes en noir et blanc).
La quantité de rayons ultraviolets doit enfin
être inférieure à 75 microwatts par lumen.
Autre paramètre, les gaz polluants doivent
être filtrés car ils ont une action oxydante
sur l’argent et attaquent également certains supports d’image. Enfin, les boîtes et
pochettes de mauvaise qualité doivent être
remplacées par des contenants en carton
ou en papier neutres à base de fibres de
haute qualité, ou par d’autres matériaux
inertes vis-à-vis des images argentiques,
tels que le polyester non traité, le polyéthylène, le polypropylène...
L’évolution des connaissances dans ce
domaine étant rapide, il est enfin toujours
conseillé aux utilisateurs de se référer aux
dernières normes techniques en vigueur
afin d’être à jour.
A.C.-B.
CONTACT
Épreuve obtenue en mettant le papier sensible en contact avec le phototype négatif
ou positif à tirer.
downloadModeText.vue.download 142 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
142
Planche-contact, tirage* par contact de
toutes les vues d’un film sur une même
feuille de papier sensible.
S.R.
COPLANS John
ar tiste britannique
(Londres 1920)
Né à Londres, aviateur dans l’armée britannique pendant la guerre, peintre ayant
travaillé à Londres et Paris, émigré en 1960
aux États-Unis, où il enseigne à Berkeley
University, il est cofondateur de l’importante revue d’art contemporain Art-forum
en 1962 (dont il est rédacteur à partir de
1971). Il cesse d’exposer ses peintures en
1963, devient conservateur du Pasadena
Art Museum (1965-1967) et de l’Akron
Art Museum (1978-1980), organise des
expositions (Roy Lichtenstein, A. Warhol*,
Frank Stella, Weegee*, photographies de
Brancusi*). De retour à New York en 1980,
il décide de se consacrer à la photographie,
à soixante ans, et, après des portraits, il
choisit exclusivement son propre corps
pour modèle, à l’encontre de tous les poncifs du médium. C’est la série des Selfportraits, commencée en 1984, cadrages plus
ou moins serrés de fragments corporels, à
l’exclusion du visage, qui exploite toutes
les possibilités du point de vue photographique, cet oeil-limite qui lui permet de
se découvrir lui-même. La notion même
d’autoportrait est dépassée, puisqu’il ne
s’agit pas d’une représentation individuelle
identitaire, et pourtant l’égocentricité de la
démarche est réelle. L’extrême précision,
associée à l’agrandissement démesuré du
tirage, dématérialise le corps réel en une
surface apparente où tout est exhibé sans
pouvoir cependant signifier un corps particulier. La fragmentation anatomique
(amplifiée maintenant par des recompositions en plusieurs épreuves juxtaposées
mais indépendantes) renvoie à l’illusion
d’une unité descriptive énonçable par le
langage ; la nudité universalise le propos et
libère de toute référence temporelle : « Nu,
le corps appartient au passé, au présent et
au futur » (Coplans).
M.F.
COPPOLA Horacio
photographe argentin
(Buenos Aires 1906)
Initié à la photographie dès ses études
secondaires à Buenos Aires, il voue une
grande admiration à E. Weston*. Le droit,
la philosophie et l’étude des langues occupent toute son adolescence. Dès 1928, sa
rencontre avec José Luis Borges lui permet
de réaliser ses premières photographies
pour l’ouvrage Evaristo Carriego. Pendant
deux ans, il voyage à travers l’Europe pour
étudier l’histoire de l’art et parfaire ses
connaissances artistiques. Ayant acheté
un Leica, il contacte Mies Van der Rohe au
Bauhaus*, où il apprend la photographie en
1932 avec W. Peterhans* et le cinéma avec
K. Frölich. Il poursuit ses voyages dans
les capitales d’Europe centrale, à Vienne,
Budapest, Prague où il réalise des photographies de rues avec des passants très
expressifs. Il collabore avec le studio Ringl
und Pit, avec Ellen Auerbach et G. Stern*,
qu’il épouse par la suite.
Après la fermeture du Bauhaus, il vient en
1934 à Paris où il collabore avec Christian
Zervos aux Cahiers d’art et fait des portraits d’artistes : Le Corbusier, Joan Miró,
Henry Moore, Marc Chagall. Il réalise un
film, les Quais de la Seine, et l’année suivante, en 1935, à Londres, Un dimanche
dans la chaleur d’Hampstead. Il rentre
à Buenos Aires avec Grete Stern pour
produire d’autres films, dont Ainsi naît
l’obélisque. Il installe un studio avec sa
femme en 1937. Ses images ne sont jamais
downloadModeText.vue.download 143 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
143
signées, mais portent un numéro. Il continue ses voyages – au Brésil, en France, en
Italie –, qui lui permettent de publier des
livres d’art : Huacos precolombinos (1937),
Huacos, cultura chimú et Huacos, cultura
chancay (1934), Sarmiento de Rodin (1944)
et Paestum y l’Alhambra.
En 1959, il se sépare de sa femme et épouse
Raquel Palomeque. Dans les années 1960,
la Galerie Van Riel de Buenos Aires présente son oeuvre Divertissement, série
d’abstractions, une autre forme d’expression photographique qu’il défend. Lié au
cercle des intellectuels de Buenos Aires,
il est toujours à l’avant-garde des courants
esthétiques. En 1966, l’université de Santiago du Chili lui consacre une rétrospective. En 1975, il est nommé professeur de
photo à l’École de muséologie de Buenos
Aires. En 1984, il crée le groupe Imagema
et présente son travail dans de nombreux
musées, dont la Fondation San Telmo pour
sa rétrospective à l’âge de 78 ans.
V.E.
CORDIER Pierre
photographe belge
(Bruxelles 1933)
Pratiquant la photographie depuis l’adolescence, il devient vite photographe professionnel, tout en menant des recherches
personnelles. En 1956, il invente le chimigramme, image obtenue sans appareil, par
l’action directe de produits chimiques sur
l’émulsion photographique : le support est
recouvert d’un produit localisateur – peinture, vernis, matière grasse – qui va s’éroder sous l’action des liquides révélateurs,
donnant des noirs et des couleurs (tons
souvent bruns, rouille, mordorés, ou bleus
et verts intenses), et des fixateurs, donnant
les blancs. L’oeuvre de Cordier, qui effectue
un stage de quatre mois avec O. Steinert*
à Sarrebruck, est très variée : parfois il
laisse la priorité aux réactions chimiques
qui produisent des compositions abstraites
d’une extrême précision de détail (chimigrammes 28/5/61 et 19/2/71 II), parfois il
engendre une construction géométrique
nette (Minimal Photographie, chimigramme 30/8/77 VII, 1970). Il peut aussi
mêler photographie et chimigramme,
comme dans Hommage à Muybridge (photo-chimigramme 6/10/77 II, 1972), qui
met en scène les étapes successives de la
traversée d’un cheval avec son cavalier, ou
Hommage à Marey (photo-chimigramme
27/9/78 II, 1975), qui reprend les mouvements du vol d’un oiseau, entourés de
volutes concentriques. Chargé de cours à
l’École nationale supérieure des arts visuels
de la Cambre, à Bruxelles, depuis 1965, il a
exposé à la Bibliothèque nationale de Paris en 1979, aux musées Réattu à Arles et
Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône en
1980, à la Benteler Gallery à Houston, au
Texas, en 1983, etc.
Ch.B.
CORRAL Varela Raúl
(dit Corrales)
photographe cubain
(Ciego de Ávila 1925)
Après des études de technique graphique
et de journalisme à l’école Manuel Mar-
quez Esterlin, il travaille comme photographe à l’agence Cuba Soño-Film à partir
de 1945, puis au journal Noticias de Hoy
et au magazine Revista Carteles en 1954. Il
entre en 1959 à l’Institut national de réforme agraire comme directeur du département photo, puis à la revue INRA et à
la revue Cuba jusqu’en 1962. Il est chef du
département central de la photo à l’Académie des sciences de La Havane de 1962 à
1973, et enfin directeur de la section des
microfilms et des photos du Conseil d’État.
Il reçoit de nombreuses récompenses, dont
downloadModeText.vue.download 144 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
144
un premier prix au Salon national des arts
plastiques UNEAC (1979), un grand prix
au Salon national de La Havane (1980) et
le prix du ministère de la Culture la même
année, ainsi que les distinctions Alejo Carpentier (1983), Felix Elmuza (1984), Raúl
Gómez García (1986) et l’Ordre Félix Varela (1989).
Il expose dans son pays et dans toute
l’Amérique latine – Argentine, Venezuela,
Brésil – et, récemment, à Milan et à New
York, ainsi qu’en France : en Arles, lors
d’une soirée latino-américaine, à Paris, au
Centre Georges-Pompidou.
Corrales a développé ses talents de photographe dans la période prérévolutionnaire
et après la révolution afin de témoigner des
efforts de la société pour sortir du régime
précédent. D’origine modeste, il a toujours gardé une grande humilité pendant
les moments les plus troublés de l’histoire
de son pays, tout en devenant une importante figure historique de la photographie
cubaine. Ses images, telles que l’entrée de
Camilo à cheval à La Havane en 1959, les
hordes de cavaliers avec les drapeaux dans
la campagne, les portraits de miliciens et
de paysans et les défilés de femmes armées
à La Havane, ont été publiées dans le
monde entier.
V.E.
COSTE Ferdinand
photographe français
(Rossily 1861 - Lacanche 1932)
Fils d’un photographe amateur bourguignon, Jules Ferdinand (1829-1873), dont le
frère Théodore, banquier à Chalon, encourage en son temps les travaux de N. Niépce*, Coste, administrateur des mines de
Blanzy, pratique la photographie en amateur éclairé. Sa charge est légère et ses
revenus suffisants pour lui offrir les loisirs
que nécessite sa passion de la photographie artistique. Il est présent dès 1892 à
la première Exposition internationale de
photographie à Paris, où son talent est
reconnu par les chroniqueurs parisiens. Il
devient alors membre correspondant du
Photo-Club* de Paris (1895) et participe
régulièrement au Salon parisien jusqu’en
1911. Dans sa région, l’Association des
amateurs photographes de Dijon et de
la Bourgogne le salue comme une gloire
locale, et l’Académie des sciences, arts
et belles-lettres de Dijon lui décerne en
1898 une médaille d’argent. Après 1900,
les succès critiques se font plus rares ;
Coste rédige toutefois un important article
consacré au paysage dans l’ouvrage collectif publié par le Photo-Club* de Paris :
Esthétique de la photographie (1900). Les
paysages bourguignons, mais aussi les
métiers traditionnels des bois et des campagnes sont les sujets privilégiés de son
iconographie. L’épreuve intitulée Dans la
vallée (vers 1900, Bibliothèque nationale)
montre cependant que Coste s’écarte du
pittoresque grâce aux effets optiques qu’il
affectionne ; tirant parti des brouillards et
forçant la perspective atmosphérique, il est
le premier à exploiter les ressources du téléobjectif pour accentuer les flous. Adepte
du procédé au charbon*, il emploie les
papiers préparés de Fresson ou d’Artigue,
qui confèrent aux épreuves la densité des
sombres et le velouté des surfaces.
M.P.
COULEUR
Après l’échec des premières tentatives
pour trouver une substance chimique capable de fixer les couleurs des objets, puis
l’extraordinaire découverte de la méthode
interférentielle par Lippmann en 1891
– qui apportait une réponse physique –,
c’est finalement du moyen indirect de la
trichromie* énoncé par Cros et Ducos du
downloadModeText.vue.download 145 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
145
Hauron* qu’est issu le premier procédé
industriel de photographie des couleurs,
commercialisé par Lumière* sous le nom
d’Autochrome* en juin 1907. L’apparition
des procédés soustractifs* à développement chromogène*, tels que le Kodachrome (commercialisé en 1935 pour le
cinéma et en 1936 pour la photographie)
et l’Agfacolor (1936), mettra fin à son
hégémonie. En 1939, le nouvel Agfacolor
introduit le principe du film négatif-positif
qui permet le tirage sur papier des négatifs en couleurs. Les années d’après guerre
confirment définitivement la conquête du
marché par ces procédés, qui comportent
néanmoins de nombreux défauts dans
l’exactitude de rendu des couleurs, les difficultés à obtenir des copies de qualité et la
mauvaise conservation. La commercialisation de l’Ektachrome (HS) en 1959 marque
le début des énormes progrès effectués
dans le domaine de la sensibilité des pellicules couleur.
Dès la commercialisation de l’Autochrome,
la couleur est utilisée selon deux axes : documentaire et artistique. Si elle trouve son
expression artistique entre les mains de
A. Personnaz*, E. Steichen* ou H. Kühn*,
c’est surtout dans l’entreprise documentaire qu’elle rencontre un développement
d’envergure qui se poursuit après la guerre.
Cela en particulier dans la constitution des
Archives de la planète (1912-1931) ou encore dans la publication régulière dans de
grands journaux illustrés comme l’Illustration ou le National Geographic Magazine.
Avec l’arrivée des procédés soustractifs, la
couleur devient rapidement le support ordinaire de la photographie amateur. C’est
d’abord dans la mode, la publicité puis le
reportage que la couleur se répand chez
les professionnels. G. Freund* est l’une des
premières à utiliser le Kodachrome pour
ses portraits. Des photographes de mode
tels que C. Beaton* ou I. Penn* donnent
à la couleur ses lettres de noblesse. Une
deuxième génération leur succédera
avec H. Newton*, G. Bourdin* ou encore
G. Tourdjman. Dans le domaine du reportage, la couleur n’est souvent considérée
que comme un moyen d’accroître l’impact
documentaire de l’image, répondant à des
nécessités commerciales de diffusion dans
les magazines.
Régulièrement, la question de la valeur
esthétique de la couleur par rapport au
noir et blanc est portée au devant de la
scène. Après le débat développé dans les
milieux pictorialistes à l’apparition de
l’Autochrome, on assiste vers 1950 à une
résurgence à laquelle E. Weston* apporte
une réponse d’une grande justesse. Dans
un article paru dans Modern Photography en 1953, il explique que couleur et
noir et blanc sont deux moyens d’expression complémentaires qui entraînent des
choix artistiques différents : « ce sont
deux moyens différents dont les buts sont
différents ». Les années 1970 marquent
une évolution dans la reconnaissance des
possibilités artistiques de la couleur. Des
photographes comme F. Fontana*, C. Pratt
ou encore J. Batho* utilisent la couleur
dans ses potentialités formelles, composant leur image par plans de couleurs, tout
en gardant un lien avec le réel. En 1976,
l’exposition consacrée à W. Eggleston* au
M.O.M.A. de New York affiche les objectifs des photographes de la « new color
photography ». Ceux-ci ne considèrent
pas la couleur dans sa seule dimension
formelle mais aussi dans ses dimensions
descriptive, symbolique, expressive, pour
représenter les emblèmes de la société de
consommation américaine et ses revers.
D’autres photographes choisissent la couleur pour ses possibilités de manipulation ;
c’est le cas de L. Samaras*. Resserrant le
lien de la photographie avec le réel, la couleur met du temps à affirmer ses propres
downloadModeText.vue.download 146 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
146
potentialités par rapport au noir et blanc.
Soumise aux contraintes à la fois techniques, commerciales et esthétiques, elle
n’y parvient que récemment.
N.B.
COUPLEUR
Composé susceptible de réagir avec le
développateur* oxydé pour engendrer
un colorant lors d’un développement*
chromogène.
Coupleur DIR (Development Inhibitor
Releasing), nouvelle variété de coupleurs,
créée à partir de 1969, et qui a notamment
la propriété de libérer un agent inhibiteur
lors du développement chromogène. Cet
agent ralentit la formation de colorants
parasites dans les couches où ces colorants
ne sont pas souhaitables. Ainsi, le colorant
magenta doit se former seulement dans la
couche sensible au vert, et les coupleurs
DIR se trouvant dans la couche voisine
(cyan) empêchent la formation de magenta parasite dans cette couche cyan. Ces
coupleurs empêchent aussi la formation de
gros amas de colorants autour des grains
d’argent. Ils améliorent donc la finesse de
l’émulsion et sont en partie à l’origine des
films* de haute sensibilité à grain fin.
S.R.
COURRET Eugène
photographe péruvien
d’origine française
(France ? - France ?)
Courret arrive à Lima probablement en
1861 et il y rencontre son compatriote Eugène Maunoury, qui possède un atelier de
photographie dans la rue principale de la
ville. Il avait été impressionné par un livre
sur la capitale réalisé par cet artiste dont il
devient le fils spirituel. De leur amitié naît
la firme Courret Hermanos, qui fermera
en 1863. Une nouvelle entreprise, qu’il
nomme Eugenio Courret y Compañía, lui
permet d’employer des assistants et d’acquérir des équipements photographiques
perfectionnés.
Il montre une grande partie de son travail
dans des expositions internationales, où il
remporte des premiers prix et une grande
faveur du public de Lima, dont son studio devient le centre photographique. Ses
portraits de femmes, présentés en format
carte de visite ou en albums, reflètent le
charme et l’élégance des bourgeois de la
ville. Il montre son travail à l’Exposition
universelle de 1900 et reçoit une médaille
d’or. Bien plus tard, il décide de revenir en France, tandis que son successeur,
Adolphe Dubreuil, poursuit son entreprise
à Lima, montrant les mêmes qualités que
son maître. Les oeuvres photographiques
de Courret – plaques de verre – ont traversé plusieurs décennies malgré les divers
tremblements de terre qui ont affecté
Lima. Elles restent dans les archives de ses
deux fils, Jorge et Antonio Renjifo Fowler.
V.E.
CRAVO NETO Mario
photographe brésilien
(Salvador 1947)
Né dans l’État de Bahia, Cravo Neto entre
très jeune en contact avec les personnalités du monde artistique grâce à son père,
sculpteur de renom. Il est un des premiers photographes brésiliens à chercher
à renouveler les modes d’expression. Il
réalise ses premières expériences en dessin
et sculpture et s’intéresse à l’entomologie
avec le professeur Octavio Mangabeira
Filho. En 1964, durant un séjour à Berlin,
il suit des cours de graphisme et de photographie. De retour au Brésil en 1966, il
travaille à l’ambassade américaine de Rio
de Janeiro avec Hans Mann, et comme
downloadModeText.vue.download 147 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
147
assistant de F. Roiter* lors de son passage
à Bahia.
Professionnel à partir de 1971, il expose au
Brésil et à l’étranger et publie ses images
dans Veja, Manchete Vizão. Dans ses recherches, il s’attache à une expression formelle et esthétique à travers les contrastes
de lumière et d’ombre, en accentuant les
clairs-obscurs. Il expose, en 1978, avec
P. Verger*, ses premières images, déjà
empreintes de mysticisme. Il participe à
l’exposition sur l’Amérique latine organisée en 1981 par le Kunsthaus de Zurich. En
1983, il est représenté au Centre GeorgesPompidou lors de l’exposition collective le
Brésil des Brésiliens et publie un livre sur
ses photographies et ses sculptures (Cravo, aux éditions Aries Editora). Formes,
couleurs, noir et blanc, tout l’exotisme
et la volupté de Bahia se retrouvent dans
ses portraits de femmes, par exemple. Sa
recherche jusqu’à l’obsession des nuances
et des gammes de noir et de gris profond
marque son style d’une beauté mystérieuse.
Il est l’auteur de plusieurs livres, dont notamment A Cidade de Bahia (1980) pour
lequel il reçoit un prix dans son pays, et
Exvoto, ouvrage sur sa photographie et sa
sculpture. Il participe en 1991 aux Rencontres internationales de la photographie
d’Arles et présente des expositions personnelles aux États-Unis (Body to Earth, 1992,
Los Angeles) et à Lisbonne.
V.E.
CRÉMIÈRE Léon
photographe français
(Paris 1831 - id. 1913)
Formé dans l’atelier de A. Disdéri, il s’associe avec Erwin Hanfstaengl, frère du célèbre
photographe munichois F. Hanfstaengl*.
Leur collaboration est attestée en 1860 et
1861, qui est aussi l’année où Crémière
adhère à la S.F.P.* Il expose à Paris en 1861,
1863, 1864 et 1865, à Marseille en 1861 et
à Londres en 1862. Il réalise avec Hanfstaengl des portraits de l’aristocratie, des
artistes et des célébrités du second Empire,
une série de portraits d’officiers généraux
français en 1861 et un Album militaire de
l’empereur. À partir de 1862, à la tête de
son propre atelier, il se consacre surtout à
la photographie animalière, très en vogue
à cette époque. Comme photographe de la
maison de l’empereur, il réalise des images
de la vénerie du prince Napoléon puis des
portraits de Touareg en visite à Paris en
1862, des vues d’expositions canines en
1863 et 1865, des chevaux et des boeufs du
Jardin d’acclimatation en 1864. En 1865, il
publie un album de trente-six photographies de chiens de chasse dont le texte est
dû à Jean-Emmanuel Le Couteulx de Canteleu, autorité cynégétique de l’époque,
ami de sa famille, et qui serait à l’origine de
son intérêt pour la chasse et les animaux.
Pour faire connaître ses travaux à la clientèle, il fonde en 1866 une revue illustrée, le
Centaure, spécialisée dans le sport, la vénerie, l’agriculture et les arts. Il abandonne
son atelier en 1871, travaille chez TissotDupont, produit à nouveau sous son nom
en 1872 des photographies de l’exposition
canine des Tuileries, puis quitte la France
pour la Russie, où on suppose qu’il a exercé
la photographie de 1873 à 1878.
S.A.
CRESCI Mario
photographe italien
(Chiavari 1942)
Designer de formation, il souligne, dès ses
débuts, dans son travail de photographe, le
jeu des formes et des signes. Profondément
intéressé par l’anthropologie des régions
du sud de l’Italie (son travail sur Matera
en est un exemple significatif) et restant
toutefois en dehors des recherches anthrodownloadModeText.vue.download 148 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
148
pologiques qui ont marqué l’iconographie
italienne du secteur, il a recours à son sens
du signe pour construire des images en
noir et blanc et en couleur, dont la valeur
est autant formelle que sémantique.
Son travail est analytique, et donc souvent
construit sur la séquence, s’opposant par
là à la thématique de l’instant. Prix Niépce
pour l’Italie en 1967 et prix Bolaffi en 1977,
il participe à plusieurs Biennales de Venise,
notamment à l’exposition Grafica internazionale à la Biennale de 1972.
S.T.
CROS Charles
inventeur français
(Fabrezan 1842 - Paris 1888)
L’invention de la méthode indirecte de
photographie des couleurs n’est qu’une des
multiples idées de ce poète et inventeur
extraordinaire. En 1869, il publie un mémoire proposant une Solution générale au
problème de la photographie des couleurs,
reprenant des données énoncées deux
ans plus tôt dans un pli cacheté déposé à
l’Académie des sciences. Cela lui vaut de
prendre langue avec L. Ducos du Hauron*,
dont le mémoire, publié également en
1869, présente nombre d’analogies avec le
sien. Tous deux ont en effet imaginé, sans
se connaître, un moyen indirect de reproduction photographique des couleurs basé
sur l’analyse puis la synthèse des trois couleurs fondamentales du spectre lumineux.
À partir de 1876, grâce à une aide financière du duc de Chaulnes, Cros s’emploie à
l’application pratique de son procédé, pour
lequel il prend un brevet en 1880 (hydrotypie et polychromie immédiate). La reproduction réalisée en 1881-1882 de la toile
de Manet intitulée le Printemps - Jeanne
témoigne de ses travaux.
N.B.
CUALLADO Gabriel
photographe espagnol
(Masanasa, Valencia, 1925)
Autodidacte, il s’intéresse à la photographie
vers l’âge de 30 ans. Attiré par le portrait –
souvent en pied –, il essaie, en humaniste,
de faire ressortir l’aura qui entoure l’ami,
le voisin ou le passant, par des cadrages
sobres (Vieja en la estación, 1957 ; Antón
y Esperanza, Sobrepiedra, Asturias, 1958 ;
Clemente con triciclo, Madrid, 1958).
Ses photographies d’enfants sont souvent
mystérieuses et poétiques, comme Nena
en el camino, de 1957, qui montre, sur un
chemin parsemé de petites taches claires
indéfinies, une enfant vêtue d’un gilet
sombre brodé de fleurettes blanches étoilées, et observant quelque chose d’invisible
sur sa main. Avec les groupes Afal, puis La
Palangana, il participe à diverses expositions en Europe, et, plus récemment, son
travail est présenté à la Primavera Fotográfica de Barcelone en 1982 et au Mai de la
Photo de Reims en 1990.
Ch.B.
CUMMING Donigan
photographe canadien
(Danville, Virginie, 1947)
Diplômé de l’université Concordia à Montréal, il entreprend au début des années
1980 l’examen critique des codes de la
photographie documentaire en créant des
happenings improvisés et des tableaux
vivants de personnages estropiés, vieux et
malades. Remettant radicalement en cause
la véracité du constat documentaire, il réalise, de 1982 à 1986, la Réalité et le Dessein
dans la photographie documentaire, une
étude implacable de la condition humaine
réunissant 131 photographies, 6 enregistrements sonores et 5 pages de lettres
manuscrites. À la manière d’un anthropodownloadModeText.vue.download 149 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
149
logue, il porte une attention particulière au
cadre de vie de ses modèles – chambre à
coucher, salle de séjour, etc. – et explicite,
par le relevé des « artefacts » inhérents
à ces lieux, leur appartenance sociale.
Outre ces éléments, les gestes exécutés
par ses sujets, leurs poses ainsi que leurs
mimiques traduisent selon lui l’idée qu’ils
se font d’eux-mêmes et révèlent, souvent à
leur insu, des attitudes de nature psychosociale. La mise à nu du corps humain par
l’opération photographique est totale dans
Pretty Ribbons (1988), une série de portraits de son actrice fétiche, Nettie Harris,
qui la montre faisant sa toilette, mimant le
sommeil, simulant des attitudes ordinaires
et intimes, exhibant sans honte son corps
vieilli et décharné. Il termine en 1990 une
gigantesque fresque photographique nommée la Scène, une composition détaillée de
250 photographies de sujets en situation de
déchéance physique et de détresse morale.
V.L.
CUNDALL Joseph
photographe britannique
(1818-1875)
Cundall publie de nombreux ouvrages sur
la photographie, la gravure et la chromolithographie : The Photographic Primer for
use of Beginners in the Collodion Process
(Londres, 1845) ; Choice Examples of Art
Workmanship Selected from the Exhibition
of Ancient &amp; Medieval Art at the Society of Arts, dessiné et gravé sous la direction de P.H. Delamotte* (Londres, 1851),
catalogue qui renferme 60 monochromes
de bois gravé. Il est membre du Photographic Club, appelé aussi le Calotype Club,
fondé en 1847 à Londres par Peter Wickens Fry. Ce club d’amateurs se réunissant
une ou deux fois par mois pour favoriser
des échanges d’idées tant sur le développement de la technique que sur l’esthétique
devient, entre 1851 et 1852, le centre du
mouvement photographique.
En 1854, à l’inauguration du Crystal Palace
à Londres, Cundall présente avec P.H. Delamotte, tous deux photographes à la Stereoscopic Compagny, des images doubles.
En 1859, il publie un livre de 20 illustrations en collaboration avec Bedford, Taylord et G.W. Wilson, The Sunbeam, et de
nombreuses cartes stéréoscopiques du
Crystal Palace. En 1860, il sort une série de
33 photographies pour illustrer Kirkstall
from West et Earby Abbey, the Refectory,
toujours avec Delamotte. Pour la reine Victoria, en association avec Robert Howlett,
il rapporte une série de photographies,
l’été 1856, de la fin de la guerre de Crimée :
Crimean Braves ou Highlanders (1856,
collection privée, Londres), Drummond of
the 95th Regiment (1856, collection of Sam
Wagstaff, New York). En 1868, il illustra de
14 photographies, avec Fleming, l’ouvrage
de John P. Seddon Rambles in the Rhine
Province (Londres). Avec George Downes,
il fait vers 1860 de nombreuses études de
cathédrales françaises : Arles, Bourges,
Rouen...
M.J.M.C.
CUNNINGHAM Imogen
photographe américaine
(Portland, Oregon, 1883 - San Francisco
1976)
Elle fait ses premières photographies à l’âge
de 18 ans, tout en suivant des études universitaires de chimie à Seattle. Après deux
ans passés comme associée de E. Curtis* –
qui lui apprend le procédé au platine –, elle
va étudier la photochimie en Allemagne
et, à son retour en 1910, ouvre un studio
de portrait à Seattle. Alors influencée par
G. Käsebier*, elle réalise des images dans
le style pictorialiste, principalement des
scènes inspirées de textes littéraires, prises
downloadModeText.vue.download 150 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
150
en extérieur, pour lesquelles elle fait poser ses amis dans des paysages brumeux,
et des tableaux allégoriques (comme la
Conscience, The Wood beyond the World,
vers 1912). Elle photographie également
des nus, hommes et femmes, qui parfois se
reflètent dans les eaux d’un étang..., ce qui
suscitera de vives réprobations. En 1917,
deux ans après son mariage, elle s’installe
avec mari et fils à San Francisco et, peu à
peu, se détache du pictorialisme*.
Elle commence dans les années 1920 une
série d’images de plantes et de fleurs, photographiées en gros plan, avec une grande
précision, dont Magnolia Blossom (1925)
est la plus célèbre. Parfois, les formes
courbes, la douceur de l’éclairage, le rendu
des textures évoquent le corps humain
(Two Callas, vers 1929), parfois la rigueur, la brutalité de la composition et des
jeux de lumière tirent les images vers l’abstraction géométrique (Agave). Un certain
nombre d’entre elles, parfaitement représentatives de la « straight photography* »,
seront présentées à l’exposition Film und
Foto* (Stuttgart, 1929). Cunningham est
membre fondateur du groupe F.64* avec
E. Weston*, A. Adams* et quelques autres,
à San Francisco, en 1932. Mais, avec l’indépendance d’esprit qu’elle revendique, elle
se livre aussi à diverses expérimentations :
tirage négatif, double exposition. Elle collabore par ailleurs à plusieurs revues (Vanity
Pair, Sunset Magazine...) et rouvre un studio de portrait. Elle photographie de très
nombreux artistes et artisans, souvent à la
chambre, en établissant un contact amical
avec eux afin de saisir au mieux leur personnalité. Parmi eux Darius Milhaud, Gertrude Stein, Martha Graham, Merce Cunningham et des photographes : M. White*,
A. Stieglitz* posant devant une peinture
de Georgia O’Keeffe, Weston chez lui avec
tous ses chats, A. Sander*, etc. Elle réalise
aussi des travaux alimentaires (portraits
d’enfants, images documentaires sur le tissage, la céramique...) et donne des cours de
photographie. À partir de 1974, elle entreprend une série de portraits de personnes
plus âgées qu’elle (elle a alors 91 ans...), qui
seront publiés après sa mort dans After
Ninety (1977).
Boursière de la Fondation Guggenheim en
1970, nommée Artiste de l’année en 1973
par la San Francisco Art Commission,
elle a exposé dans tous les grands musées
américains (à New York, Chicago, San
Francisco, Los Angeles, Dallas, Cincinnati,
Oakland, Rochester...), au musée Réattu à
Arles en 1973, etc. De nombreux ouvrages
ont été réalisés sur elle, dont un par J. Dater* en 1979.
Ch.B.
CURTIS Edward Sheriff
photographe américain
(White Water, Wisconsin, 1868 - Los
Angeles, Californie, 1952)
En 1896, Curtis ouvre un studio de photographie à Seattle. Son amitié avec l’ethnologue et journaliste George Bird Grinnell
décidera de sa vie. En 1899, celui-ci lui
propose de participer à l’expédition scientifique en Alaska financée par l’industriel
Harriman. Soudain conscient de l’importance de la photographie en ethnographie,
Curtis va consacrer trente ans de sa vie
à constituer une documentation sur les
nations indiennes d’Amérique du Nord.
Il réalise plus de 40 000 photographies et
recueille plus de 1 000 langues et 10 000
chants religieux de 80 tribus. Son oeuvre
colossale, The North American Indians,
cautionnée par le président Roosevelt et
financée en partie par la Fondation J. Pierpont Morgan, constitue vingt volumes
parus entre 1907 et 1930 et tirés chacun
à 500 exemplaires. Chaque volume est accompagné d’un portfolio comprenant 30 à
downloadModeText.vue.download 151 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
151
40 photogravures. Ses images empreintes
de l’esthétique pictorialiste laissent place
à plus de netteté et de réalisme dans les
derniers volumes parus. Depuis la bataille
décisive de Wounded Knee, les Blancs et
les Rouges ont fait la paix : les Indiens sont
parqués dans des réserves.
L’oeuvre de Curtis, sorte de préhistoire
pour la jeune nation américaine, donne
de nobles visages aux sauvages ancêtres.
Tel le chant du cygne, la race indienne est
ici représentée dans sa vérité idéale : tout
signe d’acculturation a été soigneusement
effacé. Les Indiens sont beaux, puissants et
dignes, mais déjà morts.
S.Ro.
CUVELIER Eugène
photographe français
(Arras 1837 - Thomery 1900)
Il est l’élève privilégié de son père, Adalbert, qui se passionne très tôt pour la photographie, entretient des relations amicales avec C. Nègre* et met au point en
1853 avec Grandguillaume et Dutilleux la
technique du cliché-verre*, à laquelle il initie le peintre Corot. Les relations amicales
du père introduisent le fils dans le milieu
des peintres et de la photographie. En
mars 1859, il épouse Louise Ganne, fille du
célèbre aubergiste de Barbizon. Il va photographier durant toute sa vie la forêt de
Fontainebleau et ses environs : Barbizon,
Chailly. Ses oeuvres sont à mettre en parallèle, au niveau des points de vue et des
cadrages, avec celles de peintres comme
son ami Th. Rousseau. L’influence d’une
culture littéraire qui transparaît dans ses
images renvoie à J.-J. de Senancourt et à
V. Hugo*. Il pratique le collodion* sur verre
et le calotype* et ses photographies appa-
raissent sur le marché de l’époque. Elles
se trouvent actuellement conservées à la
B.N., au musée d’Orsay et dans les fonds
de la S.F.P.
C.B.
CYANOTYPE
Procédé inventé par l’Anglais John Herschel en 1842, permettant d’obtenir directement une image positive par l’utilisation du ferroprussiate de potassium pour
sensibiliser le papier. Appelé aussi « blue
print » (jaune tant qu’il est sec, il devient
bleu une fois passé sous l’eau), ce papier
sert surtout, maintenant, pour des tirages
de dessins au trait, en architecture et dans
l’industrie.
Ch.B.
downloadModeText.vue.download 152 sur 634
D
DAGUERRE Louis Jacques Mandé
inventeur et photographe français
(Cormeilles-en-Parisis 1787 - id. 1851)
Sur le nom de Daguerre se combinent
paradoxalement une gloire universelle
et une méconnaissance de l’individu,
défini dans la mémoire collective comme
l’inventeur, en 1839, du daguerréotype*,
considéré comme la base historique de
« la photographie ». Avant 1839, Daguerre
est un peintre qui s’est converti dans les
décors et les panoramas ; en 1816, il est
chef décorateur à l’Ambigu-Comique,
puis à l’Opéra. En 1822, il fonde avec son
ami Bouton le diorama, lieu de spectacles
où l’on peut admirer des effets de lumière
et de mouvements habilement combinés
sur des toiles peintes éclairées alternativement par l’avant ou par l’arrière. Le diorama connaît un tel succès que Daguerre
reçoit la Légion d’honneur et ouvre une
seconde salle à Londres en 1823. C’est un
personnage de la vie publique parisienne,
qui impressionne le provincial N. Niépce*, qu’il contacte en 1826. De par sa
152
pratique du réalisme perspectiviste, Daguerre est intéressé par la chambre noire
et par la « reproduction spontanée » des
images. Aux yeux de Niépce, qui a déjà
expérimenté des procédés chimiques (bitume* de Judée, notamment), Daguerre
fait figure de spécialiste de l’optique et
d’homme du monde. Un contrat d’association est signé entre les deux hommes le
14 décembre 1829, par lequel « M. Niépce
abandonne à la Société son invention et
M. Daguerre y apporte une nouvelle combinaison de chambre noire ». Daguerre
commence vraisemblablement ses travaux chimiques en 1829, expérimentant
avec, comme agent sensibilisateur, l’iode
(que Niépce préconise dans sa Notice sur
l’héliographie de 1829) sur argent poli,
pendant que son associé persiste à utiliser
le bitume de Judée. Daguerre obtient alors
une image faible en valeurs inversées, non
fixée. La mort de Niépce, en 1833, l’entraîne à continuer ses expériences dans
cette voie personnelle. On ignore comment Daguerre découvrit, sans doute en
1835, que les vapeurs de mercure agissent
downloadModeText.vue.download 153 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
comme révélateur de l’image (même si
celle-ci est encore « latente ») et inversent
les valeurs dans certaines conditions de
visionnement. La mise au point précise de
la méthode l’occupe encore quelques années, le temps de trouver un agent de lavage des sels d’argent non impressionnés
(fixage) : ce sera le sel marin. Action de
la vapeur d’iode sur plaque de cuivre argentée, exposition dans la chambre noire,
action de vapeurs de mercure, lavage à
l’eau salée sont les principales étapes du
procédé, qui paraît définitif dès le début
de 1837, baptisé « daguerréotype » en
1838. Après avoir obtenu la reconnaissance de la suprématie de son procédé
par le fils Niépce, toujours propriétaire
à parts égales de l’invention, Daguerre
essaie de vendre celle-ci par souscription, puis entreprend des démarches officielles jusqu’à la cour de Louis-Philippe,
où il est introduit, et rencontre F. Arago*,
astronome et homme politique. Celui-ci
fait une communication à l’Académie des
sciences le 7 janvier 1839 et un accord, signé par le roi, octroie pension à Daguerre
et à Niépce fils contre la révélation du daguerréotype. Le procédé est divulgué solennellement le 19 août 1839 à l’Académie
des sciences ; il étonne d’emblée par sa
complète automaticité d’enregistrement
de l’image, par sa fiabilité et sa précision.
On connaît actuellement une quinzaine
de daguerréotypes qui peuvent avec certitude être attribués à Daguerre : vues de
Paris (Vue du boulevard du Temple, Paris,
1839, Munich, Bayerishes Nationalmuseum), compositions inspirées du cabinet
de curiosités (Cabinet de curiosité, 1837,
Paris, Société française de photographie).
À l’automne 1839, Daguerre met activement en place la commercialisation de
son procédé, des appareils et des produits, surtout en Europe et aux ÉtatsUnis, et multiplie les leçons et l’édition
des recettes en plusieurs langues avec son
Historique et description des procédés du
daguerréotype et du diorama.
Mais l’apparition du daguerréotype déclenche d’autres recherches – celles de
H. Bayard* et surtout celles de W.H.F. Talbot* –, qui vont, à terme, supplanter celuici. Daguerre, quant à lui, semble s’être retiré à Bry-sur-Marne, en laissant à d’autres
le soin de perfectionner son invention,
notamment de lui donner une plus grande
stabilité, et de faciliter le portrait qui paraît
impossible en 1839, en raison d’une pose
trop longue (quelques minutes). Lorsque
Daguerre meurt, en 1851, la « photographie » est partagée entre daguerréo-typistes-portraitistes et adeptes du négatifpapier, ou même du négatif-verre, dont les
possibilités techniques et esthétiques sont
tout autres.
M.F.
DAGUERRÉOTYPE
Ce procédé, mis au point par L.J.M. Daguerre*, est présenté le 7 janvier 1839 par
le savant F. Arago*, qui n’en dévoile officiellement le secret que le 19 août 1839,
lors d’une réunion à l’Institut, devant
l’Académie des sciences et l’Académie des
beaux-arts.
Le daguerréotype est une image positive directe, obtenue sur une plaque de
cuivre couverte d’une couche d’argent et
soigneusement polie. Celle-ci est rendue
sensible à l’action de la lumière par des
vapeurs d’iode, qui forment de l’iodure
d’argent sur la surface polie. La plaque
doit alors être utilisée rapidement (dans
l’heure qui suit sa préparation). Le temps
de pose, pour la prise de vue, est d’environ
15 minutes, par temps clair. La plaque est
ensuite développée, à l’abri de la lumière,
par des vapeurs de mercure, puis fixée à
l’aide d’hyposulfite de soude (qui rem-
153
downloadModeText.vue.download 154 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
place le sel marin des premiers essais), et
lavée à l’aide d’eau distillée.
L’image ainsi obtenue est d’une grande
finesse de détail, mais assez fragile (facilement rayée, endommagée). Par précaution, le daguerréotype est souvent présenté
sous verre, encadré, ou même protégé par
un écrin. Son aspect brillant, miroitant,
explique les appellations qui l’ont parfois
désigné : « miroir qui garde toutes les empreintes » (Jules Janin, 1839), « les miroirs
qui se souviennent » (titre d’une exposition pour le bicentenaire de la naissance de
Daguerre, en 1987, à Cormeilles-en-Parisis). Pour propager son procédé, Daguerre
publie en 1839 l’ouvrage Historique et description des procédés du daguerréotype et
du Diorama, et organise des démonstrations publiques.
Compte tenu de la longueur du temps de
pose, les premiers daguerréotypes sont
plutôt des natures mortes : (Intérieur d’un
cabinet de curiosité, par Daguerre, dès 1837
– l’une des épreuves ayant servi à constater
la découverte du procédé –, Collection de
coquillages, 1839) ou encore des vues de
ville où seuls apparaissent les bâtiments,
les piétons ne restant pas assez longtemps
dans le champ pour que leur trace s’inscrive sur la plaque (Vue du boulevard du
Temple, à Paris, vers 1839, Louvre, vue des
quais, 1839, de Daguerre également, etc.).
Divers perfectionnements améliorent la
stabilité des daguerréotypes (fixage au
chlorure d’or, par Fizeau, en 1840) et leur
sensibilité (utilisation du bromure d’iode,
par A. Claudet*, du bromure de chaux,
par Bingham), et, dès 1840, quelques secondes de pose suffisent, rendant possibles
les portraits. Le succès en est immédiat.
Leur aspect précieux est renforcé par la
présentation, souvent en médaillon ovale.
De nombreux essais sont réalisés au daguerréotype : vues stéréoscopiques (par
Claudet et Fizeau en 1841), prises de vue
154
au microscope (par L. Foucault* qui travaille pour le médecin A. Donné en 1844),
panoramiques (par F. Martens* en 1845),
etc. En 1844, une revue paraît, publiée par
J. Rouby : le Daguerréotype, mais elle n’au-
ra qu’un seul numéro. En 1847, on compte
à Paris 56 studios de daguerréotypie, et
en 1851, la première Exposition universelle, à Londres, présente de nombreux
daguerréotypes. Le succès à l’étranger est
également immédiat, aux États-Unis surtout, où le peintre et inventeur S. Morse*
diffuse le daguerréotype avec conviction et
ouvre un atelier de prise de vue en 1840,
à New York (avec J.W. Draper), mais aussi
en Grande-Bretagne, en Allemagne, en
Russie, au Brésil. L’enthousiasme pour le
daguerréotype se heurte cependant à une
limite : l’image est unique, elle ne peut
être reproduite. Ainsi, quand apparaissent
les premiers procédés avec négatif/positif
(calotypes*, puis négatifs à l’albumine*, au
collodion*) qui permettent la reproductibilité des épreuves, la concurrence joue au
détriment du daguerréotype.
Son utilisation décroît tout au long des
années 1850, pour quasiment disparaître vers 1865. Quelques photographes
contemporains, séduits par la précision
du daguerréotype, son aspect miroitant,
ses nuances irisées très fines, cherchent
à retrouver la technique du procédé ancien ; parmi eux, P. Bailly-Maitre-Grand*,
qui a réalisé en 1982-1983 une série de
daguerréotypes – détails de murs, de
rues, pour la plupart.
Ch.B.
DAHL-WOLFE Louise
photographe américaine
(Alameda, Californie, 1895 - Flemington,
New Jersey, 1989)
La première ambition de Dahl-Wolfe est
la peinture. De 1914 à 1917 et de 1921
downloadModeText.vue.download 155 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
155
à 1922, elle fréquente l’Institute of Art
de San Francisco. Elle est très fortement
marquée par les cours de composition
et de couleur de Rudolph Schaeffer. Son
intérêt pour la photographie se manifeste au début des années 1920 sous l’influence de la photographe pictorialiste
A. Brigman*. En 1933, elle ouvre son
propre studio à New York. Pendant deux
ans, elle fait de la photo publicitaire et
de la mode. En 1933, Vanity Fair publie
ses premières photos : paysages de la région des Smoky Mountains, Tennessee,
et portraits d’indigènes réalisés entre
1930 et 1932. De 1936 à 1958, elle collabore très activement, principalement
en mode, avec Harper’s Bazaar*, dont la
rédaction lui donne carte blanche. Dahl-Wolfe travaille dans son studio mais
surtout à son domicile et en extérieur. À
partir de 1937, elle est une des rares à
photographier en couleurs. Ses épreuves
témoignent d’une grande sensibilité à la
couleur, du choix méticuleux du décor
ou du lieu, qui suggère un style de vie
décontracté, parfois exotique, où évolue
un mannequin à la pose très féminine.
Dahl-Wolfe impose dans la photographie
de mode une image, naturellement sublimée, de la femme américaine. L’élégance
de ses images et la féminité de ses modèles préfigurent l’oeuvre de I. Penn* et
de R. Avedon*. Elle arrête son activité en
1960. En 1992, la galerie Agathe Gaillard
à Paris lui a consacré une exposition.
N.C.
D’AMICO Alicia
photographe argentine
(Buenos Aires 1933)
D’Amico étudie à l’École nationale des
beaux-arts, à Buenos Aires, jusqu’en 1953,
et reçoit un diplôme de professeur national
de dessin et de peinture. Boursière du gouvernement français à Paris pendant l’année
1955, elle voyage aussi dans toute l’Europe,
en Italie, Allemagne, Suisse, Autriche. De
1957 à 1959, elle étudie la photographie
dans le studio de son père, Luis d’Amico,
à Buenos Aires, et la couleur à Rochester, dans l’État de New York, chez Kodak.
Étudiante-assistante dans le studio de
A.-M. Heinrich*, elle fonde en 1960 avec
S. Facio* un studio où elles se spécialisent
dans la publicité, le photojournalisme* et
les portraits d’écrivains. De 1960 à 1967,
elle participe à de nombreux concours et
salons, et réalise des reportages à travers
le monde.
En 1965, elle reçoit le prix de la F.I.A.P. (Fédération internationale de l’art photographique). Chargée de la chronique photographique du journal La Nación de 1966 à
1974, elle fonde avec Facio et M.C. Orive*
« La Azotea », maison d’édition pour la
promotion des photographes d’Amérique
latine. En 1968, elle publie avec Facio son
premier livre, Buenos Aires, Buenos Aires,
qui recevra de nombreux prix. En 1979,
elle s’associe à six autres photographes
pour créer le Conseil argentin de la photographie, organisme chargé de promouvoir
la photographie argentine.
Son travail est un regard de journaliste humain, une réflexion permanente
sur la signification des événements et
la conscience des valeurs essentielles.
La photographie que d’Amico défend
implique une expression des valeurs
et des concepts universels : communication non seulement sur le monde visible, mais aussi sur le monde sacré de
l’individu. Elle transmet son message
par son cadrage, les contrastes de couleur, l’équilibre géométrique des personnages qui forment un univers à caractère
symbolique.
V.E.
downloadModeText.vue.download 156 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
DATER Judy
photographe américaine
(Hollywood 1941)
Après des études de peinture, de dessin et
de photographie, elle travaille un moment
avec I. Cunningham*. Puis, enseignante
et photographe indépendante à San Francisco, elle fait surtout des portraits et des
nus. En 1975, elle publie Women and Other
Visions, et, en 1979, elle écrit un livre sur
Cunningham, dans lequel figure la célèbre
image où celle-ci, âgée, s’apprête à photographier dans une forêt une jeune femme
nue. Une bourse Guggenheim lui permet
d’aller en Égypte, d’où elle rapporte, outre
des portraits, des photographies assez
étranges, parfois d’un humour incisif,
où se mêlent les civilisations moderne et
antique (Pepsi Stand and Pyramid, 1979).
À partir de 1980, elle se concentre sur des
autoportraits : une série, en noir et blanc,
explore « la mythologie de la femme dans
la nature et dans l’univers », la montrant,
souvent nue, dans un vaste paysage désertique et caillouteux (Self-portrait séquence
no 4, 1982) ; une autre, en couleurs, dénonce « les stéréotypes de la femme dans
la société moderne », à travers des mises
en scène assez « kitsch » et très corrosives,
où elle se déguise, en une succession de
rôles caricaturaux : femelle agressive et
castratrice dans Leopard Woman, femme
faible et défaite dans Eating (1982).
Ch.B.
DAVANNE Louis-Alphonse
photographe français
(Paris 1824 - Saint-Cloud 1912)
Davanne consacre sa carrière aux progrès
et à la reconnaissance de l’image photographique. Il est praticien, chimiste et occupe
de nombreuses fonctions dans les organisations relatives à la photographie. Ses tra156
vaux sont variés : formation de l’image positive (médaille avec Aimé Girard, 1859),
virage des épreuves positives, photolithographie ou chambres de prises de vue. Des
ouvrages et des articles synthétisent les
découvertes (Chimie photographique avec
Barreswil, 1854 ; les Progrès de la photographie, 1877 ; ou encore la Photographie,
traité théorique et pratique, 1886-1888).
Membre de plusieurs regroupements, il
participe surtout très activement au développement de la Société* française de
photographie (membre fondateur, 1854 ;
président du conseil d’administration,
1876-1901). Rapporteur aux Expositions
universelles (1867, 1873, 1878, 1900), il
participe à l’organisation de plusieurs
autres manifestations, ce qui ne l’empêche
pas de présenter lui-même des épreuves
(1854-1878 au moins). Exploitant les procédés négatifs jalonnant le siècle, il réalise
des vues de monuments, des paysages
naturels et urbains et des reproductions.
Enfin, il obtient la création d’une chaire de
photographie à l’École des ponts et chaussées, inaugure des cycles de conférences au
Conservatoire des arts et métiers et poursuivra avec un cours de photographie à la
Sorbonne.
Plus attiré par l’étude scientifique que par
l’analyse esthétique de la photographie, il a
contribué à faire comprendre sa complexité technologique.
B.P.
DAVIDSON Bruce
photographe américain
(Oak Park, Illinois, 1933)
Né dans la banlieue de Chicago, Davidson s’intéresse très tôt à la photographie.
En 1947, il s’achète un premier appareil
et photographie les rues de Chicago. Il
poursuit ses études à l’institut de technologie de Rochester et à l’école de design de
downloadModeText.vue.download 157 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
Yale. Mais Davidson reste attiré par la rue.
Il s’achète un Leica et réalise, en 1954, un
premier reportage sur l’équipe de football
de Yale, publié dans Life*. De retour à New
York, après son service militaire, il collabore au magazine Life, mais le travail de
W.E. Smith* le pousse à retourner dans la
rue. À 24 ans, en 1958, il devient membre
de l’agence Magnum*. Il suit d’abord un
cirque dans le New Jersey, puis, à New
York, en 1959, une bande de voyous : les
Jokers. Engagé par Vogue* comme photographe de mode en 1961, il reste préoccupé par des sujets sociaux et cesse de
travailler pour la revue en 1964. En 1966,
avec un appareil grand format, il commence un long reportage sur les Noirs
de Harlem à New York. Ses images prises
sur une durée de deux ans ne représentent ni la pauvreté ni un ghetto, elles nous
montrent des hommes chez eux, dans leur
quartier. East 100th Street est publié et
exposé par le M.O.M.A. de New York en
1970. En 1974, après avoir tourné quelques
films, il retourne à la photographie. Durant
six semaines, en 1976, toujours intéressé
par les marginaux, il vit avec ceux qui fréquentent la Garden Cafeteria, le refuge des
immigrants juifs et des pauvres de New
York, et les photographie. Puis, fasciné par
le métro new-yorkais, par tous ces visages
absorbés, il y travaille de façon exclusive à
partir de 1981. Pour la première fois, il utilise la couleur.
A.M.
DAVISON George
photographe britannique
(Lowestoft 1854 - Antibes 1930)
La personnalité de Davison, membre fondateur du London Camera Club (1885),
membre de la Royal* Photographic Society
(1886) et plus tard cofondateur du Linked* Ring (1892), traverse toute l’histoire
du pictorialisme* anglais. D’abord disciple des théories naturalistes prônées
par P.H. Emerson*, et en cela adversaire
de l’académisme défendu par H.P. Robin-
son*, il cherche rapidement à s’émanciper
en fondant un « impressionnisme photographique » qui lui vaudra le reniement
d’Emerson en 1890. Reconnu grâce à The
Onion Field (1890, R.P.S.), épreuve montrant les effets atmosphériques produits
par l’emploi du sténopé, Davison prend la
tête de la nouvelle école britannique aux
côtés de A. Maskell* et A.H. Hinton*.
Correspondant à Londres du Paris-Photographe de P. Nadar*, présent aux Salons
organisés dans les capitales européennes,
Davison se spécialise dans l’iconographie
des paysages de campagne et principalement ceux des environs de Harlech dans
le pays de Galles. Là, il possède un château
acquis lors d’une courte mais fructueuse
carrière à la tête de la filiale britannique de
la compagnie Kodak.
La carrière commerciale de cet esprit frondeur et militant anarchiste va cependant
tourner court, et il se retire à Harlech pour
y poursuivre ses activités militantes et artistiques. Il meurt dans sa propriété du sud
de la France en 1930. Ses photographies
sont conservées à la R.P.S. de Bath.
M.P.
DAY Fred Holland
photographe américain
(Norwood 1864 - id. 1933)
Jeune homme fortuné, Bostonien de bonne
famille, mais considéré comme excentrique, Day se consacre à l’art, à la diffusion de la poésie (Keats) et de la littérature
(Balzac) ; peintre, éditeur (il publie des
ouvrages illustrés par Aubrey Beardsley et
William Morris), il est en accord avec le
décadentisme anglais, avec le modernisme
européen et diverses formes de spiritua157
downloadModeText.vue.download 158 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
lité (il aura pour protégé Khalil Gibran). Il
découvre la photographie dans les années
1880, se trouve d’emblée pictorialiste, mais
avec une forte vocation au symbolisme ; il
pratique surtout le clair-obscur et le flou
contrôlé, diverses techniques de tirage
(gomme bichromatée et platine combinés), pour des thèmes mythologiques,
des études de nu masculin, des figures de
berger, ou la légende d’Orphée, composés
comme s’il s’agissait de peintures. Il entreprend une vaste série sur les supplices du
Christ et la Crucifixion, jouant lui-même
le rôle du Sauveur (1898). Il y a donc peu
de distance pour lui entre des évocations
mentales, la sublimation de sa propre
existence et la photographie ; toutes ces
configurations procèdent de la même expression de soi. Dans cette série, ses Sept
Dernières Paroles du Christ sont particulièrement convaincantes. Autour de 1900,
Day est très actif pour faire connaître la
nouvelle photographie américaine, dont il
est l’un des chefs de file, entrant pour cette
raison en conflit avec A. Stieglitz*, qui finira par lui ravir ce rôle.
Day organise en 1900 une grande exposition à Londres, The New School of American Pictorial Photography, qui marque
l’entrée sur la scène internationale de la
photographie américaine ; il voyage à cette
occasion avec son jeune cousin A.L. Coburn*, qu’il a initié à la photographie.
L’incendie de son atelier survenu en 1904,
dans lequel il perd ses négatifs, ses tirages
et ses collections, l’éloigné des cercles photographiques (il a déjà refusé en 1903 toute
participation à Camera Work*) et l’incite à
changer de mode de vie ; il se fait construire
une maison au bord de la mer, faite d’éléments anciens récupérés dans la région, et
s’y retire en 1917, menant une vie recluse
de malade, qui ne peut qu’évoquer les dernières années de Marcel Proust.
158
Haute figure en marge du puritanisme
américain, Day plaidait pour une totale
implication de l’individu dans la poésie.
M.F.
DAYAL Lala Deen
photographe indien
(1844 - 1910)
C’est vers 1870 que Dayal prend ses premières photographies en se consacrant
au document d’architecture. Il est l’un des
seuls photographes indiens à publier des
photographies de paysages avec Darogha
Ubbas Alli. En Inde, dans les années 1860,
la photographie est introduite par les Britanniques et adoptée par les hommes d’affaires indiens et les familles dirigeantes.
Dayal fonde l’entreprise de photographie
qui deviendra la plus connue, en installant
à partir de 1880 des studios à Indore et à
Bombay. Ses portraits de groupe pour les
Britanniques et l’élite indienne, sont peints
à la gouache dans le style des miniatures
indiennes. Dans sa conception de la prise
de vue, par son utilisation très personnelle
de l’appareil photographique, il échappe
à la représentation occidentale et tient
compte des attitudes, des costumes et des
décors traditionnels indiens.
Il réalise aussi des photographies de monuments célèbres comme Ajanta et Ellora
et publie des recueils de documents. En
1882, il ouvre à Hyderabad un atelier dont
il confie la direction à une jeune femme
britannique ayant de bonnes connaissances en photographie. Il devient le photographe officiel de la cour du sixième
Nizam d’Hyderabad, sir Mahbud Ali Khan.
Celui-ci, considéré comme l’homme le
plus riche du monde, possède les mines de
diamants de Goleonda et dirige quatorze
millions d’indiens. Dayal, grâce à la disposition permanente d’hommes et de matériels, rend compte de la vie quotidienne
downloadModeText.vue.download 159 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
du prince et de ses fastueuses réceptions,
comme dans les séries du Falukituma Palace et de Chiniklana. À la demande de son
protecteur, il accomplit un travail sur les
effets de la lutte contre la malnutrition à
Hyderabad. Afin d’illustrer son efficacité,
Dayal montre, grâce à des diptyques photographiques, la métamorphose d’enfants
squelettiques en enfants propres et bien
nourris.
Les clichés de cette série Avant et après
la famine à Aurangabad, 1899-1900 ont
soulevé des questions liées au problème de
l’information, et Dayal à été accusé de falsifier la réalité pour la rendre plus spectaculaire. À la fin de sa vie, il lègue à son fils
ses studios, connus sous la raison sociale
Raja Deen Dayal and Sons.
V.E.
DEBAKOV Dmitri Gueorguevitch
photographe russe
(? 1901 - ? 1949)
Issu d’une famille d’ouvriers, Debakov
démarre sa vie professionnelle dans une
usine. Influencé par l’Organisation des
travailleurs pour la culture, il se passionne
pour la peinture et la photographie vers la
fin des années 1920. Il fréquente l’école
et studio d’art ProletKult, où il rencontre
Grigori Kozintsev et Sergueï Eisenstein.
Ce dernier lui conseille de devenir photographe et le fait entrer à l’Institut central
du cinéma. En 1926, devenu professionnel, il publie dans Sovietski Foto une de
ses premières images, très remarquée, Au
travail, et collabore avec les journaux les
Komsomolskaïa Pravda, Izvestia, et se fait
connaître par les photos qu’il réalise sur
les nouvelles constructions dans tout le
pays, les chemins de fer Turkestan-Sibérie ou les hauts-fourneaux de Magnitogorsk. Dès 1936, il voyage accompagné de
sa femme Margarita, elle-même photographe, à travers l’Arctique. Il s’embarque
ainsi avec les équipages des brise-glaces
Krasin, Sedov, Stalin, utilisant déjà un
Leica, seul appareil dont l’obturateur ne
craint pas les gelées. 300 000 kilomètres
parcourus et plus de 100 000 négatifs lui
valent le surnom de « chantre de l’Arctique ». Il est l’un des pionniers de la photographie d’expéditions, genre très populaire dans les années 1930, familiarisant
le public avec des régions lointaines, la
mer de Sibérie dans les glaces, les peuples
chasseurs ou éleveurs de rennes. Pendant
la Seconde Guerre mondiale, il part explorer une voie maritime reliant le Nord
à l’Amérique. Il participe en 1935 à l’exposition OEuvres des maîtres de l’art photographique soviétique, à Moscou, puis,
en 1939, à l’Exposition internationale de
Paris. Ses travaux attirent l’attention du
président des États-Unis Roosevelt, qui
lui achète une image, Nuit polaire, qu’il
accroche dans son bureau.
Atteint d’une grave maladie contractée au cours d’une expédition en Taïga
sibérienne, Debakov meurt en 1949. Il
est l’auteur d’un recueil intitulé Exécuté
avec son Leica, sorte de journal rempli
d’anecdotes et de détails précieux sur ses
voyages.
V.E.
DEBERNY-PEIGNOT
studio de publicité français
(Paris, 1929-1939)
Le nom Deberny-Peignot désigne deux
fonderies en caractères associées en
1923. Leur jeune directeur, C. Peignot*,
privilégie l’esprit créateur de ce métier.
Les différentes activités qu’il parvient
à développer autour de la fonderie en
sont la démonstration éclatante ; elles
ont aussi remarquablement servi l’image
de l’entreprise. Comprenant vite les res159
downloadModeText.vue.download 160 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
sources qu’offre la photographie dans le
domaine de la publicité de prestige, il
crée au sein de la fonderie, en 1929, un
des premiers studios de publicité. Dans
son numéro de novembre 1929, la revue
invite les clients : « Apportez-nous votre
idée. Nous livrons un cliché. » C’est le
photographe M. Tabard* qui dirige dans
un premier temps le studio Deberny-Peignot. D’autres photographes y travaillent
à divers titres : R. Parry* est assistant
quelques mois (1929-1930), Émeric Feher
débute là comme électricien éclairagiste
(1930-1933), P. Boucher* est stagiaire en
1931. Avec Tabard, remplacé par Maurice
Cloche en 1931, ce studio devient le lieu
de toutes les expérimentations de la Nouvelle Vision en photographie. À partir
de mises en scène savantes qui utilisent
les jeux de lumière, les montages, les
solarisations, les images inversées ou les
surimpressions, Tabard ouvre la voie et
montre que la photographie publicitaire
alors en pleine expansion peut être un
nouveau support de création. Le studio,
qui s’affirme comme « le centre des réalisations techniques publicitaires de goût »,
a publié affiches, catalogues, dépliants et
albums pour le compte de Ford, Pont-àMousson, Frigidaire, etc.
A.M.
DE BIASI Mario
photographe italien
(Belluno 1923)
Il devient photographe en 1947 et, en 1953,
reporter à Epoca, dont il dirige le service
photo à partir de 1964. Figurant parmi
les plus intéressants reporters italiens des
années 1950 et 1960, il a largement contribué à former le regard sur les événements
sociaux qui ont illustré les pages de Epoca.
Ses photographies de Milan, recueillies
dans un livre célèbre, Idea di Milano
160
(1953), ont divulgué une nouvelle image de
la ville, proche de celle que les cinéastes du
néoréalisme* fixaient dans leurs films. Plusieurs expositions collectives sur le thème
du reportage ont présenté le travail de De
Biasi. Sa première exposition personnelle
eut lieu à Milan en 1948 (Circolo filogico
milanese).
S.T.
DECARAVA Roy
photographe américain
(New York 1919)
Peintre de formation, DeCarava a d’abord
utilisé comme source pour ses peintures
la photographie, qui devient progressivement sa principale activité. De 1947 à
1952 – année où il est le premier artiste
noir à remporter le Guggenheim Fellow
–, il photographie les habitants de Harlem. Cette série est publiée dans un livre
en 1955, The Sweet Flypaper of Life. En
1950, la 44th Street Gallery à New York
organise sa première exposition individuelle. À la fin des années 50, DeCarava
se penche sur la culture jazz de Harlem
avec l’idée de produire un équivalent photographique du jazz (expositions longues
et mouvement de l’appareil). Son oeuvre
se focalise sur la lutte quotidienne des
Afro-Américains dans les banlieues (Man
coming up Subway Stairs, New York, 1952,
M.O.M.A., San Francisco). Fondateur du
Kamoinge Workshop (1963), il y enseigne
la photographie aux jeunes photographes
noirs.
Il est notamment représenté au Museum
of Modern Art de San Francisco et au
M.O.M.A., à New York. Une rétrospective
de son oeuvre a été présentée à Los Angeles
(L.A.C.M.A.) en 1996-1997.
M.C.
downloadModeText.vue.download 161 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
DECK Norman C.
photographe australien
(Sydney 1882 - ?)
Il s’initie à la photographie alors qu’il est
collégien et, en 1896, devient le plus jeune
membre de la Photographic Society of
New South Wales (Sydney). En 1905, il
remporte une médaille d’or au Salon annuel de la Société pour When Two Paths
Meet, v. 1905, Sydney, NG of New South
Wales. Devenu dentiste, il continue la photographie et, en 1909, se rend en NouvelleZélande où il réalise de nombreux clichés
de l’île du Sud. En 1912, Deck fait sa première exposition individuelle à Sydney.
L’année suivante, il rejoint son frère et sa
soeur aux îles Salomon (1914). Il sert dans
les îles durant les deux guerres et ne retourne en Australie qu’en 1948. Le style de
Deck est pictorialiste. Il est manifestement
un des plus fidèles partisans de ce mouvement en Australie.
Beaucoup de ses travaux ont été perdus
dans les tropiques, mais la National Gallery de Canberra possède une série de ses
clichés des îles Salomon.
M.C.
DÉCLENCHEUR
Dispositif situé sur le boîtier de l’appareil*
photographique permettant de commander mécaniquement ou électroniquement
le fonctionnement de l’obturateur.
Déclencheur souple, accessoire comportant un câble souple pour actionner
à distance le déclencheur de l’appareil
photo.
S.R.
DÉFINITION
voir RÉSOLUTION
DE FRAEYE Mark
photographe belge
(Mbandaka, Zaïre, 1949)
De 1968 à 1971, De Fraeye est étudiant à
l’Institut Saint-Luc de Bruxelles (département film et photographie). Depuis, il partage son temps entre les voyages, l’enseignement et la photographie. Son activité
de photographe se base essentiellement
sur l’étude de la couleur : variations de
blanc (Marais salants en Bretagne, 1978)
ou contrastes de couleurs. À partir de la
surface plane et colorée d’un mur en arrière-plan, il compose son image en introduisant, au premier plan, des éléments
naturels qui viennent perturber les lignes
rigidement horizontales du mur : un tronc
d’arbre, du feuillage (Hongrie, 1979) ou
simplement leurs ombres projetées sur le
mur (Roumanie, 1980). Certaines de ces
images tendent vers une simple variation de couleurs sur une image plane en
exprimant la coloration de l’espace (Study
on yellow ou Study on blue, 1980). Plus
récemment, il met en scène des fleurs et
étudie leurs ombres portées sur un mur
toujours en arrière-plan ; il évoque ainsi
une impression de troisième dimension
provoquée par la lumière colorée qui sépare les objets (The Present Present, 1985).
De Fraeye a participé aux R.I.P. d’Arles en
1982 ; ses photographies font partie des
collections de nombreuses institutions
comme la Bibliothèque nationale de Paris
ou la Royal Photographic Society de Bath.
F.H.
DEGAS (Edgar de Gas, dit)
peintre français
(Paris 1834 - id. 1917)
Degas s’intéresse à la photographie dès
1885 en participant comme conseiller à la
mise en scène de celles prises par ses amis,
161
downloadModeText.vue.download 162 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
tel Walter Barnes. C’est en 1895 qu’il fait
lui-même des photographies, cherchant
réellement à élaborer des oeuvres photographiques – à l’inverse des autres peintres
importants de son siècle, comme P. Bonnard*, qui ne s’y sont penchés qu’en amateurs. Degas participe notamment avec
Tasset au développement et à l’agrandissement de ses clichés. Ses travaux photographiques sont profondément originaux.
La majeure partie de ses clichés arrivés
jusqu’à nous est composée de portraits,
collectifs ou individuels. Degas travaille
dans un intérieur, la nuit, utilisant la lumière artificielle pour créer un clair-obscur très théâtral : Paul Poujaud, Madame
Arthur Fontaine et Degas, v. 1898, New
York, Metropolitan. Ses épreuves faites en
surimpressions, qu’elles soient volontaires
ou non, sont ambiguës et montrent son
originalité : Mathilde Niaudet, Madame
Alfred Niaudet, Daniel Halévy, Henriette
Taschereau, Ludovic Halévy, Élie Halévy,
1895, New York, Metropolitan Museum.
Ses recherches sur le mouvement dans sa
peinture ont commencé bien avant son ac-
tivité de photographe sans qu’il ait eu donc
besoin d’y revenir. Par contre, le même
effet théâtral se retrouve dans ses deux
activités – peinture et photographie – au
cours des années 1890.
Degas a probablement utilisé à ses débuts
un Eastman Kodak puis s’est surtout servi
de plaques de verre et autres matériels des
débuts de cet art, qui permettent, par la lumière, de rendre une ambiance surréaliste.
Ses travaux les plus exceptionnels sont des
images en négatif : les danseuses et son
nu sont en parallèle de ses recherches de
peintre.
Il est notamment représenté à New York
(Metropolitan, Getty Museum), à Malibu
et à Paris (B.N.)
M.C.
162
DEKKERS Ger
artiste néerlandais
(Borne 1929)
Il effectue ses études à l’école des beauxarts d’Enschede. Depuis le début des années 1970, Dekkers a recours à la photographie pour s’exprimer : il photographie
le paysage néerlandais en utilisant une
méthode fondée sur les particularités de
l’appareil photographique. Chaque thème
(digues, jetées, chemins, routes...) est photographié sous plusieurs angles, l’objectif
étant déplacé latéralement ou verticalement de façon systématique selon un
principe déterminé. L’idée est d’obtenir
des séquences qui, à la fois, décrivent la
réalité et composent une image constituée
de lignes, de surfaces et de couleurs qui se
recomposent pour elles-mêmes. Dekkers a
exposé à Amsterdam au Stedelijk Museum
en 1974 ainsi qu’au Rijksmuseum KröllerMüller d’Otterlo en 1977.
S.R.
DELAMOTTE Philip Henry
photographe britannique
(Londres 1821 - id. 1889)
Delamotte est une personnalité importante de la photographie britannique du
XIXe siècle. Descendant d’une famille de
huguenots et fils du peintre et lithographe
William Alfred De La Motte, il reçoit une
formation artistique et s’essaie au procédé
calotypique dès le milieu des années 1840,
en réalisant des paysages. Ses oeuvres les
plus diffusées et les plus célèbres sont
consacrées au Crystal Palace, dont il photographie, avec le procédé au collodion*,
les différentes étapes de la reconstruction
à Sydenham près de Londres, constituant
ainsi une documentation exceptionnelle
sur l’architecture de ce bâtiment. Une sélection de 160 de ses épreuves est publiée
downloadModeText.vue.download 163 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
en 1855 sous le titre Photographic Views
of the Progress of the Crystal Palace, Sydenham. Taken during the Progress of the
Works, by Desire of the Directors. Certaines
de ses images du chantier mettent en valeur les perspectives décrites par l’architecture métallique, mais il photographie
aussi les différentes expositions et manifestations qui s’y déroulent au cours des
années 1850. Il est également l’auteur de
nombreuses vues stéréoscopiques du site
et du bâtiment. Par ailleurs, il enseigne la
photographie, vers 1853, à la Photographic
Institution de Londres, rédige plusieurs
traités et, en 1857, est chargé d’organiser
la section de photographie de l’Art Treasures Exhibition de Manchester. Il édite
et illustre plusieurs livres de photographies dont The Sunbeam, a Book of Photographs from Nature, en 1859, contenant
20 photographies de paysages réalisées
par lui-même et d’autres photographes
britanniques comme J. Cundall*. Son activité professionnelle se déroule au King’s
College de Cambridge, institution où il
enseigne, à partir de 1855, le dessin et la
perspective.
C.S.
DELANO Jack
photographe américain d’origine russe
(Kiev 1914)
Delano est né en Russie. Sa famille émigre
aux États-Unis dès 1923. Lors d’un voyage
d’études en Europe en 1936-1937, il réalise
ses premières photographies. À son retour
en 1938, il est photographe pour le Fédéral Arts Project. En 1939, il fait partie des
photographes engagés par la FSA* (Farm
Security Administration) pour témoigner
de cette grande crise économique qui
frappa le monde agricole américain avant
la Seconde Guerre mondiale. À partir
de 1940, pour le compte de la FSA et de
l’Office d’information de guerre, il fait des
reportages aux îles Vierges, en Géorgie et
à Porto Rico. Après la guerre, il s’installe
à Porto Rico, où il réside jusqu’à ce jour.
Il y est directeur du service de la radio et
de la télévision gouvernementales, réalisateur de films, graphiste et illustrateur,
tout en continuant ses recherches personnelles en photographie. Delano est surtout
connu pour son travail pour la FSA ; ses
photographies ont donné lieu à plusieurs
expositions, dont Images de l’Amérique en
crise au Centre Georges-Pompidou (Paris,
1979) et les Années amères de l’Amérique
en crise à la galerie municipale du Château
d’Eau (Toulouse, 1980).
S.B.
DELTON Louis-Jean
photographe français
(1807 - 1891)
Avant de s’intéresser à la photographie,
Delton fréquente les chasses à courre en
Europe, le Jockey-Club et les courses. En
1860, il fonde la Photographie hippique
(porte Dauphine, Paris), vouée surtout à la
représentation du sport hippique. Malgré
une faillite (1866), cette maison connaît un
succès international : le prince impérial sur
Bouton d’Or, l’émir Abd el-Kader à cheval
avec sa suite (1865), les équipages de l’ambassade d’Autriche pour la princesse de
Metternich (1866), les chevaux vainqueurs
de courses et de concours sont représentés. Il faut ajouter à cela les vues de nature
morte ou vivante, de chemins de fer, de
défunts, de mariage et la vente de fournitures (au 83, avenue de l’Impératrice ; au
8, rue de la Faisanderie ; puis au bois de
Boulogne et au 260, bd Saint-Germain).
Sans adopter le caractère scientifique de
la chronophotographie de É.-J. Marey* ou
des travaux de E. Muybridge*, ces photographies équestres alimentent le débat sur
163
downloadModeText.vue.download 164 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
l’analyse du mouvement animal. Elles intéressent notamment l’artiste Ernest Meissonier. Les fils de celui-ci, Jean et Georges,
qui travaillent avec leur père depuis les années 1870 et reprennent l’affaire en 1890,
poursuivent cet effort en pratiquant de
plus en plus l’instantané* (voir le « Photopiège », caméra portable selon le système
J. Delton, 1892). Ils recensent également
les chevaux par catégories et races (commande de l’Administration des haras en
1893) et font paraître la revue la Photographie hippique (1889-1894 au moins) pour
diffuser les photographies faisant partie de
leur collection. Jusqu’à l’aube du XXe siècle,
cette maison harmonise plusieurs des préoccupations commerciales, sportives et
esthétiques de son temps.
B.P.
DEMACHY Robert
photographe français
(Saint-Germain-en-Laye 1859 - Hennequeville 1936)
Issu du milieu aisé de la banque parisienne,
introduit dès 1882 à la Société française de
photographie*, Demachy devient, dans la
dernière décennie du XIXe siècle, le chef
de file du pictorialisme* français. Membre
du Photo-Club* de Paris ainsi que de nombreuses sociétés artistiques étrangères,
tel le Linked Ring* à Londres, habitué des
Salons de photographie internationaux,
lié à C. Puyo*, à l’Anglais A. Maskell*
et à l’Américaine G. Käsebier*, Demachy est un des principaux théoriciens du
pictorialisme. L’oeuvre de ce spécialiste,
auteur de traités sur les procédés pigmentaires (gomme, encres grasses et report)
qui autorisent une large intervention de
l’opérateur au moment du tirage traduit
la volonté de faire de la photographie un
art d’interprétation sur le modèle des arts
du dessin. Demachy signe de nombreux
164
articles, notamment dans la Revue de
photographie, dans la revue américaine
Camera Work* ou bien dans The Amateur
Photographer de Londres, et ses photographies sont largement publiées. Elles
explorent tous les genres et, si les scènes
bretonnes et les têtes d’étude ou les nus
témoignent parfois d’une esthétique trop
enserrée dans l’académisme – rappelons
que le peintre Jean-Léon Gérôme est alors
le président du jury des Salons du PhotoClub de Paris –, il faut se garder d’oublier
les paysages usiniers et les scènes de genre
tel l’Effort (1904, R.P.S., Bath).
Après 1905, Demachy s’oppose à l’évolution générale du pictorialisme alors guidé
par les Américains de la Photo-Sécession*.
Fer de lance d’une lutte contre la photographie « pure » qui renie les méthodes pictorialistes, il s’isole – et avec lui l’école française tout entière – et s’éclipse de la scène
artistique en 1914. Il est représenté à Paris
dans les collections de la S.F.P.
M.P.
DE MARIA Walter
artiste américain
(Albany, Californie, 1935)
Après avoir étudié à l’université de Californie de Berkeley (1953-1959), De Maria
s’installe à New York, réalise ses premières
sculptures en bois puis se joint aux recherches engagées à cette époque (à partir
du milieu des années 1960) par plusieurs
artistes anglo-saxons autour de l’idée
d’une sortie de l’oeuvre du champ institutionnel des galeries au profit d’interventions artistiques dans le milieu naturel. Ce
courant, connu sous le nom générique de
land art*, entretient avec la photographie
des relations diverses. Pour De Maria, le
médium photographique est non seulement le support de documentation et de
diffusion d’une oeuvre souvent géographidownloadModeText.vue.download 165 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
quement éloignée et difficile d’accès, mais
aussi une des finalités possibles de l’oeuvre
elle-même, un de ses moyens d’apparition et de visibilité à part entière. Le cas
de son intervention intitulée Lightning
Field (1976-1978), dans laquelle il installe
400 piquets en acier sur plus de 6 000 m2
du désert du Nouveau-Mexique, est emblématique. C’est en effet la photographie
qui permet le mieux de saisir l’effet grandiose de la foudre tombant sur ce champ
de piquets lumineux installés justement
dans une région sujette à de nombreuses
perturbations orageuses. La puissance tellurique recherchée dans cette oeuvre monumentale trouve une illustration condensée dans les nombreux clichés d’orage pris
sur le site.
P.L.R.
DE MEYER Adolf Gayne
photographe franco-britannique
(Paris ? Dresde ? 1868 - Hollywood 1946)
Dilettante au passé peu illustre, Adolph De
Meyer, vers 1895, fait partie de l’élégante
société britannique qui gravite autour du
prince de Galles. En 1899, il épouse Olga
Alberta Caracciolo, fille illégitime du futur
roi Édouard VII, qui sert de catalyseur à
son talent. Ils forment un couple mondain
et esthète vouant une véritable passion
aux Ballets russes de Diaghilev. Au tout
début du siècle, De Meyer se consacre à
la photographie, et les personnalités du
monde cosmopolite de l’aristocratie et
des arts sont nombreuses à poser pour lui.
Ces portraits sont à classer dans la production pictorialiste. Proches de ceux de
A. Stieglitz*, les travaux de De Meyer sont
exposés à la galerie 291 (1909) et publiés
dans Camera Work* (1912). En 1916, il
change son nom en Gayne de Meyer. Dans
le cadre de Vogue* (1914-1922) et par la
suite de Harper’s Bazaar* (1922-1934), de
Meyer est un des premiers à traiter la photographie de mode de manière subjective,
ajoutant charme et élégance à une image
réduite, jusque-là, à sa seule fonction descriptive. Pour ce faire, il utilise le registre
visuel du symbolisme et du pictorialisme*
et donne le ton à toute la photo de mode
de 1914 à 1924. Un décor débordant de
fleurs et d’étoffes chatoyantes savamment
drapées, le flou (épaisseurs de gaze devant
l’objectif) et l’utilisation du contre-jour
font baigner ses mises en scène dans une
atmosphère vaporeuse pleine de distinction aristocratique. Dès le début des années 1930, l’oeuvre de De Meyer est passée de mode et l’homme finit dans l’oubli.
Ses photographies sont conservées dans
de nombreuses collections, notamment à
Rochester (George Eastman House) et à
New York (Metropolitan Museum of Art),
à Bath (Royal Photographic Society) et à
Paris (Bibliothèque nationale).
N.C.
DEN HOLLANDER Paul
photographe néerlandais
(Bréda 1950)
Au cours des années 1970, Den Hollander a contribué à la naissance d’une nouvelle manière de photographier. Toujours
d’une grande simplicité, ses images sont
construites avec précision. Mais cet univers géométrique, presque abstrait parfois,
est, à cette époque, souvent troublé par un
accident formel qui crée une tension, voire
qui exprime une menace. À partir de 1980,
Den Hollander choisit ses motifs dans les
jardins botaniques et zoologiques, où la
nature, apprivoisée et emprisonnée, est
soumise à l’ordre de la culture, où les frontières s’estompent entre intérieur et extérieur, entre la vie et la mort. Ces thèmes
sont ensuite déclinés, en couleur, dans les
musées d’histoire naturelle où les animaux
165
downloadModeText.vue.download 166 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
empaillés et mis en scène dans des cadres
théâtraux permettent en outre d’interroger la notion de simulacre. La série les
Pyramides du nord, à nouveau en noir et
blanc, est réalisée à l’intérieur d’usines désaffectées de la frontière franco-belge. Des
cadrages d’une extrême rigueur isolent des
empreintes d’objets disparus, des fissures
de murs, etc. À la limite de l’abstraction,
les images sont à la fois des vestiges d’un
temps révolu et, comme toute l’oeuvre de
Den Hollander, des métaphores de la photographie. C’est encore du temps et de ses
effets, ainsi que de la planéité, dont il est
aujourd’hui question dans les photographies d’herbiers et de collections scientifiques anciennes ; mais aussi de la volonté
de l’homme de comprendre le monde, de
le maîtriser, de le cataloguer. Den Hollander est un « puriste », tant par les
moyens techniques, exclusivement photographiques, qu’il emploie, que par son
goût pour le noir et blanc, son refus des
recadrages, son attachement à la planéité,
et son choix de la simplicité, à la lisière de
l’abstraction. Il est représenté dans les collections de nombreux musées, en Europe
et aux États-Unis.
A.R.
DENIER Andreï
photographe russe
(1820-1892)
De 1840 à 1849, il étudie à l’Académie impériale des arts de Saint-Pétersbourg, dont
il est diplômé en 1851. Dès cette période, il
travaille comme photographe portraitiste,
puis ouvre très vite un studio avec Mikhail
Tulinov comme tireur et Ivan Kramskoï
comme retoucheur. En 1865 et 1866, il
commence à travailler sur « un album de
portraits photographiques des person-
nages vénérables et des individus célèbres
en Russie ». Les images les plus célèbres
166
sont celles des ministres du tsar comme
Allerberg, la grande-duchesse Marie Aleksandrovna, l’acteur Vasilii Samoilov, l’artiste Fyodor Bruni, l’éditeur Andreï Kraevskii, ainsi que de nombreux artistes dont il
fait des portraits de groupe. Ce travail sur
la vie politique, artistique et culturelle de
la Russie des années 1860 à sa mort reste
un témoignage inestimable sur la société
d’une époque si créative. Nombreuses sont
les photographies de ce recueil qui sont
utilisées par des artistes comme modèles
pour leurs peintures et leurs dessins. Il
reçoit des prix pour sa participation à de
nombreuses expositions internationales :
Berlin (1865), Saint-Pétersbourg (1870),
Londres (1871 et 1872), Moscou (1872).
Il est membre du cinquième département
de la Société technique russe et aussi l’un
des premiers photographes à exposer à
l’Académie impériale des arts. Il consacre
la dernière partie de sa vie à la vulgarisation de la photographie.
V.E.
DENIZART Hugo
photographe brésilien
(Rio de Janeiro 1946)
Après des études à Rio de Janeiro, il travaille comme photoreporter et journaliste
au Jornal do Brasil de 1971 à 1973. Ses
préoccupations sociologiques l’entraînent
vers l’étude de certains groupes déshérités comme les nomades, les pêcheurs et
les travailleurs des campagnes. À partir de
1973, passionné par les techniques audiovisuelles, il réalise des films sur ses sujets :
Marivim et Vivendo. Les services sanitaires du ministère de la Santé font appel
à son talent pour des travaux photographiques à travers le Brésil, sur les communautés marginalisées et atteintes par des
maladies.
downloadModeText.vue.download 167 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
Professeur à la faculté de lettres et de communication, il est responsable de cours sur
la photographie et les sciences sociales ; il
ouvre son propre cabinet de psychanalyste
de 1977 à 1980. À partir de 1978, parta-
geant la vie des habitants d’un bidonville
de la « cité de Deus » à Rio, il recueille
plusieurs milliers de photographies qui
constituent une précieuse documentation
sur les coutumes, les usages, les structures
humaines et sociales des gens qui vivent là.
Se servant de la photographie comme d’un
instrument fondamental d’interprétation
de la réalité brésilienne, il analyse et documente les questions sociales. Il réalise en
1981 deux nouveaux films, Première Rencontre communautaire de la Colonia Juliano Moreira et le Prisonnier du passage, et
participe à l’exposition collective Brésil des
Brésiliens, présentée au Centre GeorgesPompidou en 1983.
V.E.
DE NOOIJER Paul
photographe et cinéaste néerlandais
(Eindhoven 1943)
Il étudie le design à Eindhoven puis devient en 1968 photographe indépendant
(publicité, illustration). Parallèlement, il
réalise de nombreux films expérimentaux
et est l’un des précurseurs de la photographie « mise en scène* » (après L. Krims*
et D. Michals* aux États-Unis). Il crée un
univers de dérision, d’inspiration surréaliste, comme dans Electriclawnmovingiron
(1977) – épreuve noir et blanc coloriée
–, où un jardinier repasse consciencieusement, avec un fer rose, une plaque de
gazon, fleurs et graminées, qui couvre la
planche à repasser. Fabriquant décors et
accessoires, il joue aussi sur l’échelle et la
perspective (Lightning, 1983), les stéréotypes (Tarzan and Jane at home, 1976),
avec humour et parfois provocation. Il a
publié plusieurs livres : Losing one’s head
(1978), Losing one’s photos (1981), Home
Sweet Home (1982), Squares (1987). À la
fin des années 1980, il produit des oeuvres
de très grand format, comme Hommage à
Baudelaire, qui mesure 49 m 2. Ses images,
présentées au M.N.A.M., à Paris, en 1989,
figurent dans les collections du Stedelijk
Museum d’Amsterdam, de la Bibliothèque
nationale de Paris, du Museum of Modern
Art de Yokohama, etc.
Ch.B..
DENSITÉ
Valeur de gris d’un phototype*. Les
mesures de densité sur les plages d’un
phototype sont effectuées à l’aide d’un
densitomètre.
Densité optique, logarithme décimal de
l’opacité d’un phototype. Une densité de 2
correspond à une opacité de 100.
Intervalle de densité, différence des valeurs
de la densité maximale et de la densité minimale d’un phototype.
S.R.
DEPARDON Raymond
cinéaste et photographe français
(Villefranche-sur-Saône 1942)
Photographe de reportage, il est en 1966 le
cofondateur de l’agence Gamma avec Hubert Henrotte et Hugues Vassal. Témoin
entre 1975 et 1977 de la révolution tchadienne, il publie son premier livre, Tchad,
en 1978. À cette période, il devient reporter à l’agence Magnum*. Pour Depardon,
la photographie s’accompagne de textes,
de notes et de films. Le texte prend une
dimension proprement littéraire, il n’est
jamais le commentaire strict de l’image.
Auteur de plusieurs longs-métrages, Reporters (1981), Faits divers (1983), San
Clemente (1984), Depardon est le témoin
167
downloadModeText.vue.download 168 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
de son temps à travers un regard singulier qui s’écarte résolument des codes et
des conventions de l’image de presse ou
médiatique. Cette approche du reportage
le place autant dans une histoire de la photographie américaine et européenne, après
Brassai*, R. Frank*, L. Friedlander*, G. Winogrand* que dans la lignée d’un cinéma*
d’auteur né au début des années 1960 avec,
notamment, Jean-Luc Godard, Chris Marker et Jean Rouch.
S.C.
DÉPOUILLEMENT
Traitement physique ou chimique destiné
à faire apparaître une image par élimination des parties exposées (ou non exposées) d’un phototype*.
S.R.
DESSIN PHOTOGÉNIQUE
« Dessins photogéniques » est le nom sous
lequel nous retenons les premières images
réalisées par le brillant homme de science
britannique W.H.F. Talbot*. Ces images
sont issues des expériences qu’il réalise au
cours des années 1830. En 1833, lors d’un
voyage en Italie, utilisant une chambre
claire, il éprouve une insatisfaction à ne
pouvoir « conserver » ses vues du lac de
Côme.
Une bonne connaissance des propriétés
des sels d’argent lui permet dès 1834 de
réaliser ses premiers « dessins photogéniques » sur un papier imprégné de nitrate
d’argent fixé dans une solution de sel ordinaire. Ces images résultent de l’exposition
à la lumière d’objets de faible épaisseur
(feuilles d’arbres, dentelle, brins d’herbe),
directement posés sur un papier « ferme
et de bonne qualité ». Des images négatives sont aussi produites, par l’utilisation
d’une chambre noire*. Le premier docu168
ment de ce type est la Fenêtre treillagée de
l’abbaye de Lacock (août 1835). L’annonce,
le 7 janvier 1839, par le député français
F. Arago* de l’invention de la photographie
par L.J.M. Daguerre* incite Talbot, dans
un souci de préserver l’antériorité de son
invention, à faire le 31 du même mois une
communication devant la Société royale de
Londres : Exposé de l’art du tirage photogénique, ou procédé par lequel les objets de
la nature peuvent se dessiner eux-mêmes
sans le secours du crayon de l’artiste. La
nature expérimentale et les imperfections
des agents de conservation, qui entraînent
une coloration du support allant du brun
rosé au bleu pâle en passant par le lilas
et le jaune citron, font de ces documents
la trace insaisissable du mystère des premières photographies.
J.-L.G.
DÉVELOPPATEUR
Substance chimique principale d’un révélateur* qui a la propriété de réduire à l’état
d’argent métallique les cristaux de sels
d’argent exposés à la lumière lors de la
prise de vue.
S.R.
DÉVELOPPEMENT
Opération ayant pour objet de transformer l’image* latente en image visible. La
surface sensible impressionnée, portant
l’image latente, est immergée dans le révélateur* pendant une durée déterminée,
qui dépend de la composition du bain et
de sa température. Les sels d’argent sont
réduits par le développateur en libérant
l’argent métal qui forme alors l’image
visible.
Développement chromogène, phase du
développement d’un film polychrome
downloadModeText.vue.download 169 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
durant laquelle se forme l’image en
couleur.
Développement-fixage, traitement complet
d’une émulsion dans un seul bain (monobain), qui réalise simultanément les phases
de développement et de fixage.
S.R.
DEVÉRIA Théodule
photographe français
(1831-1871)
Fils du peintre et dessinateur Achille
Devéria, Devéria est conservateur au
département d’égyptologie du musée du
Louvre. En 1859, il accompagne Auguste
Mariette sur les fouilles de Memphis.
OEuvrant sur papier ciré sec, il situe sa démarche dans une perspective résolument
scientifique, au même titre que celle d’un
A. Salzmann* ou d’un J.B. Greene* : l’archéologie. Son activité d’égyptologue et
d’archéologue consiste à relever manuellement des inscriptions hiéroglyphiques ;
une copie photographique en sera faite
ensuite. Ne remplaçant en aucun cas le
relevé à la main, la photographie est un
simple instrument de contrôle augmentant la crédibilité et la fiabilité des découvertes. Dans un article à la Revue archéologique de 1861, Devéria confirme ce que
F. Arago* avait annoncé et recommandé
dans sa présentation du daguerréotype*
en 1839 : la photographie devient l’auxiliaire de l’archéologie en levant le doute
sur une possible erreur de dessin. Avec
cette pratique rigoureuse dans la délimitation du motif, Devéria photographie,
dans les années 1870, les sites égyptiens
(Le Caire, désert d’Assouan...) et révèle
une atmosphère nostalgique empreinte
de romantisme : ses photographies de
ruines – sculptures tombées à terre,
sphinx, scribes – évoquent, par un éclairage rasant, les subtilités du modelé.
Les oeuvres de Devéria font partie des collections de la Bibliothèque nationale et
du musée d’Orsay ; deux d’entre elles ont
été présentées lors de l’exposition Photographie/Sculpture organisée par le C.N.P.
(palais de Tokyo) en 1991.
F.H.
DIAMOND Hugh Welch
médecin et photographe britannique
(Kent 1809 - ? 1886)
Directeur de l’asile du comté de Surrey, le
docteur Diamond est l’un des premiers à
appliquer la photographie aux sciences en
la faisant entrer dans le champ de la médecine, et plus particulièrement dans l’étude
des maladies mentales. En 1851, il réalise
ses premiers portraits au calotype* et photographie ses malades au début et pendant le traitement, à intervalles réguliers.
Il inaugure ainsi une nouvelle méthode lui
permettant de suivre l’avancée de la maladie et les progrès de la cure et de recueillir
des documents scientifiques sur les réactions psychologiques, ce qui jusqu’alors
n’avait été accompli que pour les phénomènes purement médicaux comme les lésions de la peau. En 1856, dans un rapport
présenté à la Royal Society de Londres, il
souligne l’apport de la photographie à la
psychiatrie.
Une nouvelle voie de recherche est donnée
à la photographie : celle de la représentation de l’anormalité mentale. L’ouvrage The
Physiognomony of Insanity, qui regroupe
ces nouvelles théories, est orné de gravures réalisées à partir de portraits photographiques du docteur Diamond.
F.H.
DIAPHRAGME
Dispositif mécanique destiné à limiter le
diamètre d’un faisceau lumineux.
169
downloadModeText.vue.download 170 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
Il existe deux sortes de diaphragme :
le diaphragme de diamètre fixe (ex.
diaphragme à vanne) et le diaphragme
à variation continue d’ouverture* (ex.
diaphragme à iris). Dans ce dernier cas,
des lamelles métalliques mobiles permettent de faire varier l’ouverture. Sur
les objectifs*, un certain nombre d’ouvertures caractéristiques sont repérées par
le constructeur. Le Congrès international
de photographie de Paris (1900) a normalisé ces ouvertures (les ouvertures relatives
1/n) suivant une progression telle qu’en
passant d’une valeur à la suivante, dans le
sens décroissant, la quantité de lumière
traversant le diaphragme durant un temps
constant double : ... 32 ; 22 ; 16 ; 11 ; 8 ; 5,6 ;
4 ; 2,8 ; 1,4 ; 1.
S.R.
DIAPORAMA
Spectacle constitué de projections, sur un
ou plusieurs écrans, de diapositives qui
sont montées en synchronisme avec une
bande sonore.
S.R.
DIAPOSITIVE
Photographie positive tirée sur support
transparent, généralement destinée à être
projetée sur écran.
Les diapositives donnent des images
achromes* (en noir et blanc) ou polychromes (en couleur). Lorsqu’elles sont
destinées à la projection, elles sont généralement protégées par une monture en
carton ou en plastique ou disposées entre
deux lames de verre. Les formats les plus
courants des diapositives de projection
sont : 24 × 36 mm, 6 × 6 cm, 4,5 × 6 cm et
13 × 17 mm.
S.R.
170
DIAZ Hernan
photographe colombien
(Ibagué, Tolima, 1931)
Après des études primaires et secondaires
à l’Institut de La Salle, à Bogotá, Diaz
apprend la photographie avec son père.
Il entreprend ensuite une formation aux
États-Unis, à l’Institut d’art commercial
de Wesport, Connecticut, puis dans une
école spécialisée dans la photographie.
Il expose dès 1957 à la Société des amis du
pays, à Bogotá, et au premier Festival d’art
de Cali, Colombie, en 1959. À 35 ans, sa
première grande exposition individuelle se
tient à la galerie Colseguros de Bogotá et,
en 1974, il expose au musée d’Art moderne
de Bogotá.
Il représente la Colombie à la Biennale de
Venise en 1980 et reçoit le premier prix au
concours international du Collège national des architectes du Venezuela. Il collabore à de nombreux magazines dont Life,
Fortune, et Time, et publie des ouvrages
comme El Sueño de las Escalinatas ; Cartagena Morena (monographie de son travail) ; Trajes regionales de Colombía ; Aire
puro et Los Angeles de Sopó.
Diaz porte un regard professionnel très
objectif sur son pays – les traditions, les
coutumes et les costumes des villages, les
vastes paysages colombiens – à travers
une errance poétique sans complaisance,
comme le montre son dernier livre monographique Herencia Colonial.
V.E.
DIAZ GUTTIERREZ Alberto (dit
Korda)
photographe cubain
(La Havane 1928)
Après des études de journalisme et de
commerce, il installe en 1956 un studio de
photographie commerciale et publicitaire
downloadModeText.vue.download 171 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
dans lequel il travaille jusqu’en 1968. Il est
également photographe du journal Revolución à partir de 1959.
Il accompagne Fidel Castro dans ses
voyages – Venezuela, États-Unis, Canada,
U.R.S.S. et Chine. En 1960, il publie dans
Revolución une série de reportages sur les
traversées du pays par Fidel Castro, sur
Fidel dans la Sierra Maestra, à sa table de
travail, traversant la jungle avec sac à dos
et les armes à la main. En 1968, il devient
photographe du département des inves-
tigations sous-marines de l’Académie des
sciences de Cuba, travaille pour la revue
Opina et pour des sociétés commerciales,
Egrem, Cuba-export, Contex, Cuba Moda.
En 1960, sa photographie Guerrillero heróico de Che Guevara a été l’une des plus
publiées au monde et a fait l’objet d’un
documentaire en 1962, Une photographie
parcourt le monde, de Pedro Chaskel.
Il expose dans tous les pays d’Amérique
latine et en Allemagne, en Italie, au Canada. De nombreux prix le récompensent,
comme le prix Ruben Martinez Villena en
1983 et la médaille de la Culture nationale.
En 1986 ; Photo Reporter publie un article
intitulé À Cuba, nous avons retrouvé le
photographe du Che.
V.E.
DIBBETS Jan
photographe néerlandais
(Weert 1941)
Il débute ses études à Tilburg de 1959 à
1963, puis s’inscrit en 1967 à la St Martin
School de Londres. Il participe à partir de
1965 à la plupart des expositions d’avantgarde de l’époque en Europe. Son livre
Territoire du rouge-gorge, publié en 1969,
énonce une conception antitraditionnelle de la sculpture à travers une série de
photographies qui témoignent du déplacement de l’oiseau à l’intérieur d’un parc
d’Amsterdam. Les Perspective Corrections
(1969) sont les photos d’une pièce géométrique carrée, posée au sol, ou d’un carré
dessiné au mur. La prise de vue restitue
une vision frontale de cet élément que la
vision photographique ordinaire placerait
en perspective. À partir de 1970, il obtient,
au moyen de photomontages placés au
mur, des panoramiques qui outrepassent la
vision monoculaire. Au début des années
1970, Dibbets oriente son oeuvre vers les
usages conjugués de la photo, du dessin et
de la peinture. Les plafonds, les dômes, les
coupoles, ornés de motifs architecturaux,
et les fenêtres sont une réinterprétation
spectaculaire du classicisme des intérieurs
hollandais et des architectures baroques.
Construites autour d’un centre, ces images
déploient des jeux de perspective extrêmement complexes : Spoleto Duomo (1982),
Saerendam Senanque (1981). En 1991, le
C.N.P., au palais de Tokyo, à Paris, a consacré à l’oeuvre de l’artiste une importante
rétrospective.
S.C.
DI BELLO Paola
photographe italienne
(Naples 1961)
Elle commence à travailler très tôt (1973),
dans l’atelier de son père, Bruno Di Bello,
dont la démarche artistique comprend la
photo comme support et comme pratique
à part entière. Cette expérience familiale
l’a marquée positivement, car, ensuite, elle
n’a plus cessé de pratiquer la photographie autrement qu’à travers une démarche
cohérente qui sonde toutes les possibilités
du support dans un questionnement sur la
vision et la représentation. Depuis 1984,
elle utilise le Polaroid*. Ainsi sont nées les
séries Membra Disiecta et la Connaissance
de soi, où elle laisse le support s’oxyder
pendant une période qui va de quelques
171
downloadModeText.vue.download 172 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
mois à une année : il en résulte une sorte
de miroir rongé par le temps, impressionné ou vierge, sur lequel l’artiste intervient
de différentes façons. La pratique de Di
Bello renvoie curieusement le Polaroid
ainsi obtenu aux plaques daguerréotypes*.
Les deux critères qui sont à la base de son
travail, un laps de temps assez long et le
support positif* et négatif* à la fois, posent
concrètement la question de ce qu’est le
temps de la photographie instantanée*.
Son travail a été montré lors de plusieurs
expositions collectives et personnelles : à
Milan en 1990 (galerie Menotti), à Stuttgart en 1991 (galerie Nôth) et de nouveau
à Milan en 1993 (galerie Inghileri).
S.T.
DIEUZAIDE Jean
photographe français
(Grenade-sur-Garonne 1921)
En 1944, il est le seul à photographier la
libération de Toulouse et réussit un des
premiers portraits officiels du général de
Gaulle. Dieuzaide devient photographe
mais signe Yan, ce métier n’étant pas digne
de son nom. En 1946, pour les éditions
Arthaud, il illustre un premier livre, la
Gascogne, et devient membre du Cercle
des XII de Toulouse. Il voyage en Espagne,
au Portugal (1954), en Turquie (1955), et
illustre de nombreux livres touristiques.
Un reportage acrobatique sur des funambules paraît dans Life* en 1954. En 1955,
il est le premier lauréat du tout nouveau
prix Niépce et son livre Catalogne romane
reçoit en 1961 le prix Nadar.
Plus près de lui, il photographie aussi bien
les chefs-d’oeuvre de l’art roman que le
Concorde (1969). En 1968, parce que sa
pudeur ne l’a pas autorisé à la montrer plus
tôt, il livre au regard sa rencontre bouleversante de sensualité avec le brai (sorte
de goudron visqueux), un travail réalisé
172
dix ans plus tôt. L’année 1971 marque un
tournant. Il se livre à d’autres expériences,
utilise une de ses photographies comme
carton de tapisserie, invente les « centrichimigrammes ». Il redécouvre son monde
quotidien et photographie des objets de
tous les jours.
Ses images montrent sa grande maîtrise de
la lumière, de la composition, du métier.
En 1974, il fonde la galerie du Château
d’Eau*, dont il est depuis le directeur. Il
tient cependant à poursuivre son oeuvre.
En 1980 et 1984, il reçoit deux commandes
du ministère de la Culture, sur les orgues
en Midi-Pyrénées et les monuments historiques. En 1986, Quarante Ans de photographie sont rassemblés aux Jacobins de
Toulouse. La variété des thèmes abordés
dans son oeuvre et sa vision large de la
photographie lui ont permis de faire découvrir au public du Château d’Eau toute
la richesse de ce médium.
A.M.
DIN
voir ISO
DISDÉRI André Adolphe Eugène
photographe français
(Paris 1819 - id. 1889)
Il commence à s’intéresser à la photographie en 1847. Portraitiste, il s’installe à
Paris en 1854 et ouvre l’un des plus importants studios de photographie. Il dépose la
même année un brevet pour la « carte de
visite* », une épreuve de format réduit obtenue à l’aide d’un appareil à quatre ou six
objectifs. Muni d’un châssis fixe ou mobile,
cet appareil permet de réaliser jusqu’à huit
clichés semblables ou différents sur une
même plaque photographique. Ce nouveau procédé rend accessible la photographie à la masse du public en abaissant les
coûts de production et apporte la fortune à
downloadModeText.vue.download 173 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
son inventeur. Images bon marché, vulgarisation de l’art et instrumentalisation de la
photographie sont ses ambitions.
En 1859, la carte de visite est à la mode et
la carrière du photographe est à son apogée. Il devient le photographe le plus riche
du monde.
Photographe officiel des cours de France,
d’Espagne, de Grande-Bretagne et de Russie, il exploite sur le boulevard des Italiens,
à Paris, un studio richement décoré d’or, de
bronze, de marbre, de soie et de bois précieux. Preuve incontestable de sa réussite
commerciale et sociale, les portraits de LL.
MM. l’empereur et l’impératrice, du prince
impérial, du prince Jérôme et du prince
Napoléon ornent les murs de ses salons de
style François Ier et Louis XV. Avec lui, la
photographie participe de l’économie de
marché : emprunts, actionnariat, création
de sociétés, publicité, recherche et obtention de contrats rémunérateurs, innovation technique, etc., constituent ses principales activités. L’entreprise de Disdéri
s’inscrit dans un contexte où entrent en
concurrence divers types d’images : photographie, gravure, lithographie. Il crée en
1855 la Société du Palais de l’industrie pour
photographier tous les objets de l’Exposition universelle. Il publie en 1862 l’Art de
la photographie, un manuel riche de renseignements sur les conventions du portrait sous le second Empire. Dans ce livre,
Disdéri entreprend de montrer que la photographie relève de l’art et, surtout, qu’elle
est un art spécifique. Il y critique d’abord
les méthodes employées par la photographie commerciale, qui banalisent selon lui
ce qui fait la singularité de chaque modèle.
Pour réaliser un bon portrait, il conseille de
choisir un mode de représentation approprié au modèle, c’est-à-dire un ensemble
de gestes, d’attitudes et d’expressions qui
révèlent ce qui fait le propre du sujet. Il accorde pour cela une attention particulière
aux instants qui précèdent le moment de
la prise de vue. L’étude et la connaissance
du modèle constituent la première étape
de l’acte photographique et permettent de
déterminer un mode de représentation qui
sache exprimer le caractère moral du sujet.
À la description des traits physiques et de
l’apparence de l’individu succède l’étude
de son « être moral », étape cruciale de sa
théorie du portrait. Les registres et plus de
20 000 planches de portraits provenant de
l’atelier de Disdéri ont été acquis en 1995
par la B.N.
V.L.
DITYVON Claude (Claude
Raimond-Dityvon, dit)
photographe français
(La Rochelle 1937)
Issu du monde ouvrier, c’est en 1967 qu’il
se dirige vers la photographie. Tout en faisant place à l’aléatoire, puissance de l’écriture, sens des volumes et clarté de la composition servent son oeuvre, qui s’attache
à la vie quotidienne sans rechercher le
sensationnel mais en privilégiant la réalité
sociale et les qualités humaines. On lui
doit Gens de La Rochelle (1979), Album de
tournage (1985).
S.R.
DIXON Henry
photographe britannique
(Londres 1824 - 1883)
Il est connu pour ses travaux au sein de
la Society for Photographing Relics of
Old London, une association fondée en
1875. Son but est de rassembler des photographies de bâtiments londoniens que la
croissance urbaine risque de faire disparaître. L’association publie des fascicules
sans texte jusqu’en 1881, puis les photographies sont accompagnées de com173
downloadModeText.vue.download 174 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
mentaires. En 1886, date de la dernière
parution de la série, l’association a publié
au total 120 planches en numérotation
continue et 4 non numérotées. Ces illustrations sont presque toutes dues à deux
équipes de photographes : A &amp; J. Bool
et Henry Dixon and Son. La majeure partie
des photographies est réalisée par Henry
Dixon et son fils – de la planche 24 à 100
–, qui établissent leur firme sous le nom
« Henry Dixon and Son » en 1887. Leurs
travaux se concentrent sur les images voulues par l’association, c’est-à-dire celles
qui montrent l’importance historique des
bâtiments et leur place dans la ville (Cour
de la King’s Head Inn, Southwark, Londres,
vers 1979, Centre canadien d’architecture,
Montréal).
M.C.
DMITRIEV Maxime
photographe russe
(1859 - 1948)
Fils de paysans de la province de Tambov, Dmitriev fréquente l’école de son
village natal jusqu’à l’âge de 15 ans. Il part
à Moscou et travaille pour plusieurs studios de photographie, dans le montage et
la retouche d’images. Le dimanche, il suit
des cours de dessin à l’Institut artistique
et industriel Stroganov. Un an plus tard, il
visite Nijni Novgorod, où il fait un court
séjour au studio de A. Kareline*. À 19 ans,
après une brève apparition dans l’atelier
photographique de Mikhail Nastiukov,
il retourne à Nijni Novgorod, où il ouvre
avec un associé un studio qui fait rapidement faillite. Ayant appris la technique du
procédé au collodion*, il se fait embaucher
de nouveau chez Kareline. Il s’initie à la
photographie commerciale et ouvre en
1887 un nouveau studio, qui restera en activité jusqu’en 1920. Il se consacre à la vie
quotidienne des régions proches de la Vol174
ga, surtout à la période de la famine 18911892. Son nom est attaché à la naissance
de la photographie sociale russe. L’exposition photographique russe de Moscou de
1889 lui apporte son premier succès. Pendant dix ans, il va recevoir des prix dans
toutes les manifestations internationales
auxquelles il participe. Il se fait surtout
connaître par son iconographie extensive
de la Volga, des sobres paysages aux foules
pittoresques de villages, témoignage de la
misère du peuple russe sous le tsarisme.
Ses photographies sont publiées en cartes
postales, illustrent des guides touristiques
et des livres d’images à travers toute la
Russie. Il est président du cercle photographique de Nijni Novgorod, auquel il lègue
ses oeuvres.
V.E.
DOISNEAU Robert
photographe français
(Gentilly 1912 - Paris 1994)
Rare – sinon unique – photographe connu
du grand public, Robert Doisneau assiste à
la reconnaissance de son oeuvre depuis les
années 1970. En 1974, J. Dieuzaide* inaugurait la galerie du Château d’Eau* de Toulouse avec les photographies de Doisneau
aux cimaises. Depuis, ses images (tirages,
cartes postales et posters) sont exposées,
publiées, reproduites et vendues dans le
monde entier. Doisneau, jeune diplômé de
l’École Estienne, découvre la photographie
alors qu’il travaille dans un atelier de publicité spécialisé dans la pharmacie. En 1931,
il est opérateur chez A. Vigneau*, et son
premier reportage paraît dans l’Excelsior.
Le voici, en 1934, photographe aux usines
Renault..., d’où il est licencié cinq ans plus
tard pour absentéisme. « Renault fut pour
moi, dit-il, le véritable point de départ de
ma carrière et la fin de ma jeunesse. » En
1939, il devient photographe-illustrateur
downloadModeText.vue.download 175 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
indépendant et, en 1946, entre définitivement à l’agence Rapho. Doisneau, qui aime
se comparer à E. Atget*, sillonne les Banlieues de Paris (photographies accompagnées d’un texte de Blaise Cendrars, 1949)
pour « s’emparer des trésors que [ses]
contemporains transportent inconsciemment ». Nul mieux que lui ne sait approcher et fixer dans l’instant les hommes
dans leur quotidienne vérité, parfois réinventée. Il est peu soucieux de la composition, et l’histoire sentimentale des gens ordinaires prime sur un quelconque discours
esthétique. Son oeuvre d’intime spectateur
apparaît aujourd’hui comme un vaste
album de famille où chacun se reconnaît
avec émotion. Doisneau est devenu l’illustre représentant de l’humanisme photographique en France. Il est auteur d’un
grand nombre d’ouvrages, principalement
sur Paris depuis 1949, et ses photographies
sont présentes dans les plus grandes collections en France, aux États-Unis et en
Grande-Bretagne. Une rétrospective a été
présentée à Paris, en 1995-1996 (musée
Carnavalet).
S.Ro.
DOLÉMIEUX Pascal
photographe français
(Paris 1953)
Après avoir pendant quelques années
partagé son temps entre deux activités, il
abandonne son métier dans l’informatique
en 1981 pour se consacrer à la photographie. Lors de nombreux voyages en Amérique du Sud et en Europe, il a déjà commencé à photographier fêtes, carnavals,
cérémonies religieuses, attiré par le goût
du jeu, de l’inattendu, de la poésie qui s’y
révèlent. Il obtient une bourse de la Fondation nationale de la photographie, puis,
en 1983, les prix Niépce, « Moins Trente »,
Air France, et il collabore à divers journaux et revues, dont Libération. Il réalise
ensuite des mises en scène, souvent miniatures, à partir d’objets détournés, certaines
avec du matériel photographique, comme
Gui Tzo 1er (1988), où un pied d’appareil
photographique (de la marque Gitzo) sert
de corps à un petit personnage à la tête
faite d’une passoire et de fourchettes. Ces
photographies, retravaillées, dont certains
éléments sont peints, transmettent, par
leur aspect « naïf », à la fois tendresse et
dérision. En 1989, il collabore à la création
de l’agence Métis.
Ch.B.
DOMELA César (Caesar Domela
Nieuwerhuis, dit)
artiste français d’origine néerlandaise
(Amsterdam 1900 - 1993)
Connu comme l’un des acteurs du néoplasticisme à la suite de sa rencontre avec
Mondrian en 1924, Domela partage avec
le mouvement De Stijl un goût prononcé
pour les arts graphiques. Il réalise ainsi
des travaux de typographie et de photomontage* pour de nombreuses campagnes publicitaires de grandes marques
industrielles, comme AEG ou Osram. Il
fonde aussi un atelier de publicité, en collaboration avec Hélène von Jecklin et Hans
Robertson. Il livre une série d’affichesphotomontages, notamment pour AEG,
dont les compositions saturées d’objets
composites rappellent singulièrement les
collages berlinois dadaïstes de H. Höch* ou
de J. Heartfield*. Il est lui-même l’organisateur et le concepteur du catalogue d’une
importante exposition consacrée au pho-
tomontage (Fotomontage, Berlin, 1931).
Son travail typographique (hérité notamment des recherches de E. Lissitsky* et des
analyses de J. Tschichold formalisées dans
le fameux opuscule Die neue Typographie,
1928) le conduira à participer à la Ring
175
downloadModeText.vue.download 176 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
Neue Werbegestalter (Nouvelle Création
publicitaire). Quant au lien plus immédiat
entre son oeuvre plastique et la photographie, il s’établit dès ses premiers clichés
quand il reproduit ses propres tableaux
ou réalise une série d’études de structure
(à partir de 1928) représentant des branchages, des algues et autres végétaux, des
charpentes de bois (Structure, 1929) ou
métalliques (Avignon-Nîmes Brücke, 19281931), des cages d’ascenseurs ou des murs,
tous sélectionnés pour leur configuration
géométrique remarquable.
P.L.R.
DOMON Ken
photographe japonais
(Sakata 1909 - Yamagata 1990)
À cause de son activité politique au sein
de la contestation paysanne, Domon,
étudiant en droit, est exclu en 1932 de la
Nihon University de Tokyo. En 1933, il
devient assistant-photographe de studio
et, en 1935, entre à l’agence Nippon-Kobo,
le porte-drapeau du photojournalisme japonais de l’époque, qu’il quitte en 1939. À
partir de 1950, ses idées humanistes et sa
conception du réalisme photographique le
conduisent à photographier directement
les « symptômes » de la réalité sociale. À
travers plusieurs reportages, notamment
sur la vie des enfants de mineurs au chômage, il souhaite que la société exprime
« la colère, le plaisir ou la tristesse des
hommes de ce temps ». Sa conception
connaît un grand écho auprès des amateurs. Le réalisme de Domon se concrétise
dans Hiroshima, ouvrage publié en 1958,
dans lequel il regarde en face les survivants
de la bombe atomique. Parallèlement, il
photographie l’art traditionnel japonais
(architecture et sculpture) et réalise plusieurs publications comme Koji-Junrei
(le Pèlerinage aux temples anciens) 1964176
1971. En 1983, le Ken Domon Memorial
Museum est inauguré à Sakata, sa ville
natale.
T.O.
DONDERO Mario
photographe italien
(Milan 1929)
Il devient photographe à la fin de ses
études universitaires et participe à l’expérience euphorique de l’agence Publifoto*
de ces années-là avec U. Mulas*. Ces années extrêmement riches pour le milieu
artistique et intellectuel voient évoluer
Dondero et Mulas dans le quartier de Brera. Ils seront parmi les protagonistes d’un
roman-culte de Bianciardi, La Vita agra,
et ils partageront misère et aventures, mais
aussi cet esprit de groupe et ce sens du collectif diffusé à l’époque, au point que leurs
premiers reportages ne seront pas signés
et seront (et le sont toujours) confondus.
Dondero conserve toujours cet esprit qui
lui fait voir le reportage* en premier lieu
comme un service offert à la communauté,
et ensuite, comme un sujet d’exposition et
de reconnaissance personnelle.
S.T.
DORYS Benedykt Jerzy
photographe polonais
(Kalisz 1901 - Varsovie 1990)
Dorys fait ses débuts en photographie à
l’âge de treize ans, mais c’est seulement en
1925, à Varsovie, qu’il décide de s’y consacrer. En 1927, il entre à la Société polonaise
de photographes amateurs, qui organise
une exposition sur son oeuvre en 1929. La
même année, il ouvre son propre studio.
Portraitiste réputé, il photographie l’intelligentsia de Varsovie, et reçoit en l’espace
d’une décennie de nombreuses médailles,
diplômes ou prix. Il s’intéresse également
downloadModeText.vue.download 177 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
à la photo de mode, réalise des paysages et
des photos d’architecture et collabore à des
magazines. Adepte du procédé à la gomme
bichromatée, il utilise aussi les négatifs
de petit format : son reportage Kazimierz
sur la Vistule (1931-1932) est composé
d’images spontanées sur la vie quotidienne
en province. Cofondateur de l’Union des
artistes photographes polonais en 1946,
il participe à partir de cette date à toutes
sortes de conseils, commissions, comités, etc. Son oeuvre figure dans les expositions la Photographie polonaise (Centre
Georges-Pompidou, 1981) et les Chefsd’oeuvre de la photographie polonaise,
1912-1948, de la collection du Muzeum
Sztuki de Lodz (Institut polonais de Paris,
1992).
E.E.
DRAHOS Tom
ar tiste tchèque
(Jablonne 1947)
Après une formation à l’École des arts graphiques puis à l’Académie du cinéma de
Prague, Drahos s’installe en 1968 à Paris
où il s’inscrit à l’I.D.H.E.C. Ses débuts de
photographe consacrés au reportage social
laissent place, en 1977, à de premières
« macro-photo-installation » puis à la série
des Métamorphoses de Robois. Il participe
en 1981 à l’exposition Ils se disent peintres,
ils se disent photographes (A.R.C., M.A.M.
de la Ville de Paris). En 1985, il commence
un cycle sur la religion indienne animiste
jaïna. Des textes constituent des protocoles de travail à ses fictions. Transformant la matière picturale par déchirures,
agrafages, fragmentations et assemblages,
il évolue, dans les années 1980, vers l’utilisation de grands formats sous la forme de
diptyques ou de triptyques et vers l’intégration de la photographie dans des sculptures ou installations proches du monument, aux couleurs baroques (le Mur de
la vraie et de la fausse connaissance, 1987,
F.R.A.C., Corse). Incorporée parfois à ses
installations, la matière photographique
réduite en poudre ou en « essences »
évoque le passage du réel à sa propre mémoire. L’oeuvre de Drahos qui s’est aussi
étendue à la vidéo traduit une mythologie
personnelle commentant l’état du monde
d’aujourd’hui et résistant à toute tentation
documentaire.
F.D.
DRTIKOL Frantisek
photographe tchèque
(Príbram 1883 - Prague 1961)
Drtikol est un des grands spécialistes du
nu photographique féminin de la première
moitié de ce siècle. Il devient photographe
selon les voeux de son père. Après trois
ans d’apprentissage chez Antonin Mattas
(1898-1901), il suit des cours à la Lehr
und Versuchsanstalt fur Photographie de
Munich jusqu’en 1903. De 1904 à 1907, il
fait son service militaire. Dès son retour
dans sa ville natale, il aménage un atelier, mais fait rapidement faillite. Pendant
toute cette première période, il associe sa
photographie à la peinture symboliste. La
femme est son sujet de prédilection. Il retouche ses négatifs au pinceau, inventant
des arrière-plans de paysage. Dès 1910,
son travail commence à être remarqué.
Il est membre du Club tchèque des photographes amateurs et rencontre Augustin Skarda, qui devient son associé dans
l’atelier qu’il ouvre à Prague. Au contact
de la capitale, son style change sensiblement. Spécialisé dans le portrait, il photographie toutes les personnes connues
de l’époque. Dès 1913, un des thèmes
récurrents de son oeuvre apparaît : le côté
destructeur de la femme, représenté par
Salomé.
177
downloadModeText.vue.download 178 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
Dans les années 1920, son style évolue vers
les tendances expressionnistes, fonctionnalistes, cubistes, Arts déco et abstraites.
Des scènes de genre, souvent « kitsch »,
caractérisent la production de son atelier.
Progressivement, il exploite au maximum
les contrastes de lumière et organise une
mise en scène théâtrale. Des vases ou des
crânes apparaissent sur ses clichés. Par la
suite, on découvre un nouveau dynamisme
dans les poses de ses modèles. L’arrièreplan de ses compositions, toujours retouché au pinceau, devient plus moderne, et
le nu est inclus au milieu de formes géométriques dont il suit les courbes et le
mouvement (la Vague, 1927). De renommée internationale, il est au sommet de
sa carrière en 1929, lorsque les Nus de
Drtikol sont édités par A. Calavas. Il réalise notamment cette année-là une série
remarquable de photographies de jambes
féminines en mouvement, intitulée Pas.
Entre 1930 et 1935, il ne photographie
plus que des figurines. Puis il abandonne
la photo pour se consacrer à la peinture, à
la méditation et à la philosophie orientale.
Le musée national d’Art moderne à Paris
expose Photographes tchèques en 1983, et
Anna Fárová écrit Frantisek Drtikol photographe Art-Déco en 1986.
E.E.
DU
En 1941, à Zurich, Arnold Kübler devient le rédacteur en chef d’une nouvelle
revue culturelle. Du succède à la Zürcher
Illustrierte, hebdomadaire illustré, où il
assumait, depuis 1929, les fonctions de
rédacteur photo. Avec Émile Schulthess,
responsable de la conception graphique,
Du accorde un espace généreux aux photographies, publiées en pleine page. Grâce
à la qualité exceptionnelle des reproductions d’oeuvres d’art en couleurs, ce men178
suel acquiert rapidement une renommée
mondiale. La première année, Hans Staub
et P. Senn* collaborent à la rédaction,
puis W. Bischof* à partir de 1942. Ce dernier publie ses premiers reportages sur
l’Invalide, les Réfugiés, respectivement en
1944 et en 1945. En 1958, Manuel Gasser remplace Arnold Kübler et assume les
fonctions de rédacteur en chef jusqu’en
1974. En dehors des sujets d’actualité, traités par de grands photographes comme
R. Burri*, Barbey, L. Chessex*, Freed,
M. Riboud*, la revue a développé rapidement ses cahiers thématiques. Plusieurs
ont été consacrés spécialement à : La photographie suisse des débuts (1952), Family
of Man (1955), August Sander (1959),
Robert Frank (1962), Cartier-Bresson
(1967), Bruce Davidson (1969), Herbert
List (1973). Du commande également des
reportages. En 1990, K. Pruszkowski* en
réalise un en photosynthèse sur Varsovie.
Pour son cinquantenaire, en 1991, la revue
a rendu hommage à son fondateur Arnold
Kübler.
A.M.
DUBOSCQ Louis Jules
opticien et photographe français
(Villaines 1817 - Paris 1886)
Élève et gendre de l’opticien Jean-Baptiste François Soleil, Duboscq succède
à son beau-père en 1849. À l’automne
1850, l’abbé Moigno, célèbre chroniqueur
scientifique, lui présente David Brewster,
l’inventeur du kaléidoscope et du stéréos-
cope lenticulaire. Enthousiasmé par cette
dernière invention, Duboscq accepte d’en
assurer la fabrication et profite de l’Exposition universelle qui s’ouvre à Londres en
1851 pour lancer cet appareil sur le marché. La reine Victoria est charmée par cet
instrument, et les commandes affluent rue
de l’Odéon. Duboscq réalise de nombreux
downloadModeText.vue.download 179 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
daguerréotypes stéréoscopiques, dont plusieurs exemplaires se trouvent aujourd’hui
au musée de la Photographie à la George
Eastman House. Ses natures mortes témoignent d’une grande maîtrise de la composition et de la lumière. Il dépose en 1852
un brevet pour un nouveau type de stéréoscope et publie, l’année suivante, Règles
pratiques de la photographie sur plaque,
papier, albumine et collodion d’après les
meilleurs procédés. Il est le premier à obtenir des photographies en relief à travers un
microscope et reçoit en 1856 une médaille
d’or de la société d’encouragement pour
son microscope photoélectrique. Ses travaux dans le domaine de l’optique lui valent d’être décoré de la Légion d’honneur
en 1863 et d’être promu officier en 1885.
D.P.
DUBREUIL Pierre
photographe français
(Lille 1872 - Bruxelles 1944)
Le mouvement pictorialiste, apparu à
la suite du naturalisme anglais, dans les
années 1890, n’est pas toujours délimité
par sa convergence avec les effets et les
styles de la peinture. Chez certains photographes, il est la manifestation d’un
syncrétisme beaucoup plus ouvert sur
les symboles, la tradition littéraire ou les
avant-gardes artistiques. Dubreuil fait partie de ces amateurs aisés peu soucieux de
leur image sociale, qui prennent position
en faveur de « l’école américaine », représentée par Camera Work*, plus novatrice
que la (parfois mièvre) tendance française
de R. Demachy* et de C. Puyo*. Bien qu’accepté par le Photo-Club* de Paris dès 1896,
Dubreuil se distingue déjà par la construction de ses images. Il adopte les procédés
de tirage pictorialistes (gomme bichromatée, charbon, platine, huile Rawlins), mais
recherche, selon ses détracteurs, « le bi-
zarre et l’inhabituel ». Membre du Linked
Ring* en 1903, il s’installe à Paris en 1908,
prend contact avec A. Stieglitz* et participe
(à son propre insu) à la grande exposition
pictorialiste de Buffalo, qui marque déjà
le déclin du genre. Dubreuil est alors un
véritable moderniste, multipliant les vues
en plongée, les plans rapprochés, faisant
allusion à Picasso et anticipant la vision
de A. Coburn* ou de P. Strand*. La guerre
interrompt ses recherches, qu’il reprend
en 1923, à Bruxelles, en se trouvant cette
fois en phase avec la Nouvelle Photographie et la Nouvelle Vision, mais sans renier
les techniques de tirage sophistiquées. À
sa rétrospective de la Royal Photographic
Society de Londres en 1935, Dubreuil fait
encore figure d’« extrémiste », bien que ses
anticipations dérangeantes soient devenues le lot commun de la photographie
moderne.
M.F.
DU CAMP Maxime
photographe français
(Paris 1822 - Baden-Baden 1894)
En 1844-1845, il effectue son premier
voyage en Orient et publie, en 1848, Souvenirs et paysages d’Orient. En 1847, il
voyage en Bretagne et en Touraine avec
Gustave Flaubert. G. Le Gray* l’initie à
la calotypie*. De 1849 à 1851, alors que
l’archéologie connaît un succès croissant,
il est chargé par le ministère de l’Instruction publique d’une mission archéologique en Orient. Il effectue ce voyage
en compagnie de Flaubert. Conseillé par
Alexis de Lagrange, qu’il rencontre au
Caire, il utilise la méthode « négatif sur
négatif » de L.-D. Blanquart-Évrard*. Il
rapporte 220 calotypes de son voyage
en Égypte, en Nubie, en Palestine et en
Syrie. Collaborateur à la Revue des Deux
Mondes et au Journal des débats, il fonde
179
downloadModeText.vue.download 180 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
en 1851 la Revue de Paris. En 1852 paraît
Égypte, Nubie, Palestine et Syrie, premier
livre illustré de photographies originales.
Dédié à Louis de Cormentin, journaliste
à la Presse, à l’Événement et au Moniteur
universel, cet ouvrage, illustré de 125
planches tirées chez Blanquart-Évrard,
témoigne du rôle de la photographie
dans la découverte du monde. Ce projet
s’inscrit dans une dynamique de développement industriel à laquelle la photographie, au même titre que le chemin de
fer, qui abrège la distance et le temps, est
appelée à participer. Du Camp se joint en
1860 à l’expédition de Garibaldi qui fait la
conquête de la Sicile.
V.L.
DUCHAMP Marcel
ar tiste français
(Blainville 1887 - Neuilly 1968)
Duchamp s’inspire constamment du médium photographique, même si les photographies ou les photomontages sont très
rares dans son oeuvre (Couverture-cigarette exécutée pour la Septième Face du
dé, Paris, éditions Jeanne Bucher, 1936 ;
couverture de View en 1945 ; couverture
du no 1 de le Surréalisme même, 1956). Ce
médium est pour lui un moyen d’atteindre
cette « peinture de précision et cette beauté d’indifférence » qu’il recherche depuis
1912. On peut principalement distinguer
trois formes différentes d’utilisation de la
photographie par Duchamp : la première
est purement scientifique, la seconde est
documentaire, et la troisième illusionniste. Il s’inspire des caractéristiques
scientifiques de la photo, notamment
dans le Grand Verre. Si, d’une manière
générale, le Grand Verre n’est rien d’autre
qu’une plaque photographique géante,
notons plus précisément que la Voie lactée est pour Duchamp la représentation
180
des irradiations de la Mariée. Il s’agit dans
ce cas de l’influence de ce qu’on a appelé
en 1959 – mais qui existait déjà en 1890 –
« l’effet Kirlian » : la représentation photographique des irradiations d’un corps
humain. Autre influence des recherches
scientifiques en photographie : la chronophotographie de É.-J. Marey*. Elle est la
base de la représentation du mouvement
dans Nu descendant un escalier (1911).
Duchamp s’intéresse ensuite aux qualités documentaires de la photographie, à
« ses possibilités d’enregistrement d’une
extrême précision ». Par exemple, les Pistons de courant d’air de la Voie lactée du
Grand Verre sont des formes obtenues
en photographiant un tissu agité par le
vent. Enfin, Duchamp joue avec les possibilités illusionnistes de la photo. Il se fait
photographier en femme par Man Ray* :
c’est Rrose Sélavy. Il apparaît dans Belle
Haleine, Eau de Voilette (1921), Wanted
$ 2000 Reward (1923), Obligation pour la
roulette de Monte-Carlo (1924). Illusion
aussi pour la couverture du no 1 de la revue d’André Breton le Surréalisme même
(1956) : il s’agit en fait d’une photo de la
sculpture Feuille de vigne femelle. Si cette
dernière n’est pas très compréhensible, la
photographie en revanche est particulièrement érotique. Elle est obtenue en inversant, grâce à l’éclairage et à un travail
sur le négatif, les valeurs de la sculpture :
les pleins deviennent vides et les creux
deviennent bosses. Pour finir, sa dernière
oeuvre, Étant donné 1. Le gaz d’éclairage
2. La chute d’eau, relève dans l’ensemble
de l’illusionnisme photographique. Ainsi,
Duchamp est probablement celui qui a
utilisé au maximum toutes les capacités
du médium photographique. Jean Clair
publie Duchamp et la photographie en
1977.
E.E.
downloadModeText.vue.download 181 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
DUCHENNE DE BOULOGNE
Guillaume
médecin et photographe français
(Boulogne-sur-Mer 1806 - id. 1875)
Docteur en médecine, physiologiste, il
fait des recherches sur l’application de
l’électricité à la physiologie. Il provoque
notamment la contraction des muscles
faciaux par une charge électrique ; ayant
été initié à la photographie par A. Tournachon*, jeune frère de Nadar, en 1853, il
élabore une « grammaire de la physionomie humaine » par l’action électrique sur
le visage d’un sujet. À la multiplicité combinatoire des contractions correspond
une typologie des expressions (mépris,
douleur, tristesse...) qui renouvelle l’expression graphique des émotions issue de
Le Brun et Lavater. Les clichés illustrent
Mécanisme de la physionomie humaine,
ou analyse électrophysiologique des passions (1862). De cette étude, dont les
conclusions seront reprises par Darwin,
on retiendra en particulier les effets novateurs sur le portrait photographique, qui
apparaît comme le révélateur des « signes
du langage muet de l’âme » découverts
par Duchenne.
M.F.
DUCOS DU HAURON Louis
inventeur et photographe français
(Langon 1837 - Agen 1920)
En 1862, Ducos du Hauron fait officieusement parvenir à l’Académie des
sciences un mémoire qui ne retient
pas l’attention. Celui-ci contient une
ébauche de l’ouvrage publié en 1869 sous
le titre la Couleur en photographie : solution du problème, qui, lui-même, développe l’énoncé du brevet du 23 novembre
1868. En même temps que C. Cros, il
résout donc cette question essentielle,
en proposant d’analyser les couleurs des
objets avec trois filtres – vert, violet et
orangé –, puis d’en faire la synthèse par
projection des images positives à travers
ces mêmes écrans ou sur papier, utilisant dans ce dernier cas la superposition
de positifs tirés en rouge, bleu et jaune.
Un paragraphe de ce mémoire porte en
germe la solution qui donnera naissance
à la plaque autochrome*, et dont il tirera,
avec l’aide de son neveu de Bercegol, un
procédé à réseau trichrome commercialisé par Jougla en 1909 : l’Omnicolore.
Malgré nombre de déboires, il s’attache
au développement industriel de la reproduction photomécanique des couleurs.
Si la photographie des couleurs l’occupe
toute sa vie, il invente également divers
procédés et appareils, parmi lesquels
le transformisme (1888), permettant
d’obtenir des anamorphoses photographiques, aspect de la « photographie récréative », ou les anaglyphes (1894), qui
seront repris par L. Gimpel.
N.B.
DUMAS Nora
photographe française
(Budapest 1890 - 1979)
Dumas est la moins connue des photographes de la diaspora hongroise. Elle
commence la photographie en 1928 avec
un Rolleiflex et rencontre, cette même
année, E. Landau*, dont elle devient l’assistante pendant presque dix ans. Elle participe d’ailleurs, à la fin des années 1920,
à l’exposition internationale Das Lichtbild
à Munich, avec, notamment, G. Krull* et
A. Kertesz*. Mariée à un architecte suisse
travaillant en France, elle achète une mai-
son dans le village de Moisson, près de
La Roche-Guyon. C’est là qu’elle réalise
ses travaux sur les paysans, qui la rendent
célèbre : Famille, Sillon, Chalon-sur-Saône,
181
downloadModeText.vue.download 182 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
musée Nicéphore-Niépce. Ses clichés paraissent dès 1931 dans Vu*, Bifur* et Photographie, et sont exposés à la galerie La
Pléiade aux côtés de ceux de I. Bing* et
de M. Tabard* (1931). Ses travaux restent
un témoignage unique de la vie paysanne
dans les années 1930. Elle est notamment
représentée à Chalon-sur-Saône (musée
Nicéphore Niépce).
M.C.
DUNCAN David Douglas
photographe américain
(Kansas City 1916)
Duncan fait des études d’archéologie et de
zoologie aux universités d’Arizona et de
Miami. En 1938, il commence ses voyages
à travers le monde, en tant qu’historien
d’art. Après avoir été reporter de guerre,
il collabore à Life*. C’est de cette période
que datent ses photographies de la guerre
civile en Grèce, de l’entrée de l’armée
soviétique en Bulgarie, de la guerre de
Corée (Capt. Ike Fenton. No Name Ridge,
Korea, 1950, New York, M.O.M.A.), des
conflits en Indochine. Ses photographies
de Corée ont été réunies dans son premier livre, This is War ! (1951). En 1957,
l’artiste photographie presque quotidiennement Picasso. En 1962, à la Photokina
Internationale de Cologne, il découvre
un ensemble de lentilles spéciales et de
prismes pour le cinéma, fabriqué par
la firme Astro de Berlin, à laquelle il
demande de l’adapter à son Nikon F. Inventeur du prisme en photographie, il a
notamment fait une série sur Paris. Il est
représenté au M.O.M.A. de New York et
au Center for Creative Photography de
Tucson.
M.C.
182
DUPAIN Max
photographe australien
(Sydney 1911)
Membre de la Photographic Society of
New South Wales à partir de 1929, il expose dès 1930, année où il entre dans l’atelier de C.W. Bostock* pour faire son apprentissage. Quatre ans plus tard, il ouvre
son atelier. Ses premiers travaux sont pictorialistes. Dans les années 1930, l’artiste
se tourne vers des sujets industriels, tels
des silos, et change radicalement de style :
une lumière crue qui découpe brutalement
les formes. Influencé par le mouvement
allemand de la Nouvelle Objectivité, il rejette les sujets romantiques pour se tourner vers la vie contemporaine, l’ère de la
machine. Pendant cette période, il est l’un
des pionniers de la photographie moderne
australienne. Comme H. Cazneaux*, il
publie ses travaux dans The Home et, en
1935, dans Art in Australia. Beaucoup de
ses clichés commerciaux montrent son
admiration pour les photographes européens contemporains tels que Man Ray*,
ainsi que pour le mouvement surréaliste.
Il participe à la création du Contemporary
Camera Groupe en 1938, en réaction à la
domination du pictorialisme* en Australie. Pendant la Seconde Guerre mondiale,
il sert comme photographe dans une unité
de camouflage. Puis, en 1945, il travaille
pour le département d’Information sur un
projet de promotion de l’Australie. Ses clichés montrent l’influence du mouvement
documentaire (The Meat Queue, 1946,
Canberra, NG). En 1947, il s’associe avec
les graveurs Hartland et Hyde, décide de se
concentrer sur la photographie d’architecture et industrielle, et met fin à sa carrière
de photographe commercial. En 1954, il
est membre du groupe Six Photographers.
À partir des années 1960, son travail sur
l’architecture devient plus abstrait. En
downloadModeText.vue.download 183 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
183
1975 a lieu sa première grande exposition individuelle à l’Australian Center for
Photography. Dupain est affilié au Royal
Australian Institute of Architects. Il est
notamment représenté à Sydney, N.G. of
New South Wales, et à Canberra, N.G.
M.C.
DURANDELLE Louis-Émile
photographe français
(Verdun 1839 - Bois-Colombes 1917)
Associé à Hyacinthe César Delmaet (18281862), avec qui il possède un atelier à
Paris, Durandelle épouse, à la mort de ce
dernier, sa femme, Clémence Jacob : certaines oeuvres sont signées des deux noms,
bien qu’il soit le plus souvent mentionné
seul. L’atelier est spécialisé dans la photographie d’architecture et la reproduction
d’oeuvres d’art, et reçoit des récompenses
aux Expositions universelles de 1878 et
de 1889. Photographe professionnel travaillant uniquement sur commande, Durandelle fixe quelques-unes des grandes
réalisations architecturales du second Empire et de la IIIe République : la construction de l’Opéra de Paris (1865-1872), de
l’Hôtel-Dieu (1868), de la Bibliothèque
nationale (1876-1880), du Sacré-Coeur de
Montmartre (1877-1890), de la tour Eiffel (1887-1889), la restauration du MontSaint-Michel (1874-1876), les fouilles archéologiques du Louvre (1882-1884). On
peut aussi mentionner des vues d’hôtels
particuliers, de villas, d’usines et autres
chantiers privés. Il abandonne la photographie en 1890, et son atelier est repris
par son assistant Chevojon.
Durandelle nous laisse un témoignage exceptionnel sur les méthodes de construction, et particulièrement sur l’essor de
l’architecture métallique. Dans ces images
dont le sujet lui est imposé, en plus de son
habileté technique, il fait preuve d’une
grande sensibilité aux lignes de l’architecture, nous livrant souvent des images à
la beauté abstraite, sans aucune présence
humaine, et que, au-delà de leur fonction
primitive, nous découvrons comme des
oeuvres d’art à part entière.
S.A.
DURIEU Jean Louis Marie Eugène
juriste et photographe français
(Nîmes 1800 - Paris 1874)
Durieu sert le gouvernement pendant la période mouvementée qui précède le second
Empire. Il réalise vers 1845 des vues astronomiques avec le baron Gros*. Chef de la
section administrative des communes au
ministère de l’Intérieur, inspecteur général
des hospices et des établissements d’utilité
publique, il contribue en 1847 à la création
du corps des architectes diocésains. Directeur général de l’administration des cultes,
membre de la Commission des monuments historiques avec Prosper Mérimée
et Charles Blanc, il est chargé de constituer
un vaste inventaire des ruines antiques et
médiévales des monuments de la France.
Membre fondateur de la Société héliographique et adepte du calotype* depuis 1848,
il réalise en 1853 des photographies de
modèles pour le compte du peintre Eugène
Delacroix. Il est aussi membre fondateur
de la Société française de photographie*
(S.F.P.) et président de son conseil d’administration. Il écrit en 1855 un rapport sur
la participation de la Société à l’Exposition
universelle. La même année, il engage avec
Paul Périer, vice-président de la S.F.P., un
important débat autour de la légitimité artistique de la photographie. Il s’oppose, au
nom de la spécificité photographique, seul
critère de l’art photographique, à l’emploi
de la retouche encouragé par Périer dans le
but de faire accepter la photographie dans
le domaine des beaux-arts.
V.L.
downloadModeText.vue.download 184 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
184
DUVAL Rémy
photographe français
(Rouen 1907 - Paris 1984)
Duval apprend la photographie dès
1924. Bien que travaillant dans l’atelier de
L. Albin-Guillot* en 1930, il se dégage rapidement des tendances pictorialistes pour
réaliser des photographies dans le style de
la Nouvelle Vision. C. Peignot* ainsi que
le galeriste Vorms le remarquent en 1935,
lors d’un concours de photo. En 1936, Duval publie 26 Nus et, deux ans plus tard,
il expose une « série de roses » à la galerie Montaigne. La même année, il commence à photographier les peintres dans
leur atelier. Duval est aussi critique photographique à Arts et Métiers graphiques
et à Photo-Ciné-Graphie. Pour gagner sa
vie, il est photographe de plateau et, après
la guerre, photographe de mode (Vogue*,
Harper’s Bazaar*, Fémina). Il commence
alors à se désintéresser de la photographie,
puis l’abandonne définitivement en 1953
pour se consacrer à la peinture. Son oeuvre
est présente dans l’exposition la Nouvelle
Photographie en France 1919-1939 de Poi-
tiers en 1986.
E.E.
downloadModeText.vue.download 185 sur 634
downloadModeText.vue.download 186 sur 634
186
E
EAKINS Thomas
peintre américain
(Philadelphie 1844 - id. 1916)
Il entre comme étudiant à la Pennsylvania
Academy of Fine Arts et suit également
des cours d’anatomie au Jefferson Medical College. Après des études à l’École
des beaux-arts de Paris dans l’atelier du
peintre Gérôme, Eakins revient dans sa
ville natale, Philadelphie, où il devient
professeur à la Pennsylvania Academy
of Fine Arts en 1876, puis directeur en
1882. Dès le début de sa carrière, il utilise des photographies de professionnels
comme documents pour l’exécution de
ses toiles réalistes comme The Gross Clinic, puis, vers 1880, il acquiert un appareil
photographique 4 × 5 pouces, avec lequel
il réalise de nombreux instantanés* de sa
famille ou de ses étudiants, parfois mis en
scène en costumes grecs ou nus, qui lui
servent de base à la composition de ses
aquarelles, peintures et sculptures. Son
intérêt pour l’étude anatomique l’incite à
utiliser la photographie pour son propre
travail ainsi que dans son enseignement.
Un ensemble de planches, couramment
intitulé The Naked Series, représente ses
étudiants nus dans des séquences de sept
poses standardisées, dont il monte les
épreuves obtenues sur un carton qu’il annote, afin d’effectuer des études comparatives de postures. En 1884, il étend ses
recherches aux mouvements du corps et
collabore avec E. Muybridge*, venu poursuivre ses travaux à l’université de Pennsylvanie. Toutefois, Eakins préfère utiliser
la chronophotographie*, selon la méthode
de É.-J. Marey*, qui permet de représenter les différentes phases du mouvement
sur une seule plaque. Il met au point un
appareil, dérivé de celui du savant français, et réalise des épreuves décomposant jusqu’à treize phases du mouvement
d’hommes sautant ou courant. Il est également l’auteur de nombreux portraits,
dont une série consacrée au poète Walt
Whitman à partir de 1887.
C.S.
downloadModeText.vue.download 187 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
187
EASTMAN George
inventeur et fabricant américain
(Watterville 1854 - Rochester 1934)
D’abord comptable, Eastman se lance en
1880 dans la fabrication et le commerce de
plaques sèches. En 1888, il commercialise
son invention, le Kodak, premier appareil à
main en forme de boîte muni d’un rouleau
de film permettant de prendre 100 vues.
La grande nouveauté est la prise en charge
du développement et du tirage par la compagnie (la Eastman Dry Company, fondée
en 1881). Avec ce premier « instantané* »,
Eastman favorise l’essor de la photographie d’amateur et donne naissance à la
véritable industrie photographique. Rapidement, deux perfectionnements suivent,
rendant mondiale la notoriété de Kodak :
l’émulsion Celluloïd (1889) et le papier
noir protecteur (1894). En 1892, Eastman
fonde l’Eastman Kodak Company et se
consacre à la fabrication d’appareils encore
plus maniables, comme le Brownie, commercialisé en 1900.
F.H.
EDGERTON Harold E.
photographe scientifique américain
(Fremont, Nebraska, 1903 - 1990)
Cet ingénieur en électronique, diplômé
de l’université du Nebraska en 1925, s’est
très tôt initié à la photographie. En 1926,
il entre à la General Electric Company et
poursuit ses études au Massachusetts Institute of Technology (1926-1927). Nommé
professeur en 1928, il y mène l’essentiel de
ses recherches. En 1931, il met au point le
procédé stroboscopique : une émission de
plusieurs centaines d’éclairs électroniques
par seconde. Combiné à la photographie,
ce système révèle des mouvements non
perceptibles par l’oeil. Edgerton invente ensuite une méthode d’éclairage ultrarapide,
qui, en un seul éclair de flash* électronique
de quelques fractions de millionième de
seconde, lui permet de photographier
l’impact d’un pied dans un ballon (1934),
l’écrasement d’une balle de tennis dans une
raquette (1935), la chute d’une goutte de
lait (1936) ou encore une balle traversant
une pomme (1954). En 1938, il travaille
plus particulièrement avec des athlètes
et décompose leurs mouvements. Ses
recherches sont publiées dans des revues
scientifiques et photographiques. Ce pionnier reçoit de nombreux prix et ses découvertes trouvent des applications dans de
nombreux autres domaines. Par la beauté
et la force spectaculaire de ses images, son
oeuvre s’inscrit dans le prolongement de
celles de E. Muybridge* et de E.-J. Marey*,
c’est le sens de la grande rétrospective que
lui a consacrée l’International Center of
Photography de New York en 1987. Ses
photographies sont présentes dans les collections de nombreux musées, aux ÉtatsUnis, notamment à Rochester (George
Eastman House) et en Europe, à Londres
(British Museum) et à Paris (Bibliothèque
nationale).
A.M.
EFFET PHOTOGRAPHIQUE
Réaction particulière d’une couche photosensible, dans certaines conditions d’exposition* ou de développement*.
Les principales anomalies présentées par
les couches sensibles lors de leurs transformations sont :
l’effet Becquerel : il entraîne le renforcement d’une image ;
l’effet Cailler : dans un agrandissement,
une lumière dirigée donne un contraste
plus élevé qu’une lumière diffuse ;
l’effet Clayden : une forte surexposition
peut se traduire par une inversion des
valeurs ;
downloadModeText.vue.download 188 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
188
l’effet Herschel : une légère lumination*
peut donner lieu à une sensibilisation
à une lumière inactinique de longueur
d’onde plus élevée ;
l’effet Russell : des émanations de corps qui
s’oxydent lentement à l’air provoquent un
voilage des couches sensibles qui leur sont
exposées ;
l’effet Sabbatier : il consiste en la sensibilisation d’une émulsion par une légère
exposition préalable en lumière blanche ;
c’est cet effet que l’on utilise pour la
solarisation* ;
l’effet Schwarzschild : il traduit la non-réciprocité des effets de noircissements qui ne
sont pas en rapport linéaire avec la lumination ; cet effet entraîne des écarts à loi
de réciprocité*.
S.R.
EGGLESTON William
photographe américain
(Memphis 1939)
Son intérêt pour la photographie se révèle pendant ses études à la Vanderbilt
University en 1962, où il découvre le travail de H. Cartier-Bresson*. Depuis 1963,
Eggleston travaille comme photographe
indépendant à Memphis et à Washington.
En 1966, il se tourne vers la couleur* pour
exprimer le malaise, l’ennui de la vie provinciale : il dresse un « inventaire » de personnages, d’objets, d’architectures de la vie
quotidienne dans le Tennessee (Memphis,
1971, New York, M.O.M.A.). J. Szarkowski* le qualifie d’inventeur de la photographie couleur.
Sa première exposition personnelle a lieu
en 1974 à la Jefferson Place Gallery, à
Washington, mais son travail en couleur
ne sera présenté qu’en 1976 au M.O.M.A.,
à New York.
Ses travaux se trouvent dans les collections des grands musées américains,
notamment à New York (M.O.M.A.) à
la Corcoran Gallery of Art, à Washington, à la Brooks Memorial Art Gallery, à
Memphis et au Museum of Fine Arts de
Houston.
M.C.
EICKEMEYER Jr. Rudolf
photographe américain
(Yonkers, New York, 1862 - id. 1932)
Fils d’un fabricant de machines, Eickemeyer débute comme dessinateur dans
l’entreprise familiale. C’est en 1884 qu’il
découvre la photographie et achète son
premier appareil. À la mort de son père,
en 1895, il devient photographe et s’installe avec James Lee Breese au Carbon
Studio, à New York. La même année, il est
élu membre du Linked Ring* et rencontre
le cercle des amateurs photographes.
Avec A. Stieglitz*, Charles I. Berg, Emma
Farnsworth ou bien encore Eugene Lee
Fergusson, tous originaires du nord-ouest
des États-Unis, Eickemeyer appartient à
la toute première génération des pictorialistes américains. Présent dans les Salons
européens, à Hambourg, Paris, Londres,
Eickemeyer jouit également d’une certaine notoriété en Amérique, comme en
témoigne son exposition personnelle au
Camera Club de New York, en janvier
1900. À cette date, il devient directeur
artistique au Campbell Art Studio de New
York et expose régulièrement au Salon de
Philadelphie.
Mais, alors que Stieglitz s’engage avec une
nouvelle génération de photographes vers
la création de la Photo-Sécession*, Eickemeyer disparaît peu à peu de l’avantgarde new-yorkaise, et préfère participer,
en 1904, au Salon d’art photographique
organisé par Curtis Bell, en opposition à la
Photo-Sécession.
downloadModeText.vue.download 189 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
189
Toutefois, ses épreuves, reproduites dans
Camera Work*, montrent son goût pour
les paysages et surtout pour les scènes
intimistes, où l’on note l’influence du japonisme. En 1929-1930, l’artiste donne l’intégralité de sa collection à la Smithsonian
Institute.
M.P.
EISENSTAEDT Alfred
photographe américain
(Dirschau, Pologne, 1898 - Martha’s
Vineyard, Massachussets, 1995)
Surnommé « le père du photojournalisme* », qu’il a pratiqué à travers le monde
pendant 60 ans, en Allemagne d’abord,
comme associé de presse avec l’agence Pacific &amp; Atlantic (1929-1935) puis pour
Life* aux États-Unis, pour lequel il réalise
92 couvertures et 1 800 reportages. Eisenstaedt s’installe à Berlin avec sa famille en
1906. En 1926, il s’initie à « l’oléobromie* ».
Dès 1933, il s’intéresse à la montée de l’hitlérisme et, en 1935, critique à l’égard du
IIIe Reich, quitte Berlin pour New York et
se joint à l’équipe qui prépare le lancement
du magazine Life. Cette même année, il
assiste aux préparatifs de la guerre italoéthiopienne, qu’il suit ensuite pour le magazine américain (Soldat éthiopien, 1935,
New York, coll. Life Magazine). Grand
reporter, il a suivi toute l’actualité de ce
siècle : célébrités du monde artistique et
culturel, du monde politique, conflits armés etc. Son premier livre, Witness to our
Time, est paru en 1966. Eisenstaedt a reçu
de nombreux prix, dont, en 1971, le prix
Joseph A. Sprague de la National Press
Photographers Association. Ses photographies sont notamment représentées en
Grande-Bretagne, à Bath (Royal Photographic Society).
M.C.
ELETA Sandra
photographe panaméenne
(Panamá 1942)
Après des études secondaires à Panamá,
où elle pratique la photographie dès son
jeune âge, elle étudie de 1961 à 1964 à la
New School for Social Research à New
York, et au Finch College.
Elle séjourne en Espagne, où elle s’adonne
à la peinture. Conférencière au Metropolitan Museum, elle étudie la photographie
à l’ICP avec G. Tice*. En 1972-1973, elle
enseigne la photographie à l’université San
José, au Costa Rica, puis rentre à Panamá
pour devenir photographe indépendante.
De 1974 à 1976, elle collabore à des magazines latino-américains et commence à
réaliser un reportage sur les Noirs vivant
sur la côte atlantique de Panamá dans un
ancien port stratégique, Portobelo, qui
donne son titre au portfolio qu’elle achève
en 1980. Elle publie l’année suivante Solentiname, avec un texte écrit par Ernesto
Cardenal. Avec ses portraits sans arrièreplan, empreints d’élégance et de dignité,
elle saisit l’environnement invisible de ses
personnages. Ses images ont été présentées dans le monde entier (Zurich, Paris,
Berlin, Londres, Mexico, Caracas).
V.E.
ELK Ger Van
artiste néerlandais
(Amsterdam 1941)
Après avoir suivi les cours de l’Institut
d’art appliqué d’Amsterdam (1959-1961)
et étudié l’histoire de l’art à l’Immaculate
Heart College de Los Angeles (1961-1963)
et à l’université d’État de Groningen (19651966), Van Elk adopte une démarche
artistique proche du courant conceptuel,
auquel il apporte un regard ironique, voire
ludique, dans des oeuvres multimédias où
downloadModeText.vue.download 190 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
190
les grands genres de la peinture occidentale (portrait, nature morte, paysage...)
sont cités et convoqués pour dresser une
analyse des relations entre réalité, art et
reproduction. La photographie dialogue
ainsi en trompe-l’oeil avec la peinture*,
comme si elle était à la fois nécessairement
constitutive du processus de représentation en jeu dans la peinture et détentrice
d’un pouvoir de démystification envers ce
propre mimétisme. Ce propos est développé de façon explicite dans une oeuvre
de 1972 intitulée la Réalité de G. Morandi,
où la reproduction d’une nature morte de
l’artiste italien est associée à une photographie de Van Elk dont la composition hiératique reprend les assemblages simplifiés de
Morandi en y introduisant discrètement
des objets incongrus (pinceaux, encrier,
lunettes) pour mieux détourner l’ambition
métaphysique du peintre. Parfois, la photographie est utilisée seule pour interroger nos habitudes visuelles et culturelles.
Dans la Symétrie de la diplomatie (19711972), l’artiste utilise le modèle convenu
et stéréotypé de la photographie de presse
diplomatique pour se mettre lui-même en
scène en mimant la pause d’un chef d’État
conversant avec un personnage invisible
sur l’image. Ces recherches trouveront un
écho quelques années plus tard dans la
série Personnes absentes (1976), où, installées dans des salons raffinés, plusieurs
personnes conversent avec un interlocuteur qui n’apparaît pas dans le champ de
la prise de vue. On retrouve ainsi, toujours
en filigrane, cette même stratégie du déplacement, du décentrage ou du détournement d’une oeuvre foncièrement ironique,
qui fit l’objet d’une rétrospective au Centre
Georges-Pompidou en 1980-1981.
P.L.R.
ELSKEN Ed (Edward Van Der, dit)
photographe hollandais
(Amsterdam 1925 - Edam 1990)
Il étudie la photographie et le dessin à
Amsterdam et, après la guerre, fait son apprentissage dans un laboratoire. En 1947,
il devient photographe indépendant et
débarque sans ressource à Paris en 1950.
Il vit un temps dehors, photographie les
clochards, puis la jeune génération, dans
les rues, les cafés du quartier de SaintGermain-des-Prés. Il choisit de suivre une
jeune chanteuse dans sa vie quotidienne.
Publié en quatre langues en 1954, Love
on the Left Bank, mêlant documentaire et
fiction, lui vaut une réputation internationale. Ses tirages très durs accentuent
le caractère dramatique et romantique de
ses images. En 1955, après une exposition
à l’Art Institute de Chicago, il retourne en
Hollande et s’établit à Edam. À Amsterdam ou ailleurs dans le monde, il photographie essentiellement les gens et traduit
le quotidien avec des images fortes. En
1956, il séjourne plusieurs mois dans une
tribu d’Afrique équatoriale, et fait paraître
Bagara en 1959. Publié la même année,
Jazz rassemble des visages, des expressions
de musiciens dans des effets d’ombre et de
lumière toujours très contrastés. Sweet
Life (1963) paraît à l’issue d’un voyage de
14 mois autour du monde. Il surveille toujours de près la mise en page de ses livres
et n’admet aucune concession. Il réalise
depuis 1959, principalement pour la télévision, des reportages au ton très dur, dans
le même esprit que ses images.
Dans les années 1970, il publie plusieurs
livres sur Amsterdam, et ses derniers travaux menés depuis le début des années
1980 s’intéressent plus particulièrement à
la nature.
A.M.
downloadModeText.vue.download 191 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
191
EMERSON Peter Henry
photographe britannique
(Cuba 1856 - Falmouth Cornwall 1936)
Il passe son enfance aux États-Unis. En
1869, il s’installe en Grande-Bretagne, où
il reçoit une éducation scientifique (médecine et sciences naturelles) à Londres et à
Cambridge. Il débute la photographie en
1882.
Parmi les premiers à concevoir la photographie d’amateur comme une forme
d’art adaptée à représenter la nature,
Emerson produit des images sur la vie rurale de l’East Anglia et réalise entre 1886
et 1895 une série de livres illustrés, dont
Life and Landscape on the Norfolk Broads
(1886), en collaboration avec le peintre
naturaliste T.F. Goodal, puis Idylls of the
Norfolk Broads (1888), Wild Life on a
Tidal Water (1890), Marsh Leaves (1895).
Fondateur de l’« école naturaliste », il publie en 1889 Naturalistic Photography for
Students of the Art. Ses écrits théoriques
et polémiques le situent en adversaire de
H.P. Robinson*.
Proche de l’esthétique de peintres comme
Millet, Bastien-Lepage ou de celle du New
English Art Club, son style est néanmoins
plus marqué par l’impressionnisme. Novateur dans ses cadrages et dans les graduations de tons, il exclut la pratique de
manipulation au tirage. Bien qu’il renonce
à sa théorie première en publiant en 1890
The Death of Naturalistic Photography, il
poursuit son oeuvre photographique, qui
l’érigé en précurseur et père spirituel du
mouvement pictorialiste qui se développe
au tournant du siècle, en Europe et aux
États-Unis. Il lègue un acquis technique
dans le domaine de l’exploitation du tirage
sur papier au platine ainsi que dans celui
de la photogravure.
C.B.
ÉMULSION
Couche très mince, sensible à la lumière,
coulée sur un support (film*, papier*, etc.
– l’ensemble forme la surface* sensible) et
constituée de cristaux d’halogénures d’argent en suspension dans un liant.
S.R.
ÉPREUVE
Image obtenue sur support opaque par
le tirage* d’après un phototype. On peut
tirer des épreuves photographiques par
contact* ou par agrandissement*.
S.R.
EREMINE Georgui
photographe russe
(1881 - 1940)
Il part à Moscou en 1901 pour faire ses
études à l’École de peinture, sculpture et
architecture. Il commence à voyager à
travers la Russie et l’Europe de l’Ouest.
Passionné par le pictorialisme*, il utilise
un objectif à effet de flou et se spécialise
dans les procédés de tirages à la gomme*
bichromatée et au platine. Son goût pour
le paysage lui fait parcourir l’Union soviétique et particulièrement les régions
du Caucase, la Crimée et l’Ouzbékistan,
Boukhara et Samarkand étant ses villes de
prédilection. Il participe, dans les années
1920, à des expositions internationales
de photographie à travers toute l’Europe.
Ses sujets préférés, qu’il réalise de 1915 à
1925 et pour lesquels il remporte de nombreuses récompenses, représentent des
paysages marins, des couchers de soleil et
des nus en extérieur comme les fameux
Nus dans le paysage. On l’accuse, au début
des années 1930, de formalisme. Obligé de
revoir ses positions, il opte, à partir de ce
moment, pour une carrière de reporterdownloadModeText.vue.download 192 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
192
correspondant des journaux les Izvestia,
Ogonek et Smend, et collabore à l’U.R.S.S.
en construction.
V.E.
ERFURTH Hugo
photographe allemand
(Halle 1874 - Gaienhofen 1948)
L’école de commerce et l’école des beauxarts de Dresde sont les lieux d’étude de Erfurth. Sa formation dans l’atelier du photographe Höffert est déterminante. Il obtient
sa première récompense au Salon de photographie, à Erfurt, en 1894. Son activité
photographique débute et grandit en plein
mouvement pictorialiste* et il expérimente
les procédés à la gomme* bichromatée. Il
reprend l’atelier d’un important photographe professionnel de Dresde, sans pour
autant rompre ses liens avec les associa-
tions qui sont le moteur de ce mouvement
artistique. Jusqu’à la Première Guerre
mondiale, il multiplie les expositions et
développe son atelier et, en 1908, il devient
membre de la Deutsche Werkbund. Les
écrivains, les artistes, la grande bourgeoisie et la noblesse sont les sujets des portraits qui font sa réputation : Walter Gropius, Kandinsky, Chagall ont posé pour
lui. À partir de 1918, son atelier devient
un lieu de rencontre de jeunes artistes,
photographes ou autres, et il se lie d’amitié avec Otto Dix, avec qui il exposera des
portraits. Erfurth est un photographe pictorialiste estimé par les avant-gardes, car
il allie une stylisation rigoureuse à un effet
de matière. En 1934, il ouvre un atelier à
Cologne et étend ses activités. Auteur de
nombreux articles, il est aussi enseignant
à l’académie de Leipzig pour les arts graphiques et l’industrie du livre. En 1943, à
cause des bombardements qui détruisent
son atelier et ses archives, il quitte Cologne
et s’installe à Gaienhofen, sur les bords du
lac de Constance, où il s’éteint le 14 février
1948. Ses photographies sont présentes
dans les collections de nombreux musées,
notamment en Allemagne, à Cologne
(Museum Ludwig) et à Essen (Museum
Folkwang), en France (musée d’Orsay) et
aux États-Unis à Rochester (George Eastman House).
S.M.
ERMAKOV Dimitri
photographe russe
(Tiflis 1845 - 1916)
Ermakov naît en Géorgie de parents musicien et architecte. Après des études à
l’École militaire de topographie, il s’engage
pendant la guerre russo-turque comme
photographe avec le commandement des
troupes caucasiennes. En 1870, il ouvre
un studio de photographie rue Dvoryanskaïa, à Tiflis. Entre 1870 et 1915, il voyage
à travers la Perse, la côte sud de la Crimée,
l’Asie centrale et la partie nord du Caucase.
Il s’intéresse à de nouveaux procédés de
développement au collodion*, permettant
la multiplication des images sans perte de
précision. Il projette de créer un laboratoire
mobile et fait des recherches en ce sens. Il
publie un album de photographies sur les
régions montagneuses inaccessibles de
Svanetia, puis deux catalogues commentés, Vues photographiques et personnages
du Caucase, Perse, Turquie européenne et
asiatique. Il réalisera au cours de sa carrière 127 albums et 25 556 négatifs. De
nombreuses récompenses lui sont décernées à l’occasion de l’exposition de la Société française de photographie (1874) et
de l’Exposition anthropologique de Moscou (1878) ainsi qu’en Iran, en Turquie et
même en Italie. Il est nommé Photographe
de S.M. le chah d’Iran, puis membre honoraire de la section caucasienne de la
Société archéologique de Moscou. Très
downloadModeText.vue.download 193 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
193
actif dans la Société d’encouragement des
beaux-arts de Tiflis, honoré par sa ville, il
en était citoyen d’honneur à la fin de sa vie.
V.E.
ÉROTISME ET
PORNOGRAPHIE
Dès ses débuts, la photographie est apparue, face au dessin, à la gravure et à la
peinture, comme un moyen nouveau de
circonscrire, d’investir et d’arpenter les
corps, de troubler leur intimité. Avec elle
s’est établi dès le milieu du XIXe siècle un
rapport inédit à la chair et au sexe : une
proximité bouleversante. Les limites religieuses, morales et sociales de l’indécence
se sont aujourd’hui déplacées, jusqu’à faire
voler en éclats l’ancien ghetto de la « photographie licencieuse ». La chair et le sexe
sont sortis de la clandestinité pour envahir les kiosques, les murs de la cité et les
écrans de cinéma et de télévision. Auparavant artisanales, souvent artistiques,
et toujours confidentielles, les images du
sexe s’industrialisent désormais, se démocratisent et changent vite, très vite :
en quantité, en qualité, en intensité et en
variété. Ce qui rend les distinctions parfois délicates et toujours provisoires entre
les photographies érotiques et pornographiques. Dans la photographie érotique, le
sexe est présent sans jamais être omniprésent, ni même toujours visible. Les images
exhibent moins qu’elles n’évoquent. La
« monstration » le cède à la suggestion, la
description à l’évocation. Pas de photographie érotique sans effets esthétiques, voire
ludiques. La métonymie, qui désigne le
tout par l’un de ses éléments, est la figure
rhétorique par excellence de l’érotisme.
Avec elle, le sexe est moins objet visuel que
mental, c’est-à-dire sacrifié au profit d’objets partiels (au sens freudien du terme).
De ce déplacement naît une tension qui
relance le désir et l’imaginaire.
Dans la photographie pornographique, au
contraire, tout est offert d’emblée, sans détour, sans voile ni mystère. Plus de douce
incertitude, plus de trouble, seulement
une mécanique du plaisir. L’imaginaire et
le rêve échouent sur la triviale apparence,
sur l’excessive proximité, sur l’abolition de
la distance. Parce qu’elle montre, décrit,
exhibe sans précaution, avec une prodigalité inouïe de détails, dans une surenchère
dramaturgique d’actes, la photographie
pornographique précède et annule le désir.
Elle transforme le sexe en objet ordinaire
et banal, en accessoire des performances
charnelles et des mises en scène d’un improbable plaisir.
Les négligences formelles qui affectent
souvent les épreuves ne sont pas contingentes, mais essentielles à la pornographie.
Les cadrages hâtifs, les éclairages plats
ou les ombres disgracieuses, les mises
au point approximatives et les décors
minables transgressent les valeurs esthétiques comme les scènes figurées le font
des valeurs morales. L’indécence de ce qui
est montré va de pair avec l’indigence formelle des scènes, des corps et des images.
Une indigence constitutive de l’indécence.
Car la pornographie a partie liée avec l’animalité, le monstrueux, le sale, le trivial,
l’obscène : avec la souillure et l’informe,
dirait Georges Bataille. D’autres évoqueraient le mal et le péché. L’écriture photographique est minimale, comme pour faire
oublier que les images pornographiques
ne sont que des images : des fictions, non
pas la réalité. Comme si la moindre velléité formelle devait contrarier la frénésie
de voir. Tout voir, sans voile aucun, pas
même celui de l’esthétique. Voir ce que la
réalité ne permet pas de voir, ni de faire.
Si l’érotisme se distingue fondamentalement de la pornographie, la frontière qui
downloadModeText.vue.download 194 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
194
les sépare est imprécise. Car son tracé ne
relève pas seulement de la nature et du
fonctionnement des images, mais de leur
réception. Frontière entre l’admissible et
l’inadmissible, elle fluctue selon les civilisations, l’époque, l’état des moeurs, et selon
les individus. La pornographie désigne un
ensemble de représentations sacrilèges,
transgressives et finalement païennes du
sexe. Elle est une figure de l’intolérable, un
territoire balisé socialement, mais délimité
par chacun. Elle suscite tout à la fois hostilité, dégoût et curiosité.
A.R.
ERWITT Elliot
(Elio Romano Erwitz, dit)
photographe américain d’origine russe
(Paris 1928)
Fils d’émigrés russes, Erwitt vit ses dix
premières années en Italie. La famille
s’installe en 1940 à Los Angeles. À 15 ans,
il est tireur* dans un laboratoire et ouvre
bientôt un studio de portraits. Un jour, il
voit une photographie de H. Cartier-Bresson* : « C’est une révélation. » Il quitte la
Californie pour New York, où il rencontre
R. Capa* et E. Steichen*. Ce dernier lui
trouve ses premières commandes pour la
publicité, activité commerciale que le photographe poursuivra toute sa vie. Le service militaire – il est assistant photographe
dans l’Army Signal Corps – le fait voyager
en Allemagne et en France (1951-1953).
Là, il retrouve Capa, qui le fait entrer à
l’agence Magnum* en 1953. Il sera élu président de Magnum en 1966. « Faire rire
et pleurer, dit-il [...] je reconnais que c’est
là le but suprême. » Là est l’art d’Erwitt.
Au-delà de la simplicité apparente de son
propos plein d’humour – la rue, la plage,
une cérémonie –, il faut y voir les failles
et les incertitudes de la réalité. Son regard,
amusé mais lucide, capte et accuse, dans
un cadrage rigoureux, le ridicule de la
« comédie humaine » qui se joue. La série sur les chiens (Son of Bitch, New York,
1974) prend une dimension anthropomorphique. À la fin des années 1960, il réalise
de nombreux films de reportage pour la
télévision américaine sur les majorettes, la
country music, le vitrail, Dustin Hoffman,
Arthur Penn. Les photographies d’Erwitt
sont principalement conservées à New
York (M.O.M.A.) et à l’Institut of Art de
Chicago.
S.Ro.
ESCLUSA Manel
photographe espagnol
(Vic 1952)
De 1966 à 1972, il travaille dans l’atelier
photographique de son père. En 1974,
l’obtention d’une bourse lui permet de
participer activement aux 5es Rencontres
d’Arles. Dès l’année suivante, il enseigne
à l’Atelier photographique de Barcelone
(1975-1976), puis à l’École Nikon (19791980) et au Centre international de photographie de Barcelone (1980-1982).
Cofondateur avec J. Fontcuberta-Villa et
T. Catany* du groupe Alabern (1976), il
consacre, dans un premier temps, une part
importante de son travail à la réalisation
de nombreux clichés de mode, notamment
pour la revue Y Moda. Sa première série,
largement héritière de la tradition surréaliste catalane, traite du thème mythique de
la maternité (Gits, Ahucs, 1974) en installant des personnages nus sur des rochers
qui semblent naître de la mer refluée
contre la pierre. Le motif du nu en osmose
avec la nature se retrouve la même année
dans une série intitulée Desnudos, mais
aussi dans les femmes-oiseaux de la série
Aus. Après avoir interrogé les puissances
du regard dans une suite de portraits de
femmes aux yeux bandés (Els Ulls aturats,
downloadModeText.vue.download 195 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
195
1977-1978), Esclusa réalise en 1983 une
série consacrée aux bateaux ancrés dans
le port de la ville de Barcelone (Naus). Ses
travaux plus récents exploitent l’aspect
pictural de la photographie avec une série
d’images en noir et blanc cirées et partiellement rehaussées en couleur (Aquariana,
1986), mais ils introduisent aussi le mouvement comme donnée à part entière du
langage photographique. Ces oeuvres sont
présentes dans plusieurs collections européennes. En France, l’artiste est représenté
à la Bibliothèque nationale (Paris) ainsi
qu’au musée Réattu (Arles).
P.L.R.
ETHNOGRAPHIE ET
PHOTOGRAPHIE
Depuis sa découverte, la photographie est
utilisée pour enregistrer nos moeurs et nos
coutumes. Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, elle devient un instrument de travail pour les ethnologues, au
moment même où ceux-ci élaborent des
critères scientifiques afin de rationaliser
l’interprétation des données anthropologiques et sociales. Ainsi, la photographie
s’impose rapidement comme un document d’étude incontournable. Essentiellement fruit d’un travail sur le terrain, elle
est considérée comme une transcription
directe et objective de la réalité de l’autre.
Ces documents constituent la matière première d’analyses qui permettent de « comprendre » l’indigène ou l’étranger. À ce titre,
ils entrent dans les collections des universités, musées et sociétés savantes. Parallèlement, plusieurs grands photographes,
comme Robert Flaherty ou E. Curtis*,
s’intéressent à des sujets ethnologiques. En
même temps, l’exotisme et l’intérêt politico-économique se mêlent à la quête du
savoir. La photographie témoigne alors de
l’étrange, de l’exploit ou des bienfaits de la
colonisation. Albert Kahn entreprend de
constituer les « archives de la planète » et
les gouvernements financent expéditions
et expositions coloniales. Avec la généralisation de la pratique photographique,
maints voyageurs rapportent des images
qui s’avèrent être d’une grande valeur ethnographique. Bientôt, grâce au développement des moyens de reproduction dans
les premières décennies du XXe siècle, des
témoignages d’autres cultures sont diffusés
dans les périodiques et les livres illustrés,
confirmant ainsi l’autorité de l’image en
la matière. Par ce moyen, les grands chercheurs révèlent les bases de leur travail.
Bronislaw Malinowski illustre Argonauts
of the Western Pacific (Londres, 1922)
avec 65 de ses propres photographies, et
The Sexual Life of Savages in North Western Melanesia (Londres, 1929) reproduit
92 clichés. Il y a une floraison de revues
et de publications grand public comme
le magazine Visages du monde ou le livre
Races (Paris, 1931). Certaines parties du
globe semblent faire l’objet d’une attention
particulière. En 1934, Gallimard publie
106 photographies faites par R. Parry* en
Océanie sous le titre Tahiti ; les vues de
Gregor Krause dans Bali, la population, le
pays, les danses, les fêtes, les temples, l’art
(Paris, 1930) font découvrir cette île, dont
la culture est codifiée dans les 759 photographies réunies par Gregory Bateson
et Margaret Mead et reproduites dans
Balinese Character, A Photographic Analysis (New York, 1942). Dans l’entre-deuxguerres, sensibilisés par le développement
du photojournalisme et de la photographie
d’illustration, plusieurs chercheurs, photographes et instances officielles tournent
leur regard de l’extérieur à l’intérieur, c’està-dire vers les conditions de vie dans les
pays industrialisés, frappés par la crise.
Des exemples ne manquent pas : Eyes on
Russia de M. Bourke-White* (1931), La
downloadModeText.vue.download 196 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
196
France travaille de F. Kollar* (1932), et les
reportages de la Farm* Security Administration, qui ont donné naissance à An American Exodus : A Record of Human Erosion
de D. Lange* et Paul Taylor (1939) et à Let
us Now Praise Famous Men de W. Evans*
et James Agee (1941). Depuis la Seconde
Guerre mondiale, la photographie est toujours utilisée comme instrument de travail
par les ethnologues. Claude Lévi-Strauss
s’en sert pour faire avancer ses recherches,
tout en lui reconnaissant une dimension
imaginaire que le scientifique ne peut pas
toujours maîtriser. Beaucoup de photographes s’appliquent encore à fournir la
matière première. On peut citer S. Salgado*, qui représente le monde du travail, et
P. Verger*, qui illustre les rapports étroits
entre l’Afrique et le Brésil. D’une manière
générale, les documents photographiques
d’intérêt ethnographique font aujourd’hui
l’objet de lectures aussi diverses qu’il existe
de systèmes d’interprétation : freudien,
marxiste, psychanalytique, structuraliste,
sociologique, économique, politique,
écologiste, etc. Deux ouvrages récents
peuvent être mentionnés : Elizabeth Edwards, Anthropology &amp; Photography
1860-1920 (New Haven et Londres, 1992)
et le numéro spécial de la revue l’Ethnographie (no 109, printemps 1991), consacré à
la photographie.
T.M.G.
EUGENE Frank
(Frank Eugene Smith, dit)
photographe allemand
d’origine américaine
(New York 1865 - Munich 1936)
En 1886, Frank Eugene Smith arrive à
Munich en provenance de New York pour
suivre les cours de l’Académie des arts
plastiques. Tête de file de la photographie
américaine, membre fondateur de la Photo-Sécession* avec A. Stieglitz*, il passe
maître dans la manipulation de photographies « non photographiques ». Ses images
sont souvent publiées dans les luxueuses
revues pictorialistes* comme Camera
Club, Camera Notes ou Camera Works*. En
1906, il s’installe définitivement à Munich,
prend la nationalité allemande et change
son nom en Frank Eugène. Il acquiert
une grande réputation de photographe,
mais aussi de peintre « Art nouveau ».
Son activité artistique se double de celle
d’enseignant à l’Institut d’enseignement
et d’expérimentation de la photographie
à Munich, où son influence sur ses élèves
est souvent prépondérante. Ouvert aux
nouvelles techniques, il utilise, dès 1907, le
procédé autochrome*. La même année, il
organise à Munich un sommet pictorialiste
en réunissant A. Stieglitz, E. Steichen* et
H. Kühn* à un moment déterminant pour
le mouvement, qui est partagé entre les
thèses françaises et l’esprit nouveau venu
des États-Unis. C’est à partir de cette date
que les pictorialistes allemands, moins
enfermés dans les structures des clubs
d’amateurs, rejoignent définitivement les
thèses américaines. En 1913, l’Académie
royale des arts graphiques de Leipzig crée,
à son attention et pour la première fois,
une chaire de photographie pictorialiste.
Eugène est représenté notamment à New
York (Metropolitan Museum).
S.M.
EVANS Frederik Henry
photographe britannique
(Londres 1853 - 1943)
Libraire à Londres, à Queen Street Cheapside en 1880, c’est en photographiant au
microscope des coquillages qu’il commence à se passionner pour la photographie. La Photographic Society lui remet
une médaille en 1887 pour ses microphodownloadModeText.vue.download 197 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
197
tographies*, qui révèlent une grande rigueur de vision. Ami d’Aubrey Beardsley et
de G.B. Shaw*, Evans exécute leurs portraits, respectivement en 1894 et 1895. Il
réalise des vues des cathédrales de France
en 1896. Membre du Linked Ring* en
1900, il fait partie des plus brillants pictorialistes* anglais, et ses contacts avec les
États-Unis sont étroits. Il entreprend une
correspondance avec A. Stieglitz* à partir
de 1901, expose dans le studio de F.H. Day*,
à Boston, en 1903, et Stieglitz reproduit
ses oeuvres dans le premier numéro de
Camera Work*. En 1906, Evans expose à
« 291 ». Ennemi des manipulations chères
aux pictorialistes, il est un partisan de la
Straight Photography* et innove dans la
présentation des oeuvres. Il réalise pour le
journal Country Life des commandes, dont
la cathédrale de Westminster (1911). Les
images de cet amateur d’architecture et
de paysages purs échappent au reportage
documentaire. Evans abandonne la photographie en 1912 et, jusqu’en 1919, il réalise
des platinotypes pour des illustrations. En
1928, la Royal Photographic Society l’élit
membre d’honneur.
C.B.
EVANS Walker
photographe américain
(Saint Louis 1903 - New Haven 1975)
Après des études littéraires, notamment
en France, à la Sorbonne, en 1926, Evans
retourne aux États-Unis. La découverte
de la Femme aveugle de P. Strand* le bouleverse, et il décide de substituer la photographie à l’écriture. Dès ses débuts, en
1928, Evans se spécialise dans la description des réalités quotidiennes du monde
américain : architecture, affiches, graffiti,
à New York ou à Boston ; paysans, fermes
et outils en Pennsylvanie, en Alabama,
en Louisiane et en Géorgie, lors de ses
travaux pour la Farm* Security Administration, entre 1935 et 1938. Si Evans n’est
pas écrivain, il entretient avec la littérature des liens étroits : dans sa méthode,
il s’inspire de Gustave Flaubert – méthodologie scientifique, stricte et disciplinée,
qui, en photo, devient réalisme, naturalisme et objectivité de traitement – et se
veut le fils spirituel de Charles Baudelaire.
D’autre part, il publie lui-même de nombreux livres, notamment American Photographs, dans lequel il illustre un texte de
Lincoln Kirstein (1938) et Let’s Now Praise
Famous Men, accompagné de textes de
James Agee sur la vie quotidienne de fa-
milles du Sud (1941). Pour Evans, l’artiste
ne doit pas prendre ses sources dans les
musées, mais dans la vie, donc dans la
rue. En 1938, il commence sa fameuse série de portraits anonymes dans le métro
de New York, au moyen d’un appareil caché dans sa poche. Dès 1950, il photographie les paysages industriels américains.
Ses prises de vue « au jugé », comme ses
paysages pris à travers la fenêtre d’un
train en marche sont l’application de ses
théories sur la photographie : celle-ci est
inconsciente, instinctive ; la composition
est naturelle, ne se calcule pas. Bref, la
photographie est un don. Mais une bonne
photographie doit être lettrée et transcendante. Voir, connaître, comprendre et
restituer la nature même de l’objet photographié, tel est le devoir du photographe.
À la fois document et objet esthétique,
la photographie est un « style documentaire ». Entre 1943 et 1945, il écrit et
photographie pour Time, et, de 1945 à
1965, il travaille régulièrement pour Fortune. Puis il enseigne à l’université Yale.
Le M.O.M.A. de New York a organisé des
expositions sur l’oeuvre d’Evans en 1938,
1948, 1962, 1966 et 1971.
E.E.
downloadModeText.vue.download 198 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
198
EVERGON
photographe canadien
(Niagara Falls, Ontario, 1946)
Pendant l’été 1969, il apprend la photographie au Rochester Institute of Technology et privilégie les techniques artisanales comme le cyanotype* et la gomme
bichromatée*. De 1971 à 1973, il réalise
des portraits et des autoportraits qui
se présentent sous la forme de collages
composés de cyanotypes ornés de tissus, de plumes, d’emblèmes et de motifs
peints. Les modèles masculins nus que
nous montrent ces images, le corps en
légère torsion comme dans les représentations de saint Sébastien, où le plaisir se
confond avec la souffrance, traduisent un
imaginaire érotique homosexuel nourri de
références à l’histoire de l’art. Une série de
photocopies couleur réalisées en 1976 à
partir de collages composés d’objets divers
et de photographies est pour lui l’occa-
sion de réfléchir sur la notion d’auteur et
sur le problème de la reproductibilité des
images. En 1981, il utilise le Polaroid SX-70
et crée des mosaïques d’images représentant des assortiments d’objets et de figures
qui se jouxtent et se superposent. Il réalise
également des Polaroid en grand format au
musée des Beaux-Arts de Boston, où une
équipe d’environ dix techniciens et comédiens participe à la création de vastes tableaux vivants (Reconstitution du « Vol des
sorcières » de Goya, vers 1797-1798, 1986).
Avec la série Ramboy (1991), il abandonne
les somptueux décors baroques au profit d’une scénographie rudimentaire où
un modèle déguisé en satyre exécute des
mouvements ludiques.
V.L.
EXOTISME
voir VOYAGE
ET PHOTOGRAPHIE
EXPOSITION
Action de soumettre une surface sensible à un rayonnement lumineux. Action d’un rayonnement sur une surface
sensible.
Quantité d’énergie nécessaire et suffisante
pour obtenir un phototype correct.
S.R.
EYNARD-LULLIN Jean-Gabriel
financier suisse
(Lyon 1775 - Genève 1863)
Ses parents quittent Genève à la Révolution pour fonder une banque à Lyon.
En 1796, Eynard ouvre sa propre banque
en Italie. À partir de 1801, il est conseiller de la reine d’Étrurie, et, nommé Fermier général d’Étrurie, il se fixe à Florence. En 1810, il épouse Anne Lullin
de Chateauvieux et s’installe à Genève.
Entre 1817 et 1822, il y fait construire
un palais qui porte aujourd’hui son nom
et dont il existe un daguerréotype* (juin
1851). Il est membre de nombreuses sociétés des Arts et des Lettres. En 1821,
lors de l’insurrection grecque, il engage
sa fortune à la cause des Hellènes. En
1839, il s’intéresse à la découverte de la
photographie et commence à réaliser
des daguerréotypes en Suisse (Panorama de Genève, vers 1850, Malibu, The
J. Paul Getty Museum), en France et en
Grèce. Ses épreuves sont reconnues par
Paymal Lerebours dans son Traité de
photographie (Lerebours, Paris, 1843).
En 1852, il est l’un des premiers photographes à produire des daguerréotypes
en stéréoscopie.
M.J.M.C.
downloadModeText.vue.download 199 sur 634
199
F
FACIO Sara
photographe argentine
(San Isidoro 1932)
Après ses études secondaires, Facio s’initie aux arts plastiques à l’École nationale
des beaux-arts de Buenos Aires. Après
son diplôme, elle part à Rochester pour
apprendre la photographie couleur chez
Kodak, puis fait des stages, au studio de
Luis D’Amico à Buenos Aires et chez
A. M. Heinrich* de 1957 à 1959. Elle ouvre
avec A. D’Amico* un studio où elles se spécialisent dans la publicité, la presse et les
portraits d’artistes. Cette activité durera
jusqu’en 1986.
De 1960 à 1965, elle participe à de nombreux concours et Salons où ses images
sont primées – Allemagne, Roumanie,
Danemark. À partir de 1964, elle collabore
à des revues et des quotidiens comme
Acontecer Fotográfico, Clarín, Tiempo de
Fotografía, La Nación, Detrás del Visor et
à la revue Vigencia. Son premier livre publié avec D’Amico en 1968, Buenos Aires,
Buenos Aires, obtient un prix au Congrès
du livre à Vienne. En 1970 et 1972, elle
reçoit le prix de la Fédération argentine
de photographie. D’autres ouvrages, toujours en collaboration avec D’Amico, remportent un vif succès : Geografía de Pablo
Neruda (1973), Retratos y Autoretratos
(1974), Humanario (1976) et Pablo Neruda (1988). Avec D’Amico et M. C. Orive*,
elle fonde la maison d’édition La Azotea,
spécialisée dans les ouvrages de photographes latino-américains, et s’associe
en 1979 à six autres photographes pour
la création du Conseil argentin de la photographie. Facio a consacré toute sa vie à
la photographie, fidèle au réalisme et au
naturalisme, liée à son pays, sa ville, son
peuple. Sa sensibilité, ses sentiments et
émotions sont les instruments psychologiques qui lui permettent de pénétrer le
monde qui l’entoure, et nous amènent à
regarder au fond de nous-mêmes à travers ses images.
V.E.
downloadModeText.vue.download 200 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
200
FAIGENBAUM Patrick
ar tiste français
(Paris 1954)
Il choisit, dès 1973, la photographie
comme seul moyen d’expression, après
avoir commencé des études de peinture.
La représentation de la figure humaine est
au centre de sa pratique. En 1976, il réalise
tout d’abord des portraits de ses proches.
Son vocabulaire est déjà en place : cliché
en noir et blanc (densité des gris) de format
carré, tiré plein cadre, retouché au pinceau. Ses références esthétiques sont alors
R. Avedon*, W. E. Smith* et B. Brandt*,
qu’il rencontre en 1976-1977 aux ÉtatsUnis. L’entrevue avec ce dernier est déterminante dans le sens où Brandt l’incite à
photographier des « personnages dans le
décor réel de la vie quotidienne ». Depuis
1983, Faigenbaum entreprend de visiter,
dans leur intérieur, les descendants de
familles illustres de l’aristocratie italienne.
L’enjeu de chaque série de portraits est
une mise en relation du lieu ancestral avec
ses occupants (Florence 1984, Rome 1987,
Naples 1989). Durant son séjour à Rome
(Villa Médicis), il poursuit sa réflexion sur
le portrait à travers une série d’images de
bustes d’empereurs romains (musée du
Capitole, 1987). En 1990-1992, sorte d’intermède dans son investigation italienne, il
réalise, en Israël, deux séries, où l’individu
photographié dehors demeure l’objet de
la photographie. Que ce soit les portraits
en pied d’aristocrates, de membres de sa
famille ou de juifs priant devant le Mur des
lamentations, les images de Faigenbaum
sont riches de questionnement sur le portrait et la dimension mémoriale des choses
et des êtres. Son travail fait l’objet d’expositions et achats aussi bien en Europe qu’aux
États-Unis (Art Institute of Chicago, 1988 ;
musée d’Art moderne de la Ville de Paris,
1991).
J.-L.G.
FAMILLE (photographie de)
Loin d’être une pratique pauvre, sans
caractère ni identité, la photographie de
famille possède une réelle spécificité par
ses thèmes, ses usages, ses conditions de
réalisation, et par son esthétique.
Longtemps dévolue aux seuls professionnels, et destinée à consacrer les grandes
étapes de l’existence – le mariage en particulier –, elle est aujourd’hui devenue le
domaine de prédilection des amateurs :
une pratique profuse, ordinaire et, pour
l’essentiel, privée.
Le photographe de famille se distingue
par cette position particulière d’être à la
fois opérateur, partie prenante des scènes
enregistrées, et destinataire des clichés :
auteur, acteur et spectateur de ses propres
images. Amateur, il est souvent inexpérimenté, ignorant des règles élémentaires de
sa pratique, ou indifférent à ses principes.
Ce déni ou cette absence de maîtrise fait
que la photographie de famille est toujours
hasardeuse, aux résultats imprévisibles.
Mais cela n’est pas rédhibitoire. Dans le
cadre privé de la famille, l’instant et les
personnages, les relations et les sentiments
prévalent sur les règles techniques et esthétiques. Faits pour soi et pour quelques
proches, les clichés ne sont pas rigoureusement soumis au respect des principes
formels (la composition, la lumière, etc.)
et techniques (la netteté, le temps de pose,
etc.) qui régissent le reportage, la mode, la
publicité, l’illustration ou l’art.
Les singularités formelles, techniques,
mais aussi thématiques, des photographies de famille procèdent donc de leur
usage strictement privé, de leur fonction
essentiellement expressive, de leur finalité
principalement mnémonique, et de leur
indifférence aux contraintes pratiques et
économiques. Parce que les dimensions sociale, symbolique et affective prédominent
downloadModeText.vue.download 201 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
201
dans la photographie de famille, les qualités de trace, d’enregistrement, c’est-à-dire
de mémoire, du procédé sont privilégiées
au détriment de ses capacités figuratives.
Aussi, les images sont-elles appréciées
selon d’autres critères que ceux de la figuration. Cette situation spécifique confère
une extraordinaire liberté aux opérateurs,
qui, pourtant, en l’absence d’un solide bagage esthétique, ne savent que rarement
s’en emparer. Au lieu d’un foisonnement
créateur, la masse des clichés de famille
fait au contraire apparaître une sorte de
langueur formelle, voire une indifférence
aux procédures de la figuration. Pour les
opérateurs de famille, en effet, l’instant, la
scène et les personnages prévalent sur la
qualité de l’image ; l’épreuve compte plus
que sa forme, l’enregistrement plus que
ses modalités. Polarisés par leur objet, ils
peuvent sans véritable conséquence oublier ou ignorer les règles de sa mise en
image, de sa traduction photographique,
et cela, paradoxalement, au risque de le
manquer.
L’album est le lieu canonique des clichés
de famille qui tissent une mémoire de la
famille : celle des moments solennels ou
simplement anodins, mais toujours des
bons moments. Une mémoire lacunaire,
une forme de l’oubli. Chacun sait que l’album est une fiction, mais chacun feint de
l’ignorer, au cours de la cérémonie nostalgique à laquelle donne lieu sa consultation.
La capacité de la photographie de famille
à inspirer la nostalgie repose sur son caractère résolument positif. On sourit souvent, on est parfois triste et mélancolique,
mais rarement on pleure ou l’on souffre
sur les photographies de famille. L’album
se conforme aux valeurs morales et familiales les plus traditionnelles, au risque de
proposer une image surannée de la famille,
une image en retard sur les pratiques sociales, insensible à leur complexité et à leur
dynamique. Manichéen et stéréotypé, il
rassure : c’est un lieu de certitudes, de stabilité et de réconfort. Cela fait sa faiblesse,
mais cela explique aussi son indéniable
succès.
Quand les conflits, l’ennui et les drames
familiaux transparaissent dans les photographies de famille, c’est en creux. La force
d’un ressentiment peut conduire à la mutilation des images par biffage ou par découpage, ou à leur arrachage de l’album. Ces
actes iconoclastes dictés par la souffrance
et la rancoeur, ces sortes de meurtres
rituels donnent la mesure des passions
qui se concentrent sur les images ; ils in-
diquent comment la proximité particulière
qui, en photographie, unit le modèle à son
image est renforcée, dans la famille, par
une proximité affective, jusqu’à aboutir à
une sorte de confusion symbolique. Comment comprendre, autrement, le succès
populaire des porte-cartes ?
A.R.
FAMILY OF MAN (the)
(M.O.M.A. 1955)
Organisée par E. Steichen*, conservateur du département de la photographie
au Museum of Modern Art, l’exposition
Family of Man est un des projets les plus
ambitieux de l’histoire de la photographie.
Cette exposition monumentale marque
l’apogée de la photographie humaniste
en même temps qu’elle s’avère être son
chant du cygne : « avec la rapide et brutale réaction contre Family of Man commence l’histoire de la photographie proprement contemporaine » (Colin Osman).
Le propos de cette exposition est de clamer que la vie est merveilleuse et que les
gens sont les mêmes à travers le monde.
Pour Steichen, la photographie, ici le reportage*, est le moyen d’expression adéquat, car elle « donne forme aux idées et
downloadModeText.vue.download 202 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
202
explique l’homme à l’homme ». Le caractère de cette entreprise est véritablement
collectif et international. Pendant près de
trois ans, Steichen et son assistant Wayne
Mailer visualisent plus de deux millions
d’épreuves d’amateurs ou de professionnels, connus ou inconnus et de toutes les
nationalités. Ils sélectionnent dix mille
clichés et, finalement, exposent cinq cent
trois images de deux cent soixante-treize
photographes originaires de soixante-huit
pays. Ces photos célèbrent les préoccupations quotidiennes de l’homme : la naissance, l’amour, le travail, la mort... Chaque
section de l’exposition est introduite par
une citation d’un écrivain de la littérature
mondiale. L’architecte Paul Rudolph signe
la mise en espace. Il met l’accent sur le sujet représenté en manipulant les distances,
les angles, les coefficients d’agrandissement, la valeur du tirage n’étant pas prise
en compte. La direction artistique du cata-
logue, conçu par le graphiste Léo Lionni,
est également remarquable. C’est un succès phénoménal : 7 millions de personnes
ont vu l’exposition qui voyage dans trentesept pays, 3 millions de catalogues ont été
vendus. La version européenne, vraisemblablement la plus complète, est présentée
au réfectoire des Jacobins, à Toulouse, en
1992 et 1993, avant d’être définitivement
installée, conformément aux voeux de
Steichen, dans le château de Clervaux, au
Luxembourg, son pays d’origine.
N.C.
FARM SECURITY
ADMINISTRATION (FSA)
Après la crise de 1929, aux États-Unis, le
président Roosevelt tente, dans le cadre
du New Deal, de relancer l’agriculture,
et crée la Farm Security Administration.
R. G. Tugwell, sous-secrétaire d’État à
l’Agriculture, charge en 1935 le sociologue
Roy Stryker de recruter une équipe de
photographes pour faire un bilan objectif des conditions de vie et de travail dans
les campagnes (inspiré par les travaux de
J. A. Riis* et L. Hine*). De 1935 à 1942, ils
sont une douzaine à sillonner les ÉtatsUnis, rapportant 270 000 clichés, témoins
des ravages de la crise – pour inciter l’opinion publique à soutenir l’action gouvernementale – et montrant les types d’habitation et d’agriculture, l’aspect des petites
villes... Mais l’humain doit rester au centre
de leurs préoccupations : Stryker ajoute
aux instructions qu’il leur donne le postscriptum suivant : « Soyez à l’affût d’une
poupée de chiffon tout autant que d’un
appareil de contrôle pour le maïs. » Il choisit les photographes pour leur engagement
social et politique, gage d’une attitude de
compréhension et de respect envers les
gens.
Parmi eux, des professionnels comme
W. Evans*, qui s’intéresse surtout à l’habitat – vues frontales de rues où se mêlent
architecture traditionnelle et éléments
modernes, intérieurs pauvres mais soignés – et aux scènes de rue ; D. Lange*,
qui présente plutôt des scènes du quotidien, hommes et femmes au travail,
vieux assis, en attente, et des portraits ;
Carl Mydans, photojournaliste, qui photographie des cueilleurs de coton. Mais
sont choisis aussi l’assistant de Stryker, le
jeune chimiste A. Rothstein*, qui photo-
graphie les travaux des champs ; le peintre
et affichiste engagé B. Shahn* (vues générales, voies ferrées, campagne, souvent en
grands formats) ; R. Lee*, ancien chimiste
qui a étudié la peinture (gros plans symboliques [écriteaux, outils, paysans...] jouant
sur le répétitif) ; M. P. Wolcott*, diplômée
de sociologie ; J. Vachon*, d’abord archiviste pour la FSA ; et, plus tardivement, le
Noir G. Parks*, J. Delano*, etc. La FSA a
rencontré de nombreuses difficultés, tant
downloadModeText.vue.download 203 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
203
pour obtenir les crédits nécessaires que
par l’hostilité des grands propriétaires terriens, des groupes racistes... L’honnêteté
de la démarche a même été parfois mise
en cause : par exemple : Rothstein est accusé d’avoir mis en scène la photographie
montrant un squelette de crâne de boeuf
sur une terre craquelée. Mais les images
produites, d’une grande qualité, largement
diffusées par la presse puis publiées et exposées (elles ont inspiré Steinbeck pour les
Raisins de la colère, 1939), font date dans
l’histoire de la photographie ; la FSA reste
l’une des plus importantes missions à caractère social lancées par un pays. Environ
170 000 photographies sont conservées à
la Library of Congress de Washington.
Ch.B.
FASTENAEKENS Gilbert
photographe belge
(Bruxelles 1955)
Fastenaekens pratique déjà la photographie depuis quelques années quand il entame en 1980 simultanément deux séries :
Mes parents, et Nocturnes – composée de
paysages urbains de nuit. La nuit et les
lieux déserts traités comme les décors d’un
théâtre abandonné lui permettent de résister à la logique du reportage* : contre l’idée
d’instant décisif, contre le sentiment amer
de rater toujours l’image qu’il fallait faire.
Dans le cadre de la Mission photographique de la Datar, ce travail est poursuivi
et concentré sur des bâtiments industriels,
sous le titre Essai pour une archéologie
imaginaire (1984-1985). S’inspirant du
livre From the Missouri West (1980) de
R. Adams*, ou encore de R. Smithson*,
adepte du land art, Fastenaekens aborde en
1987 le bassin potassique d’Alsace : région
économiquement sinistrée, paysages abandonnés, scories, déchets, etc. La mission
photographique, baptisée « Les quatre saisons du territoire de Belfort » (1988-1990),
est l’occasion d’une nouvelle orientation :
travailler sur un territoire limité, non typé,
qui ne renvoie qu’à lui-même, qui freine
toute tentation illustrative ; revenir de façon rituelle sur le même périmètre étroit,
où toutes idées de fuite ou d’urgence sont
abolies ; faire l’expérience de la contrainte,
comme moyen, écrit Fastenaekens, de
« se sentir pleinement dans l’instant des
choses ». Cette quête des instants essentiels par la contrainte et le rituel, il la poursuit toujours en se rendant chaque année
dans la forêt domaniale de Vauclair pour
photographier méthodiquement à l’intérieur d’un espace de 300 × 20 m. Depuis
1990, Fastenaekens se consacre en outre,
dans sa ville de Bruxelles, à son oeuvre Site,
qui est d’abord une installation composée
de dix cahiers thématiques : les nuages,
les grands espaces, les vues de haut, les
chantiers, la verdure, etc. Exposé sur un
grand lutrin, chaque cahier, composé de
dix grands tirages (1 × 1,30 m), est chaque
jour ouvert à une page différente, créant
ainsi une exposition en constante évolution aléatoire. Site introduit dans l’oeuvre
de Fastenaekens une dimension documentaire inédite, mais aussi une ambiguïté entre le document et le spectacle,
une dissonance entre images minimalistes
(nuages) et les autres puissamment figuratives, etc. Elle révèle l’ambiguïté qui traverse l’ensemble de son oeuvre.
A.R.
FAUCON Bernard
photographe français
(Apt 1950)
Entre 1971 et 1974, il étudie la philosophie
à la Sorbonne puis se consacre à la photographie à partir de 1975. Les Grandes
Vacances, qui sont l’objet d’un ouvrage
édité en 1979, présentent des pièces phodownloadModeText.vue.download 204 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
204
tographiques réalisées entre 1976 et 1980.
Faucon y décline sa nostalgie pour le monde
de l’enfance et de l’adolescence à travers la
mise en situation de mannequins : le Repas de fête, le Banquet, le Colin-maillard,
la Balançoire (1978). Chaque été dans le
Luberon lui permet de parachever cet ensemble d’oeuvres jusqu’en 1981. L’extrême
attention que porte Faucon aux couleurs,
au tirage – au moyen du procédé Fresson
– et la qualité des éléments du décor, dans
chaque photographie, définissent une stylistique de l’image qui lui est propre. Des
personnages vivants se mêlent peu à peu
aux mannequins, redoublant l’étrangeté
de cet univers clos : la Sieste, la Première
Communion (1979). Avec les séries des
Chambres d’amour et des Chambres d’or,
qui débutent en 1985, Faucon s’attache à
développer une fantasmatique des lieux
d’où s’absentent les personnages, tout en
perpétuant la part de magie et de grâce
inhérente à l’ensemble de son oeuvre.
S.C.
FAURER Louis
photographe américain
(Philadelphie 1916)
Sous l’influence conjuguée du fantastique
social de H. Cartier-Bresson* et du style
documentaire de W. Evans*, Faurer abandonne son métier de peintre d’enseigne
pour photographier la rue en 1937. Les
individus isolés, errant sur fond de ville
labyrinthique, sont les images récurrentes
et caractéristiques de son oeuvre. Engagé
dans un portrait-studio à Philadelphie,
il devient photographe de mode dans les
années 1940, à New York. Il rencontre
R. Frank* en 1947, dans les studios de
Harper’s Bazaar* où ils travaillent sous
la direction de A. Brodovitch*. Ils se lient
d’amitié et partagent le même laboratoire.
Leur vision existentielle se retrouve de l’un
à l’autre, tout comme on décèle une même
économie des moyens et un même usage
des métaphores. Happé par les commandes
des magazines, les images de Faurer se font
plus rares aux environs de 1951. En 1960,
celui-ci est engagé comme photographe de
plateau à Hollywood. Au cours des années
1960, Faurer, muni d’une caméra 16 mm,
filme les rues de New York. Après un séjour en France de six ans, Faurer retourne
aux États-Unis en 1975.
Sa photographie de rue ne retrouve pas la
même pertinence des débuts. Son oeuvre
fait l’objet d’une rétrospective en 1981,
Louis Faurer, Photographs of Philadelphia
and New York, 1937-1973, à l’université
de Maryland. The New York School, 19361963, à la Corcoran Gallery de Washington, en 1985, lui redonne sa place dans
l’émergence de la street photography.
P.O.
FEININGER Andreas
photographe américain
(Paris 1906)
Il étudie l’ébénisterie au Bauhaus*, puis
l’architecture, qu’il pratique pendant
plus de dix ans. En 1928, il construit une
chambre* noire et commence la photographie. Il voyage dans le monde entier, travaillant à partir de 1941 pour Life*. Tout
l’intéresse, paysages urbains (rues de New
York surchargées dans Lunch Hour on
Fifth Avenue, 1949) ou ruraux, portraits
(parfois étranges : dans Le Photojournalisme, 1955, un appareil photo masque en
partie un visage entouré d’ombre, sorte de
robot photographique), objets industriels
et naturels... Ses très gros plans – écorces,
feuilles, plumes, os – révèlent que « tout
ce qui est fait par les mains de l’homme
et la plus grande part de ce qui est conçu
par l’esprit humain a son prototype dans
la nature » (Roots of Arts, 1975, recueil de
downloadModeText.vue.download 205 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
205
photographies classées : sculpture, dessin,
couleur, structure, texture, ornementation). En 1976, l’International Center of
Photography, à New York, lui consacre une
rétrospective.
Ch.B.
FELDMAN Hans Peter
ar tiste allemand
(Düsseldorf 1941)
La photographie, définie (après le sociologue français Pierre Bourdieu) comme un
« art moyen », est l’un des pôles névralgiques de l’oeuvre de Feldman. Dans les
années 1960, celui-ci réalise des collages
dans l’esprit pop de l’Anglais E. Paolozzi*.
L’image populaire stéréotypée est, depuis
ce temps, au coeur de son interrogation
sur la banalité de notre environnement
imagier. Dans une série d’albums de photos réalisés en 1968-1969 sous le titre
générique Bilder, Feldman dresse des
répertoires d’images anodines, certains
consacrés tout simplement à une série de
chaises ou de chaussures, d’autres sensiblement plus chargés d’ambiguïté, comme
cette série de genoux de petites filles. La
photographie domestique (une photo
de mariage, une équipe de football...) est
convoquée pour sa capacité à produire de
l’exotisme avec du quotidien, tout comme
le fait à cette même époque le Français
C. Boltanski* dans ses Images modèles ou
ses Inventaires. Mais, plus que chez Boltanski, c’est le kitsch de la photographie
d’amateur qui est traqué ici, un kitsch exploité de façon démonstrative dans la série
de posters (couchers de soleil, images de
couples sur fond de lagunes paradisiaques
et autres images conventionnelles du bonheur...) qu’il présente sur les cimaises de la
Documenta de Kassel de 1976. L’art narratif, qui se développe alors sur la scène
artistique internationale, n’est pas absent
de son travail dans d’autres séries comme
Eine Stadt, Essen (1977) ou Der Überfall
(1975), qui relate dans une suite d’images
empruntées au genre du photojournalisme
l’histoire d’un braquage de banque manqué. Le M.A.M. de la Ville de Paris a présenté en 1992 une rétrospective de l’oeuvre
de Feldman.
P.L.R.
FENOYL Pierre de
photographe français
(Sainte-Foy-l’Argentière 1945 - Paris
1987)
Dès l’âge de l’école buissonnière, Fenoyl se
passionne pour la photographie. Il y consacrera sa vie, prématurément arrêtée à l’âge
de 42 ans. Il se met d’abord au service de
la photographie, accumulant le bénéfice
de nombreuses expériences. Il est successivement employé de l’agence Louis-Dalmas (1960), vendeur pour l’agence Holmes
Lebel, archiviste de H. Cartier-Bresson*
(1969) puis de l’agence Magnum* (1970),
créateur avec Charles-Henri Favrod de
la galerie Rencontre puis de l’agence Vu.
Financièrement déçu, Fenoyl part aux
États-Unis, où il découvre D. Michals*, Les
Krims*. À son retour, en 1975, il crée, à la
demande du secrétaire d’État à la Culture,
la Fondation nationale de la photographie, puis devient ensuite responsable de
la photographie au Centre Georges-Pompidou. Il épuise son budget en éditant un
premier Album photographique (1979) ; il
publiera aussi Chefs-d’oeuvre de la photographie anonyme du XIXe siècle (1982). Il
se retire alors de ces fonctions administratives et commence sa carrière de photographe. Désormais, il choisit de « regarder
le temps passer et non de passer son temps
à regarder ». Il s’évade d’abord en Toscane,
puis en Égypte. Les grands tirages d’Égypte
sont exposés en 1984 à Beaubourg. ParaldownloadModeText.vue.download 206 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
206
lèlement, il ranime un atelier de phototypie selon le procédé de L.-A. Poitevin*.
Enfin, c’est l’espace rural du Sud-Ouest
qu’il va explorer pour la Mission photographique de la DATAR, en 1984. « J’avais
un paysage dans la tête... je l’ai trouvé ici,
dans le Tarn », à Cordières, où il s’établit
avec sa famille. Il se fait « chronophotographe ». Ces paysages prenant le lointain
pour point de vue représentent un parcours initiatique plus que pittoresque vers
la mémoire. La mémoire comme image du
temps.
M.M.
FENTON Roger
avocat et photographe britannique
(Crimble Hall, Lancashire, 1819 - Londres
1869)
En 1838, il commence des études en art
au University College de Londres, sous la
direction du peintre Charles Lucy, puis il
poursuit sa formation artistique à Paris
dans l’atelier du peintre Paul Delaroche
et entreprend, en 1844, des expériences à
partir du calotype*. De retour à Londres, il
fait des études de droit et, en 1847, se joint
aux photographes du Calotype Club. En
1851, lors d’un second séjour à Paris, Fenton s’intéresse à l’organisation de la nouvelle Société héliographique. Le 20 janvier
1853 est créée la Photographic Society de
Londres, dont il sera le secrétaire jusqu’en
1856. En 1854, il devient le photographe
officiel de la famille royale. Au printemps
de la même année, il entreprend de photographier les collections du British Museum. Photographe officiel de la guerre de
Crimée, nommé par la reine Victoria, il
part pour Balaklava en février 1855 et réalise 360 clichés très soigneusement composés de campements, de fortifications et
de portraits d’officiers, où l’horreur de la
guerre est sciemment occultée. Ses photographies sont présentées dans de nombreuses expositions, en Grande-Bretagne
et en France. Des impératifs commerciaux
obligent Thomas Agnew, éditeur de Manchester qui avait proposé à Fenton d’accompagner l’armée britannique en Crimée,
à vendre aux enchères les photographies et
les négatifs de ce dernier. Directeur et photographe à la Photo-Galvanographic Company, Fenton publie, en 1856, Photographic
Art Treasures, un recueil de photographies
qui comprend quatre de ses clichés. Des
vues stéréoscopiques réalisées entre 1858
et 1859 sont publiées dans le mensuel Stereoscopic Cabinet. À la fin des années 1850,
la photographie de paysages et d’architectures constitue l’essentiel de son activité
de photographe. L’épreuve à l’albumine*
Chapitre et cathédrale de Salisbury, vus
du jardin de l’évêque (fin des années 1850),
si elle présente une vue conventionnelle
du bâtiment, se distingue néanmoins des
photographies réalisées à la même époque
par sa dimension exceptionnellement
grande (34,3 × 44 cm) et par la qualité de
son tirage. Au début des années 1860, il
se tourne vers la photographie de natures
mortes, un genre qui lui apporte beaucoup
de succès. Fenton abandonne pourtant la
photographie en 1862 et retourne à sa carrière d’avocat.
V.L.
FERNÁNDEZ Ernesto
photographe cubain
(La Havane 1939)
Ernesto Fernández suit des études pratiques de photographie de 1952 à 1958
avec Carlos Fernandez, directeur artistique de la revue Carteles, et avec les
photographes Generoso Funcasta et Raúl
Vales. Pendant cette période, il est dessinateur pour Carteles et réalise ses premières
photographies en 1956.
downloadModeText.vue.download 207 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
207
Pour gagner sa vie, il travaille comme
ingénieur de la lumière et scénographe
au théâtre Prometeo. En 1958, il entre au
Periódico Revolución, alors clandestin,
jusqu’en 1964. Il est correspondant de
guerre à Girón durant les opérations de
« Lucha contra bandidos », au cours des
événements de la crise d’octobre, et se
fait remarquer par un reportage sur les
« Jeunes de la playa Girón » en 1961.
De 1961 à 1965, il collabore à la revue Mella, et de 1966 à 1968, il est photographe
à la Casa de las Américas. Ses images
sur la jeunesse et les paysans adolescents
de la canne à sucre sont publiées à Paris
(Huracán sobre el azúcar), avec une préface de Jean-Paul Sartre. En 1975, il entre
comme chef du département des informations de la revue Cuba Internacional,
dont il devient chef de la photographie en
1988. Ses expositions internationales – en
Allemagne fédérale, à New York, à Mexico,
en Italie – lui valent une reconnaissance
dans toute l’Amérique latine.
V.E.
FERNÁNDEZ Jesse A.
photographe cubain
(La Havane 1925 - Neuilly-sur-Seine
1986)
De parents espagnols, Fernandez passe
son enfance en Espagne pendant la guerre
civile. De retour à Cuba, il suit des cours à
l’académie des beaux-arts de San Alejandro. Il part à Philadelphie pour y étudier
la peinture avec Georg Grosz et Dickinson à l’Art Students League. Sa rencontre
avec Wilfredo Lam et les surréalistes à
New York lui a permis de rester en contact
toute sa vie avec la communauté artistique.
Peintre de talent, il travaille dans une importante agence de publicité colombienne.
En 1954, il découvre la photographie, qui
deviendra sa passion, au cours d’un voyage
en Amazonie. Il étudie l’archéologie et
l’ethnologie, visite les tribus Cuna et vend
ses premières photos à Life* à New York
en 1956. Il devient alors grand reporter
et travaille pour Time Magazine, Esquire,
Paris-Match, New York Herald Tribune... Il
collabore avec Luis Buñuel comme directeur de la photographie sur le tournage de
Nazarin en 1958. Nommé directeur artistique de la revue Visión, il parcourt l’Équateur, le Guatemala, le Mexique. Il couvre la
vie artistique à Cuba, où il se réinstalle en
1959 comme responsable du service photo
du journal Revolución et photographe attitré de Fidel Castro. Déçu par la révolution,
il quitte Cuba en 1961 pour New York.
Il enseigne à la School of Visual Arts et,
en 1971, part à San Juan de Porto Rico.
En 1974, il s’installe à Tolède, et en 1977
à Paris. En 1980, il publie les Momies de
Palerme, photographies accompagnées par
un texte de Dominique Fernandez, et, en
1984, à Madrid, Retratos, qui rassemble ses
portraits d’écrivains et d’artistes comme
Hemingway, Buster Keaton, Marlene Dietrich, Cioran, Varèse, Huxley, Miró, Bacon.
Ses photographies ont été montrées en
France (Rennes) lors d’une exposition itinérante, en 1979.
V.E.
FERNÁNDEZ ACKERMANN
Luis Federico
photographe vénézuélien
(Eu, France, 1939)
Originaire de la ville d’Eu, en France, Fernández Ackermann arrive au Venezuela en
1950. Il réalise comme photographe une
oeuvre importante et significative, et participe à de nombreuses expositions dans son
pays et à l’étranger. En 1978, il est invité
au premier Colloque latino-américain de
photographie à Mexico, puis à l’exposition la Photographie latino-américaine au
downloadModeText.vue.download 208 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
208
Kunsthaus de Zurich, en 1981, et à la Photographie contemporaine d’Amérique latine au Centre Georges-Pompidou à Paris,
en 1982. Ensuite, il participe au troisième
Colloque latino-américain de photographie à Cuba, en 1983, et à de nombreuses
autres manifestations : Rio de Janeiro
(1985), Caracas (1989-1990), la Biennale
de Guayana au musée Soto (1991-1992).
En 1992, il expose au Salon Michelena,
où il reçoit le prix Henrique-Avril, et
à la Biennale de Vigo en 1992 comme
représentant du Venezuela avec la série
d’images Inaugurando. Il participe, lors
des deuxièmes Journées d’art national,
aux expositions sur le portrait photographique au Venezuela organisées par Maria
Teresa Boulton. Le style de Fernández
Ackermann peut être défini comme un
documentalisme critique. Durant toute
sa carrière, il réalise des reportages sur les
manifestations dans les musées avec un
regard observateur et curieux. Son travail
de toute première importance sur l’ère du
sandinisme au Nicaragua représente un
apport fondamental dans la photographie
de reportage latino-américaine.
V.E.
FERREZ Marc
photographe brésilien
(Rio de Janeiro 1843 - id. 1923)
Son père, Zéférino, arrive au Brésil avec
une mission officielle artistique française
pour fonder l’Académie des beaux-arts de
Rio de Janeiro. Marc Ferrez est le cadet
d’une famille de six enfants. Il n’a que sept
ans quand ses parents meurent des suites
d’une grave infection. Il passe une partie
de sa jeunesse à Paris, puis retourne à Rio
à l’âge de 16 ans. Il travaille avec un botaniste, Franz Keller, et avec un ingénieur
de Mannheim, George Leuzinger, venu au
Brésil comme photographe et au contact
duquel il apprend les rudiments de la photographie. Ses travaux initiaux portent le
tampon de la Firme Leuzinger. En 1865, à
21 ans, il ouvre son premier studio dans la
Rua São José, au no 96, sous le nom Marc
Ferrez &amp; Cia, et fait une rude concurrence aux autres photographes de la ville.
La série de cartes* de visite sur le thème
des vendeurs ambulants de Rio ainsi que
ses images d’architecture de la ville remportent un vif succès.
En 1868, il publie aux États-Unis A Journey
in Brazil avec des images du Corcovado et
de Petropolis. Photographe indépendant, il
fait de la publicité dans l’Almanak Laemmert. À partir de 1875, l’empereur Pedro II
lui rend visite régulièrement pour lui faire
faire son portrait et ceux des enfants de la
princesse Isabel.
Spécialiste des paysages documentaires du
Brésil et des photographies navales, il est
nommé photographe de la flotte de l’empereur. Dans le livre historique de R. Lécuyer*
est reproduite une de ses photographies
avec la mention « Marc Ferrez – Pallas,
frégate française, photographiée dans le
port de Rio de Janeiro en 1886. L’opérateur
avait obtenu ce cliché – un instantané – en
se servant de deux chambres superposées
dont l’une faisait office de viseur ».
En 1873, son atelier brûle et il perd toutes
ses archives. Sa femme l’encourage à reprendre son activité, et ses amis, dont Julio
Claudio Chaigneau, lui offrent un nouvel
atelier ; il part en Europe acheter des équipements modernes.
En 1875, il participe à une expédition dirigée par Charles Frederick Hartt et organisée conjointement par le Commissariat
géologique de l’empire du Brésil et la Cornell University.
Il est le premier à photographier les Indiens de Botocudo, au sud de Bahia. Il
poursuit son voyage jusqu’en Amazonie.
En 1876, il réalise plus de 200 photos au
downloadModeText.vue.download 209 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
209
sud de Bahia, des portraits et des paysages
qu’il présente dans une exposition, Rua dos
Ciganos, en 1877.
Il participe à de nombreuses expositions
internationales – avec des témoignages
sur l’industrie, les plantations de café et de
canne à sucre de son pays –, dont la première se tient à Philadelphie.
En 1881, il introduit au Brésil les plaques
des Lumière*, dont son fils Julio Marc Ferrez dirige alors la filiale, et les techniques
au bromure d’argent.
Décoré de l’ordre Rosenorden de l’empereur, il obtient une médaille d’or à Paris à
l’Exposition universelle de 1878.
V.E.
FERROTYPIE
Ensemble d’anciens procédés photographiques. Un premier procédé, employé
par les photographes forains, faisait appel
à une tôle vernie noire recouverte d’une
émulsion au collodion* qui, après traitement, donnait une image positive par réflexion. Un second procédé permettait la
reproduction d’une image, généralement
sur papier, en utilisant la transformation
de sels ferriques en sels ferreux, sous l’action d’un rayonnement visible ou ultravio-
let. Le phototype obtenu par ferrotypie est
un ferrotype.
S.R.
FIERLANTS Edmond
photographe belge
(Bruxelles 1819 - 1869)
Fierlants vit à Paris et prend des leçons de
photographie auprès de H. Bayard*, qui
fait de lui un technicien habile et exigeant.
Il est membre fondateur de la Société héliographique en 1851 (qui prend le nom
de S.F.P.* en 1854) et un des expérimentateurs, en 1855, du procédé Taupenot au
collodion sec, ce qui ne l’empêche pas de
revenir parfois au collodion* humide par
la suite. Il expose en 1857 à la S.F.P. des
reproductions d’oeuvres d’art très remarquées et c’est alors qu’il conçoit le projet de
reproduire les chefs-d’oeuvre des musées
d’Anvers et de Bruxelles, et, pour ce faire, il
se réinstalle en Belgique en 1858, ouvrant
un atelier à Bruxelles. Il obtient, après
beaucoup de difficultés, l’autorisation de
photographier les primitifs flamands de
l’hôpital Saint-Jean de Bruges ; l’année suivante, il réalise à la demande de la municipalité d’Anvers 170 vues architecturales,
en particulier de monuments ou de maisons anciennes, que la modernisation de la
ville va faire disparaître ; en 1863-1864, il
obtient le même type de commande de la
ville de Bruxelles et, en 1865, de la ville de
Louvain. Il participe à l’Exposition universelle de Londres en 1862, où il est le seul
photographe belge primé. Sa production
est diffusée sous forme d’albums par différents éditeurs, dont lui-même, à partir
de 1860, et, en 1865, il publie un catalogue
où il propose près de 1 000 reproductions
photographiques, tableaux et objets d’art,
en quatre formats différents. En 1866 et
1867, il photographie l’oeuvre du peintre
belge Antoine Wiertz, mort en 1865 : ces
50 tirages parus en album sont présentés
à l’Exposition universelle de 1867 et lui
valent une médaille d’argent. Manquant
d’autres commandes, Fierlants ouvre un
atelier de portraits à Bruxelles en 1868 et
meurt subitement l’année suivante. Il laisse
une oeuvre pionnière dans la reproduction
des monuments et des tableaux, où, grâce
au recours systématique aux négatifs de
très grandes dimensions et à des systèmes
ingénieux pour éviter les aberrations
optiques, il obtient des résultats d’une
qualité exceptionnelle pour l’époque. Ses
photographies sont représentées dans les
collections des musées belges, notamment
downloadModeText.vue.download 210 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
210
à Bruxelles (Palais royal), ainsi qu’à Paris
(Société française de photographie).
S.A.
FILM
Feuille souple de matière plastique (pellicule) recouverte d’une émulsion sensible à
la lumière, employée dans les caméras cinématographiques et les appareils photos.
Types de films
Les films pour la photographie sont fournis en chargeurs, en rouleaux de longueurs
diverses ou en feuilles coupées aux formats
photographiques. Mis à part les différences
de format*, il existe trois principaux types
de films : le film achrome*, le négatif couleur* et l’inversible couleur. Dans ces trois
catégories, on trouve aussi plusieurs sortes
de films instantanés*. Le film achrome est,
le plus souvent, un film négatif qui donne
des photos en noir et blanc. Avec un film
inversible, on obtient des diapositives* à
projeter. Le plus commercialisé est le négatif couleur pour les photos couleur sur
papier.
Émulsions achromes
Les plus courantes sont les émulsions
négatives qui servent principalement au
tirage des épreuves positives sur papier.
Les films négatifs les moins sensibles
(25/15 à 50/18 ISO) ont un grain* très
fin et conviennent pour les sujets bien
éclairés dont on souhaite le maximum de
détails (paysage, architecture, etc.). Les
films de sensibilités moyennes (100/21 à
200/24 ISO) sont les émulsions d’usage
courant en extérieur par beau temps. Les
films de haute sensibilité (400/27 ISO
et plus) conviennent au reportage et
aux prises de vue en faible lumière. Des
émulsions à grand contraste sont fabriquées pour la reproduction de documents « au trait », c’est-à-dire sans demiteintes (elles sont du type ordinaire ou
orthochromatique). Des films spéciaux
sont fabriqués pour la radiographie, la
photo aérienne et spatiale, la photographie d’images obtenues à l’aide de faisceaux électroniques, etc. À côté des films
négatifs, il existe des films inversibles
(noir et blanc) qui donnent directement
des images positives pouvant être observées par transparence ou pouvant être
projetées. Ces émulsions sont identiques
aux négatives, mais le traitement est
modifié : après le développement par le
révélateur, l’image n’est pas fixée, elle est
dissoute par élimination de l’argent métallique. Après cette opération, il ne subsiste plus dans la gélatine que les grains
d’halogénure d’argent non exposés qui
représentent l’image complémentaire de
la première, donc l’image positive.
Émulsions en couleur
La très grande majorité des émulsions
couleur utilisées aujourd’hui repose sur
les procédés soustractifs* trichromes. Les
principaux films créés après la Seconde
Guerre mondiale sont : l’Ektachrome
(inversible, 1945), l’Ektacolor (négatif,
1947), le Fujicolor (inversible, 1948), l’Ektachrome HS (inversible de haute sensibilité, 1959), le Cibachrome* (procédé de
papier couleur par décoloration, 1963),
l’Ektachrome infrarouge (film couleur
ayant une couche sensible à l’infrarouge,
1965), l’Agfacolor CNS (négatif couleur
à 12 couches, 1968), les Kodachrome 25
et 64 et les Ektachrome E6 (versions actuelles des anciens Kodachrome et Ektachrome, 1976).
Au fur et à mesure de la réalisation de
nouveaux films, l’industrie photochimique a apporté des améliorations aux
émulsions. Les premières furent les films
négatifs masqués (Ektachrome, 1947) :
des coupleurs* donnent naissance dans
l’émulsion même à un filtre coloré (jaune
ou orangé), le masque*. Celui-ci permet,
downloadModeText.vue.download 211 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
211
lors du tirage de l’épreuve, de corriger
automatiquement les imperfections d’absorption des colorants des papiers. Tous
les films négatifs actuels sont masqués,
ce qui leur donne une tonalité orangée ou
rougeâtre. Ensuite furent créés les films
à couches multiples, qui comportent plusieurs couches d’émulsions. Cette technique est utilisée pour les films à fonctions
multiples, films à « latitude d’exposition
étendue », par exemple. Les trois couches
composant ce film, de sensibilités très
différentes, sont séparées des colorants,
et c’est au tirage qu’on peut « explorer »
chacune d’elles. (La même technique
conduit, en noir et blanc, à la fabrication
de papiers de tirage ou d’agrandissement à
contraste variable remplaçant les cinq ou
sept grades traditionnels.) En couleur, les
films les plus fins comportent plus d’une
douzaine de couches, dont cinq à neuf
couches sensibles et des couches-filtres
ou de protection. En doublant les couches
sensibles au bleu, au rouge et au vert, on
augmente la latitude de pose et on réduit
la granulation (l’une des couches est à
grains fins et peu sensible, l’autre à gros
grains et très sensible).
Les films en couleur sont équilibrés pour
être utilisés avec une lumière de température* de couleur précise : films type
lumière du jour (équilibrés pour 5 500 à
6 000 K), films type lumière artificielle
A (équilibrés pour 3 400 K) et films type
B (pour 3 200 ou 3 150 K). D’autre part,
une convention s’est instaurée entre les
fabricants, qui ont adopté la terminaison
« color » pour les films négatifs (Agfacolor,
Kodacolor, Fujicolor, etc.) et la terminaison « chrome » pour les films inversibles
(Agfachrome, Ektachrome, Kodachrome,
Fujichrome, etc.).
S.R.
FILM UND FOTO
(Stuttgart 1929)
L’exposition organisée par le Deutscher Werkbund, bien que n’étant pas la
première grande exposition allemande
consacrée à la photographie moderne
(Neue Wege der Photographie à Iéna, en
1928, et Fotografie der Gegenwart à Essen,
en 1929, l’ont précédée), se distingue par
son internationalisme et sa volonté d’unir
tous les domaines de la photo : l’art, la
presse et la publicité. L’instigateur et directeur de la manifestation, Gustaf Stotz,
explique dans son texte d’introduction au
catalogue que le but de la Fifo, comme
on l’appelle communément, est de déterminer le « véritable champ d’action
de la photographie », tout en s’opposant
vivement « à cette conception toujours
répandue selon laquelle on ne pourrait
obtenir un effet artistique dans la photographie que par la mollesse, le flou et
surtout la retouche manuelle des prises
de vue ». Pour accomplir sa tâche, Gustaf
Stotz s’entoure de plusieurs personnalités : Hans Hildebrandt (historien d’art),
Bernard Pankok (architecte, peintre et
graphiste) et Jan Tschichold (typographe)
effectuent le choix des oeuvres ; Ernst
Schneidler organise l’espace, tandis que
des photographes servent d’intermédiaire
avec leurs compatriotes : E. Steichen* et
E. Weston* s’occupent de la partie américaine, F. T. Gubler et S. Giedon de la
partie suisse, P. Zwart* de la partie hollandaise, et K. Teige* se charge des relations
avec les Tchèques. Ils réunissent autour
d’eux 150 photographes qui exposent
individuellement : des Allemands (citons
W. Baumeister*, H. Bayer*, Ä. Biermann*,
M. Burcharz*, H. Erfurth*, Georg Grosz,
H. Höch*, A. Renger-Patzsch*, K. Schwitters*), des Autrichiens (W. Riethoff), des
Hollandais (Paul Schuitema), des Français
downloadModeText.vue.download 212 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
212
(F. Henri*, A. Kertész*, G. Krull*, E. Lotar*), des Britanniques (C. Beaton*), des
Belges (E.L.T. Mesens*), des Tchèques
(Eugen Markalous) et des Américains
(B. Abbott*, C. Sheeler*, P. Outerbridge*),
ainsi que deux groupes, la Russie (M. Alpert*, B. Ignatovitch*) et la Suisse (W. Cyliax, Carl Hubacher), et six établissements
techniques allemands, dont le Bauhaus*.
L’espace de la manifestation est constitué de treize salles. La première, réalisée
par L. Moholy-Nagy*, retrace l’histoire et
les différents thèmes abordés par la photographie – le reportage, la science et la
technique. La deuxième est consacrée
aux travaux de Sasha et Cami Stone ; la
troisième à J. Heartfield* ; la quatrième
est la salle des Russes, la seule aménagée indépendamment des autres, par
El Lissitzky* : cordes et panneaux de
bois créent un lieu original, dans lequel
est intégré directement le cinéma. Dans
la cinquième salle, Moholy-Nagy expose
quatre-vingt-seize de ses photographies,
photogrammes et photo-plastiques, et
dans la salle 6 sont exposés les représentants Américains.
L’accrochage de la suite de l’exposition est
inconnu, à part la dernière salle qui réunit les photos industrielles du Dr Lossen
&amp; Co., les travaux de Willy Riethoff
et ceux d’Arvid Gütschow. Parallèlement à l’exposition, et sous la direction
de Hans Richter, sont projetés, du 13 au
27 juin, plus de soixante films muets :
notons ceux de René Clair (Entr’act),
Man Ray* (l’Étoile de mer), Viking Eggeling (Symphonie diagonale), Charlie Chaplin (le Cirque), Fernand Léger (le Ballet
mécanique), Walter Ruttmann (Berlin,
symphonie d’une grande ville), Robert
Wiene (le Cabinet du Dr Caligari), Vsevolod Illarionovitch Poudovkine (la Fin
de Saint-Pétersbourg), etc. La Fifo est
accompagnée d’un catalogue important.
Une centaine de pages réunit cinq textes
(par Weston, W. Jemtschuschny, Hans
Richter, O.D. Kamenewa et N. Kaufmann) sur la photographie et le cinéma,
23 reproductions d’oeuvres, ainsi qu’une
liste, classée par ordre alphabétique, des
artistes présents, avec leur adresse et
les titres des clichés qu’ils exposent – à
l’exception de la première salle et des travaux typographiques. L’exposition est à
Stuttgart du 8 mai au 7 juillet 1929, puis
elle se déplace en version réduite à Zurich
(28 août-22 septembre), Berlin (19 septembre-17 novembre), Dantzig, Vienne
(20 février-31 mars 1930), Agram, et s’intègre à l’exposition Das deutsche Lichtbild
de Munich, du mois de juin au mois de
septembre 1930. Au printemps 1931, elle
est même présentée à Tokyo et Osaka. La
Fifo suscite le livre de Franz Roh FotoAuge/OEil et Photo/Photo-Eye (1929). Le
catalogue de l’exposition Film und Foto de
1929 est réédité en 1979 par le Deutsche
Verlags-Anstalt (dva) de Stuttgart, et
l’exposition l’Invention d’un art du Centre
Georges-Pompidou (1989-1990) reprend
une partie de l’exposition originale.
E.E.
FILONOV Vladimir
photographe russe
(Tbilissi 1948)
Géorgien d’origine, Filonov s’installe définitivement en Ukraine en 1965, après
avoir vécu à Bakov et dans la région de
la Volga. Il suit jusqu’en 1969 des études
supérieures d’ingénieur électromécanicien puis travaille comme ingénieur. Il
commence la photographie lors de son
arrivée à Zaporojie, en Ukraine. En 1968,
il devient membre du photo-club de la
ville et, après des recherches plus techniques, s’installe comme photographe
d’art. « Je m’absorbe dans les thèmes
downloadModeText.vue.download 213 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
213
sociaux, chercheur qui proteste contre le
Comité central du Parti communiste et
spécialement son politburo souverain »,
selon ses propres termes. De 1971 à 1983,
sa participation à deux cent cinquante
salons internationaux lui permet d’obtenir de très nombreuses médailles. Il se
recentre à l’heure actuelle sur son travail
en Russie et se consacre entièrement à la
photographie. Il réalise plusieurs séries :
Sur les routes de Russie (1987), où il fait
l’inventaire des statues à la gloire de
l’Union soviétique dans les parcs ou propriétés de Biélozersk et ceux de la région
de Penza, et Long, long Day (1987), sur
les travailleurs en usine. Il commence en
1989 la série Voyage au coeur du pays sur
les villages de la région de Kostroma qui
ont gardé un caractère traditionnel, et, en
1990, Réminiscences des provinces russes,
suite de montages utilisant des images de
sites détruits (monuments, habitations)
avec, en superposition, des portraits du
XIXe siècle. Son travail montre l’état actuel
de l’industrialisation de la Russie, sans espoir positif pour l’évolution de l’homme.
V.E.
FILTRE
Filtre coloré, feuille de verre, de gélatine
ou de matière plastique colorée, destinée
à absorber certaines radiations du spectre
en laissant passer les autres. Une gamme
importante de filtres est utilisée soit à la
prise de vue, soit au laboratoire, lors du
tirage* des épreuves, pour modifier la qualité de la lumière, le contraste d’un cliché
ou le rendu des couleurs.
Filtre correcteur, filtre coloré utilisé pour
modifier le contraste de l’image lors d’un
tirage achrome sur papier, ou pour modifier le rendu des couleurs à la prise de
vue lors d’un tirage polychrome. Filtre de
sélection, filtre vert, bleu ou rouge per-
mettant, en photographie polychrome,
d’obtenir les images de ces trois couleurs
sur émulsion panchromatique* (images
de sélection).
S.R.
FINK Larry
photographe américain
(Brooklyn 1941)
Il apprend la photographie avec A. Brodovitch* et L. Model* après avoir fait des
études à la Nouvelle École de Recherche
sociale à New York. À partir de 1964, il
commence une longue carrière d’enseignant, notamment à la Parsons School of
Design, à la Yale University, à l’International Center of Photography et à la Cooper
Union. Ses travaux décrivent le paysage
social des classes moyennes américaines,
urbaine et rurale, dans la tradition de
R. Frank*, D. Arbus* et G. Winogrand*.
Fink travaille en noir et blanc pour transcrire la vie nocturne des salons et des
boîtes de nuit, en utilisant souvent le flash
pour projeter gestes et détails à la lumière
et révéler ainsi les caractéristiques inhérentes de ses personnages. Ses oeuvres sont
notamment à New York (M.O.M.A.) et à
Boston (M.F.A.).
M.C.
FINSLER Hans
photographe suisse
(Zurich 1891 - 1972)
Il fait des études d’architecture avant de
suivre des cours d’histoire de l’art, en Allemagne, avec Heinrich Wölfflin. En 1922,
enseignant à l’école des arts et métiers de
Halle, il commence à faire ses propres clichés pour illustrer ses cours et, en 1927,
donne des cours de photographie. Ce partisan de la Nouvelle* Objectivité utilise
le gros plan et devient un des maîtres du
downloadModeText.vue.download 214 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
214
produit de consommation, de l’objet industriel (Tubes de céramique, v. 1930, Sander Gallery, New York). Ses travaux sont
caractérisés par une composition dépouillée et géométrique. Sa façon originale de
saisir les objets, isolés de leur contexte,
donne une nouvelle impulsion à l’illustration commerciale. Ses oeuvres sont à
l’exposition Film und Foto* de Stuttgart en
1929. En 1932, il retourne à Zurich et enseigne à la Kunstgewerbeschule, premier
centre de formation pour photographes
professionnels en Suisse. Il a comme
élève la plupart des grands photographes
suisses de l’après-guerre, ainsi W. Bischof*
et R. Burri*. Ses oeuvres sont notamment
conservées à la Fondation pour la photographie, à Zurich.
M.C.
FISCHLI &AMP; WEISS
ar tistes suisses
(Zurich 1952 et id. 1946)
Fischli étudie l’art à l’Accademia di Belle
Arti d’Urbino de 1975 à 1977 et Weiss
s’inscrit successivement à l’école des
beaux-arts de Zurich (1963-1964), puis à
l’école des beaux-arts de Bâle (1964-1965).
Leur collaboration date de 1979. Les deux
artistes mettent en oeuvre une méthode
d’exploration et d’interprétation du monde
à l’aide de photographies, d’objets, de
films et de publications. Sur le mode de
la série, de la typologie, de la fable, Fischli
&amp; Weiss composent les relations de
l’homme à son quotidien, à son environnement, à son savoir, non sans humour ni
provocation. La série les Saucisses (1979)
inaugure leurs premières photographies.
Un après-midi tranquille, les Équilibres
(1984) sont les images photographiques
d’objets usuels, d’ustensiles ménagers notamment ou d’accessoires vestimentaires,
qui constituent le thème essentiel de leur
film le Cours des choses (1986), relatif aux
lois mécanistes et matérialistes du monde
contemporain. Fischli &amp; Weiss sont
également les auteurs de courts métrages
tels que la Moindre résistance (1980), où
l’ours et le rat illustrent la fable du succès
et du savoir, et de nombreuses sculptures
réalisées en gomme noire représentant
animaux et objets.
À partir de 1988, ils constituent une collection de stéréotypes photographiques à travers les images d’aéroports, de lieux et de
monuments touristiques. Ils exposent au
musée de Grenoble en 1987, dans les galeries contemporaines du Centre GeorgesPompidou en 1992 et à l’ARC (M.A.M.V.P.)
en 1999.
S.C.
FISH-EYE
voir OBJECTIF
FIXAGE
Opération rendant insensibles à la lumière les substances non exposées et qui
subsistent après le développement* du
phototype.
En photographie argentique, le fixage
consiste à rendre insensibles à la lumière
les halogénures d’argent restant dans
l’émulsion* après développement, en les
transformant en sels solubles éliminables.
Le fixage des plaques, des films et des
papiers photographiques est réalisé au
moyen d’une solution d’hyposulfite de
sodium, généralement à 20 %. En photographie non argentique, le fixage s’effectue
selon des traitements variant avec les procédés. Autrefois, les clichés au collodion*
étaient fixés avec du cyanure de potassium
ou de sodium. Le bain utilisé pour le fixage
s’appelle un fixateur.
S.R.
downloadModeText.vue.download 215 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
215
FLACHÉRON Jean-FrançoisCharles-André (dit Frédéric ?)
photographe français
(Lyon 1813 - Paris 1883)
À Paris, Flachéron étudie la gravure à
l’École royale des beaux-arts (récompensé
au Grand Prix de gravure en médailles et
pierre fine, 1839). Son mariage avec Caroline Hayard (1842), le lie à la famille de sa
femme, propriétaire d’un établissement de
fournitures pour artistes sur la place d’Espagne à Rome. Il est un membre du Cercle
de Rome, composé notamment du prince
Giron des Anglonnes, d’Eugène Constant,
de Giacomo Caneva et d’un certain Robinson. Ils se réunissent au Caffé Greco et à
la Trattoria del Lepre. Vers 1851, ceuxci aident des photographes de passage
comme les Anglais Thomas Sutton et Richard W. Thomas. Tous, ils recensent les
richesses monumentales de la Ville éternelle en en valorisant l’impact émotionnel.
Flachéron réalise des vues de Rome et de
ses environs (1849-1853), qui s’inscrivent
parmi les premières démarches réfléchies
de la photographie d’architecture, mais
il aurait aussi fait des portraits. Il est en
contact avec Alfred Bruyas, avec l’opticien
parisien Charles Chevalier, dont il utilise
le matériel (1851), et participe à Londres à
l’Exposition universelle (1851) et à l’exposition de la Société des arts (1852). Si un
doute subsiste toujours sur l’identité entre
le comte Frédéric et Flachéron, ce travail
est cependant mieux connu depuis les années 1980.
B.P.
FLASH
Éclair très bref dont l’intensité est suffisante pour permettre une prise de vue
photographique. Appareil produisant les
éclairs nécessaires à des prises de vue.
Les premiers flashes utilisés par les photographes furent ceux à lampes magnésiques. Celles-ci consistaient en un fil ou
une feuille mince d’un alliage d’aluminium et de magnésium enfermé dans une
ampoule contenant de l’oxygène. Un dispositif d’amorçage permettait l’allumage
de l’alliage, qui brûlait très rapidement en
donnant une lumière blanche intense. Ce
type de flash était ainsi appelé parce qu’il
dérivait de l’ancien procédé où l’on faisait
brûler à l’air un peu de magnésium sous
forme de ruban, fil ou poudre. Les flashes
au magnésium ont été ensuite remplacés
par ceux à filament de zirconium et, aujourd’hui, par les flashes électroniques.
Le flash électronique consiste essentiellement en une conduction gazeuse de brève
durée. Pour cela, on opère généralement
au moyen d’un condensateur, dont la
décharge est faite ensuite dans un tube à
éclats contenant, sous une pression déterminée, du mercure, du krypton ou, le plus
souvent pour les prises de vue photographiques, du xénon. Le flash électronique
permet, selon certains montages conçus
à cet effet, de pratiquer des prises de vue
à de très grandes vitesses, par exemple au
1/10 000 ou au 1/100 000 de seconde et
même, avec l’appoint de techniques particulières, jusqu’au millionième ou au milliardième de seconde.
La photographie au flash nécessite une
synchronisation entre la source de lumière
et le déclenchement de l’obturateur. C’est
celui-ci qui doit commander l’éclair du
flash au moment exact de sa pleine ouverture. Cette liaison est assurée par des
dispositifs électriques, magnétiques ou
mécaniques.
L’automatisation des équipements photographiques s’est étendue au flash dans les
années 1980. Deux techniques sont utilisées : d’une part, l’incorporation au flash
d’une cellule sensible asservie à un microdownloadModeText.vue.download 216 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
216
processeur mesurant l’éclair reçu par le
sujet et le coupant dès que l’exposition du
film est assurée ; d’autre part, dans les appareils reflex, l’incorporation d’un système
similaire, en orientant la cellule vers le film
afin que la mesure se fasse sur l’émulsion,
durant son exposition.
S.R.
FLEISCHER Alain
ar tiste français
(Paris 1944)
Personnalité complexe, fuyante, Fleischer,
qui a suivi des études de lettres modernes,
de linguistique, de sémiologie et d’anthropologie, partage sa vie entre Rome, Paris
et Tourcoing, menant de front des pratiques de photographe, de plasticien, mais
aussi de cinéaste (Dehors, dedans, 1974 ;
Zoo Zéro, 1977-1978, environ 90 courts
et moyens métrages), d’écrivain (Là pour
ça, 1987 ; Grands Hommes dans un parc,
1989 ; Quelques Obscurcissements, 1991 ;
Pris au mot, 1992) et d’enseignant. Son
goût pour les dédoublements et expérimentations multiples se retrouve dans son
oeuvre photographique, le plus souvent
en couleur, où des dispositifs très élaborés mettent en scène jeux de miroirs, illusions et simulacres divers, comme dans les
séries des Happy Days (1985-1988) ou les
Voyages parallèles (1991). Il aime entremêler les codes : ludique, érotique, artistique (fragments empruntés à la peinture,
la sculpture, la littérature, au cinéma...), et
faire jouer simultanément plusieurs paramètres : mouvement (traction d’un jouet
mécanique, ouverture d’un tiroir, souffle
d’un ventilateur...), lumière (éclairages
divers, projections de diapositives...). Il
réalise aussi des installations utilisant la
photographie, comme Diva Navi (1990),
le Voyage du brise-glace (1991) ou le Regard des morts (1995). Prix de Rome pour
la photographie (1985), il a fait, depuis
1972, de très nombreuses expositions personnelles (M.N.A.M., Paris ; FIAC/galerie
Michèle Chomette ; C.N.P., Paris ; Museo
d’Arte Moderna, Rio de Janeiro...).
Ch.B.
FLORENCE Hercule
photographe brésilien d’origine française
(Nice ? - Campinas, São Paulo, 1879)
Né dans le midi de la France, Florence
vient avec sa famille s’installer au Brésil,
où il vécut pendant cinquante ans. Connu
pour son talent de dessinateur, il est invité
à accompagner une expédition scientifique
du baron Langsdorff en Amazonie.
Florence est véritablement le précurseur
mondial de la photographie en Amérique. En 1832, il invente une chambre
obscure portable avec laquelle il obtient
un négatif et un positif. Il crée le mot
« photographie », ce qu’atteste l’utilisation de celui-ci dans un journal brésilien
en 1840. Modeste, il ajoute : « Je ne suis
pas le seul. »
V.E.
FLOU
Manque de netteté de l’image, provenant
soit d’une mise au point défectueuse à la
projection, soit d’un effet délibéré à la prise
de vue (flou artistique).
S.R.
FOCALE
Distance du foyer principal d’un système
optique centré au plan principal du système. On dit aussi distance focale. (La distance focale d’une lentille mince est égale à
la distance de la lentille au foyer.)
La focale, désignée par la lettre f (par ex.
f = 50 mm), est l’une des caractéristiques
downloadModeText.vue.download 217 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
217
d’un objectif* photographique et permet
de les distinguer : un 50 mm, un 135, un
zoom 35-200, etc.
S.R.
FONTANA Franco
photographe italien
(Modène 1933)
Dès 14 ans, il exerce divers petits métiers,
puis se lance en 1961 dans la décoration
d’intérieur (qu’il pratique pendant quinze
ans). La même année il achète un Pentax
et photographie des paysages en couleur.
Il publie plusieurs livres, dont Terra da
leggere (1973) au titre révélateur : sa démarche vise en effet à traduire un « paysage en code », par une extrême simplification des formes, une composition épurée
d’espaces colorés. En 1976, il expose trois
cents images à l’Institut d’histoire de l’art
de Parme et, en 1978, publie Skyline, paysages abstraits, lignes horizontales coupant l’image en deux ou trois zones colorées, ou dégradées entre ciel et mer, ciel et
champs, plaines, routes..., livre qui fera sa
renommée mondiale. Après un voyage aux
États-Unis, il se met à photographier aussi
des paysages urbains, isolant quelques
éléments essentiels en une construction
simple, visant l’harmonie des formes et
des couleurs (Paesaggio Urbano 1980).
Puis, avec Presenzassenza (1982), l’homme
apparaît dans ses compositions urbaines,
à l’état d’ombre ou de silhouette. Il inclura
ensuite des fragments de corps féminins,
main, pied, dos, comme dans sa série Piscine, corps immergés dans une eau bleu vif
aux reflets déformants, images qui côtoient
celles des villes dans Fullcolor (1983). Il
expose dans les galeries du monde entier.
Ch.B.
FONTCUBERTA Joan
photographe espagnol
(Barcelone 1955)
Durant ses études de journalisme à l’université autonome de Barcelone (19721977), il découvre la photographie et présente ses premiers travaux en 1974 dans
la capitale catalane. Journaliste pour de
nombreux quotidiens (El Correo Catalán,
El País, La Vanguardia...) et magazines
(Zoom...), il enseigne à l’Atelier d’art photographique (1975-1976) puis à l’école des
beaux-arts de Barcelone depuis 1980. Cofondateur du groupe Alabern (1976), de
la revue madrilène Photovision (1981) et
éditeur de BCN Fotografía (1977-1979),
il apparaît comme l’un des protagonistes
du renouveau de la scène photographique
espagnole, à laquelle il apporte une réflexion sur l’enjeu proprement plastique
du cliché. Marqué à ses débuts (19731976) par l’empreinte surréaliste catalane,
il développe depuis une pratique de la manipulation mettant en scène des animaux
(Animals, 1977) ou des végétaux, revisitant des zoos, avec pour thème récurrent
la curiosité (voire la monstruosité) biologique, et pour définition commune une
esthétique anti-documentaire, fondée
sur la mise en relation énigmatique des
objets avec leur environnement. Il réalise
en 1988 une série de Frottogrammes qu’il
conçoit comme des formules hybrides
associant le frottage (Max Ernst) à l’objectivité photographique (K. Blossfeldt*).
En 1993, il présente à Francfort (galerie
Lothar Albrecht) la série The Theory of
Botany – The Theory of Anatomy, dans
laquelle son travail se focalise une nouvelle fois sur l’analyse des couples théoriques fondamentaux nature/artifice et
réalité/représentation. Ses oeuvres sont
présentes dans de nombreuses collections publiques, notamment à la FondadownloadModeText.vue.download 218 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
218
tion Miró (Barcelone), au M.O.M.A. et
au Metropolitan Museum (New York), au
musée Réattu d’Arles ainsi qu’au Fonds
national d’art contemporain (Paris).
P.L.R.
FORMAT
Dimensions d’une image d’un film* photographique. Les principaux formats des
films sont les suivants (exprimés en millimètres) : 13 × 17 ; 18 × 24 ; 24 × 36 ; (exprimés en centimètres) : 4,5 × 6 ; 6 × 6 ; 6 × 9 ;
9 × 12 ; 10 × 15 ; 13 × 18 ; 18 × 24. Dans
certains cas, le format est utilisé pour définir le type d’appareil : un 6 × 6, un reflex
24 × 36.
Film au format, surface sensible, aux dimensions d’utilisation, produite en plaque
ou en film (également appelée plan-film
dans ce deuxième cas).
S.R.
FOUCAULT Jean Bernard Léon
physicien français
(Paris 1819 - id. 1868)
Après ses études au collège Stanislas à
Paris, Foucault commence à étudier la médecine. En 1839, il se met à perfectionner
les procédés de L.J.M. Daguerre*. Pour ses
recherches, il fait ses essais près de chez
lui (l’Église des Carmes, 29 mai 1842, coll.
particulière et les Toits de Paris, vers 1844,
coll. Société française de photographie).
Il est préparateur au cours de microscopie
du professeur Alfred Donné. En 1844, pour
illustrer l’Atlas du cours de microscopie, il
fait des vues à l’aide d’un microscope-daguerréotype solaire à court foyer qui lui
permet d’obtenir des grossissements de
20 à 400 fois. Le temps de pose varie de 4
à 20 secondes (Globules de ferment de levure de bière, 1844, coll. Société française
de photographie). Avec Hippolyte Fizeau,
Foucault fait des recherches sur les phénomènes de la lumière, notamment sur sa
vitesse et sur les interférences lumineuses,
et obtient le premier daguerréotype* du
soleil en 1843.
En 1851, il fait suspendre à 67 m au sommet du dôme du Panthéon un pendule
afin de démontrer le mouvement de la
Terre. En 1854, Foucault entre comme
physicien à l’Observatoire de Paris ; la
même année, il participe à la création de
la S.F.P.*
En 1855, pour son invention du gyroscope,
la Société royale de Londres le récompense
avec la médaille Copley. En 1861, il souffre
de paralysie progressive et ne pourra achever ses travaux d’astronomie : ce mal l’emporte en février 1868.
M.J.M.C.
FRANCK (François Marie Louis
Alexandre Godinet de Villecholle, dit)
photographe français
(Voyennes 1816 - Asnières 1906)
Après un début de carrière dans les
lettres, Franck se met à la photographie et
conçoit ses premiers daguerréotypes en
1845. Exilé à Barcelone de 1849 à 1857, il
revient en France sous l’Empire et devient
membre de la Société* française de photographie. En 1859, il s’installe photographe
à Paris sous le pseudonyme de Francle et
propose des portraits en noir et blanc et
en couleur, des reproductions artistiques
et industrielles, des vues de monuments,
et se spécialise, en 1861, dans la carte* de
visite. En même temps, il est professeur de
photographie à l’École polytechnique. En
1880, il cède son établissement à Chalot
et se lance dans la fabrication de plaques
sèches. De 1882 à 1900, il est membre du
conseil de la S.F.P.
F.H.
downloadModeText.vue.download 219 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
219
FRANCK Martine
photographe française
(Anvers 1938)
Franck grandit aux États-Unis et en
Grande-Bretagne, puis commence des
études universitaires à Madrid et termine
à l’École du Louvre à Paris, en 1963. La
même année, elle rapporte d’un voyage en
Chine, au Japon et en Inde ses premières
photographies. À son retour à Paris, elle
« fait véritablement connaissance avec
la photographie » lors d’un stage d’un an
dans les laboratoires de Time Life. Photographe indépendante, elle débute au
Théâtre du Soleil et travaille bientôt pour
Life*, Fortune, Sports Illustrated, New
York Times, Vogue*. Dès la création en
1970 de l’agence Vu – qui périclite au bout
d’un an –, elle en devient membre. En
1972, avec ses anciens collaborateurs, elle
fonde l’agence de presse Viva. En 1980,
distinction suprême, elle devient membre
associé à l’agence Magnum*. L’émotion
dominée, la distance prise avec le sujet,
la composition contrôlée donnent à son
oeuvre un caractère classique. « Mon principal désir, affirme-t-elle, est de présenter
des images qui incitent à la réflexion. »
Son portrait, le Temps de vieillir (1980),
pose le problème de la place de la vieillesse dans notre société. Présentes dans
de nombreuses expositions en France,
aux États-Unis, ses photographies sont
conservées, en France, à la Bibliothèque
nationale, au musée Nicéphore-Niépce ;
aux États-Unis, au Museum of Art et au
Metropolitan Museum of Art de New
York.
S.Ro.
FRANK Robert
photographe suisse
(Zurich 1924)
Après son apprentissage photographique
entre 1940 et 1942 à Bâle et à Zurich,
Frank commence une carrière de photographe marquée par l’influence de
G. Schuh*. Il s’installe en 1947 aux ÉtatsUnis, où il travaille d’abord comme photographe de mode et reporter pour Fortune,
Life*, Look et Harper’s Bazaar* auprès de
A. Brodovitch*. Des voyages en Bolivie et
au Pérou, en 1948, et en Europe entre 1949
et 1951 le confrontent à la réalité sociale,
qu’il aborde de manière subjective. Sa rencontre avec W. Evans* en 1953 l’influence
profondément alors qu’il commence à
fréquenter les peintres et les poètes de la
Beat Generation. Grâce à une bourse de
la Fondation Guggenheim, il voyage « sur
la route » dans tous les États-Unis entre
1955 et 1956 ne s’intéressant qu’à des événements mineurs de la vie américaine. La
publication en 1958 par Robert Delpire du
livre fondateur du reportage subjectif, les
Américains, édité aux États-Unis en 1959
avec une préface de Jack Kerouac, est ressentie comme une remise en cause des
fondements du photojournalisme*, tant
techniques qu’idéologiques. Mal cadrées,
parasitées par les noirs et une lumière
salie, les photographies de Frank résultent
d’une approche psychologique et mythologique de l’Amérique au travers d’une
déambulation ouverte.
Frank montre rapidement son intérêt pour
le cinéma expérimental (Pull My Daisy,
1959) et il participe en 1962 à la fondation
du New American Cinéma et de la FilmMakers Cooperative. La monographie The
Lines of My Hand (1971) comporte des
montages de photographies, des planchescontacts et des photogrammes de films où
downloadModeText.vue.download 220 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
220
la mise en scène de sa vie est mêlée à des
thèmes de la culture underground.
À partir de 1974, des photomontages réalisés avec un Polaroid, griffés et raturés,
recouverts de mots anodins, mettent en
scène réalité et imaginaire sur un mode
mélancolique. Frank vit en NouvelleÉcosse, au Canada, depuis 1969. Il est
revenu récemment à la photographie de
mode et au reportage. Une rétrospective
(Moving Out) a été présentée à Amsterdam, en 1995 (Stedelijk Museum).
F.D.
FREIRE Carlos
photographe brésilien
(Rio de Janeiro 1945)
Fils d’immigrés portugais et italiens de la
première génération, Freire, photographe
indépendant, travaille avec la presse européenne et américaine, fait de nombreux
voyages en Inde et en Europe – surtout en
Italie. Photographe du noir et blanc, il sait
jouer de la lumière, des regards, comme
pour cet Homme sur les quais de la gare
de Calcutta ou les portraits des personnalités de l’art et de la littérature, telle Marguerite Yourcenar, qu’il présente au Centre
Georges-Pompidou en 1989 puis à Boston
et à New York en 1991.
De nombreux ouvrages rassemblent ses
images : Voyage en Italie ; Cinéastes français contemporains ; Lumières de l’Inde ;
l’Argot du bistrot et, en 1993, Naples,
royaume des gens. Son regard sombre et
pénétrant capte le secret des hommes et
nous montre souvent les terribles conditions dans lesquelles ils vivent dans le
monde. Grâce et gravité constituent sa
perception de la vie réelle. De nombreuses
expositions consacrent son travail en
France – sa patrie d’élection depuis 1968
–, en Europe et aux États-Unis. Il poursuit
régulièrement la réalisation de portraits
d’artistes dont les derniers ont été présentés à Cassis en 1993.
V.E.
FREITAS Iole de
photographe brésilienne
(Belo Horizonte 1945)
Photographe indépendante, elle pratique
également le cinéma. Sur les traces de
certains plasticiens brésiliens des années
1960, comme Lygia Clark et Helio Oiticica, de Freitas fait partie d’un mouvement
appelé « Body-Art », l’artiste utilisant son
corps comme support de son art.
À partir de 1976, ses performances enregistrées deviennent sujets d’exposition. Son
travail se présente en séries ou séquences
constituées de photogrammes et de photographies agrandies. Après un séjour de
huit ans à Milan, elle revient au Brésil, à
São Paulo. Dans ses recherches, elle se
sert du double filtre de l’appareil photo et
du miroir pour refléter un « soi-même »
doublement distancié. Elle apparaît sur
l’image par fragments, examine son corps
en microcosme avant de le reconstruire en
tant qu’oeuvre d’art. Son travail de « photo-langage » a été présenté dans de nombreux musées au Brésil, ainsi qu’en Italie,
dont une pièce très remarquée Morceaux
de verre, tranches de vie, de 1975, qui est
exposée au musée d’Art moderne de Paris.
En 1978, la galerie Arte Global, à São Paulo, lui a consacré une exposition.
V.E.
FREUND Gisèle
photographe française d’origine allemande
(Berlin 1908 - Paris 2000)
Freund étudie la sociologie avant de fuir
les nazis. Elle s’établit à Paris en 1933. Étudiante à la Sorbonne, elle commence à
downloadModeText.vue.download 221 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
221
photographier pour subvenir à ses besoins.
Dès 1935, elle travaille avec Life*, Weekly
Illustrated, Paris-Match (reportage sur
les chômeurs dans le nord de l’Angleterre, 1935). Parallèlement, elle écrit sa
thèse sur « La photographie en France au
XIXe siècle ». En 1935, Adrienne Monnier
lui présente de nombreux écrivains (François Mauriac, Colette, Jean-Paul Sartre,
André Gide, Louis Aragon, André Malraux, James Joyce, George Bernard Shaw,
Virginia Woolf, etc.). Elle réalise alors
leurs portraits en couleur – elle est une
pionnière dans l’utilisation de ce procédé
–, célèbres pour leur approche réaliste et
sensible de la personnalité du sujet. En
1940, elle est obligée de fuir une seconde
fois et part en Argentine. Elle se spécialise
alors dans le reportage (Chili, Bolivie, Brésil, Équateur). De retour à Paris en 1946,
elle fait les portraits de Henri Matisse,
P. Bonnard*, etc. Photographe à l’agence
Magnum* de 1948 à 1954, elle parcourt
les deux Amériques. Ses reportages sont
publiés dans la presse du monde entier
(notamment celui sur Evita Perón, à Buenos Aires en 1950). Elle habite au Mexique
pendant deux ans (1950-1952). Dans les
années 1970, elle part au Proche-Orient
et au Japon. Elle publie le Monde et ma
caméra en 1970, Photographie et Société en
1974, et le musée national d’Art moderne
organise une exposition sur son oeuvre en
1991.
E.E.
FRIDLAND Simon Ossipovitch
photographe russe
(Kiev 1905 - 1964)
Dès l’âge de 14 ans, il travaille comme
apprenti chez un cordonnier à Kiev, mais
il quitte la condition ouvrière grâce à l’intervention de son cousin Mikhaïl Kolcov,
rédacteur en chef de la revue Ogonek. À
partir de 1925, il travaille à Moscou pour
ce journal, premier hebdomadaire russe
illustré, dans un premier temps comme
assistant du laboratoire photographique,
ensuite comme reporter. Il collabore également à l’U.R.S.S. en construction, où ses
images paraissent, et au quotidien la Pravda. Il participe en 1928 à l’Exposition
Dix Ans de photographie soviétique, où il
fut distingué comme l’un des six meilleurs
photo-reporters de l’Union soviétique.
Il étudie pendant toute cette période au
département photo de l’Institut central
du cinéma. En 1930, il devient membre de
l’agence Unionfoto (plus tard Soyuzfoto)
et, en 1932, réintègre Ogonek en tant que
chef du département-photo, puis crée au
sein de cette revue les bases d’un système
d’organisation de l’information photographique, de l’agitation et de la propagande,
système qui sera adopté par la plupart des
revues périodiques soviétiques. Fridland
développe des concepts originaux sur
la mise en page et les montages textesimages. Il est nommé en 1935, président de
l’Association des photographes-reporters
de Moscou et la Seconde Guerre mondiale
le verra occuper le poste de correspondant
de guerre.
V.E.
FRIEDLANDER Lee
photographe américain
(Aberdeen, Washington, 1934)
Il étudie la photographie à l’Art Center
de Los Angeles (1953-1955) et, dès 1956,
gagne sa vie en photographiant des musiciens de jazz pour des pochettes de disques.
Outre ses travaux de commande, il commence, dans l’admiration de E. Atget*, une
oeuvre nourrie de références à W. Evans* et
R. Frank*. La rue est le lieu privilégié de
sa création. Dans chaque image se superposent des éléments et des plans qui se
downloadModeText.vue.download 222 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
222
contredisent et envahissent tout l’espace
jusqu’à saturation. Cette vision ne loue
plus le vide des grands espaces américains.
Révélé pour la première fois en 1963 à
Rochester, son travail est présenté, avec
celui de D. Arbus* et de G. Winogrand* au
M.O.M.A. de New York lors de l’exposition New Documents* (1967), qui consacre
cette nouvelle école américaine. Commencé au milieu des années 1960, son travail
sur les monuments américains se poursuit
pendant dix ans et exprime sa filiation avec
Evans par l’apparente froideur de sa vision.
Le livre American Monument paraît en
1976. Dans Self Portrait (1970), la présence
de Evans est plus évoquée que montrée. La
même année, il publie les portraits de prostituées de la Nouvelle-Orléans, réalisés par
E.J. Bellocq* au début du siècle, travail qu’il
s’attache à réhabiliter en tirant les plaques
de celui-ci, découvertes en 1958. Pendant les années 1970, il photographie des
fleurs et des paysages, images publiées en
1981. S’il travaille sur des thèmes, Friedlander ne définit jamais ses séries à l’avance.
L’exposition Portraits, présentée en 1984 à
la galerie Zabriskie (Paris), rassemble des
photographies prises depuis 1958. Et ses
images de femmes nues ne sont révélées
qu’en 1991.
Dans ses photographies, Friedlander ne
choisit pas de mettre en évidence un élément, il accumule des informations dont
il ne reste plus que les formes. Son regard
nouveau rend visible un monde qui paraissait inconcevable.
A.M.
FRITH Francis
photographe britannique
(Chesterfield, Derbyshire, 1822 - Reigate
1898)
Frith ouvre la voie à la photographie de
paysage à l’époque du collodion* (1850).
Il est aussi connu comme éditeur de vues
topographiques réalisées en Grande-Bretagne et en Orient, et distribuées sous
forme de livres et de portfolios ; les photos (et vues stéréoscopiques) sont vendues
en série ou une par une. En 1853, Frith est
membre fondateur de la Royal Photographic Society. Entre septembre 1856 et juillet 1857, il voyage en Égypte et en Nubie,
terres lointaines et empreintes de références religieuses et d’attraits exotiques
lorsque l’Angleterre était victorienne.
En 1857-1858, Frith traverse l’Égypte et
gagne Jérusalem, la Syrie, le Liban. Un
troisième voyage au Caire le mènera cette
fois-ci toujours plus au sud. Frith n’est
pas le seul à s’être aventuré en Orient (le
peintre Horace Vernet réalisa dès 1839 des
daguerréotypes* qui seront rassemblés en
un recueil de gravures intitulé les Excursions daguerriennes. De même, en 1852,
M. Du Camp*, écrivain et journaliste,
fera publier par Blanquart Évrard Égypte,
Nubie, Palestine et Syrie, qui fait état de
son voyage avec Flaubert) ; mais Frith se
distingue par une approche systématique
du paysage, rendu dans son ensemble mais
aussi détaillé, réalisant ainsi de véritables
vues topographiques. Le fait même de
photographier les monuments sous différents angles mais toujours à la même distance permet de reconstituer mentalement
l’espace où s’ordonnent les ruines les unes
par rapport aux autres. L’échelle du paysage nous est donnée par un personnage
lorsqu’il ne constitue pas un détail pittoresque. La lumière rasante révèle formes et
surfaces des monuments et cités qui apparaissent à fleur de terre. Frith utilise un appareil stéréoscopique et une chambre avec
trois formats de plaques au collodion ; il
est parmi les premiers à utiliser le format
20 × 16 pouces, particulièrement difficile
à manier sous le soleil du Proche-Orient
À son retour d’Égypte, Frith constate le
downloadModeText.vue.download 223 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
223
succès de la publication des épreuves qu’il
a réalisées, réunies sous le titre Views of
Sinai, Palestine, Egypt and Ethiopia : premier ouvrage représentant l’Égypte et la
Terre sainte et concurrençant les dessins
lithographies de David Robert (1830). En
1860, Frith est propriétaire de sa propre
maison d’éditions photographiques, la
Frith and Co., dont l’activité perdurera
jusqu’en 1871, faisant ainsi la preuve d’une
alliance heureuse entre la photo et la gravure, celle-ci permettant à celle-là d’exister de manière inaltérable et pour un plus
grand nombre. Par la suite, Frith s’installe
pour mener une vie de famille partagée
entre la publication de livres illustrés, son
travail d’écriture, où il discute de la photographie de son temps, et ses recherches
philosophiques et religieuses.
A.Ma.
F.64
groupe de photographes américains
(États-Unis 1932 - 1935)
Les photographes se sont implantés en
Californie, dans les années 1860, avec la
construction de la ligne de chemin de
fer Atlantique-Pacifique. Leur présence
est donc très forte dans les années 1920,
lorsque quelques jeunes artistes veulent
contrer les principes de la photographie
pictorialiste*, en vogue depuis une vingtaine d’années (référence à la nature et à
la peinture, flou, composition). En 1932
se crée à San Francisco le groupe f.64,
autour de Preston Holder et Willard Van
Dyke, avec E. Weston*, I. Cunningham*,
A. Adams*, Sonya Noskowiak. Il s’agit
pour eux de promouvoir un pôle culturel
à l’ouest, de s’affranchir de la tutelle de
A. Stieglitz*, de donner une spécificité à
l’art californien. Une première exposition
a lieu au De Young Memorial Museum,
et une galerie est ouverte. La dénomination f.64 désigne l’ouverture minimale du
diaphragme (disponible sur une chambre
grand format), qui permet une grande profondeur de champ et une meilleure précision. Le groupe prône le retour aux seuls
principes photographiques portés à leur
maximum d’efficacité ; usage des grands
formats (le 20 × 25 cm, particulièrement),
interdiction de toute manipulation ou
retouche sur le négatif ou sur l’épreuve,
tirage du positif par contact. Il est également recommandé de ne pas composer
des arrangements artificiels, la photographie devant être un constat de nature.
Rigueur et beauté vont de pair, confortées
par la conscience du travail bien fait ; on
retrouve là les idées issues de la photographie germanique et diffusées en particulier
par le Bauhaus* (Weston et Cunningham
ont participé en 1929 à l’exposition Film
und Foto* de Stuttgart). On peut même
parler – comme en architecture – d’un
style international, qui essaime également
en France. On privilégie la vision rapprochée, l’objet et sa matière qui joue dans
la lumière, le monumentalisme du sujet,
les tirages au bromure d’argent, brillants ;
entre nature et industrie se tissent des correspondances dues aussi au mode de cadrage uniforme. Arbre, cheminée d’usine,
machine, plante, animal, portrait, objet
isolé et empilements d’artefacts participent d’une même louange de la création.
Le groupe est pratiquement dissout en
1935, après que A. Adams ait pris contact
avec A. Stieglitz (il exposera dans sa galerie
de New York en 1936). Le groupe f.64 avait
permis à la photographie californienne
d’exister comme un médium artistique
autonome, de s’émanciper et de participer
à une culture spécifique de l’Ouest américain, que Weston et I. Cunningham continueront d’incarner.
M.F.
downloadModeText.vue.download 224 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
224
FUKASE Masahisa
photographe japonais
(Bifuka, Hokkaido, 1934)
Né dans une famille qui tient un studio
de portrait depuis deux générations, Fukase se familiarise avec la photographie
en aidant ses parents. Après avoir fait des
études de photographie à la Nihon University de Tokyo, il travaille, à partir de 1956,
pour des agences de publicité et une maison d’édition. Il devient photographe indépendant en 1968.
Dès 1964, dans une H.L.M. de la banlieue
de Tokyo, Fukase photographie sa vie
quotidienne aux côtés de sa femme Yoko.
Leur vie intime est transposée en drame
photographique où Yoko, souvent nue,
joue le rôle central. En dirigeant les scènes
absurdes, Fukase s’identifie au spectateur-voyeur. Cette nudité-absurdité dans
le cadre de l’H.L.M. semble fonctionner
comme un cri contre l’uniformisation de la
vie. Ils jouent tous deux ce drame, parfois
drôle, parfois mélancolique, jusqu’à leur
divorce en 1976. Ce travail fait l’objet de
deux publications, Homo Ludens (Chuokoronsha, Tokyo) en 1971 et Yoko (Asahi Sonorama, Tokyo) en 1978. À partir de 1976,
dans la campagne de Hokkaido, sa région
natale au nord du Japon, comme dans la
ville de Tokyo, Fukase photographie obsessionnellement les corbeaux. Pour lui, ces
oiseaux deviennent des métaphores de sa
solitude et de son malaise dans la vie. Ces
images, tristes, inquiétantes, mais vigoureuses, sont publiées sous le titre Karasu/
Ravens en 1987 (Sokyusha, Tokyo). Parallèlement, il continue à photographier son
père photographe avec sa famille et publie,
en 1991, Kazoku/Family et Memories of
Father (Inter Press Corporation, Tokyo).
En Europe, l’oeuvre de Fukase est présentée en 1989 dans l’exposition Europalia 89,
Japan-Belgium, au musée de la Photographie de Charleroi, et Photography Now, au
Victoria and Albert Museum de Londres.
T.O.
FULTON Hamish
artiste britannique
(Londres 1946)
Après deux ans d’études à la St Martin
School of Art, où il suit les enseignements
de John Latham (1966-1968), puis une année au Royal College of Art de Londres, où
il étudie la photographie (1969), il entame
ses premières pérégrinations dans des
paysages du monde entier et devient, avec
R. Long*, un des protagonistes du land
art*. Contrairement à Long, il ne soustrait
pas de matériau à la nature pour les transposer (exposer) dans l’espace de la galerie, mais utilise exclusivement le médium
photographique pour rendre compte de
son activité mentale et physique dans des
paysages sur lesquels il n’intervient pas directement. Il se contente en effet de dresser des constats photographiques qui se
présentent comme le journal d’une expé-
rience artistique, même s’il considère que
« l’oeuvre d’art n’est pas un compte rendu
et ne peut pas transmettre l’expérience ».
La mise sous verre de la photographie
contribue directement à souligner cette
distance opposant le vécu émotionnel
de l’artiste au regard passif du spectateur. Le commentaire très descriptif que
Fulton apporte en légende de ses clichés
vient cependant combler cet écart. Dans
une oeuvre intitulée Two Paces (1979), le
spectateur lit ainsi, en contrebas d’une
photographie dont les deux mètres de
long rétablissent l’échelle concrète de
deux pas : « Une marche qui commence à
minuit avec un clair de lune et finit dans
la lumière trouble d’un crépuscule d’hiver,
Kent, janvier 1979. » Située, datée, rapportée à un contexte déterminé, la photodownloadModeText.vue.download 225 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
225
graphie vient proposer alors une possible
expérience par procuration.
P.L.R.
FUNKE Jaromìr
photographe tchèque
(Skutec 1896 - Prague 1945)
Après des études de médecine et de droit,
Funke devient photographe indépendant
à Prague en 1922. Il réalise jusqu’en 1927
des portraits, des paysages et des photos
d’architecture urbaine dans lesquelles il
utilise des perspectives proches de celles
de A. Rodtchenko* (« de haut en bas »).
Sous l’influence de Man Ray*, il commence
à fixer des natures mortes abstraites, où
les objets (verres, bouteilles), mis en scène
par un éclairage dramatique, deviennent
des formes géométriques solides découpées dans des zones d’ombre et de lumière.
Mélange savant, interprétation originale
du cubisme, du constructivisme et du surréalisme, la photographie de Funke soutient la modernité contre les techniques
anciennes : il est cofondateur de la Société
tchèque de photographie en 1924. Entre
1927 et 1929, Funke pratique le photogramme*. Durant les années 1930, il s’intéresse particulièrement aux conditions
des pauvres (il est membre du groupe
Sociofoto). Puis il exécute différentes séries photographiques : le Temps qui dure
(1930-1934), Réflexes (1931), le Temps qui
continue, proche du surréalisme (19311934), Mykolin (1939-1941), et, enfin,
pendant la guerre, Cycle de la terre non
rassasiée (1940-1944). Enseignant à l’école
d’apprentissage de Bratislava (1931-1934),
puis à l’École des arts appliqués de Prague
(1935-1944), il publie de nombreux articles (Photographic Horizons, Fotograficki
Obzor), ainsi que son livre Fotografie vidi
povrch. Sa première exposition personnelle a lieu à Prague en 1931, et il figure
à l’exposition les Photographes tchèques du
Centre Georges-Pompidou, en 1983.
E.E.
FURNE Charles Paul
photographe et éditeur français
(Paris 1824 - Kermingam 1875)
Fils du libraire parisien Charles Furne, à
qui l’on doit la première édition des oeuvres
complètes de Balzac, Furne s’associe en
1857 à son jeune cousin Henri Tournier,
pour fonder une maison de photographie
spécialisée dans les épreuves stéréoscopiques, sise dans les locaux de l’imprimeur
Joseph Lemercier. En moins de quatre ans,
les deux hommes éditent quelque deux
mille couples stéréoscopiques, parmi lesquels on retiendra un magnifique voyage
en Bretagne, un reportage sur les fêtes de
Cherbourg de 1858 et un périple à travers
les paysages du Paris-Lyon-Méditerranée.
Ils publient également plusieurs séries
de saynètes composées, où se déploient
toute leur créativité et leur sens de la mise
en scène. Citons leur célèbre Maison à
Paris, l’Alphabet des costumes ou encore
les Mésaventures de Jean-Paul Choppart,
inspirées du roman de Louis Desnoyers.
Soucieux de promouvoir leur production,
Furne et Tournier se lancent, en octobre
1858, dans la publication d’un périodique.
La Photographie, journal des publications
légalement autorisées ne connaît que 8 numéros avant de disparaître au mois de mai
1859. À la mort de son père (juillet 1859),
Furne abandonne la photographie pour
reprendre, dès 1861, la librairie paternelle,
laissant à son associé le soin de continuer l’exploitation de leur fonds. Celle-ci
se poursuit jusqu’en décembre 1864, date
à laquelle Henri Tournier, acquéreur du
journal la Vie à la campagne, cède sa maison de photographie à son ancien employé
Armand Varroquier, qui en exploite les cli-
downloadModeText.vue.download 226 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
226
chés pendant près de deux ans, l’enrichit
de quelques nouvelles séries, mais ne peut
éviter la faillite, en août 1866.
D.P.
FÜRSTENHOFRUNDE
groupe autrichien
(années 1840)
Dès le début de l’année 1839, les milieux
scientifiques et industriels de Vienne, en
Autriche, ont suivi de près l’annonce de
la découverte de L.J.M. Daguerre*. Un
groupe de passionnés se retrouve régulièrement au domicile de l’un d’entre eux, à
la maison Fürstenhof, d’où leur nom. S’y
distinguent les daguerréotypistes Charles
Schuh et Charles Reiser, les professeurs
de l’Institut de physique Andreas von
Ettinghausen (1796-1878), Joseph Petzval
(1807-1892) et Joseph Berres (1796-1844),
l’opticien Frederick Voigtländer (18121878), A. Martin* (1812-1882), bibliothécaire à l’Institut polytechnique, les frères
Jean et Joseph Natterer, Voigt, Waidele,
Schultner, Pohl. Ce groupe contribue activement aux progrès de la photographie.
D’une part, Kratochwilla révèle, en même
temps que d’autres en Europe, le rôle accélérateur de l’association brome/chlore
dans la préparation de la plaque daguerrienne, permettant à Martin de prendre
des vues d’hiver, sans soleil, en quelques
secondes seulement. D’autre part, sur les
conseils d’Ettinghausen, Petzval calcule
le premier objectif spécialement conçu
pour la photographie, construit ensuite
et commercialisé avec un succès durable
par Voigtländer &amp; fils, sous le nom
d’« objectif allemand ». Sa grande luminosité, contrairement aux objectifs de
Daguerre ou de Chevalier, permet enfin la
prise de vue de portrait. Martin participe
à la mise au point de cet objectif, en 1840
(portraits d’Ettinghausen, notamment).
D’autres membres, enfin, se penchent
sur les procédés d’impression à partir du
daguerréotype*.
C.K.
FUSIL PHOTOGRAPHIQUE
Ensemble de prise de vue photographique
rappelant par sa forme le fusil de tir et destiné à la photographie de sujets éloignés,
notamment des animaux dans la nature.
Un fusil photographique comporte essentiellement un objectif de longue focale, un
boîtier photographique, un dispositif télescopique entre le boîtier et l’objectif pour
commander la mise au point rapide de ce
dernier, une crosse supportant l’ensemble
et permettant au photographe de lui donner appui contre son épaule. Le premier
fusil photographique fut construit par É.J. Marey* en 1881.
S.R.
FUTURISME ITALIEN
Ce mouvement, fondé en 1909 par le
poète italien Filippo Marinetti (qui en fait
paraître le manifeste en France, dans le Figaro), regroupe peintres et sculpteurs (Balla, Boccioni, Severini...). Inspirés par la philosophie de Bergson, séduits par le progrès
– l’automobile entre autres –, ces artistes
cherchent à représenter le mouvement, la
« sensation dynamique elle-même » (Boccioni) et s’intéressent à la chronophotographie* créée par É.-J. Marey*. Ce n’est qu’en
1913 que des photographes les rejoignent :
les frères Bragaglia*, qui, depuis deux ans,
élaborent le « photodynamisme », décomposition du mouvement (un geste soudain)
dans un champ continu, rendue par un
flou de « bougé », une dématérialisation
de la forme (alors que les peintres utilisent
plutôt des lignes de force géométriques).
A.G. Bragaglia publie un essai : PhotodynadownloadModeText.vue.download 227 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
227
misme futuriste (1913). Les rapports avec
les autres artistes sont difficiles (Boccioni
condamne ces recherches dans la revue
futuriste Lacerba), mais, pour la première
fois, peintres et photographes ont affronté
ensemble un même problème plastique.
Une seconde étape de la photographie
futuriste (avec Tato*, G. Parisio*, V. Paladini*, I. Pannaggi*...) marque un net élargissement des recherches : anamorphose,
photomontage*, surimpression, figuration
posée, etc., suivant les tendances de « l’art
mécanique » (proche du constructivisme
allemand) ou du surréalisme*. En 1930,
Marinetti et Tato publient un Manifeste
de la photographie futuriste, proposant
diverses formes de subversion jouant sur
le mouvement, mais aussi sur l’espace,
l’échelle, l’ambiguïté entre réalité et artifice.
Une exposition au musée d’Art moderne
de Paris (1981-1982) a réuni les photographies d’une trentaine de futuristes italiens
et a fait l’objet d’une publication.
Ch.B.
downloadModeText.vue.download 228 sur 634
228
G
GALÉRIES DE
PHOTOGRAPHIE
Les premières expositions de photographies, parfois présentées dans le cadre de
manifestations officielles comme l’Exposition universelle de Paris en 1855, ont toujours relevé d’initiatives privées (sociétés
savantes ou clubs d’amateurs). La fondation de la première galerie consacrée à la
présentation de photographies correspond
à l’émergence d’un nouveau courant esthétique, le pictorialisme*, qui place d’emblée
la photographie dans le champ des disciplines artistiques. En novembre 1905,
A. Stieglitz* ouvre, au 291 de la 5e Avenue,
à New York, les little galleries de la PhotoSécession*. Bientôt surnommée « 291 »,
la galerie expose, jusqu’à sa fermeture en
1917, des oeuvres de photographes mais
aussi d’artistes de l’avant-garde européenne encore inconnus aux États-Unis.
Dans cette première entreprise, Stieglitz
apparaît plus comme un intermédiaire
entre le public et les artistes que comme
un marchand : il ne prend aucune commission sur les ventes. Ce même courant
pictorialiste favorise d’autres initiatives en
Europe. La galerie Poulenc Frères ouvre à
Paris en 1913 et prétend créer sur la place
de Paris un marché de la photographie
d’art. Si ces photographies d’auteurs sont
présentées comme des objets de collection, on ne peut cependant pas encore parler de marché.
Après la guerre, comme Stieglitz l’a an-
noncé avec sa dernière exposition consacrée à P. Strand*, la photographie s’engage
dans une autre voie, celle de la « photographie pure ». Après un voyage à Paris en
1927, où il découvre l’oeuvre de E. Atget*
et les surréalistes, Julien Levy ouvre à New
York, en 1931, sa propre galerie avec une
rétrospective consacrée à la photographie
américaine et, en 1932, révèle le travail de
H. Cartier-Bresson*. Mais Levy a surtout
vendu des peintures d’artistes surréalistes
et collectionné les tirages réalisés pour
ses expositions de photographie jusqu’en
1949.
À Paris, en 1937, le photographe F. Tuefferd* ouvre un atelier de photographies qui
downloadModeText.vue.download 229 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
229
lui permet de créer au même endroit, sans
souci de rentabilité, un Centre de propagande pour la photographie. Entre 1937
et 1940, la galerie le Chasseur d’images
présente de nombreux photographes de la
« nouvelle photographie », mais les ventes
restent ponctuelles. Dans les années qui
suivent la guerre, ce genre d’entreprise ne se
renouvelle pas. C’est l’époque de la grande
presse* illustrée. On s’intéresse aux images
et le tirage sert d’abord à imprimer. Entre
1954 et 1961, à New York, la Limelight
Gallery-Cafe, fondée par Helen Gee, est le
seul lieu consacré à la présentation de photographies. Ce n’est qu’avec l’apparition de
nombreuses galeries aux États-Unis et en
Europe, au début des années 1970, que ce
marché va enfin s’organiser. L’initiateur de
ce mouvement est Lee D. Witkins, qui, le
premier, ouvre en 1969, à New York, une
galerie spécialement consacrée à l’exposition et à la vente de tirages : la galerie
Witkins. Les initiatives se multiplient : à
Londres, la Photographer’s Gallery ouvre
en 1971. Créée par Sue Davis, elle procède
à la vente de tirages et de livres, tout en bénéficiant de subventions. À Paris, en 1975,
Agathe Gaillard ouvre une galerie uniquement destinée à la vente de tirages de photographes contemporains qu’elle défend
et représente. La galerie Stephen White
a ouvert à Los Angeles la même année.
Dans son guide du collectionneur, paru en
1979, Lee D. Witkins peut recenser plusieurs galeries par pays. En Allemagne, la
PPS Galerie à Hambourg, la galerie Wilde
à Cologne, la galerie Schürmann et Kicken
à Aachen prouvent qu’un marché s’est développé dans l’ensemble du pays. À Paris,
en plus de la galerie Zabriskie, de la galerie
Michèle Chomette, de la Remise du Parc,
d’autres comme celle de Gérard Lévy ou
la galerie Octant proposent des photographies anciennes. Depuis 1975, François
Brauschweig et Hugues Autexier proposent eux aussi des pièces anciennes au
marché aux puces, avant d’ouvrir la galerie
Texbraun à Paris, en 1981. Avec l’apparition de toutes ces galeries consacrées à
la présentation d’oeuvres contemporaines
ou à la vente de tirages anciens, un marché s’est progressivement mis en place. En
l’espace de vingt ans, il s’est considérablement développé, reflétant de cette façon le
changement de statut qu’a connu la photographie lors de cette période. La photographie est devenue sans conteste un objet
de collection.
A.M.
GARANGER Marc
photographe français
(Ézy-sur-Eure 1935)
De 1960 à 1962, Garanger fait son service
militaire en Algérie comme photographe ;
il réalise sur ordre une série de photographies d’identité : deux mille femmes
algériennes photographiées droit dans
les yeux, de face. Il écrit : « J’ai reçu leur
regard à bout portant, premier témoin
de leur protestation muette, violente. »
En 1964, il fait un reportage sur les funérailles de Palmiro Togliatti : l’Unità en fait
un livre. En 1966, photographe indépendant à Paris, il est lauréat du prix Niépce ;
avec la bourse, il part en Tchécoslovaquie.
Ensuite, Garanger voyage aux quatre coins
du monde, photographiant l’homme au
travail dans son environnement. Il gère
lui-même sa photothèque de plus de un
million d’images. En 1984, il sort un premier Video Laser Disc, Regard sur la
Planète, et, dernièrement, un CD Photo,
Rêves d’Est-Rêves d’Ouest (Futur Vision). Il
publie aussi de nombreux livres : Femmes
algériennes 1960 (Contrejour, 1982, réédité en poche en 1989), Regards vers l’Est (SP
Métal, 1992), Carnets sibériens (Éditions
du Griot, 1993). Les photos de Garanger
downloadModeText.vue.download 230 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
230
ont été exposées, entre autres, au palais de
Tokyo-C.N.P. en 1986, lors d’une exposition de groupe intitulée Identités, la même
année à la galerie municipale du Château
d’Eau et, en 1992, à la galerie Picto Bastille
avec une exposition intitulée Louisiane.
Actuellement, Garanger continue son parcours, passionné par les hommes et leurs
traditions ; depuis deux ans, il travaille sur
le chamanisme en Sibérie. Il est représenté
en France, notamment dans les collections
de la Bibliothèque nationale, à Paris et à
Chalon-sur-Saône, au musée Nicéphore
Niépce.
S.B.
GARANIN Anatoli
photographe russe
(Moscou 1912)
Étudiant à Moscou de 1919 à 1929, il
s’initie en solitaire à la musique et à l’art.
Il consacre toute sa carrière au journalisme, fixant les événements politiques
et officiels importants en Union soviétique et à l’étranger, travaillant pour de
nombreux journaux et magazines avant
la Seconde Guerre mondiale. Pendant la
guerre, il est photoreporter pour Frontavaïa Illioustratsia et, à 29 ans, il se trouve
en permanence sur le front, y prenant
des centaines d’images dont certaines
sont très connues aujourd’hui, comme
Mort d’un soldat, qui montre l’héroïsme
du soldat combattant au seuil de la mort.
À partir de 1950, correspondant spécial
pour le magazine Soviet Union, il est affecté comme photographe personnel de
Nikita Khrouchtchev et voyage avec lui à
travers le monde.
La musique et le théâtre sont deux grandes
passions qu’il illustre par des photographies plus personnelles. Il travaille pour
tous les théâtres de Moscou et particulièrement les scènes d’avant-garde de Sovremennik et de Na Taganke, directeurs et acteurs l’assimilant totalement à la création
des pièces.
Cette jeunesse d’esprit le rapproche de la
génération actuelle des photographes, qui
lui accordent une admiration totale. Ses
photographies de musiciens et d’acteurs
nous confrontent à des artistes dont le sé-
rieux et les tensions intérieures rappellent
l’âme russe traditionnelle. Il vit actuellement à Moscou.
V.E.
GARCÍA Romualdo
photographe mexicain
(Silao 1852 - Guanajuato 1930)
Précurseur du portrait photographique au
Mexique, sous l’influence de son maître
Don Vincente Fernand, García est d’abord
musicien puis peintre et enfin photographe. Sa région d’origine est un des hauts
lieux de la photographie naissante dans le
pays. Dans son école, professeurs et élèves,
passionnés par ce nouvel art, ont même
construit leurs propres appareils, outils et
matériaux. Au début de sa carrière professionnelle, il reproduit des images pieuses
qu’il vend, puis ouvre en 1887 un atelier,
principalement fréquenté par une clientèle
populaire : mineurs, ouvriers, petits fonctionnaires ou prostituées défilent dans son
studio, où ils posent devant un décor Art
nouveau. On retrouve dans ses images la
tradition des portraits peints : portraits de
famille, grands-parents, couples et groupes
d’amis. À Paris, en 1889, García reçoit la
médaille de bronze à l’Exposition universelle et, en 1900, il est récompensé pour
ses paysages. Malheureusement, la plupart de ses images disparaissent en 1905
lors d’une inondation à Guanajuato, et, en
1910, la Révolution lui ôte tout espoir de
reprendre les affaires. Par la suite, grâce à
ses enfants qui rouvrent son atelier, GardownloadModeText.vue.download 231 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
231
cía se retire pour reprendre la peinture. Il
meurt en 1930, en laissant ses plaques de
verre originales au musée de l’Alhondiga
de Granaditas.
V.E.
GARCÍA JOYA Mario (dit Mayito)
photographe cubain
(Santa Maria del Rosario 1938)
Après des études de théorie et de solfège
au conservatoire de Guanabacoa, à La
Havane, il poursuit une formation d’arts
plastiques, à l’Académie San Alejandro, et
de design graphique avec le peintre Raúl
Martínez. À partir de 1963, il étudie l’histoire de la photographie avec le professeur
Mario Rodriguez Alemán à l’Institut de
cinéma (ICAIC) et est licencié en philologie à l’université de La Havane, spécialisée
dans les études cubaines.
Dès 1957, il collabore avec plusieurs
agences de presse cubaines et au journal
Revolución. Il participe au groupe de création de Canal 4 à la télévision cubaine et à
la revue Cuba. Il fonde le Conseil latinoaméricain de la photographie, à Mexico,
et y organise le premier colloque de photographie. Il s’occupe de trois ateliers à
la cinémathèque de Mexico en 1981. La
Cooper Union et la School of Visual Art
à New York l’invitent pour une série de
conférences en 1983.
García Joya voyage très régulièrement aux
États-Unis à l’invitation des plus grandes
institutions : International Center of Photography de New York, Photographic Archives. En 1988, il est nommé professeur
titulaire adjoint de l’Institut supérieur d’art
à Cuba (UNEAC).
Ses expositions personnelles font le tour
du monde. Les principales sont montrées au Brésil (1984), à la 41e Biennale
de Venise, au Pavillon cubain de Vancouver (Expo 1986), à Chicago et en Argentine pour ses trente ans de photographie
(1988). Il reçoit de nombreuses distinctions officielles cubaines.
Ses images les plus marquantes réalisées
entre 1959 et 1960 sont celles des défilés
dans les rues de La Havane des femmes
miliciennes, des jeunes brandissant les
drapeaux, véritable galerie de portraits
des manifestants à la gloire de Fidel Castro, auquel il a été très attaché.
V.E.
GARCÍA RODERO Cristina
photographe espagnole
(Puertollano 1949)
Vivant à Madrid, elle y enseigne la photographie à l’école des beaux-arts de l’université Complutense. Depuis 1972, elle
réalise un travail en noir et blanc sur la
survivance des rites et coutumes en Es-
pagne, photographiant des pratiques et
fêtes populaires, souvent religieuses (où,
curieusement, se mêlent rites païens et
rites chrétiens), des scènes de rue, mais
aussi d’émouvants portraits (La Franqueira, 1977 ; El Gato ciego, Leganés,
1991). Oscillant entre complicité tendre,
clin d’oeil amusé (Los Borregos, Villafranca
Del Cid, 1981, montre, dans une lumière
crépusculaire un troupeau de moutons se
pressant devant l’entrée de la « Plaza de
Toros ») ou encore troublante étrangeté
(dans Jugando a la pasión, des enfants
sont accrochés à de grandes croix), elle
reçoit de nombreuses distinctions : prix
Eugène Smith en 1989, Dr. Erich Solomon
et Kodak Fotobuchpreis à Stuttgart en
1990, World Press 1993 (catégorie Arts)...
Elle devient membre de l’agence Vu en
1989. Ses travaux ont été publiés sous le
titre général d’España Oculta et présentés en 1989 au musée d’Art contemporain
de Madrid et aux Rencontres d’Arles, en
1990 au Fotografie Forum de Francfort,
downloadModeText.vue.download 232 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
232
en 1992 au Mois de la photographie, à
Paris...
Ch.B.
GARDNER Alexander
photographe américain
(Paisley, Écosse, 1821 - 1882)
Gardner est l’un des principaux photographes de la guerre de Sécession : bon
nombre des photographies un temps attribuées à M. Brady* ont en fait été réalisées par lui. Entre 1835 et 1843, il est
apprenti joaillier ; son intérêt pour l’optique, l’astronomie et la chimie l’amènera
à la photographie après un passage dans
le journalisme, pour le Glasgow Sentinel.
En 1856, sur l’invitation de Brady, Gardner part à New York. Deux ans plus tard,
il semble suffisamment compétent pour
se voir attribuer la charge du studio de
Brady à Washington. Technicien ingénieux (il excelle dans le maniement des
plaques au collodion, tout comme il maîtrise la technique d’agrandissement des
épreuves ; il est l’un des premiers à utiliser
la lumière électrique pour ses portraits),
Gardner est aussi homme d’affaires, et
l’atelier prospère. Lorsque la guerre civile
éclate, Gardner assiste un temps Brady,
mais les deux hommes se fâchent quand
ce dernier refuse que les photographes
qu’il avait engagés signent de leur nom
les épreuves qu’ils ont réalisées, parfois
au péril de leur vie. Gardner, suivi de
G.N. Barnard* et de Gibson, entre autres,
décide donc de travailler en indépendant.
En 1862, il est engagé comme photographe
officiel par l’armée du Potomac. En 1863,
il dirige son propre studio où il travaille
principalement à produire des cartes de
visite. En 1866, Gardner’s Photographic
Book, publié en deux volumes, comprend
plus de 100 photos originales réalisées par
lui-même et par d’autres praticiens auxquels il accordera la reconnaissance que
Brady leur avait refusée. En 1867, Gardner s’engage aux côtés de l’Union Pacific
Railroad, Eastern Division, pour laquelle il
photographie des scènes de vie familières
et de très beaux paysages tout au long des
déplacements effectués dans le Kansas et
jusqu’en Californie. Le style de Gardner
est de chercher à ne pas en avoir, laissant
ainsi à la photo seule le pouvoir d’assurer
la postérité des sites et des événements
auxquels il s’est confronté. Gardner a
aussi réalisé de nombreux portraits du
président Lincoln. En 1865, alors que les
fédéraux ont gagné la guerre, Lincoln est
assassiné : Gardner documente la procession funéraire et l’exécution des conspirateurs. Le portrait qu’il fait de Lewis Payne
en prison place la photo bien au-delà du
simple témoignage historique et pose la
question de l’acte photographique comme
acte d’agression.
A.Ma.
GARDUÑO Yañez Flor de María
photographe mexicaine
(Mexico 1957)
Née à Mexico où elle effectue des études
de peinture et de photographie à l’Académie San Carlos, ainsi qu’à l’École nationale des arts plastiques de l’université de
Mexico, Garduño s’intéresse à la photographie à partir de 1977. Tout en suivant des
cours de graphisme, elle devient assistante
de M. Alvarez Bravo*, maître de la photographie mexicaine.
Avec lui, elle met au point les tirages de plusieurs portfolios. Sa première publication,
en 1979, dans Creative Camera lui ouvre la
porte de la revue du musée d’Art moderne
de Mexico. Elle travaille pour le secrétariat à l’Éducation publique et expose ses
oeuvres au Mexique et à l’étranger. En 1981
et 1982, elle part, avec Alvarez Bravo, dans
downloadModeText.vue.download 233 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
233
les zones indigènes. En tant que designer
et photographe, elle élabore des livres d’alphabétisation et participe à la réalisation
d’importantes publications sur l’art mexicain, signées par des auteurs comme Ida
Prampolini ou Cardoza y Aragón. À partir
de 1982, elle collabore à la direction générale du théâtre de l’université de Mexico.
Cuba l’invite en 1984 à la Biennale de graphisme à La Havane, et ses images sont
présentées au Mois de la photo 1986, à
Paris. Parallèlement, son travail personnel,
en constante évolution, fait appel à une
recherche intime sur sa position d’auteur
dans le milieu de l’art contemporain. De
son dernier voyage à travers le Mexique,
elle rapporte des images des habitants, des
paysages dont est absent tout folklore. Elle
capte les situations qui nous renvoient à
des souvenirs intemporels comme cette
jeune fille qui sort de l’eau, à Oaxaca, en
marge de la modernité.
V.E.
GARNELL Jean-Louis
photographe français
(Dolo 1954)
Après avoir débuté dans la photographie
en utilisant le noir et blanc, il recourt
depuis 1984 à la couleur qu’il exploite
d’abord dans une série de paysages, avant
de traiter de façon détournée le genre
de la nature morte. Sous le titre générique Désordres, ces travaux représentent des espaces domestiques encombrés
de bibelots hétéroclites, le plus souvent
très colorés (la Lune, 1987). Malgré leur
apparence, ces compositions soigneusement saturées ne font pas l’objet d’une
intervention de l’artiste, qui se contente
de sélectionner un cadrage sur des sujets
empruntés directement à l’environnement quotidien. Documents sur la vie
moderne, ces clichés n’exploitent pas le
penchant typologique et sociologique de
la photographie documentaire : « Mon
propos est surtout formel », explique
Garnell. Approche formaliste qui trouve
une issue plus sensible et plus psychologique dans une série de portraits bougés,
en couleur, où l’artiste cultive à la fois le
flou de l’image et le reflet lumineux des
lampes de prise de vue sur la pupille attentive de ses modèles. Le temps (celui
de la décomposition du paysage comme
celui de la pause des portraits) se révèle
ainsi être l’un des thèmes de prédilection
d’une oeuvre qui se penche, à la suite de
R. Barthes*, sur le caractère mélancolique
de la photographie.
P.L.R.
GARRIDO Nelsón
photographe vénézuélien
(Caracas 1952)
Garrido étudie dès 1966 en France et aux
États-Unis, pays où il réalise ses premières
expériences photographiques et audiovisuelles. Il oeuvre comme photographe
dans des domaines très divers : théâtre,
danse, cinéma, publicité. Son travail s’inscrit entre la photographie et les arts plastiques. Ses assemblages d’esprit baroque,
dans lesquels le cadre et les objets qui
l’accompagnent font partie intégrante de
l’oeuvre, font référence à la culture latinoaméricaine. Garrido offre une perception
ironique de son monde visuel, où la religiosité et le mélange des cultures s’entrelacent dans des espaces irrespectueux et
magiques. Premier photographe à recevoir
le prix national des Arts plastiques vénézuélien, il participe à de nombreuses expositions collectives à Caracas (Troisième
Biennale des arts visuels, 1993 ; le Portrait
dans la photographie vénézuélienne, galerie nationale d’Art).
V.E.
downloadModeText.vue.download 234 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
234
GASPARINI Paolo
photographe vénézuélien d’origine italienne
(Gorizia, Frioul, 1934)
Gasparini, né en Italie, émigré en 1955 au
Venezuela. D’abord photographe d’architecture, il réalise de nombreux reportages
sur les villes et l’urbanisme. De 1961 à
1965, il s’installe à Cuba où il collabore au
journal Revolución et au conseil national
de la Culture, sous la direction de l’écrivain
Alejo Carpentier. En 1966, il voyage en
Europe avec P. Strand*. En 1970, l’Unesco
lui offre un contrat pour réaliser un travail
ambitieux sur les diverses architectures
des pays latino-américains. Ce projet lui
permet de témoigner, par son aspect documentaire, de la vie quotidienne des régions
qu’il parcourt.
Ses images d’une grande qualité esthétique
et son regard critique sur la réalité lui ont
valu de nombreuses distinctions dans plusieurs festivals internationaux. Il a publié
plusieurs ouvrages, notamment Panorámica de la Arquitectura latino americana
(1977) et Retromundo (1986).
Durant sa longue trajectoire artistique, il
participe à de nombreuses expositions à
travers le monde, et en particulier en Europe (Paris, Centre Georges-Pompidou,
1982) et au Venezuela (le Portrait dans la
photographie vénézuélienne, Caracas). Il
reçoit en 1993 le prix national de la Photographie du Venezuela.
V.E.
GAUDIN (frères)
éditeurs et photographes français
Calculateur au Bureau des longitudes,
mais chimiste de formation, Marc Antoine
Augustin (Saintes 1804 - Paris 1880) s’intéresse tout naturellement à l’invention de
la photographie. Il réalise son premier daguerréotype* le 20 août 1839, à l’aide d’un
appareil de petit format de sa fabrication
qu’il commercialise quelques années plus
tard sous le nom de « Daguerréotype Gaudin ». Avec l’opticien Lerebours, il ouvre un
studio de portraits ; il en réalise plus d’un
millier. En octobre 1840, il obtient une vue
instantanée de la foule qui se presse sur le
Pont-Neuf, grâce à une substance accélératrice qu’il met au point sous le nom de « liqueur Gaudin ». De 1843 à 1850, il publie
plusieurs ouvrages sur la photographie et
aide de ses conseils son frère Alexis Pierre
Ignace (Saintes 1818 - Paris 1894) qui
ouvre, en 1842, un studio de portraits puis
une fabrique de plaques pour daguerréo-
type (marque de l’Étoile). Alexis rachète en
1851 le journal la Lumière, fondé quelques
mois plus tôt par Bénito de Monfort et
menacé de disparition. Avec l’aide de ses
frères et du journaliste Ernest Lacan, il en
fait un périodique de tout premier ordre et
se lance parallèlement dans la promotion
du stéréoscope et de la photographie en
relief. Alexis et Charles Jacques Emmanuel
(Saintes 1825 - Saint-Germain-en-Laye
1905) s’associent en 1855 et se spécialisent dans l’édition d’épreuves stéréoscopiques. Lorsque Marc Antoine remplace
Ernest Lacan comme rédacteur en chef
de la Lumière, en 1861, le journal prend
une orientation plus scientifique. En 1864,
Alexis cède sa maison et son journal à son
frère Charles et se retire des affaires. Des
difficultés financières obligent Charles à
interrompre définitivement la publication
du journal en mars 1867. Marc Antoine reçoit la même année le prix Trémont pour
ses recherches et ses expériences dans le
domaine de la chimie.
Les affaires de Charles périclitent lentement. La guerre, le siège de Paris puis la
Commune achèvent de ruiner la maison
Gaudin, qui est déclarée en faillite en
1872. Marc Antoine publie, l’année suidownloadModeText.vue.download 235 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
235
vante, un ouvrage très remarqué sur l’Architecture des atomes. Il meurt en 1880 des
suites d’un empoisonnement du sang par
des produits chimiques.
D.P.
GÉLATINE
Protéine ayant l’aspect d’une gelée, fondant vers 25 °C, que l’on obtient par action
de l’eau chaude sur le collagène des tissus
de soutien animaux. La gélatine constitue
le liant essentiel de la plupart des couches
photographiques.
Suivant sa provenance, son mode d’extraction et le processus de purification, ses
propriétés varient et sont mises à profit
pour la fabrication des différents types
d’émulsion* photographique.
S.R.
GÉLATINO-BROMURE ou
GÉLATINO-CHLORURE
Gélatino-bromure d’argent, gélatino-chlorure d’argent, noms donnés aux couches
photosensibles constituées par une suspension de cristaux microscopiques de
sels d’argent (bromure, chlorure) dans la
gélatine, coulée sur un support, et que l’on
appelle plus généralement « émulsions*
photographiques ».
S.R.
GENTHE Arnold
photographe américain
(Berlin 1869 - New Milford, Connecticut,
1942)
Philologue de formation, passionné de
langues mortes, de peinture, de musique
et de danse, Genthe arrive aux États-Unis
en 1895 (naturalisé en 1918). C’est à San
Francisco qu’il installe son premier studio,
en 1897, photographiant les drogués et les
assassins du quartier chinois. C’est à cette
époque qu’il adhère au California Camera
Club et devient photographe professionnel spécialisé dans le portrait. En 1911, il
installe un studio de portraits à New York,
où il demeure jusqu’à sa mort, en 1942,
photographiant les personnalités de son
époque : Theodore Roosevelt, Greta Garbo... Dans son livre As I remember, publié
en 1936, il exprime sa volonté de créer un
nouveau genre photographique en prenant
les modèles par surprise. Genthe est également un novateur dans le domaine de la
technique photographique s’intéressant à
la photographie couleurs et réalisant des
autochromes* dès 1908. Son oeuvre a fait
l’objet de plusieurs expositions, en particulier Theatrical Portraits, Museum of the
City of New York, en 1941, Arnold Genthe
1869-1942 au Staten Island Museum à
New York, en 1975, et à la Thackrey and
Robertson Gallery, à San Francisco en
1978. De nombreux musées collectionnent
ses photographies, dont le Metropolitan
Museum of Art et l’International Center of
Photography à New York.
S.B.
GENTILI Moreno
photographe italien
(Côme 1950)
Il obtient à deux reprises le premier prix
(ex-aequo) de photojournalisme italien (en
1986, le prix Vincenzo Carrese ; en 1991,
le prix Franco Pinna). Gentili est présenté
dans la sélection L’Insistenza dello sguardo,
à Palazzo Fortuny, en 1989. Photographe
parmi les plus intéressants de la jeune génération, il se place dans la lignée de la tradition visuelle italienne, tout en montrant,
dès ses débuts, un regard personnel : il
passe d’un reportage du quotidien urbain,
toujours légèrement ironique, à des images
toujours plus proches d’un regard visiondownloadModeText.vue.download 236 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
236
naire. Son approche exprime aussi une
poésie qui joue sur ses références photographiques et culturelles (R. Frank*, Kafka)
en même temps que sur une quête affective. Dans les derniers travaux, il accentue
autant les oscillations des axes des prises
de vue que les masses sombres, soulignées
dans le tirage par le jeu des halos clairs.
Dans Rivedute Veneziane (1993), livre qui
accompagne une exposition itinérante
présentée d’abord à Milan, il a rapproché
Venise, sa ville d’élection, de la culture de
l’Europe centrale.
S.T.
GERNSHEIM Helmut
photographe et historien de la photographie britannique d’origine allemande
(Munich 1913 - 1995)
Fils d’un historien de la littérature, il suit,
en 1933-1934, des études d’histoire de l’art
à l’université de Munich, puis, entre 1934
et 1937, des cours de photographie (procédé couleur) à l’école d’État de Munich.
Il devient ensuite photographe indépendant, à Londres. Entre 1942 et 1945, à la
demande de l’institut Warburg, il photographie les bâtiments et les monuments
historiques de Londres. Sur la suggestion
de B. Newhall*, Gernsheim commence, en
1945, une collection de photographies anciennes. À partir de 1947, il abandonne son
activité professionnelle pour se consacrer
entièrement à la recherche et à l’écriture.
Il redécouvre ainsi l’oeuvre de nombreux
photographes anglais (L. Carroll*, 1947)
et, en 1952, la première photographie au
monde, due au Français N. Niépce*, qu’il
estime être de 1826-1827. Il réalise en
1951, au sein du Victoria and Albert Museum, une exposition à partir de sa collection, Masterpieces of Victorian Photography. La suivante, Un siècle de photographie
(1956), est la première de ce type à être vue
dans les musées de l’Europe de l’Est. Parallèlement, il publie de nombreux livres sur
la photographie, et notamment, en collaboration avec sa femme Alison, son imposante Histoire de la photographie (1955,
1962, 1983). À la suite de H. Schwarz*, il
consacre des études monographiques à
des photographes du XIXe siècle (J. M. Cameron, 1948). Depuis 1964, la collection
Gernsheim se trouve déposée à l’université
du Texas, à Austin. De nationalité anglaise
(1946), Gernsheim, qui a reçu de nombreuses récompenses, vit depuis 1965 en
Suisse, à Lugano.
J.-L.G.
GERZ Jochen
artiste allemand
(Berlin 1940)
Il étudie l’art à Düsseldorf en 1951, à Cologne en 1959, puis à Bâle en 1962. Il participe en 1967 à sa première exposition
de groupe, organisée à Paris par la galerie
Davy. Il vit à Paris depuis 1968. En 1975, le
musée d’Art moderne de la Ville de Paris
et le musée d’Art et d’Industrie de SaintÉtienne lui consacrent une exposition personnelle. Il a participé à de nombreuses
manifestations en Europe, en Amérique du
Sud, aux États-Unis, au Japon.
Depuis 1969, Gerz associe ses textes à ses
photographies. À la fin des années 1960,
il est l’auteur de ses performances. Les
premières photos y sont étroitement liées
dans le processus même de leur création.
En 1971, il prend 196 photos d’une même
cheminée, forcé de cesser cette action alors
que l’appareil ne fonctionne plus. L’image
est à la fois un instrument et un produit
qui lui permettent de développer un discours critique face à ses usages et à ses
effets. L’Arbre et sa reproduction (1971) est
une action au cours de laquelle il place sa
photographie dans un arbre. Gerz réalise
downloadModeText.vue.download 237 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
237
exclusivement des clichés noir et blanc.
À partir des années 1980, le rapport entre
l’image et le récit devient plus complexe et
plus littéraire. Gerz construit des récits et,
en cela, introduit dans ses textes des éléments de fiction. Il accorde une large place
à l’esthétique de ses tirages et de ses accrochages, exploite le bougé, le flou, l’instantané, dans des images qui questionnent
l’identité et la visibilité des sujets et des
thèmes traités.
S.C.
GETTE Paul-Armand
ar tiste français
(Lyon 1927)
Après une activité dans le domaine de la
peinture (dès 1948), de la sculpture et de
la poésie visuelle, Gette, installé à Paris en
1963, réalise des toiles photographiques,
une recherche sur des cadrages d’espace
(les Cristaux) avant d’orienter ses travaux,
à partir de 1968, autour de l’observation du
paysage. Proche de certaines démarches
conceptuelles, il participe en 1977 à la
Documenta 6 de Cassel. La photographie
devient rapidement un médium de représentation du paysage aux côtés d’autres
techniques visuelles (photocopie, vidéo,
dessin), sonores et écrites. Les méthodes
scientifiques qu’il emprunte aux sciences
naturelles explorent de nouveaux territoires. La photographie est utilisée sous la
forme neutre et sérielle de relevés documentaires du paysage, de minéraux ou de
plantes.
Un second aspect de son travail sur les
jeunes filles, commencé en 1970, repose
sur la mise en scène du modèle dans l’esprit de L. Carroll*. Au cours des années
1980, les espaces du bain, des toilettes
(Intervention toilettes, M.N.A.M., Paris,
1986), la présentation d’objets ou de vêtements, le « toucher du modèle » révèlent
la déconstruction photographique des
codes de l’interdit alors que le fragment, le
cadrage, les changements d’échelle, créateurs de « lisières » poétiques, rassemblent
autour de la métaphore érotique les lieux
du corps et de la nature. Le recours à la
photographie en couleur et au Polaroid
s’est accompagné de leur inclusion dans
des installations parfois monumentales,
composées de moniteurs vidéo et d’échantillons minéraux devenus sculptures. Le
musée de La Roche-sur-Yon a présenté en
1992 une exposition consacrée à Gette, de
même que, en 1993, à Calais, le musée des
Beaux-Arts et de la Dentelle.
F.D.
GHIRRI Luigi
photographe italien
(Scandiano 1943 - Reggio Emilia 1992)
Son travail de coloriste sur le paysage est
particulier, comme fidèle à une vision enfantine, ludique, entre fascination et dérision. Attiré par les trompe-l’oeil et par les
ambiguïtés poétiques, nées de rencontres
inattendues dans l’espace, il traque aussi
les images stéréotypées où l’Italie semble
se parodier elle-même (il recrée même des
simulacres de paysages-clichés, plus vrais
que nature). Une distanciation ironique se
manifeste dans Paesaggi di cartone (1974)
ou dans « » (1975), 365 photographies du
ciel prises chaque jour de l’année. En 1978,
dans Kodachrome (texte et photographies)
au titre emblématique, il expose sa quête
du « déchiffrement des hiéroglyphes »,
qui passe par un travail sur l’analogie et/
ou le fragment, pour atteindre « l’identité
réelle » des êtres et des choses sous leur
apparence. Avec une vingtaine de photographes italiens, il conçoit l’exposition
Viaggio in Italia (présentée en 1984 à Bari,
à Gênes, à Rome et, par la suite, à l’étranger). En 1985, il photographie parc et châdownloadModeText.vue.download 238 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
238
teau de Versailles, en vastes perspectives
géométriques, quasi irréelles, et, en 1989,
l’atelier de Morandi à Bologne, restituant
l’atmosphère de ses toiles. Exposées dans
de nombreuses galeries (Il Diaframma,
Milan, 1974 ; Light Gallery, New York,
1980 ; Contre-jour, Paris 1992...), ses photographies figurent dans les collections du
M.O.M.A. de New York, du Museo della
Fotografia de l’université de Parme, où il
enseignait.
Ch.B.
GHISOLAND Norbert
(dit Guisoland)
photographe belge
(La Bouverie, Borinage, 1878 - Frameries
1939)
Fils d’un mineur protestant, il devait être
menuisier, mais la mort de son frère aîné, à
qui leur père venait d’acheter du matériel,
l’amène à la photographie. Après trois ans
d’apprentissage à Mons, il ouvre un studio
à Frameries, en 1902 ; la population des
environs, ouvriers, mineurs, paysans, commerçants, vient poser devant des toiles de
fond romantiques : jardin à l’anglaise, hall
à colonnades, intérieur d’église... Habillés
bourgeoisement ou déguisés (en marins ou
en soldats gradés, en religieux de haut rang
ou en champions sportifs...), ils sont assortis parfois d’un accessoire (guéridon, bicyclette, instrument de musique, chien...).
Enfants et adultes, seuls ou en groupe, souvent debout, raides, fixent l’objectif, d’un
air grave et gauche. L’étrange coexistence
entre l’allure théâtrale et un peu dérisoire
de ces portraits et leur simplicité (renforcée par l’éclairage doux d’une grande verrière) se traduit dans les regards égarés des
modèles... Ces photographies ont été présentées au C.N.P., palais de Tokyo, Paris,
en 1991.
Ch.B.
GIACOMELLI Mario
photographe italien
(Senigallia 1925 - 2000)
Né dans une famille modeste à Senigallia,
Giacomelli n’a jamais quitté ce petit village
des Marches. À treize ans, il entre dans
une imprimerie. Fasciné par les caractères
typographiques, il assemble des lettres
usées et, avec du ciment, crée ses premiers
tableaux. Après la guerre, il retravaille à
l’imprimerie, dont il est devenu l’un des
propriétaires. Il poursuit ses compositions
abstraites et écrit ses premiers poèmes.
À Noël 1953, il achète un appareil photo,
qu’il transforme et adapte aux besoins
de son expression poétique. Il photographie essentiellement pendant le week-end
et se rend régulièrement à l’hospice de
vieillards où sa mère a dû travailler après
la mort de son père, en 1934. Il réalise là
sa première série qu’il intitule Vie d’hospice. Dans ses premiers tirages déjà très
durs, il retrouve les contrastes de la typographie. Il s’échappe un peu de Senigallia,
pour Scanno, un petit village des Abruzzes
(1957), visite un village des Pouilles et photographie des handicapés à Lourdes (1958).
Parallèlement, il construit des paysages où
les lignes noires tracent comme des cica-
trices. Giacomelli poursuit ses séries en
s’inspirant de poèmes. Il photographie des
séminaristes de Senigallia jouant dans la
neige (1961-1963). En 1963, cet amateur
est reconnu comme un maître de la photographie italienne, ses images de Scanno
sont achetées par le musée d’Art moderne
de New York et exposées l’année suivante.
La Buona Terra, un autre cycle d’images
entrepris en 1964 en suivant une famille
de paysans, parle de la terre et des saisons.
Il retourne à l’hospice et donne à cet ensemble le titre d’un recueil de poèmes : La
mort viendra qui aura tes yeux. Au début
des années 1980, il entreprend une relecdownloadModeText.vue.download 239 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
239
ture de son oeuvre et assemble des images
pour former de nouveaux récits. À partir
de 1992, il travaille sur le thème du rêve,
un récit commencé il y a déjà des années.
Ses photographies sont présentes dans les
collections de nombreux musées, notamment aux États-Unis, à Rochester (George
Eastman House), et en Europe, à Londres
(Victoria and Albert Museum) et à Paris
(Bibliothèque nationale).
A.M.
GIBSON Ralph
photographe américain
(Los Angeles 1939)
Gibson apprend la photographie dans la
marine américaine de 1956 à 1960 et parfait cet enseignement au San Francisco Art
Institute. De 1961 à 1962, il est l’assistant
de D. Lange*, puis travaille avec R. Frank*
à New York comme cameraman sur le
tournage de son film Me and my Brother
(1967-1969). Il fait partie de l’agence Magnum* durant une courte période. En 1969,
il s’installe à New York, ouvre son studio
et crée sa propre maison d’édition, Lustrum Press. Gibson, qui a réalisé des commandes dans la mode, l’édition et la publicité durant les années 1960, abandonne
tout travail commercial à partir de 1970 et
se consacre à son art. La vision de Gibson
est unique, profonde, et les images qu’elle
produit sont immédiatement identifiables.
Il évolue entre surréalisme* et minimalisme, et c’est l’histoire de l’art, l’oeuvre de
Malevitch en particulier, qui joue un rôle
décisif sur son travail. Qu’il s’agisse de nu,
de portrait, de paysage, d’architecture, de
scènes intimes ou de mises en scène, Gibson s’attache aux détails en mettant en
évidence le côté abstrait des choses, tout
en préservant leur sens. Le cadre est structuré par le rapport des formes entre elles,
la tension des lignes, le rendu des matières
et l’opposition franche des noirs profonds
et des blancs, le contraste. Dans le cas
de Gibson, le livre est le support idéal de
l’oeuvre. Moyen d’expression autonome, il
établit entre les images des doubles pages
une correspondance imaginaire. Sans
commentaires, sans légendes, avec juste
un titre, le livre permet à l’image d’un
objet photographié de devenir une image
photographique en soi, dans un travail en
continuité. En 1990, le musée NicéphoreNiépce, à Chalon-sur-Saône, lui consacre
une rétrospective.
N.C.
GIDAL Tim
photographe américain
(Munich 1909 - Jérusalem 1996)
Gidal fait des études d’économie, d’histoire et de droit international à l’université
de Munich, puis à celle de Berlin, de 1928
à 1931. Il reçoit son diplôme de docteur
en philosophie à l’université de Bâle en
1935. En 1929, au cours de ses études, il
commence la photographie avec un Leica
et décide dès lors de sa carrière de photographe indépendant. Gidal a réalisé plus
de 190 reportages. En 1936, il émigré en
Israël et, de 1938 à 1940, est l’un des principaux reporters du journal Picture Post ;
puis, de 1942 à 1945, il dirige l’équipe des
reporters du magazine Parade, voyageant à
travers l’Afrique, la Méditerranée et l’Asie.
En 1947, il émigré aux États-Unis et travaille comme conseiller à l’éditorial de Life
Magazine (1959-1964). Depuis 1971, il est
chargé de conférences en communication
visuelle à l’université hébraïque de Jérusalem. En 1972, il publie Modern Photojournalism : Origin and Evolution 1910-1933,
l’un des livres clefs pour l’enseignement du
photojournalisme*. En 1975 est organisée
une grande exposition de ses travaux au
Israel Museum, à Jérusalem. Il qualifie ses
downloadModeText.vue.download 240 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
240
photographies de variations sur le thème
de la tragi-comédie de la vie. Ses oeuvres
sont conservées notamment à Londres
(V.A.M.), à Rochester (George Eastman
House) et à Munich (Photo Museum).
M.C.
GILBERT AND GEORGE
(Gilbert Proersch et George
Passmore, dits)
ar tistes britanniques
(Dolomites, Italie, 1943, et Devon, GrandeBretagne, 1942)
Les deux artistes étudient à la St Martin’s
School of Art de Londres jusqu’en 1968,
date de leur première exposition personnelle dans un café londonien, réunissant
des « objets sculptures » sur des tables
recouvertes de nappes blanches. Mais
c’est en 1969 qu’ils réalisent les pièces
les plus significatives de leur oeuvre : les
Living Sculpture, ou Sculptures vivantes,
une série de performances dans lesquelles
ils se produisent en public, sous les traits
stéréotypés de gentlemen anglais, vêtus du
même costume de ville et accompagnés
d’une bande-son qui diffuse une chanson
populaire (Underneath the Arches ; The
Singing Sculpture, datées de 1969). Leurs
photographies qui ne sont pas le constat, à
proprement parler, de leurs performances
en sont cependant indissociables. Elles
traitent des mêmes situations. En 1971, les
premières Photo-Pieces sont des photographies en noir et blanc. Que celles-ci soient
encadrées ou non, assemblées selon des
formats carrés ou rectangulaires ou encore
éclatées sur l’ensemble du mur, leur présentation élabore un mode d’accrochage
antitraditionnel de la photographie. Les
Nature Photo-Pieces (1971) puisent leur
inspiration dans la tradition bucolique
du paysage anglais. Dès 1972, les scènes
de café et d’ivresse allient l’humour à la
provocation. En 1974 apparaît la couleur
rouge (« Cherry Blossom » et « Bloody
Life »).
Les Pictures, qui sont des compositions
murales très colorées, de plus en plus monumentales et complexes, vont dominer
leur oeuvre. Elles sont proches des arts de
propagande où se mêlent habilement les
références à la tradition – notamment à
l’art du vitrail et à celui de l’affiche – et à
l’univers des médias.
Les thèmes de la vie, de la mort, de la religion sont confrontés à ceux de la réalité
contemporaine : la violence des villes, la
question raciale, l’homosexualité et, notamment après 1990, la menace du virus
du sida. Depuis 1969, Gilbert and George
ont participé à la plupart des grandes expositions internationales d’art contemporain. Exposée en Europe, aux États-Unis,
en Asie, en Australie, leur oeuvre est également représentée dans les collections
des musées (Guggenheim Museum, New
York ; Stedelijk Museum, Amsterdam ;
M.N.A.M., Paris).
S.C.
GIMPEL Léon
photographe français
(Paris 1878 - id. 1948)
Gimpel entre comme reporter photographe au journal l’Illustration en
1904. En contact avec les frères Lumière*,
inventeurs de la plaque autochrome*, il
est le premier à utiliser ce procédé pour
le reportage photographique. Le Portrait
des souverains de Danemark, publié dans
l’Illustration du 29 juin 1907, première
application de l’autochrome à l’actualité,
constitue un événement. Convaincu de
la supériorité documentaire d’un cliché
en couleur sur son équivalent en noir et
blanc, il n’aura de cesse d’exploiter, dans
toutes ses possibilités, ce nouveau prodownloadModeText.vue.download 241 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
241
cédé qu’il appelle « la huitième merveille
du monde ». Fasciné par la technique
moderne, il va jusqu’à faire monter l’autochrome en ballon dès 1908 ! Il ne délaisse
toutefois pas le noir et blanc, mieux adapté à la prise sur le vif des événements. Il
entre en 1908 à la Société* française de
photographie et s’y passionne pour les recherches visant à améliorer les capacités
de l’autochrome dans le domaine de l’instantané* et de la reproduction. En 1911, il
effectue ses premiers essais d’anaglyphes*
sur autochrome, qu’il développera après
la guerre. Pour son plaisir, il réalise éga-
lement de très belles autochromes marquées par un souci artistique proche des
productions pictorialistes contemporaines. Le développement des illuminations au néon, au cours des années 1920,
lui fournit un nouveau sujet de prédilection. Sa collection est conservée à la Société française de photographie.
N.B.
GIOLI Paolo
ar tiste italien
(province de Rovigo 1942)
Cherchant sa voie, il travaille la peinture,
la sérigraphie, la lithographie, avant de se
tourner vers le cinéma et la photographie.
Cette dernière lui offre le champ d’expérimentation le plus riche, en lui permettant
d’intégrer les acquis d’autres techniques :
utilisant souvent le Polaroid couleur, il le
transfère aussi bien sur papier à dessin que
sur bois ou sur soie, retravaille en épaisseur sur l’image au blanc de zinc, fait de
légers ajouts au dessin, etc. Passionné par
les débuts de la photographie, il reprend
les réflexions et la démarche des premiers photographes, réalisant parfois ses
prises de vue au sténopé*, mêlant procédés et matériaux anciens et modernes, en
référence aux « inventeurs » : N. Niépce*
dans Hommage à Niépce (1982), où il réinterprète en de multiples variantes et détournements la première héliographie, de
1827, le Cardinal d’Amboise, ou la célèbre
Table servie ; H. Bayard*, J.M. Cameron*
(Cameron obscura), T. Eakins*, É.-J. Marey*. Puis s’intéressant au portrait et au
nu, il présente des fragments de corps, que
leurs couleurs délavées, leur aspect fané
(grattages, taches et coulures, raccords...)
semblent faire remonter de l’oubli : Corps
et Thorax (M.N.A.M., Paris, 1983), Nature.
Volti e Maschere. Dormienti (1987-1990),
où des visages endormis, paupières closes,
laissent flotter leur mystère.
Ch.B.
GITMAN Sergueï
photographe russe
(Moscou 1944)
Ayant fait des études de linguistique et de
traduction entre 1970 et 1988, il traduit
plus de 100 livres et pièces de théâtre du
russe en anglais et de l’anglais en russe. Il
fait un séjour en Géorgie en 1982, dans
le village de Tsasri, d’où il rapporte des
images intimistes sur l’intérieur des maisons et sur les objets nostalgiques de la vie
quotidienne.
Il commence à exposer ses photographies en Union soviétique en 1983. Il
est, depuis cette date, photographe à
plein temps, reporter pour les journaux
et mène des recherches personnelles. Il
organise des expositions, des festivals
et coordonne la publication de livres.
En 1988, il fonde une association indépendante et une agence appelée « PhotoMost » (le Pont Photo) pour promouvoir la photographie soviétique et les
échanges d’artistes.
En 1989, il organise un festival de photo
dans une galerie de Moscou, Na Kashirke,
qui dure trois mois et présente 12 expodownloadModeText.vue.download 242 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
242
sitions. En 1991, il devient directeur des
relations internationales de l’Union russe
des photographes d’art et, en janvier 1993,
fonde le premier Festival international de
photo de Moscou. Ses images sont publiées
dans plusieurs ouvrages dont Seen Differently, 1988, édité en Finlande, et dans The
Changing Reality, aux États-Unis, en 1991.
Grand amoureux de sa ville natale, il arpente Moscou pour nous faire remarquer
avec ironie, dans une série de 1989, les
signes de la consommation, Vitrines de la
rue Arbat, Réflexions sur les façades de la
rue Gorki, avec des premiers plans fugitifs
et anonymes.
V.E.
GLAÇAGE
Opération qui consiste à appliquer sur
une surface polie (verre ou métal chromé) les épreuves photographiques tirées
sur papier brillant et sortant du lavage.
Abandonnées au séchage à froid ou à
chaud, les épreuves se détachent et présentent alors une surface uniforme et
glacée, qui rehausse la qualité des noirs
de l’image.
S.R.
GLACEUSE
Machine permettant le glaçage d’une
épreuve photographique.
La glaceuse comporte un élément chauffant et une ou deux plaques de cuivre chromé et poli. Les épreuves sont placées humides, la face contre le métal. Les plaques
sont alors mises au contact de l’élément
chauffant. Les épreuves, sèches et glacées,
se décollent spontanément du métal après
quelques minutes. Les machines industrielles sont des rotatives tournant lentement en continu.
S.R.
GLEIZDS Janis
photographe letton
(près de Rezekne, Lettonie, 1924)
Gleizds a toujours voulu être photographe.
Il débute en amateur en 1951 et, afin de se
perfectionner, suit des cours dans un atelier où il fait aussi de la retouche.
En 1953, il est photographe à l’Institut de
traumatologie de Riga. Sa première exposition, en 1957, le conduit à s’inscrire au
photo-club amateur de cette même ville.
À partir de 1969, il expose son travail, qui
est également publié et présenté dans un
documentaire réalisé sur lui par le studio
cinématographique de Riga.
Il participe à plus de 200 expositions en
Union soviétique et en Europe, tout spécialement en France où il est invité à de
nombreuses reprises à Mâcon et à Dijon.
Il a une préférence pour les natures mortes
et les nus féminins, qui figurent parmi ses
plus belles réalisations. Vivant et travaillant
à Riga, il parcourt le monde pour présenter
ses oeuvres, qui font partie de nombreuses
collections publiques et privées.
V.E.
GLOAGUEN Hervé
photographe français
(Rennes 1937)
Après une année d’études aux Beaux-Arts
de Rennes, Gloaguen décide de devenir
photographe et suit les cours de l’E.T.P. à
Paris en 1958, tout en photographiant ses
amis, musiciens de jazz et acteurs. 1964
est l’année de sa rencontre avec Gilles Ehrmann, dont il est l’assistant pendant un
an et qui l’initie au grand reportage. De
1965 à 1971, il travaille en indépendant
pour Réalités, avant de prendre part à la
fondation de l’agence Viva, en 1972. Dans
le domaine du reportage, Gloaguen a un
champ d’investigation très vaste, comme
downloadModeText.vue.download 243 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
243
en témoigne son reportage sur l’art moderne et les artistes français, qui donne
lieu à la publication d’un livre en 1973, l’Art
actuel en France. Ses différents reportages
à travers le monde, notamment celui sur la
fin de la guerre au Viêt Nam en 1975, font
aussi l’objet de nombreuses publications.
Depuis 1982, Gloaguen collabore avec
l’agence Rapho, qui le représente, et pour
le compte de laquelle il effectue de nombreux voyages en France, en Guyane, au
Brésil, en Uruguay et en Afrique. Voyages
qui donnent lieu à de grands reportages
en couleur dans le magazine Géo et à la
publication de livres comme Loire angevine, 1979 ; Lyon, 1989. Ses photographies
ont fait l’objet de plusieurs expositions,
notamment au musée d’Art moderne de la
Ville de Paris en 1973, à la Fondation nationale de la photographie à Lyon en 1982, au
Festival de Perpignan Visa pour l’image, en
1992, et à la galerie Keller à Paris en 1993.
S.B.
GLOEDEN baron Wilhelm von
photographe allemande
(Mecklenbourg 1856 - Taormina 1921)
Né au château de Volkashagen en 1856,
Gloeden entreprend d’abord des études
d’art. En 1878, il est à Weimar dans l’atelier
de Karl Gehrts. C’est au cours de l’un de
ses nombreux voyages en Italie qu’il s’intéresse à la photographie. Il sera formé par
Giovani Crupi en Sicile. Ses voyages, outre
sa curiosité artistique, étaient motivés par
sa santé fragile, qui lui faisait rechercher
le climat méditerranéen. Après un séjour
d’un an dans un sanatorium, il décide de
s’installer à Taormina, en Sicile. À partir
de 1882, il commence à photographier les
jeunes éphèbes de Sicile, qui deviennent
presque exclusivement les sujets des ses
photographies. Parallèlement à son activité, il reçoit de nombreuses personnalités
comme Anatole France ou Oscar Wilde
et expose dans la plupart des salons photographiques d’Europe. Malgré quelques
retours en Allemagne pour donner des
conférences sur la photographie, il reste fidèle à la Sicile et à Taormina dont il disait :
« ... Ce que j’ai aimé par-dessus tout, c’est
le peuple de Taormina. J’aime sa pauvreté
volontaire, ses manières seigneuriales, son
goût du spectacle, son ironie, ses enthousiasmes, sa gaieté nourrie de chansons... »
Il s’éteint le 16 février 1931, et, en 1939, les
partisans de Mussolini détruisent la plupart de ses négatifs ; son dernier modèle
disparaît en 1977 à l’âge de 87 ans.
S.M.
GNISYUK Mikola Nikolaï
photographe russe
(Perekorenzy 1944)
Né en Ukraine, Gnisyuk commence
des études musicales à Riga de 1958 à
1964. C’est grâce au premier appareil offert par sa mère qu’il veut devenir cameraman et se met à étudier la photographie
à Riga, ce qui lui permet de commencer
à travailler dans un studio de cinéma dès
1964. Au photo-club de Riga, qu’il fréquente très jeune, il reçoit les conseils du
photographe G. Binde*, alors engagé dans
des expériences postsurréalistes, pour la
réalisation du film les Mains. À partir de
1968, il fait des reportages pour le compte
du magazine de cinéma Sovietsky Ekran, à
Moscou, pour lequel il réalise les images
de nombreuses couvertures. Entre 1974
et 1976, pour se perfectionner, il étudie
la photographie à Moscou à l’Institut du
journalisme et publie son premier livre
Traversée des parallèles. Il collabore aux
revues Soviet Photo, Soviet Film, Soviet
Woman, et réalise une série de reportages
en Roumanie, Pologne et Bulgarie. Il obtient de nombreuses distinctions pour ses
downloadModeText.vue.download 244 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
244
portraits du monde cinématographique :
stars, réalisateurs, ainsi que pour ses photographies de plateau sur les tournages.
Toujours influencé par ses origines ukrainiennes, Gnisyuk garde un esprit joyeux et
ironique pour dépeindre le monde exclusif
des artistes comme celui des personnages
de la littérature russe classique.
Il obtient, en 1979, le prix de la meilleure
photographie, décerné par le magazine
Novinny Kinoekrana de Kiev. Il devient,
l’année suivante, membre de l’Union des
cinéastes de l’Union soviétique. Il vit et
travaille à Moscou, où il réalise des livres,
des albums et répond également à des
commandes publiques et privées.
V.E.
GOLDIN Nan
photographe américaine
(Washington 1953)
Elle passe son enfance à Boston et, très
marquée par le suicide de sa soeur, commence la photographie à 18 ans, en réalisant un reportage sur les membres de sa
famille. Goldin publie en 1986 un album
de photographies à New York, Ballade de
la dépendance sexuelle, qui est une chronique dont les principaux personnages
sont ses amis, ses parents, sa famille. Réalisé en 1992 sous la forme d’un diaporama
d’une durée de 45 minutes, cet ensemble
de photographies, réunies depuis 1982,
induit un rapport au temps et à la réalité,
nous plaçant comme spectateurs d’un univers frappé par l’entropie : Goldin y traite
de la mort de son amie Cookie, de la disparition de ses familiers, de la vieillesse de
ses parents.
Dans le sillage de la Beat Generation et de
l’expérience de la Factory d’A. Warhol*,
l’artiste renoue avec les signes d’une
culture américaine libérée de ses tabous
mais également soucieuse d’éthique. Représentée lors des rencontres de la photographie à Arles, en 1987, l’oeuvre de Goldin est révélée en France par l’exposition
Désordres, organisée par la galerie du Jeu
de Paume, en 1992.
S.C.
GOMEZ Fina
photographe vénézuélienne
(Maracay 1920 - Las Bordas, Espagne,
1998)
Gomez s’initie très jeune à la photographie. Alors qu’elle est une voyageuse
infatigable, son oeuvre, paradoxalement,
s’attache plutôt à la recréation obsession-
nelle et poétique d’éléments immuables de
la nature : la mer, les racines qui se cachent
dans le sable, les formes des rochers, les
visages et les corps humains qu’elle intègre
dans ces paysages originels. Son travail la
rapproche de toute la génération de photographes vénézuéliens des années 1940,
comme A. Boulton*, Riccardo Razzeti et
Carlos Herrera, qui ont lutté pour donner
un vrai sens artistique à leur photographie.
La poésie subtile et l’esthétique soignée
des photographies de Gomez ont inspiré
des intellectuels, tels Alejo Carpentier
qui écrit les textes de son livre Raices ou
Pierre Seghers qui, séduit par son travail,
compose de nombreux poèmes sur ses
images. Son oeuvre couvre principalement
deux grands thèmes, intitulés Raices et Las
Piedras. Gomez expose à l’Ateneo de Caracas, dans les années 1940, et à la maison
de l’Amérique latine à Paris, au début des
années 1950.
Ses archives ne comptent pas moins de
10 000 négatifs sélectionnés, qui mettent
en lumière une création photographique
féconde et soutenue. En 1992, elle reçoit
le prix national de Photographie du Venezuela. Elle vit actuellement à Paris.
V.E.
downloadModeText.vue.download 245 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
245
GOMEZ-PULIDO Ignacio
photographe colombien
(Bogotá 1939)
Après des études d’architecture à l’université de Bogotá, Gomez-Pulido commence à s’intéresser sérieusement à la
photographie lors d’un voyage à Panamá.
De 1963 à 1964, il travaille aux Services
d’urbanisme de Bogotá comme architecte et enseigne cette discipline à l’université nationale. Il entreprend, dès 1966,
plusieurs voyages en Europe, au cours
desquels il photographie la vie urbaine
en France, en Espagne, en Finlande, en
Suède et en Italie. En 1969, collaborateur
de revues colombiennes d’architecture, il
abandonne les photos urbaines. À partir
de 1971, installé à Paris, il continue son
activité d’architecte tout en voyageant
périodiquement en Amérique du Sud. De
nombreuses commandes de villes comme
Paris, Ris-Orangis l’amènent à réaliser
des reportages sur la vie quotidienne. En
1979, il commence sa série de vues d’intérieurs avec la lumière, qu’il exposera à
Paris, New York, Caracas, Bruxelles. En
1981 et 1982, il photographie le marathon
de New York et celui de Paris.
À partir de 1984, il s’intéresse aux quartiers de Paris en transformation. Il prépare des livres : García Márquez, avec un
texte de Hubert Haddad, illustré de ses
images et qui sort en 1993, et un ouvrage
qui traite de ses recherches sur la simultanéité et le mouvement. En 1994, il participe à la manifestation Lieux de l’écrit,
à Vitré.
V.E.
GOMME BICHROMATÉE
(procédé à la)
Méthode de tirage* photographique qui
utilise un papier enduit de gomme arabique contenant un peu de bichromate de
potassium et une charge convenable de
couleur d’aquarelle. Ce procédé s’apparente à ceux connus sous le nom de procédés au charbon, ou ozobromie*.
S.R.
GONZALES PALMA Luís
photographe guatémaltèque
(Guatemala 1957)
Après des études d’architecture à l’université de San Carlos de Guatemala, Gonzales
Palma se lance dans la photographie. Sa
première exposition, en 1986, au Museo
Ixchel de Guatemala, ainsi que plusieurs
Salons auxquels il participe en 1987 font
remarquer la qualité exceptionnelle de
son travail. Sa vision en profondeur complète ses sensations sur son propre pays.
Il trouve l’inspiration dans le concept
métaphysique vie-mort qu’il transcrit
dans des images au contenu religieux et
social très prononcé. Ses compositions et
séquences représentent des personnages
munis de symboles (crâne, couronne,
fleurs, plumes ou masques) comme dans
La Lotería de 1991 ou la Fidelidad del dolor, exposée à la galerie d’Art contemporain de Mexico. Les titres très évocateurs
des séries le Mythe de l’image, Autoconfession, Le rêve a les yeux ouverts, présentées
à Buenos Aires, produisent en nous une
sensation d’irrévérence et de rébellion.
Les images de Gonzales Palma, réalisées
avec des techniques mixtes très élaborées,
sont un peu les icônes de la réalité latinoaméricaine, l’histoire des opprimés. Tout
récemment, deux grandes expositions à
New York et à Paris ont permis à un public international de découvrir « le silence
du regard » de ce talentueux représentant
du Guatemala.
V.E.
downloadModeText.vue.download 246 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
246
GORNY Hein
ar tiste allemand
(Witten 1904 - Hanovre 1967)
En 1922, Gorny apprend l’art moderne à
Hanovre et complète, de 1924 à 1925, sa
formation par des voyages en Italie, en
Grèce et en Égypte. En 1927, il rencontre
A. Renger-Patzsch* et adhère à ses idées
sur la photographie. En 1929, il ouvre
un atelier à Hanovre et réalise des portraits, des photographies d’animaux et des
images sérielles faites dans des usines (voitures, cols de chemises...). Ses photographies paraissent dans de nombreuses publications dont Arts et Métiers graphiques,
à Paris (1932-1939). Après l’ouverture
d’un atelier de photographie publicitaire à
Saint-Moritz en Suisse, il revient à Berlin
et reprend le studio de L. Jacobi*. Il publie
des ouvrages de photographies sur les chevaux (1937 et 1941) ou les chiens (1941) et,
la même année, Kamera auf Skiern (« Caméra sur skis »). De 1939 à 1945, il est photographe publicitaire aux États-Unis.
De retour à Berlin, il photographie la ville
et sa destruction, tout en continuant à
faire des photographies publicitaires pour
des firmes telles que A.J. Byers. Malade, il
entre en clinique en 1954 mais poursuit ses
activités jusqu’à sa mort.
F.H.
GOWIN Emmet
photographe américain
(Danville, Virginie, 1941)
Il n’a pas 16 ans quand il fait ses premières
photographies. Après des études de pein-
ture, il suit les cours de H. Callahan*. Disciple de F. Sommer* et de R.E. Meatyard*,
il photographie principalement sa famille :
sa femme Edith (vue surtout comme mère)
et ses soeurs, ses deux fils Elijah et Isaac,
ses neveux et nièces, le plus souvent en
extérieur. Mais, au-delà des situations
du quotidien, assez banales, transparaît
dans ses images une étrangeté presque
mystique, parfois portée par l’expression
ou la position des personnages (visage
aux yeux fermés, mystérieux et épanoui,
et bras en torsion de Nancy, Danville,
1969), l’angle de vue (Family, Danville,
1969), l’éclairage... Au début des années
1970, ses images s’organisent dans un
cercle (entouré de noir), que l’on peut voir
comme symbolique étant donné l’intérêt
de Gowin pour le thème de la maternité ;
de la femme il passe d’ailleurs à « une mère
plus importante que celle des hommes » :
la Terre, qu’il voit menacée. De très nombreux voyages le mènent à une démarche
écologique, et, outre des paysages, il photographie des lieux dévastés par l’industrie
(sites nucléaires abandonnés, lacs pollués...), présentés en des tirages délicatement virés. Il a obtenu plusieurs bourses
(Guggenheim, Virginia Museum of Fine
Arts...), exposé au M.O.M.A., New York et
à la George Eastman House, Rochester en
1971, à la Light Gallery, New York à plusieurs reprises, à l’Espace photographique
de Paris en 1992, et publié deux recueils de
ses photographies (1976, 1990). Il enseigne
à l’université de Princeton. Il est représenté aux États-Unis dans plusieurs collections, à New York (M.O.M.A.), à Providence (Rhode Island School of Design) et à
Cambridge (Fogg Art Museum).
Ch.B.
GRÄFF Werner
photographe allemand
(Wuppertal 1901 - États-Unis 1978)
En 1921, Gräff suit les cours du Bauhaus* à
Weimar. Impressionné par les conférences
de Theo Van Doesburg, il rejoint le groupe
De Stijl l’année suivante. Tout en continuant ses études à l’université technique
downloadModeText.vue.download 247 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
247
de Berlin-Charlottenburg, il s’associe au
Novembergruppe et participe au Congrès
international des artistes progressistes de
Düsseldorf puis au Congrès international
des constructivistes-dadaïstes de Weimar,
en 1922. Au coeur de l’avant-garde, il collabore au groupe et à la revue « G » en 1923,
figure à l’exposition du Stijl à Paris en 1925
et publie son premier livre, en 1927, sur
W. Baumeister*. Cette année-là, il est aussi
le directeur de la presse et de la publicité
de l’exposition du Werkbund, Die Wohnung, et participe à la programmation de
la fameuse exposition Film und Foto (Stuttgart, 1929). Il pratique lui-même la photographie, tout en se faisant le propagandiste
de la Neue Sachlichkeit* avec son livre Es
kommt der neue Fotograf ! (1929). Il adhère
aux principes de la nouvelle photographie,
avec des vues en plongée et en contreplongée, des gros plans et des contrastes
d’ombre et de lumière. Passionné par le
cinéma, il collabore aux films abstraits de
Hans Richter.
Il quitte l’Allemagne en 1934 pour n’y retourner qu’en 1951. Il devient alors professeur à la Folkwang-Werkkunstschule de
Essen et se consacre à la peinture jusqu’à
sa disparition.
E.E.
GRAHAM Dan
ar tiste américain
(Urbana, Illinois, 1942)
Artiste multimédia, affirmant depuis le
milieu des années 1960 « être attiré par
des travaux d’essence hybride », Graham
recourt d’abord à des clichés photographiques qu’il publie dans des revues d’art
et divers magazines. Il s’agit pour lui, alors
qu’il sort d’une expérience éphémère de
galerie (galerie John Daniels, New York),
de court-circuiter le réseau marchand en
insérant directement ses oeuvres dans le
champ public des revues de grande diffusion. De 1965 à 1977, il livre ainsi sur le
mode du photoreportage plusieurs analyses critiques sur l’architecture, les logiques commerciales et la technique publicitaire. Il publie notamment une série de
photographies sur des logements résidentiels américains qui, à l’image de Homes
for America publié dans la revue Arts
Magazine (décembre 1966), propose une
critique des retombées du modernisme
architectural en reproduisant des prises de
vue perspectives de petits pavillons tous
identiques, alignés soigneusement selon la
logique économe de la répétition. Le texte
qui accompagne l’image examine sous un
angle sociologique le développement des
stratégies pavillonnaires après la Seconde
Guerre mondiale. Ce formalisme documentaire est aussi une critique détournée
du minimal art, qui tente selon Graham de
sublimer dans une abstraction idéaliste les
formes sérielles largement présentes dans
le champ social et l’environnement des
banlieues. Dans Figurative (1968), il s’approprie une page publicitaire du fameux
magazine américain Harper’s Bazaar*
pour détourner la démarche des artistes
pop, qui triomphent à cette période en
empruntant à l’univers visuel de la publicité des images qu’ils font basculer dans
le champ de l’icône artistique. Ici, l’oeuvre
est directement pensée et conçue pour le
magazine et non pas à partir de lui. Faisant
à nouveau alterner le texte et l’image, Graham associe sur une même page une série
de chiffres, un buste de femme et une publicité d’hygiène féminine. Il s’inscrit alors
dans le courant de l’analyse sémiotique
de la photographie et joue sur le sens des
mots (« chiffres » se dit figures en anglais)
pour rendre plus perceptible l’utilisation
commerciale de l’image du corps de la
femme. Depuis le milieu des années 1970,
il abandonne peu à peu le médium phodownloadModeText.vue.download 248 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
248
tographique au profit d’installations et de
dispositifs spéculaires utilisant la vidéo, le
verre et le miroir dans le but de confronter
le spectateur à sa propre image publique.
Présentée aux Documentas de Cassel de
1972 et 1982, son oeuvre est représentée
dans les collections de nombreux musées
à travers le monde, notamment à Londres
(Tate Gallery), à Chicago (Art Institute), à
Eindhoven (Van Abbemuseum) et à Paris
(M.N.A.M.).
P.L.R.
GRAIN
Amas microscopique d’argent réduit au
sein d’une image photographique.
Émulsion à grain fin, surface sensible
donnant des images aux amas d’argent
particulièrement petits. Ces émulsions se
caractérisent généralement par une faible
sensibilité.
Grain T, grain d’halogénure d’argent
très mince, mais de grande surface (ressemblant à une dalle microscopique), ce
qui élargit la cible offerte aux photons
qui viennent impressionner l’émulsion.
En 1983 a été commercialisé un film
couleur négatif Kodacolor VR1000, de
1 000/31 ISO, qui, malgré sa haute sensibilité, possède un grain fin. Ce résultat a été
obtenu grâce au grain T.
Photo ayant du grain, photo dont la granulation est perceptible à l’oeil nu.
Tirer avec du grain, réaliser un phototype,
généralement par agrandissement, avec un
traitement favorisant la formation d’une
granulation grossière.
S.R.
GRAND-ANGLE ou
GRAND-ANGULAIRE
voir OBJECTIF
GREENE John B.
photographe américain
(1832 - 1856)
Le destin de Greene est à l’image des premiers temps de la photographie, et notamment de la technique du calotype* : une
floraison étonnante bientôt vouée à l’oubli. Fils d’un banquier américain, vivant à
Paris, archéologue précoce (il fut autorisé
à effectuer des fouilles à Thèbes et publia
une étude de hiéroglyphes de ce site), mort
à l’âge de 24 ans en 1856, il laisse une oeuvre
photographique d’une centaine d’images.
Adepte du papier ciré, il photographie en
Égypte lors de séjours en 1853 et 1854,
ainsi qu’en Algérie en 1855-1856. Ses photographies d’Égypte sont éditées par L.D. Blanquart-Évrard* en 1854, sous le titre
le Nil ; Monuments, Paysages, Explorations
photographiques, et sont montrées à l’Exposition universelle de Paris en 1855. Mais
Greene fait preuve d’un sens très personnel
et marginal de la photographie ; il n’entre
jamais dans la convention du tourisme qui
est celle de M. Du Camp*, par exemple,
et privilégie le point de vue de l’archéologue, montrant un détail, une disposition
architecturale, l’intégration de la statuaire.
Ses vues sont divisées en trois catégories :
monuments, inscriptions et paysages. Les
paysages sont particulièrement dépouillés,
et les monuments exacerbent l’opposition
brutale de l’ombre et de la lumière, ainsi
que l’apparition des formes et des signes
dans la pénombre.
M.F.
GRIGNANI Franco
photographe italien
(Pavie 1908)
Sa formation d’architecte et sa profession de designer le poussent à envisager
d’autres formes d’expression : il va donc
downloadModeText.vue.download 249 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
249
travailler dans la photo et le graphisme,
deux domaines dans lesquels il obtiendra une reconnaissance internationale
(membre de l’A.G.I. [Alliance graphique
internationale] et de la Society of Typographic Arts of Chigago). Bien que sa production initiale le rapproche du travail de
L. Veronesi* et des recherches sur les rayographies de Man Ray*, il manifeste très vite
une indépendance et une force du regard
qui le signalent comme le plus intéressant
photographe italien de sa génération travaillant sur les problèmes de la perception. Après la guerre, il se consacre aux
recherches sur les phénomènes optiques :
les distorsions, le flou comme élément de
« subperception » ou la vision latérale, qui
l’intéresse énormément. Sa production,
très différente au fur et à mesure qu’il évolue dans ses recherches, veut fixer toutes
les possibilités du regard et des supports
qui sont en mesure de les interpréter. Ce
qui ne l’empêche pas de fixer la réalité, surtout architecturale, de manière très personnelle, où se mêlent une légèreté et une
ironie qui mettent en scène « la gymnastique de la perception visuelle qui propose
dans la création un monde meilleur ». Son
oeuvre a été souvent présentée dans des
expositions collectives ou personnelles,
mais on retiendra toutefois la dernière,
car elle semble être la plus représentative :
Bauhaus e razionalismo nelle fotografie di
L. Feininger, F. Grignani, X. Schawinsky,
L. Veronesi (suivie d’un catalogue).
S.T.
GRINBERG Alexandre
photographe russe
(Moscou 1885 - 1979)
Fils d’un officier subalterne du gouvernement, il étudie les mathématiques et
la physique à l’université de Moscou. Il
suit également des cours à l’Institut artistique et industriel Stroganov. En 1907, il
entre à la Société russe de photographie,
puis devient membre du Comité à partir
de 1912. Il aime travailler le portrait, la
nature morte et le paysage. Il participe en
1908 à l’exposition Photographies de toute
la Russie, y recevant la médaille d’argent,
et, en 1909, à l’Exposition de Dresde, où la
médaille d’or lui revient. Durant les années
1920, il est récompensé à de nombreux
Salons internationaux de photographie ; il
participe également avec un grand succès
aux différentes expositions l’Art du mouvement. Il est arrêté en 1933 et passe plus de
vingt années au goulag.
V.E.
GRINDAT Henriette
photographe suisse
(Lausanne 1923 - id. 1986)
De 1944 à 1948, Grindat apprend les techniques photographiques à Lausanne et à
Vevey. Elle travaille ensuite comme photographe indépendante selon une approche
directe et subjective du reportage. Elle
réalise également des photographies sous
l’influence des surréalistes, mais conserve
surtout de leur fréquentation le goût du
travail partagé avec des écrivains ; elle
trouve ainsi sa voie dans l’édition photographique. En 1950, elle publie Postérité
du soleil, préfacé par René Char et accompagné d’un texte d’Albert Camus, puis, en
1963, À la rêveuse matière, avec Francis
Ponge. Son travail avec les Éditions Claire
Fontaine et la Guilde du livre de Lausanne
– qui publie, entre autres, son livre consacré au Nil en 1960 – est un des axes fondamentaux de la carrière de Grindat. C’est
à Paris qu’elle expose pour la première fois
en 1949, à la Hune. De très nombreuses
galeries et institutions l’accueillent ensuite,
en Europe et aux États-Unis, dont l’Art Institute de Chicago, en 1969, le MassachudownloadModeText.vue.download 250 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
250
setts Institute of Technology de Boston,
en 1971, et le Manoir de la Ville de Martigny, en 1987. Ses photographies figurent
dans diverses collections publiques et privées, principalement en Europe : Fondation pour la Photographie, Kunsthaus de
Zurich ; Bibliothèque nationale, à Paris ;
musée Nicéphore-Niépce, à Chalon-surSaône ; musée de l’Élysée, à Lausanne.
S.B.
GROOVER Jan
photographe américaine
(Plainfield, New Jersey, 1943)
Après avoir étudié la peinture au Pratt
Institute de Brooklyn, elle suit les cours
de l’Ohio State University de Columbus
(1969-1970). C’est alors qu’elle abandonne
la pratique picturale au profit de la photographie, qu’elle exploite d’abord en noir
et blanc puis, à partir de 1973, en couleur. Ses premiers travaux proposent une
approche conceptuelle de la photographie,
où le principe de sérialité sert à la fois une
composition rigoriste et l’étude du mouvement. À la suite de E. Muybridge*, elle
tente de saisir l’imbrication du temps et
de l’espace au coeur de la photographie,
en introduisant dans cette relation le facteur couleur, qu’elle manipule au gré des
artifices recherchés. Elle réalise à cet effet
une série de polyptyques reproduisant en
séquences le mouvement de voitures et de
camions lancés en pleine vitesse sur les autoroutes. Puis elle laisse peu à peu cette recherche sur le mouvement au profit d’une
relation plus stable de l’objet à son espace,
dans le cadre d’une importante série de natures mortes (1978). Elle abandonne alors
le système sériel des images triples, pour
se consacrer à des oeuvres « singulières »
faisant appel à une scénographie plus
sophistiquée, où apparaissent ustensiles
de cuisine, plantes et fruits. Construisant
savamment des équilibres de couleurs, de
formes, de lumière et de reflets, d’accumulation d’objets et de vides calculés, Groover choisit la technique du gros plan pour
produire, à partir d’une saisie en finesse
des détails, une plus grande abstraction
formelle. L’éclairage artificiel du studio est
alors préféré aux lumières naturelles, pour
mieux maîtriser la qualité picturale de ses
compositions où l’on reconnaît l’empreinte
de Morandi ou de Chirico. L’oeuvre de
l’artiste américaine est représentée dans
de nombreuses institutions, notamment
au M.O.M.A. et au Metropolitan de New
York ainsi qu’au M.N.A.M. à Paris.
P.L.R.
GROS baron Jean-Baptiste Louis
diplomate français
(Ivry-sur-Seine 1793 - Paris 1870)
Plus d’un amateur de talent s’est adonné
à la daguerréotypie : citons au moins Joseph-Philibert Girault de Prangey (18041892), érudit fortuné, dessinateur lithographe, qui rapporta près de 900 plaques
d’un voyage effectué dans les pays du bassin méditerranéen entre 1841 et 1845. Le
baron Gros, que sa carrière diplomatique,
entrecoupée de séjours à Paris, a mené sur
tous les continents, en est une figure éminente. Il peint (Salon de 1822) et il dessine
beaucoup jusqu’en 1842, mais, recherchant, selon ses dires, « une exactitude
mathématique » de la représentation, il
voit tout de suite dans la nouvelle invention un moyen plus fidèle et plus précis. De
1842, période d’essais, jusqu’à 1851, année
des dernières réalisations, il s’y montre
expérimentateur heureux et imagier doué
(les sources écrites mentionnent au moins
150 plaques). Cela lui vaut une notoriété
enviable : il obtient la présidence de la Société héliographique (1851) et a la qualité
de membre fondateur de la S.F.P.* (1854).
downloadModeText.vue.download 251 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
251
Son intérêt pour les progrès de la technique se manifeste par des articles, lettres
et opuscules, dont les Quelques Notes sur
la photographie sur plaques métalliques
(Paris, 1850).
Une quinzaine de plaques (dites « plaques
entières ») ont survécu et sont conservées à la Bibliothèque nationale, au musée d’Orsay, à la George Eastman House,
au J.P. Getty Museum : Bogotá (1841 ou
1842), Athènes et l’Acropole (1850), Paris
(Une vue de la Seine, la Gare de l’Est et
la célèbre composition Chevalet dans son
salon), l’Exposition universelle de 1851
(la Tamise, le Crystal Palace). William
Thompson a réalisé de lui, en 1844, un
beau portrait au daguerréotype (Paris,
B.N.).
B.M.
GROSSMAN Sidney
photographe américain
(New York 1914 - Provincetown 1955)
Fils d’ouvriers émigrés, Grossman grandit
dans la Hell’s Kitchen de New York. Il adhère à la Film and Photo-League en 1934 et
fonde la nouvelle Photo-League* deux ans
plus tard. Il tente de se faire engager par la
F.S.A.* mais est refusé par Roy Stryker. Il
s’affirme à partir de 1938 comme un enseignant influent : L. Model*, photographe
alors confirmée, prend des cours avec lui
à la fin des années 1940. Son oeuvre se décline en projets qu’il mène dans les rues de
New York mais aussi dans les bidonvilles
du Midwest. Engagé de 1945 à 1946 dans
l’armée de l’air, Grossman réalise à Panamá
sa série Black Christ Festival. De retour
aux États-Unis, il continue son travail avec
la League. Sa photographie est en rupture
avec l’idée d’une perfection. Elle intègre la
notion de mouvement et une réalité qui
déborde le cadre. Son appartenance au
Parti communiste en fait le premier visé
lorsque la Photo-League se voit condamnée par le maccarthysme. Il est contraint
de se retirer à Provincetown, où il continue d’enseigner la photographie et prend
des cours de peinture avec Hans Hoffman.
L’énergie remuante de sa photo passe à un
état contemplatif sur les paysages du cap
Cod. Il meurt d’une crise cardiaque en
1955. Un ouvrage présentant ses dernières
photos, A Journey to the Cape, paraît en
1959. Reconsidérées dans les années 1980,
ses photos sont exposées dans The New
York School 1935-1963, à la Corcoran Gallery de Washington, en 1985.
P.O.
GRUYAERT Harry
photographe belge
(Anvers 1941)
C’est auprès de son père, professeur de
photographie couleur chez Gevaert, que
Gruyaert s’initie. Après des études de
photographie et de cinéma à Bruxelles
(1959-1962), il travaille comme directeur
de la photographie pour la télévision et
fait parallèlement des photos de mode et
de publicité, puis de reportage. Il partage
son temps entre les « TV Shots » – procédé qu’il lance en 1972, qui consiste en une
suite d’images réalisées sur l’écran télévisé
en collaboration avec le tireur Charles Gossens – et des reportages généralement liés
aux voyages (É.-U., Inde, Égypte, U.R.S.S.,
Maroc). Considéré comme un des leaders
de la photographie couleur, Gruyaert est
un véritable coloriste. Il est membre de
l’agence Magnum* depuis 1981, et son travail a donné lieu à de nombreuses expositions, notamment à l’International Center
of Photography (New York), à la Photographer’s Gallery de Londres, au Centre
national de la photographie et à l’Institut
du monde arabe à Paris, à Minneapolis, à
Bruxelles, etc.
downloadModeText.vue.download 252 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
252
Les images de ses voyages sont publiées
dans de nombreux magazines. Des ouvrages comme Lumières blanches, Regards
d’acier, Morocco et la Somme présentent
un large aperçu de son travail.
S.B.
GUERRE (photographie de)
Pas de guerre sans images. Chacune a les
siennes, car les moyens de figuration font
partie de la logistique et évoluent avec elle.
Au milieu du XIXe siècle, le matériel militaire se renouvelle au moment où la photographie apparaît et fait, en Crimée, son
entrée sur le champ de bataille (1855).
La photographie est utilisée pendant la
guerre de Sécession (1861-1865), la guerre
franco-prussienne et la Commune (1871),
mais ce n’est pas avant le premier conflit
mondial (1914-1918) que la photographie
est massivement engagée dans la guerre,
notamment avec les vues prises d’avion à
usage stratégique. En outre, les portraits
de soldats et les reportages sur l’univers
des tranchées abondent, sans toutefois
rendre vraiment l’horreur des combats et
l’angoissante omniprésence de la mort.
Seuls quelques rares clichés laissent transparaître cette réalité inouïe, qui émerge
parfois des plis de la terre nue, meurtrie,
informe, où se lisent l’attente et la peur, le
pilonnage incessant de l’artillerie, la neige,
la pluie et la boue persistantes, mêlées du
sang qui a coulé. Ces photographies, qui
ne montrent rien, renvoient souvent plus
que d’autres à ce qui, en elles, secrètement,
intimement, se joue : la photographie, la
mort, la guerre.
À l’opposé, c’est parfois l’instantanéité
qui permet d’atteindre à l’insondable horreur de la guerre, comme le montrent les
reportages de guerre qui ont envahi les
journaux illustrés de l’entre-deux-guerres
aux années 1960, avant que l’information
ne devienne l’affaire de la télévision.
C’est encore l’instantanéité, la force d’attestation de la photographie, qui dénonce
l’horreur dans ce cliché représentant un
tortionnaire nazi qui pose avec ses amis
riant aux éclats devant une femme dénudée, écartelée, empalée, victime de leurs
sévices. Le cliché témoigne du dérèglement des valeurs morales et humaines sous
le règne du fascisme et de l’holocauste, et
révèle le plaisir abject des bourreaux, plus
inavouable encore que la torture, plus insoutenable que le plaisir de la victime dont
Georges Bataille a trouvé une troublante
expression dans un cliché du Supplice des
cent morceaux.
D’un côté la suggestion, de l’autre l’ostentation sans détour de l’horreur et du sang.
En photographie comme à la télévision, les
figures de la guerre oscillent en fait entre
ces deux pôles : en fonction de la technique, des opérateurs et de la réalité de la
guerre, mais surtout en fonction des choix
stratégiques opérés par les autorités militaires et politiques qui, après le Viêt Nam,
ont mesuré les effets – de leur point de vue
défavorables – sur les opinions publiques
d’une liberté totale de photographier.
Aussi, depuis la guerre des Malouines, et
surtout depuis la guerre du Golfe, est-ce la
rétention des images qui prévaut, la mise
à l’écart des photographes et caméramans
indépendants, au profit d’un monopole des
images accordé aux militaires.
A.R.
GUIBERT Hervé
écrivain et photographe français
(Paris 1955 - Clamart 1991)
Les photographies de Guibert accom-
pagnent sa carrière littéraire, inaugurée en
1977 avec la Mort propagande. Il débute
comme amateur, avec un Rollei 35 offert
downloadModeText.vue.download 253 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
253
par son père. Mais au cours du temps,
ses images, toujours en noir et blanc,
rejoignent l’histoire de la photographie.
Par ailleurs, il assure de 1977 à 1985 la
rubrique photo du quotidien le Monde.
Image et texte restent étroitement liés.
Ils se répondent dans l’ouvrage qui met
en scène les grands-tantes de l’auteur, Suzanne et Louise, sous-titré roman-photo
(Éditions Libres/Hallier, 1980). En 1981,
la galerie Agathe Gaillard expose ses travaux, qu’il publie aux éditions de Minuit
dans le Seul Visage. La photo se glisse entre
ses livres pour garder les souvenirs de ses
amitiés, de son séjour à la villa Médicis,
de voyages, d’intérieurs..., et s’il lui arrive
de manquer une photo – absence ou défaillance technique –, il la raconte, le récit
se substituant à l’image. Son appareil tient
la chronique de ses sentiments. La photo
dessine la géométrie de ses désirs, elle fixe
le visage qui attire, le moment d’une particulière intensité. Elle est plus liée à leur
signification qu’à leur valeur formelle. La
photo est le miroir où il s’analyse (plusieurs autoportraits) ; il y contemple les
choses ou les êtres. Il y a du narcissisme
mais aussi la volonté de déjouer le piège
qu’il lui tend. Atteint du sida, il réalise un
film vidéo sur sa maladie, où il prouve sa
maîtrise de l’image.
P.A.
GUIGI Guido
photographe italien
(Cesena 1941)
Guigi est un des photographes italiens les
plus connus parmi ceux qui opèrent depuis plusieurs années sur la photographie
topographique. Architecte et designer de
formation, il devient photographe dans la
lignée des opérations conceptuelles des
années 1970, pour ensuite concentrer son
travail sur le paysage. Il enseigne la photographie aux Beaux-Arts de Ravenne
et continue de travailler sur le paysage
de sa région. Son regard construit des
images qui posent surtout la question de
ce qu’est le paysage aujourd’hui. Connaissant comme peu d’autres le questionnement visuel de l’espace contemporain (ce
n’est pas un hasard s’il demande la collaboration de L. Baltz*, de Michael Schmidt
ou de Stephen Shore à un laboratoire qu’il
anime depuis quelques années avec Paolo
Costantini), il remet en cause la tradition
photographique sur le paysage, tout en
ayant recours au savoir sur le sujet : c’est
ainsi qu’on retrouve, revisitées, les positions de R. Adams*, de G. Winogrand*,
de L. Friedlander*, mais aussi une partie
de la tradition italienne (P. Monti*, G. Berengo Gardin* photographiant le village
déjà photographié par P. Strand*...). Il a
participé à de nombreuses expositions
collectives.
S.T.
GUILLUMET Jordi
artiste espagnol
(Barcelone 1953)
Après avoir étudié le dessin industriel et
la photographie à Barcelone, il se consacre
d’abord à la réalisation de décors pour le
théâtre (1969-1978), qu’il abandonne peu
à peu pour la pratique et l’enseignement
de la photographie. Professeur à l’Institut
d’études photographiques de Catalogne, il
enseigne à partir de 1982 à la faculté des
beaux-arts de Barcelone. Son travail photographique, qui commence véritablement
à partir de 1979, se trouve d’emblée marqué par son expérience de la scénographie.
Guillumet se met ainsi en scène dans des
décors artificieux et sous divers travestissements. Cette oeuvre, que l’on pourrait
volontiers qualifier de « néobaroque », se
nourrit ainsi d’antithèses où s’opposent
downloadModeText.vue.download 254 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
254
notamment l’artifice d’une composition
soigneusement élaborée en studio et le
naturel des produits récoltés pour être
utilisés dans le processus photographique
(résine de pin pour le durcissement, colle
de maïs pour les émulsions, carton recyclé comme support...). Les travaux récents
de Guillumet sont ainsi réalisés à partir
de gommes bichromatées, qui donnent au
cliché une atmosphère intemporelle, figée
dans une temporalité de l’archéologie et du
simulacre.
P.L.R.
GURSKY Andreas
photographe allemand
(Leipzig 1955)
Étudiant à la Kunstakademie de Düsseldorf entre 1981 et 1987, Gursky y bénéficie de l’enseignement de B. et H. Becher*.
Inscrit dans la filiation de ce mouvement
de la Nouvelle* Objectivité, particulièrement important en Allemagne à partir
des années 1920, Gursky s’engage dans la
voie du réalisme. La plupart des photographies qu’il réalise à partir du milieu des
années 1980 sont des grands tirages couleur dans lesquels se définissent les relations de l’homme à son milieu. Ces images
exploitent la banalité des espaces publics,
de loisirs ou de travail – piscines et usines
–, ou de lieux plus isolés et désertés – halls
d’immeubles, terrains vagues, pistes d’aéroports. D’autres photographies présentent des paysages naturels, qui atteignent
une dimension encore plus abstraite et
plus symbolique.
L’artiste est représenté à Paris par la galerie Ghislaine Hussenot. Le Museum Haus
Lange de Krefeld a organisé, en 1989, une
exposition de ses photographies.
S.C.
downloadModeText.vue.download 255 sur 634
downloadModeText.vue.download 256 sur 634
256
H
HAAS Ernst
photographe autrichien
(Vienne 1921 - New York 1986)
Il étudie la médecine, puis la peinture et commence la photographie en
1945. Voyant son reportage (1947) sur le
retour de Russie des prisonniers autrichiens – dont l’image d’une femme tendant aux arrivants la photographie de son
fils –, R. Capa* le fait entrer à l’agence
Magnum* (où il occupe diverses responsabilités jusqu’en 1966). Haas collabore avec
Life* (qui publie, sur 24 pages, ses Magic
Images of New York en couleur, qui le font
connaître), Esquire, Paris-Match, Stern,
Géo... et s’installe à New York en 1960. Il
va photographier les Indiens d’Amérique,
puis les hauts lieux du tourisme : Venise,
le Colorado, l’Himalaya, Angkor, Bali... Il
tente de capter les variations de mouvements et de couleurs des paysages, allant
parfois jusqu’à l’abstraction. Il travaille à
un projet sur la Genèse, les beautés naturelles : éléments, végétaux, animaux... (The
Creation, 1971). Il reçoit différents prix,
travaille pour la télévision (série d’émissions The Art of Seeing) et le cinéma.
Ch.B.
HACHETTE André
photographe français
(actif entre 1903 et 1945)
On est encore peu renseigné sur la vie
de Hachette, mais sa carrière d’amateur photographe l’inscrit parfaitement
dans le mouvement pictorialiste français.
Membre du Photo-Club* de Paris en 1903,
il en devient l’archiviste et le bibliothécaire en 1907, date à laquelle il intègre le
conseil d’administration. En 1910, il devient membre de la Société d’excursions
des amateurs photographes alors même
qu’il rejoint la Société* française de photographie, dont il devient, trois ans plus
tard, le secrétaire général adjoint. Mobilisé
en 1916, il revient en 1919 au secrétariat
de la vénérable société. Formé à l’école des
maîtres du pictorialisme*, Hachette s’intéresse au procédé à la gomme bichromatée*. Il réalise des épreuves polychromes, à
downloadModeText.vue.download 257 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
257
la suite des expérimentations de C. Puyo*,
mais se consacre plus encore à la technique du report qui, vers 1910, mène l’art
des pictorialistes sur le terrain de la gravure. C’est grâce au procédé couleur des
frères Lumière*, l’autochrome*, apparu
en 1907, qu’il trouve un médium adapté
à sa sensibilité. Ses portraits de jeunes
femmes, les vues de la Seine ou de l’Italie,
telle Florence, soir d’orage sur l’Arno (1913,
S.F.P), appartiennent à l’iconographie pictorialiste mais expriment une sensibilité
exceptionnelle. Présent aux Salons du Photo-Club chaque année, ainsi que dans les
manifestations des capitales étrangères, il
voit ses épreuves publiées régulièrement
dans la Revue de photographie entre 1905
et 1908.
M.P.
HAHN Betty
photographe américaine
(Chicago 1940)
Cette élève de Henry Holmes Smith à l’université de l’Indiana, à Bloomington (19631966), puis de Nathan Lyons, à Rochester
(1967-1968), fait partie des photographes
qui, depuis les années 1960, s’intéressent
aux associations d’images photographiques et aux procédés d’impression mécaniques ou électroniques – résultant de
l’influence du pop’art*. De 1969 à 1976, elle
enseigne au Rochester Institute of Technology et, depuis 1976, à l’University of New
Mexico (Albuquerque). Hahn crée un lien
entre les images mécaniques et l’artisanat
traditionnel. Elle prouve que l’expression
photographique n’est pas obligée de se limiter au tirage argentique : ainsi, suivant
le procédé de la gomme bichromatée*, elle
réalise à partir de ses négatifs un tirage
positif sur de la mousseline ornée de broderies (1970-1974), ou encore retravaille à
la main des cyanotypes*. À la fois photographe de familles, de natures mortes et de
héros américains, elle réalise, par ce procédé, des images étonnantes et décoratives.
Plus récemment, elle a produit une série
de « clichés policiers » où le photographe
devient le détective et les photographies
des indices pour des crimes fictifs. Elle
est notamment représentée à Chicago
(Art Inst.), à Rochester (George Eastman
House) et à Paris (B.N.).
M.C.
HAJEK Karel
photographe tchèque
(Lazenice, Bohême, 1900 - Prague 1978)
Hajek arrive à Prague au lendemain de la
Première Guerre mondiale. Apprenti serrurier avant le conflit, il y travaille comme
ouvrier métallurgiste jusqu’en 1926, puis
est employé dans les transports urbains.
Membre du Club tchèque des photographes-amateurs depuis 1928, il participe
aux expositions de l’association, collabore
aux almanachs de la photographie tchécoslovaque et apporte sa contribution à la
presse* illustrée de l’époque.
En 1932, Hajek est embauché comme
reporter-photographe par le groupe de
presse Melantrich, qui publie l’hebdomadaire populaire Ahoj na nedeli. À peine
quatre ans plus tard, l’exposition individuelle qui lui est consacrée à la bibliothèque publique de Prague attire 30 000
visiteurs. Ses images sont connues audelà des frontières de la Tchécoslovaquie ;
elles sont notamment commercialisées en
France et en Allemagne par l’agent photographique Pawel Barchan.
Après la Seconde Guerre mondiale, Hajek reprend son activité de photojournaliste, dirigeant l’Union des journalistes
tchécoslovaques. Ses photographies sont
exposées dans plusieurs grandes villes européennes : Prague, Bratislava, La Haye,
downloadModeText.vue.download 258 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
258
Berlin, Moscou, Cologne, Budapest, et
au Salon mondial de la photographie à
Chicago, en 1959. Il publie trois livres
d’images : Nuremberg, le crime et le jugement, les Beautés de la chasse, et la Symphonie de Leningrad. Inventif et éloquent,
son travail révèle sa sensibilité à la condition humaine ainsi que sa grande culture
photographique, visible dans les compositions, cadrages et angles de prise de vue
qu’il pratique.
Un recueil de ses photographies de 1929 à
1962, édité par Vladimir Rypar, est publié à
Prague en 1963.
T.M.G.
HAJEK-HALKE Heinz
photographe allemand
(Berlin 1898 - id. 1983)
Né à Berlin, Hajek-Halke passe son enfance en Argentine, où sa famille séjourne
avant de revenir s’installer dans la capitale
allemande en 1910. Étudiant à la Königlischule de Berlin en 1915, il complète après
la guerre sa formation en arts plastiques.
Il réalise ses premières photographies en
1924 et, dès 1925, entre chez Press-Photo
à Berlin. Sa production ne se limite pas au
photojournalisme*, mais couvre tous les
domaines expérimentaux qui permettent
aux avant-gardes de falsifier le réalisme
photographique : photomontages*, photogrammes*, graphismes, publicité*. En
1933, suite à son refus de collaborer avec
le ministère de la Propagande nazi, il s’installe sur les bords du lac de Constance et
se spécialise dans la photographie scientifique, réalisant des macrophotographies*
dans le domaine de la biologie. En 1937,
il séjourne au Brésil, où il fait un reportage sur une ferme d’élevage de serpents.
Après la guerre, il crée sa propre ferme
afin de vendre le venin à l’industrie pharmaceutique pour financer l’installation
d’un nouveau laboratoire photographique.
Il reprend alors ses recherches expérimentales, créant des Lichtgrafiken, photogrammes dans la tradition de Man Ray*, de
C. Schad* et de L. Moholy-Nagy*. En 1955,
il est nommé professeur de photographie
et de graphisme à la Hochschule für Bildende Künste de Berlin-Est.
M.L.
HALIP Jakob
photographe russe
(Saint-Pétersbourg 1908 - 1979)
Né dans une famille d’artistes de théâtre,
Halip vient s’installer à Moscou, en 1921,
où il fréquente l’Institut supérieur pour
le cinéma (VGIK). Il étudie à l’Académie
des beaux-arts et se passionne pour la
photographie, vouant une grande admiration à A. Rodtchenko*, M. Alpert* et
A. Shaikhet*. Il publie ses photos dès
1926 dans Sovietski Ecran et Sovietskoye
Foto. À partir de 1927, il travaille comme
cameraman et photographe de plateau
avec le réalisateur Vsevolod Pudovkin et
collabore aussi aux journaux la Pravda,
les Izvestia, Krasnaïa Niva. À partir de
1931, il montre les changements sociaux
qui surviennent dans le pays ainsi que
les développements militaires de l’Armée
rouge, de la marine et de l’aéronautique,
spécialement les dirigeables. En 1938, il
prend part à une expédition polaire sur la
banquise pour sauver quatre chercheurs
de l’équipe de l’explorateur Papanin. Ses
photographies, développées sur place et
acheminées par avion, paraissent dans la
presse le lendemain. Rodtchenko et Varvara Stepanova lui commandent à plusieurs reprises des photos pour l’album
l’Armée rouge et pour leur revue l’U.R.S.S.
en construction, de 1938 à 1941, ainsi que
pour leur ouvrage consacré à la conquête
downloadModeText.vue.download 259 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
259
du pôle Nord, dont Halip assure la partie
centrale.
Rodtchenko dessine pour lui les cadrages
nécessaires à ses maquettes et Halip exécute les photographies selon l’esquisse.
Halip réunit les différents plans des images
et les relie par leur contenu au sujet
comme dans la fameuse série sur la garde
et les bouches de canons, sur la flotte balte
(1937), l’atterrissage du dirigeable SSSR B6
à Moscou (1938).
Il est l’un des photographes les plus aventureux de l’Union soviétique et reçoit une
médaille d’honneur de l’État en 1938. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est
correspondant de guerre pour Krasnaïa
Zvezda sur le front. Il travaille ensuite
pour Ogonek et Smena, puis, à partir de
1954, pour Sovietski Soïouz.
V.E.
HALSMAN Philippe
photographe américain
(Riga, Lettonie, 1906 - New York 1979)
Après des études d’ingénieur électricien,
Halsman s’initie à la photographie. En
1931, il travaille comme photographe indépendant à Paris et réalise ses premiers
« portraits de célébrités » : Gide, Giraudoux... Dix ans plus tard, il quitte la France
pour les États-Unis avec une réputation
déjà établie. À New York, où il prend la
nationalité américaine en 1949, il travaille
pour l’agence Black Star. Ses portraits de
célébrités font la couverture de nombreux
journaux, en particulier celle de Time et
de Life*, réalisant pour ce dernier plus de
100 couvertures. Outre la célébrité de ses
modèles (Winston Churchill, John Kennedy, Marilyn Monroe, André Malraux,
Ingrid Bergman, Einstein, Dali...), c’est sa
technique particulière qui impose le succès de Halsman : le jumping ; il photographie ses modèles en train de sauter et saisit
ainsi « l’essence de l’être humain », selon
ses propres termes.
Dès 1951, ses photographies ont été montrées au M.O.M.A. de New York, à l’occasion d’une exposition de groupe. C’est peu
avant sa mort, à New York en 1979, qu’une
rétrospective lui est consacrée à l’ICP (International Center of Photography de New
York), une autre suivra en 1981 à la Foto
Galerij Paule Pia en Belgique.
Plusieurs livres témoignent de son travail dont The Frenchman ; A Photographic
Interview with Fernandel (1949), Dali’s
Mustache (1953), Philippe, Halsman’s
Jumpbook (1959) et Halsman on the Creation of Photographic Ideas (1961).
S.B.
HAMAYA Hiroshi
photographe japonais
(Tokyo 1915)
Photographe représentatif du photojournalisme japonais des années 1940 et
1950, Hamaya aborde la photographie
vers 1931 et travaille comme photoreporter depuis 1936. Au début des années
1940, il s’intéresse aux traditions culturelles et commence à photographier la
vie traditionnelle d’un village isolé de
Niigata, région couverte de neige un tiers
de l’année. Cette recherche est publiée en
1956 sous le titre Yukiguni (« le pays de la
neige ») puis en 1957, Ura-Nihon (la Côte
de la Mer du Japon). Ce deuxième livre,
dans lequel il développe son thème de
manière plus approfondie, est considéré
comme un des meilleurs travaux documentaires des années 1950. Son approche
du reportage tente de mettre en évidence
les relations entre le cadre historique et
géographique d’un lieu, et la façon dont la
vie y est organisée. Depuis 1960, Hamaya
parcourt le Japon et le monde entier pour
photographier l’environnement natudownloadModeText.vue.download 260 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
260
rel, le plus souvent à l’aide de la photographie aérienne, et collabore à l’agence
Magnum*.
Il publie en 1981 l’anthologie de son travail
dans un album intitulé Hiroshi Hamaya :
50 Years of Photography - Aspects of Nature &amp; Aspects of Life (2 volumes, Iwa-
nami-shoten, Tokyo). Une exposition personnelle a lieu à Paris, en 1987, au S.I.T.I.
(La Défense). En 1989, une rétrospective
est organisée au Kawasaki City Museum,
où se trouve une collection importante de
ses oeuvres.
T.O.
HAMILTON David
photographe britannique
(Londres 1933)
Autodidacte, il se fait connaître, dès la
fin des années 1960, par la publication de
photographies de nus de jeunes filles pubères, lascives, installées dans une atmosphère vaporeuse qui caractérise, depuis,
son érotisme suave. Très proches des ambiances feutrées des peintures de Balthus,
ses clichés sont chaque fois un hymne à la
sensualité adolescente, avec pour figure de
prédilection la jeune fille blonde, nordique
ou scandinave. Sa technique demeure élémentaire et jamais une source de lumière
artificielle n’intervient dans ses mises
en scène bucoliques et pastorales, où le
contact avec une nature innocente est toujours cultivé. Depuis son premier album,
accompagné d’un texte d’Alain RobbeGrillet, Hamilton a édité de nombreux
ouvrages sur ce thème et réalisé plusieurs
courts et longs métrages qui participent
de la même esthétique charnelle et vaporeuse, héritée des plus sensuelles toiles de
Boucher.
P.L.R.
HAMILTON Richard
artiste britannique
(Londres 1922)
Après avoir suivi les cours du soir de la St
Martin’s School of Art de Londres (1936), il
travaille dans plusieurs studios de publicité
puis enseigne les arts graphiques à la Central School of Arts and Crafts (1952), où il
retrouve E. Paolizzi*. Cette même année, il
fonde avec ce dernier et Lawrence Alloway
l’Independent Group, et apparaît dans cette
mouvance comme l’un des premiers protagonistes du pop’art* anglais, auquel il offre
une des oeuvres emblématiques, un collage
intitulé Just what is it that makes today’s
home so different, so appealing, qui servira
d’affiche à l’exposition-manifeste This is
Tomorrow (1956). De l’utilisation initiale
des collages aux nombreux rehaussages de
photographies, Hamilton fait des images
médiatiques (celles des magazines de coeur
ou des catalogues de vente par correspondance...) une source iconique inépuisable
qu’il détourne pour mieux en analyser les
impacts réels. Dans My Marylin (collection Ludwig, 1965), il retravaille à l’huile
des photographies annotées de la main
de la star américaine, récoltées dans des
magazines de grande diffusion. Cette interrogation portée sur les qualités propres
de la photographie médiatique débouchera, quatre ans plus tard, sur un article
que l’artiste publie dans la revue Studio
International sous le titre : « Photography
and Painting » (1969), où il démontre les
liens qu’il tente d’établir entre peinture et
photographie dans leur rapport respectif
à l’imagerie et à la culture populaires. Les
clichés de la photographie courante, de la
carte postale (Whitley Bay, 1965) au photojournalisme* (série des Swinging London, 1968-1969), sont déclinés dans des
oeuvres associant l’huile à des motifs photographiques imprimés sur la toile. Plus
downloadModeText.vue.download 261 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
261
récemment, Hamilton tente d’exploiter les
transferts électroniques de l’image photo
(Northend II, 1991).
La profusion des images « pop » du début
fait alors progressivement place à des travaux plus dépouillés, où images digitales
et émulsion photographique se croisent
pour rendre l’hybridation des oeuvres
moins iconographique que technologique
(Countdown, 1989).
P.L.R.
HANFSTAENGL Franz
photographe allemand
(Baiernrain bei Tölz 1804 - Munich 1877)
Né en 1804 dans une petite ville proche
de la capitale bavaroise, Hanfstaengl suit
les cours de l’Académie des beaux-arts de
Munich entre l’âge de 14 et de 21 ans.
À sa sortie de l’école, en 1825, et pendant
10 ans, il réalise une série de portraits en
lithographie, technique inventée en cette
même ville par Senefelder, en 1796. Cette
galerie de portraits, qui préfigure le contenu de son travail photographique, était
censée représenter des personnalités bavaroises. Son goût pour le portrait trouva sa
plénitude d’expression avec la photographie, mais son atelier de lithographie perdura jusqu’en 1853.
Entre 1835 et 1845 Hanfstaengl s’installe à
Dresde et il semble que c’est à son retour
à Munich qu’il fut initié à la photographie
par A. Löcherer. En 1852, il ouvre un atelier et acquiert rapidement une réputation de portraitiste sans égal. A. AdamSalomon fut un de ses nombreux élèves.
Hommes politiques, industriels ou artistes
défilent dans son studio et il publie, entre
1861 et 1865, un album en plusieurs livraisons de plus de 200 personnalités munichoises. Il constitue aussi une galerie de
portraits imaginaires de personnages de la
Renaissance.
En 1868, il « passe la main » à son fils
Edgar, non sans avoir participé à de nombreuses expositions, depuis 1853 jusqu’à
une rétrospective au musée d’Art moderne
de New York, en 1939.
S.M.
HANNON Édouard
photographe belge
(1853 - 1931)
Issu de la bourgeoisie bruxelloise, Hannon étudie à Gand et devient ingénieur en
1876. Ses fonctions d’administrateur de la
firme Solvay lui offrent l’occasion de voyager en France, en Espagne, en Russie et
aux États-Unis. Amateur éclairé, il est un
des membres fondateurs de l’Association
belge de photographie (1874), et c’est vers
1890 qu’il s’implique dans le mouvement
pictorialiste*. Présentes dès les premiers
Salons d’art photographique, en Belgique mais également dans les capitales
européennes, ses épreuves sont remarquées pour leur facture originale. Grâce
à l’usage de papier aux trames grossières,
aux manipulations les plus diverses au
moment du tirage et à l’emploi de trames,
ses photographies prennent l’allure de
gravures et de crayonnés. L’iconographie
de Hannon se résume à des vues de bois,
de campagnes et de jardins, dont l’expression des noirs profonds et la composition
rappellent les dessins de Seurat ou de
Millet. Ses images connaissent une bonne
publicité dans les revues pictorialistes,
notamment dans le luxueux Die Kunst in
der Photographie, qui propose, en 1902,
« In Moor », image significative de son
talent et où sa technique n’est pas trahie
par la qualité de la photogravure. Toutefois, Hannon ne s’interdit pas la pratique
d’une photographie documentaire et ramène de ses voyages une production dont
downloadModeText.vue.download 262 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
262
l’originalité fait de lui un des précurseurs
du reportage moderne.
M.P.
HARBUTT Charles
photographe américain
(Camden, New Jersey, 1935)
Harbutt quitte l’université de Marquette,
près de Milwaukee, en 1956, avec un diplôme de journaliste. Il abandonne rapidement l’écriture, car il se devait d’« être
là ». Il travaille d’abord comme reporter
pour différents journaux : Jubilee, Look,
Life*, Saturday Evening Post, Stern, ParisMatch. En 1959, il photographie la révolution à Cuba. En 1963, il entre à l’agence
Magnum*, dont il sera le président de 1970
à 1972, puis de 1976 à 1978. Il enseigne parallèlement la photographie. Militant par
les images contre la guerre au Viêt Nam, il
produit, en 1969, un livre, America in Crisis, et un film d’animation, America (prix
du Festival du film d’Atlanta). Son oeuvre
évolue alors de l’engagement politique vers
une réflexion sur la relativité du médium
photographique. Harbutt rompt avec
les règles de la composition, jouant de la
distorsion du grand angle, du plan coupé
qui tronque les corps, pour nous livrer
une vision froide et étrangère du monde.
En 1974, Travelog est désigné comme
meilleur livre de l’année aux Rencontres
d’Arles : il témoigne des aspects triviaux
du quotidien. En 1986, Progreso, petit
port du Yucatán, misérable et pourtant
d’une beauté poignante, donne lieu à un
magnifique ouvrage. Reporter des idées et
reporter des formes, Harbutt a défini luimême son sujet : des « superbanalités ». Il
est représenté dans de nombreux musées
américains.
M.M.
HARCOURT (studio)
(Paris 1934 - 1979)
Jacques et Jean Lacroix, fils de modestes
artisans parisiens, se lancent en 1922 dans
la presse professionnelle : la Quincaillerie
nouvelle est suivie de bien d’autres titres,
la Couverture, Plomberie, Électricité et Radio, et surtout Guérir, en 1930, qui permet
à la Société des éditions Lacroix-Frères,
créée en 1927, de passer de la presse professionnelle à faible tirage aux magazines
grand public qui jalonnent leur carrière :
Vedette, Scooter, la Vie des bêtes, Tout
savoir, Mon jardin, Archéologie. En 1933,
sur les conseils du fils de Nina Ricci, Robert, ils ouvrent une agence de publicité.
Cette même année, Jacques rencontre une
jeune photographe, Cosette Harcourt,
de son vrai nom Germaine Hirschfeld
(1900-1976). La photographie prenant une
grande place dans leurs activités, les deux
frères ouvrent, avec Robert Ricci, le studio
Pro-Photo pour la photographie publicitaire et un studio pour la photographie
d’art, au 11 bis, rue Christophe-Colomb,
auquel Cosette Harcourt – qui a des parts
dans la société – donne son nom. La jeune
femme avait appris l’organisation commerciale d’un grand studio chez ManuelFrères, où le Tout-Paris posait. En 1938,
les activités des frères Lacroix sont regroupées dans un hôtel particulier au 49, avenue de Iéna. Pendant la Seconde Guerre
mondiale, Cosette Harcourt doit quitter la
France, l’activité du studio est placée sous
le contrôle d’un ancien photographe de
chez Manuel-Frères, Henri Bierley-Lalune.
L’immédiat après-guerre correspond à une
période de très grande activité : hommes
politiques, écrivains, acteurs et chanteurs,
tous se pressent pour avoir leur portrait.
Cette vogue durera jusqu’à la mort de son
inspiratrice : le travail de retouche et les
éclairages de cinéma créent des visages
downloadModeText.vue.download 263 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
263
épargnés par le temps. Les archives du
studio ont été rachetées par l’État français,
en 1989 et 1991. Après un dépôt de bilan
(1989), le studio a réouvert ses portes, rue
des Acacias.
H.P.
HARPER’S BAZAAR
Harper’s Bazaar est édité à New York et
appartient aux éditions Hearst. Cette publication, dont la première parution date
de 1867, connaît ses plus belles heures
du début des années 1930 à la fin des années 1950 et devient le principal rival de
Vogue*. Durant cette période, la revue est
principalement animée par la rédactrice
en chef Carmel Snow, le directeur artistique A. Brodovitch* et la rédactrice de
mode Diana Vreeland. À la fin de 1932,
après avoir contribué au succès de Vogue,
Carmel Snow rejoint Harper’s Bazaar.
Forte de son expérience, elle constitue son
équipe. En 1933, elle engage M. Munkacsi*, qui introduit dans la photo de mode
le mouvement et le naturel photographié
en extérieur, et Brodovitch, qui crée une
mise en page dynamique. C’est donc dans
les doubles pages de Harper’s Bazaar que
prend forme la nouvelle photo de mode.
Brodovitch, qui est également professeur
de photographie, va systématiser cette
nouvelle approche en exhortant ses élèves
et collaborateurs à travailler dans cette
direction : Herman Landshoff, Toni Frissel, Lillian Bassman, R. Avedon*. Brodovitch invite également des photographes
de presse comme R. Frank*, L. Faurer* ou
L. Model* à s’essayer à la photo de mode :
l’appétit du magazine pour les nouveaux
talents est insatiable. De 1946 à 1947, la
parution de Junior Bazaar, destiné aux
jeunes lectrices, sert de champ d’expérience aux nouveautés, appliquées par
la suite à son aîné. Revue d’avant-garde
en matière de photo de mode et de graphisme, Harper’s Bazaar devient également une vitrine de l’art européen. Man
Ray*, Dali, H. Bayer*, H. Matter* et Cassandre y signent de nombreux travaux
et on peut aussi y voir les oeuvres de Picasso, Matisse, Braque, Giacometti et de
B. Brandt*, H. Cartier-Bresson*, Brassaï* et
A. Kertéz*. Snow, Brodovitch et Vreeland
quittent le journal respectivement en 1957,
1958 et 1962. En avril 1965, Avedon, autre
figure emblématique de Harper’s Bazaar,
est le rédacteur en chef du numéro dont il
signe toutes les photos avant de s’en aller
chez Vogue. Cependant, durant les années
1960, des directeurs artistiques de talent
formés par Brodovitch (Henri Woolf dès
1959, suivi de Marvin Israël en 1961 puis
de Bea Feitler et de Ruth Ansel de 1963 à
1971) maintiennent la revue à un très haut
niveau de créativité. Mais, dès le début des
années 1970, Harper’s Bazaar rejoint les
revues de mode prisonnières des exigences
des annonceurs publicitaires.
N.C.
HASENPFLUG Hans
photographe australien
(Allemagne 1907 - Melbourne 1977)
Immigré en Australie en 1927, Hasenpflug commence comme photographe pour
Leica Photo Service en 1932, mais débute
réellement sa carrière en 1935 chez Russell Robert Pty Ltd, qu’il quitte en 1937. En
1938, il expose au Salon qui commémore
le 150e anniversaire de la fondation de
l’Australie, travaillant à cette époque pour
l’atelier de A. Shmith* à Melbourne. Ses
photographies de mode de cette période
sont proches des travaux de M. Munkasci*. Plus tard, il entre dans d’autres
ateliers, dont ceux de Austin-Murcott et
Ritter-Jeppersen (1942-1945). Pendant la
guerre, il se tourne vers le portrait d’enfant
downloadModeText.vue.download 264 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
264
et, naturalisé à la fin de la guerre, installe
son propre atelier, spécialisé dans l’illustration commerciale. Il aura notamment des
contrats avec la chaîne de magasins Myer.
La maladie l’oblige à cesser ses activités de
photographe. Son oeuvre est notamment
représentée à Canberra (N.G.).
M.C.
HAUSMANN Raoul
ar tiste autrichien
(Vienne 1886 - Limoges 1971)
Hausmann est à la fois peintre, sculpteur,
typographe, poète, théoricien et photographe. Même s’il écrit « je ne suis pas
photographe », sous forme de manifeste en
1921, il produit durant sa vie plus de deux
mille photos. Après avoir assimilé l’expressionnisme (il collabore à Der Sturm), il
est cofondateur du Club Dada à Berlin, en
1918. Il imagine alors le photomontage*,
qui devient l’outil favori de la révolte dadaïste (Tatlin at home, 1920). Créateur de
la revue Der Dada en 1919, il déclame ses
poèmes phonétiques au café Austria et, en
1920, il organise, avec G. Grosz et J. Heartfield*, la Foire internationale Dada. Celle-ci
marque l’apogée et la fin de Dada-Berlin, le
« dernier cri » dadaïste de Hausmann étant
son photomontage ABCD (1923).
Il commence réellement à photographier à
la fin des années 1920, notamment en travaillant à son roman Hyle (qu’il achève seulement en 1954 à Limoges). Il fixe le vent
sur les dunes, les végétaux, les places du
Vieux-Berlin, étudie la torsion des corps,
les visages, les reflets.
En 1931, il transforme la perception de
l’objet grâce aux effets d’ombre et de
lumière. Utilisant le motif d’une chaise
cannée, il réalise une série de clichés qu’il
intitule d’abord ombres, ou « moulins à
lumière », pour finalement les nommer
« mélanographies » (melanos signifiant
« noir » en grec). En 1933, Hausmann
fuit le régime nazi pour Ibiza (Baléares),
photographie l’architecture et les habitants de l’île et écrit des articles ethnologiques qu’il complète avec ses photos.
Après un bref séjour à Paris en 1934 et
un autre à Zurich en 1937, il part vivre
en Tchécoslovaquie. La photo infrarouge
est alors sa principale préoccupation
(1938). À l’automne 1939, il se réfugie en
Haute-Vienne. Installé définitivement à
Limoges en 1944, il reprend la peinture, le
collage et la photographie. Il réalise alors
des photogrammes originaux : les « photopictogrammes » (il dessine des lignes
dans la sciure de bois répandue sur le
papier photosensible) et des photomontages, dans lesquels il introduit ses anciennes photographies. Progressivement,
il s’arrête de travailler, car sa vue baisse et
il est démuni de tout matériel.
Hausmann publie entre 1934 et 1948 de
nombreux articles pédagogiques sur la
composition photographique, la question
de la couleur, la relation entre la photographie et la peinture. En 1967, le musée
de Stockholm organise une rétrospective de son oeuvre, puis le musée national
d’Art moderne de Paris fait de même en
1975. Le livre Je ne suis pas un photographe
est publié par les Editions du Chêne en
1976. Une exposition Hausmann a été présentée en 1994 au musée d’Art moderne de
Saint-Étienne, puis au musée départemental de Rochechouart.
E.E.
HAVILAND Burty Paul
industriel américain
(Paris 1880 - 1950)
Il est le fils de Charles Haviland (Haviland
&amp; Co, manufacture de Limoges) et de
Madeleine Burty, fille du célèbre critique
d’art Philippe Burty. Après ses études en
downloadModeText.vue.download 265 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
265
France et son diplôme à l’université d’Harvard en 1901, il représente la maison Haviland aux États-Unis. Dès 1898, il pratique
la photographie. En 1908, il rencontre
A. Stieglitz*. Il lui offre de financer la galerie 291 sur la Fifth Avenue, lieu où il fait
exposer des artistes peintres et sculpteurs
français d’avant-garde.
Il rédige des articles pour Camera
Work* et certaines de ses photographies
y sont publiées : le Châle espagnol (Rose
Cohen), Miss Doris Keane, The Japanase
Lantern reproduits dans le no 39 (juillet
1912, Paris, musée d’Orsay). Ses personnages féminins, empreints de japonisme,
portent le kimono près d’accessoires
venant de la collection Burty. Dans l’esprit japonais, le modèle est décentré par
souci d’asymétrie. Comme E. Steichen*,
dont il fait le portrait (mars-avril 1910,
Paris, musée d’Orsay), Haviland devient
membre du groupe Photo-Sécession*,
appelé en France mouvement pictorialiste. Ce mouvement refuse la pratique
commerciale du sujet-document, mais,
par contre, privilégie le flou de l’épreuve
créant une atmosphère de mystère, dans
l’esprit symboliste. Haviland excelle
dans le portrait (Portrait de femme, vers
1911, Paris, musée d’Orsay), merveilleux contraste d’ombre sur la chevelure, vêtement qui se fonde dans le noir,
lumière sur le long cou tendu ainsi que
sur la main, appuyée sur le dos d’une
chaise. Il est aussi l’auteur d’un très beau
portrait du peintre Armand Guillaumin
(1841-1927) peignant à Croizant (1910,
Paris, musée d’Orsay). De son séjour à
New York, il reste de nombreuses photographies dont New York at Night, paru
dans Camera work no 46 (avril 1914). En
1916, il rentre en France pour travailler
à la manufacture de Limoges. Il épouse
Suzanne Lalique, peintre et décorateur,
fille du verrier créateur, René Lalique.
Son oeuvre photographique est peu
connue.
M.J.M.C.
HAWARDEN lady Clementina
photographe britannique
(Cumbernauld, près de Glasgow,
1822 - Londres 1865)
À partir de 1856, lady Hawarden pratique
la photographie en amateur à Dundrum,
en Irlande, dans la propriété de son époux.
Elle maîtrise rapidement la technique en
lisant un manuel et réalise des vues stéréoscopiques de sa maison. L. Carroll* découvre ses oeuvres à une vente de charité.
Lui, le photographe amateur, achète cinq
photos, dont la Toilette et la Fenêtre (Austin, University of Texas).
En 1863, lady Hawarden participe à la 9e
exposition de la Photographic Society de
Londres. Pour sa première exposition, elle
remporte la médaille d’argent et est élue
membre de la Society. L’année suivante,
elle expose avec autant de succès mais
pour la dernière fois, car elle est emportée par une pneumonie à 42 ans. L’oeuvre
de lady Hawarden se développe dans un
univers familial de 1859 à 1864. Sa résidence de South Kensington à Londres
sert de cadre à ses images, qu’elle qualifie
d’« études photographiques » et d’« études
d’après nature ». Peu de décors, quelques
tentures, une fenêtre près de laquelle ses
filles posent : Florence Maude and her
Sister Posed beside a Window, vers 1864
(Paris, musée d’Orsay), ou dans des attitudes quotidiennes, Isabella Grace en robe
de mousseline à pois, assise à une coiffeuse
et Clementina Maude debout de dos, vers
1862-1863 (Londres, Victoria and Albert
Museum). De ces « études » aux tonalités chaudes, représentatives de la société
victorienne, se dégagent calme, grâce et
féminité.
M.J.M.C.
downloadModeText.vue.download 266 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
266
HAWES Josiah Johnson et
SOUTHWORTH Albert Sands
photographes américains
(East Sudbur y, Massachusetts,
1808 - Boston 1901 et West Fairlee
1811 - Boston 1894)
Dès l’annonce de la diffusion publique
du procédé de L.J.M. Daguerre*, en août
1839, François Gouraud s’embarque pour
les États-Unis afin de diffuser cette nouvelle technique. À Boston, en 1840, Hawes
et Southworth assistent séparément aux
conférences-ventes de Gouraud. Hawes
voit le jour en 1808. Après avoir appris le
métier de métreur, il exerce la profession
de peintre-portraitiste itinérant.
Southworth, pharmacien, a fait ses études
à l’académie Philips d’Andover dans le
Massachusetts. Il se rend à New York
en 1840 pour parfaire ses connaissances
sur l’utilisation du daguerréotype*. Il va
ensuite chez S. Morse* avec Pennel puis
ouvre un atelier, avec ce dernier, d’abord
à Cabottville, en 1840, puis à Boston, en
1841. En 1843, il quitte Pennel pour s’associer avec Hawes ; leur raison sociale
de Southworth &amp; Hawes. En 1849,
Southworth quitte momentanément
l’atelier de Boston pour participer à la
ruée vers l’or en Californie. Faute d’or, il
réalise des daguerréotypes de San Francisco. Lorsqu’il regagne Boston, en 1851,
il développe avec Hawes le portrait au
daguerréotype et leur atelier devient
un des plus importants des États-Unis.
L’activité du studio dure jusqu’au départ
de Southworth, en 1861. Hawes continue seul, mais l’association a « livré la
quintessence du daguerréotype par les
moyens d’une technique accomplie, d’une
intuition rare de l’instant, d’un emploi
dynamique de la lumière... ».
Après vingt ans d’activité, le catalogue
de la firme mentionne plus de 10 000
daguerréotypes, dont 95 % sont des portraits. Southworth était considéré comme
le technicien et Hawes comme l’artiste.
Grâce à cette complémentarité, les portraits de l’élite culturelle de Boston et du
monde de l’Ouest ont été pérennisés –
du président des États-Unis à Lola Montez. Leurs photographies sont conservées
dans des collections américaines, à Boston
(M.F.A.), à New York (M.O.M.A. et Metropolitan Museum of Art), à Rochester
(George Eastman House), etc.
S.M.
HEARTFIELD John
(Helmut Herzfeld, dit)
artiste allemand
(Berlin 1891 - id. 1968)
Photomonteur plus que photographe,
Heartfield est probablement l’artiste de la
première moitié du XXe siècle le plus engagé politiquement.
Parce qu’il veut devenir peintre, Helmut Herzfeld fait ses études à la Kunstgewerbeschule de Munich, de 1907 à
1910, puis à la Kunst und Handwerkschule de Berlin, de 1912 à 1914. C’est pendant la Grande Guerre qu’il décide d’angliciser son nom pour protester contre le
nationalisme allemand. En 1916, il milite
avec G. Grosz dans les cercles révolutionnaires de Berlin ; ses collages, alors satiriques, dévoilent déjà un intérêt pour les
problèmes sociaux. En 1918, il s’inscrit au
Parti communiste et, en 1919, il est cofondateur de Dada-Berlin. Il développe et
donne ses lettres de noblesse à une technique nouvelle, le photomontage, dont
la paternité est cependant revendiquée
par Hausmann. Il est surnommé le Monteur-Dada, et ses photomontages, comme
ceux de R. Hausmann*, de H. Höch* et
de G. Grosz, organisent la destruction
de l’art bourgeois. Dès 1920, Heartfield
downloadModeText.vue.download 267 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
267
affiche délibérément ses convictions politiques et sociales. Réalisant des couvertures de journaux ou de livres (avec son
frère, il crée la maison d’édition MalikVerlag en 1917), il travaille notamment
pour Der Knüppel de 1923 à 1927, et pour
l’Arbeiter Illustrierte Zeitung (A-I-Z*) de
1924 à 1933. Il ne photographie jamais,
mais utilise des images recyclées. Son
art, fait de symboles et de mots clefs, est
efficace.
Entre ses mains, le photomontage devient
une arme redoutable contre tout ce qui lui
paraît injuste, du point de vue social ou
politique. Artiste combattant le nazisme
avec audace – Der Sinn von Genf (la si-
gnification de Genève, 1931), Göring der
Henker des Dritten Reichs (Göring, le bourreau du IIIe Reich, 1933), Adolf, der Übermensch (Adolf le Surhomme, 1932) –, il est
contraint de fuir l’Allemagne et sa Gestapo
en 1933.
Il s’installe à Prague, où il continue de
travailler pour la branche tchèque de
l’A-I-Z. Il réalise toujours des photomontages contre le IIIe Reich tels que Blut und
Eisen (Sang et Acier, 1934), et son exposition personnelle à Prague en 1937 est
en partie escamotée par l’ambassadeur
d’Allemagne. Juste avant l’invasion de la
Tchécoslovaquie, il part à Londres, où il
expose la Guerre d’un homme contre Hitler, en 1939.
Graphiste, photomonteur, designer
théâtral et professeur, il collabore à
différents journaux et maisons d’éditions à Londres jusqu’en 1950, à Leipzig jusqu’en 1956, et enfin à Berlin-Est
jusqu’à sa mort.
L’I.C.A. de Londres organise une exposition sur ses photomontages en
1969, le M.O.M.A. de New York en
1993 ; son frère publie une biographie
sur lui, John Heartfield : Leben und
Werk en 1962.
E.E.
HEILMANN Jean-Jacques
photographe français
(Mulhouse 1822 - id. 1859)
Trois photographes, membres de la
S.F.P.*, travaillent dans la même région
des Pyrénées, parfois côte à côte, déposant ensemble leurs épreuves soit directement (1854), soit par l’intermédiaire
de l’éditeur Marx (1860) : John Stewart
(1814-1887), établi à Pau vers 1846 ; Farnham Maxwell Lyte (1828-1906), installé à
Pau puis à Bagnères-de-Bigorre en 1856 ;
enfin Heilmann, qui arrive à Pau en 1852
après avoir débuté en Alsace. Leurs travaux retiennent l’attention des revues
spécialisées à partir de 1853. Cette annéelà précisément, Heilmann propose des
« instantanés » pris dans les rues de Pau,
scènes captées sur des glaces préparées
avec le collodion rapide de A. Bertsch*.
La même année, il dépose à l’Académie
des sciences un pli cacheté relatif à un
appareil permettant l’agrandissement ou
la réduction de l’image négative originale. En 1854, il ouvre une imprimerie
photographique et participe à la fondation de la Société scientifique, artistique
et photographique des Basses-Pyrénées.
C’est aussi un paysagiste apprécié que la
Lumière, en 1857, loue une nouvelle fois
pour la finesse du détail, le rendu de l’atmosphère de ses vues au collodion.
B.M.
HEINECKEN Robert
photographe et graveur américain
(Denver 1931)
Il reçoit une formation de dessinateur
et de graveur avant de commencer la
downloadModeText.vue.download 268 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
268
photographie en 1960. Parallèlement, il
enseigne au département artistique de
l’université de Californie (Los Angeles).
Heinecken définit tout de suite son style
en prenant des images dans la presse
populaire, en utilisant des procédés de
collage et de montage et, dès 1964, la
photolithographie. Cette même année,
sa première exposition personnelle a
lieu au Mount St Mary College of Fine
Arts (Los Angeles). De 1966 à 1967,
Heinecken réalise une série de photogrammes, Are you Rea, où il assemble
images et textes contradictoires. Il a été
instructeur dans de nombreux ateliers,
dont celui de la George Eastman House,
1967 ; à l’université de l’État de New
York (Buffalo), 1969 ; au San Francisco
Art Inst. et au School of the Art Inst.
(Chicago), 1970 ; à l’université Harvard
(Cambridge), 1971. De 1970 à 1972, il est
président du bureau de la direction de
la Society for Photographic Education.
Les procédés qu’il utilise vont du photogramme gélatino-argentique jusqu’à
l’instantané monté sur papier avec du
texte, au photogramme Polaroid*, Cibachrome*, transfert d’encre, transparents
noir et blanc sur un collage de magazine, émulsion photographique sur
toile, pour n’en nommer que quelquesuns. Pratiquement, tous ses travaux
utilisent des images de magazines, son
principal sujet étant l’utilisation de la
sexualité féminine comme support de
vente de produits de consommation
(Cliché Vary/Autoeroticism, 1974, coll.
William &amp; Andrea Turnage). Il met
en évidence le contenu pornographique
d’images qui se veulent erotiques en y
dénonçant la falsification de la réalité.
Le photographe est représenté dans de
nombreuses collections dont celles du
M.O.M.A., New York, et du San Francisco Museum of Art.
M.C.
HEINRICH Anne-Marie
photographe argentine
(Darmstadt 1912)
Née en Allemagne, elle part, dès l’âge de
14 ans, s’établir avec sa famille en Argentine. Souhaitant devenir photographe,
elle fait son apprentissage dans des laboratoires et ateliers divers à Buenos Aires,
où elle installe son propre atelier en 1930.
Très influencée par A. Sander*, elle réalise
des images qui écartent du contexte tout
ce qui n’est pas strictement intime. Pas de
voile ni de décor, seulement l’aura de la
personnalité. Ses portraits de Jorge Luis
Borges et de Elias Castelnuovo ont fait le
tour du monde.
Dès 1937, elle participe à des Salons internationaux. Liée au cinéma argentin, elle
invente l’image idéale de la star admirée
alors dans toute l’Amérique latine. Les
visages s’illuminent sous les lumières artificielles dans l’illusion et la fantaisie des
codes du charme sophistiqué « glamour ».
Ses images, publiées dans les revues américaines, lui apportent la célébrité et les
honneurs comme membre du Foto Club
Bandeirante (Brésil), du Foto Club de Medellín (Colombie), de l’Académie argentine
des Sciences et Arts photographiques.
En 1953, cofondatrice du groupe photo
« La carpeta de los Diez », à Buenos Aires,
elle crée des séminaires et des expositions.
Elle reçoit de 1960 à 1965 le premier prix
de la sélection internationale du Foto Club
de Buenos Aires.
En 1975, elle est nommée académicienne
de la Commission nationale de la Culture
en Argentine. Elle est cofondatrice en 1979,
avec six autres photographes, du Conseil
argentin de la Photographie. Sa première
downloadModeText.vue.download 269 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
269
monographie paraît en 1982 et rassemble
son travail sur la danse et les ballets internationaux depuis 1938.
V.E.
HENNEBERG Hugo
photographe autrichien
(Vienne 1863 - id. 1918)
Né à Vienne en 1863, Henneberg étudie
la physique, la chimie, l’astronomie et les
mathématiques à l’université de Vienne et
à celle de Iéna, de 1882 à 1887. C’est à cette
date qu’il « rencontre » la photographie et
sa formation scientifique lui permet d’en
résoudre les problèmes techniques. Après
un voyage aux États-Unis, il entretient
avec A. Stieglitz* une correspondance assidue entre 1890 et 1909.
En 1893, au retour d’un périple en Égypte
et en Grèce, il expose pour la première fois
à Salzbourg. Membre du Camera* Club
de Vienne avec H. Kühn* et H. Watzek*, il
fonde avec eux « Das Kleeblatt » et il est
élu, en 1894, au très fermé Linked Ring*
londonien. Watzek fut son compagnon de
voyage au cours de différentes excursions
en Italie et en Hollande.
Attiré par le procédé à la gomme bichromatée*, il le manie très vite avec dextérité, grâce à ses connaissances en chimie.
La plupart des paysages, qui sont le sujet
principal de son oeuvre, sont réalisés avec
ce procédé qui autorise des effets de lumière et de matière particuliers. En 1897,
Henneberg expose avec Kühn et Watzek
à Vienne sous le titre de « Trofolium ».
Après 1903, il se consacre progressivement, mais avec moins de talent, à la gravure sur bois et à l’eau-forte. En 1909, il
expose ses photographies à la Photo-Secession Galery de Stieglitz, à New York,
après avoir publié ses images dans la
luxueuse revue Camera Work. Henneberg
meurt à Vienne en 1918.
S.M.
HENRI Florence
artiste suisse d’origine franco-allemande
(New York 1893 - Laboissière-en-Thelle,
Oise, 1982)
Élevée dans différentes capitales européennes, Florence Henri étudie le piano de
1902 à 1914. Pendant la Première Guerre
mondiale, elle habite Berlin, où elle abandonne l’idée d’une carrière musicale pour
commencer à dessiner et à peindre. En
1923, elle quitte l’Allemagne et visite l’Italie. L’année suivante, elle obtient la nationalité suisse par mariage, puis s’installe à
Paris pour étudier la peinture. Influencée
par le travail de Fernand Léger et d’André
Lhote, elle crée des oeuvres d’inspiration
cubiste, constructiviste et futuriste. En
1927, elle s’inscrit au cours d’été du Bauhaus*, à Dessau, où, sous l’égide des Moholy-Nagy*, elle découvre les possibilités
artistiques de la photographie. De retour à
Paris, elle loue un atelier à Montparnasse,
qu’elle partage avec Enrico Prampolini, et
se consacre presque exclusivement à ce
nouveau moyen d’expression. En se servant des effets de miroir et de perspective,
elle accentue les formes géométriques des
natures mortes qu’elle photographie pour
en faire des compositions abstraites. En
1928, L. Moholy-Nagy commente son
récent travail dans la revue néerlandaise
i10. L’année suivante, les photographies
d’Henri figurent dans les expositions historiques Fotografie der Gegenwart et Film
und Foto*. Dans le studio photographique
qu’elle ouvre à Paris, elle fait aussi des portraits et de la publicité. À la même époque,
elle se lie d’amitié avec Michel Seuphor et
participe aux activités du groupe Cercle et
Carré. Dans les années 1930, elle participe
aux importantes manifestations photographiques à Paris, à New York, à Londres, à
Amsterdam, à Essen, etc. Ses images sont
publiées dans les grandes revues de l’entredownloadModeText.vue.download 270 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
270
deux-guerres : Variétés, Arts et métiers
graphiques, Advertising Display, Modern
Photography, Lilliput, Stile Futurista, Tezca, Gebrauchsgraphik, etc. Elle crée des
photomontages* à partir de ses propres
photographies de Rome et complète ses
études de visages par une série de nus. La
Seconde Guerre mondiale interrompt son
activité photographique.
Après le conflit, elle retourne à la peinture – cette fois de style figuratif – avant
de créer des compositions et des collages
abstraits. À la fin des années 1960, on redécouvre son travail photographique, de
nouveau reconnu comme l’oeuvre d’une
grande artiste.
T.M.G.
HENRY Paul et Prosper
astronomes et photographes français
(Nancy 1848 - Montrouge 1905 et
Nancy 1849 - Pralognan-la-Vanoise 1903)
Ouvriers opticiens à Nancy, Paul et Prosper Henry entrent à l’Observatoire de Paris
en 1864 et 1865 et y travaillent jusqu’à la fin
de leur vie comme astronomes. Grâce à la
réalisation d’objectifs de grande taille, leurs
premiers essais de photographie céleste
aboutissent en 1884 (carte des Pléiades,
2 326 étoiles, 1885). Ces résultats incitent
le directeur de l’Observatoire, l’amiral
E. Mouchez, à proposer un regroupement
d’observations internationales pour exécuter une carte photographique du ciel
(Ier Congrès astrophotographique à Paris,
1887). Les clichés (22 054 entre 18 observatoires) doivent être faits avec des instruments identiques à ceux des frères Henry.
Ceux-ci se chargent de la zone de l’espace
comprise entre +18° et +24° de déclinaison. En 1902, les observations sont achevées, les mesures des clichés sont avancées
et la publication du Catalogue photographique relatif à la région du ciel dévolue
à l’Observatoire de Paris commence. Le
dénombrement, le classement de toutes les
étoiles visibles avec les grands instruments
sont ainsi devenus possibles.
Mais la photographie astronomique, qui
a déjà intéressé Faye, de La Rue, Fizeau
et Cornu, Draper, Common, Janssen,
peut désormais également s’appliquer à
la découverte des astéroïdes, à l’étude du
mouvement des satellites autour de leur
planète ou encore améliorer les mesures
photométriques.
B.P.
HENSCHEL Alberto
photographe brésilien
(actif de 1870 à 1880)
D’origine allemande, Henschel arrive au
Brésil en 1870 et travaille à Rio de Janeiro,
à Salvador et à Recife. En 1871, il ouvre son
studio, « Alberto Henschel &amp; Co », à
Rio de Janeiro. Il réalise des centaines de
portraits qui font vivre son entreprise.
L’empereur Pedro II et sa famille sont de
très bons clients. Mais sa véritable passion
se porte sur le paysage, avec une prédilection pour les sites grandioses. Le fleuve
Rio, ses affluents et tous les territoires
avoisinants ont été documentés par ses
soins ainsi que les régions de Pernambouc
et de Bahia. En 1875, il sort un album,
Souvenirs de Nova Friburgo, avec quelques
images de la montagne Itatiaia et réalise,
l’année suivante, un grand panorama de la
ville de Rio, qui se trouve à l’Institut historique et géographique brésilien de cette
ville. Il exploite aussi un autre atelier sous
l’appellation « Henschel &amp; Benque »,
au 40, rua dos Ourives. En 1875, il expose
à l’Académie impériale des beaux-arts, à
Rio, et reçoit le titre de photographe de la
maison impériale.
V.E.
downloadModeText.vue.download 271 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
271
HENSON Bill
photographe australien
(Melbourne 1955)
Henson voyage fréquemment en Europe
et aux États-Unis où ses oeuvres sont largement représentées et exposées. Il a
d’abord photographié des situations erotiques, regroupées dans la série Untitled
Sequence 1977. Il a aussi représenté des
détails d’architecture de palais baroques,
des peintures de vieux maîtres accrochées
aux murs des musées d’Europe, le visage
de la femme au repos. Aux cimaises de la
galerie d’exposition de la Bibliothèque nationale à Paris, en 1990, ou dans la publication Bill Henson Photographs (1988), les
images sont regroupées en diptyques ou en
triptyques : un portrait empreint de tristesse ou de pitié enserré dans un univers
de délire baroque. La poésie des photographies de Henson est reconnaissable entre
toutes : une tonalité subtile, ombreuse, des
personnages fragiles, hors du temps, figés
et isolés dans un espace obscur et mystérieux, un univers solennel et hanté. Cette
résonance dramatique, intense, résulte
d’étranges distorsions ou d’angles de vue
bizarres, de prises de vue à longue focale
qui écrase l’espace, d’un manque de défi-
nition qui raréfie toute présence tactile. La
tristesse des grands tirages de Henson est
d’une beauté achevée. Henson est représenté notamment à Paris (Bibliothèque
nationale).
M.M.
HERS François
photographe belge
(Bruxelles 1943)
Après une formation d’architecte, Hers
opte pour la photographie en 1968 et s’installe à Paris. Cofondateur de l’agence de
reportage Viva, en 1972, il y poursuit ses
recherches d’émotions dans des « situations limites ». De là découle un travail
mené conjointement avec la police en
1975 et 1981. Boursier de la Fondation
nationale de la photographie en 1976, il
l’est également du ministère de la Culture
belge en 1978. L’année suivante, une commande officielle le charge d’une étude sur
le logement social dans la partie wallonne
de la Belgique. Il délaisse les façades pour
les Intérieurs. Ils sont exposés au Centre
Georges-Pompidou en 1981, à Zurich
en 1982, à Rome et Bruxelles en 1983,
et regroupés dans un livre paru aux éditions A.A.M. Ses intérieurs, aux couleurs
criardes et à la surcharge décorative, sans
personnages, sont d’une vision hyperréaliste d’où ne ressort, néanmoins, aucune
froideur.
En 1983, il organise avec Bernard Latarjet la
Mission photographique de la D.A.T.A.R.
Il expose Récit au palais des Expositions de
Rome et à la galerie Samia Saouma de Paris, son livre publié aux éditions Herscher.
Pour cet ouvrage, il obtient le prix Nadar.
Depuis 1980, un travail sur les images de
martyrs de la Résistance, prises par des
soldats allemands, lui permet de mettre en
évidence la fonction religieuse et éthique
de la photographie. Hers a participé à de
nombreuses expositions collectives, tant
en France qu’à l’étranger.
C.C.
HILLIARD John
photographe britannique
(Lancaster 1945)
Étudiant à la fameuse St Martin’s School
of Art de Londres (1964-1967), il utilise la photographie depuis 1967 comme
support visuel de sa pratique artistique.
D’abord utilisée pour sa capacité documentaire, notamment comme relevé de
ses oeuvres sculpturales, la photographie
downloadModeText.vue.download 272 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
272
fait rapidement l’objet de recherches plus
autonomes. C’est le cas dans la série Sixty
Seconds of Light, amorcée au début des
années 1970, où Hilliard analyse la variation des effets photochimiques sur une
douzaine de clichés affectés d’une durée
d’exposition progressivement croissante,
comme s’il s’agissait pour l’artiste d’établir
une interrogation moderniste sur le processus d’émergence de son oeuvre (l’exposition) et les propriétés proprement matérielles de son médium (la lumière). Cette
approche « chimique » sera abandonnée
dès 1974 au profit d’une recherche plus
sémiotique sur les sources d’informations
échangées entre le texte et la photographie. Avec la série des Elemental Conditioning (1974), il intègre ainsi à ses photographies un commentaire (phrase ou simple
mot) qui oriente la lecture, détourne ou
augmente la lisibilité de l’oeuvre. À la fin
des années 1970, il introduit le flou, la
vitesse et le mouvement dans des pièces
qui combinent souvent deux clichés dans
un même cadre-diptyque (Sycamore Exposure, 1977). Hilliard est représenté dans
de très nombreuses collections publiques
internationales à Londres (Tate Gallery),
Paris (M.N.A.M.), Zurich (Kunsthaus) ou
Lodz (musée des Beaux-Arts).
P.L.R.
HILSDORF Jacob
photographe allemand
(Bingen 1872 - 1916)
Il apprend la photographie chez son père
Jean-Baptiste, qui avait ouvert en 1861 le
premier atelier de Bingen, puis travaille
chez Nicola Perscheid à Leipzig, avant de
reprendre, en 1894, l’atelier paternel. Spécialisé dans le portrait, il se fait remarquer
par ses participations à d’importants Salons d’art photographique, et n’hésite pas
à utiliser, sans en abuser, certains procédés
de l’école pictorialiste*. D’une grande profondeur psychologique, ses portraits sont
de pénétrantes études de caractère, figeant
l’instant où la pose se relâche, où l’âme se
dévoile. Ami des arts, musicien lui-même,
il fixe de son objectif de nombreuses personnalités des milieux littéraires et musicaux. On retiendra plus particulièrement
les portraits des poètes Stefan George
et Richard Dehmel, du peintre Adolph
von Menzel, de Cosima Wagner ou de la
chanteuse Anna Muthesius. Sa renommée le fait appeler dans l’Europe entière et
l’amène à travailler souvent dans le cadre
naturel de ses clients prestigieux (familles
Krupp, Rothschild, Siemens, Thyssen), où
sa science exceptionnelle de la lumière lui
permet de tirer parti de toute situation. Ses
éclairages, tantôt violents, tantôt doux et
diaphanes, ou en de somptueux contrejours, accentuent et modèlent harmonieusement la personnalité du sujet. Après sa
mort, ses clichés sont pendant plusieurs
années encore diffusés par son frère Theodor, photographe installé à Munich (cf. cat.
Jacob Hilsdorf, Photograph im Jugenstil,
F. Toth, Bingen, 1989).
C.K.
HINE Lewis W.
photographe américain
(Oshkosh 1874 - Hastings-on-Hudson,
New York, 1940)
D’origine modeste, Hine s’est formé à l’art
par des cours du soir de dessin, puis il a
suivi des cours de sociologie à l’université
de Chicago. Il enseigne ensuite dans son
village natal et à New York, à partir de
1901. Les nécessités immédiates de l’éducation et de l’information sont à la base de
son engagement social, dans des conditions de vie très dégradées. En 1903, muni
d’un appareil photographique comme outil d’enseignement, il découvre, peu après,
downloadModeText.vue.download 273 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
273
Ellis Island, l’îlot de débarquement des
immigrés européens, qui viennent innocemment grossir la masse des travailleurs
exploités. Il les photographie pendant
plusieurs années, avec une vision attendrie qui doit beaucoup à la peinture ; en
1907, il participe au Pittsburgh Survey et,
devenu indépendant en 1908, il est asso-
cié au National Child Labour Committee,
qui dénonce le travail des enfants. Il photographie les vendeurs de journaux, les
cireurs de chaussures, les cueilleurs de
coton, et déjoue la méfiance des patrons
pour avoir accès dans les fabriques et les
usines. Par les publications du Comité,
par les expositions (dont il est le responsable) et par ses conférences, Hine favorise l’adoption, en 1916, de nouvelles lois
(qui seront abolies en 1918). Il travaille
ensuite pour la Croix-Rouge en France,
en Belgique et dans les Balkans. À son
retour, sa vision progressiste a changé :
il est plutôt favorable à une collaboration
positive entre l’homme et la machine,
qu’il loue par un style plus épique dans
ses photographies de corps de métiers (à
partir de 1920), puis dans son reportage
sur la construction de l’Empire State Building (1930-1931) ; l’ensemble constitue la
matière de Men at Work (1932). Écarté de
la Farm* Security Administration, il est
engagé par la Work Progress Administration (1936), mais il termine sa vie dans
la misère qu’il n’avait cessé de dénoncer,
seulement reconnu par les jeunes photographes de la Photo League*, à laquelle il
lègue ses archives.
Une exposition rétrospective, organisée en
1939 au Riverside Museum de New York,
marque le début de reconnaissance tardive
d’un photographe qui avait trop tôt prôné
l’impact de la photographie sur l’information sociale.
M.F.
HINTON Alfred Horsley
photographe britannique
(1863 - Woodford, Essex, 1908)
Après une formation de peintre, Hinton
est employé en 1888 dans une entreprise
de matériel photographique à Londres. Il
réalise ses premières épreuves, pour lesquelles il reçoit de nombreux encouragements, notamment de la part du vénérable H.P. Robinson*, et travaille dans le
studio de son fils Ralph Robinson de 1891
à 1893. Hinton participe activement à la
fondation du Linked Ring* (1892), collabore à la revue Photographic Art Journal
(1888-1891) puis devient le rédacteur
de The Amateur Photographer jusqu’à sa
mort. Son activité de journaliste en fait
un des principaux diffuseurs du pictorialisme* en Europe dans les années 1890.
Hinton est le correspondant à Londres du
Bulletin du Photo-Club de Paris puis de
la Revue de Photographie. Son traité intitulé l’Art photographique dans le paysage
(1894) influence les pictorialistes français
et renouvelle les théories esthétiques de
Robinson. En 1898, il rédige également un
ouvrage technique consacré à la platinotypie et un manuel en deux volumes : Practical Pictorial Photography.
Son rôle en Amérique n’est pas négligeable
non plus : Hinton y organise la section
britannique du Salon de Philadelphie en
1899, puis, en 1904, il supervise l’installation de la collection britannique à l’Exposition universelle de Saint Louis. Son oeuvre
se compose essentiellement de paysages
montrant les landes britanniques sous
des ciels tourmentés. Ses tirages au platine utilisent parfois des clichés multiples,
combinés pour obtenir l’image finale. Ses
épreuves atteignent de grands formats qui
accentuent un univers quelque peu dramatisé, comme dans Day’s decline (1895,
R.P.S., Bath).
M.P.
downloadModeText.vue.download 274 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
274
HIRO (Yasuhiro Wakabayashi, dit)
photographe japonais
(Shanghai 1930)
Quand Hiro s’installe à New York, il a
tout juste 23 ans. Le temps de l’apprentissage est bref (1954-1957) : il étudie
la photo à la School of Modern Photography, puis avec A. Brodovitch* à la
New School for Social Research, assiste
Rouben Sanberg tandis qu’il partage
le studio de Lester Bookbinder (deux
photographes spécialisés dans la nature morte) et, en janvier 1957, devient
l’assistant de R. Avedon*. Brodovitch
et Avedon vont profondément influencer Hiro. Selon Avedon, Hiro possède
les qualités qui font un grand photographe : le mystère, les formules, le perfectionnisme. Ils partagent, en associés,
le même studio d’octobre 1957 à juin
1971. En janvier 1958, Brodovitch engage Hiro au sein de Harper’s Bazaar*
(dont il obtient un contrat d’exclusivité de 1966 à 1974). Dès lors, Hiro travaille principalement pour la publicité
et la presse. Ses images, pour les plus
connues, sont des vues rapprochées et
en couleurs d’accessoires de mode, des
icônes monumentales où clarté et précision dominent. Elles tirent leur puissance d’attraction d’une composition
rigoureuse et d’une grande simplicité.
À l’instar de Brodovitch, Hiro est un
homme du futur. Il utilise des thèmes
qui font référence à la conquête spatiale.
La démarche de Hiro, entre logique et
intuition, est celle d’un scientifique et
d’un expérimentateur, à la suite de Man
Ray* et de E. Blumenfeld*, particulièrement avec la couleur et la lumière :
effets stroboscopiques, lumière blanche
ou néon.
N.C.
HISTOIRES DE LA
PHOTOGRAPHIE
Depuis ses origines, la pratique photographique entretient un rapport privilégié à
l’histoire. Inscrite sous le sceau de l’événement public dès sa présentation à la
Chambre par F. Arago*, en 1839, offrant
au regard rétrospectif un site bien délimité, manifestation explicite du progrès
technique comme de la modernité esthétique, exemplaire par ses effets sur les
pratiques sociales, la photographie forme
un précieux témoignage des évolutions,
des modes et des visées de la perspective
historienne.
Articulé entre un historique et un programme, le Discours d’Arago impose
d’emblée trois traits qui vont déterminer
jusqu’au début du XXe siècle l’usage de
l’histoire envers de la photographie. Premièrement, l’identité de la pratique photographique est construite à partir d’une
lecture du passé. Mais, deuxième point, il
s’agit d’une lecture ambiguë, tout entière
tournée vers le progrès, le futur. Privilégiant L.J.M. Daguerre* au détriment de
N. Niépce*, Arago inscrit la photographie
dans une forme de secondarité originaire :
peu importe le brouillard des origines, le
moment essentiel est celui d’un perfectionnement décisif. Ce mode historique,
qui impose un choix téléologique dans la
description du passé, autorise l’oubli ou
la dépréciation des recherches des devanciers. Enfin, cet usage de l’histoire avoue
clairement ses visées stratégiques. Bien
loin d’une histoire objective, la photographie se sert d’abord d’une histoire orientée
à des fins militantes.
Les premières histoires de la photographie
se partagent en deux catégories, également
partisanes : celles qui, formant souvent la
première partie d’un manuel d’initiation,
sont l’oeuvre d’acteurs du champ photogradownloadModeText.vue.download 275 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
275
phique et ont pour vocation de défendre
l’identité du nouveau médium face aux critiques venues du monde de l’art : celles qui,
comme la Vérité sur l’invention de la photographie (1867) de Victor Fouque, sont
l’oeuvre de témoins directs, ayant pour but
principal la réhabilitation d’un inventeur
injustement oublié (Niépce*, H. Bayard*,
Herschel, etc.).
Au-delà des ouvrages publiés, cette
conception militante de l’histoire se manifeste à travers le travail de fondation du
premier Congrès international de photographie (1889) qui, à l’occasion du centenaire de la Révolution française et de l’Exposition internationale de Paris, désigne
pour la première fois l’année 1839 comme
origine intangible. Ce qui permet de célébrer à ce moment le cinquantenaire de la
photographie et d’inscrire cette discipline
sous l’héritage scientifique d’Arago.
C’est à partir de 1889 qu’apparaissent les
premiers véritables travaux historiques, basés sur des archives et des collections dont
on commence à percevoir la valeur patrimoniale. L’Autrichien Carl Schiendl publie
en 1891 sa Geschichte der Photographie,
suivie en 1905 par celle de son compatriote
Joseph-Maria Eder, monumental ouvrage
qui conserve aujourd’hui encore une indiscutable utilité documentaire. Pendant plusieurs décennies, l’essentiel du travail historique se concentre sur la généalogie des
perfectionnements techniques. Dérivant
en droite ligne des manuels de pratique
photographique, cette vision techniciste se
manifeste encore pleinement dans l’Histoire
de la découverte de la photographie (1925)
de l’archiviste Georges Potonniée. Mais la
modification du paysage photographique
des années 1920, marqué par les débuts de
la photographie de masse et du photoreportage, amène à considérer la dimension
de l’image photographique, en premier lieu
dans sa dimension sociologique.
En 1931 paraît la Petite Histoire de la
photographie de W. Benjamin*, suivie en
1936 par la Photographie en France au
XIXe siècle, de G. Freund*, qui privilégient
tous deux une approche sociohistorique
inspirée de l’école de Francfort. La photographie y est décrite comme une rupture
majeure ouvrant, grâce à la technique, le
domaine autrefois réservé de la représentation de soi et du monde. Interprétation
aujourd’hui largement partagée, qui alimente la branche la plus vivace de l’histoire de la photographie (voir notamment :
André Rouillé, l’Empire de la photographie, 1982).
Il faut attendre la fin des années 1930 pour
voir prise en compte la dimension esthétique de l’image photographique. L’Histoire
de la photographie de R. Lécuyer* (1945),
tout comme The History of Photography
de H. Gernsheim* (1955) témoignent d’un
meilleur équilibre entre question technique et attention iconographique. Pourtant, ce sont toujours les inventions des
différents procédés, aux yeux de ces auteurs, qui rythment la description : « Elles
seules sont capables de mettre l’histoire en
mouvement » (J.-C. Lemagny).
En 1937, B. Newhall* publie la première
version de son History of Photography, sous
la forme du catalogue d’une exposition du
musée d’Art moderne de New York. Pour
la première fois, la préoccupation esthétique fournit le guide majeur. C’est désormais l’optique suivie par la plupart des
histoires de la photographie récentes (voir
notamment : Naomi Rosenblum, A World
History of Photography, 1984 ; J.-C. Lemagny et André Rouillé, Histoire de la photographie, 1986).
Les années 1970-1980 marquent une nette
intensification des travaux historiques et
leur diversification. De nouveaux outils
font leur apparition : dictionnaires de photographes, bibliographies, anthologies de
downloadModeText.vue.download 276 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
276
textes, etc. La revue History of Photography est fondée à Londres en 1976, suivie
en 1981 par la revue Fotogeschichte. En
1989, une bibliographie des travaux historiques consacrés à la photographie recense
plus de 11 000 ouvrages. De nouvelles
approches de la pratique photographique
sont proposées par des historiens de l’art,
notamment R. Krauss* (The Originality of
the Avant-garde, 1986) ou Jonathan Crary
(Techniques of the Observer, 1990), qui
réévaluent l’influence de celle-ci sur l’art
contemporain et Michel Frizot (Nouvelle
Histoire de la photographie, 1994) tente de
faire évoluer le genre.
A.G.
HÖCH Hannah
ar tiste allemande
(Gotha 1889 - Berlin 1978)
Hannah Höch met au point la technique
du photomontage* en 1918, avec R. Hausmann*. Elle utilisera ce moyen d’expression toute sa vie. Après des études aux
Arts décoratifs de Berlin, entre 1912 et
1915, Höch rencontre Hausmann, réalise
sa première peinture abstraite en 1916 et
son premier collage en 1917. Dès 1918, le
photomontage devient son moyen d’expression favori. Seule femme membre du
mouvement Dada-Berlin, elle participe à
tous les manifestes, soirées, expositions
(première exposition dada dans le Cabinet graphique de J.B. Neumann, à Berlin
en 1919) et Salons (chez Otto Burchard,
à Berlin en 1920). Elle part en « tournée dada » avec Hausmann et le couple
Schwitters à Prague, en 1921. Ses photomontages sont réalisés au moyen d’extraits
de magazines, de prospectus, de photos
originales et de papiers de couleur accompagnés de lettres ou de textes contrastant
avec l’image (Coupe au couteau de cuisine,
1919). Sous un apparent désordre s’organise en fait une composition qui met en
valeur une signification précise, souvent
satirique, du moins humoristique. Maltraitant les « conventions bourgeoises »,
elle n’en appelle pas pour autant à la mort
de l’art, mais plutôt – comme K. Schwitters* – à la transformation de l’action artistique. Höch réalise également des « poupées dadaïstes » entre 1916 et 1918, ainsi
que de nombreuses huiles sur toile dans
les années 1920, parfois abstraites, parfois
reproduisant, en trompe-l’oeil, l’effet du
photomontage (les Journalistes et Roma
en 1925). Elle participe à l’exposition Film
und Foto* de Stuttgart, en 1929, et expose
à Brünn (Tchécoslovaquie) une quaran-
taine de collages en 1934. Elle s’isole en
1939 dans le nord de Berlin, et continue de
réaliser des photomontages – en couleur
dès 1947 – jusqu’à sa disparition. Le musée
d’Art moderne de la Ville de Paris organise
une exposition sur son oeuvre en 1976.
E.E.
HOCKNEY David
peintre et photographe américain
(Bradford, Yorshire, 1937)
Après des études au Royal College of Art
de Londres (1959-1962), où il rencontre
les acteurs londoniens du pop’art (Kitaj,
Jones), il apparaît rapidement comme
l’un des protagonistes du courant figuratif anglais. Plus connu pour ses peintures
et ses dessins, Hockney utilise depuis
toujours la photographie, dont sont tirés
nombre de ses sujets picturaux. Dès 1968,
il rassemble dans des albums un nombre
important de clichés biographiques où le
portrait domine largement. Sa rencontre
avec C. Beaton se révèle à ce titre déterminante. Il utilise alors alternativement le
Rolleiflex et le Polaroid*. Ses premiers ensembles composites sont encore construits
sur la base d’un point de vue unique (Ian et
downloadModeText.vue.download 277 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
277
moi regardant Fred Astaire à la télévision,
Los Angeles, 6 mars 1982) puis, progressivement, l’artiste introduit un regard binoculaire, sans point fixe, qui tourne autour
d’un objet ou d’une composition comme
pouvaient le faire les cubistes – qu’il cite
d’ailleurs ouvertement dans des natures
mortes éclatées. La juxtaposition de très
nombreux Polaroids donne parfois lieu à
d’imposants panoramas narratifs comme
le Pearblossom Highway (1982-1986) rassemblant plus de 700 tirages. « Je ne suis
pas photographe, il m’arrive simplement
de prendre des photos. Je pense plutôt en
dessinateur », reconnaît l’artiste. Cette approche très graphique de la photographie
(« Dessiner avec l’objectif ») sera formalisée explicitement lors d’une exposition
new-yorkaise de 1982, intitulée Drawing
with Camera. La Maison européenne de
la photographie (Paris) lui a consacré une
exposition en 1999.
P.L.R.
HOFMEISTER Theodor et Oscar
photographes allemands
(Hambourg 1868 - id. 1943 et id.
1871 - id. 1937)
Personnalités dominantes de la photographie pictorialiste* allemande, Theodor
et Oscar Hofmeister ouvrent un atelier à
Hambourg en 1893. Fils d’un négociant, ils
ont su concilier rentabilité professionnelle
et création artistique. Sous l’impulsion
et la protection d’Ernst Juhl et d’Alfred
Lichtwark, ils ont fait évoluer l’art photographique au point de créer un style appelé
« école de Hambourg ». Au Salon de Hambourg de 1895, organisé par la Société de
promotion de la photographie d’amateur,
Theodor et Oscar Hofmeister présentent
leurs premières oeuvres, qui sont surtout
des portraits et des paysages. C’est Oscar
qui réalise les prises de vue et Theodor qui
exécute les tirages essentiellement au charbon* puis à la gomme bichromatée*, après
1895. La plupart des photographies de paysage ont été faites dans la région d’Altona,
dans un paysage de lande et de tourbières
où les ciels très bas se prêtent remarquablement aux perspectives linéaires. Ils sont
photographes, artistes mais aussi auteurs
d’articles et enseignants, et leurs portraits
font référence. Dès 1898, ils rédigent un
traité ayant pour titre Das Figuren in der
Kunst Photographie.
Présents dans les principaux Salons de
photographie comme ceux de Paris,
Londres, ou Bruxelles, ils font partie de
l’histoire du pictorialisme en étant les
porte-parole d’un des plus importants
courants de l’école allemande. Les photographies des Hofmeister sont conservées
dans les collections de musées allemands,
notamment à Hambourg (Kunsthalle), à
Dresde (Kupferstichkabinette), à Krefeld
(Kaiser Wilhelm Museum), etc.
S.M.
HOLLYER Frederick
photographe britannique
(1837 - 1933)
Surtout connu comme photographe de
reproduction d’oeuvre d’art, il se spécialise dans la peinture préraphaélite, notamment celle d’Edward Burne-Jones, qu’il
rencontre en 1870 (il a laissé une série de
72 photographies d’après les dessins de
Burne-Jones).
À l’Exposition universelle de 1889, Hollyer obtient une médaille dans la catégorie reproduction de peinture et de dessin. Il illustre l’oeuvre de Burne-Jones, de
Watts et de Rossetti., tout en photographiant ces artistes et leur famille (portraits de Burne-Jones et de sa famille
dans sa maison, The Grange, ainsi qu’une
série de cartes* de visite des membres de
downloadModeText.vue.download 278 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
278
la famille de Burne-Jones). Hollyer fait
des épreuves de la grande rétrospective
de l’oeuvre de Burne-Jones, qui a lieu à
la New Gallery (1898-1899, collection
George Howard). En 1894, à Paris il participe à la première Exposition d’art photographique avec les photographes du mouvement pictorialiste.
C’est un excellent portraitiste, bien qu’il
ne se consacre à cet art qu’une fois par semaine, dans son studio, situé 9 Pembroke
Square Kensington. Le reste du temps, il
peint des compositions de vases à fleurs
et d’études botaniques. Il fait une série
de représentations de Herbert Charles
Jerome Pollitt en 1894 (en danseuse, exécutant la danse serpentine à la mode), le
portrait de W. Graham Robertson (18671948), illustrateur de livres et auteur de
théâtre (représenté de trois quarts avec
le perroquet Matthews sur l’épaule), vers
1890. En 1893, il réalise le portrait préféré du dessinateur britannique Aubrey
Beardsley (accoudé à son bureau, raie au
milieu, noeud papillon) qu’il distribua à
ses amis artistes. Il est également l’auteur
de nombreux portraits du sociologue et
critique d’art britannique John Ruskin,
qui soutient le mouvement préraphaélite (Deux Portraits de John Ruskin, 1894,
Victoria and Albert Museum Londres ;
1896, Royal Photographic Society, Bath).
En 1920, il rassemble en album les portraits qu’il a fait de sa fille Eleanour. Les
portraits de Hollyer captent l’émotivité
du sujet, les impressions fugitives de ses
personnages, par exemple cette jeune
femme en robe blanche, la main sur la
porte ouverte, prise à contre-jour (The
White Frock, présenté au Salon photographique, 1893). Ses photographies sont
principalement conservées à Bath (Royal
Photographic Society).
M.J.M.C.
HOLOGRAMME
Image photographique transparente ayant
enregistré un phénomène de diffraction de
la lumière au contact d’un objet à trois dimensions, et qui, illuminée sous un certain
angle par un faisceau de lumière, restitue
le relief de l’objet photographié.
Principes
Le principe de l’hologramme a été posé
en 1947 par D. Gabor. Toutefois, il a fallu
attendre la découverte du laser, source de
lumière cohérente, pour pouvoir, à partir
de 1963, passer aux réalisations pratiques,
avec les travaux de E.N. Leith, J. Upatnieks
et C.W. Stroke. Un hologramme est constitué par une plaque photographique qui a
enregistré les interférences dues à la superposition d’une onde transmise ou diffusée
par un objet et d’une onde indépendante
de l’objet, appelée « onde de référence ».
Il est nécessaire que ces deux ondes interfèrent, ce qui exige qu’elles proviennent
de la même source ponctuelle et que cette
source soit le plus monochromatique possible. C’est pourquoi le laser, du fait de sa
monochromaticité et de sa luminance*
élevée, a permis de faire rapidement progresser cette technique.
Réalisation d’un hologramme
Pour obtenir un hologramme, on divise,
à l’aide d’un miroir semi-transparent, un
faisceau laser en deux parties : la partie
réfléchie par le miroir illumine un cliché
photographique, tandis que la partie qui a
traversé le miroir frappe l’objet à photographier. L’objet diffracte une certaine quantité de lumière, qui illumine également le
cliché photographique. Les deux faisceaux
incidents sont de phases différentes, et le
cliché enregistre un réseau de franges d’interférences. Celles-ci ne sont pas visibles
lorsque le cliché est examiné à l’oeil nu. En
revanche, le microscope révèle les franges
plus ou moins régulièrement disposées,
downloadModeText.vue.download 279 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
279
car leur répartition dépend de la configuration de l’objet. Ce sont ces franges qui en
permettent la reconstitution en illuminant
l’hologramme par l’onde de référence qui
a été utilisée lors de la prise de vue. On
peut, alors, observer par transparence
une image occupant exactement la même
position que l’objet lors de la prise de vue.
Pour cela, on éclaire l’hologramme par la
partie réfléchie d’un faisceau laser frappant
un miroir semi-transparent. En regardant
à travers l’hologramme, on aperçoit une
image virtuelle restituant le relief de l’objet
par interférence des rayons diffractés et
de ceux qui proviennent du laser à travers
le miroir semi-transparent. Il s’agit d’un
relief véritable, car l’observateur constate,
en déplaçant légèrement la tête, des effets
de parallaxe : l’objet paraît se déplacer sur
le fond, comme cela se produit lors de la
vision directe de l’objet ; on pourra même
voir d’éventuels objets dissimulés par le
premier...
Autres techniques
On peut aussi produire des hologrammes
à l’aide de rayonnements ultrasonores (de
fréquence de l’ordre du mégahertz) qu’on
enregistre dans ce cas sur des couches
sensibles spéciales. Enfin, en combinant la
technique holographique avec le procédé
Lippmann – interférentiel* lui aussi – de
photographie en couleur, on réalise des
hologrammes donnant des images non
seulement en relief, mais aussi en couleur.
S.R.
HORSFIELD Craigie
photographe britannique
(Grande-Bretagne 1949)
Étudiant à la St Martin School de Londres
en 1968, Horsfield part à Cracovie pour
y étudier les arts graphiques. En 1979, il
retourne à Londres. Ses premières expositions de photos datent de 1989 à Londres
(Showroom), de 1990 à Paris (galerie Giovanna Minelli) et de 1991 à New York
(galerie Barbara Gladstone). Ses références
sont cinématographiques. Il se consacre
exclusivement au noir et blanc. On ne peut
constater, dans ses photos, un choix de
sujets ou de thèmes spécifiques. L’oeuvre
implique une dimension ontologique,
autour de laquelle s’articulent ensemble
le discours et l’image. Horsfield photographie ses proches, ses amis, sa famille,
à l’intérieur de lieux qui lui sont connus.
Les espaces demeurent souvent clos. Son
travail de la lumière s’apparente avec celui
des éclairages de scène. Par conséquent,
certaines photos sont très contrastées,
tout en développant des variations subtiles
de valeurs, entre ombre et lumière. L’artiste livre une expérience de ses sujets qu’il
qualifie de directe, d’immédiate. Celleci ne s’implique pas dans la réalisation
technique mais dans le rapport entretenu
vis-à-vis des modèles. Une importante
exposition de Horsfield a été organisée par
différents musées européens : en 1991 par
l’I.C.A. de Londres, en 1992 par le Stedelijk Museum d’Amsterdam, le musée d’Art
moderne de Saint-Étienne et par la Kunsthalle de Zurich. Horsfield est notamment
représenté en France dans les collections
du musée d’Art moderne de Saint-Étienne.
S.C.
HORST Horst Paul
(Borhmann Horst, dit)
photographe américain
(Weissenfels, Allemagne, 1906)
Après des études d’art à Hambourg et
chez Le Corbusier en 1929 à Paris, Horst
devient le modèle puis l’assistant du photographe G. Hoyningen-Huene*, chef des
studios parisiens de Vogue*, dont il sera
l’ami intime durant toute sa vie. Avec les
encouragements de ce dernier et du direcdownloadModeText.vue.download 280 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
280
teur de Vogue, Horst se met à la photographie. En 1932 débute une longue collaboration avec le groupe Condé Nast. À partir
de 1935, il remplace Hoyningen-Huene,
débauché par Harper’s Bazaar. Avec un
raffinement inné, Horst évolue dans les
cercles très privés de la mode, des arts et
de la littérature. Ses photos de mode et ses
portraits évoquent fidèlement l’esprit des
années 1930.
En 1939, il s’installe définitivement aux
États-Unis. Les images de Horst, qui est
influencé par E. Steichen* et proche du
classicisme de Hoyningen-Huene sans
en avoir l’extrême rigueur, se distinguent
toutefois par un côté théâtral (constructions architectoniques ; éclairages plus
dramatiques et clair-obscur ; poses plus
complexes induites par une observation
attentive de la danse), un humour certain
et des références éclectiques à l’histoire
de l’art, de sorte que, chez Horst, « l’ordre
néoclassique vit en parfaite harmonie avec
l’imagination baroque ».
L’image qu’il donne de la femme est pleine
de sensibilité et de grâce. Horst complète
son oeuvre par des nus, des natures mortes,
des intérieurs et des commandes publicitaires. En 1984, l’International Center of
Photography de New York organise une
rétrospective itinérante de son oeuvre. Ses
photographies sont notamment présentes
à New York (Metropolitan Museum) et à
Paris (M.N.A.M.).
N.C.
HORVAT Frank
photographe italien
(Abbazia 1928)
Horvat est né dans une petite ville de
la côte adriatique, italienne à l’époque,
qui deviendra yougoslave en 1945 et est
aujourd’hui croate. Cosmopolite par son
expérience personnelle, intellectuelle et
artistique, il vit aujourd’hui en France. De
1952 à 1956, il travaille pour Life*, Picture Post, Paris-Match. Il se tourne vers
la mode en 1956 et travaille pour le Jardin
des modes. Cela ne l’empêche cependant
pas de participer en 1955 à la grande exposition The Family of Man*, au M.O.M.A. de
New York. Il fait évoluer la façon de concevoir la photographie de mode en l’allégeant
de toutes les précautions d’habillage, de
maquillage, de décor, et en la bousculant
surtout dans sa structure d’image figée. Il
est ainsi à l’origine de la grande vogue de
la photographie de mode spontanée. Elle,
Vogue*, Harper’s Bazaar* lui demandent
de leur apporter ce souffle d’élégance et de
légèreté qui caractérise son travail, remarquable par ses mises en scène. De 1958
à 1961, il est membre associé à l’agence
Magnum*. En 1988, l’exposition et le livre
Côté moda sont, selon ses mots mêmes « à
la fois une petite consécration et la conclusion d’un chapitre ». Depuis, il se consacre
tout autant à l’innovation par les moyens
informatiques qu’à l’écriture sur la photographie. Son dernier travail sur l’image
numérique révolutionne l’idée d’image et
d’écriture photographiques, proposant une
oeuvre qui se situe dans la lignée du paysage « naturaliste », tout en révélant son
appartenance au paysage mental. En 1990,
il participe à Fotofest à Houston avec une
exposition, Vraisemblances. Le livre Entre
vues (Paris, 1990), organisé autour d’interviews de quelques grands noms de la photographie (M. Giacomelli*, R. Doisneau*,
M. Riboud*, S. Moon*, etc.), est l’une des
plus intéressantes mises au point sur les
questions centrales de la pratique photographique. Il publie son travail photographique exhaustif sur la sculpture de Degas
(les Sculptures de Degas, Paris, 1991) et
Arbres (Paris, 1994).
S.T.
downloadModeText.vue.download 281 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
281
HOSOE Eikoh
photographe japonais
(Yonezawa, Yamagata, 1933)
Après des études au Tokyo College of
Photography, Hosoe fait ses débuts en
1956 avec l’exposition personnelle American Girls in Tokyo (Konishiroku Photo
Gallery, Tokyo). Entre 1957 et 1959, il
participe tous les ans à l’exposition-manifeste de la nouvelle conception photographique Juninno-Me (« les Yeux des
Dix »), dont font partie les photographes
I. Narahara*, S. Tomatsu*, Y. Ishimito* et
le critique Tatsuo Fukushima. En 1959,
six membres de ce groupe (dont Hosoe,
Tomatsu, Narahara) fondent l’agence
Vivo, qui fait date dans la création photographique japonaise. Hosoe établit son
style avec la série Man and Woman, exposée en 1960 à la Konishiroku Photo Gallery (publication en 1961, Camera Art,
Tokyo). Les photographies vigoureuses
des corps de danseurs révèlent leur énergie profonde. Cette tentative de dépasser
l’esthétique et l’érotisme du nu conventionnel s’affirme dans la série Embrace
publiée en 1971 (Shashin-hyoronsha,
Tokyo). Hosoe publie en 1963, avec l’écrivain Yukio Mishima pour modèle, Ordeal
by Roses (Shueisha, Tokyo), dans lequel il
déroule un univers baroque, voire même
grotesque. Dans Kamaitachi, une série
narrative publiée en 1969 (Gendai-shichosha, Tokyo) et inspirée d’un conte
folklorique et de sa propre mémoire, il
collabore avec le danseur Tatsumi Hijikata (fondateur du buto, danse contemporaine japonaise). Depuis les années 1970,
il poursuit un travail consacré aux architectures de Gaudí. En France, l’oeuvre
de Hosoe est exposée en 1982 au musée
d’Art moderne de la Ville de Paris (Eikoh
Hosoe 1960-1980), et en 1986 au Centre
Georges-Pompidou (Japon des avantgardes 1910-1970, catalogue édité par le
M.N.A.M.).
T.O.
HOYNINGEN-HUENE George
photographe américain d’origine russe
(Saint-Pétersbourg 1900 - Los Angeles
1968)
Le style des photographies de mode de
Hoyningen-Huene, particulièrement la
série des vêtements de sport et costumes
de bains, sans doute la plus remarquable,
représente « la quintessence de l’élégance fonctionnelle du début des années
1930 ». Son oeuvre est profondément
révélatrice de son éducation d’aristocrate
russe, de son séjour parisien (1920-1935)
et de son admiration pour les images de
E. Steichen*. Après des études de peinture chez André Lhote et quelques petits
métiers, dont celui de figurant pour le
cinéma, Hoyningen-Huene est engagé
comme illustrateur par le Vogue* français en 1925. Il devient rapidement photographe puis chef des studios parisiens
dès 1926. En 1935 débute une collaboration de dix années avec Harper’s Bazaar*.
En symbiose avec l’esprit de Grès ou de
Vionnet, les images d’Hoyningen-Huene
célèbrent la beauté selon l’idéal classique
antique et le culte des corps bronzés en
vogue dans l’entre-deux-guerres. Dans
ses prises de vue, il opte le plus souvent
pour un éclairage naturel et un nombre
réduit d’accessoires. La composition très
étudiée de ses clichés révèle une parfaite
assimilation des conceptions plastiques
de l’avant-garde, reconsidérées par les
Arts déco. À partir de 1946, il se désintéresse de la photographie de mode, s’établit
à Los Angeles et enseigne la photographie
à l’Art Center School. Une rétrospective
de son oeuvre, organisée en 1980 par l’In-
ternational Center of Photography à New
downloadModeText.vue.download 282 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
282
York, voyage à travers les États-Unis et
l’Europe.
N.C.
HUBERT
architecte et photographe français
(? - 1839)
Architecte de formation, il joue un rôle
dans les premiers temps de la photographie auprès de L.J.M. Daguerre*, dont il
est l’assistant. Il l’aide dans le franchissement d’étapes techniques. Il s’intéresse
particulièrement à la photographie sur
papier, qu’il compare à celle sur plaque
de métal, évaluant dans sa publication
posthume, éditée chez Giroux et Lerebours (le Daguerréotype considéré sous
un point de vue artistique, mécanique et
pittoresque, par un amateur, 1840), les
particularités de chacune des techniques.
Il livre ses observations sur les conséquences des irrégularités que provoquent
les fibres du papier. Parmi les images qu’il
laisse, il en est une, Cabinet de curiosités,
un daguerréotype* montré par F. Arago*
à l’Académie des sciences le 28 octobre
1839, qui révèle une préoccupation esthétique marquée.
C.B.
HUEBLER Douglas
ar tiste américain
(Ann Arbor, Michigan, 1924)
Après avoir suivi une brève formation picturale à l’Académie Julian (Paris, 1948),
puis les cours de la Cleveland School of
Art et de l’université de Michigan, Huebler abandonne dès 1962 la peinture, puis
la sculpture vers 1966 pour se rallier au
courant conceptuel aux côtés de J. Kosuth*
et de Lawrence Wiener. Il adopte alors la
cartographie comme modèle conceptuel
où la photographie prend une place documentaire prépondérante. « Parce que mon
travail se situe au-delà de l’expérience perceptive, nous dit l’artiste, sa connaissance
dépend d’un système de documentation. »
À partir de 1968, Huebler entame une
triple série de travaux traitant d’une action
anodine dans un lieu spécifique (Location
Pieces), d’une mesure arbitraire du temps
(Duration Pieces) ou d’un enregistrement
pseudo-sociologique d’une expérience
relationnelle (Variable Pieces). Ainsi, dans
Variable Piece no 39 (1969), il réalise une
série de 21 photographies prises devant
l’écran d’une télévision lors d’une retransmission du film King Kong, puis mélangées
à d’autres clichés, sélectionnés a posteriori
pour leur lien avec un concept commençant par la lettre « k ». L’artiste introduit
ainsi dans chacune de ses oeuvres une règle
arbitraire venant suppléer à l’insuffisance
descriptive et signifiante de la photographie séquentielle.
Il se refuse cependant à intégrer à ce programme tout parti pris formaliste dans
la présentation de ses photographies en
s’imposant un ensemble de procédures qui
nient toute détermination esthétisante du
cliché. Dans Location Piece no 13, Huebler
réalise dans les colonnes d’un journal local,
The Haverhill Gazette, un photoreportage
sur un grand défilé pacifiste (la « Horde de
Haverhill »).
Le caractère documentaire de la photographie revêt alors un caractère littéral.
Plus récemment, avec la série des Crocodiles Tiers, l’artiste associe, sous forme
de triptyques, photographie, bande dessinée et peinture. Ces différents registres
culturels s’entrecroisent pour donner
sens à une histoire que le spectateur peut
reconstituer au gré de sa fantaisie personnelle. Les oeuvres de Huebler sont présentes dans de nombreuses collections
publiques, notamment au M.O.M.A. de
downloadModeText.vue.download 283 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
283
New York, à la Tate Gallery de Londres et
au M.N.A.M. de Paris.
P.L.R.
HUGO Charles-Victor et Victor, et
VACQUERIE Auguste
journaliste et écrivains français
(Paris 1826 - Bordeaux 1871, Besançon
1802 - Paris 1885 et Villequier 1819 - ?
1895)
À la suite du coup d’État de Napoléon III
le 2 décembre 1851, Victor Hugo, qui
exprime publiquement son opposition,
est contraint à l’exil, d’abord à Bruxelles
puis sur l’île de Jersey, où il reste de 1852
à 1855. Ses enfants, dont Charles-Victor
(sorti récemment de la Conciergerie, où
il était emprisonné à la suite d’un article
contre la peine de mort), sa femme et
Auguste Vacquerie, son ami depuis 1836,
s’y retrouvent avec lui. C’est là qu’ils vont
élaborer le projet d’un album sur les îles
Anglo-Normandes, comportant textes
(vers de Victor, prose de ses deux fils et
de Vacquerie), dessins de Victor et photographies de Charles. Celui-ci va passer
deux semaines chez un ami photographe
(E. Bacot*) à Caen pour apprendre la technique, qu’il enseigne à son tour à Vacquerie. Installés dans la maison Marine-Terrace, ils aménagent un laboratoire dans
une serre. Charles commence à photographier son père, qui prend visiblement
plaisir à poser et à choisir des lieux grandioses où se mettre en scène : Victor Hugo
sur le rocher des Proscrits (1853), où le
poète, petite silhouette assise au sommet
de la masse sombre du roc, se détache sur
le ciel, est une parfaite illustration du sentiment du sublime si en vogue à l’époque,
et que lui-même cherchait à provoquer
dans ses textes. Une autre photographie
montre Vacquerie et le même rocher, mais
lui est assis tout en bas, dans un creux de
la pierre, se fondant à elle au point d’être
presque invisible... Il a la main posée sur le
front, dans l’attitude grave du penseur soucieux, que l’on retrouve aussi chez Victor
Hugo dans certains clichés, mais toujours
associée à une expression déterminée. Ce
dernier, de toute évidence, s’il n’opérait
pas lui-même de prise de vue, dirigeait les
opérations, allant probablement jusqu’à
vérifier les cadrages. De même, c’est à
son esprit inventif que l’on doit l’étonnant
montage qui mêle une photographie le
représentant dans le rocher des Proscrits à
des dessins photogéniques de feuilles et de
lettres formant son nom et « Jersey 1853 ».
Lui qui aimait l’intensité des bruns et des
noirs de l’encre travaillait très souvent
les clairs-obscurs et s’intéressait à cette
époque-là au pochoir (autre forme de négatif/positif...) et ne pouvait qu’être séduit
par la photographie. Il s’inspire d’ailleurs
d’un des clichés (représentant une chapelle
en ruine, l’Abbaye du château Sainte-Éli-
sabeth) pour réaliser un pochoir. CharlesVictor, en revanche, n’est guère satisfait des
résultats qu’il obtient et ne réalise qu’une
partie du travail documentaire prévu : des
paysages de côte et de rochers dont certaines vues sont assez impressionnantes,
comme le Dicq (rangée de troncs de bois
mort plantés pour arrêter la mer). Vacquerie, lui aussi, semble plus à l’aise dans
les portraits que dans les paysages, dont
il produit cependant de petites épreuves
sous forme de vignettes. Il fait surtout des
clichés de la famille Hugo (dont quelques
groupes) et d’amis en visite. Parmi ses
nombreuses photographies représentant
Adèle, la femme de Victor, une la montre
debout devant une porte-fenêtre, enveloppée d’un grand drapé, dans une ambiance
nocturne, un livre ouvert à la main.
Malheureusement, l’ouvrage prévu, Jersey
et les îles de la Manche, annoncé dans la
revue la Lumière, ne voit pas le jour, et
les photographies (une centaine au total,
downloadModeText.vue.download 284 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
284
négatifs verre au collodion* [parfois à l’albumine*], quelques négatifs papier de Vacquerie, tirages au papier salé pour la plupart) sont disséminées dans divers albums.
En 1905, P. Gruyer publie Victor Hugo photographe et, en 1985, l’exposition Victor
Hugo et la photographie est organisée au
musée d’Orsay, à Paris.
Ch.B.
HUMANISME ET
PHOTOGRAPHIE
(1930-1960)
Image des hommes et de la trace qu’ils
laissent, la photographie dite « humaniste » est l’oeuvre de photographes qui
croient en la dignité inaliénable de la personne et veulent témoigner en sa faveur
partout où menacent la misère et la mort.
Certes, la démarche humaniste, sous des
formes variées, est l’un des aspects, permanent, de la photographie ; mais dans la
période 1930-1960 elle se fait dominante,
au point de désigner habituellement ce
moment de l’histoire. Vers 1930, le pictorialisme* marque encore la photographie
courante d’un « flou » artificiel. Après
les audacieuses manipulations des avantgardes surréalistes, la photographie est
revenue au réel, retrouvant sa spécificité :
la précision. Elle épouse alors l’esprit du
temps : elle se tourne vers l’homme. Tandis
que la Grande Crise s’abat sur les classes
laborieuses, un immense élan de générosité entraîne les élites intellectuelles, littéraires, artistiques aux côtés de ceux qui
mènent le combat, social et politique, pour
une société plus juste. Les photographes
se donnent pour mission de témoigner
pour les plus démunis. Un support s’offre
à eux : la presse et l’édition qui, vers 1930,
s’ouvrent massivement à la photographie.
L’essor des magazines, né en Allemagne,
s’étend à l’Europe, triomphe aux ÉtatsUnis avec Life* (1936). Une profession se
crée : reporter illustrateur. Désormais, les
appareils maniables – Leica, Rolleiflex... –
peuvent fixer la vie.
L’intention politique est précise aux ÉtatsUnis, où les photographes, mandatés officiellement par la Farm Security Administration, présentent les ravages de la crise
sur une société rurale où chacun porte
dignement sa misère. En Europe, l’engagement social fait place à un « réalisme poétique » qui montre les personnes dans leur
vie quotidienne. A. Kertész*, le premier,
donne de telles images à la presse. F. Kollar*, dans sa grande enquête La France travaille, présente les Français dans le geste
noble de leur métier (1931-1934). L’intérêt humain caractérise encore B. Brandt*
en Grande-Bretagne, Brassai* en France
et certains photographes de l’Est, qui, tel
R. Vishniac, échappent à la pure idéologie.
La guerre meurtrière, suivie de l’angoisse
atomique, n’est pas une rupture. Mais
l’attention portée à l’homme prend une
dimension plus internationale. Les grands
reporters d’avant-guerre, R. Capa*, Chim*,
G. Rodger*, H. Cartier-Bresson*, rejoints
par W. Bishof*, E. Boubat*, M. Riboud* et
surtout E. Smith*, dont l’oeuvre est un symbole, partent à travers le monde pour Life*,
Réalités*, Paris-Match, etc. Une sympathie
profonde les anime pour chaque représentant du genre humain. D’autres continuent de photographier leurs semblables à
leur porte, sur les lieux de la vie populaire,
dans les rues de la ville en une marche inlassable. En France, ce sont R. Doisneau*,
W. Ronis*, Izis*, Séeberger*, L. Stettner* et
tant d’autres, souvent membres du groupe
des XV.
Le sujet – l’homme –, l’émotion qu’il inspire sont ici premiers. Instrument, devenu
instinctif, l’art est pourtant présent dans
la composition. Souvent, un cadrage large,
parfois en plongée, présente les êtres dans
downloadModeText.vue.download 285 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
285
leur environnement, gage d’authenticité.
Parfois aussi, dans un plan rapproché, les
personnes sont saisies au naturel, à hauteur de regard, reflet de l’âme. Les tirages
sont doux, faits pour l’édition. Le marché de l’épreuve n’existant pas, les livres
d’auteurs sont des symboles : Paris la nuit
de Brassaï (1936), la Cité nue de Weegee
(1936), Images à la sauvette de CartierBresson, etc.
Destinée à la page imprimée, la photographie humaniste, concurrente de l’écrit,
tend à se faire langage, à la portée de tous,
propre à instaurer une fraternité universelle. Elle triomphe en 1955 dans la grande
exposition internationale présentée à New
York par E. Steichen*, The Family of Man*.
En 1992, la photographie humaniste en
France a fait l’objet d’une exposition à la
Bibliothèque historique de la Ville de Paris
et d’un livre.
M.T.
HUMBERT DE MOLARD
Louis Adolphe
photographe français
(Paris 1800 - id. 1874)
Parisien d’origine, Molard fait des études
de droit puis aide son oncle L.M.A. Robillard d’Argentelle au Carporama (reproduction en cire colorée, grandeur nature,
de fruits et de fleurs rapportés de l’île
Maurice), qu’il acquiert et conserve à partir de 1828 puis vend en 1853 au Jardin des
Plantes de Paris. Est-ce chez H. Bayard*,
vers 1840, qu’il s’initie à la photographie ?
En 1843, il s’y adonne à Lagny et pratique
alors couramment la calotypie*, sans cesser la daguerréotypie*. Il construit en 1845
une coulisse qui permet à la plaque de se
substituer à l’écran et la présente à l’opticien Chevalier. Vers 1848, il commence à
utiliser l’albumine* sur verre et le procédé
à l’albumine rapide. Il invente un nouveau
type de soufflet pour la chambre noire,
qu’il présente à la Société d’encouragement. En 1850, il fait connaître son procédé à l’argent liquide et collabore avec
Niépce* de Saint-Victor à l’élaboration de
la photographie à l’albumine sur verre.
Membre fondateur de la Société* française
de photographie en 1854, il tient une place
active, exposant et publiant beaucoup,
rédigeant des critiques des manifestations
internationales de photographie. Il assiste
aux premiers pas du négatif au collodion
et, en 1856, réalise des essais d’instantanés avec Dubois de Néhaut. En 1859, il
construit de nouveaux systèmes de soufflets pour chambre noire et, en 1861, travaille à la construction d’un stéréoscope.
Il présente des exemples de vernis colorés
réalisés avec Briois en 1864. Technicien
de grande valeur, il est un jalon important
dans les premiers temps de la photographie et compte parmi les inventeurs de la
photographie de genre. Ses mises en scène
rustiques, conçues comme des tableaux
vivants, sont inspirées des scènes de
genre hollandaises ou flamandes peintes
au XVIIe siècle. Il est à rattacher, comme
son confrère et ami A. de Brebisson*, au
groupe des primitifs de la photographie de
l’école normande.
C.B.
HURLEY James Francis
photographe australien
(Sydney 1890 - 1965)
Ouvrier dans une fonderie, Hurley apprend la photographie en autodidacte. En
1906, il rejoint l’atelier de son père, spécialisé dans l’impression de cartes postales.
En 1910, il fonde, avec Norman Deck et
Henri Mallard, le Ashfield District Camera
Club et s’installe dans son propre atelier.
En 1911, Hurley est membre de la Photographic Society of New South Wales.
downloadModeText.vue.download 286 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
286
Engagé comme photographe pour les chemins de fer, il est le premier à saisir des
trains en pleine vitesse. En 1911, nommé
photographe officiel de l’expédition de sir
Douglas Mawson – la première expédition
australienne en Antarctique –, il accomplit son rêve d’aventure. Ses travaux sont
publiés dans The Home of the Blizzard
(1913). Sa notoriété de photographe est
alors établie, et il l’alimente par de nombreuses conférences. De retour à Sydney,
Hurley participe à une expédition en voiture dans le Queensland et le Territoiredu-Nord avec Francis Birtles. Ce dernier
l’envoie ensuite en Amérique du Sud rejoindre l’expédition en Antarctique de sir
Ernest Shackleton. De retour à Londres
en 1916, le photographe rejoint les forces
d’infanterie australiennes, où il réalise de
nombreux clichés de guerre. Il participe à
bien d’autres expéditions en Antarctique.
En 1934, il retourne en Australie et travaille comme éditeur pour le journal The
Sun. Hurley mène également une activité
de réalisateur de films documentaires.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il
est photographe de guerre dans le MoyenOrient. Son style est influencé par le pictorialisme*. Son oeuvre est représentée dans
de nombreuses collections, notamment à
Canberra (National Gallery).
M.C.
HURREL George
photographe américain
(Cincinnati 1904 - Hollywood 1992)
En quittant sa ville natale, Hurrel suit des
cours d’arts graphiques à Chicago. Puis
il exerce la profession d’assistant photographe portraitiste, avant de s’installer à
Los Angeles en 1927. Introduit dans le milieu du cinéma, il en devient vite le photographe fétiche. D’abord sous contrat avec
la Metro Goldwin Meyer, il photographie
les stars comme Greta Garbo, Joan Crawford, Robert Taylor ou Clark Gable.
En 1932, il ouvre un studio sur Sunsetstrip
et se fait engager par la Twentieth Century
Fox avant de rejoindre la Warner. Après
la Seconde Guerre mondiale, c’est la Columbia qui fait appel à son talent jusqu’en
1954. En près de trente ans, il a vu défiler
dans son studio toutes les stars du cinéma
américain.
Toutes ses photographies véhiculent une
image « glamour » de la société hollywoodienne ; Bette Davis disait de lui : « Il
embellit ses modèles, les magnifie... il les
prend tous au piège de ses éclairages irréalistes, il les transforme en mythes. »
En 1965, il participe à l’exposition Glamour Poses au M.O.M.A. de New York.
En 1977, la publication de The Hurrel Style
puis, en 1979, d’un portfolio de tirages
originaux attire une nouvelle génération
dans son studio, comme Grace Jones,
Brook Shields ou David Bowie. Son style
n’a pratiquement pas varié tout au long de
sa carrière. Ses prises de vue sont toujours
effectuées en musique sur fond noir et les
négatifs sont fortement retouchés.
S.M.
HYDE Scott
photographe américain
(Montevideo 1926)
De 1947 à 1949, tout en étudiant à l’Art
Students League à New York, il travaille
pour Condé Nast Publications, qu’il quitte
pour s’installer en indépendant en 1950.
Son travail explore la relation entre un
sujet et son image photographique : ainsi,
Hyde réalise un montage d’une carte postale datant de 1917, superposée au même
paysage en 1968 (1917 Penny Bridge and
County Road, Stony Point, 1968, New York,
Witkin Gallery). Il fait de la photolithographie pour travailler en couleur sans avoir
downloadModeText.vue.download 287 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
287
recours au film couleur. Partant de photographies en noir et blanc, Hyde transfère
les images sur du film trait et les imprime
en couleur à partir de plaques d’aluminium destinées à la lithographie en offset.
Il est d’ailleurs considéré comme l’un des
pionniers de cette technique. Il est notamment représenté à New York (M.O.M.A. et
au M.E.T.), à Rochester (George Eastman
House), à Paris (B.N.).
M.C.
downloadModeText.vue.download 288 sur 634
288
I
ICHAC Pierre
photographe français
(Paris 1901 - id. 1978)
Ingénieur diplômé de l’Institut national
agronomique, Ichac est à la fois écrivain,
cinéaste, chroniqueur et critique. En 19301931, son reportage sur le Hoggar, publié
dans Vu*, le révèle au public. Il voyage
alors dans de nombreux pays d’Afrique.
En 1935, il est cinéaste et photographe de
l’expédition française du Hoggar. De 1935
à 1940, engagé par le journal l’Illustration, il réalise de nombreux reportages.
Dès 1939-1940, il est correspondant de
guerre. À partir de 1945, il est engagé au
Monde illustré et journaliste à la Radio
française. Ses photographies sont alors
publiées dans de nombreux magazines,
en Europe et aux États-Unis. En 1952, il
entre au groupe des XV et obtient le prix
Maurice Bourdet en 1958, ainsi que le
prix Pierre Mille en 1961.
En 1973, il réalise encore des missions
scientifiques pour le C.N.R.S. en Afrique.
Il meurt à Paris en 1978. Son oeuvre a été
montrée en 1982 lors d’une exposition sur
le groupe des XV à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris.
S.B.
IGNATOVITCH Boris
Vsevolodovitch
photographe russe
(Loutzk 1899 - Moscou 1976)
Après des études secondaires à Loutzk,
en Ukraine, Ignatovitch travaille en
1918 comme journaliste à Severo Donetszki Kommunist et à la Krasnaïa
Svezda. Il dirige, de 1922 à 1925, la
rédaction de journaux humoristiques
à Leningrad et travaille en collaboration avec Maiakovski et Boulgakov. Il
découvre la photographie en 1923 sous
l’influence de son maître A. Rodtchenko* qui lui transmet les bases de son
art : la contre-plongée, le cadrage dynamique, le grand plan. Il s’installe en
1926 à Moscou, où il dirige l’Association des photoreporters à la Maison de
downloadModeText.vue.download 289 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
289
la presse, et devient rédacteur en chef
du journal Bednota.
Il organise avec Rodtchenko le premier
groupe de photographes Oktiabr, dont il
prend la tête en 1928, mais qui sera dissous
en avril 1932 par décret gouvernemental.
Il collabore aux journaux Ogonek, Prozhektor, Krasnaïa Niva. En 1929 et 1930,
il réalise des séries de clichés consacrées
aux nouvelles constructions et destinées
aux revues Dajes et l’U.R.S.S. en construction. Parallèlement, il tourne des documentaires dont Aujourd’hui (d’après le
scénario d’Esfir Choub). De 1933 à 1941, il
dirige l’illustration du journal Vetchemaïa
Moskva.
Les qualités esthétiques de ses photographies, leur précision graphique et rythmique sont le reflet d’une époque d’industrialisation qu’il exalte à travers l’image de
l’homme allié à la technique. Il est aussi le
premier photographe à réaliser des vues
aériennes.
De 1937 à 1941, il collabore à la revue
Moscou en reconstruction et, pendant la
guerre, il est reporter au journal de la 30e
armée, Boïevoïe znamia. Il travaille ensuite
à l’agence Soyuzfoto, devenant le pionnier
de la théorie du « collectivisme » en photojournalisme*. Il forme la « brigade Ignatovitch », avec sa femme et sa soeur. L’individu y est supprimé au profit du groupe,
et les photographes signent « brigade
Ignatovitch ».
Après la guerre, il se consacre au paysage et au portrait, et s’intéresse tout
particulièrement à la photographie couleur. L’oeuvre d’Ignatovitch est représentée dans les collections de musées
américains (Austin, University of Texas)
et à Moscou (musée des Beaux-Arts
Pouchkine).
V.E.
IGNATOVITCH
Elisabeth Alexandrovna
photographe russe
(active dans les années 1930)
Épouse de Boris Ignatovitch, Elisabeth
travaille avec son mari et sa belle-soeur,
Olga Vsevolodovna Ignatovitch, dans le
groupe de photographes dirigés par Boris.
En accord avec les règles de l’époque, qui
tendaient à supprimer tout signe d’individualisme, les photographes du groupe
signent leur travail de la mention « brigade Ignatovitch ».
Le groupe d’Ignatovitch travaille particulièrement pour l’agence Soyuzfoto. Ses
photographes présentent et publient collectivement leurs oeuvres lors de la première exposition ukrainienne de 1936. À
cette occasion, A. Rodtchenko* critique
violemment la manifestation et accuse
surtout Elisabeth de soumission au chef
de cette entreprise collective.
Portraitiste de talent, subissant l’influence
de Rodtchenko, elle utilise l’agrandissement, cadre les visages sur toute la surface
de l’image, mettant ainsi en valeur expression et émotion des sujets. Abandonnant
la composition traditionnelle, Ignatovitch
transmet dynamisme et symbolisme, et
renouvelle ainsi le contenu des photographies reproduites dans la presse.
V.E.
IMAGE NUMÉRIQUE ET
PHOTOGRAPHIE
La technologie numérique peut être
appliquée à deux phases du processus
photographique : la prise de vue et
la retouche. En fait, il s’agit de technologies distinctes, employant des
appareils différents, dans des buts différents. L’une peut être utilisée sans
l’autre.
downloadModeText.vue.download 290 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
290
Prise de vue
Une image, captée par un système optique
traditionnel, est enregistrée sur un support
numérique, au lieu de l’argentique (photographie traditionnelle) ou du magnétique
(vidéo).
De tels appareils sont déjà commercialisés,
mais ils donnent encore des sensibilités et
des résolutions inférieures à l’argentique.
Ils peuvent servir à des reporters ou à des
photographes publicitaires, pour transmettre leurs images « en temps réel »,
c’est-à-dire au fur et à mesure qu’elles sont
produites.
Les supports numériques à venir seront
sans doute plus résolvants et plus sensibles. On peut imaginer des appareils de
prise de vue miniaturisés, avec des objectifs grands-angulaires fixes, utilisables
avec peu d’éclairage et donnant des images
nettes à toute distance et dont n’importe
quelle partie pourrait être recadrée pour
des effets de téléobjectif. Ce serait la fin
de beaucoup de contraintes actuelles, mais
aussi la fin de la photographie que nous
connaissons.
Retouche numérique
Une image numérique (ou une image argentique numérisée par un scanner) est
constituée par des points (pixels), définis
par leur position sur des axes orthogonaux
et par un paramètre de luminosité, compris entre 0 (noir) et 255 (blanc). Pour une
image couleur, les paramètres sont trois,
respectivement pour le rouge, le vert et le
bleu. La retouche numérique est le traitement de ces informations par un ordinateur, à l’aide d’un logiciel de retouche
qui traduit les desiderata d’un opérateur
(par ex. : « densité 10 p. 100 plus clair »)
en calculs numériques. L’image apparaît
modifiée sur l’écran et peut être mise en
mémoire ou reproduite sur un support
opaque (par imprimante) ou transparent
(par imageur).
En fait, le mot « retouche », utilisé par
analogie avec les pratiques traditionnelles,
ne traduit pas l’ampleur des possibilités
informatiques :
– modifications de densité et de contraste ;
– modifications de la balance et de la saturation des couleurs ;
– transformations géométriques (inversion, rotation, homothétie, accentuation
de perspective, etc.) ;
– filtrage informatique (plus net, plus flou,
effet de « bougé », etc.) ;
– déplacement d’éléments à l’intérieur de
l’image, ou d’une image à l’autre.
Ces manipulations peuvent être pratiquées
sur les trois couleurs ou sur une seule, sur
toute la surface de l’image ou sur une partie. (Dans ce dernier cas, le périmètre « sélectionné » peut être délimité au pixel près,
avec un dégradé plus ou moins progressif.)
En théorie, toutes ces opérations pour-
raient aussi bien être réalisées par des
procédés optiques, chimiques ou manuels.
L’ordinateur n’invente aucune information
photographique. Aucun logiciel ne saurait
montrer le profil d’un personnage vu de
face, ni même changer la direction d’un
éclairage (sauf pour des objets simples,
qui sont susceptibles d’une description
mathématique).
Pourtant, il est certain que, dans la pratique, l’ordinateur transformera l’exercice
de la photographie. Il permet des manipulations rapides, précises et réversibles,
encourageant les photographes à des expériences qu’ils n’auraient pas tentées avec
les techniques traditionnelles.
Conséquences des technologies
numériques
Déontologie : la possibilité de retouches
numériques met en question la crédibilité de la photographie en tant que témoignage, et cela préoccupe particulièrement
les photojournalistes. On pourrait leur répondre que le témoignage photographique
downloadModeText.vue.download 291 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
291
a toujours été subjectif, ne fut-ce que par le
choix d’un « instant décisif » et d’un angle
de prise de vue (sans parler des manipulations ultérieures) ; que la crédibilité d’un
témoignage vient moins de la technique
que de la fiabilité du témoin ; qu’un photomontage peut être aussi fidèle à la réalité qu’un texte écrit qui « télescoperait »
plusieurs épisodes. (À condition, bien sûr,
que le public soit conscient du procédé et
apprenne à regarder les images avec une
saine méfiance – ce qui paraît désirable de
toute manière.)
Esthétique : les retouches « classiques »
(correction de densité, de contraste, de
balance de couleur, élimination de détails
gênants, recadrage) ne posent pas de
problèmes nouveaux : les photographes
les ont pratiquées depuis les débuts de la
photographie et certains puristes les ont
toujours questionnées. Il en va autrement
pour les déplacements d’éléments, soit à
l’intérieur d’une image, soit d’une image
à l’autre. Contrairement au photomon-
tage « classique », facilement reconnaissable comme tel, un montage informatique, réalisé par un opérateur expert,
ne peut pas toujours être distingué d’une
« vraie photo ». C’est ce qui conduit de
nombreux photographes à se demander :
« Est-ce encore de la photographie ? »
Si l’on s’en tient à la thèse de l’« instant
décisif » de H. Cartier-Bresson*, ou à la
définition de R. Barthes*, « le noème de
la photographie est : ça a été », la réponse
sera négative.
D’autre part, il faut reconnaître que les
définitions des arts ont évolué avec les
cultures et les techniques : Léonard de
Vinci n’aurait pas reconnu les Demoiselles
d’Avignon comme de la peinture. L’arrivée du numérique pourrait nous amener
à élargir le concept de « photographie »,
pour y inclure des images relevant de plusieurs « instants décisifs », dont le plus
décisif serait celui où l’auteur réunit les
différentes composantes sur son écran.
Jurisprudence : on peut aujourd’hui saisir
une partie d’image à partir d’un écran de
télévision, d’un livre ou d’un magazine,
la modifier et l’insérer dans une autre
image. Les problèmes juridiques sont
évidents – mais pas nouveaux : les musiciens en connaissent d’équivalents depuis
quelques décennies. On semble s’orienter
vers la constitution de sociétés d’auteurs
qui contrôleraient les publications et percevraient les droits. Il faut espérer que
l’informatique, qui a contribué à créer ces
difficultés, contribuera aussi à les aplanir.
Industrie, commerce et publicité : non
seulement les produits, mais aussi les
professions liées à la photographie se
trouveront modifiées. Par exemple :
– certaines prises de vue de mode* et de publicité*, impliquant l’utilisation de modèles,
d’accessoires et de décors, pourront être
réalisées partiellement par des montages ;
– les « tirages d’auteur », comportant
des corrections et des retouches plus ou
moins complexes, seront réalisés une
fois pour toutes, par le photographe ou
sous sa direction, et mis en mémoire ;
– le fichier informatique pourra être
livré directement à l’imprimerie,
sans intervention du photograveur ;
– etc.
Archivage : pour le moment, les CD constituent la méthode d’archivage la plus sûre
et la plus économique. Ils sont néanmoins
périssables, et seront sans doute remplacés
par des technologies encore plus efficaces.
Mais, quoi qu’il en soit, la série de chiffres
représentant l’image pourra être reproduite sur des supports différents, entreposés en des lieux éloignés les uns des autres
et régénérée périodiquement. En somme,
une photographie pourra être conservée
aussi longtemps que des hommes en auront le désir et les moyens – exactement
downloadModeText.vue.download 292 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
292
comme un texte littéraire ou une partition
de musique. Accessoirement, cela pose
le problème de la valeur d’une photographie en tant qu’objet de collection : il est
probable qu’une reproduction informatique – même de bonne qualité – n’aura
pas plus de valeur vénale qu’un livre. Les
collectionneurs s’intéressent de préférence
aux tirages préinformatiques, aux éditions
originales, etc.
Le musée informatique : dans un avenir
assez proche, les photothèques seront
reliées au réseau des télécommunications
et ouvertes à la consultation à distance. La
richesse de possibilités que cela représente
ne sera limitée que par des embouteillages
éventuels – et par les capacités réceptives
des utilisateurs.
Limites de la photographie numérique : il
existe certainement des formes de photographie auxquelles l’informatique ne peut
contribuer (par exemple, le portrait instantané). On peut imaginer que, parallèlement à l’expansion de la photographie numérique, ces formes se dégageront comme
« pure photographie », un peu comme la
peinture du XIXe siècle, remplacée par la
photographie dans ses servitudes utilitaires, a pu trouver un nouvel élan dans les
recherches des impressionnistes.
F.Ho.
IMAGERIE MÉDICALE
voir PHOTOGRAPHIE
MÉDICALE
INACTINIQUE
Se dit d’un rayonnement ou d’un éclairage
qui n’agit pas sur un récepteur. L’éclai-
rage inactinique d’un laboratoire photographique n’impressionne pas les films
sensibles. Filtre inactinique, filtre utilisé
pour l’éclairage du laboratoire pendant les
manipulations des surfaces sensibles, afin
d’arrêter les radiations actiniques qui les
voileraient. La couleur ou l’absorption du
filtre dépendent de la sensibilité spectrale
de la couche sensible à manipuler.
S.R.
INSOLATION
Exposition à la lumière d’une préparation sensible, en particulier dans le cas de
tirages sur papier très lent (ferrotypie* ou
diazotypie).
S.R.
INSTANTANÉ
D’une façon générale, la photographie instantanée s’oppose à la photographie mise
en scène, qui, elle, est construite, composée. Mais sa définition n’est pas pour
autant univoque. La notion d’« instantané » s’élabore tout au long de l’histoire
de la photographie en même temps et en
fonction des progrès de la technique : elle
désigne davantage une pratique et un processus qu’un thème ou un genre.
Dès 1841, A. Gaudin* parle de « vue instantanée », terme désignant une photographie qui capte en une fraction de seconde
un sujet en action. Ici, l’instantané photographique se définit par rapport au temps
de pose et à sa réduction ; celle-ci permettant de saisir des personnes en mouvement. Mais il faut attendre l’avènement
du procédé négatif sur verre au collodion*
(1851) pour que la notion d’instantané
entre véritablement dans le champ de la
photographie : c’est l’époque des scènes
de rues (C. Nègre*, F.J. Petiot-Groffier),
des choses en mouvement, comme l’eau
(G. Le Gray*, R. MacPherson*), et des premiers reportages « sur le vif » (Le Gray au
camp militaire de Châlons-sur-Marne).
Ces images, parce que non construites
(les personnages photographiés ne posent
downloadModeText.vue.download 293 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
293
pas), sont considérées, à l’époque, comme
de véritables « épreuves instantanées ».
Les années 1860 voient, avec les vues
stéréoscopiques, l’essor de l’instantané.
De petit format, nécessitant un temps de
pose plus court, ces images donnent accès
à l’instantanéité proprement dite, c’està-dire à l’immobilité apparente de choses
en mouvement. Avec les émulsions photographiques rapides à base de gélatinobromure, l’instantané comme véritable
sujet d’étude photographique apparaît à
la fin des années 1970 avec E.-J. Marey*,
E. Muybridge* et la chronophotographie*. Dès lors, l’instantané se doit d’être
tel qu’un sujet en mouvement apparaisse
avec netteté sur l’épreuve ; cette netteté
étant conditionnée par le temps d’ouverture de l’objectif (obturateur*). Enfin, avec
le premier Kodak commercialisé en 1888,
la photographie instantanée est à la portée
de tous et ouvre un nouveau registre en
représentant des sujets dans des postures
inédites. L’instantané fin de siècle s’attache
au domaine du cocasse, de l’inédit et de
l’humour (J.-H. Lartigue*, J. Link...).
Les années 1920 marquent une rupture
dans le concept d’instantanéité en élaborant une nouvelle définition. L’instantané
photographique n’est plus la capture d’un
sujet en mouvement mais une image produite en un instant qui établit une nouvelle
relation opérateur/sujet visé. Ce n’est plus
l’instantané au niveau de la vitesse et de
l’espace mais du point de vue du cadre, de
la saisie dans le temps. Il ne s’agit plus de
décomposer l’instant mais plutôt de rendre
la « vie » sous sa forme permanente qu’est
la continuité. Avec l’apparition d’appareils
de petit format très maniables (Ermanox,
Rolleiflex, Leica), l’instantané devient synonyme de temps suspendu, d’actualité, et
l’image photographique se définit comme
trace de l’instant fugitif. C’est surtout en
Europe (Allemagne, Espagne, France) que
se développe au départ la nouvelle « esthétique ». Le photographe se veut témoin de
son temps et cherche « l’instant décisif »,
qu’il soit historique – les réunions interministérielles de E. Salomon*, les images de
guerre de R. Capa* et de H. Cartier-Bresson*... – futile ou quotidien – la société
allemande photographiée par F.H. Man*
et F. Seidenstücker*, la vie parisienne de
R. Doisneau*... Dans le prolongement de
cette nouvelle acception, et en réaction à
l’instantané « dix-neuviémiste », se forme
aux États-Unis dans les années 1950 une
pratique plus proche des sujets photographiés et qui utilise les « accidents » de la
technique (flou, bougé, grain du papier...)
comme nouveaux moyens d’expression.
Après R. Frank* et W. Evans*, W. Klein* est
l’un des pères de la nouvelle photographie
instantanée en cherchant à faire apparaître
le mouvement – du sujet, du photographe,
de l’appareil – dans l’image. C’est la photographie « en train de se faire », l’image
en direct qui accepte les données brutes
de l’instantané. Le flou confirme l’aspect
d’« image prise sur le vif » et prouve son
caractère d’événement, d’image-témoin,
attachée à l’instant qui passe.
Aujourd’hui, avec le Polaroid*, c’est le processus complet de développement qui est
instantané. Et le terme ajoute au regard du
photographe dans le viseur celui du spectateur devant l’épreuve : c’est l’époque du
« regard instantané ».
F.He.
INSTANTANÉE (photographie)
Procédé de photographie utilisant un film
comportant les produits de traitement et
qui se développe automatiquement dès
sa sortie de l’appareil de prise de vue. Les
procédés de photographie instantanée
donnent des images achromes ou polychromes obtenues par inversion-transfert.
downloadModeText.vue.download 294 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
294
Premiers procédés
En 1943, Edwin H. Land, fondateur de la
société Polaroid* aux États-Unis, étudia
un procédé de photographie donnant une
épreuve quelques minutes après la prise de
vue. Le principe du procédé, transfert de
l’image de l’émulsion négative sur un support récepteur, avait été breveté dès 1940
en Belgique et en Allemagne. Les premiers
films furent commercialisés en 1948 par
Polaroid. Ils comportaient, et comportent
toujours aujourd’hui, le négatif, le papier
positif et les produits de développement.
Dans l’appareil de prise de vue, le négatif
est impressionné, comme pour n’importe
quelle photographie. L’opérateur tire alors
une languette, ce qui a pour effet d’entraî-
ner, de la longueur d’une vue, le négatif
et le papier. Ceux-ci sont ainsi assemblés
en passant entre deux rouleaux de caoutchouc qui écrasent en même temps les
sachets de produits de développement répartis en une mince pellicule entre le film
et le papier. Le développement commence
aussitôt avec formation de l’image négative et migration de l’image positive vers le
papier. Au bout d’une dizaine de secondes,
le processus est achevé et il ne reste qu’à
séparer l’épreuve positive du négatif (film
dit « à séparation du négatif »). En 1963 a
été créé le Polacolor, premier procédé de
photo instantanée en couleur par migration des colorants du négatif sur le positif.
Procédés récents
En 1972, Polaroid lançait le premier procédé de photo instantanée sans déchet, le SX70, où l’épreuve et le négatif restent scellés
(film dit « intégral »). Le format le plus
courant de ces films est de 76 × 76 mm.
À la même époque, Kodak proposait un
procédé similaire. En 1981 était commercialisé le Polaroid 600 utilisant un film
couleur haute sensibilité de 600/29 ISO. La
même année, Kodak annonçait le procédé
Ektaflex, appliquant la photo instantanée aux tirages d’épreuves en laboratoire.
(Le développement instantané élimine le
traitement en cuvettes.) À la fin de 1982,
Polaroid réalisait le Polachrome, premier
procédé de diapositive instantanée pour
appareils 24 × 36. Il existe un choix de
cinq films (achromes ou polychromes) à
développement instantané. Une fois le film
retiré de l’appareil, il est chargé, en même
temps que le kit de développement qui lui
est associé, dans un petit développeur portatif manuel ou automatique.
S.R.
INTERFÉRENTIELLE
(photographie)
Procédé de photographie des couleurs,
créé en 1891 par le physicien français
G. Lippmann (1845-1921), qui restitue les
couleurs à partir des plans d’interférence
inscrits au sein d’une émulsion placée au
contact du miroir formé par la surface d’un
bain de mercure. La photographie interférentielle est considérée comme l’une des
plus belles réalisations scientifiques en la
matière, mais elle n’a débouché sur aucun
procédé pratique.
S.R.
INVERSION
Suite d’opérations permettant d’obtenir
directement une image positive sur la
couche sensible employée à la prise de vue.
La vue étant prise, on développe dans un
révélateur approprié, qui donne l’image
négative, mais, au lieu de passer dans un
bain de fixage, on élimine l’image négative
par dissolution de l’argent réduit. Après
rinçage, on expose la couche à la lumière
blanche et on développe les sels d’argent
restés intacts. Dans le cas de certains films
en couleur, l’inversion est obtenue chimidownloadModeText.vue.download 295 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
295
quement lors du second développement,
sans exposition à la lumière.
Une émulsion destinée à donner une diapositive après inversion est dite « inversible » ; on la désigne aussi comme un
inversible.
S.R.
IONESCO Irina
photographe française
(Paris 1935)
Après une enfance vécue en Roumanie, Ionesco s’installe à Paris en 1946. À partir de
1951, elle est danseuse puis tombe malade
en 1958 et se met à peindre. En 1965, on
lui offre un boîtier reflex 24 × 36 pourvu
d’un objectif 50 mm et, seule, elle apprend
la photographie. Depuis 1970, elle expose
régulièrement ses oeuvres ; en 1978, ses
premières photos de mode paraissent dans
Mode International. Influencée par la poésie décadente, les peintres symbolistes,
André Breton, le cinéma hollywoodien et
les tragédies grecques, elle met en scène
son théâtre intérieur. Chez elle, dans un
décor constitué d’objets trouvés aux puces,
elle photographie des femmes, exclusivement, et sa fille Eva. Ainsi, dans un monde
clos, Ionesco crée des images sophistiquées, érotiques et baroques qui célèbrent
la féminité à la manière d’un objet de culte.
Depuis 1979, elle réalise également des
compositions d’objets qu’elle vient rapidement à traiter en couleur. En 1990, l’Espace
photographique de la Ville de Paris lui
consacre une exposition.
N.C.
ISHIMOTO Yasuhiro
photographe japonais
(San Francisco 1921)
Né de parents japonais immigrés aux
États-Unis, Ishimoto vient vivre au Japon
en 1924 et retourne aux États-Unis en
1939. Après avoir été enfermé dans un
camp d’internement dans le Colorado
pendant la guerre, il étudie l’architecture
à la North-Western University de Chicago
(1946-1948), puis la photographie, avec
H. Callahan* et A. Siskind*, au Chicago
Institute of Design (1948-1952). En 1953,
sa première exposition personnelle a lieu
au Museum of Modern Art de New York,
et il retourne au Japon pour photographier
le Katsura Palace à Kyoto, où il découvre
l’essence esthétique du design traditionnel japonais. Ce travail est publié en 1960
sous le titre Katsura (Yale University, Zohkeisha). Ishimoto s’intéresse à la ville, à son
aspect formel et à ses mutations. Depuis
les années 1950, il photographie Chicago
en pleine transformation urbaine. Dans
les séries publiées en 1958, Someday,
Somewhere (Geibi-shuppansha, Tokyo), et
en 1969, Chicago, Chicago (Bijutsu-shuppansha, Tokyo), les fragments de la vie
quotidienne sont saisis avec un détachement objectif et une sensibilité plastique.
Ses images, qui se distinguent dans la
photographie japonaise par leur style
fondé sur la tradition allemande, ont une
grande influence. À partir de 1981, il photographie la ville de Tokyo à l’aide d’une
chambre 8 × 10 inches. En Europe, l’oeuvre
d’Ishimoto est présentée en 1989 dans
l’exposition Europalia 89, Japan-Belgium
au musée de la photographie de Charleroi
(édition d’un catalogue). La même année,
sa rétrospective a lieu au Seibu Art Museum de Tokyo.
T.O.
ISO (échelle)
Échelle des sensibilités des émulsions photographiques adoptée comme standard international en remplacement des échelles
ASA et DIN.
downloadModeText.vue.download 296 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
296
La sensibilité* en degrés ISO (International Organization for Standardization)
réunit les anciens indices ASA (American
Standards Association) et les degrés DIN
(Deutsche Industrie Norm). Les indices
ASA suivent une progression arithmétique : une émulsion de 200 ASA est deux
fois plus sensible qu’une de 100 ASA. En
revanche, l’échelle DIN utilise une progression logarithmique : une augmentation de
3 DIN double la sensibilité. À présent, un
film dont la sensibilité était de 100 ASA ou
de 21 DIN devient un film de 100/21 ISO.
S.R.
ISSERMAN Dominique
photographe française
(Paris 1947)
Alors qu’elle suit des études de lettres à
l’École normale supérieure depuis 1964,
Isserman aborde la photographie en amateur. À partir de 1968, elle pratique plus
sérieusement cet exercice bien qu’elle
hésite entre photographie et cinéma. Engagée par Zoom, elle réalise une série sur
des actrices et des photos de tournage de
films, rencontre R. Depardon* et de Decker, remporte un concours de photo de
mode et commence la photographie de
manière professionnelle en 1975. Sa collaboration avec Sonia Rykiel débute en 1979,
celle avec Maud Frizon en 1983. Elle publie
régulièrement dans Vogue* et dans Elle, et
fait partie de l’agence Sygma. Isserman
réalise principalement des portraits et des
photos de mode et de publicité. Ses images
stylisées et sophistiquées sont reconnues
et très appréciées de ces clients, qui lui ont
toujours donné carte blanche. En 1987,
elle expose ses oeuvres dans le cadre des
Rencontres internationales de la photographie à Arles.
N.C.
ITURBIDE Graciela
photographe mexicaine
(Mexico 1942)
Iturbide est née dans une famille bourgeoise de Mexico. Elle poursuit des études
de cinéma de 1962 à 1972. Mais, dès 1970,
elle se tourne vers la photographie. Elle
est l’élève puis l’assistante de M. Alvarez
Bravo*. De 1972 à 1975, elle séjourne au
Panamá et réalise des portraits du président Torrijos : c’est le début de sa notoriété. Iturbide appartient, avec Diego Rivera,
Frida Kahlo et Alvarez Bravo, à la lignée
de la renaissance artistique mexicaine. Elle
conjugue les approches de l’art moderne
avec la richesse des idées et des images de
la culture indigène mexicaine. Ces gens
humbles, de culture métissée indienne,
hispanique et nord-américaine, suscitent
sa fascination et son respect. Sa série essentielle, Juchitán (1979), a été réalisée dans
cette petite ville de l’État d’Oaxaca dont les
structures sociales reposent sur le matriarcat. Iturbide compose aussi une série sur
les Chullos, mexicains émigrés à San Francisco. Elle photographie les aspects rituels
de la vie quotidienne, la fête, la mort toujours sous-jacente, dans des scènes à forte
charge symbolique. Elle oeuvre en anthropologue et en poète, approchant ses sujets
avec force, mais aussi élégance et tendresse
féminines. Photographe indépendante, elle
a participé à de nombreuses expositions –
à Mexico, à Paris (Centre Georges-Pompidou, 1982), aux États-Unis – et a obtenu en
1987 le prix W. Eugène Smith pour sa série
sur Juchitán, le prix du Mois de la photo
à Paris en 1988, et le prix de la Fondation
Guggenheim en 1989. Elle est représentée
notamment à Paris (M.N.A.M.).
M.M.
downloadModeText.vue.download 297 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
297
IVANOV-ALLIOULEV Sergueï
photographe russe
(Saint-Pétersbourg 1891 - 1979)
Issu d’une famille d’instituteurs, il étudie à l’université de mathématiques et de
physique de Saint-Pétersbourg. Il s’initie
à la photographie et prend ses premières
images dès l’âge de 12 ans. Sa passion se
porte sur les possibilités qu’offre la couleur. Il gagne un premier prix en 1913, lors
d’une exposition de photographies couleur
à Nijni Novgorod, et devient photographe
professionnel en 1921. Utilisant un objectif à effet de flou, il se consacre aux paysages, et plus particulièrement aux parcs
et jardins animés de sculptures. Virtuose
de la couleur, il participe dans les années
1920 à de très nombreuses expositions à
l’étranger.
En 1930, accusé de formalisme, il se
convertit au métier de cameraman et
« d’artiste photographe » officiel pour
Mosfilm. Après la guerre, il collabore à
l’agence Tass. Ses images les plus significatives sont publiées dans le livre Photoshots
of the Landscape, paru en 1950.
V.E.
IZIS (Israëlis Bidermanas, dit)
photographe français
(Mariampolé, Lituanie, 1911 - Paris 1980)
Dès l’âge de 13 ans, il devient apprenti
photographe. En 1930, il arrive en France,
s’installe à Paris et ouvre son propre studio. Jusqu’à la guerre, il fait des portraits
de mariages, de communions. Pendant
l’Occupation, il adopte le nom d’Izis et se
réfugie dans le Limousin. Au moment de la
Libération, il saisit des visages de maquisards dans un cadrage serré et frontal. Ces
portraits d’hommes non idéalisés auxquels
il donne une très forte présence marquent
un tournant dans sa vie de photographe.
En 1945, il retourne à Paris et devient photographe indépendant. Il est naturalisé
en 1946. Près de la Seine, en promeneur
un peu rêveur, il explore cette ville qui le
fascine. Son premier livre, Paris des rêves,
propose sa propre vision de la ville, mais
ne trouve pas immédiatement d’éditeur. En
1949, il entre dans le staff de Paris-Match,
récemment relancé par Jean Prouvost.
Pendant près de 20 ans, libre dans le choix
de ses sujets, il devient « le spécialiste de
l’endroit où il ne se passe rien » et resserre
de plus en plus ses cadrages sur les Parisiens des quartiers populaires. Entre deux
reportages, il travaille pour d’autres publications personnelles ; son oeuvre est tout
entière dans des livres merveilleusement
imprimés et composés. Lui-même choisit la mise en page ; des textes de Prévert
accompagnent souvent ses images.
Depuis Paris des rêves (1950), ses nombreux livres invitent toujours à de nouvelles promenades : le Grand Bal du Printemps (1951), les Charmes de Londres
(1952), le Paradis Terrestre (1953), Israël
(1956) jusqu’au Paris des poètes (1978).
A.M.
downloadModeText.vue.download 298 sur 634
298
AJ
JACKSON William Henry
photographe américain
(Keesville, New York, 1843 - New York
1942)
Jackson est né de père photographe et
écrivain. En 1858, il travaille comme
coloriste et retouche les épreuves faites
par le studio de portrait C.C. Schoonmaker, à Troy. En 1861, il est employé par
le studio Mowrey. Après avoir servi dans
l’infanterie pendant la guerre de Sécession, il part à Saint Louis en 1866. Ouvrier agricole puis cow-boy, il conduira
des boeufs et des moutons à travers le
vaste État de l’Ouest avant de réaliser, en
1869, ses premières photographies le long
de l’Union Pacific Railroad, aux côtés de
A.C. Hull. Entre 1870 et 1879, Jackson
devient officiellement photographe pour
le US Geological and Topographical Survey of the Territories, commissionné par
le professeur F.V. Hayden. Il parcourt les
montagnes Uintas, puis le Grand Canyon
et la région de la rivière Yellowstone, en
compagnie du peintre paysagiste Thomas Moran, qui va le conduire à affiner
sa conception du paysage. En 1872, il
photographie un lac, auquel il donne son
nom. Le travail que Jackson réalisa (publié dans les albums Yellowstone Scenic
Wonders) fut aussi décisif pour la reconnaissance par le Congrès de Yellowstone
comme parc national. Entre 1873 et 1875,
Jackson, accompagné par un botaniste et
un entomologiste, gagne les montagnes
du Colorado et le Mesa Verde. En 1875,
Jackson possède environ 2 000 négatifs au
collodion, exécutés lors de ses différents
voyages. Les photographies de Jackson
appellent un regard pur et contemplatif.
Ses grands formats mais aussi le temps
nécessaire à l’impression des plaques
concourent à rendre plus intense le
simple fait de regarder. En 1876, Jackson
participe à la réalisation d’une maquette
représentant les troglodytes de l’Arizona.
En 1877, il photographie les villages amérindiens du Nouveau-Mexique. En 1879,
downloadModeText.vue.download 299 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
299
Jackson ouvre à Denver un studio pour le
compte duquel il vend les clichés qu’il a
réalisés lors de ses précédents voyages. La
Compagnie des chemins de fer de l’Ouest
achète nombre de ses anciens négatifs à
des fins publicitaires. De 1898 à 1902, il
est propriétaire de la Detroit Publishing
Co. Il exécute, à l’âge de 93 ans, une série
de peintures murales pour des immeubles
neufs. Jackson meurt à New York le
30 juin 1942.
A.Ma.
JACOBI Lotte Johanna
photographe américaine
(Torun 1896 - New Hampshire 1991)
Jacobi est née à Torun, en Prusse orientale,
dans une famille de photographes. Vers
1840, son arrière-grand-père avait appris
la photographie avec L. J. M. Daguerre*.
Elle étudie l’histoire de l’art et la littérature
à l’académie de Posen et à l’université de
Munich, et la photographie à l’académie
bavaroise de photographie de la même
ville. De 1927 à 1935, elle dirige l’atelier
de son père à Berlin, le studio Jacobi, et
travaille dans le milieu artistique. Elle réalise une série de portraits qui constitue en
soi un portrait de la culture allemande
d’après la Première Guerre mondiale : Lil
Dagover, Sonia Heinie, Peter Lorre, Lotte
Lenya, Max Reinhardt, Kurt Weill, Käthe
Kollwitz, Theodore Dreiser, Max Liebermann, L. Moholy-Nagy*. En 1927, elle
commence une série de portraits d’Albert
Einstein. Elle participe à l’exposition de
groupe Das Lichbild à Munich, en 1930, et
obtient la médaille d’argent au Salon royal
de photographie à Tokyo, en 1931. Elle
quitte l’Allemagne pour les États-Unis en
1935 et ouvre le studio Jacobi à New York,
avec sa soeur, tout en continuant son travail sur le portrait : Benjamin Britten, Pablo Casals, E. Steichen*, etc. Elle travaille
pour Life Magazine* et reçoit un premier
prix lors de la British War Relief Photography Competition (New York, 1941).
Elle expose ses photographies au studio
Jacobi (1937 et 1941), à la Norlyst Gallery (1948), à l’Ohio University College
(1952) et à l’University College of Education de New Paltz (1953). Elle participe
également à des expositions collectives,
Dance Photographs (New York, Brooklyn
Museum, 1937), In and Out of Focus (id.,
M.O.M.A., 1948) et Subjective Fotografie
2 (Sarrebruck, École nationale des arts,
1955). C’est à cette date qu’elle quitte
New York pour Deering, dans l’État du
New Hampshire. Elle étudie alors les arts
graphiques, l’histoire de l’art, le français
et la littérature à l’université de Durham
en 1961-1962, puis, l’année suivante,
séjourne à Paris où elle s’initie aux techniques de la gravure à L’Atelier 17, avec
S.W. Hayter. De retour à Deering en 1963,
elle ouvre une galerie. Entre 1957 et 1981,
le travail de Jacobi fait l’objet de dix-sept
expositions personnelles aux États-Unis
et de trois en Europe (Hambourg et Munich). Elle participe à des expositions de
groupe dans les musées américains, qui
achètent ses oeuvres. Tout en continuant
son travail sur le portrait « Je photographie ce que je vois ; mon style est le style
de ceux que je photographie », elle réalise des séries de paysages et des Photogenics, photographies sans appareil où elle
se sert des oppositions de lumière et de
texture. La technique, qu’elle décrit ellemême, consiste à dessiner sur un papier
photosensible avec une source de lumière
en mouvement, dont elle saisit les multiples nuances à l’aide de miroirs ou de
cellophanes. Elle vit et travaille à Deering,
dans le New Hampshire, jusqu’à sa mort
en 1991.
M.B.
downloadModeText.vue.download 300 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
300
JAMES Geoffrey
photographe canadien
(Saint-Asaph, pays de Galles, 1942)
Autodidacte, il amorce sa carrière de
photographe en 1966 et devient l’année
suivante reporter et rédacteur à Time
Canada. Depuis 1970, les jardins français
et italiens sont ses sujets de prédilection.
Il photographie, à l’aide d’un appareil
panoramique couvrant un angle de 120°,
les effets de perspective, les alternances
d’ombre et de lumière, les jeux d’eau et
les ornements propres aux jardins. Ses
épreuves, qui se présentent sous la forme
de bandes horizontales, contiennent des
distorsions, imputables à la technique employée, qui brisent la régularité formelle
des sites représentés. Parfois, les effets
optiques inhérents à l’appareil panoramique s’harmonisent aux formes du sujet
photographié. C’est le cas de Saint-Cloud
(1981), où les déformations de l’image
épousent les courbes du plan d’eau. Il
réalise également des photographies de
palais et de châteaux du XVIe siècle (Villa
Brenzone, 1984) et du XVIIIe siècle (Villa
Pisani, 1984). D’une impressionnante
qualité descriptive, ses images traduisent
la tension issue de la rencontre entre un
dispositif d’enregistrement et la nature,
et transposent sur un plan visuel l’expérience esthétique du promeneur dans le
jardin.
V.L.
JODICE Mimmo
photographe italien
(Naples 1934)
La formation de Jodice relève d’expériences diverses, dont on perçoit immédiatement la complexité en regardant ses
images. De ses débuts consacrés à la réalité sociale et culturelle du sud de l’Italie,
il glisse ensuite vers le domaine de l’art
où il se situe d’emblée comme dans son
territoire d’élection. Au début des années
1970, professeur à l’école des beaux-arts
de Naples, il opère côte à côte avec les
avant-gardes artistiques. Là, il construit
son identité : « une méthodologie froide,
antiexpressive, antirhétorique, qui doit
beaucoup aux expériences de l’art minimal, proche parfois de l’art métaphysique
de De Chirico, justement dans le sens où
l’Arte povera italien doit beaucoup à De
Chirico », dit très pertinemment le critique Bertelli, situant ainsi le travail de
Jodice dans sa juste mesure. C’est de ces
années que datent les premières expositions importantes de Jodice : en 1970 à la
galerie Il Diaframma de Milan, en 1975 à
la galerie Lucio Amelio de Naples. À la fin
des années 1970, il commence à s’intéresser de plus en plus au paysage et à l’architecture, tout en continuant sa réflexion
sur l’impact du passé artistique dans le
quotidien. Il participe à la Biennale de
Venise en 1982 et en 1988, expose au musée Réattu d’Arles et au Mois de la photo
à Paris. On reconnaît le travail de Jodice,
la stratification d’une culture visuelle et
intellectuelle, et la sensualité des matières
que son regard cherche dans l’amoncellement des signes. Ce qui rend ses images
symboliques de cette concrétion inextricable de vie et de mort, de beauté et de
déjection qui constitue la réalité contemporaine d’une grande partie de l’Italie,
en particulier, mais aussi des pays de la
Méditerranée en général. Jodice travaille
de plus en plus à une épuration de son
style qui l’amène à une élégance très personnelle, allant non pas vers l’abstraction,
mais vers une approche visionnaire de la
réalité. Il regarde le réel à une distance
séculaire, comme si son regard surgissait
à son tour du savoir que l’on devine dans
les yeux des statues qu’il aime photogradownloadModeText.vue.download 301 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
301
phier. Ses images se chargent alors d’un
mouvement qui l’éloigné aujourd’hui de
la métaphysique de De Chirico pour lui
conférer l’inquiétude d’une modernité qui
porte en elle, dans la plus pure tradition
napolitaine, le sens d’une perte lointaine
et d’une énergie toujours renouvelée. En
1993, Jodice était présent à la Biennale
de Venise, à Cahors, à Coimbra et à Paris
(galerie Contrejour). Il vit et travaille à
Naples.
S.T.
JOHNSTON France Benjamin
photographe américaine
(Grafton, Virginie, 1864 - La Nouvelle-Orléans 1952)
Johnston est connue comme l’une des
premières femmes reporters. Elle étudie à l’académie Julian, puis à Paris et à
Washington. Elle apprend la photographie auprès de Thomas T. Smilie puis retourne en Europe, en 1890, pour étudier
les expositions de photographies. Elle
ouvre un atelier à Washington et se fait
rapidement un nom. Elle a photographié
de nombreux personnages influents, dont
les présidents des États-Unis, de G. Cleveland à W.H. Taft. Johnston travaille
pour des ouvrages, inspirés par les idéaux
réformistes, évoquant les problèmes
sociaux. Elle réalise de nombreux reportages sur le monde ouvrier : houillères du
Mesabi Randge ; ouvrières des filatures de
Nouvelle-Angleterre, etc. Parallèlement,
en 1899, elle mène une enquête à la demande du Hampton Institute, College of
Virginia, qui souhaite enrayer la misère
des Indiens, des Noirs et des paysans en
leur offrant des formations techniques
(Apprentis ébénistes, 1899-1900, Library
of Congress, Washington).
Elle fut membre de Photo-Sécession*,
et certaines de ses oeuvres sont dans le
style pictorialiste*. Elle est représentée au
M.O.M.A. à New York et à la Library of
Congress à Washington.
M.C.
JOHNSTON John Dudley
photographe britannique
(Liverpool 1868 - Londres 1955)
Johnston mène parallèlement deux carrières, celle de photographe et celle d’historien de la photographie. Il réalise ses
premières photographies en 1880, son
thème de prédilection étant déjà la ville.
S’il est reconnu comme pictorialiste*, sa
notoriété est établie en tant que membre
actif de la Royal Photographic Society.
Il en est notamment président de 1923 à
1931 et est à l’origine de la constitution de
la collection permanente. Ses photographies sont conservées dans des collections
particulières ainsi qu’à la Royal Photographic Society, à Bath.
S.B.
JONES Calvert Richard
photographe britannique
(Swansea, pays de Galles, 1802 - Bath
1877)
Le révérend Jones n’est pas seulement un
homme d’Église de formation scientifique
et un peintre, il est aussi un défenseur passionné de la photographie. Avec Kit Rice
Mansell Talbot, Emma et John Dillwyn
Llewelyn, il expérimente les inventions de
W.H.F. Talbot* (1839). Correspondant avec
ce dernier, il s’engage en faveur de l’amélioration et de la commercialisation de ce
nouveau mode de représentation : vernis
pour protéger les épreuves dans les devantures, proposition de couvrir le voyage de
la reine Victoria et du prince Albert en
Allemagne pour une publication (automne
1845). La même année, il fait une excurdownloadModeText.vue.download 302 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
302
sion photographique à York avec Talbot et
le renseigne sur le procédé de positif direct
mis au point par H. Bayard*, qu’il a rencontré à Paris (1845). Il embarque pour un
voyage vers l’île de Malte, la Sicile et l’Italie (1845-1846 ou 1847). À Malte, il aide
le révérend G. Bridges* et rapportera luimême de nombreux négatifs, dont il a déjà
envoyé des spécimens à l’établissement
de tirage de Talbot (Reading). Jones reste
surtout fidèle au calotype* et au tirage sur
papier salé, colorie des épreuves et accolle
des images en panoramas. Swansea et ses
environs, des marines, des études de genre
et d’architecture sont ses sujets préférés.
Membre du conseil de la Photographic
Society of London, il y présente un projet d’appareil binoculaire pour obtenir
des vues d’ensemble (1853). Son travail
est présenté à la Glynn Vivian Art Gallery
(Swansea) en 1973 et en 1987. Depuis, son
importance est sans cesse confirmée par
une meilleure connaissance de la diversité
de son oeuvre graphique.
B.P.
JOSEPHSON Kenneth
photographe américain
(Detroit 1932)
Josephson étudie à la Eastern High School
(Detroit) de 1948 à 1950, puis au Rochester
Institute of Technology, où il est élève de
M. White*, de 1951 à 1953 puis de 1955 à
1957. En 1958, il travaille pour la Chrysler Corporation et fait également des travaux en indépendant. La même année,
il reprend des études avec A. Siskind* et
H. Callahan* à l’Institute of Design de
Chicago. À partir de 1960, il enseigne à la
School of the Art of Chicago et, en 1981,
à l’U.C.L.A. En 1973, Josephson publie un
livre de ses photographies : The Breadbook.
Photographe conceptualiste, Josephson
explore dans son travail la différence entre
la photographie et la réalité, pose la question du rapport du réel à sa représentation.
Il crée des illusions en faussant la réalité,
en jouant sur la taille, sur le positionnement dans l’espace de son sujet (Drottningholm, Suède, 1967, coll. de l’artiste).
Ses oeuvres sont notamment conservées
à New York (M.O.M.A.), à Chicago (Art
Inst.), à Paris (B.N.) et à Tucson (Center
for Creative Photography).
M.C.
JOUKOV Pavel Sémionovitch
photographe russe
(Simbirsk 1870 - Leningrad 1942)
Après des études secondaires à Simbirsk, Joukov part apprendre la photographie à Saint-Pétersbourg dans l’atelier
de Konstantine Shapiro où il se familiarise avec l’art du portrait. Grâce à l’appui
de l’Académie des arts de Saint-Pétersbourg, il installe son propre atelier après
un séjour d’étude à Rome. Passionné par
le monde de l’art, il réalise de très beaux
portraits – Anton Tchekhov, Léon Tolstoï,
Tchaïkovski, Kuprin, Rubinstein. En 1917,
après la révolution d’Octobre, il se spécialise dans les portraits d’hommes politiques
et devient photographe en chef du district
de Petrograd.
Il est connu pour ses qualités artistiques,
et Moscou fait appel à lui dès 1920 pour
photographier Lénine, Kalinine, Tschitscherine, Lounatscharski, les personnalités
de l’Armée rouge, ainsi que le chef de la
direction du soviet militaire de la République, Ovseïenko. Il n’a photographié
Lénine qu’une seule fois, assis sur une
chaise : deux variantes existent, l’une s’arrêtant à la taille, l’autre aux genoux. C’est
là un exemple caractéristique du peu de
profondeur de champ dont on disposait à
l’époque. Dans les années 1930, Joukov devient reporter et s’intéresse aux construcdownloadModeText.vue.download 303 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
303
tions industrielles nouvelles récemment
mises en place tels les hauts-fourneaux, le
chantier naval de Leningrad et les clubs de
travailleurs.
Il est tué au cours du blocus de Leningrad,
en 1942, par un obus qui détruit sa maison et une partie de ses négatifs. Cependant, les Archives d’État ont conservé une
grande partie de sa production.
V.E.
JOUVIN Hippolyte
photographe français
(Mesnil-Clinchamps 1825 - après 1887)
On se sait rien de l’enfance ni des études
de ce fils de serrurier dont le nom apparaît pour la première fois en 1862 dans
la rubrique « Photographes-artistes » de
l’Almanach du commerce et de l’industrie.
Ce photographe, spécialisé dans la prise de
vues stéréoscopiques, est surtout connu
pour avoir, en 1863, réalisé pour le stéréoscope une série d’environ 200 épreuves
instantanées de Paris, qui sont parmi les
premières à montrer l’animation des boulevards, ainsi que les fêtes de Montmartre,
de Saint-Cloud et du carnaval. En 1864, il
fait enregistrer au dépôt légal des scènes
composées qui sont, malgré l’immobilité imposée aux modèles, d’un naturel
rarement égalé à l’époque. Il excelle tout
particulièrement dans la photographie de
groupes d’enfants. On lui doit également
des voyages en Allemagne et en Suisse,
ainsi qu’une série sur les statues du musée
du Louvre. Il réalise en 1871 un dernier
reportage sur la Commune et sur les dommages occasionnés à la ville de Paris. Il
exploite ensuite son fonds jusqu’en 1887,
date à laquelle son nom disparaît des colonnes du registre du commerce. Les liens
qui pourraient exister entre Hippolyte et
Louis Jouvin – photographe également
spécialisé dans les vues stéréoscopiques et
actif de 1858 à 1863 – n’ont pas encore été
clairement établis.
D.P.
JUNIOR Christiano
photographe argentin
(actif entre 1868 et 1878)
En 1868, Junior installe son studio de
photographie au centre de Buenos Aires,
Avenida Florida no 160. Dans son atelier
défilent tous les hommes politiques de
l’époque, ainsi que les personnalités de
l’aristocratie et de la société la plus élégante. Il photographie aussi régulièrement
la ville de Buenos Aires, l’architecture des
bâtiments et l’évolution urbaine de cette
cité. Ses images sont exposées en 1871 à
la Primera Exposición nacional à Córdoba
et il y obtient une médaille d’or. Il réalise
aussi la première publication d’oeuvres
photographiques à Buenos Aires et utilise
ses photographies dans deux très beaux
albums sur la ville en 1876 et 1877. Les Archives graphiques de la nation ont répertorié et conservent ses clichés. Son studio
de l’Avenida Florida, racheté en 1878 par
Alejandro S. Witcom et Pedro F. Mackern,
fonctionnera jusqu’en 1939.
V.E.
downloadModeText.vue.download 304 sur 634
304
K
KALVELIS Jonas
photographe lituanien
(Kikoniai 1925)
Né dans le district de Kupiskio dans une
famille paysanne, Kalvelis étudie l’organisation rurale au collège agricole de Kaunas
et travaille comme assistant forestier. Autodidacte en photographie, il est de 1948 à
1954 technicien pour l’Institut des forêts
de Lituanie. Il publie ses premières photos
dans Nos Forêts et travaille comme chef du
laboratoire photographique du département de l’Institut de ressources des eaux.
Il participe à l’exposition Notre nature
organisée par le Comité de protection de
la nature et rejoint le photo-club de Kaunas. La série de ses oeuvres intitulée Dunes
à Neringa lui apporte la célébrité. L’environnement inhabité est le sujet de prédilection de ce photographe de la nature (forêts, arbres, vallées enneigées). Ses images
sont étudiées dans le détail et composées
avec soin. Kalvelis n’est pas seulement un
témoin de la beauté des formes simples de
la nature, il nous en fait également découvrir les secrets. Il obtient des médailles
d’argent en Suisse (à Photeurop), en Belgique, en Grande-Bretagne, et un diplôme
de « Ciudad de Soria » en Espagne. Il fait
partie de la Société d’art photographique
de Lituanie et vit à Vilnius.
V.E.
KARELINE Andreï
photographe russe
(1837 - 1906)
Apprenti dans sa jeunesse chez un peintre
d’icônes, il fréquente de 1857 à 1864 l’Académie impériale des arts à Saint-Pétersbourg, où il obtient deux médailles d’argent. Kareline réalise ses premières images
en 1860. Il travaille dans le studio de
Mikhaïl Nastivkov, à Kostroma, puis ouvre
en 1869 son propre studio de portraits, auquel il rattache une école d’art. Il se spécialise dans les portraits de commande, mais
consacre également ses recherches au paysage et à la photographie de genre.
En 1870, il rassemble un certain nombre
de sites et de photographies de persondownloadModeText.vue.download 305 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
305
nages typiques dans un album intitulé
Nijni Novgorod et, en 1880, les plus belles
images de genre dans l’Album artistique
de photographies d’après nature. Ces recueils de très grande qualité regroupent les
membres d’une même famille : parents et
enfants vêtus de costumes contemporains
posant dans des intérieurs typiques (maison bourgeoise, décorée de tableaux et de
sculptures), un couple de jeunes autour
d’une table garnie, un autre préparant un
repas. Ces éléments exceptionnels par leur
iconographie détaillée et pittoresque permettent d’appréhender les aspects de la vie
quotidienne russe des années 1880.
Kareline participe à de nombreuses expositions internationales où il remporte des
prix : Vienne (1873), Paris (1876 et 1878),
Édimbourg (1882 et 1896), l’exposition jubilée de Photographie de Russie (1889). Le
titre de Photographe de l’Académie impériale des arts lui est décerné pour l’excellence de ses services. Il est alors membre
du 5e département de la Société technique
russe, de la Société photographique russe
et de l’Académie française des arts.
V.E.
KARSH Yousuf
photographe canadien
(Mardin 1908)
Il fait son apprentissage en 1925 dans l’atelier de son oncle, le photographe George
Nakash. Il part pour Boston et, dans le
studio de John H. Garo, apprend les techniques alors employées par les photographes d’art : tirage au platine, procédés
pigmentaires ou à la gomme arabique,
carbro* ou oléobromie*. En 1932, il quitte
l’atelier de Garo et se rend à Ottawa, où
il ouvre son propre studio. Il découvre les
possibilités de l’éclairage artificiel alors
qu’il photographie les comédiens du Ottawa Little Theatre. Il est réputé pour ses
portraits d’hommes d’État ; son cliché
de Winston Churchill, qui paraît en couverture de Life* en 1941, lui assure une
renommée internationale. Il exécute également de nombreux portraits d’artistes,
d’écrivains, d’acteurs et de savants. Karsh
fit sienne la conception du portrait selon
laquelle la pose, les gestes et les mimiques
révèlent l’individualité du modèle. La relation intersubjective qui s’installe entre le
photographe et le modèle est, selon lui,
capitale. Par un entretien qui peut durer
plusieurs heures, il amène le modèle à
projeter une image de lui-même qu’il croit
conforme à sa propre individualité. Parfois, il suggère au modèle de tenir dans sa
main un attribut, généralement un objet
d’usage de sa profession ou de son métier,
de manière à lui donner une contenance et
à éliminer la rigidité des poses conventionnelles. La posture et l’expression des mains
le préoccupent au plus haut degré, car elles
constituent un pôle d’expression complémentaire à celui du visage.
V.L.
KÄSEBIER Gertrude
photographe américaine
(Des Moines, Iowa, 1852 - New York
1934)
Née dans une famille de quakers, Käsebier
s’installe à New York où elle se marie et
fonde une famille. À 36 ans, elle décide de
développer son talent pour les arts plastiques et étudie la peinture au Pratt Institute de Brooklyn. En 1894, elle entreprend
un voyage en Europe pour perfectionner
son art et séjourne brièvement à Paris puis
en Allemagne. De retour à New York, elle
installe son studio sur la 5e Avenue et se
forge une solide réputation de portraitiste.
En 1899, elle expose au Camera Club de
New York et est admise au Linked Ring*
l’année suivante. Proche de A. Stieglitz*,
downloadModeText.vue.download 306 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
306
elle participe à la fondation de la Photo-Sécession* et publie dans le premier numéro
de Camera Work* (1903). Ses images, souvent tirées au platine, associent le portrait
féminin et des scènes d’intérieur teintées
de symbolisme comme The Magic Crystal (v. 1905, R.P.S., Bath). En 1901, Käsebier retourne en Europe ; elle se lie à Paris
avec R. Demachy* et rencontre E. Steichen*, alors dans l’entourage de Rodin.
Son succès est international et sa production figure dans tous les Salons photographiques. Un troisième voyage en Europe
(1905) lui permet de rencontrer Rodin et
de le photographier. Après l’exposition de
Buffalo (1910), elle s’éloigne de Stieglitz et,
en 1915, fonde aux côtés de C.H. White*
et de A.L. Coburn* les Pictorial Photographers of America.
M.P.
KAUFFMANN John
photographe australien
(Adelaïde 1865 - Melbourne ? 1942)
Kauffmann commence en Grande-Bretagne une formation commerciale, mais,
en 1887, l’abandonne pour la photographie. Il n’apparaît pas qu’il ait exposé dans
les salons du Linked Ring* et pourtant, à
son retour à Adélaïde, en 1897, il est considéré comme médaillé. Son travail a une
large reconnaissance de la presse, et il obtient de nombreuses médailles aux Salons
annuels de la South Australian Photographic Society et des autres associations du
Victoria et de la Nouvelle-Galles du Sud.
En 1902, sa réputation est telle qu’il est
invité comme membre du jury au même
Salon. Il est l’importateur et le principal
représentant du pictorialisme* australien (The Butterfly, 1920-1930, Canberra,
N.G.). En 1909, il déménage à Melbourne,
et y installe son studio en 1914. Il fait essentiellement de l’illustration commerciale
et travaille notamment pour le magazine
The Home. Dans les années 1930, Kauffmann se consacre à des études florales.
Son oeuvre est représentée en particulier à
Canberra (N.G.) et à Melbourne (N.G. of
Victoria).
M.C.
KEIGHLEY Alexander
photographe britannique
(Keighley, Yorkshire, 1861 - id. 1947)
De formation scientifique (biologie, zoologie, botanique), Keighley s’intéresse à la
photographie dès 1883 et voyage en Égypte
et dans le sud de l’Afrique à la recherche
de « paysages romantiques ». Photographe
pictorialiste*, il pratique la retouche sur
négatif à partir de 1892. En 1900, il adopte
le pseudonyme de Forrester et se situe
alors dans la mouvance des photographes
proches de l’esthétique impressionniste.
La Royal Photographic Society de Londres
lui consacre une exposition en 1910 ;
deux autres suivront en 1943 et en 1947,
l’année de sa mort. En 1978, ses photographies sont exposées à la Hayward Gallery
à Londres. Ses photographies sont dans
les collections de la Royal Photographic
Society de Londres, à la George Eastman
House de Rochester ainsi qu’au National
Museum of History and Technology de
Washington.
S.B.
KEPES György
artiste hongrois
(Selyp 1906 - 1989)
Après des études à l’Académie des arts de
Budapest et une activité proche des avantgardes dans les domaines de la photographie, de la peinture et du film, Kepes s’installe entre 1930 et 1936 comme designer à
Berlin, où il devient un des collaborateurs
downloadModeText.vue.download 307 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
307
de Laszlo Moholy-Nagy. Il se rapproche
des milieux scientifiques à Londres en
1935 et 1936, puis il devient en 1937 un
des membres fondateurs de la Nouvelle
École du Bauhaus de Chicago, où Moholy-Nagy lui propose de diriger le département de couleur et de lumière. En 1935,
il devient professeur d’art visuel à l’Institut de technologie du Massachusetts. Ses
activités dans le domaine de la photographie expérimentale sont parallèles à ses
recherches sur la peinture et la lumière
ainsi qu’à ses installations d’expositions.
Ses photographies instituent une relation
entre l’objet et l’espace dans le domaine du
photogramme, de l’abstraction, du paysage
urbain, et elles créent l’illusion du mouvement au travers de structures spatiales. Il
est l’auteur de publications fondamentales
sur l’art et la science, dont Langage et vision (1944) et The New Landscape in Art
and Science (1956).
F.D.
KERN Pascal
ar tiste français
(Paris 1952)
Après une formation en arts plastiques et
en histoire de l’art, Kern se consacre à la
photographie en utilisant ce médium afin
de réaliser des images spéculatives. Sa première fiction, l’Usine à Bastos, commencée
en 1975, est suivie par plusieurs séries déclinées autour de Fictions colorées (1983),
Icônes (1986), Sculptures (1983), Culture
nature (1991). Kern a figuré en 1983 dans
l’exposition Images fabriquées (musée national d’Art moderne, Paris). Ses « tableaux
photographiques » résultent de la mise en
scène et du classement d’objets récupérés, le plus souvent des matrices usagées
ou des moulages renvoyant à l’histoire de
la sculpture et à la fabrication industrielle.
Ils intègrent des problématiques telles que
l’icône, la nature morte ou la rhétorique
de l’allégorie. La reproductivité photographique est aussi analysée dans son rapport
à la peinture et à la sculpture sous la forme
de diptyques ou de triptyques, où la mise
en scène photographiée à la chambre et
à l’échelle réelle s’articule selon des procédures systématiques de retournement
et de frontalité. Il en résulte une tension
entre la surface lumineuse colorée du cibachrome et l’espace suggéré des pleins et
des creux du volume.
F.D.
KERTÉSZ André
photographe américain
d’origine hongroise
(Budapest 1894 - New York 1985)
Employé de banque à Budapest, Kertész
est déjà, dans sa jeunesse, un amateur photographe connu pour son talent. Mais c’est
lorsqu’il arrive à Paris, en 1925, qu’il fait de
la photographie son moyen de subsistance.
Habitué de quelques groupes d’artistes
à Montparnasse (Atelier de Mondrian,
1926), il commence à travailler pour les
magazines allemands et français, alors en
pleine expansion ; il n’est pas attaché à une
agence mais travaille en indépendant, soit
sur commande d’un sujet (les Halles, la
Bretagne, la tour Eiffel), soit en proposant
des clichés réalisés au hasard de ses péré-
grinations. Ses photographies paraissent,
entre autres, dans l’hebdomadaire Vu*
dans Art et Médecine, dans Bifur et dans
Minotaure.
Le style de Kertész se situe entre le reportage sur le vif issu de l’instantané et les
recherches spatiales du constructivisme
représentées par son compatriote L. Moholy-Nagy*. Les critères avant-gardistes se
retrouvent dans la vue en plongée, et surtout dans la série des Distorsions (entreprise pour le magazine le Sourire, 1933) :
downloadModeText.vue.download 308 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
308
il s’agit de nus féminins photographiés par
réflexion dans des miroirs déformants.
Kertész est un des plus actifs dans la publication de livres : Enfants (1933), Paris vu
par André Kertész (1934), Nos amies les
bêtes (1936), Day of Paris (1945). Il quitte
Paris en 1936, lorsqu’il lui devient plus
difficile de commercialiser ses photos, et
s’installe à New York, où il continuera à
travailler pour les magazines et où il vivra
jusqu’à sa mort. Il aura été ainsi le photographe de deux métropoles modernes,
dont il ne montre d’ailleurs pas les inconvénients ; il traque au contraire des signes
d’humanité dans des événements formels,
des rencontres fortuites de lignes, d’objets,
des simultanéités poétiques. Cela suppose
une certaine lecture de l’image, une signification particulière accordée à la photographie comme indice de l’insaisissable et de
l’évanescence.
Après avoir été, dans l’ombre, un modèle
de stylistique, Kertész est reconnu, rétrospectivement, comme le grand maître d’une
esthétique qui innerve la photographie sur
un demi-siècle, et qui peut se définir par le
terme de « regard » : furtivité, reconnaissance d’un message ténu, langage de signes,
recherche silencieuse d’une présence. L’exposition André Kertész, le double d’une vie
a été présentée à Paris (Pavillon des Arts,
1994-1995).
M.F.
KESTING Edmund
photographe allemand
(Dresde 1898 - Birkenwerder 1970)
De 1911 à 1916, Kesting étudie à l’Akademie der Künste à Dresde. Après l’armée
(1917-1918), il suit des cours avec les
peintres Richard Müller et Otto Gussmann. En 1920, il se tourne vers la photographie tout en continuant ses collages.
Ses expérimentations photographiques
(exposition multiple, solarisation partielle,
techniques d’impressions multiples, photogrammes) ainsi que sa connaissance des
nouvelles perceptions de l’espace développées par les cubistes et les constructivistes
le placent au centre de l’avant-garde allemande des années 1920. Dans ses nombreuses séries de portraits pris de près, il
fait un usage important de l’image multiple par des techniques de montage et
une utilisation originale de la lumière et de
l’ombre (Frau G. Kesting, 1930, San Francisco, Museum of Modern Art). Ses nus et
ses paysages expriment le même sens de liberté en combinant différentes approches.
Ces images le rattachent à l’esthétique de
la « nouvelle vision », équivalent européen
de la « photographie pure » américaine.
Les reflets, les lignes de construction de
l’image expriment, à travers une nouvelle
conception de l’espace, un regard nouveau
sur la réalité. Sa seconde exposition personnelle, à la galerie Der Sturm, donne lieu
à une publication dans le magazine littéraire et artistique d’avant-garde du même
nom (publié par Herwarth Waiden). En
1926, Kesting expose à New York et à
Moscou et, l’année suivante, participe à la
grande exposition d’art de Berlin. En 1927,
il fonde à Berlin, avec Lothar Schreyer,
une école privée d’art qui sera fermée en
1933 par les nazis à cause de son association avec « l’art dégénéré ». Le travail de
Kesting est interdit en Allemagne jusqu’à
la fin de la guerre. En 1946, il organise
avec Will Grohmann la Erste Deutsche
Kunstausstellung à Dresde, qui inclut des
exemples de l’art d’avant-garde précédant
la guerre. En 1948, il enseigne à la Kunsthochschule à Berlin. Nommé professeur
en 1953 à la Hochschule für Film und
Fernsehen à Potsdam-Babelsberg, il y reste
jusqu’en 1967.
M.C.
downloadModeText.vue.download 309 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
309
KIMURA Ihee
photographe japonais
(Tokyo 1901 - id. 1974)
Passionné de photographie dès l’âge de
13 ans, Kimura pratique la photo de studio
vers 1920, après ses études de commerce.
Il ouvre son propre studio à Tokyo en 1924
et participe à plusieurs clubs de photographie d’amateur. En 1929, il découvre
le Leica lors d’une tournée du dirigeable
Zeppelin au Japon. Ce petit appareil joue
désormais un rôle important dans son
activité photographique. Avec le Leica,
il s’oriente vers le photojournalisme, qui
commence à s’imposer dans la société
japonaise. En 1932, il participe à la publication de la revue photographique Koga
et, en 1933, à la création de Nippon-Kobo, l’agence pionnière dans le domaine du
photojournalisme au Japon. La même année, sa première exposition, Portraits des
écrivains japonais, à Kinokuniya Gallery
de Tokyo, a un grand retentissement.
Kimura bâtit sa réputation en décrivant
les instants intimes de la vie quotidienne
dans le centre-ville de Tokyo. Sa manière
de donner une valeur à la quotidienneté a
ouvert une voie nouvelle : le réalisme par
l’instantané. Il photographie en 1952 et
1953 la vie rurale de la région du nord du
Japon, Akita.
Ce reportage, publié en 1978 sous le titre
Akita, est considéré comme un de ses travaux les plus représentatifs. À partir de
1954, il visite Paris plusieurs fois et photographie des scènes de rue. En France,
l’oeuvre de Kimura fait l’objet de l’exposition Beautés du Japon en 1986, à la mairie du IXe arrondissement à Paris. En 1984
paraît l’édition de The Complete Works of
Ihee Kimura (4 volumes, Chihuma-shobo,
Tokyo), et, en 1992, le Metropolitan Museum of Photography de Tokyo organise
une rétrospective Kimura.
T.O.
KITAJIMA Keizo
photographe japonais
(1954)
Après des études de photographie avec
D. Moriyama* à l’école Workshop, Kitajima commence à photographier la ville
de Tokyo, notamment ses habitants. En
1976, il participe à la fondation de la galerie CAMP, qui devient l’organe des jeunes
photographes influencés par Moriyama.
À cette galerie, il expose, chaque mois de
l’année 1979, ses photographies intitulées
Tokyo No 1 - No 12, des images noir et
blanc de gens de la métropole violemment
figés par un coup de flash. Celles-ci sont
publiées en 1980 sous le titre Tokyo (Parorusha, Tokyo). En 1982, après un séjour de
plusieurs mois à New York, il développe
sa méthode et publie New York (Byakuyashobo, Tokyo), qui est décrit comme « le
bruit de la ville écouté dans un casque en
plein volume » par l’écrivain Kobo Abe.
Entre 1983 et 1987, il voyage et séjourne à
Berlin-Ouest, à New York et à Séoul.
Le style de Kitajima connaît un grand
changement vers 1989. Il photographie,
en couleur et à l’aide d’une chambre
8 × 10 inches, les gratte-ciel des grandes
villes comme New York, Tokyo, Londres,
Hongkong, Paris. Ses images baignent
dans une lumière froide et plate, les
hommes n’y sont plus, et une impression
de retenue domine. Privée des signes historiques et mythologiques, la spécificité de
chaque ville disparaît, et toutes deviennent
semblables, scènes du désir et du pouvoir
des hommes. Ce travail est publié en 1991
sous le titre A.D. 1991 (Kawade-shoboshinsha, Tokyo). L’oeuvre de Kitajima fait
l’objet d’expositions en 1992, à l’Interform
Gallery d’Osaka, et, en 1993, au Tokyo Metropolitan Museum of Photography (Critical Landscapes).
T.O.
downloadModeText.vue.download 310 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
310
KLEIN William
photographe américain
(New York 1928)
Né à New York dans une famille d’origine hongroise, Klein fait toute sa carrière
à Paris, où il arrive en 1948 ; il fait de la
peinture et, en 1953-1954, utilise les techniques photographiques pour engendrer
des formes géométriques et concevoir
des panneaux de verre. De retour à New
York en 1954, il y réalise un journal de
bord photographique qui paraît en livre en
1956. Engagé par Fellini comme assistant,
il prépare l’album Rome (1958) ; suivront
Moscou et Tokyo (1964). L’activité de Klein
est ainsi ponctuée de réussites à contrecourant de « ce qui se fait ». Il photographie
dans la rue, à bout portant, fait des tirages
que l’on trouve trop contrastés, opère dans
le métro de Moscou, produit des clichés
bougés, des cadrages instables, guette avec
attention le moment propice où l’appareil
agit comme un regard naturel. Il voit les
choses « autrement », à l’opposé de ce que
l’on attend, et le dit, clairement, dans un
style-limite plus proche des libertés de l’art
contemporain que des stéréotypes photographiques. Photographe de mode tout
aussi inventif, réalisateur de films (Cassius
le Grand, 1965 ; Qui êtes-vous Polly Maggoo ?, 1966 ; le Couple témoin, 1976), de reportages filmés, de publicités, concepteur
de ses propres livres, Klein revient toujours au coeur du problème : une histoire à
raconter, de la manière la plus concise et la
plus adéquate possible.
M.F.
KLÉPIKOV Piotr
photographe russe
(1884 - 1960)
Issu d’une famille de paysans de la province
d’Arkhangel, Klépikov s’engage comme militaire en 1905 et suit, à partir de 1912, les
cours de l’école d’aviation, servant comme
pilote dans les forces aériennes de l’empire
jusqu’en 1917. Après la révolution, il se
spécialise dans la photographie aérienne*.
Dès 1918, il est attiré par les différents procédés de tirage et se met à les étudier avec
passion. Membre de l’Union des photographes de toute la Russie, il est également
nommé au conseil éditorial de la revue
Fotograf, où il travaille de 1926 à 1929.
Auteur de plusieurs ouvrages (Procédés de
tirages ; Tirages aux sels de chrome), Klépikov transmet ainsi le fruit de ses expériences et son grand savoir-faire en matière de tirage. Ses oeuvres sont exposées
de 1920 à 1930 en Grande-Bretagne, en
France, en Italie, aux États-Unis, au Japon,
en Pologne, et remportent de nombreuses
récompenses.
Comme beaucoup d’autres artistes, il est
accusé en 1930 de formalisme, mais il
n’en continue pas moins son oeuvre, dont
les plus fortes images sont certainement
celles des arbres et sous-bois de sa région.
Ce travail sentimental ne réfléchit pas la
nouvelle vision de la société soviétique,
mais témoigne plutôt d’un engagement
dans une recherche purement personnelle.
La collection de ses images est conservée
dans un institut de Moscou.
V.E.
KLUTSIS Gustave
photographe russe
(Volmar, Lettonie, 1895 - 1944)
Klutsis étudie de 1913 à 1915 à l’Institut d’art de Riga, puis à l’école d’art de la
Société d’encouragement pour les arts de
Pétrograd jusqu’en 1917. En 1918, il part
à Moscou pour s’engager dans l’Armée
rouge, dans le 9e régiment d’infanterie letton. Il travaille alors pour le compte des
studios privés de Mashkov et de Meshkov,
downloadModeText.vue.download 311 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
311
et sous la direction du peintre Kazimir
Malevitch à Svomas.
Très attiré par l’art contemporain, il participe aux ateliers de Konstantin Korovin
et Antoine Pevsner en 1919 et 1920. Il
devient membre de l’Institut de culture
artistique Inkhuk de 1921 à 1923, puis
professeur aux Vkhujemas. L’Institut de
polygraphie l’accueille comme professeur
adjoint, et il se spécialise alors dans la
conception d’affiches. Avec El Lissitsky*,
il organise à Moscou, en 1927, l’Exposition polygraphique de toute la Russie et
crée le projet de la section la Journée de
travail de sept heures pour l’Exposition de
la presse internationale de 1928. Membre
de la section des travailleurs scientifiques de l’Institut de littérature, d’art et
des langues de l’Académie communiste,
il est « président-député » de la Société
des travailleurs des affiches révolutionnaires. Organisateur du groupe Oktiabr,
il participe à l’exposition Unovis en 1921,
présente son travail à la première manifestation d’art russe à Berlin (1922), à
l’Exposition internationale des arts décoratifs à Paris (1925), à l’exposition l’Art
du livre à Paris (1931), à l’exposition de
photomontage à Berlin (1931), ainsi qu’à
de nombreuses manifestations consa-
crées aux affiches à travers l’Europe, en
Belgique, en Italie et en Grande-Bretagne,
les années suivantes.
En 1937, la ville de Paris le sollicite comme
consultant artistique pour l’Exposition
universelle. Il est arrêté en 1938 et envoyé dans le Kazakhstan, où il meurt en
déportation. Klutsis travaille comme un
artiste d’avant-garde déclarant dans les
années 1920 la mort de l’art et la naissance
d’une nouvelle culture, la construction du
socialisme.
V.E.
KNAPP Peter
artiste suisse
(Zurich 1931)
Après des études de peinture, d’arts graphiques et de photo à la Kunstgewerbeschule de Zurich de 1946 à 1950, Knapp
s’installe définitivement à Paris, en
1953. Peintre, graphiste et scénographe, il
débute la photographie au début des années 1950, mais n’est publié qu’à partir de
1960. Il est alors, depuis 1959, le jeune et
brillant directeur artistique de Elle. Faute
de photographes parvenant à réaliser les
idées qu’il propose, la rédaction du journal
le convainc de s’en charger. Parallèlement,
il peint et expose régulièrement, mais,
en 1965, il arrête cette activité et quitte
le journal pour devenir photographe de
mode et entamer une recherche personnelle en photographie. Knapp, qui ne prend
pas des photos mais fabrique des images,
a, par-dessous tout, le souci de la ligne et
de la forme, contrairement à la plupart des
photographes, pour qui la lumière est la
préoccupation première. Il clarifie notre
vision, allège l’espace et le décompose pour
mieux le recomposer. Sous le vêtement, il
traque le corps de la femme et lui renvoie
une image plus libre, plus jeune, plus érotique. Dans les années 1960, ses photos de
mode comme la réalisation de courts-métrages pour l’émission télévisée Dim Dam
Dom ont contribué à créer une photo de
mode beaucoup moins chic et plus adaptée
à son temps.
N.C.
KOISHI Kiyoshi
photographe japonais
(Osaka 1908 - Fukuoka 1957)
Photographe représentatif des avantgardes japonaises des années 1930, Koishi
devient, à l’âge de 20 ans, membre d’un des
downloadModeText.vue.download 312 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
312
plus grands groupes d’amateurs de la photographie pictorialiste, le Naniwa Shashin
Club d’Osaka. Inspiré par la nouvelle photographie allemande (Nouvelle Objectivité*, Bauhaus*, etc.), il transforme radicalement l’orientation du groupe, rejetant
l’esthétique du pictorialisme, et devient
un des moteurs du mouvement avantgardiste de la région d’Osaka, aux côtés
d’autres photographes, tels I. Nakayama*,
du Ashiya Camera Club, et N. Yasui*,
du Tampei Shashin Club. Parallèlement,
il pratique dès 1931 la photographie
publicitaire.
Koishi est connu pour être un excellent
technicien qui maîtrise les diverses techniques nouvelles : le photogramme, la solarisation, le photomontage, l’infrarouge,
etc. L’ouvrage Shoka Shinkei (Sensibilité en
début d’été), publié en 1933, avec une couverture en aluminium, est à ce titre exemplaire. Il y exploite un univers fantaisiste
à travers des images fragmentaires d’objets
mécaniques, de liquides et de corps. En
1936, il publie Satsuei – sakuga no shin-gihoh (Nouvelles Techniques pour la réalisation photographique), un livre théorique illustré dans lequel il développe sa pensée et
sa méthode. Dès 1938, il accompagne l’armée pour réaliser des reportages. La série
Hansekai (la Moitié du monde) est exposée
en 1940 après sa mission en Chine. Composé de dix images, l’ensemble évoque,
en complicité avec les légendes, un esprit
antimilitariste. L’oeuvre de Koishi est présentée à Paris dans l’exposition Japon des
Avant-Gardes 1910-1970.
T.O.
KOLLAR François
photographe français d’origine hongroise
(Szenc, Hongrie, 1904 - Créteil 1979)
Exilé à Paris en 1924, pendant le régime
de Horthy, Kollar travaille d’abord chez
Renault comme tourneur sur métaux. Passionné de photographie, il parvient à trou-
ver un poste de chef de studio (Draeger
Frères) en 1927. Il maîtrise rapidement
toutes les nouveautés techniques et esthétiques de l’époque : vues en plongée et en
contre-plongée, cadrage inventif, surimpression, solarisation, etc., et ses photos paraissent dans l’Illustration (Magic
Phono, 1929). Dès 1930, il est engagé par
l’agence Lecram. Il réalise alors de nombreuses publicités pour des produits de
luxe (briquets Dunhill, parfum Worth...).
En 1931, Horizons de France lui commande un reportage sur le monde du
travail. Plus de 10000 clichés exécutés en
l’espace de quatre ans sont édités sous le
titre La France travaille. À la fois humaniste et moderne dans son traitement – il
s’attache à la personnalité des hommes et
des femmes qui travaillent, et les photographie dans le style de la Nouvelle Vision
–, cette enquête est la première, et la seule,
jamais tentée en France dans ce domaine.
Parallèlement, Kollar crée pour la publicité, réalise des portraits de célébrités (Coco
Chanel, Jean Cocteau, Édith Piaf) et photographie les collections des plus grands
couturiers (Lanvin, Balanciaga, Balmain).
Il joue avec l’éclairage et use parfois de la
surimpression ou de la solarisation. Spécialiste des effets de reflet, de transparence
et de translucidité, il vante les bijoux Van
Cleef et Arpels ou le champagne Moët et
Chandon. Il connaît alors un grand succès,
expose à la galerie de la Pléiade et publie
son ouvrage intitulé 25 photos de Kollar
(avril 1934).
La guerre interrompt brutalement son travail. Une exposition sur La France travaille
à la bibliothèque Forney (1985), puis une
rétrospective au palais de Tokyo en 1989
(qui a ensuite été présentée à Lyon, en
1990, à la Fondation nationale de la photographie ; à Madrid, en 1991, à la Sala des
downloadModeText.vue.download 313 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
313
Exposiciones del Canal Isabel II) rendent à
l’artiste son rôle déterminant dans la photographie française des années 1920-1930.
En 1987, l’État français a reçu en donation
15 000 négatifs et 3 000 tirages originaux
de Kollar.
E.E.
KOONS Jeff
ar tiste américain
(York, Pennsylvanie, 1955)
Étudiant en art à Baltimore et à Chicago
de 1972 à 1976, Koons traite à partir de
1984-1985 de la relation de l’art à la société
de consommation. Il réactive le débat en
plaçant explicitement l’objet d’art comme
marchandise dans la stratégie renforcée
d’une économie du désir. Avec Koons, le
langage publicitaire ainsi que les conditions de démonstration de l’objet, à travers
la valorisation de sa couleur, de sa forme
et de sa texture, sont les éléments majeurs
à partir desquels se développe son propos.
La présentation monumentale dans des vitrines en plexiglas d’aspirateurs neufs, sous
la lumière de néons, datée de 1981, la reproduction d’affiches de publicité pour des
marques de whisky ou de cognac, réalisées
en 1984-1985, sont les premières pièces de
l’artiste dont l’Europe prend connaissance
à partir de 1988.
Koons fabrique un univers d’objets dominés par une esthétique kitsch, typique du
goût des classes moyennes : petites statuettes, jouets... Il exploite et renforce les
confusions entre les arts majeurs et mineurs. Peu à peu, Koons inclut sa propre
image dans des oeuvres photographiques.
Il figure au centre d’une série de publicités
parues dans des revues d’art américaines,
comme annonces de ses expositions de
l’année. Il expose à la Biennale de Venise de
1991 un ensemble de photographies de ses
ébats avec Ilona Ciccolina, star italienne de
films pornographiques, qu’il épouse un an
plus tard.
Par leurs couleurs volontairement suaves,
leur caractère naïf, ces images diffèrent
radicalement de celles que diffuse habituellement la presse du genre. Provocateur
et cynique, ou bien critique des valeurs
sociales, ou bien encore simplement amuseur, Koons n’en finit pas de superposer les
masques, renforçant à la fois l’ambiguïté
de son oeuvre et de son personnage, mêlant son art à sa vie, sous le signe de l’exhibitionnisme médiatique.
S.C.
KOPPITZ Rudolph
photographe autrichien
(Schreiberseifen 1884 - Vienne 1936)
Koppitz fut à la fois et successivement
étudiant et enseignant à la Graphische
Lehr und Versuchsanstalt de Vienne.
Après un apprentissage de photographe,
il poursuit sa formation dans cette école
où il est nommé assistant en 1913, puis
professeur après la Première Guerre
mondiale. Tout en restant un photographe traditionnel par les thèmes abordés, il se rattache d’une manière complexe
au mouvement artistique viennois si riche
entre 1900 et 1930. Adepte des thèses pictorialistes, il en garde les techniques de tirage – comme la gomme bichromatée qui
lui permet des effets de lumière et de matière qu’il exploite sur des grands formats
ressemblant à des panneaux décoratifs.
Il complète cette technique par un sens
très rigoureux de la composition, quelles
que soient les conditions de prise de vue,
en studio ou à l’extérieur. Cette rigueur
engendre une certaine expression symbolique. En complément de son activité
d’enseignant et d’artiste, il participe à de
nombreuses conférences dans toute l’Autriche et commente les collections de la
downloadModeText.vue.download 314 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
314
Société photographique de Vienne, créée
en 1861. Parmi les nombreux thèmes
abordés par Koppitz, les plus importants
sont les nus, la danse et la vie des paysans,
ce dernier emprunt d’un certain « romantisme agraire » proche de celui des photographies des frères Hofmeister*. Koppitz
disparaît en 1936 alors qu’une exposition
Land und Leute présente à Vienne 500 de
ses oeuvres sur ce thème.
S.M.
KOSUTH Joseph
ar tiste américain
(Toledo 1945)
Kosuth est étudiant à la School of Visual
Art lorsqu’il cherche un art* conceptuel
sans objet ni esthétique. En 1965, pour
rendre ses préinvestigations visibles et non
pas visuelles, il juxtapose une chaise, la
photographie noir et blanc de cette chaise
agrandie à l’échelle réelle et sa définition tirée du dictionnaire (One and Three
Chairs). Une stricte équivalence égalise ces
trois éléments qui ne représentent qu’une
seule et même idée. Le degré zéro de la
photo correspond à la neutralité de l’objet
choisi et à la qualité abstraite de la définition. Dans ce système, l’évidence tautologique se situe en-deçà de la matérialité des
objets. Au cours de la même année, Kosuth répète la même présentation à travers
divers objets. Constatant que l’on prend
ses agrandissements photographiques
pour des tableaux, il cesse de l’utiliser. Il
répète la même idée tout au long de son
travail : la structure linguistique détermine
l’art dans sa nature générale. Il modifie par
la suite ses champs d’investigation avec
les journaux, les panneaux d’affichage, la
télévision.
P.O.
KOUDELKA Josef
photographe français d’origine tchèque
(Boskovice, Moravie, 1938)
Après des études d’ingénieur à l’université
de Prague (1956-1961), Koudelka commence à se consacrer à la photographie en
travaillant pour le magazine de théâtre Diradlo. Sa première publication personnelle
est préfacée par Anna Favora. Dès 1961, il
entreprend de photographier les gitans en
Tchécoslovaquie. Lors de l’invasion soviétique de Prague en 1968, il réalise un reportage pour lequel il reçoit anonymement
la médaille d’or du Robert Capa Overseas
Press Club. Il quitte définitivement la
Tchécoslovaquie pour s’installer, en 1970,
en Grande-Bretagne puis à Paris. Il entre
à l’agence Magnum* en 1971. Le musée
d’Art moderne de New York lui consacre
une exposition personnelle en 1975, et
ses photographies sont publiées la même
année par Robert Delpire (les Gitans : la
fin d’un voyage).
Il mène, en effet, autour des gitans une entreprise exclusive dans différents pays européens. Il la poursuit encore aujourd’hui
comme l’élément central de son oeuvre,
en rompant avec une conception ethnologique ou sociologique du reportage pour
rejoindre une forme de représentation,
à la fois théâtrale et introspective, où les
actions s’enchevêtrent, sans communiquer
entre elles, dans le rituel du voyage, des
traditions et des fêtes.
L’archaïsme des visages, les signes de l’exil,
l’accentuation des contrastes du noir et du
blanc expriment le sentiment d’un monde
habité par la mélancolie. Une importante
exposition a été consacrée à Koudelka par
la Hayward Gallery de Londres (1984) puis
par le Centre national de la photographie
de Paris (1988).
Il a collaboré à la commande lancée par
la Datar sur le paysage urbain et rural en
downloadModeText.vue.download 315 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
315
France. Au cours de son évolution récente,
il a réalisé des panoramas tandis que sa
conception du reportage continue à s’organiser avec rigueur autour de l’exil et du
nomadisme.
F.D.
KOULEBIAKINE Nikolaï
photographe russe
(Friazino 1959)
Né dans la région de Moscou, il suit les
cours d’un établissement technique de
photographie dont il obtient un diplôme
en 1981. Il s’oriente vers une carrière professionnelle et, de 1984 à 1986, participe
à trois grandes expositions à Moscou, y
recevant deux médailles de bronze. Il appartient au Garkom (Comité de ville des
artistes graphistes) à partir de mai 1988. Sa
première exposition personnelle à Moscou
(1988) présente des natures mortes dans la
lignée des oeuvres de J. Sudek*. Il travaille
avec des appareils de fabrication occidentale, en petit et moyen format. Il marque
sa préférence pour les portraits qu’il réalise de ses amis artistes moscovites ; il
en montre une collection au Mois de la
photo 1992, au Grand Écran à Paris, dans
le cadre de l’exposition Expériences photographiques russes, images aux magnifiques
jeux d’ombre et de lumière, de vérité et de
virtualité poétique. Koulebiakine expose
régulièrement depuis 1988 dans de nombreux pays.
V.E.
KRANZ Kurt
ar tiste allemand
(Emmerich 1910)
Après un apprentissage comme litho-
graphe, Kranz entre au Bauhaus* en 1930
et suit les cours de Wassily Kandinsky et
de Paul Klee (département peinture), de
W. Peterhans* (département photographie) et de Joost Schmidt (département
publicité). De 1932 à 1938, il collabore
avec H. Bayer* pour de nombreux travaux
publicitaires ou typographiques, des pages
de titre et des montages photographiques.
De tendance surréaliste, les photomontages
de Kranz révèlent un univers utopique et
sont en même temps influencés par les
idées puristes du Bauhaus. Les images qu’il
utilise sont des photographies découpées
dans des illustrés. Sorties de leur contexte,
elles s’ordonnent dans la page blanche, isolées en une scène large et libérées de toute
pesanteur. Les titres que Kranz donne à ses
réalisations en sont d’ailleurs révélateurs :
Séparation nette (1930), Isolement (1931),
Absence de pesanteur (1932).
F.H.
KRAUSE George
photographe américain
(Philadelphie 1937)
Krause suit une formation de peintre et
de graveur au Philadelphia College of Art,
puis travaille comme photographe publicitaire pour divers journaux, dont Harper’s
Bazaar* et Horizon. Dans les années 1970,
il abandonne ce travail pour se consacrer
à ses recherches et enseigner la photographie – il est professeur au département
d’art de l’université de Houston depuis
1975. En 1976, il est le premier photographe à recevoir le prix de Rome. Son travail se caractérise par l’exploration de fantasmes au travers d’images qui paraissent
surnaturelles. Il est fasciné par le rapport
de la vie et de la mort et leurs médiums,
telles la passion et la compassion.
Parmi ses séries, les plus renommées sont
Qui Riposta, photographies de pierres
tombales dans les cimetières italiens aux
États-Unis, et Saints and Martyrs, clichés de sculptures religieuses italiennes
downloadModeText.vue.download 316 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
316
et mexicaines (v. 1964). Il a également
fait des scènes de rues, des paysages et
des portraits, ainsi que des études de nus
originaux qui explorent le champ du fantasme érotique (v. 1970). Krause est représenté dans de nombreuses collections,
notamment à Rochester (George Eastman
House), à Boston (M.F.A.) et à Paris (B.N.).
M.C.
KRAUSS Rosalind
historienne américaine
(États-Unis)
Professeur à l’université de Columbia de
New York, Krauss est historienne et critique d’art moderne. Rompue à la tradition
du formalisme américain, elle s’en dégagea
– sans jamais en renier les acquis critiques
– pour fonder en 1976 la revue October,
rapidement devenue l’organe d’un dialogue
transatlantique.
Venue de la critique des arts plastiques,
elle aborde la photographie par le biais
d’une série d’articles (rassemblés et traduits en français dans le Photographique,
éd. Macula) dans lesquels elle s’oppose à
la pratique courante consistant à penser
la photographie à partir des critères historiques et taxinomiques issus de la peinture. Comprendre E. Atget* suppose en
effet d’abord de reconnaître que l’univers
de la photographie est celui de l’archive et
non celui du musée.
Deuxième moment logique : la constitution de la photographie en tant que champ
spécifique. La réfutation de la catégorie
fluctuante de style par l’intervention de la
notion d’écriture permet un redécoupage
stratégique et fonctionnel de la production
photographique de ce siècle, la Nouvelle*
Objectivité du Bauhaus* et la « beauté
convulsive » du surréalisme* prenant désormais sens l’une par rapport à l’autre.
Le troisième moment logique, sans doute
le plus important, permet un retour critique sur certains mouvements de ce siècle
dont l’analyse picturale s’était révélée stérile, par exemple le surréalisme : la photographie devenue modèle théorique et grille
de lecture s’abolit en tant que domaine
empirique.
A.R.
KRAVTCHOUK Vassili
photographe russe
(1956)
Né dans la région de Moscou, Kravtchouk
suit dans la capitale, dès l’âge de 18 ans, une
formation supérieure d’éducateur culturel
à l’Institut d’État de la culture. En 1980,
après son service militaire, il entre comme
employé à l’Institut de recherche scientifique puis, en 1983, à la Maison centrale
du peintre. Alors photographe, il se spécialise, pour gagner sa vie, dans la reproduction d’oeuvres pour les éditions du Peintre
soviétique. Il fait partie depuis 1984 du
Garkom (Comité de ville des artistes graphistes). Il voyage au Daghestan en 1985
et réalise un véritable journal de bord,
chronique de ses déplacements. Passionné
par le reportage social, il s’engage totalement dans la photographie et revendique
son statut d’indépendant. Tout comme
d’autres photographes, par exemple son
ami Lev Melihov, il puise son inspiration
dans la vie des communautés : petites
villes, zones rurales, associations civiles
et religieuses. Ces différents cercles d’artistes sont animés d’un grand dynamisme
et jouent un rôle de pivot en générant un
dialogue nouveau avec le spectateur. Les
images de Kravtchouk sont retravaillées
avec des pigments et sont assemblées en
grands formats.
V.E.
downloadModeText.vue.download 317 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
317
KRIMS Les (Leslie Robert, dit)
photographe américain
(New York 1943)
Tout en étudiant la peinture et la gravure
à New York (1960-1967), il commence
à faire des photographies. Il expose dès
1966 et devient en 1969 professeur à la
State University à Buffalo, où il vit depuis.
Précurseur avec D. Michals* de la photographie mise* en scène, il joue sur la dérision, représentant, à partir de croquis,
les stéréotypes de la société américaine,
osant toutes les outrances. Il s’attaque aux
tabous de la religion et du sexe, à la société
de consommation et aux loisirs populaires,
comme dans cette photographie de 1969,
en noir et blanc, où une jeune femme nue
pose, le visage recouvert d’un masque de
Mickey Mouse, devant une grande croix
formée par d’autres têtes de Mickey, en
ballons gonflables. Il réalise en 1971-1972
deux séries documentaires satiriques : The
Little People of America, sur des rassemblements de nains, et The Deerslayers, sur
les chasseurs de daims, puis revient à la
mise en scène avec The Incredible Case of
the Stack O’Wheat Murders, reconstitution imaginaire de meurtres. Dans Chicken
Soup, il photographie sa mère nue. Puis,
en 1975, il crée les Fictcryptokrimsographs, Polaroids retravaillés pendant leur
séchage. Après la série Seven Miracles
(1976), ses photographies sont de plus en
plus élaborées et baroques ; une prolifération d’objets et d’images envahissent une
pièce au décor surchargé, comme dans
ses 24 Idiosyncratic Pictures de 19791980, prises à la chambre grand format,
où des êtres souvent nus – dont parfois
lui-même – sont figés dans une activité
incompréhensible. Ses images récentes,
qui parodient le reportage, plus ouvertement politiques mais d’interprétation
ambiguë, sont accompagnées de courts
textes contradictoires. Krims a participé à
de très nombreuses expositions, aux ÉtatsUnis comme à l’étranger, et ses images
figurent dans les collections de la plupart
des musées.
Ch.B.
KRIZ Vilem
photographe américain d’origine tchèque
(Prague 1921)
De Prague à Paris, de Paris aux ÉtatsUnis, Kriz donne vie aux objets inanimés
en approchant l’étrange, le fantastique de
leur présence ou de leur juxtaposition. Par
cette démarche, il est l’un des maîtres de
la photographie surréaliste. C’est à Prague,
très jeune, aux côtés de J. Funke*, de Josef Ehm et F. Drtikol* qu’il commence ses
expériences photographiques. En 1946, il
vient à Paris, y côtoie le milieu artistique
et se lie d’amitié avec Cocteau. Il photographie la rue, les monuments, comme
les Gargouilles de Notre-Dame (1949).
En 1952, il s’installe aux États-Unis, à
New York puis à Berkeley, en Californie,
et devient citoyen américain en 1958. De
1960 à 1964, il travaille au département
de photographie du Museum of Modern
Art de New York puis, à partir de 1964,
enseigne la photographie. Il publie Sirague
City (1975), Seance (1979). Il importe sur
le continent américain l’inquiétude et
l’esprit de recherche des artistes tchèques
d’avant-guerre comme des surréalistes
français. Dans ses compositions, comme
OEil au fond d’une boîte de sardines (1970),
Kriz montre les choses à la fois dans leur
matérialité brute et dans leur rêve secret.
Les tirages, parfois solarisés, prennent des
tonalités chaudes, jaune-brun ou gris-vert.
Les objets sont souvent décrépits. Leur
juxtaposition insolite accentue leur mystère. Ces images sont hantées par la vie. Il
est représenté à Paris, dans les collections
downloadModeText.vue.download 318 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
318
de la Bibliothèque nationale, et aux ÉtatsUnis, dans de nombreux musées.
M.M.
KRONE Hermann
photographe allemand
(Breslau 1827 - Laubegast 1916)
Krone est issu d’une très ancienne famille
d’imprimeurs ; son père est l’un des tout
premiers utilisateurs de la technique de la
lithographie en Allemagne, procédé qu’il
enseigne à son fils. À 16 ans, en 1842, Hermann acquiert son premier appareil photographique après s’être vivement intéressé à la découverte de L.J.M. Daguerre*.
L’année suivante, il réalise ses premières
photographies, des calotypes*. Cinq ans
plus tard, il réussit avec la daguerréotypie*
des vues prises au microscope, mais aussi
une image d’étoile filante.
De 1848 à 1850, il travaille à l’observatoire de Breslau. Photographe, mais aussi
scientifique, il essaie toute sa vie de perfectionner les procédés et de résoudre le
problème de la photographie des couleurs
en utilisant le procédé mis au point par
Lippmann.
En 1852, Krone ouvre un studio à Dresde
en même temps qu’une école de portrait
photographique et, l’année suivante, il
voyage en Suisse pour réaliser un album
photographique. Il aborde tous les champs
de la photographie, de la microphotographie à la photographie au télescope en
passant par la stéréo, mais aussi la photographie de paysage, le nu, les scènes de
genre et, bien sûr, le portrait. Fondateur
de l’Union des photographes de Dresde,
du journal Hélios, il est aussi enseignant au
polytechnickum de Dresde. Tout au long
de sa carrière, il participe à de nombreuses
expéditions astronomiques. Photographe
prolifique et scientifique reconnu, il est
nommé docteur honoris causa et conseiller à la cour. Il s’éteint le 27 septembre
1916 à Laubegast, près de Dresde.
S.M.
KRUGER Barbara
artiste américaine
(Newark, New Jersey, 1945)
Elle reçoit une formation de graphiste,
profession qu’elle exerce au début des
années 1970. Parallèlement, elle crée des
photomontages*, alliant textes et photographies dans l’héritage de la photo de
propagande* allemande et soviétique des
années 1920. Ses formats sont monumentaux et exploitent exclusivement le noir
et blanc. Kruger se livre à la déconstruction systématique du langage publicitaire.
Son oeuvre traite du rapport entre image
et pouvoir. Le texte et l’image créent des
jeux d’association d’idées qui trouvent
écho dans l’inconscient du spectateur. Sa
démarche se place sous le signe de l’interactivité avec le spectateur, auquel le message s’adresse toujours sur le mode autoritaire de l’interjection, de l’interpellation
et de l’avertissement. L’une des premières
interventions publiques de l’artiste date de
1983, lorsqu’elle place à Times Square, à
New York, cette annonce : « Je n’essaie pas
de vous vendre quelque chose. »
Bien que Kruger s’approprie les codes des
médias, son message opère toujours une
prise de conscience de leur pouvoir de
manipulation. Parallèlement, son oeuvre
témoigne d’une véritable culture visuelle
et iconographique qui trouve ses sources
dans l’histoire des arts occidentaux, de la
peinture religieuse du Moyen Âge au cinéma de ce siècle. Kruger expose ses oeuvres
photographiques depuis 1973. Elle participe en 1982 à la Biennale de Venise ainsi
qu’à la Documenta de Kassel. Sa première
exposition personnelle a lieu en France en
1983 (galerie Chantal Crousel, Paris). En
downloadModeText.vue.download 319 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
319
1984, son travail a été présenté au Nouveau Musée de Villeurbanne et, en 1989,
au château de Rivoli.
S.C.
KRULL Germaine
photographe allemande
(Wilda-Poznan, Pologne, 1897 - 1985)
Sa carrière de photographe débute par
l’ouverture de studios de portraits à Munich et à Berlin, et par la publication d’un
livre sur le nu, mais commence réellement
à son arrivée à Paris, en 1924 (après un
séjour en Hollande en 1921-1924). Elle est
alors l’un de ces nombreux photographes
immigrés venus de l’Est, fréquente le
milieu cinématographique par l’intermédiaire de son mari, Joris Ivens, et participe
à l’embellie des médias illustrés en publiant
en grand nombre des photographies dans
des magazines aussi variés que Vu*, Voilà,
Détective, Jazz, la France à table, Variété,
Die Dame, ou dans des livres de photographie, et en faisant des publicités. Son livre
Métal, en 1927, la place aussitôt parmi
les photographes d’avant-garde liés aux
courants artistiques : c’est avec ses vues
en plongée ou en contre-plongée, décentrées, de construction massive et contrastée, aux sujets récurrents peu identifiables,
consacrées à des architectures métalliques modernistes, que Krull peut apparaître comme le principal représentant en
France de la Nouvelle Vision allemande
(celle de L. Moholy-Nagy*, propagée par le
Bauhaus*) : « L’acier transforme nos paysages. Des forêts de pylônes remplacent
des arbres séculaires. Les hauts-fourneaux
se substituent aux collines » (Florent Fels,
préface de Métal). Ses photographies du
pont transbordeur de Marseille, qui apparaissent dans le livre Marseille (1935), ne
font qu’accentuer cette tendance stylistique, ainsi que 100 x Paris (1929), où elle
se livre toutefois à un état des lieux plus
social (les métiers, les marchés, les magasins). L’esthétique fétichiste de l’industrie
et des chantiers, l’apologie de la ville, caractéristiques d’une épopée progressiste
des années 1920, font place autour de 1930
(comme chez les autres photographes de
l’époque) à une plus grande attention portée aux événements, aux visions fortuites,
à l’atmosphère des lieux, en acceptant au
besoin les clichés flous (la Route Paris-Mé-
diterranée, 1931 ; le Valois, 1930). Pendant
les années 1930, elle s’installe dans le Midi
et voyage en Europe, discrète militante de
gauche, amie de Malraux ; elle s’engage
en 1940 dans la Résistance (comme photographe de la France libre) et, après la
guerre, s’installe à Bangkok, puis en Inde,
où elle continue à photographier. Elle
reviendra mourir en Allemagne en 1985,
sans avoir vraiment reçu la consécration
que lui déniait la perte de ses négatifs
anciens et la dispersion de sa production
(malgré deux expositions rétrospectives,
à Paris en 1967, à Bonn en 1977). Elle est
représentée à Paris dans les collections de
la Bibliothèque nationale et du M.N.A.M.
M.F.
KÜHN Heinrich
photographe autrichien
(Dresde 1866 - Birgitz 1944)
Né en Allemagne, Kühn fait ses études de
médecine à Berlin puis à Innsbruck. Après
avoir soutenu sa thèse, il décide de s’installer dans cette région et se consacre à la
photographie à partir de 1888. Son aisance
financière lui permet d’employer toute son
activité et son énergie à l’étude de la restitution de la vision.
À Innsbruck, il se fait construire une
somptueuse maison, sur le fronton de
laquelle est gravé : « Vive le soleil, vive la
lumière. » Avec H. Watzek* et H. HennedownloadModeText.vue.download 320 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
320
berg*, tous membres du Wiener* Camera Club, il fonde la Feuille de trèfle qui
devient un lieu d’initiation et un creuset
de l’école pictorialiste de Vienne. Kühn
trouve son support technique d’expression
en utilisant la gomme bichromatée*. Les
possibilités d’interprétation du procédé,
qu’il utilise avec une remarquable maîtrise,
lui permettent de réaliser de nombreux
portraits et natures mortes d’une grande
vigueur ; il les présente dans la plupart
des Salons photographiques entre 1895
et 1920. Outre le procédé à la gomme et
à l’huile, il utilise l’autochrome* dès son
apparition, en 1907. Après des revers de
fortune consécutifs à la crise de 1929, il est
obligé de vendre sa maison et de s’installer
dans un village proche : Birgitz. Pour vivre,
il devient journaliste au Photographische
Rundschau und Mitteilungen.
Artiste, mais aussi théoricien du mouvement pictorialiste*, cet ami intime de
A. Stieglitz* laisse de nombreux articles,
dont certains ont été source de polémique
avec C. Puyo*.
S.M.
KUWABARA Kineo
photographe japonais
(Tokyo 1913)
Influencé par H. Hamaya*, photographe
et ami d’enfance, Kuwabara commence
la photographie en autodidacte et saisit
depuis 1934 au Leica les scènes de la vie
quotidienne des quartiers populaires de
Tokyo. Il réalise, toujours en amateur,
20 000 clichés jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, il
dirige, en tant que rédacteur en chef, plusieurs magazines de photographie comme
Camera, Shashin-Eizoh (l’Image photographique), etc. Parallèlement, il mène son
activité critique en publiant de nombreux
articles et continue à photographier la ville
de Tokyo, alors en pleine mutation.
Le travail photographique de Kuwabara
est redécouvert par un jeune photographe,
N. Araki*, et révélé au public en 1973 par
l’exposition Tokyo 1930-1940 au Ginza
Nikon Salon de Tokyo. L’année suivante,
Kuwabara publie son premier livre, Tokyo
1936 (Shobunsha, Tokyo), qui connaît un
grand retentissement. Ses images sereines
et presque banales traduisent subtilement
l’atmosphère, à la fois intime et chaotique,
du Tokyo de l’époque. Depuis lors, il publie
régulièrement ses photographies dans des
recueils comme Tokyo-Sengo (Tokyo, après
guerre), Tokyo-Rekijitsu (les Journées à
Tokyo), Gogo-no-Bisho (le Sourire d’aprèsmidi) en tant que témoin-observateur de
cette ville. L’oeuvre de Kuwabara est présentée à Paris en 1986 dans l’exposition
Japon des Avant-Gardes (1910-1970) au
M.N.A.M. En 1993, sa première rétrospective (avec N. Araki) a lieu au Setagaya Art
Museum de Tokyo.
T.O.
downloadModeText.vue.download 321 sur 634
downloadModeText.vue.download 322 sur 634
322
L
LAFONT Suzanne
photographe française
(Nîmes 1949)
De formation littéraire et philosophique,
Lafont réalise en 1984 des photographies
de paysages et de ruines industrielles. Elle
aborde, par la suite, la figure humaine,
cherchant à traiter les personnages en dehors de tout naturalisme, de tout réalisme.
Sa photographie participe d’une théorie
spéculative de l’image, empruntée aux
sophistes grecs, dont la pensée repose sur
le paradoxe. L’image n’est jamais une mais
diversifiée, et se constitue dans la mobilité
et le mouvement, en référence au cinéma
de Dreyer, Jean-Luc Godard, Bresson,
Straub et Huillet. Elle est également une
réflexion sur la symbolique de la gestuelle,
des attitudes et des comportements. La
notion de présence entre théâtralité, abstraction et réalisme est particulièrement
traitée dans la représentation du visage
que l’artiste considère comme « un lieu
contradictoire et ambigu entre l’attitude
et l’Être ». Ces questions sont synthétisées
dans une série de photographies de grands
formats, datées de 1992 : le Bruit ; l’Argent ;
la Chute ; les Souffleurs ; le Choeur des grimaces. L’espace photographique, comme la
scène du théâtre grec tel que Nietzsche le
conçoit dans la Naissance de la tragédie,
est le lieu de la dynamique des énergies
vitales et contradictoires.
Lafont a participé depuis 1986 à différentes
expositions de groupe : Paris, C.N.A.P.,
1989 (Une autre objectivité) ; Prato, Centro per l’arte contemporanea Luigi Pecci,
1990 ; Kassel, Dokumenta, 1992. Sa première exposition personnelle a été organisée par le Centre de la Vieille-Charité, à
Marseille, en 1989. La galerie nationale du
Jeu de paume a exposé son travail en 1991.
S.C.
LAGUARDE Céline
photographe française
(active de 1901 à 1914)
Originaire du Pays basque et installée à
Aix-en-Provence, Laguarde est une figure
marquante de la seconde génération du
downloadModeText.vue.download 323 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
323
pictorialisme* français après 1900. Élue
membre correspondant du Photo-Club*
de Paris en 1902, elle appartient de droit
au corpus des femmes photographes
engagées dans l’aventure pictorialiste, au
même titre que ses consoeurs parisiennes
Mme Huguet ou Mme Binder-Mestro. Attirée par les techniques d’intervention sur
le tirage, et principalement par le procédé
à la gomme bichromatée*, Laguarde est
considérée, grâce à la maîtrise dont elle fait
preuve en ce domaine, comme un équivalent féminin du célèbre R. Demachy*. La
critique lui est toujours favorable, que ce
soit lors de ses participations régulières
aux Salons du Photo-Club de Paris ou
lors des expositions à l’étranger. Le PhotoClub de Nice, comme la Société photographique de Marseille lui font une place de
choix lors de leurs expositions annuelles,
et Laguarde jouit en 1911 d’une grande
exposition personnelle au Casino de Nice.
Par ailleurs, ses images connaissent une
publicité extraordinaire dans les revues
photographiques. Son oeuvre se divise en
deux périodes distinctes : jusqu’en 1909, la
critique reconnaît en elle une iconographe
mystique ouverte aux influences symbolistes, alors qu’elle se consacre ensuite aux
portraits, comme par exemple celui d’une
Mlle S. de M. (vers 1905, Paris, B.N.) et ceux
de nombreuses célébrités, tels Maurice
Ravel, Darius Milhaud, Francis Jammes,
Maurice Barrès, etc. Mariée en 1913, elle
s’installe l’année suivante à Paris, mais ne
réapparaît pas dans le monde photographique d’après-guerre.
M.P.
LAND ART ET
PHOTOGRAPHIE
Les artistes du land art, mouvement apparu aux États-Unis puis en Grande-Bretagne à la fin des années 1960 en réaction
au formalisme de la sculpture minimaliste, décident de sortir de l’espace de la
galerie pour intervenir directement dans
le milieu naturel. La photographie fournit alors un outil de documentation à des
interventions de plein air parfois difficiles
d’accès et souvent éphémères. Cette fonction documentaire n’épuise cependant
pas la nature complexe et multiple des
rapports qu’entretiennent les artistes du
land art avec le médium photographique.
Pour certains d’entre eux, comme Nancy
Holt, la photographie est un pis-aller qui
ne peut en aucun cas servir de substitut à
l’oeuvre mais seulement inciter le spectateur à aller lui-même découvrir l’oeuvre sur
place. Pour d’autres, comme Michael Heizer, connu pour ses gigantesques interventions dans les grands déserts américains
(Double Negative, 1969-1970, réalisé dans
le désert du Nevada), le cliché photographique est un aide-mémoire, voire parfois
un lieu de découverte de l’oeuvre à part
entière. C’est le cas notamment lorsqu’en
1968 il photographie des reconstitutions
de certaines de ses premières oeuvres disparues. Pour Heizer, la photo est aussi en
amont un outil d’élaboration de l’oeuvre
au même titre que les esquisses et dessins préparatoires. Elle est enfin, parfois,
une déclinaison possible de l’oeuvre, un
regard singulier sur une intervention in
situ, comme dans le cas des panoramas
photographiques que l’artiste américain
réalise à partir d’une séquence de clichés
prise en suspension sur un câble le long
des flans rocheux de son Double Negative.
Dans l’ensemble, les présentations photographiques d’oeuvres land art se retrouvent
en fait autour d’une même remise en cause
de l’espace perspectif construit par l’image.
R. Smithson*, l’un des principaux protagonistes de ce mouvement, nous le montre
clairement dans une oeuvre de 1968 intitulée A Nonsite, Franklin, New Jersey, où
downloadModeText.vue.download 324 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
324
il dispose au mur de la galerie une série de
photos aériennes installées sous la forme
d’un trapèze dont les bords convergent
vers un point de fuite invisible qui pourrait
correspondre au lieu où l’artiste a récolté
les pierres qu’il présente aussi dans l’espace
de la galerie. Entre support indiciel pour
une lecture diversifiée d’un lieu, outil d’interrogation sur notre propre perception et
oeuvre d’art en soi, la photographie est au
sein des recherches land art un médium de
prédilection pour travailler sur les limites
de notre champ visuel.
P.L.R.
LANDAU Ergy
photographe française d’origine hongroise
(Budapest 1896 - Paris 1967)
Landau débute en 1918 chez Franz Xaver Setzer, à Vienne, puis travaille chez
Rudolf Dührkoop, à Berlin, en 1919. La
même année, elle retourne en Hongrie
où elle ouvre son propre studio de portraits (elle photographie Thomas Mann
et L. Moholy-Nagy*). Ses clichés de style
pictorialiste* connaissent alors un grand
succès. Sous la pression du régime de
Horthy, elle part pour Paris en 1923. Impressionnée par les nouvelles techniques
industrielles, elle photographie des machines ou des objets à l’aide de son Rolleiflex. Caractéristique de la Nouvelle
Vision, la photographie de Landau est
dynamique et utilise le cadrage serré, les
contrastes de formes, d’ombre et de lumière – l’Arrosoir ; Chaise et ombre (avant
1928) en témoignent. Mais c’est dans la
photographie de nu qu’elle excelle. Elle
appréhende le corps comme s’il s’agissait
d’un objet (Femme se lavant ; Enfant nu
de dos dans un tub, avant 1928). Landau
participe à toutes les grandes expositions
de photographie (Film und Foto* à Stuttgart en 1929, Das Lichtbild à Munich en
1930), et publie régulièrement dans Arts
et Métiers graphiques, Art et Médecine
et Paris Magazine. Elle figure à l’exposition la Nouvelle Photographie en France
(Poitiers, 1986), et le musée Niépce de
Chalon-sur-Saône lui consacre une exposition en 1988.
E.E.
LANFRANCO Nanda
photographe italienne
(Gênes 1935)
Après l’exposition qui lui a été consacrée
par le musée de l’Élysée de Lausanne en
1992, le public qui fréquente les lieux
de la photographie l’a découverte, alors
que jusqu’à ce moment elle était connue
plutôt dans le milieu des plasticiens. Et
pourtant, Lanfranco travaille depuis plusieurs années de manière rigoureuse. Que
ce soit des natures mortes ou des sculptures, qu’elle repère dans le cimetière de
Staglieno de Gênes (endroit qui a suscité
l’intérêt de nombreux photographes), des
corps ou des portraits d’artistes, ses images
sont toujours « le défi suprême de l’obscurité » (C.H. Favrod), à la limite du visible.
En 1985, elle obtient le prix Florenzi pour
Des corps et Ils sont.
S.T.
LANGE Dorothea
photographe américaine
(Hoboken, New Jersey, 1895 - San Francisco 1965)
Décidant brusquement à l’âge de 18 ans
de devenir photographe, elle travaille
dans un studio, puis suit les cours de
C.H. White* à l’université de Columbia.
Inscrite au Camera Club de San Francisco, elle ouvre à 24 ans son propre studio, qu’elle gardera douze ans. En 1920,
downloadModeText.vue.download 325 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
325
elle épouse le peintre Maynard Dixon,
avec qui elle aura deux fils. Marquée par
la crise de 1929 et ses profondes répercussions, elle se consacre au reportage social,
photographiant les grévistes du port, les
manifestants du 1er mai 1933, les soupes
populaires : sa célèbre Soupe populaire
de l’Ange blanc, montrant un homme accoudé à une balustrade, les mains serrées,
une gamelle de métal vide devant lui,
transmet toute la détresse des victimes de
la Grande Dépression. Ses personnages,
toujours nobles, regardent rarement
l’objectif : le visage ou les yeux baissés, ils
sont concentrés sur eux-mêmes, pensifs
ou désespérés. En 1934, Lange rencontre
Paul Taylor, son second mari, et commence à travailler pour le gouvernement
sur les ouvriers agricoles migrants, puis, à
partir de 1935, dans le cadre de la Farm*
Security Administration. Elle privilégie
la relation humaine, réalisant des images
qui pourront émouvoir et accélérer ainsi
la résolution des problèmes sociaux :
Migrant Mother (Californie, 1936), image
d’une jeune mère entourée de trois de
ses enfants, devient l’« icône des années
1930 ». En 1939 paraît un recueil de ses
photographies de cette époque : An American Exodus : A Record of Human Erosion. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle photographie les camps où sont
internés les Américains d’origine japonaise (on n’autorise la diffusion de ces
images qu’en 1972), puis la naissance de
l’O.N.U. Malade, Lange interrompt son
travail quelques années, puis voyage avec
son mari en Europe, en Asie et en Amérique du Sud. Une grande rétrospective
de son oeuvre est préparée au M.O.M.A.
de New York, mais ne sera exposée qu’en
1966, après sa mort.
Ch.B.
LANGLOIS Jean-Charles
photographe français
(Beaumont-en-Auge 1789 - Paris 1870)
Polytechnicien et militaire de carrière,
Langlois est aussi peintre de panoramas à
partir des années 1830 : depuis le centre
d’un édifice circulaire, un spectateur découvre une ville ou un haut fait d’armes
peint sur tout le pourtour intérieur de la
construction. Avec huit projets aboutis
jusqu’en 1865, parmi lesquels la Bataille de
La Moskowa (1835) ou encore la Bataille
de Solférino (1865), il perpétue ce genre
de divertissement public, qui tombera en
désuétude avec l’apparition du cinéma, au
tournant du XIXe siècle.
Dès sa première réalisation sur la bataille
de Navarin de 1827, ouverte en 1831 à
Paris, Langlois intensifie l’illusion visuelle
en ajoutant des objets réels entre la représentation et les spectateurs. Avec la Prise
de Sébastopol, ouverte seulement en 1860,
il substitue à une part des relevés habituels
sur le terrain, inspirés des arts du dessin
et de la topographie, un enregistrement
photographique qui, en 14 épreuves accolées, rend compte du site choisi suivant
un angle de 360°. Avec des portraits des
personnages importants à faire figurer et
des informations sur les couleurs à restituer, les matériaux sont réunis pour
l’exécution finale du tableau historique à
Paris. Lorsqu’il part en mission officielle à
Sébastopol en octobre 1855, Langlois est
accompagné de L.-E. Méhédin* comme
assistant opérateur pour réaliser les prises
de vue qu’il choisit. Sur place, il apprend
cette nouvelle discipline et, jusqu’en mai
1856, ils bravent tous deux de nombreuses
difficultés techniques, dues notamment
à l’inadaptation des procédés aux conditions climatiques difficiles de cette région,
comme l’écrit Langlois à sa femme. Parmi
les premières photographies de guerre,
downloadModeText.vue.download 326 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
326
ces productions occultent le spectacle des
cadavres et des souffrances physiques et
permettent de mesurer l’importance de
la destination des images sur les options
techniques et esthétiques adoptées par les
photographes. De l’historique au pittoresque, elles se font documents de travail
ou représentations à vocation artistique, à
étudier froidement ou à contempler avec
émotion.
B.P.
LANGMAN Éléazar
photographe russe
(1895 - 1940)
En 1928 se forment en Union soviétique
des groupes de représentants des différentes orientations artistiques et créatrices
de la photographie. Langman, avec ses
amis B. Ignatovitch*, O. Ignatovitch* et
D. Debakov*, participe au premier groupe
Oktiabr, dont le leader est A. Rodtchenko*. Suivi par d’autres disciples, il engage
le combat contre les mises en scène et la
déformation de la réalité dans les photoreportages. L’influence de Rodtchenko
sur son travail résulte non seulement de
ses réalisations formelles mais aussi de
ses innovations quant au contenu social.
En réaction contre les procédés picturaux
du passé, de la photographie de salon,
Langman crée des images pour exprimer
à travers une nouvelle réalité les faits soviétiques majeurs. Un détail sobre en gros
plan, un cadrage osé dictent le choix de ses
compositions dynamiques. Sa volonté de
sortir du cadre des formes traditionnelles
va de pair avec le contenu novateur de
l’image. Ce point de vue sur la manière de
traiter le sujet le rapproche de ses amis de
Oktiabr. Son groupe ne tarde pas à engager une polémique avec les grands reporters photographes de journaux comme
M. Alpert* et A. Shaikhet*, qui s’associent
de leur côté au sein de l’Union des photographes prolétariens de Russie (R.O.P.F.).
En réalité, ils pratiquent tous la même mission sociale pour présenter au peuple les
succès de l’industrialisation, de la science
et de la nouvelle culture socialiste.
V.E.
LANTERNE MAGIQUE
Appareil au moyen duquel on projette, en
les amplifiant, sur une surface blanche,
des images reproduites sur un support
transparent.
La lanterne magique est un ancêtre, qui
connut une grande vogue, de l’appareil
de projection de diapositives. C’est de la
lanterne magique d’Athanasius Kircher
(1602-1680) que dérivèrent le Praxinoscope, ou « Théâtre optique », d’Émile Reynaud (1876), le cinéma lui-même, et aussi
la « Laterna magica » de Prague, qui est un
intéressant essai de spectacle intégré, combinant les projections de vues fixes ou de
décors, le cinéma et le jeu d’acteurs réels.
S.R.
LARRAIN Sergio
photographe chilien
(Santiago 1931)
Ses débuts en photographie coïncident
avec ses études à l’université de Berkeley
en Californie dans le département eaux et
forêts. Étudiant ensuite à l’université de
Michigan à Ann Arbor, il parcourt, dans le
même temps, l’Europe et le Moyen-Orient.
De retour au Chili en 1954, il devient photographe indépendant. Employé par le magazine brésilien O Cruzeiro en 1953, il part
vivre quelque temps à Londres grâce à une
bourse du British Council. Membre associé de l’agence Magnum* l’année de son arrivée à Paris (1959), il en devient membre à
part entière en 1961, à son retour au Chili.
downloadModeText.vue.download 327 sur 634
Dictionnaire mondial de la Photographie
327
Passionné par la discipline du yoga, qu’il
apprend avec Oscar Ichazo de 1968 à 1970,
il démissionne de l’agence Magnum pour
devenir simple collaborateur. De nombreux livres témoignent de son travail,
comme El rectangulo en la mano (1963),
La casa en la arena (avec Pablo Neruda ;
1966), Chili (1968), Valparaíso (1991). Une
grande exposition (Masters of Street Photography) à San Diego ainsi que On the Line,
the New Color Photojournalism au Laguna
Art Museum et au Walker Art Center de
Minneapolis permettent en 1987 de voir
une sélection importante des images qu’il
prend régulièrement dans les rues des
villes, au Chili ou dans les pays qu’il visite.
Personnages énigmatiques, silhouettes
fugitives d’enfants, le dédale des rues inondées de soleil, les citadins en marche sont
les sujets de sa recherche en couleur. Un de
ses reportages significatifs publié au Chili
s’intitule Images d’un après-midi d’été dans
le Nord. Larrain a également réalisé un
film 16 mm couleur de 8 minutes, Vagabond Children.
V.E.
LARSEN Gunnar
photographe danois
(Copenhague 1930 - Paris 1990)
Après des études classiques, il s’initie dès
1946 à la photographie. Lors de son service militaire, dans les années 1951-1952,
il affine sa technique de prise de vue et de
laboratoire, et acquiert son premier Rolleiflex. L’année suivante, il voyage en Europe
et photographie Hambourg, Paris, Vienne.
Photographe de presse à partir de 1956, il
est publié dans de nombreux journaux et
magazines Scandinaves. Dès 1956, il commence à travailler pour la mode. Il s’installe à Paris en 1960 et photographie Bardot, Cardin, Deneuve, 

Documents pareils