Dictionnaire mondial de la photographie
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Dictionnaire mondial de la photographie
Cet ouvrage est paru à l’origine sa numérisation édition a été réalisée numérique les Éditions Larousse a été aux Éditions avec Larousse le soutien spécialement du CNL. Cette recomposée par dans le cadre d’une collaboration pour la bibliothèque numérique en 1996 ; Gallica. avec la BnF *Titre : *Dictionnaire mondial de la photographie / Larousse *Auteur : *Larousse *Éditeur : *Larousse (Paris) *Date d'édition : *2001 *Sujet : *Photographes -- Biographies -- Dictionnaires *Sujet : *Photographie -- Dictionnaires *Type : *monographie imprimée *Langue : * Français *Format : *766 p. : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul. ; 29 cm *Format : *application/pdf *Droits : *domaine public *Identifiant : * ark:/12148/bpt6k1200506v </ark:/12148/bpt6k1200506v> *Identifiant : *ISBN 2035052823 *Source : *Larousse, 2012-129523 *Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb377073095 *Provenance : *bnf.fr Le texte affiché comporte un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance obtenu pour ce document est de 100 %. downloadModeText.vue.download 1 sur 634 Cet ouvrage est paru à l’origine aux Éditions Larousse en 1996 ; sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL. Cette édition numérique a été spécialement recomposée par les Éditions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la BnF pour la bibliothèque numérique Gallica. downloadModeText.vue.download 2 sur 634 downloadModeText.vue.download 3 sur 634 downloadModeText.vue.download 4 sur 634 OUVRAGE PUBLIÉ AVEC LE CONCOURS DU CENTRE NATIONAL DU LIVRE CONCEPTION JEAN-PHILIPPE BREUILLE ÉDITION MICHEL GUILLEMOT avec la collaboration pour la partie technique de PIERRE CHIESA INDEX MATHILDE RUBINSTEIN DIRECTION ARTISTIQUE FRÉDÉRIQUE LONGUÉPÉE MISE EN PAGE VÉRONIQUE KEMPF ICONOGRAPHIE VIVIANE SEROUSSI LECTURE-CORRECTION SERVICE DE LECTURE-CORRECTION LAROUSSE FABRICATION JANINE MILLE © Larousse, 1996 pour la première édition © Larousse/VUEF, 2001 pour la présente impression Toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, du texte et/ou de la nomenclature contenus dans le présent ouvrage et qui sont la propriété de l’Éditeur, est strictement interdite. Distributeur exclusif au Canada : Messageries ADP, 1751 Richardson, Montréal (Québec). ISSN !!!!-!!!! ISBN !-!!-!!!!!!-! downloadModeText.vue.download 5 sur 634 5 En faisant paraître, pour la première fois en France, un Dictionnaire mondial de la photographie des origines à nos jours, nous avons pris le parti de considérer la photographie comme une discipline à part entière, ayant ses règles propres, à l’égal de la peinture, du cinéma ou de la littérature. Ce parti pris n’est pas foncièrement original. C’est celui qui s’est imposé ces dernières années. Mais cette reconnaissance est encore récente, et si, dès sa divulgation, l’invention de Niépce et de Daguerre connut un grand succès puis, en un temps relativement court, fut vouée à une immense vulgarisation (on se souviendra du célèbre slogan de la firme Kodak : You press the bouton, and we do the rest), elle a cependant été longtemps tenue pour secondaire et, malgré – ou peut-être à cause de – ses grandes qualités documentaires, évaluée à une valeur bien moindre que d’autres moyens de représentation tels que le dessin, la gravure ou la peinture (Baudelaire la qualifia de « servante de la peinture »). Situation de la photographie aujourd’hui Aujourd’hui, les choses en vont tout autrement. La photographie figure dans les musées auprès de la peinture. Quantité d’expositions lui sont dédiées dans les « hauts lieux » de la culture et son histoire est enseignée dans les universités. Elle fait l’objet de très nombreuses (et souvent très luxueuses) publications. Les photographes ont obtenu le droit de signer leurs photos et ne sont plus cantonnés dans l’anonymat par les agences. Enfin, des festivals sont organisés à travers le monde entier, à commencer par la France qui donna l’exemple avec ses célèbres « Rencontres d’Arles », son « Mois de la Photo » et ses « Photofolies ». Le statut de la photographie La raison pour laquelle cette reconnaissance de la photographie fut si tardive est certainement à chercher dans sa nature même. On s’est beaucoup interrogé sur son statut : Arago, le premier, en 1839, dans son discours de présentation du daguerréotype devant l’Institut, évoque ses liens avec l’art et la science. Attestation scientifique, enregistrement du réel, preuve juridique, elle est en même temps pure illusion lumineuse et regard subjectif. C’est là, semble-t-il, sa nature, d’être aussi bien et tout à la fois l’enregistrement d’un instant passé et l’illusion de la restitution – impossible – de cet instant (comme l’écrivait Roland Barthes dans la Chambre claire à propos de la photographie d’un condamné à mort prise juste avant l’exécution : « Il est mort et il va mourir »). Mais tout autant que ce pouvoir « magique » pour l’esprit, c’est la diversité de ses utilisations qui déconcerte, ainsi que son extraordinaire capacité à intégrer aussi bien l’art, la science ou la technologie que la réalité quotidienne. En effet, quel rapport établir entre l’humanisme de Doisneau ou de Kertész, les études downloadModeText.vue.download 6 sur 634 6 sur le mouvement de Marey ou de Muybridge et la photographie de mode d’Avedon, de Newton ou de Klein ? entre le pictorialisme de Demachy ou de Stieglitz, les recherches graphiques de Moholy-Nagy ou de Rodtchenko et l’anthropométrie de Bertillon ou le Photomaton ? entre le surréalisme d’Alvarez Bravo ou de Man Ray, la photographie astronomique des frères Henry et les portraits de Nadar, de Cameron ou de Sander ? entre l’engagement social et politique de W. Evans ou de Lange, les images intimes de Lartigue, de Hugo ou de Lewis Carroll et les photographies prises par des satellites ? entre le photojournalisme de Cartier-Bresson, de Salgado, de Depardon, les mises en scène de Bayard, de Clérambault, d’Ouka Lele ou de Sherman et la photo de famille ? C’est ce que chacun pourra chercher à découvrir, en utilisant ce Dictionnaire mondial de la photographie. Avec ses 1 200 entrées et ses 450 illustrations, il offre un point de vue incomparable sur les mille visages de la photographie. Sans prétendre être exhaustif (des milliers de photographes travaillent aujourd’hui et 20 000 entrées n’auraient pas suffi), il est très largement représentatif de toutes les tendances esthétiques, scientifiques ou documentaires et de tous les aspects techniques. Par sa générosité comme par sa facilité d’accès, par sa concision comme par son pouvoir de réconcilier les contraires et d’abolir toute hiérarchie, la forme du dictionnaire se prête particulièrement bien à la spécificité de la photographie. Plus accessible qu’une conventionnelle histoire qui semble encore difficile à écrire tant sa matière est vivante, le dictionnaire semble aussi être mieux à même de la saisir dans tous ses états et d’éclairer les enjeux de la création photographique contemporaine. Photographie et peinture Une place privilégiée a été faite dans cet ouvrage aux rapports particulièrement étroits entre la photographie et la peinture. Il ne faut pas oublier que la plupart des premiers grands pionniers du genre (Daguerre, Talbot, Baldus, Nègre...) étaient aussi des peintres. Influencée au départ par l’iconographie et le point de vue pictural, elle est devenue bien vite un très précieux outil d’étude et de documentation pour l’artiste. Mais nombre de ces derniers et non des moindres (Degas, Bonnard, Vuillard, Magritte, Brancusi...), se mirent à la pratiquer pour elle-même. Puis ce fut son tour d’influencer la peinture. Duchamp et les futuristes s’inspirèrent de la photographie scientifique, le pop’art, de la photographie de presse. Elle constitue même la seule attestation possible pour les courants artistiques qui se développèrent dans les années 1960 (land art, art conceptuel, art corporel). Plus récemment, la photographie couleur est devenue, pour de nombreux artistes, un moyen de réaccéder à une dimension picturale face à l’impasse dans laquelle se trouve la peinture. Les autres grands domaines de la photographie n’ont pas pour autant été oubliés. La part belle a évidemment été faite au photojournalisme, au reportage, à la photographie de mode, au portrait, au paysage, à la photographie scientifique ou documentaire... Composition du dictionnaire Ce dictionnaire n’a donc rien à voir avec les nombreux annuaires ou répertoires professionnels qui recensent les photographes actifs dans la mode ou la publicité. Son ambition est tout autre : il traite de la photographie selon une perspective downloadModeText.vue.download 7 sur 634 7 critique, historique, technique et thématique. Ses qualités critiques sont assurées à la fois par le nombre (plus de cinquante) et la diversité (conservateurs de musée ou de bibliothèque, universitaires, historiens de l’art, photographes) des auteurs, qui, par ailleurs, ont tous participé à l’élaboration de la nomenclature. Il est historique dans la mesure où il prend en compte aussi bien les premiers inventeurs de la photographie que les photographes les plus contemporains. Il est technique par la large place accordée au vocabulaire spécialisé, dans des domaines aussi différents que l’optique, la chimie, la mécanique ou l’électronique, et par ses notices consacrées aux grands procédés. Enfin, il est thématique à travers les nombreuses synthèses proposées sur les genres, les thèmes, les courants esthétiques et les structures professionnelles ou culturelles attachées à la photographie. Les notices Chaque notice consacrée a un photographe se présente comme une courte biographie. L’entrée est suivie d’indications de nationalité, des dates et des lieux de naissance et de décès. La nationalité est précédée d’une mention professionnelle (photographe, artiste, peintre, historien, savant, etc.). Dans un souci d’unité, cette mention est souvent le fait de l’éditeur. Elle n’établit aucune hiérarchie entre « photographe » et « artiste », par exemple, mais vient indiquer simplement la spécificité des supports et des techniques utilisés. Le texte s’efforce de respecter un ordre chronologique. Partant de la formation, il suit et analyse le développement des activités du photographe, en fournissant un certain nombre d’informations d’ordre documentaire, titres d’oeuvre, publications, collections et fonds. L’astérisque « * » placée après un nom ou un terme indique que ce mot fait l’objet d’une entrée spécifique dans l’ouvrage. Ce système multiplie les moyens de circulation et ouvre de nombreux chemins de lecture différents. L’illustration Une très large place a été faite à l’illustration et un très grand soin a été apporté au choix et à la qualité de reproduction des images. S’il n’a pas été possible d’illustrer tous les photographes, un choix très représentatif des époques, des pays, des tendances esthétiques et des genres rend compte de la richesse et de la diversité des pratiques. Pour la photographie couleur, nous avons choisi, pour des raisons tant historiques que pratiques, de la réunir à la fin du volume (pages 681 à 728), en un véritable album de photographies que le lecteur pourra aussi consulter pour son seul plaisir. Un renvoi (voir illustration p. 000) situé à la fin des notices concernées permet d’accéder directement aux illustrations en couleur. En fin de volume, une bibliographie sélective ordonnée selon les genres, les thèmes et les courants esthétiques, rappelle les principaux ouvrages de référence. Par ailleurs, un index recensant près de 4 000 noms (personnes, titres d’ouvrages ou de revues, agences) permet une recherche complémentaire en renvoyant aux articles où ils sont cités. downloadModeText.vue.download 8 sur 634 8 COLLABORATEURS L’éditeur remercie tous les collaborateurs qui ont participé à la rédaction et à l’élaboration de cet ouvrage, ainsi que Jean-François CHEVRIER, Françoise HEILBRUN, Philippe NÉAGU et Françoise SERRES pour leurs précieux conseils. Philippe ARBAIZAR (P.A.), conservateur à la Bibliothèque nationale de France. Sylvie AUBENAS (S.A.), archiviste paléographe ; diplômée de l’École pratique des hautes études ; conservateur chargé de la photographie ancienne au département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale. Roger BELLONE, journaliste. Caroline BENZARIA (C.B.), diplômée de recherche de l’École du Louvre ; diplômée d’études supérieures en histoire de l’art, université Paris-I (Paris-Sorbonne) ; chargée de documentation au fonds de photographie ancienne du musée d’Orsay. Marie BOREL (M.B.), diplômée d’études supérieures en histoire de l’art. Nathalie BOULOUCH (N.B.), docteur de l’université Paris-I (Paris-Sorbonne). Stéphanie de BRABANDER (S.B.), diplômée d’études supérieures en histoire de l’art, université Paris-IV (Paris-Sorbonne). Christine BUIGNET (Ch.B.), docteur en esthétique et science de l’art ; agrégée en arts plastiques ; enseignante à l’université de Toulouse-le-Mirail ; photographe plasticienne. Anne CARTIER-BRESSON (A.C.-B.), conservateur responsable de l’Atelier de restauration des photographies de la Ville de Paris. Nathalie CATTARUZZA (N.C.), diplômée d’études supérieures en histoire de l’art, université Paris-IV (Paris-Sorbonne). Marie CERCIELLO (M.C.), diplômée d’études supérieures en histoire de l’art. Martine CLÉMENT (M.J.M.C.), documentation du musée d’Orsay. Cécile CLERGUE (C.G.), diplômée de recherche de l’École du Louvre ; diplômée d’études supérieures en histoire de l’art, université Paris-IV (Paris-Sorbonne). Sylvie COUDERC (S.C.), chargée de mission, Amiens, musée de Picardie. Françoise DUCROS (F.D.), inspecteur à la création artistique (Délégation aux Arts plastiques) ; enseignant associé à l’université de Paris-IV (Paris-Sorbonne). Emmanuelle de L’ÉCOTAIS (E.E.), diplômée d’études supérieures en histoire de l’art de l’université Paris-IV (Paris-Sorbonne). Viviane ESDERS (V.E.), expert en photographie et art contemporain, Paris. Michel FRIZOT (M.F.), chargé de recherche au C.N.R.S. ; professeur à l’École du Louvre. Véronique GAUDRY (V.G.), diplômée d’études supérieures en arts plastiques de l’université Paris-VIII (Saint-Denis). Jean-Luc GUIRAL (J.-L.G.), diplômé d’études supérieures en histoire de l’art de l’université Rennes-II. Thomas Michael GUNTHER (T.M.G.), docteur en philosophie de l’université Paris-I (Paris-Sorbonne) ; ancien élève de l’École du Louvre ; maître de conférences à l’Institut d’études politiques, Paris. downloadModeText.vue.download 9 sur 634 9 André GUNTHERT (A.G.), chargé de cours à l’université Paris-VIII (Saint-Denis) ; secrétaire général de la Société française de photographie. France HEYDACKER (F.H.), diplômée d’études supérieures en histoire de l’art de l’université Paris-VIII (Saint-Denis). Franck HORVAT (F.Ho.), photographe. Christian KEMPF (C.K.), photographe. Philippe de LA COTARDIÈRE (P.L.C.), ancien président de la Société astronomique de France. Vincent LAVOIE (V.L.), diplômé d’études supérieures en histoire de l’art. Maurice LECOMTE (M.L.), iconographe au Centre national de la photographie, Paris. Serge LEMOINE (S.L.), professeur à l’université Paris-IV (Paris-Sorbonne) ; conservateur en chef du musée de Grenoble. Bernard MARBOT (B.M.), conservateur en chef chargé de la photographie ancienne au département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale. Armelle MAUGIN (A.Ma.), diplômée d’études supérieures en histoire de l’art. Anne de MONDENARD (A.M.), diplômée de recherche de l’École du Louvre ; chargée des collections photographiques au musée national des Monuments français. Sylvain MORAND (S.M.), conservateur chargé des collections photographiques du musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg. Monique MOULÈNE (M.M.), bibliothécaire au cabinet des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale. Tadashi ONO (T.O.), photographe, diplômé de l’École nationale de photographie d’Arles. Pierre OZANAM (P.O.), diplômé d’études supérieures en histoire de l’art. Denis PELLERIN (D.P.), professeur certifié d’anglais ; historien de la photographie. Brigitte PERTOLDI (B.P.), diplômée d’études supérieures en histoire de l’art de l’université Paris-VIII (Saint-Denis). Hélène PINET (H.P.), documentaliste chargée des collections photographiques au musée Rodin. Michel POIVERT (M.P.), docteur de l’université Paris-I (Paris-Sorbonne) ; président de la Société française de photographie. Martine RAVACHE (M.R.), historienne de la photographie. Sophie ROCHARD-FIBLEC (S.Ro.), diplômée de l’École du Louvre ; diplômée d’études supérieures en histoire de l’art de l’université Paris-IV (Paris-Sorbonne). André ROUILLÉ (A.R.), professeur à l’université Paris-VIII (Saint-Denis) ; rédacteur en chef de la Recherche photographique. Pascal-Louis ROUSSEAU (P.L.R.), diplômé d’études supérieures en histoire de l’art de $$$de l’université Paris-I (Paris-Sorbonne). Christophe SAVALE (C.S.), diplômé d’études supérieures en histoire de l’art de l’université Paris-X (Nanterre). Secrétariat de rédaction Larousse (S.R.). Paul SZTUIMAN (P.S.), photographe, diplômé de l’École nationale de photographie d’Arles. Marie de THÉZY (M.T.), conservateur en chef à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Silvana TURZIO (S.T.), chercheur en littérature française à la faculté des lettres et langues étrangères de Milan ; critique photographique. Dominique WEITZ (D.W.), galeriste. downloadModeText.vue.download 10 sur 634 10 ABRÉVIATIONS Arles, R.I.P. : Arles, Rencontres internationales de la photographie Bâle, Kunstmuseum : Bâle, Öffentliche Kunstsammlung, Kunstmuseum Barcelone, M.A.C. : Barcelone, Museo de bellas artes de Cataluña Bath, R.P.S. : Bath, Royal Photographic Society Berlin, Nationalgalerie : Berlin, Staatliche Museen-Preussischer Kulturbesitz, Gemäldegalerie Bordeaux, C.A.P.C. : Bordeaux, Centre d’art plastique contemporain Cologne, W.R.M. : Cologne, Wallraf-Richartz Museum F.I.A.P. : Fédération internationale de l’art photographique F.R.A.C. : Fonds régional d’art contemporain Londres, B.M. : Londres, British Museum Londres, I.C.A. : Londres, Institute of Contemporary Art Londres, V.A.M. : Londres, Victoria and Albert Museum Los Angeles, LA.C.M.A. : Los Angeles, County Museum of Art Lyon, musée Saint-Pierre A.C. : Lyon, musée Saint-Pierre Art Contemporain Madrid, M.E.A.C. : Madrid, Museo español de arte contemporáneo M.A.C. : musée d’Art contemporain M.A.M. : musée d’Art moderne New York, Guggenheim Museum : New York, The Solomon R. Guggenheim Museum New York, I.C.P. : New York, International Center of Photography New York, Metropolitan Museum : New York, Metropolitan Museum of Art New York, M.O.M.A. : New York, Museum of Modern Art New York, W.M.A.A. : New York, Whitney Museum of American Art N.G. : National Gallery, Nationalgalerie Paris, A.R.C. : Paris, Art Recherche Confrontation Paris, B.H.V.P. : Paris, Bibliothèque historique de la Ville de Paris Paris, B.N. : Paris, Bibliothèque nationale, département des Estampes et de la Photographie Paris, C.N.A.C. G.-P. : Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou Paris, C.N.A.P. : Paris, Centre national des arts plastiques Paris, C.N.P. : Paris, Centre national de la photographie C.N.R.S. : Centre national de la recherche scientifique D.A.T.A.R. : Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale Paris, E.N.S.B.A. : Paris, École nationale supérieure des beaux-arts Paris, F.N.A.C. : Paris, Fonds national d’art contemporain Paris, I.D.H.E.C. : Paris, Institut des hautes études cinématographiques (devenu aujourd’hui F.E.M.I.S. : Institut de formation et d’enseignement des métiers de l’image et du son) Paris, M.A.M. V.P. : Paris, musée d’Art moderne de la Ville de Paris Paris, M.N.A.M. : Paris, musée national d’Art moderne Paris, Orsay : Paris, musée d’Orsay Paris, S.F.P. : Paris, Société française de photographie Rochester, George Eastman House : Rochester, George Eastman House, International Museum of Photography downloadModeText.vue.download 11 sur 634 11 ABBE James photographe américain (Newport News, Virginie, 1883 - San Francisco 1973) Surtout connu pour ses photographies de stars de l’écran, Abbe commence sa carrière de photographe seulement à l’âge de 34 ans, à New York, en se spécialisant dans le portrait*. Celui de Janes Eagles, acheté par le Saturday Evening Post, paraît en couverture et lui confère une certaine notoriété. Dès lors, il travaille régulièrement pour de grands journaux tels le Saturday Evening Post, le New York Times, etc. et voit défiler dans son studio les artistes célèbres de l’écran et de la scène dont, par exemple, Fred Astaire, Fanny Brice, Natasha Valentino (Rudolph et Natasha Valentino, 1921, New York, Washburn Gall.). Il travaille uniquement en lumière naturelle, utilisant des miroirs pour réfléchir la lumière dans les zones sombres. Son association avec les stars de l’époque le conduit inévitablement à Hollywood, où il photographie notamment Mary Pickford, Carol Lombard et Gloria Swanson. De retour à New York, en 1922, il travaille pour D.W. Griffith. Les plus grandes stars du cinéma du moment, Dorothy et Lillian Gish, sont ses sujets favoris et deviennent même ses amies. Il accompagne d’ailleurs Lillian en Italie pour le tournage du film The White Sister. Il innove en quittant son studio pour photographier les acteurs sur scène le jour de la première. Rapidement copié, Abbe sera cependant le premier à apporter cette nouvelle « technique » en Europe. Ses travaux sont alors publiés dans de nombreux magazines, dont Vogue* (Paris et New York) et Harper’s Bazaar*. À la fin des années 1920, Abbe commence une carrière de reporter. Il travaille pour le Berliner Illustriert Zeitung (1929), pour le North American Newspaper (1936), etc. Le photographe se rend partout où se trouve l’événement : en 1929, il couvre la révolution mexicaine ; en 1932, il est le premier à réaliser un portrait de Staline ; en 1936, il couvre la guerre civile espagnole du côté franquiste. Rentré aux États-Unis à la fin des années 1930, Abbe se lance alors dans downloadModeText.vue.download 12 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 12 la radio, créant sa propre émission pour une station de San Francisco. Dans les années 1950 et jusqu’à sa retraite – en 1961 –, il est critique de télévision. Son travail photographique est notamment représenté aux États-Unis, à la George Eastman House (Rochester). M.C. ABBOTT Berenice photographe américaine (Springfield, Ohio, 1898 - Monson, Maine, 1992) Abbott occupe une place importante dans l’histoire de la photographie. Tout d’abord, ses portraits mémorables, ses vues saisissantes de New York et ses puissantes images scientifiques lui garantissent un renom bien mérité. Ensuite, c’est elle qui, en rachetant le fonds Atget* en 1928, a sauvé l’oeuvre du grand précurseur de la photographie moderne. Après la Première Guerre mondiale, elle habite New York, où elle rencontre M. Duchamp* et Man Ray*, avant de partir pour l’Europe en 1921. Elle étudie la sculpture à Paris et à Berlin. En 1923, Man Ray l’engage comme assistante dans son atelier parisien et l’initie aux techniques photographiques. Deux ans plus tard, elle ouvre son propre studio de portraits et compte parmi sa clientèle André Gide, Jean Cocteau, James Joyce, Marie Laurencin et André Maurois. En 1926, elle expose son travail à la galerie Au sacre du printemps. La même année, elle rencontre E. Atget, dont elle fait un portrait émouvant peu avant qu’il ne meure, en 1927. À la fin des années 1920, elle retourne à New York et, inspirée sans doute par le travail d’Atget, décide d’y rester pour photographier les changements rapides que subit la ville. Elle continue à faire des portraits et, dans les années 1930, travaille pour Fortune et pour Life*. Ses reportages sur New York, fruit d’une commande de la Works Progress Administration, sont exposés au Museum of the City of New York en 1937 et publiés deux ans plus tard sous le titre Changing New York. Abbott commence à enseigner à la New School for Social Research en 1935, une activité qu’elle poursuivra jusqu’en 1958. Dans les années 1940, elle publie A Guide to Better Photography et The View Camera Made Simple, tandis qu’elle explore les rapports multiples entre la photographie et la science*, s’associant à plusieurs projets pédagogiques majeurs. Dans les années 1950, elle entreprend une expédition photographique le long de la route nationale 1 entre le Maine et la Floride pour enregistrer un mode de vie américain condamné à disparaître. En 1964, elle publie The World of Atget, avant de céder la collection du maître parisien au M.O.M.A.* de New York quelques années plus tard. En 1968 paraît A Portrait of Maine, dans lequel elle célèbre cet État de la Nouvelle-Angleterre où elle s’est retirée au début des années 1960. T.M.G. ABRAMOCHKIN Youri Vasilievitch photographe russe (Moscou 1936) Abramochkin étudie la photographie dans sa ville natale à l’École du journalisme d’image de l’agence Novosti de 1958 à 1960 et il prend ses premières photos lors du Festival international de la jeunesse, à Moscou en 1957. Il obtient un diplôme de droit de l’Institut juridique de Moscou en 1974. Depuis 1961, photographe attitré de l’agence Novosti, membre de la section photographique de l’Union des journalistes, il est reconnu downloadModeText.vue.download 13 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 13 comme l’un des principaux photographes d’agence et correspondants ; couvrant les événements d’actualité exceptionnels et les sujets de politique intérieure et extérieure, il visite plus de 50 pays. Artiste inventif, il présente ses travaux avec une approche originale, avec plus de sensations et d’émotions. Ses images des congrès du Parti communiste soulignent surtout l’atmosphère de la vie politique russe, les discussions entre participants, au-delà du simple reportage*. Il se consacre parallèlement à des recherches personnelles sur les thèmes de la vie sociale russe (People of my Country ; Siberian Geologists ; Kamtchatka et surtout People of Prague, ville où il a fait de nombreux séjours). Ses travaux sont primés lors de nombreuses expositions. Il reçoit la médaille de bronze d’Interpress en 1966, le prix du reportage politique de l’Union des journalistes en 1969, la distinction de Travailleur émérite de la culture pour la Fédération russe en 1977, la médaille d’or de l’exposition Sport, ambassadeur de paix en 1980. Il vit et travaille à Moscou. V.E. ABRASION Les marques d’abrasion sont des taches, claires ou sombres, qui se forment durant le développement* d’une couche sensible vierge ayant subi, par action mécanique, une érosion superficielle qui en altère localement les propriétés. S.R. ACCONCI Vito ar tiste américain (New York 1940) Jusqu’en 1960, Acconci se consacre à la poésie, puis s’oriente vers une création visuelle impliquant son propre corps dans une série de performances. Les Photo Pieces (1969) sont les enregistrements photographiques d’actions simples : sauter, se pencher, étendre les bras, lancer une balle. À partir de 1970, le corps de l’artiste devient un terrain d’expérimentations dont il garde toujours la trace sous forme de photos, de films, d’enregistrements sonores. Chaque action est une activation de l’inconscient, de ses obsessions ou de ses fantasmes sexuels. Elle est une réflexion sur la relation entre l’espace, l’artiste, le spectateur et sur la communication de l’événement. À partir de 1974, l’artiste n’est plus présent dans l’espace et y installe des bandes-son enregistrées. Les liens entre la géographie, la culture et la politique sont l’objet d’une étude spécifique qui l’amène à intervenir dans des lieux publics, dans la rue, autour des questions de l’habitat, du public et du privé. The People Mobile est un camping-car qui, en 1969, voyage de ville en ville, aux Pays-Bas. L’artiste crée des installations plus sculpturales, prenant à partie l’environnement urbain et domestique. La photographie est, dans l’oeuvre d’Acconci, un objet autonome, présent essentiellement entre 1969 et 1970. Liée au texte, relatant les circonstances de l’action, elle engage la définition de ses projets, de sa pensée, lui permettant d’accéder à une expérience visuelle que l’écriture, seule, ne lui permettrait pas. S.C. ACHROME Se dit de la photographie en noir et blanc ou de celle qui ne permet pas une restitution des couleurs. Une surface* sensible achrome est constituée d’un support (verre, matière plastique transparente ou opaque, papier*) sur lequel est coulée une couche de gélatine downloadModeText.vue.download 14 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 14 contenant des cristaux de sels d’argent en suspension. Émulsions, germes sensibles et supports L’émulsion proprement dite est obtenue, par exemple, en versant une solution de nitrate d’argent dans une gélatine fluide, maintenue à 37 °C et contenant des halosels alcalins (bromure, iodure ou chlorure de potassium) ; il se forme ainsi le sel d’argent correspondant, constitué de fins cristaux sensibles aux seules radiations violettes et bleues (pour ce qui est du spectre visible). Quand l’émulsion est figée, une suite d’opérations élimine les résidus de la réaction. La sensibilité* à la lumière de cette gélatine contenant des halosels d’argent est relativement faible. On l’augmente soit en refondant l’émulsion épurée, que l’on maintient à une température convenable pendant une durée déterminée, soit par l’adjonction de produits appropriés (ammoniaque, par exemple). La sensibilité est exprimée en degrés ISO*. La sensibilité spectrale d’une émulsion ordinaire est limitée à l’ultraviolet, au violet et au bleu. On élargit cette sensibilité jusqu’au rouge et à l’infrarouge par l’adjonction de certains colorants organiques. Les émulsions ainsi rendues sensibles au vert et au jaune sont dites orthochromatiques ; celles qui sont en outre sensibles au rouge sont dites panchromatiques. Certaines émulsions spéciales (par exemple pour la photo aérienne*) sont sensibles à l’infrarouge (jusqu’à des longueurs d’onde d’environ 1 500 nm). Pour les applications relatives à de nombreux domaines des sciences* (en particulier l’astronomie), il existe des films sensibles aux rayons ultraviolets, aux rayons X, gamma, etc. Les fins cristaux de bromure, d’iodure ou de chlorure d’argent contenus dans la gélatine doivent leur sensibilité à des germes répartis sur les faces ou à l’intérieur des cristaux, et leur nature les apparente à des particules d’argent colloïdal. Ces germes sont les « supports » de l’image latente* ; sous l’effet de la lumière, ils subissent une transformation invisible et complexe et deviennent le point de départ de l’image, qui sera rendue visible par l’action du révélateur*, dont le rôle est, en quelque sorte, de développer le germe impressionné, en lui apportant de l’argent réduit emprunté au petit cristal qui le supporte. L’émulsion sensible est toujours coulée sur un support, à l’origine limité à la plaque de verre et au papier. Le nitrate de cellulose apparut en 1889 (Reichenbach, Eastman), l’acétate ininflammable en 1901 (A. Eichengrün) et le triacétate, beaucoup plus robuste, en 1951. Pendant la Seconde Guerre mondiale est développé le polyester, auquel sa très haute résistance mécanique et sa stabilité dimensionnelle très supérieure confèrent des avantages certains. Sous le nom de Cronar ou d’Estar, il est employé en particulier pour les émulsions destinées aux arts graphiques et aux applications scientifiques. Traitement et tirage Après la prise de vue, l’image qui s’est inscrite sur la surface sensible est invisible : elle est latente. Sous l’action de la lumière (ou d’autres radiations), les cristaux d’halogénure d’argent ont cependant subi une transformation ; en particulier, l’énergie apportée à un cristal par un photon éjecte l’électron périphérique de l’ion halogène ; cet électron peut alors se déplacer à travers le cristal jusqu’à ce que, piégé par une impureté ou un défaut de structure, il attire un ion d’argent interstitiel et forme le premier maillon de l’image latente. Le processus est répété, ce qui produit des cristaux d’halogénure dont la probabilité de réduction en argent métallique est accrue. Autrement dit, les cristaux d’halogénure d’argent qui ont été atteints downloadModeText.vue.download 15 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 15 par des photons peuvent être réduits par les agents oxydants du révélateur à une vitesse incomparablement plus grande que celle des cristaux non insolés. Le traitement d’un film achrome comprend deux opérations principales : l’immersion dans le bain révélateur*, qui transforme l’image latente en image visible, constituée par de l’argent réduit, et, après rinçage, le passage dans le bain de fixage*, qui élimine les sels d’argent inutilisés. Les formules de révélateur sont nombreuses ; suivant la composition, on obtient des clichés doux ou contrastés, un grain* grossier ou un grain fin. Le fixage est effectué dans une solution d’hyposulfite de sodium à 20 % environ, additionnée éventuellement de bisulfite de sodium. Le film traité donne un « négatif », image présentant des opacités et des transparences inverses des lumières et des ombres du sujet. Le tirage s’effectue sur couche sensible à image latente (papier, plaque ou film) par exposition de durée déterminée à la lumière blanche, à travers le négatif, et se traite comme les négatifs achromes dans des bains similaires. Généralement, le négatif est tiré sur papier sensible par agrandissement. À cet effet, il est introduit dans un agrandisseur*, appareil qui permet la projection de son image sur le papier sensible selon un rapport modulable. S.R. ACTIONNISTES VIENNOIS Le groupe des Actionnistes viennois, qui a pour principaux représentants Hermann Nitsch, Günter Brus, R. Schwarzkogler* et Otto Muehl, a développé au début des années 1960, à Vienne, une approche de l’art corporel qui s’est inspiré à la fois de la peinture expressionniste et des happenings. Chacun des artistes de ce groupe a manifesté l’engagement de l’art dans la réalité, le corps humain devenant un matériau artistique à part entière afin de le libérer de toutes instances répressives. L’oeuvre de Nitsch s’est développée dans le cadre d’actions collectives qui composent Das Orgien Mysterien Theater dont les contenus complexes sont à la fois religieux, sexuels et psychanalytiques. Le caractère éphémère de la démarche de ces artistes les ont amenés à utiliser la photographie comme un médium artistique à part entière. On pourrait évoquer aux côtés des Actionnistes, l’apport de Gerhard Rühm, Heinz Cibulka, Valic Expork ou A. Rainer*. À côté d’une utilisation de la photographie sous la forme d’un constat parfois proche de la photographie de presse, Hermann Nitsch et Schwarzkogler ont révélé les ambiguïtés de la photographie en tant que forme photographique où le documentaire peut intégrer des éléments de composition picturale. F.D. ADAMS Ansel photographe américain (San Francisco 1902 - Monterey, Californie, 1984) Souhaitant devenir pianiste, il étudie la musique au conservatoire de San Francisco, mais, dès 1916, il photographie le Yosemite avec un appareil offert par son père. Expérience marquante, car, en 1930, il choisit finalement la photographie. Une rencontre avec P. Strand* lui fait connaître la Straight* Photography, et, en 1932, il fonde avec I. Cunningham* et E. Weston* le groupe f.64* (formule désignant la plus petite ouverture de diaphragme d’un objectif, celle qui donne le maximum de profondeur de champ, et donc une netteté sur les différents plans de l’image). En 1935, il publie l’important ouvrage didactique Making a Photograph. Le souci de perfection downloadModeText.vue.download 16 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 16 technique qui anime Adams correspond à une ambition esthétique précise : donner par ses photographies une émotion aussi intense que celle qu’il éprouve à la vue des paysages sauvages, grandioses, de l’Ouest américain. Pour la cerner, il cherche à « retrouver les perceptions aiguës de l’adolescence, le goût de la découverte et la puissance de l’émerveillement » ; et pour la traduire, il tente de transcrire les différentes tonalités de lumière avec le plus de précision possible. Vers la fin des années 1930, il développe le « zone-system », méthode de calcul de l’exposition qui tient compte de très nombreux paramètres. Il met aussi un soin extrême à ses tirages et lutte pour la qualité des reproductions. Il s’attache à l’harmonie que crée la lumière entre les éléments d’un paysage à un moment donné, plus qu’au rendu concret des matières et des formes (dans Nuages à midi, Glacier National Park, Montana, 1942, la similitude des zones d’ombre et de lumière des nuages et de la montagne fait que limites et différences entre eux s’estompent). Ainsi ses images ont-elles souvent un aspect désincarné, immatériel. Il photographie des vues d’ensemble (comme Moonrise, Hernandez, New Mexico, 1941, l’une de ses images les plus célèbres, ou les impressionnantes falaises desquelles se détachent les Ruines d’Antelope House, canyon de Chelly National Monument, Arizona, 1942) ou des plans plus restreints d’arbres, de rivières et, très souvent, de nuages en des variations où se retrouve sa passion pour la musique (High Clouds, Golden Canyon, Death Valley National Monument, Californie, vers 1947) ; mais aussi des gros plans, devenant parfois abstractions (comme Eau et écume, vers 1955). Il a réalisé également des portraits et des natures mortes. D’innombrables expositions, prix, et honneurs divers ont couronné l’oeuvre d’Adams qui a, de plus, créé les départements de photographie du M.O.M.A.* de New York (en 1940, avec B. Newhall* et D. McAlpin), du San Francisco Art Institute (1946), et cofondé le Center for Creative Photography de Tucson, Arizona (1970), où se trouve actuellement conservé son fonds photographique. Ch.B. ADAMS Robert artiste américain (Orange, New Jersey, 1937) Après des études de littérature anglaise et l’obtention d’un doctorat à l’université de Californie du Sud, en 1965, Adams retourne vivre et travailler dans le Colorado, où il a grandi. Mais ce paysage aimé de son adolescence a été détérioré par le développement de l’urbanisation, et il se retrouve, selon ses propres termes, face à un « problème d’ordre intellectuel et émotionnel à résoudre » : celui de se réconcilier avec sa propre région. C’est dans cette intention qu’il commence, en 1967, à pratiquer la photographie et qu’il publie, en 1974, sa première série importante sous le titre The New West : Landscapes Along the Colorado Front Range. Dès lors, chaque nouvelle série, toujours en noir et blanc, sera consacrée à un site particulier. Cette volonté de rendre à nouveau familier ce qui était devenu étranger perdure dans toute l’oeuvre d’Adams, comme l’indique le titre de l’ouvrage publié en 1990, à l’occasion de sa rétrospective, To Make it Home. En 1980 paraît From the Missouri West, consacré à un des sites les plus représentatifs du paysage sublime américain. Adams prend soin, dans ces photographies, d’inclure non pas la figure de l’homme, mais la présence de celui-ci à travers les blessures qu’il inflige à la nature (autoroutes, buildings, déchets...). Un an plus tard, il publie un ouvrage théorique : Beauty in Photography, Essays in DedownloadModeText.vue.download 17 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 17 fense of Traditional Values. Il faut attendre l’édition, en 1983, du livre Our Lives and Our Children pour qu’apparaisse véritablement la figure humaine dans une série d’instantanés pris sur une aire commerciale, à proximité d’un site nucléaire. Ces photographies, saisissant les individus dans une lumière blanche, agissent comme autant de métaphores de l’imminente explosion. Dans la série d’images qu’il réalise en 1986 et qu’il publie dans un ouvrage intitulé Los Angeles Spring, Adams retourne au paysage* en montrant la déperdition du fameux « tableau de la nature » évoqué par Cézanne, une de ses références majeures. Mais la subtilité de ses photographies réside justement dans l’attention soutenue qu’il porte à cette nature blessée. Si les images décrivent un paysage abîmé, elles ne se contentent pas de dénoncer un désastre et ne peuvent être réduites à un simple jugement critique ou moral. Elles affirment, avant tout, la possi- bilité de retrouver une cohérence qui prend acte des dommages subis par la nature, sans pour autant les indexer ou les ignorer. Elles tentent aussi de restituer, selon ses propres mots, une « réalité intemporelle » du paysage. Ses principales expositions ont eu lieu au M.O.M.A.*, à New York, en 1979, au Philadelphia Museum of Art en 1981 et 1989, année où il est également présent dans l’exposition Une autre objectivité au C.N.A.P., à Paris. P.S. ADAM-SALOMON Antoine-Samuel photographe français (La Ferté-sous-Jouarre 1811 - Paris 1881) Sculpteur (élève de Vercelli), il réalise des oeuvres pour le Louvre, les Invalides... En 1858, il va étudier la photographie à Munich, chez le portraitiste bavarois F. Hanfstaengl*, qui lui apprend une méthode de retouche des épreuves et aussi des clichés. Dans la maison qu’il fonde à Paris, rue de La Rochefoucauld, en 1859, il se consacre au portrait (sans toutefois abandonner la sculpture). Il expose cette année-là à la Société* française de photographie, à Paris (épreuves à partir de plaques sensibilisées au collodion* humide). Il fait des portraits de notabilités de la politique, de la finance, du monde élégant, mais diffère de son contemporain Nadar* en de nombreux points : mises en scène inspirées de la peinture (parfois même allégories ou pastiches), attitudes très étudiées, soin apporté aux costumes, aux drapés, aux accessoires souvent symboliques. Il travaille particulièrement ses éclairages et invente un fond réflecteur incurvé pour obtenir une lumière qui a été comparée à celle des toiles de Rembrandt. Lamartine parle des « merveilleux portraits saisis à un éclat de soleil par Adam-Salomon, le statuaire du sentiment ». Il adopte un format unique, de petites dimensions, et retouche le plus souvent ses photographies. Un autoportrait, de composition très élaborée, le montre, vers 1860, en vieux philosophe, sur le modèle des vanités du XVIIe siècle, la main posée sur un crâne. En 1865, il ouvre un second atelier rue de la Faisanderie, et, très apprécié des Anglo-Saxons, il expose à Londres (1867) et à Boston (1869). En 1870, il reçoit la Légion d’honneur. Ch.B. ADAMSON Robert et HILL David-Octavius photographes britanniques (Édimbourg 1821 - id. 1848 et id. 1802 - id. 1870) Une rencontre comme il en arrive parfois dans l’histoire : celle d’un photographe, Adamson, qu’une santé fragile empêche downloadModeText.vue.download 18 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 18 de poursuivre de longues études, et un peintre reconnu, Hill, secrétaire de la « Scottish Academy of Painting ». Le premier ouvre un studio en mai 1843, à Édimbourg, alors que le second, qui ne méconnaît pas les possibilités offertes par le procédé de Talbot*, reçoit la même année la commande d’un tableau représentant les 450 délégués de la convention qui a fondé l’Église libre d’Écosse. C’est sir David Brewster, l’inventeur de la photographie stéréoscopique, qui met les deux hommes en contact. Pendant cinq ans, de 1843 à 1847, les deux artistes créent une oeuvre photographique de grande envergure, comprenant non seulement des portraits ayant pour prétexte l’établissement d’une documentation pour les portraits du fameux tableau, mais aussi des photographies de gens simples du port du Newhaven, d’amis, la famille ou de personnalités d’Édimbourg. À cela viennent s’ajouter des paysages et des scènes de genre. À la qualité picturale de Hill répondent parfaitement l’analyse de la lumière et l’utilisation des possibilités esthétiques du calotype* par Adamson. La collaboration s’arrête brusquement à la disparition d’Adamson en 1848. Hill ne retrouve jamais une pareille collaboration. En 1851, à l’Exposition universelle de Londres, leurs images soulèvent l’admiration et sont ensuite exposées régulièrement pendant dix ans. Mais c’est à la fin du siècle que les pictorialistes* redécouvrent cette oeuvre, qu’ils considèrent comme précurseur de leur mouvement. J.C. Annan* fit de nombreux tirages à partir de leurs négatifs originaux afin de les diffuser auprès des nouveaux esthètes. Le tableau de Hill qui avait provoqué cette rencontre ne fut achevé que vers 1866. Les négatifs des photographies d’Adamson et Hill sont conservés en Grande-Bretagne, notamment à Londres (V.A.M.) et Édimbourg (Royal Scottish Museum), et aux États-Unis. S.M. ADDITIFS (procédés) Synthèse additive trichrome, technique de restitution des couleurs dans laquelle la sensation colorée est produite par l’action conjuguée sur la rétine de trois flux lumineux, bleu, vert et rouge. Procédés additifs trichromes, ensemble de techniques de restitution des couleurs utilisées en photographie et en cinématographie et reposant sur la synthèse additive, soit par projection en superposition de trois images de sélection respectivement à travers les filtres bleu, vert et rouge, soit par une mosaïque de filtres bleus, verts et rouges appliquée sur une émulsion panchromatique. En 1904, grâce à une meilleure sensibilité spectrale des couches sensibles (plaques panchromatiques*), A. et L. Lumière* réalisèrent la plaque autochrome*, commercialisée en 1907, qui permettait directement la photographie en couleur par synthèse additive. La plaque autochrome comporte une couche de vernis sur laquelle on fait adhérer un mélange de grains de fécule de pomme de terre respectivement bleus, verts et rouges, formant une sorte de mosaïque irrégulière ; sur celle-ci est coulée l’émulsion panchromatique*. La vue est prise au travers du support et de la couche de grains colorés jouant le rôle de filtres primaires. Le développement est effectué suivant la méthode dite « par inversion ». Le procédé avait déjà été décrit (mais non réalisé) par L. Ducos du Hauron*. En 1893, John Joly, de Dublin, avait produit manuellement la première plaque à réseau : il traçait à la plume, sur une plaque de verre, les lignes du réseau qu’il recouvrait ensuite d’une émulsion noir et blanc. Les procédés addownloadModeText.vue.download 19 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 19 ditifs n’avaient pas une grande définition en raison du réseau. De plus, la présence des filtres était cause d’une grosse perte de lumière. Ils ne furent donc pas utilisables lorsque, après 1934, arrivèrent les appareils de petits formats ; après 1950, les derniers procédés additifs furent abandonnés (Autochrome*, Dufaycolor). Cependant, en 1982, la firme Polaroid* lançait un procédé de diapositive à développement instantané* pour appareils 24 × 36 (Polachrome), reposant de nouveau sur le principe d’un procédé additif à réseau. La télévision en couleur est aussi fondée sur la synthèse additive. S.R. ADZAK Roy ar tiste britannique (Reading 1927 - Paris 1987) Le travail photographique d’Adzak s’inscrit dans la complémentarité de ses recherches de sculpteur sur les empreintes de matières organiques en déshydratation, les formes en négatif et positif. Entre 1972 et 1986, il entreprend une introspection photographique de son propre corps : l’Homme anthropométrique. Cette série réunit un ensemble de mesures et d’empreintes de son propre corps, prises de l’extérieur (moulages et photographie) et de l’intérieur (radiographie* et thermographie). En 1980, il réalise une centaine de portraits par procédé thermographique à la demande des Rollings Stones, pour lesquels il conçoit la pochette de l’album Emotional rescue. Atteint de leucémie, il réalise entre 1983 et 1985 une série de 36 autoportraits, qui seront exposés au Mois de la photo, à Paris, en 1986, sous le titre de la Modification. Il soumet sa personne à l’attaque de matériaux divers ou au recouvrement de matières comme le sable, la boue, le papier collant. L’ensemble de son oeuvre est conservé dans son musée-atelier, au 3, rue Jonquoy, à Paris. N.B. AÉRIENNE (photographie) Prise de vue effectuée à partir d’un ballon, d’un avion ou d’un engin spatial (navette, satellite, sonde). Le développement de la photographie aérienne a dû sa rapidité à sa liaison avec la photogrammétrie* et à la résolution par G. Poivilliers (1892-1968) du problème de la restitution d’un couple stéréoscopique de photographies aériennes. On peut distinguer plusieurs formes de photographie aérienne. La première est la photographie documentaire. Utilisée pour l’enseignement, l’archéologie, etc., elle est généralement oblique et prise à basse altitude. Quant aux missions militaires de reconnaissance, elles sont effectuées par des avions très rapides et volant très bas. Dans ce cas, on entraîne le film derrière une fente, à une vitesse égale à celle du déplacement de l’image optique, et on obtient ainsi une photo continue de la bande de terrain survolée par l’avion. La deuxième est la photographie technique, à des fins de prospection, inventaire ou cartographie. Elle est, en général, verticale. Les formats les plus utilisés sont 18 × 18 cm et surtout 24 × 24 cm ; quant aux focales, elles sont de 85, 152 ou 310 mm. Les progrès réalisés dans la qualité du matériel optique et dans la diversité des émulsions (émulsion rapide et à grain fin de 100 ASA*, émulsion couleur, émulsion dite en « fausses couleurs » sensible aux infrarouges, etc.) ont permis d’étendre encore davantage les domaines accessibles à la photographie aérienne : hydrologie, étude de la végétation, etc. downloadModeText.vue.download 20 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 20 Un nouveau type de photographie aérienne est apparu au début des années 1960 : la photographie spatiale. La prise de vue, effectuée depuis une fusée, un satellite artificiel, une sonde ou une navette spatiale, permet de couvrir des surfaces à l’échelle de la Terre (ou de certains astres du système solaire). Les domaines d’application privilégiés de la photographie spatiale sont la géophysique (météorologie, géologie, etc.) et l’étude des ressources terrestres. La photographie spatiale s’intègre dans l’ensemble technique constitué par la télédétection, pour lequel l’image chimique est le plus souvent remplacée par l’enregistrement numérique. La photographie devient ainsi une technique d’imagerie, qui permet de couvrir l’ensemble des bandes de fréquence du spectre électromagnétique, et plus uniquement le spectre de la lumière visible. Plutôt que de photographie spatiale, il est alors plus juste de parler maintenant d’image satellite ou d’image satellitaire. S.R. AGENCES PHOTOGRAPHIQUES La constitution et la multiplication des agences photographiques dans l’entredeux-guerres est la conséquence du développement rapide de la presse illustrée. Il faut que la production des photographes soit portée facilement à la connaissance des rédacteurs et directeurs artistiques. Les agences assurent la circulation des images, représentent les photographes en se constituant ainsi un fonds iconographique. Ainsi, le photographe confie à d’autres l’aspect commercial de son activité et peut s’adonner pleinement à sa pratique, mais son contrôle sur la distribution et la présentation de ses images est, en revanche, plus restreint. Intermédiaires entre les revues et les photographes, les agences deviennent les lieux mêmes où se conçoivent les reportages. Dephot (Deutscher Photodienst), créée à Berlin par S. Guttmann, définit, dès sa création en 1928, le reportage comme un ensemble suivi et complet d’images et se spécialise très vite dans la production de récits photographiques. F. H. Mann*, Umbo* et T. Gidal* se rencontrent à Dephot ; K. Hutton y fait ses premiers reportages. À la même période, à Paris, l’agence Keystone s’intéresse surtout à l’actualité, mais elle passe aussi commande de photographies de mode et d’intérieurs (A. Kertész* en 1936). D’autres agences assurent la liaison avec les États-Unis (Associated Press, ancienne Pacific and Atlantic). Avec la montée des périls, le mouvement commencé en Europe se poursuit aux États-Unis et au Canada à partir de la fin des années 1930. Black Star à New York, sur le modèle de l’agence de Mauritius de Berlin, fournit en 1938-1939 à W. Klein* des contrats avec Life* et avec Collier’s. Après 1945, les agences deviennent les lieux où se regroupent en coopérative les photographes, telle l’agence Magnum*. En s’associant, ils instaurent de nouveaux rapports avec la presse illustrée et tentent d’échapper à l’exploitation et à l’appropriation abusive de leurs images. À partir de 1972, l’agence Viva de Paris prône une photographie d’information, sociale, attachée aux problèmes quotidiens et ennemie du sensationnel. C. R. Dytivon, G. Le Querrec*, M. Franck*, H. Gloaguen* et F. Hers* étudient les moeurs et coutumes d’un groupe en en partageant, pendant plusieurs semaines, la vie quotidienne. Il en résulte une exposition, Familles en France. Mais les agences ont de plus en plus de mal à travailler avec la presse, et la finalité de leur travail devient parfois l’exposition. En 1980, Ana (Paris) poursuit downloadModeText.vue.download 21 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 21 tout de même la production de grands reportages (noir et blanc, couleur) accompagnés de textes rédactionnels. Mais c’est surtout à New York, avec Contact Press Image, que le photojournalisme continue véritablement. F.H. AGRANDISSEUR Appareil permettant de projeter un phototype* sur une surface sensible afin de le reproduire par agrandissement. L’agrandissement désigne l’opération qui consiste à tirer d’un phototype une épreuve agrandie, ainsi que l’épreuve obtenue. S.R. AGUADO Olympe, comte photographe français (Paris 1827 - Compiègne 1894) Aristocrate parisien, il s’initie à la photographie en 1849 chez G. Le Gray* et chez le vicomte Vigier et, en 1851, il est un des membres fondateurs de la Société héliographique. Il révèle dans un autoportrait (Olympe Aguado et son frère Onésime, vers 1853), réalisé dans une pièce de son hôtel parisien aménagé en atelier, le caractère fictionnel de la représentation photographique par l’exhibition volontaire des stratagèmes – accessoires, décoration, système de réglage de la lumière et de délimi- tation de l’espace scénique – utilisés dans la pratique du portrait*. Désignant l’espace spécifique du studio comme lieu d’élaboration d’un leurre, cette image est riche de renseignements sur les conventions du portrait photographique sous le second Empire. Adepte du daguerréotype*, il mène des expériences sur le collodion* et, en 1856, soumet à la Société française de photographie* (S.F.P.), dont il est membre fondateur, des épreuves* obtenues par agrandissement* d’après des négatifs verre au collodion. La même année, L.-A. Poitevin*, qui utilise une méthode de photolithographie, à titre expérimental, pour tirer quelques épreuves, effectue le tirage* de ses clichés de la forêt de Fontainebleau et du bois de Boulogne. Proche de la cour impériale, il représente à la fin des années 1850 les souverains et leurs invités au château de Compiègne. V.L. AGUIRRE Jorge photographe argentin (Buenos Aires 1929) Après des études incomplètes de sciences économiques, Aguirre s’intéresse à la peinture et à l’histoire de l’art dans l’atelier du graveur suisse Clément Moreau. Plusieurs années de reportage graphique et de collaboration avec des revues comme La Nación, Time Life, Leoplan ou Vea y Lea l’amènent à la photographie à partir de 1956. Journaliste spécialisé, il est directeur de la photographie pour diverses maisons d’édition et travaille avec l’agence Associated Press. Reporter vedette des grands éditoriaux nationaux, il publie dans Atlantid Abril et Perfil. Aguirre ne souhaite pas exposer ses images, mais préfère les montrer entre deux commandes, en privé. Il a toujours séparé son travail de photographe-reporter de celui de créateur solitaire. Il aime passionnément Buenos Aires ; toutes ses images sont réalisées dans le périmètre de cette ville. Avec humour et élégance, il observe les habitants et leurs habitudes. À partir de 1981, il expose 35 « papiers brûlés et autres feux » à la Galerie Velázquez de Buenos Aires. Avec un procédé de combustion de papiers chromatiques, il recherche un autre langage artistique, diamétralement opposé au reportage. Il downloadModeText.vue.download 22 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 22 met en avant l’idée que la photographie ne reproduit pas la réalité, mais qu’elle doit prendre des chemins détournés afin d’investiguer une forme nouvelle d’expression. Aguirre exalte à la fois la beauté de la création et celle de la destruction. Cette nouvelle direction de son travail l’a totalement éloigné des préoccupations du reportage et de la direction de sociétés d’édition. Il se consacre totalement à ses nouvelles recherches. V.E. AIGNER Lucien photographe américain d’origine hongroise (Novezamky, Hongrie, 1901) Aigner commence le photojournalisme* en France, pays où il s’établit dans les années 1930. Il travaille comme correspondant pour Az Est (Hongrie) et le London General Press, et participe également à l’Illustration, au Miroir du monde, au Picture Post et au Muenchner Illustrierte... En 1939, Aigner émigré aux États-Unis, à New York, où il est l’un des premiers photographes européens à travailler pour la revue Life*. Il contribue également à Look, au New York Times, à Newsweek et à Time Magazine jusqu’en 1948. De 1946 à 1953, il est directeur de production pour le programme en langues étrangères de Voice of America. De 1954 à 1976, Aigner ouvre un atelier de portrait à Great Barrington (Massachusetts) tout en continuant le photojournalisme en indépendant. Il se retire ensuite de la photographie pour archiver ses clichés d’avant-guerre et se consacrer à la musique et à l’étude religieuse. Il est membre permanent de Professional Photographers of America. Ce pionnier du photojournalisme est surtout connu pour ses travaux réalisés en Europe dans l’entredeux-guerres. Il s’est spécialisé dans les portraits de personnages célèbres pris sur le vif, tels que Hitler, Mussolini, Roosevelt, Churchill, etc. Ses clichés d’Einstein sont les plus connus. Il s’est lié d’amitié avec d’autres pionniers du photojournalisme, comme E. Salomon*, A. Eisenstaedt* et R. Capa. Il est représenté dans de nombreuses collections, notamment à New York (M.O.M.A.), à Rochester (George Eastman House) et à Chalon-sur-Saône (musée Nicéphore Niépce). M.C. A-I-Z (Die Arbeiter Illustrierte Zeitung) journal ouvrier illustré Revue illustrée du mouvement ouvrier communiste allemand sous la République de Weimar. Paraît le 7 novembre 1921 sous le titre Sowjet Russland im Bild, en réponse à l’appel de Lénine à la solidarité prolétarienne internationale du 2 août, au moment des famines de la Volga. Après 12 numéros, devient Sichel und Hammer, Illustrierte internationale Arbeiter – Zeitung (Faucille et marteau, Journal illustré de l’internationale ouvrière), organe de l’AIH – aide ouvrière internationale, dont le secrétaire est Willi Münzenberg. Le 30 novembre 1924, sortie du no 1 de Die Arbeiter Illustrierte Zeitung : A-I-Z, bi-mensuel puis hebdomadaire à partir du 1er novembre 1926. Cette même année, Willi Münzenberg fonde le Neuer Deutscher Verlag, le Münzenberg Konzern – trust éditorial. Thälmann prend la tête du KPD (parti communiste allemand). Lors des élections de 1926, le tirage atteint 500 000 exemplaires. De 1927 à 1932, le journal fonctionne avec cinq collaborateurs au collectif de rédaction. Hermann Leupold puis Lily Becher sont rédacteurs en chef. En 1932, le tirage est de nouveau de 500 000 exemplaires. Willi Münzenberg, qui s’est rapproché de l’aile downloadModeText.vue.download 23 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 23 gauche du KPD, est exclu du Konzern. Des numéros de l’A-I-Z sont saisis. Fin juillet, deux diffuseurs de la revue sont assassinés. La dernière édition légale du 5 mars 1933 appelle à voter pour la liste 3, celle du KPD. Le Neuer Deutscher Verlag est interdit. Les finances sont saisies. Après quelques numéros à Paris sous la direction de F.C. Weiskopf, le premier numéro de la rédaction en exil paraît à Prague le 18 mai 1933. Lily Becher est rédactrice en chef. Puis le journal devient en 1936 Volksillustratier, tribune propagandiste et organi- sationnelle du Komintern. Le dernier numéro paraît le 5 octobre 1938. Il dénonce la tentative de putsch comme prétexte à l’arrivée des troupes allemandes en Tchécoslovaquie. Willi Münzenberg, après sa rupture avec le Komintern, est exclu du Comité central KPD en 1938, du KPD un an après. Il est assassiné en France entre juin et octobre 1940. Le Münzenberg Konzern est une force économique réelle. Véritable trust médiatique, il regroupe des journaux, des revues, des agences photographiques ouvrières, des firmes de production cinématographique à Moscou et Berlin, une association culturelle prolétarienne de diffusion, Volkverband für Filmkunst. L’ensemble de l’organisation de la production – diffusion de la culture sur des bases révolutionnaires est au service des masses. Les archives des agences de photographies ne sont pas en mesure de fournir à l’A-IZ les documents dont elle a besoin : des photographies de la vie quotidienne des ouvriers. Willi Münzenberg conçoit le projet de créer une équipe de collaborateurs photographes indépendants recrutés dans la classe ouvrière. L’A-I-Z publie un appel en mars 1926, rédigé comme une annonce de concours qui précise les points de vue déterminants dans la sélection des photos : la classe ouvrière vue à travers le mouvement révolutionnaire, sa situation sociale, sa vie quotidienne, et aussi les lieux et les conditions de travail, les constructions industrielles et les méthodes de fabrication, les techniques modernes. Ce sont de véritables propositions pour un renouvellement esthétique de l’image photographique. Un an plus tard, le VdAFD (Association des photographes ouvriers d’Allemagne) est fondé à Erfurt. Quatre ans plus tard, l’association compte plus de cent groupes locaux, avec 2 412 membres, comme l’indiquent les dernières listes publiées en 1931. L’organe du VdAFD Der Arbeiter-Fotograf, revue spécialisée qui donne aux amateurs de photographie de la classe ouvrière des indications esthétiques et techniques, paraît le 1er septembre 1926. En plus de son activité d’agence photographique prolétarienne pour l’A-I-Z, la revue organise des conférences avec projections, réunit du matériel pour la formation politique des militants à la demande des autres organisations ouvrières. L’A-I-Z donne la priorité à la mise en page, aux photoreportages, au rapport texte/ image, aux photomontages, aux images montées en séries. Les illustrations sont utilisées sur des bases révolutionnaires, comme moyen d’exposition de problèmes politiques à la classe ouvrière. L’esthétique est au service de la cause. La densité du parti pris détermine après coup ce que l’on peut reconnaître comme un style. Les opérateurs photographes ouvriers et paysans photographient la communauté qu’ils fondent et l’histoire pour laquelle ils combattent. Le plus illustre collaborateur est J. Heartfield*. Il travaille avec Georg Grosz et s’inspire des constructivistes russes qui utilisent les photomontages et les collages. Il bouleverse la forme, initialement prévue pour choquer et ruiner la tranquillité d’esprit de spectateurs élitistes. Deux expositions importantes ont lieu à Berlin : en downloadModeText.vue.download 24 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 24 1924, Dada, en 1931, Photomontage. C’est également en 1931 que paraît l’ouvrage de Walter Benjamin sur la photographie. La revue organise de grands reportages : sur les usines Krupp à Essen, le grand propriétaire Kähne, les usines Leuna... L’AI-Z diffuse également des chants et des poèmes prolétariens et révolutionnaires et s’intéresse au théâtre (ce sont les années de grande activité de Bertolt Brecht en Allemagne) et au cinéma (élément essentiel de la nouveauté culturelle). De nombreux auteurs, poètes, artistes collaborent au journal : Johannes R. Becher, Albert Einstein, Käthe Kollwitz, Erwin Piscator, Max Reinhardt, Kurt Tucholsky, Erich Weinert, Heinrich Zille... L’esthétique de la revue s’inscrit également dans une direction alors commune aux mouvements révolutionnaires et réformistes, et qui va bientôt être détournée par les nazis : insister sur les vertus de la vie naturelle et sur le rôle du sport dans l’émancipation des travailleurs. À partir de 1928, plusieurs revues paraissent en France qui s’inspirent directement de l’expérience de 1’A-I-Z : Vu*, dont le rédacteur en chef est L. Vogel*, et essentiellement, Nos Regards, qui deviennent en 1931 Regards. M.B. ALBAN Aram photographe égyptien d’origine arménienne (Istanbul 1883 - Le Caire 1961) Élevé à Istanbul, puis au Caire, Alban abandonne ses études et est engagé comme apprenti chez un photographe local. Il découvre le métier en faisant les photographies d’identité des 250 membres du personnel de la Compagnie des tramways du Caire. Fort de cette expérience et pris d’admiration pour le maître portraitiste italien Gustavo Bonaventura, Alban part pour Milan afin de se perfectionner dans ce domaine. Après cette nouvelle étape d’apprentissage, le photographe quitte l’Italie pour la Belgique, où il s’installe à son compte et connaît rapidement le succès. Au début des années 1920, dans son studio de l’avenue de la Toison-d’Or, à Bruxelles, il réalise des portraits qui, bien qu’imprégnés d’une ambiance pictorialiste, sont des représentations résolument modernes, naturelles et élégantes. Vers 1925, Alban ouvre une succursale à Paris, rue de Ponthieu. Dans un premier temps, il s’associe avec Georges Saad et se lance dans la photographie de publicité* et de mode* (Worth, Thomson, Dunlop, Christofle). Ses images sont publiées en couverture de Voilà, de Votre Beauté et de Paris-Magazine. Vers 1928, il engage son compatriote, Hrand Minassian, né à Constantinople en 1909 et fixé en France depuis peu. Amis de nombreux musiciens, tels Tasso Janopoulos, Jacques Tibault et Yehudi Menuhin, les deux hommes font de nombreux portraits de grands violonistes, pianistes, chanteurs et chefs d’orchestre. Vers 1930, Alban laisse à Minassian la gérance du studio de Paris, installé alors rue du Faubourg-Saint-Honoré, jusqu’au moment où ce dernier décide, en 1933, de devenir photographe indépendant. Au début des années 1930, Alban abandonne aussi le studio de Bruxelles pour retourner au Caire, où il poursuit son activité de photographe jusqu’aux années 1950. T.M.G. ALBERT Josef photographe et inventeur allemand (Munich 1825 - id. 1886) Sous l’égide de son père, ingénieur, Albert décide d’entreprendre des études de construction et d’architecture, mais la downloadModeText.vue.download 25 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 25 découverte des recherches de L.J.M. Daguerre* et la rencontre décisive avec A. Löcherer le décident à abandonner une carrière d’ingénierie pour ouvrir à l’âge de 25 ans son propre studio de photographie à Augsbourg. Il se spécialise dans les travaux de reproduction (notamment d’oeuvres artistiques), grâce auxquels il acquiert une rapide reconnaissance. Cela lui vaut d’être appelé dès 1858 à la cour de Maximilien II, puis de travailler pour le fameux Louis II de Bavière, dont il est le portraitiste officiel le plus subtil. Servi par une certaine intuition technicienne, il met au point un procédé d’impression phototypique sur verre (albertypie) dont les progressives améliorations lui permettront de produire un nombre important de tirages (près de 1 000) à partir d’une même plaque*. Quelques années plus tard, il adopte la trichromie*, qui trouve un aboutissement en 1877 dans la phototypie couleur. Il meurt neuf ans plus tard, en 1886, en nous laissant un témoignage historique sur la cour, sur la construction des « folies » gothiques de Louis II (Neuschwanstein ou Linderhof) ainsi que quelques célèbres portraits de Richard Wagner. P.L.R. ALBIN-GUILLOT Laure photographe française (Paris 1879 - Nogent-sur-Marne 1962) Venue à la photographie par des recherches sur la microphotographie*, Albin-Guillot reçoit la médaille d’or de la Revue française de photographie en 1922. Elle monte sa première exposition personnelle, à Paris, en 1925. Nommée archiviste en chef du service photographique des Beaux-Arts (1932), elle organise la Cinémathèque nationale au palais de Chaillot (1933). Membre du jury de l’Exposition internationale de la photographie contemporaine au pavillon de Marsan du Louvre (1936), elle obtient, avec E. Sougez*, Montel et Santeul, la création de la section photogra- phique de l’Exposition internationale de Paris de 1937. Elle projette même la fondation d’un musée de la photographie dans le nouveau Trocadéro. « La grande dame de la photographie française » devait pourtant faire une carrière de pianiste. « La musique, dit-elle, a une influence puissante et bénéfique sur ma pratique. » L’omniprésence d’un flou* léger et vaporeux dans son oeuvre – obtenu grâce aux objectifs* spéciaux l’Eidoscope et l’Opale – fait d’elle « la dernière des pictorialistes » (selon D. Masclet, 1956). Elle est peintre, et sa pratique photographique est très inspirée du dessin. « Presque toujours, les études que je fais pour mes photos sont faites au dessin avant d’être faites en photographie. » En 1936, elle traduit en images le Narcisse de Paul Valéry, en 1937, les Douze Chansons de Bilitis de P. Louÿs* et les Préludes de Claude Debussy. Portraitiste de renom, elle compte parmi sa clientèle Montherlant, Gide, Valéry, Cocteau. Par ailleurs, elle revendique une place pour les oeuvres photographiques dans la décoration intérieure et se fait une spécialité de la photographie décorative. Elle réalise, par exemple, un paravent à partir de microphotographies de grains de café. Son oeuvre, à ce jour, n’a fait l’objet d’aucune exposition rétrospective. S.Ro. ALBUMINÉ (papier) Papier* recouvert d’une couche d’albumine (substance organique visqueuse, soluble dans l’eau, coagulable à la chaleur, contenue notamment dans le blanc d’oeuf ). Celle-ci contient du chlorure de sodium, que l’on transforme en chlorure d’argent à downloadModeText.vue.download 26 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 26 l’aide de nitrate d’argent. Le papier albuminé a été très employé par les photographes de 1850 à 1890. S.R. ALEXANDRE (Alexandre Édouard Drains, dit) photographe belge (Paris 1855 - ? 1925) Alexandre Édouard Drains ne garde que son seul prénom en guise de signature lorsqu’il s’installe à Bruxelles, en 1875. Jusqu’en 1922, il réside dans la capitale belge, où son atelier de portraitiste attire une clientèle aisée. Dès 1887, il est membre de l’Association belge de photographie. Véritable institution, cette société fédère toutes les associations de photographes en Belgique. Au tournant du siècle, celles-ci sont de plus en plus nombreuses sous l’impulsion de l’amateurisme et de son pendant artistique : le pictorialisme*. Alexandre connaît un grand succès dans les cercles des artistes photographes et bénéficie d’une exposition individuelle au Cercle artistique de Bruxelles dès 1888. Présent dans les nombreux Salons pictorialistes internationaux, il est admis en 1893 au célèbre Linked Ring* de Londres. Par ailleurs, sa carrière est marquée par une collaboration originale avec le peintre Fernand Khnopff : le photographe reproduit les toiles du peintre et celui-ci retouche les épreuves à la craie et les signe comme des originaux. Les sujets de prédilection d’Alexandre sont les scènes militaires, les marines, mais aussi le nu* et les scènes champêtres héritées du naturalisme de Millet et reconverti à plus d’académisme. Virtuose des effets de contre-jour et des reflets, il voit ses épreuves publiées en photogravure dans de luxueuses revues, comme en témoigne le Matin après la pluie, photographie parue dans la revue allemande Die Kunst in der Photographie (1903, Paris, Bibliothèque nationale). M.P. ALINARI firme italienne Fondée en 1854 par Leopoldo Alinari – qui a appris la photographie avant 1850 en travaillant pour la Casa Bardi – et ses deux frères, Giuseppe et Romualdo, Fratelli Alinari va devenir l’atelier le plus prospère de toute l’Italie. D’abord consacrée à la reproduction d’oeuvres d’art (peinture, sculpture, architecture) de Florence, la collection Alinari s’étend à la Toscane et à d’autres régions d’Italie, et la firme devient le premier fournisseur des institutions, musées, bibliothèques, écoles d’art et érudits de par le monde, sans que les touristes soient négligés (ils se voient offrir sur place des albums de vues de Toscane notamment). L’atelier profite de la primauté de Florence, devenue capitale de l’Italie unifiée en 1865. Le fonds Alinari vise alors à constituer un musée documentaire de l’art italien ; après une pratique des grands formats, la taille uniforme 21 × 27 cm est privilégiée pour les tirages, tandis que le style de prise de vue est particulièrement constant lui aussi (de telle sorte que l’on a l’impression d’un auteur unique). Des succursales, des accords de commercialisation (par exemple avec Giraudon à Paris) et une diffusion stable font la renommée d’Alinari. La direction est assurée à partir de 1890 par le fils de Leopoldo, Vittorio, qui réoriente la production vers les vues urbaines et vers une documentation temporelle plus proche de la carte postale. Pendant tout le XIXe siècle, Fratelli Alinari est aussi un atelier de portraits fréquenté par la bourgeoisie florentine, downloadModeText.vue.download 27 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 27 et il exécute des travaux de commande, en particulier pour les entreprises, firmes et magasins de la région. En 1916, la fondation de la Casa Editrice tente de remédier par l’édition au déclin du document photographique original. Les archives de près de 100 000 clichés sont aujourd’hui intégrées à un ensemble muséal et éditorial qui perpétue la raison sociale Alinari. La production de l’atelier se distingue par une rigueur objective au service du sujet enregistré, toujours traité dans un sens archéologique. M.F. ALLIANCE PHOTO agence photographique (Paris 1934-1940 et 1944-1946) Alliance Photo est l’une des premières agences* photographiques créées à Paris. Fondée en 1934, l’agence naît de la rencontre de Maria Eisner avec l’équipe du Studio Zuber. Eisner (1909-1991) travaille à Berlin pour l’éditeur Martin Hurlimann mais quitte l’Allemagne en 1933. À Paris, elle fonde l’agence AngloContinental avec Fritz Goro, puis décide de mettre son expérience de la presse* illustrée au service des photographes groupés autour de R. Zuber*. Ce dernier travaille pour l’agence de publicité d’Étienne Damour de 1929 à 1932, collaborant à la revue Vendre, puis ouvre son propre studio photographique, rue Vernier. Il embauche son ami P. Boucher*, qui apporte sa compétence de maquettiste et de graphiste, ainsi qu’Emeric Feher, arrivé à Paris de sa Hongrie natale en 1929 et initié à la photographie par M. Tabard* chez Deberny-Peignot*. Bientôt, D. Bellon* et P. Verger* se joignent à l’équipe d’Alliance Photo. Au fil des années, d’autres photographes font appel à l’agence pour commercialiser leurs images : R. Capa*, Chim* (David Seymour), H. CartierBresson*, P. Halsman*, Juliette Lasserre (1907) et Suzanne Laroche (1906-1993). L’agence fournit des photographies à un grand nombre de magazines et de revues illustrés français, dont Art et Médecine, Arts et Métiers graphiques, Fiat Revue, le Monde illustré, Paris-Magazine, Pour lire à deux, Visages du monde, Voilà et Vu*. La diffusion des images d’Alliance Photo est aussi internationale. Elles sont publiées aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Suisse, en Belgique et aux PaysBas grâce aux bonnes relations qu’Eisner entretient à l’étranger avec des agences comme Black Star à New York ou ABCPress à Amsterdam. La réputation des photographes de l’agence va croissant. Par exemple, Bellon, Boucher, Feher et Verger sont invités à participer à l’exposition historique qu’organise B. Newhall* à New York (M.O.M.A.) en 1937. La guerre met fin aux activités de l’agence. Eisner est internée au printemps 1940. Libérée deux mois plus tard, elle réussit à gagner les États-Unis. Le siège de l’agence est pillé par les occupants. À la Libération, Suzanne Laroche relance Alliance Photo, qui devient pour quelque temps le point de ralliement des photographes, mais l’agence disparaît définitivement en 1946, lorsque Laroche fonde l’A.D.E.P. (Agence de documentation et d’édition photographiques). En 1947, Eisner sera l’un des sept fondateurs de Magnum* avec R. Capa, Chim, Cartier-Bresson, G. Rodger*, Bill et Rita Vandivert. En 1988, la Bibliothèque his- torique de la Ville de Paris consacre à Alliance Photo une exposition rétrospective et un catalogue. T.M.G. downloadModeText.vue.download 28 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 28 ALPERT Max Vladimirovitch photographe russe (Simferopol 1899 - Moscou 1980) Alpert est un des pionniers du reportage photographique en Union soviétique. Après un apprentissage chez un photographe d’Odessa en 1914, il fait ses débuts professionnels pendant la guerre civile, en 1917, en photographiant les soldats de l’Armée rouge – qu’il rejoint en tant qu’engagé volontaire en 1919. Dès 1924, il travaille à Moscou pour la Rabotchaïa Gazeta et, quatre ans plus tard, il collabore à la Pravda. À l’aide de son Nettel 9 × 12, il réalise des photographies sur les événements officiels de l’État (parades, cérémonies), les catastrophes naturelles (tremblement de terre en Crimée), les grands travaux (électrification du pays – Lénine et Wells – chemin de fer, Turkestan-Sibérie)... Intéressé par les sujets sociaux, il est le pionnier du reportage narratif : le Géant et le Bâtisseur montre par une série de photos la vie de Viktor Kolmykov, un maçon qui, suivant le premier plan quinquennal pour la construction de Magnitogorsk (Oural), apprend à lire et à écrire et devient un grand constructeur. Il réalise des photomontages* et des photos expressives pour la revue l’U.R.S.S. en construction en 1931, et montre des hommes et des femmes bien portants, qui ont un travail, à manger, un toit (VingtQuatre Heures de la vie de Filippov, en collaboration avec A. Shaikhet*). Pendant dix ans, il travaille ainsi pour les agences Tass (1936-1945), Novosti (à partir de 1946) et APN (dès 1961 et jusqu’à sa mort). Alpert obtient le Grand Prix du président de la République d’U.R.S.S. en 1976 ; une exposition personnelle itinérante est organisée en 1967, et une monographie écrite par Roman Karmen paraît en 1974. Par ailleurs, il figure dans l’ouvrage Pionniers de la photographie russe soviétique (Paris, 1983). E.E. ALVAREZ BRAVO Manuel photographe mexicain (Mexico 1902) Élevé dans une atmosphère artistique, il commence à photographier en 1922 et devient photographe indépendant en 1930. Initié par le photographe H. Brehme*, stimulé par la découverte de l’oeuvre picturale de Picasso, par les photographies de T. Modotti*, connue pour son militantisme, et par celles de E. Weston*, Alvarez Bravo, également proche d’artistes engagés comme les muralistes, se distingue par son indépendance. Il s’intéresse en priorité aux portraits, aux paysages et aux objets. En 1934, il expose à Mexico avec H. Cartier-Bresson* et découvre le surréalisme* en 1938 avec André Breton. À la demande de ce dernier, il réalise la célèbre photographie la Bonne Renommée endormie, devenue l’emblème de la photographie surréaliste, mais lui-même ne se définit pas comme un photographe surréaliste. Le Mexique est plus fantastique que surréaliste. Dans la vie de tous les jours, l’artiste mexicain est confronté aux mythes et légendes, à la fantaisie, à la magie. Dans ses photographies, où dominent les thèmes de la solitude et de l’érotisme, il exprime avec une sensibilité profonde sa vision du monde où se mêlent réalité et poésie. La recherche de titres participe à cette expression poétique de la vie mexicaine. En 1959, après plusieurs années consacrées au cinéma (1943-1959), il retrouve la photographie et poursuit son oeuvre. Pendant les années 1970, il reçoit de nombreux prix et les rétrospectives se succèdent : au M.A.M. de la Ville de Paris en 1986, au musée de downloadModeText.vue.download 29 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 29 l’Élysée à Lausanne en 1992. Álvarez Bravo est représenté dans de nombreux musées, notamment à Mexico (Instituto Nacional de Bellas Artes), à New York (M.O.M.A.) et à Paris (B.N. et M.N.A.M.). A.M. ANAGLYPHE ou ANAGLYPTE Procédé assurant la perception du relief* binoculaire à partir d’images et de filtres en couleurs complémentaires. L’anaglyphe consiste en un couple stéréoscopique dont l’une des images est tirée en rouge, l’autre en bleu-vert. Si on les examine ensemble – l’image rouge à travers un filtre bleuvert et l’image bleu-vert à travers un filtre rouge –, le sujet apparaît en relief. Cet examen peut se faire en projection ou sur une image imprimée. S.R. ANDRADE Alecio de photographe brésilien (Rio de Janeiro 1938) Étudiant en droit à l’université de Rio, de Andrade poursuit parallèlement des études littéraires. Il écrit des poèmes et obtient un prix à la Semaine de l’art contemporain de Rio, en 1962. Après des expériences cinématographiques et photographiques, il obtient une bourse du gouvernement français pour des études à l’I.D.H.E.C. En 1965, il quitte le Brésil, s’installe à Paris et travaille occasionnellement avec des revues comme Elle. Son goût pour les scènes de rue et les enfants vont donner naissance à une exposition itinérante, l’Enfance. En 1968, il est chargé de la rédaction française du journal brésilien Manchete, qui tire à un million d’exemplaires. Avec deux autres photographes, il assure les reportages dans toute l’Europe. Parallèlement, il poursuit des recherches personnelles. En 1970, membre associé de l’agence Magnum* à Paris, il publie Paris ou la Vocation de l’image, livre préfacé par Julio Cortázar. Son travail en couleur fait l’objet de nombreuses expositions à Rio, Berlin, Rome, Bonn, Heidelberg. Andrade collabore à Elle, Marie-Claire, Il Tempo, Newsweek, Fortune, le Nouvel Observateur. V.E. ANDRÉ Rogi (Rosa Klein, dite) photographe hongroise (Budapest 1905 - Paris 1970) Rosa Klein, dite Rogi André, arrive à Paris vers 1925, attirée par la présence de grands artistes tels que P. Bonnard*, Matisse, Léger, Braque, Picasso, Brancusi*... En 1926, elle rencontre A. Kertész*, avec qui elle vit et étudie la photographie jusqu’en 1933. Dès 1934, elle réalise ses célèbres portraits de peintres, sculpteurs, architectes, écrivains, poètes, marchands, éditeurs ou critiques qui eurent un rôle éminent sur la scène culturelle de la première moitié du XXe siècle. Son oeuvre constitue de ce fait un témoignage important d’une époque. Avant 1940, elle a déjà photographié Bonnard, Picasso, Chagall, Max Jacob, Le Corbusier, Soutine, Cocteau, Varèse, Artaud, René Crevel, Eluard, D. Maar*, Giacometti... Elle photographie ses sujets « en pied », dans le cadre de leur vie quotidienne afin d’atteindre leur intimité. Elle cesse son activité de portraitiste dans les années 1950 pour se consacrer désormais à la peinture. Ce n’est qu’en 1981 qu’un livre paraît sur son oeuvre (Portraits de peintres) ; une exposition rétrospective lui est consacrée au musée national d’Art moderne à Paris en 1982. Ses photographies sont conservées au M.O.M.A. de New York et à Paris (B.N.). S.B. downloadModeText.vue.download 30 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 30 ANDREEV Léonid écrivain et photographe russe (Orel 1871 - Finlande 1919) Andreev est un des représentants les plus originaux et les plus controversés de la littérature russe. Il est connu avant tout comme écrivain pour ses nouvelles et ses pièces de théâtre, qui eurent un immense succès de son vivant. C’est tout récemment et grâce à sa petitefille que l’on a découvert sa passion pour la photographie. Olga Andreev Carlisle a en effet préfacé en 1978 à Paris un livre intitulé : Léonid Andreev, photographies par un écrivain russe. Né en 1871 à Orel, au coeur de la région Pushkarnaya, aîné d’une famille de six enfants, il fait de brillantes études de droit à Saint-Pétersbourg et commence à publier des nouvelles. Déjà dépressif à l’âge de 20 ans, il tente de se suicider puis part à Moscou, est rejoint par sa famille, et rencontre sa future femme, Aleksandra Veligoskaïa. Un grand journal de Moscou lui offre le poste de reporter pour couvrir les procès. À partir de 1899, l’aide de Maxime Gorki est d’une importance considérable pour ses publications et pour son introduction dans le cercle littéraire Mercredi. En 1901, son premier livre, le Mur, est acclamé par la critique et le rend célèbre dans le pays. En 1905, il est arrêté, emprisonné pour ses sujets révolutionnaires. Menacé, il fuit vers Berlin avec sa famille, voyage en Suisse puis s’installe en Finlande. De nouveau poursuivi, en 1906, il retourne à Berlin où il écrit sa pièce de théâtre la plus novatrice, la Vie de l’homme. En 1907, il se remarie et s’installe à Vammelsun, sur le golfe de Finlande, pour une nouvelle vie. Quittant Petrograd en 1917 pour Vammelsun, il se retrouve dans une Finlande indépendante, devant se battre pour survivre au milieu des privations de la guerre. Il meurt à 48 ans d’une hémorragie cérébrale. De 1908 à 1914, il réalise 300 autochromes* Lumière et 1 500 photographies stéréoscopiques en noir et blanc. Ses images sont pleines d’émotion, non seulement par leur qualité intrinsèque, mais aussi par le côté poignant et sombre de ses portraits et autoportraits. Sa sensibilité lyrique nous révèle la société de l’époque, celle que nous connaissons par les pièces de Tchékhov. À travers sa vie privée, ses enfants, ses amis artistes, la campagne et ses voyages, Andreev décrit une Russie prérévolutionnaire, monde prospère et tranquille dans lequel il évolue. V.E. ANDREEV Nikolaï photographe russe (Serpukov 1882 - ? 1947) Issu d’une famille de coiffeurs, Andreev vient d’une ville proche de Moscou. En 1901, pratiquant déjà la peinture, il s’intéresse à la photographie et commence un travail sur le paysage. Dès 1905, il participe à de nombreuses expositions en Russie et à l’étranger. Avec un objectif* « à effet de flou* », ses images prennent une dimension mystérieuse, comme la série sur les tempêtes de neige où apparaissent des traîneaux tirés par des chevaux dans un halo de brouillard. Il prend un soin tout particulier à la qualité du tirage définitif, dont se dégage une grande poésie. Il accomplit son service militaire pendant la Première Guerre mondiale, puis lors de la guerre civile de 1918 à 1921, pendant laquelle il est blessé. En 1921, il reprend son activité de photographe et, durant cette décennie, remporte un grand nombre de médailles et de diplômes. Andreev est le photographe russe le plus primé dans les manifestations internationales des années 1920. downloadModeText.vue.download 31 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 31 Critiqué pour formalisme, comme de nombreux photographes dont les groupes artistiques ont été démantelés par un décret du comité central du C.P.S.V. en 1932, il arrête son métier et consacre les dix dernières années de sa vie à la fabrication des décors et costumes du Théâtre dramatique Serpukov. La collection de ses photographies est conservée par ses descendants dans les archives familiales à Moscou. V.E. ANDRIEU Jean photographe français (Montaigu 1816 - après 1872) On ne sait rien de la première moitié de la vie de ce fils de cultivateur du Tarnet-Garonne dont le nom n’apparaît qu’en 1862 dans les colonnes de l’Almanach du commerce et de l’industrie. Spécialisé dans la prise de vue stéréoscopique, Andrieu réalise exclusivement des vues topographiques des diverses régions qu’il traverse. Il dépose entre 1862 et 1863 un Voyage aux Pyrénées ainsi que sa série la plus célèbre sur les Villes et ports maritimes de l’Océan et de la Méditerranée. Devenu photographe du ministère de la Marine en 1865, il publie sous la marque JA une série de vues d’Italie, de Suisse et de Savoie, photographie une éruption de l’Etna, puis effectue un second voyage aux Pyrénées, qu’il complète par un reportage photographique sur l’Espagne. La liste de ses stéréogrammes est rassemblée dans un premier catalogue paru en 1868. L’année suivante, un second catalogue décrit les vues qu’il réalise en Palestine, en Syrie et en Égypte. Il dépose en octobre 1871 une dernière série sur les désastres de la guerre et de la Commune. Son nom disparaît de l’Almanach du commerce en 1876. Son fonds est repris et exploité pendant plusieurs années par l’éditeur Adolphe Block. D.P. ANGERER Ludwig photographe hongrois (Malaczka, Hongrie, 1827 - Vienne 1879) Pharmacien de formation, Angerer exerce ce métier de 1856 à 1858 et photographie en amateur. En 1858, il a, avec Hugo von Strassern, son atelier à Vienne, ville dans laquelle il introduit le procédé de Disderi, la carte* de visite. À partir de 1859, il fait des portraits de la famille impériale, ce qui lui vaut d’être nommé photographe de la cour royale et impériale en 1861. De 1866 ou 1867 à 1872, il fonde avec son frère Viktor une société de photographes, la Maison Angerer, qui a une grande réputation sur la scène viennoise. En 1879, Angerer meurt à Vienne ; son frère reprend et continue l’affaire sous le nom de L. und V. Angerer. S.B. ANNAN James Craig photographe britannique (Hamilton, Écosse, 1864 - Glasgow 1946) Fils de T. Annan*, qui fut quelque temps associé avec le célèbre calotypiste D.O. Hill*, il apprit tout naturellement la photographie auprès de son père. Après des études de chimie et de philosophie à l’université de Glasgow au début des années 1880, il se rend en 1883 à Vienne pour y étudier l’héliogravure auprès de son inventeur, Karl Klic. De retour en Écosse, il met à profit ses nouvelles connaissances afin de développer la réputation de la firme familiale. Vers 1890, conscient de l’importance de l’oeuvre de ses compatriotes Hill et R. Adamson*, il downloadModeText.vue.download 32 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 32 réalise une série de photogravures à partir de leurs négatifs calotypes*, rendant ainsi leurs lettres de noblesse à ces pionniers de la photographie. Intéressé par l’aspect artistique du médium photographique, Annan devient en 1895 membre du Linked* Ring, club fermé à l’image d’une confrérie qui organise des salons annuels où se développe le pictorialisme*, mouvement qui place la photographie sur un pied d’égalité avec les autres formes d’art. L’oeuvre d’Annan est d’ailleurs fortement influencée par l’esthétique de ses amis de l’école impressionniste de Glasgow, par l’art japonais, ainsi que par Velázquez et Whistler. En 1904, A. Stieglitz* publie une sélection de ses oeuvres dans la revue Camera Work*, fer de lance du mouvement pictorialiste aux États-Unis, et il devient le premier président de l’International Society of Pictorial Photographers. Participant à toutes les expositions internationales du mouvement pictorialiste jusqu’en 1916, il n’en poursuit pas moins, et bien après cette date, sa carrière dans le cadre du studio familial. Annan est notamment représenté en Grande-Bretagne, à Bath (R.P.S.), et en France, à Paris (musée d’Orsay). M.L. ANNAN Thomas photographe britannique (Glasgow 1830 ? - id. 1888 ?) Il suit un apprentissage de graveur sur cuivre puis s’installe dans sa ville natale en 1855 comme photographe commercial et exécute des photographies de peinture, d’architecture ainsi que des tirages pour d’autres photographes. En 1857, il se spécialise dans la photographie d’objets d’art et commence à photographier les maisons et les intérieurs de Glasgow. Il entreprend la même année, dans une roulotte qu’il utilise comme chambre* noire, un voyage dans toute l’Écosse, qu’il photographie. En 1859, il ouvre un studio de portraits au 202, Hope Street, à Glasgow. Pour photographier une peinture de D.O. Hill*, son ami de longue date, il construit en 1865 un appareil avec un objectif* de Dallmeyer. En 1866, il achète avec son frère les droits d’exploitation pour le procédé au charbon* breveté par Swan. Il est considéré à son époque comme un spécialiste du portrait et de l’étude d’ouvrages d’art, mais le documentaire social et l’édition lui doivent bien davantage aujourd’hui. Parmi les ouvrages qu’il publie : The Old Country Houses of the Glasgow Gentry (1870) et Memorials of the Old College Glasgow (1871), il en reste un plus célèbre : The Old Closes and Streets of Glasgow (1868/1878), issu d’une commande de recensement des « monuments anciens dignes et d’intérêt » faite par le Glasgow Improvement Trust. Ce documentaire évocateur présente des images qui sont les premières à dénoncer l’insalubrité des taudis. En 1873, il s’associe avec son frère et, conjointement à son studio, il ouvre une galerie avec un droit d’entrée pour visiter. Il reçoit le 27 mars 1877 une licence pour la chromotypie et l’autotypie. Annan est représenté en Grande-Bretagne (R.P.S.) et en France (musée d’Orsay). C.B. ANTHROPOMÉTRIE À partir du début des années 1880 s’ajoutent au portrait* et au nu* traditionnels de nouvelles images photographiques des corps. En France, elles prennent naissance à l’hôpital de la Salpêtrière, avec A. Londe* (1858-1917), photographe du Dr Charcot, spécialiste de l’hystérie ; au parc des Princes, où est installée la stadownloadModeText.vue.download 33 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 33 tion du professeur É.-J. Marey* (18301904), physiologiste de la locomotion ; et à la Préfecture de police de Paris, dans le service de l’identité judiciaire de A. Bertillon* (1853-1914). Qu’il soit artistique ou commercial, le portrait photographique était dès ses débuts dominé par l’illusion physiognomonique d’exprimer l’âme, la personnalité et les passions des modèles. Le projet est ici différent. La photographie sert d’instrument pour étudier les corps (la symptomatologie corporelle des maladies mentales avec Londe et Charcot, ou les mécanismes de la locomotion humaine et animale avec la chronophotographie* de Marey) ; elle sert aussi à exercer un contrôle sur eux, avec le portrait judiciaire de Bertillon. Au moment où la société industrielle s’engage dans une phase nouvelle de son développement, les fous, les ouvriers et les délinquants, qui étaient auparavant exclus de la représentation photographique, y sont désormais admis. Mais avec un statut particulier. Alors que le modèle du portrait bourgeois avait l’initiative et la jouissance de son image, qu’il en était le sujet, les modèles de Londe, de Marey ou de Bertillon la subissent et en sont dépossédés : ils en sont les objets. Ces mesures, études et contrôles photographiques des corps s’opèrent dans des dispositifs rompant radicalement avec celui du studio de portrait, et génèrent des techniques, des appareils et des images particuliers : la chronophotographie chez Londe et Marey, le paradigme face-profil chez Bertillon. L’expérience de celui-ci, qui révèle la puissance de la photographie dans l’établissement d’un savoir-pouvoir sur les corps, en trahit aussi les limites. Si Bertillon a dû d’abord établir des règles formelles strictes pour détacher la photographie de police du portrait de studio, qu’il nomme « photographie d’art », elle s’avérera vite difficile à utiliser : analogique et tributaire des apparences, elle ne se prête que difficilement au classement systématique, et demeure impuissante face aux changements physiques des individus. Bertillon associera alors aux vues de face et de profil des détenus un ensemble de mesures anthropométriques (des membres, de la tête, etc.), c’est-à-dire une image composée d’une série numérique : une image non analogique, qui autorisera un mode de classement rigoureux, et qui permettra d’identifier des récidivistes, indépendamment de leurs transformations physiques. Avant la découverte et l’utilisation généralisée des empreintes digitales. A.R. APPAREIL PHOTOGRAPHIQUE Instrument destiné à la prise de vue photographique. Un appareil photographique est, pour l’essentiel, constitué d’une chambre* noire sur laquelle est monté un objectif*. Celui-ci forme l’image lumineuse à l’intérieur de la chambre, sur sa face opposée, où un dispositif maintient la surface sensible. Derrière l’objectif (ou entre ses lentilles) se trouve l’obturateur, qui ne laisse passer la lumière qu’au moment de la prise de vue. Son fonctionnement est provoqué par un déclencheur actionné par le photographe. Pour permettre de cadrer le sujet, l’appareil comporte un viseur. Enfin, il peut être équipé d’autres organes : dispositif de mise au point (réglage par bague sur l’objectif, télémètre, dépoli, microprismes, système autofocus* de mise au point automatique, etc.), diaphragme, posemètre, magasins de film interchangeables, moteur d’entraînement de la pellicule, dispositif de downloadModeText.vue.download 34 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 34 synchronisation du flash*, flash incorporé, etc. Formats Les appareils se distinguent avant tout par le format d’image qu’ils permettent d’enregistrer sur l’émulsion sensible. Les plus anciens sont les grands formats, surtout utilisés avec les chambres d’atelier. Ils font appel à des plaques ou à des plans-films dont les dimensions les plus courantes sont 6 × 9, 9 × 12, 13 × 18 et 18 × 24 cm. La plupart des appareils actuels s’utilisent à la main et reçoivent une pellicule en bobine ou en cartouche, laquelle donne des images de formats inférieurs : moyens formats (4,5 × 6, 6 × 6 et 6,5 × 9 cm, notamment), petit format (24 × 36 mm sur film perforé de 35 mm de large, le plus répandu, créé en 1924 par O. Barnack* pour la maison Leitz en Allemagne), demi-format (18 × 24 mm, soit la moitié du 24 × 36), miniformats ou microformats (soit sur film de 16 mm ou 9,5 mm de large, généralement conditionné en chargeur, soit sur disque sur lequel sont impressionnées 15 images de 8 × 10 mm). Mais, depuis les années 1980, l’évolution a été très significative dans ce domaine. Le succès du format 24 × 36 mm, sur les modèles compacts et reflex, a entraîné l’abandon presque total des formats plus petits ; les plus grands restent essentiellement des formats professionnels. Perfectionnements techniques récents Les appareils ont aussi connu de notables changements. Le fonctionnement de la plupart des 24 × 36 est désormais automatique : chargement et rebobinage du film par moteur ; affichage de la sensibilité commandé par un code sur la cartouche ; mise au point et exposition réglées par des modules électroniques et des cellules photoélectriques, souvent sous le contrôle d’un microprocesseur ayant plusieurs programmes en mémoire ; réglage automatique du flash par cellule et circuits électroniques ; autocorrections de certaines erreurs d’exposition ou de mise au point, etc. Sur les appareils les plus perfectionnés, le débrayage des automatismes permet d’effectuer des corrections, de réaliser des effets spéciaux ou d’utiliser des techniques particulières (astrophotographie, photomicrographie*, photos d’architecture avec un objectif à décentrement, etc.). S.R. APPELT Dieter artiste allemand (Niemegk 1935) Né près de Berlin, Appelt a surtout connu dans son enfance les destructions de la guerre et la difficile reconstruction. Ayant fait d’abord des études de musique, il est formé à la photographie à partir de 1959 par H. Hajek-Halke*, dans le cadre de la « photographie subjective », qui considère la photographie comme un acte de création artistique, de surcroît lié volontiers à l’avant-garde. Il est donc naturel qu’après une série d’autoportraits, il se soit tourné vers les « actions » de J. Beuys* et des actionnistes* viennois, et que la photographie en soit le constat effectif et la mise en forme. Il se photographie lui-même nu, en situation rituelle (Die Symmetrie des Schädels, 1977), dans une tour sommaire de branches ligaturées (Der Augenturm, 1977), ou enduit de boue séchée, pendu par les pieds, recroquevillé sur le sol dans une maison délabrée (Monte Isola, 1976), ou encore formulant le rêve d’Icare dans la grotte d’Oppedette (1981). Le corps est toujours présent (jusqu’au milieu des années 1980) en tant que figure des origines primitives de l’homme et support d’une transformation de la matière, moment précaire qui renaît des strates géologiques (Système de numération des Masaï, 1977). downloadModeText.vue.download 35 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 35 Le corps est le refuge de la pensée, du langage, du souffle, qui seuls impressionnent le présent comme la lumière sur la plaque* sensible. Il travaille parfois en référence à Ezra Pound et à ses symbioses de signeslangages, à son brassage des langues (Ezra Pound, 1981 ; Canto, 1987), ou aux motsimages de Raymond Roussel. L’allusion à la construction, à la stratification, à l’accumulation des dépôts est constante, surtout dans les travaux des années 1980, qui font souvent appel à des superpositions infinitésimales de prises de vue innombrables, sur des sujets en mouvement rotatif – ou à la pose très longue (Bethanien, 1984). La « densité » de l’image est le produit d’une concrétion, d’une superposition d’éléments mouvants, répétés comme le battement d’un coeur ou la persistance d’un regard. L’une des significations développées par Appelt, également dans son oeuvre de sculpteur ou de cinéaste, est bien résumée par l’un de ses titres : Présence des choses dans le temps (1985). M.F. APRIL Raymonde photographe canadienne (Moncton 1953) April expose ses photographies depuis 1979. Alors que dans ses premières oeuvres textes et photos sont associés, elle réalise des images seules à partir du milieu des années 1980. L’artiste a pour particularité d’aborder des thèmes d’ordre privé sans pour autant relever d’une démarche réellement autobiographique. Les objets familiers, les paysages connus, les portraits de personnes de son entourage sont des images récurrentes qui, toutefois, ne développent ni une chronique ni un journal. Exclusivement en noir et blanc, ses photos ont l’avantage d’éviter autant l’anecdote que la banalité et de participer d’une vision d’un monde à la fois proche et intelligible, hors de l’exploitation de tout stéréotype ou lieu commun. À l’occasion d’un séjour à Paris, en 1989, elle réalise Sphinx, une série d’impressions photographiques sur toile qui sont des agrandissements d’images d’anonymes, rencontrés par hasard, dans la foule. Les formats, les cadrages, l’usage du flou* ou au contraire le parti pris de la mise au point, les valeurs, les poses*, les vues d’ensemble ou de détail, l’image en diptyque, en triptyque ou bien unique, sont autant de choix qui interviennent dans l’oeuvre d’April pour définir, chaque fois, une approche singulière et personnelle de l’auteur face à ses sujets. S.C. ARAGO François (Dominique François, dit) savant et homme politique français (Estagel, Pyrénées-Orientales, 1786 - Paris 1853) Physicien et député démocrate des Pyrénées-Orientales, il présente le 7 janvier 1839, pour la première fois dans l’histoire, des daguerréotypes* à l’Académie des sciences de Paris. Le 3 juillet 1839, il défend devant la Chambre un projet de loi qui prévoit l’octroi d’une rente viagère de 6 000 francs à L.J.M. Daguerre* et de 4 000 francs au fils de N. Niépce*. Il consacre l’invention de la photographie le 19 août 1839 en dévoilant le procédé mis au point par Daguerre devant l’Académie des sciences et l’Académie des beaux-arts réunies. Il évoque dans son rapport les recherches séculaires sur les sels d’argent et l’évolution de la chambre* noire depuis la Renaissance, et vise à établir la filiation du daguerréotype avec la science et l’art. downloadModeText.vue.download 36 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 36 L’archéologie, la peinture, l’astronomie, la photométrie et la topographie sont selon lui des domaines qui profiteront de l’invention de Daguerre. Obnubilé par l’exactitude et la richesse de détails du daguerréotype, il néglige les avantages des positifs directs sur papier de H. Bayard* et rejette le procédé négatif/positif de W.H.F. Talbot* qui, à la différence du daguerréotype, permet la reproductibilité des épreuves photochimiques. V.L. ARAKI Nobuyoshi photographe japonais (Tokyo 1940) Pendant des études de photographie à la Chiba University, Nobuyoshi Araki se passionne pour le cinéma et admire des réalisateurs comme Dreyer, Bresson, Godard et Ozu. Il débute en 1964, avec une série sur les enfants de la ville faite lors du tournage de son propre film. En 1970, il expose la série des images de sexes féminins en gros plan, Manifesto of Sursentimentalism 2, et, l’année suivante, publie à son compte Sentimental Journey, un roman photographique sur son voyage de noces dans lequel figurent des scènes banales, quotidiennes, vécues avec sa femme, y compris des scènes d’amour. À travers les images de sa vie privée (surtout de sa femme), de nus (surtout de sexes) et de la ville de Tokyo, Araki entreprend une lutte face à une société submergée par les images publicitaires. Il s’assimile donc à un résistant. Armé de sa mitrailleuse à calembours sexuels et de grenades à scandales, il ironise et provoque le régime établi. Chez Araki, l’acte photographique est totalement intégré à sa vie, à ses activités quotidiennes. En jouant sans cesse à la lisière de la vérité et de la fiction, il produit une énorme quantité d’images, publie une dizaine de recueils par an, organise simultanément plusieurs expositions et manifestations. Son surnom « Ararky » (Araki + anarchy) devient le nom d’un médium plutôt que celui d’un photographe. Le travail d’Araki repose sur la notion de reproduction et non pas sur celle d’expression. Chacune de ses images n’a pas la prétention d’être « bonne » ou « intéressante ». Elles sont accumulées et arrangées par un travail de montage (souvent cinématographique) pour créer un réseau de signification complexe. Ses principaux ouvrages sont, entre autres, Yoko, My love (1978, Asahi Sonorama, Tokyo), Fake Diary (1980, Byakuya-shobo, Tokyo), Tokyo Monogatari (1989, Heibonsha, Tokyo). Dès 1986, il fait aussi dans une salle de cinéma la projection de ses images, qu’il nomme « Arakinema ». En Europe, l’oeuvre d’Araki a été présentée en 1990 à la Grande Halle de la Villette de Paris (Photo de Famille), en 1992 au Forum Stadtpark de Graz (Akt-Tokyo Fotoarbeiten von Araki 1971-1991) et en 1995 à la fondation Cartier, à Paris (Journal intime). T.O. ARBUS Diane (Diane Nemerov, dite) photographe américaine (New York 1923 - id. 1971) Diane Nemerov naît dans la haute bourgeoisie. En 1935, elle étudie le dessin avec une ancienne étudiante de George Grosz. Au début des années 1940, elle ouvre un studio de photographie commerciale avec son mari, Allan Arbus. Ils travaillent principalement pour les magazines de mode. Désirant mener un travail personnel, elle étudie la photographie avec A. Brodovitch* en 1954, puis, en 1957, avec L. Model*, avec laquelle elle partage une même fascination pour les mythologies quotidiennes. Son travail va à l’endownloadModeText.vue.download 37 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 37 contre de la vision humaniste et universaliste véhiculée par l’exposition Family of Man*. Ses vues de parias comme des gens de la middle class placent au centre d’un cadrage stable leurs attitudes raides où se lit la déformation imprimée par la norme sociale. Elle reçoit deux bourses de la Fondation Guggenheim, en 1963, pour ses projets The American Experience et, en 1966, pour American Rites, Manners and Customs. En 1967, son oeuvre, représentative de l’esprit des années 1960, est présentée avec celles de L. Friedlander* et de G. Winogrand* dans l’exposition du M.O.M.A.* New Documents*. Ses dernières images de handicapés mentaux, plus expressives, tranchent avec sa neutralité habituelle et métaphorisent sa vision traumatique de la condition humaine. Elle se suicide en 1971. L’année d’après, portées par le courant de la contre-culture, ses images sont exposées à la Biennale d’art contemporain de Venise, et une rétrospective de son oeuvre voyage durant sept ans à travers l’Amérique, l’Asie et l’Europe. P.O. ARCHER Frederick Scott photographe britannique (Bishops Storford, Herfordshire, 1813 - Londres 1857) Initié au procédé du calotype* de W.H.F. Talbot par H.W. Diamond* en 1847, Archer complète sa formation de sculpteur par celle de photographe portraitiste. Né en 1813 dans une famille d’artisan boucher, il part à Londres après la mort de ses parents pour apprendre le métier d’orfèvre. Puis il étudie la sculpture, et plus particulièrement l’art du buste. En 1847, il participe aussi à la création du Photographie Club of London, encore appelé le Calotype Club. À partir de cette date, il va se « plonger » de plus en plus dans la photographie tout en continuant à pratiquer son métier de sculpteur. Pendant 10 ans, jusqu’à sa mort, en 1857, il ne cessera de rechercher de nouvelles améliorations techniques aux procédés photographiques. Ses travaux sur les procédés négatifs* sont les plus importants et ouvrent une ère nouvelle à la photographie. Archer met au point le procédé au collodion* et publie en 1850 et 1851, dans la revue The Chemist, une série d’articles décrivant la réalisation de négatifs sur une plaque* de verre. Le procédé au collodion permet la multiplication des images (comme le calotype*) sans perte de précision (comme le daguerréotype*). C’est toute une pratique photographique qui se trouve bouleversée pour près de 40 ans. Le procédé au collodion permet l’essor des ateliers professionnels et engendre une esthétique nouvelle, qui fut appelée « l’Âge d’or de la photographie ». S.M. ARCHITECTURE ET PHOTOGRAPHIE Un outil de documentation Avec le portrait, l’architecture est le sujet majeur de la photographie naissante. En effet, sa rapidité, là où le dessin est long, ainsi que son exactitude à rendre le détail font de la photographie un outil capital tant pour les critiques et historiens que pour les architectes. Le genre se développe d’abord en France puis, dans la seconde moitié du XIXe siècle, en Angleterre. En France, dès l’annonce de la découverte du daguerréotype*, en 1839, N.M. Paymal Lerebours – fabricant d’instruments d’optique – envoie des daguerréotypistes de Paris jusqu’en Égypte. Il réunit ensuite ces images en deux volumes dans Excursions daguerdownloadModeText.vue.download 38 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 38 riennes, vues des monuments les plus remarquables (1840-1842). En effet, la photographie d’architecture répond à la curiosité des hommes du XIXe siècle qui désirent connaître le monde entier et archiver le passé. Les voyages dans le passé monumental se multiplient et s’institutionnalisent, les organismes gouvernementaux ou privés commandent des inventaires photographiques. D’abord en France, où la Commission des monuments historiques charge, en 1851, cinq photographes – E. Baldus*, H. Bayard*, Le Gray*, Le Secq* et Mestral – de donner en images un état du patrimoine français, puis dans le reste du monde occidental. En Angleterre, ce n’est qu’en 1855 qu’apparaît le premier album de photographie d’architecture. Publié par P.H. Delamotte*, il traite de la reconstruction du Crystal Palace à Sydenham. Puis, jusqu’aux années 1880, d’autres entreprises semblables se succèdent, sans pourtant être systématiques comme en France. Dixon* se penche sur la désagrégation du tissu urbain. À cette volonté d’archiver le paysage monumental s’ajoutent les relevés commandés par les militaires ; ainsi le travail de T. O’Sullivan* en Amérique, qui réalise l’inventaire d’une terre nouvellement conquise. L’expansion de l’empire colonial anglais donne naissance à des relevés documentaires des pays colonisés : Murray ramène des images de l’Inde et F. Beato* du Moyen-Orient et de l’Extrême-Orient. Pendant le second Empire, la photographie d’architecture prend, en France et ailleurs, de l’expansion. Cela est surtout dû aux grands travaux d’urbanisme contemporains. En effet, la photographie permet de conserver des archives de bâtiments destinés à disparaître. Les travaux de C. Marville* couvrent la transformation de Paris : la disparition de vieux quartiers, et l’expansion de nouveaux dans les zones périphériques. En plus, l’emploi du négatif verre de grande dimension et du tirage contact permet de rendre avec précision les détails du tissu urbain. C’est à cette époque qu’apparaît un nouveau sujet, celui de l’architecture des ingénieurs. Parties intégrantes de l’urbanisme de l’époque industrielle, les chemins de fer et les usines sont l’objet d’inventaires détaillés. Les voies ferroviaires sont notamment illustrées en France par Baldus et aux ÉtatsUnis par W. Rau*. L’essence de la ville moderne La photographie, instaurée comme un art par le pictorialisme*, perd ses qualités documentaires – la recherche de l’exactitude du détail allié au rendu du volume – au profit d’une vision personnelle de l’architecture. Les travaux de A.L. Coburn* à Londres montrent la volonté de rendre une atmosphère par la variation de la lumière. L’apparition de l’électricité incite des photographes, tel G. Loppé*, à saisir la ville la nuit. La grande ville moderne, l’urbanisation et l’industrialisation deviennent des sujets de prédilection des membres de PhotoSécession*. Ponts, gratte-ciel et chantiers sont traités, dans une vision idéalisée, par Steichen*, Coburn, Haviland*, Stieglitz*, etc. Les années 1920-1930 marquent un tournant dans l’histoire de la photographie d’architecture qui s’inscrit d’une part dans le développement du documentaire social et d’autre part dans les mouvements artistiques modernes. Les travaux de B. Abbott* à New York pour la Work Progress Administration et de W. Evans* dans le sud des États-Unis pour la F.S.A.* se penchent sur la ville durant la crise. Le constructivisme, le Bauhaus* et la Nouvelle* Objectivité permettent aux photographes d’interpréter l’esprit de l’architecture moderne : angles insolites, contrastes downloadModeText.vue.download 39 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 39 violents, plongées et contre-plongées, gros plans montrent que le photographe donne une image personnelle du bâtiment et crée une perception de l’espace, par la géométrisation, libérée du sujet d’origine, allant parfois jusqu’à l’abstraction. Ainsi l’esthétique moderniste se reconnaît dans les travaux de Lux Feininger, A. RengerPatzch* et E. Landau*. Cette interprétation de l’architecture contemporaine rejaillit sur celle des monuments historiques comme le montre la vision géométrique de Cologne et de sa cathédrale de A. Sander*. Aux États-Unis, utilisant cette nouvelle vision, E. Weston* et P. Strand* réalisent des interprétations dramatiques de l’industrialisation. L’éclatement d’après-guerre Aujourd’hui, chaque photographe interprète l’architecture et donne à voir des images qui renouvellent la perception d’un bâtiment, s’il ne crée pas une image radicalement différente. Les attitudes se personnalisent et permettent difficilement de dresser un inventaire : les visions idylliques de J. Meyerowitz* sont loin de la neutralité de celles des Becher* qui recensent des tours industrielles ou encore des visions sordides et dénuées de commentaires personnels de L. Baltz*. Le travail en série est sans doute le point qui réunit la plupart des photographes sans pour autant être systématique. La collecte d’images pour la mémoire ne perd pas sa force. Dans les années 1970, aux ÉtatsUnis, les artisans de la Nouvelle Topographie rendent froidement des paysages de la culture industrielle (R. Adams*, Baltz, Stepen Sore, etc.). En France, la Mission photographique de la D.A.T.A.R. en 1984 charge quinze photographes (dont G. Basilico* et Albert Giordan) de donner en images un état de la France contemporaine. M.C. ARLES (Rencontres internationales de la photographie d’) C’est en 1970, à l’initiative de L. Clergue*, Jean-Maurice Rouquette et M. Tournier*, que sont créées les Rencontres interna- tionales de la photographie d’Arles, qui se déroulent chaque année aux mois de juillet et août. Le projet, à l’époque, est de donner une place à la photographie dans le champ artistique et culturel français et d’établir sa reconnaissance comme moyen d’expression à part entière. Plutôt confidentielle au départ, cette manifestation ne cesse de s’accroître pour devenir une véritable institution. À ses débuts, elle révèle au public la photographie américaine avec la venue de A. Adams*, W.E. Smith* ou L. Friedlander*, pour ne citer qu’eux. Cet esprit de découverte se poursuit par la suite, avec des éditions consacrées à la Chine en 1988 ou aux pays latino-américains en 1991. Soucieuses de prendre en compte les différentes applications du médium, les Rencontres organisent des expositions, réparties dans les lieux les plus prestigieux de la ville, allant de la photographie artistique au reportage en passant par les travaux du XIXe siècle. Des soirées, consacrées à des projections de films ou de montages audiovisuels, complètent ce programme. Enfin, les stages, animés par des professionnels choisis pour leur notoriété, constituent la troisième partie du projet. Ils se déroulent dans le cadre de l’École nationale de la photographie créée en 1982, et dont l’infrastructure – laboratoire, bibliothèque, salle de projection – est mise à la disposition des stagiaires. Des initiatives parallèles ont progressivement pris place autour des Rencontres, et Arles est ainsi, pendant l’été, un point de rendez-vous pour le milieu de la photographie. P.S. downloadModeText.vue.download 40 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 40 ARMAS Ricardo photographe vénézuélien (Caracas 1952) Initié à la photographie dès sa jeunesse, Armas devient professionnel en 1972. Il travaille pour la revue de théâtre et de spectacle Escena, dans laquelle il publie les portraits des acteurs et danseurs de tout le continent latino-américain. En 1974, il part étudier la photographie à l’International Center of Photography de New York, puis rentre pour occuper un poste de professeur à l’Institut de dessin de Caracas. Entre 1976 et 1978, il est le photographe attitré de la Galerie d’art national de la même ville où il réalise tous ses travaux pour le Ballet international de Caracas. Depuis 1976, il est photographe au musée d’Art contemporain de Caracas où il fait sa première exposition. Il vit et travaille à New York depuis 1979 grâce à une bourse du Consejo nacional de cultura. Il est invité à Arles aux Rencontres internationales de la Photographie en 1979 pour une manifestation sur l’Amérique latine et au 2e Colloque latino-américain à Mexico en 1981. Il participe à la grande exposition Photographie latino-américaine de 1860 à nos jours au Kunsthaus de Zurich en 1981, puis à Berlin en 1982. V.E. ART CONCEPTUEL ET PHOTOGRAPHIE La notion d’« art conceptuel et photographie » devient possible lorsque, dans les années 1970, l’enjeu pour l’artiste n’est plus de produire de beaux objets mais de montrer l’idée qu’il se fait de l’art, lorsque, à la suite de M. Duchamp*, la mort de l’art est annoncée. La photographie devient conceptuelle quand l’accent est mis sur des processus, quand la pratique de l’artiste est l’objet même de sa recherche. J. Dibbets* est l’un des premiers à utiliser la photographie dans une attitude conceptuelle (Domaine d’un rouge-gorge/ Sculpture, 1969). Intervenant dans une démarche plus générale, la photographie est un instrument de seconde main servant de document, d’archivé ou de mémoire. Cependant, elle peut parfois intervenir de façon directe. L’oeuvre archétypale de l’art conceptuel, Une et trois chaises de J. Kosuth*, présente la photographie au même niveau que le langage verbal et le référent objectuel pour une mise en acte conceptuelle de la notion de représentation. Dans une autre optique, B. et H. Becher* se livrent, depuis une vingtaine d’années, à un travail de repérage et d’archivage des monuments industriels et vernaculaires. L’oeuvre se définit par un projet global sur les catégories perceptives. Sa finalité est le photomontage des espaces. Le reportage* lui-même devient mitoyen de ce courant. Dans une séquence quasi conceptuelle, Riebesehl montre des personnes photographiées à leur insu dans un moment de totale et creuse indifférence. Chargeisheimer donne l’image de Cologne vide, photographiée en un point précis du temps à la même focale et à la même hauteur (Köln, 5 Urh 30). Et Crane prend systématiquement tous les gens qui sortent par la même porte d’hôtel (People on the North Portal). L’attitude conceptuelle se prolonge dans la photographie de paysage*. Mathys travaille sur les rythmes du temps qui passe en photographiant les mêmes lieux mais à des saisons différentes. Depuis 1969, G. Dekkers* étudie les « polders », paysages conçus par l’homme, et dispose ses images répétitives et monotones en séquences. Pour d’autres, notamment les artistes rattachés au Land* Art, la photographie est utilisée comme simple constat d’une opération effectuée downloadModeText.vue.download 41 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 41 (H. Fulton*, R. Long*...). Avec l’art conceptuel, une nouvelle voie est ouverte à la photographie : faire partie d’une démarche plus large, d’un projet. F.H. ASA voir ISO ASTRONOMIE ET PHOTOGRAPHIE La photographie est l’une des techniques qui ont permis l’essor de l’astrophysique, la branche la plus développée de l’astronomie moderne. Son application à l’astronomie, conjuguée à celle de la photométrie et de la spectroscopie, a été à l’origine d’une véritable révolution dans l’étude de l’Univers. Bien que la plaque photographique soit beaucoup moins sensible que l’oeil, elle présente sur celui-ci un avantage très important, celui d’accumuler la lumière qu’elle reçoit avec la durée de la pose : elle permet ainsi d’enregistrer l’image d’objets très peu lumineux, imperceptibles à l’oeil, comme des étoiles, des nébuleuses ou des galaxies, la limite étant imposée par la luminosité du fond du ciel qui finit par impressionner la plaque. Par ailleurs, les enregistrements photographiques constituent des documents objectifs, suscep- tibles d’être ultérieurement analysés, mesurés et comparés. La première photographie d’un objet céleste fut un daguerréotype* de la Lune obtenu en mars 1840, avec vingt minutes de pose, au foyer d’un télescope de 13 cm d’ouverture, par l’Américain J.W. Draper. Puis, le 7 décembre 1845, à l’Observatoire de Paris, H. Fizeau et L. Foucault* obtinrent le premier daguerréotype réussi du Soleil. Enfin, la nuit du 16 au 17 juillet 1850, l’astronome américain W.C. Bond et son compatriote le photographe J.A. Whipple, à l’aide de la grande lunette de 38 cm d’ouverture de l’observatoire du collège Harvard, prirent, avec une pose de cent secondes, la première photographie montrant des étoiles : Véga, dans la constellation de la Lyre, et Castor, dans celle des Gémeaux. Avec le même instrument, ils recueillirent aussi, la même année, de bonnes images de la Lune. Ce n’est toutefois qu’après l’apparition, en 1851, du procédé au collodion humide, dix à cent fois plus sensible que le procédé primitif de Daguerre, que la photographie commença à produire des résultats contribuant réellement au progrès de l’astronomie. Les premières observations photographiques journalières de la surface solaire furent entreprises en 1858 à l’observatoire de Kew, près de Londres, qui les poursuivit jusqu’en 1872. Ce travail précurseur fut ensuite continué et développé à l’observatoire de Greenwich, sous l’impulsion de E.W. Maunder, et, en France, à l’observatoire de Meudon, à l’initiative de son fondateur et premier directeur, J. Janssen. L’astronome amateur anglais W. de la Rue réussit en 1857 et 1859 les premières photographies détaillées de la Lune ; ses images des éclipses de Soleil de 1858 et 1860 furent les premiers documents décisifs qui aidèrent à comprendre la nature des protubérances solaires. À l’époque, les instruments astronomiques, conçus pour l’observation visuelle, laissaient encore fort à désirer pour les usages photographiques : ils souffraient notamment de ne pas disposer d’un système d’entraînement suffisamment précis pour assurer un excellent suivi des astres photographiés pendant la durée de la pose. Le manque de sensibilité des émulsions et leur incapacité à enregistrer les radiations lumineuses de manière uniforme sur l’ensemble du spectre visible constituaient deux autres handicaps pour l’emploi sysdownloadModeText.vue.download 42 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 42 tématique de la photographie en astronomie. Ce n’est qu’après l’invention, en 1871, de l’émulsion au gélatino-bromure d’argent que la plaque photographique commença à présenter une sensibilité suffisante pour concurrencer, puis supplanter l’observation visuelle des étoiles. On doit à deux astronomes amateurs, l’Américain H. Draper et le Britannique W. Huggins, les premières tentatives visant à appliquer la photographie à la spectroscopie astronomique. Ils obtinrent au cours des années 1870 les premières photographies de spectres stellaires. Puis Huggins réussit à photographier pour la première fois, en 1881, le spectre d’une comète et, en 1882, celui d’une nébuleuse (celle d’Orion). La première série importante de photographies stellaires fut réalisée par l’Américain B.A. Gould, de 1875 à 1882, à l’observatoire de Córdoba, en Argentine. Elle comprenait environ 1 400 clichés. Puis, à l’observatoire du Cap, l’Écossais D. Gill établit, de 1885 à 1891, une carte photographique du ciel austral, révélant tous les objets d’éclat supérieur à la magnitude 10. Celle-ci servit de base à l’établissement du premier grand catalogue photographique de positions stellaires, le Cape Photographic Durchmesterung, publié de 1896 à 1900 et contenant plus de 450 000 étoiles. Vers la même époque, l’Américain E.C. Pickering, à l’observatoire du collège Harvard, s’attachait à développer la spectrographie stellaire ; ses travaux allaient être à l’origine de la classification spectrale moderne des étoiles. Simultanément, à l’Observatoire de Paris, les frères Henry effectuaient des essais dont allait sortir, en 1887, la plus grandiose entreprise de photographie céleste jamais lancée : la Carte du Ciel. Dixhuit observatoires répartis sur l’ensemble du globe et tous équipés du même instrument, une lunette photographique de 33 cm d’ouverture à monture équatoriale, participèrent à l’opération, qui avait pour objet de dresser la carte photographique de tout le ciel, jusqu’à la magnitude 14, et qui ne s’acheva qu’en 1964. Au début du XXe siècle, la mise en service de grands instruments d’observation astronomique conjuguée à l’emploi systématique de la photographie a permis de reculer les frontières de l’Univers observé. C’est en parvenant à photographier des étoiles dans la « nébuleuse » d’Andromède, que l’Américain E. Hubble a pu établir, en 1924, l’existence de galaxies extérieures à la nôtre. Puis la photographie a permis l’exploration du monde des galaxies et leur étude spectrographique a conduit à mettre en évidence le phénomène de l’expansion de l’Univers. Malgré sa très grande capacité de stockage d’éléments d’information, la plaque photographique souffre d’un défaut majeur : sa faible sensibilité ; il faut, en moyenne, au moins 100 photons pour noircir un grain d’émulsion de bromure d’argent. Aussi, la photographie doit-elle de plus en plus affronter aujourd’hui la concurrence de dispositifs d’imagerie électronique beaucoup plus efficaces pour collecter la lumière, en particulier celle des dispositifs à transfert de charge, ou CCD (Charge Coupled Devices), dont le rendement atteint 60 à 80 % et qui possède de nombreux atouts : leur réponse linéaire à la lumière, leur bruit de fond très faible, leur capacité à enregistrer simultanément l’image d’objets d’éclats très différents, leur miniaturisation et leurs signaux numérisés, bien adaptés au traitement par ordinateur. La photographie reste inégalée pour la cartographie céleste et les recherches qui requièrent un grand champ ; les dispositifs électroniques du type CCD apparaissent, en revanche, mieux adaptés à l’imagerie d’objets déjà localisés, partidownloadModeText.vue.download 43 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 43 culièrement s’ils ont une luminosité très faible. P.L.C. ATGET Jean Eugène Auguste photographe français (Libourne 1857 - Paris 1927) Orphelin à l’âge de quatre ans, il est ac- cueilli par un oncle à Bordeaux, puis s’embarque comme marin pendant quelques années. À son retour, en 1879, il entre au Conservatoire d’art dramatique de Paris et devient comédien en 1881. Il n’obtient pas de grand succès, mais rencontre Valentine Delafosse, qui deviendra sa femme. Il se tourne alors vers la peinture, puis la photographie. Installé rue CampagnePremière, il entreprend de photographier, en collectionneur, tout ce qu’il y a de typique, de pittoresque et d’artistique dans Paris et ses environs. Il travaille avec une lourde chambre à soufflet 18 × 24, qu’il gardera toute sa vie, et utilise des plaques de verre au gélatino-bromure d’argent. Sa femme fait souvent les tirages. Ses photographies sont d’abord destinées aux peintres ; il affiche sur sa porte : « Documents pour artistes ». Il vend des tirages à Derain, à Braque, à Utrillo... mais aussi à des organismes officiels : la Bibliothèque historique de la Ville de Paris lui en achète dès 1899, puis la Bibliothèque nationale, la bibliothèque des Arts décoratifs, le musée Carnavalet... Il prend ses photos au petit matin, quand les rues et les places sont désertes (Colonne Morris, place Saint-Sulpice ; place de la Concorde...). Il affectionne particulièrement les cours (Cour, rue Broca, 41 ; Cour, rue Saint-Sauveur, 22), les entrées (Hôtel, place des Victoires, 10 ; escalier de l’Hôtel Le Lièvre, rue de Prague, 6), les passages, les détails architecturaux (Paris, Notre-Dame, sous-bassement du portail de la Vierge). Ses promenades lui font traverser les jardins et parcs de Paris et de la banlieue, dont il photographie souvent les statues (Tuileries, Daphné par Théodore). Il ira à Versailles, Saint-Cloud, Sceaux, mais aussi plus loin, à Beauvais, Rouen, Amiens, ramenant des images des monuments et de la vie quotidienne. Il s’intéresse beaucoup aux petits métiers en voie de disparition (Porteuse de pain, porte d’Asnières ; Chiffonnier du passage Trébert...), aux marchés (boulevard EdgarQuinet), aux étalages. Il a d’ailleurs l’idée de vendre aux commerçants des clichés de la devanture de leur boutique. Il constitue également des séries d’images de fleurs (Ombelles), de voitures, d’animaux... Il fait aussi des photographies sur les prostituées – dont des nus. Après la guerre de 1914-1918, pressé par la nécessité, il vend à différents musées des images d’archives : aux Monuments historiques, les photographies de bâtiments détruits pendant la guerre, au musée des Beaux-Arts, 2 621 clichés groupés en deux séries, l’Art dans le vieux Paris et Paris pittoresque. En 1921, il s’intéresse plus particulièrement à l’art, statues et éléments décoratifs dans la ville, salles du musée du Louvre. Man Ray, enthousiasmé par certaines des photographies d’Atget, lui en achète une cinquantaine, dont il fait paraître quelques-unes dans la Révolution surréaliste (dont Éclipse de soleil, 1912, place de la Bastille, qu’il sous-titre les Dernières Conversions, et Marchand de corsets, boulevard de Strasbourg, qui illustre un récit de rêve). Les surréalistes sont les premiers à avoir vu dans les clichés d’Atget autre chose que leur aspect documentaire : ils y lisent la possibilité du dérapage dans l’imaginaire à partir de ces fragments de réalité que sont les photographies. B. Abbott*, alors assistante de Man Ray, rencontre en 1926 Atget, qui finit sa vie dans la misère et la tristesse (sa femme est morte cette annéedownloadModeText.vue.download 44 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 44 là) ; très séduite par son travail, elle acquiert une partie de ses tirages et négatifs, et publiera aux États-Unis deux ouvrages sur lui (dont The World of Atget en 1964). Les photographes de la Nouvelle* Objectivité allemande s’intéressent aussi à son oeuvre, surtout aux images comportant des objets en séries, et présentent plusieurs tirages à l’exposition Film und Foto* à Stuttgart en 1929. Depuis, quelles que soient les interprétations qui ont été faites des quelque 10 000 plaques qu’il a laissées, son statut d’artiste est unanimement reconnu. W. Benjamin*, dans Petite Histoire de la photographie, fait son éloge, considérant qu’il se situe hors de toute convention et qu’il inaugure le regard moderne sur l’objet. Des expositions lui ont été consacrées au M.O.M.A. à New York (1952, 1981), au musée Carnavalet à Paris (1982, 1985)..., et de nombreux ouvrages ont été publiés, dont The Work of Atget (en 4 volumes), par le M.O.M.A. entre 1981 et 1985. Ch.B. AUBERT François photographe français (Lyon 1829 - Condrieu 1906) À l’âge de 25 ans, Aubert, alors élève à l’école des beaux-arts de Lyon, s’embarque pour l’Amérique centrale. Au Mexique, il rencontre les photographes Jules Armel et Mérille, qui l’initient à la photographie. En 1864, il achète le fonds d’Amiel et s’installe à Mexico, où il réalise des photographies de personnages officiels. Ses portraits « officiels » de personnalités et ses types « ethnographiques » font de lui un photographe professionnel ; mais c’est l’écroulement de l’Empire mexicain qui donne à Aubert l’occasion de participer à la naissance du photojournalisme* et d’entrer dans la légende en réalisant un reportage exceptionnel : l’arrestation et l’exécution de l’empereur Maximilien et de l’impératrice Charlotte, en 1867. En 1890, il quitte le Mexique pour l’Algérie, où il photographie des bateaux de guerre. Ses photographies sont conservées en Belgique, dans les collections du musée de l’Armée et à Paris (B.N.). S.B. AUBRY Charles Hippolyte dessinateur et photographe français (Paris 1811 - id. 1877) Apprenti dans le dessin appliqué à l’industrie, il conçut pendant plus de 30 ans des motifs pour les tapis, les papiers peints et les produits manufacturés. En 1857, il expose comme dessinateur à l’exposition industrielle de Bruxelles. Il se lance dans la photographie dans le début des années 1860 et monte en 1864 une société de production de moulages en plâtre et de photographies de plantes et de fleurs, qu’il établit 8, rue de la Reine-Blanche, à Paris. En 1864, il rassemble dans un grand album un ensemble photographique d’études de fleurs, Étude de feuilles, qu’il dédicace au prince impérial. Sa firme s’effondre en 1865. À l’Exposition universelle de 1867, il expose des plâtres et des photographies d’objets d’art dans la section Application du dessin et de la plastique aux arts usuels. Il s’installe en 1869 à Mandres-les-Roses (Seine-et-Oise) et construit un petit studio. En 1872, il rentre à Paris et jusqu’à sa mort sa production reste minime et il retire ses premiers négatifs. Son aventure photographique, voulue à l’origine comme une aide aux arts industriels, a produit des natures mortes aux compositions très étudiées représentant des fleurs en monochromie qui évoquent celles des peintres. Elles dépassent le simple modèle utilitaire serviteur de l’art décoratif pour atteindre une dimension esthétique en soi. Son oeuvre est représentée à Paris (B.N., musée downloadModeText.vue.download 45 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 45 d’Orsay, bibliothèque du musée des Arts décoratifs). C.B. AUTOCHROME L’invention de l’Autochrome découle des recherches de L. Ducos du Hauron* et de la théorie de la trichromie*, qui permet de restituer toutes les couleurs à partir de trois couleurs du spectre, dont le mélange optique – ou le mode de synthèse – est additif ou soustractif. Plus précisément, l’Autochrome est une application du principe des réseaux colorés, qui combinent côte à côte les trois couleurs de base. Les plaques autochromes sont présentées par les frères Lumière* à l’Académie des sciences le 30 mai 1904, et la première démonstration publique a lieu le 10 juin 1907 au siège de l’Illustration. Il s’agit d’une plaque de verre sur laquelle on dépose un « filtre-mosaïque » trichrome, puis un vernis, puis la couche de gélatino-bromure* d’argent photosensible. Le filtre-mosaïque est constitué de grains de fécule de pomme de terre (10 à 15/1 000e de mm) colorés en orange, vert ou violet. À l’exposition dans l’appareil, le rayon lumineux atteint la couche sensible après avoir été filtré par les grains colorés ; au cours d’un double développement, l’impact de ce rayon, d’abord opaque, est inversé et laisse percevoir par transparence les grains sélectionnés. La fabrication des plaques autochromes a été longue à mettre en oeuvre, car elle requiert une répartition homogène des grains, un laminage sous pression et un garnissage des interstices par une poudre de charbon. Ces grains seraient au nombre de 6 000 à 7 000 au mm 2. Les plaques ont été disponibles dans divers formats, dont 4,5 × 6 cm, 6 × 9 cm, 9 × 12 cm, 13 × 18 cm et les formats stéréoscopiques, 4,5 × 10,7 cm et 6 × 13 cm. Peu rapides, elles ne permettent pas l’instantané* (de 2/10e de s à 1 s, au soleil), ce qui impose l’usage d’un trépied. Les manipula- tions de développement* sont cependant accessibles à un amateur. La couche-image étant très fragile, les Autochromes sont doublés d’une seconde plaque de verre. Ils ne peuvent être observés que par transparence ou par projection et demeurent une image unique, non duplicable. À partir de 1907, les Autochromes sont en concurrence avec de nombreux autres procédés à réseaux (Finlay, Paget, Dufay, Jougla) qui apparaissent à la même époque, mais ils sont seuls à s’imposer durablement sur le marché ; en 1932, le procédé est disponible sur support souple. Les meilleurs artistes du moment se passionnent un temps pour l’Autochrome. A. Stieglitz*, E. Steichen*, H. Kühn* et F. Eugene* le découvrent à Paris, en 1907, et l’expérimentent aussitôt au cours de vacances en Bavière : 40 pièces figurent à l’exposition de photographie pictorialiste, à New York en 1909. La revue The Studio publie en 1908 un numéro spécial consacré à l’Autochrome, où l’on trouve les oeuvres de J.C. Annan*, A.L. Coburn*, Kühn, A.G. De Meyer*, G. Shaw*... Certains reporters l’adoptent, notamment pour les besoins de l’illustration des rares magazines qui peuvent se permettre des reproductions en couleurs (L. Gimpel* pour l’Illustration ; le National Geographic Magazine). Mais ce sont les amateurs (aisés, car le prix de revient est relativement élevé) qui forment la cohorte des utilisateurs : A. Personnaz*, Julien Girardin, J.H. Lartigue*, Jean Tournassoud ; des fonds entiers restent certainement à découvrir. La plus importante collection documentaire est celle que réunit le financier Albert Kahn à Boulogne en envoyant, au début du siècle, des collaborateurs du Moyen-Orient à l’Extrême-Orient. L’Autochrome rapproche théoriquement la downloadModeText.vue.download 46 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 46 photographie de la peinture par la prise en compte de la couleur. Toutefois, cette image d’un type nouveau ne trouve que peu de débouchés, l’impression trichrome sur papier n’étant pas assez développée avant 1930 pour traduire la justesse des couleurs de l’Autochrome. M.F. AUTOFOCUS Se dit d’un système de mise au point automatique de la distance équipant un appareil* photo, une caméra, un appareil de projection, etc. Plusieurs sortes de dispositifs ont été conçus, notamment pour obtenir la mise au point automatique sur différents matériels (appareils reflex ou compacts, Caméscopes, projecteurs...). Certains, dits actifs, possèdent un émetteur et un récepteur de rayonnement. Ce peut être un système électronique qui fait le point en se basant sur le temps mis par des ultrasons à parcourir la distance émetteursujet-récepteur (cas des appareils Polaroid). Ce peut être aussi un dispositif optoélectronique mesurant l’angle que forme un rayon infrarouge en parcourant ce même trajet : angle variant avec la distance à laquelle se trouve le sujet et l’écartement séparant l’émetteur du récepteur sur l’appareil (cas des compacts 24 × 36 et de certains Caméscopes). Les dispositifs autofocus les plus précis sont intégrés aux matériels reflex (24 × 36 et Caméscopes). Ils sont passifs et n’utilisent donc que la lumière transmise par l’objectif de prise de vue. De tels systèmes sont constitués, pour l’essentiel, d’un bloc optique et d’un senseur portant des microcellules qui transforment l’énergie lumineuse en énergie électrique d’intensité proportionnelle. Le signal électrique ainsi obtenu est traité par un microprocesseur pour commander un micromoteur de mise au point. S.R. AUTOPORTRAIT L’impossibilité d’être en même temps le sujet qui cadre, choisissant l’instant flatteur, et le modèle qui pose, explique peut-être la rareté des autoportraits photographiques en buste – comme souvent ceux des peintres : peur de rencontrer soudain, en cette trace de réalité aléatoire, un « autre » soi-même, redouté ou insoupçonné... (A.L. Coburn*, A. Stieglitz* ont posé figés, sérieux...). Cependant, tout photographe, ou presque, a fait au moins un autoportrait ; certains, surtout récemment, basent même leur oeuvre sur cette pratique ; mais la plupart se mettent en scène, dans une attitude contrôlée, plus ou moins symbolique. Désireux de s’affirmer comme artistes, certains photographes ont choisi de se représenter en peintres, face à un chevalet, ou une palette à la main (O.G. Rejlander* en 1871, E. Steichen* en 1901, J.H. Lartigue* en train de peindre son autoportrait, un miroir à côté de lui, en 1923...). Mais l’affirmation de la photographie comme art à part entière a amené la vague des autoportraits avec appareil photo (G. Krull* en 1925, A. Renger-Patzsch* en 1925, Man Ray* en 1932, M. Tabard* en 1942, Brassai* et son agrandisseur*...). Avec la disparition des frontières entre les arts, des combinatoires originales apparaissent : J. Le Gac* reconstitue, en autoportraits et textes, la vie d’un peintre imaginaire (années 1970), J. Vallhonrat* fait en 1982 un Autoportrait à la manière de Bacon, qu’il tire en très grand format, sur papier toilé. L’ombre et le miroir Si la photographie est censée proposer un reflet fidèle, elle permet aussi tous les jeux downloadModeText.vue.download 47 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 47 avec le miroir, comme on le voit dès 1889 avec les autoportraits « transformistes » (anamorphoses) de L. Ducos du Hauron* ou de L. Gimpel* vers 1900. Le questionnement de sa propre image, rendu fascinant par la trace, indéfiniment renouvelable, d’une présence au monde toujours déjà passée, peut devenir une activité obsédante, narcissisme où se redoublent l’être et le temps. Mais la distance à soimême, que D. Roche* rêve d’annuler dans l’acte photographique, reste le plus souvent présente dans l’exhibition : ironie de la critique sociale (F. Chevallier*, recueil le Bonheur, 1993), représentation de sa propre vie (N. Goldin*) ou, même, visage imposé comme une évidence (A. Warhol*, Coutelle). Transformer ses apparitions, sa personne même en oeuvre d’art, comme le font Gilbert & George*, ou sculpter son corps comme A. Minkkinen* et J. Coplans*, c’est tenter de s’approcher de soi-même comme Autre. La rencontre de son ombre (L. Friedlander*, recueil Autoportraits ; A. Tress*) ou de son double (D. Michals*, Je suis un autre, 1973) peut aussi manifester que l’autoportrait est la recherche d’une impossible identité. Métamorphoses La projection dans l’imaginaire offre une autre voie. Le rêve de se voir « multiple » devient possible grâce aux trucages (Rejlander, S.I. Witkacy*, Michals, Tenneson se représentent en double, W. Wulz* en Moi + chat, M. Duchamp* sous cinq faces dans Around the table...). Suivant ses fantasmes, le photographe, ayant recours à maquillage, travestissement et accessoires, peut se couler dans diverses identités, souvent stéréotypées. Plusieurs femmes ont produit dans les années 1970-1980 des séries de cette nature, souvent en couleurs, où l’on peut lire aussi un regard critique sur la société, parfois issu du féminisme : Golden (Caméléon, 1975), J. Dater*, Cowin*, et surtout C. Sherman*. Sur un mode plus ludique, Man Ray s’est représenté en hindou, en prêtre..., Ontani en Tarzan, Narcisse, Dante..., Hocks en géant botté, Journiac en son père, puis sa mère. L’expérience est pour certains beaucoup plus intime, parfois poussée aux confins de la schizophrénie ; s’y jouent identité et fantasmes sexuels. P. Molinier* se photographie en travesti, en femme, en homosexuel ; C. Cahun* en homme, et, comme U. Lüthi*, en androgyne... ; L. Samaras* exhibe dans Album ses « autopolaroids » érotiques. Visages de la mort Le rapport entre photographie et mort, étudié par R. Barthes* dans la Chambre claire, se déploie dans l’autoportrait jusqu’à devenir chez les artistes contemporains un jeu avec l’autodestruction. On passe de la simple présence de symboles de la mort (ossements, crânes chez Nadar* et chez A.S. Adam-Salomon*, vers 1860), ou de l’humour noir (H. Bayard*, les surréalistes), à de véritables interventions sur les corps, devenus le lieu de l’activité artistique. Chez les actionnistes* viennois (R. Schwarzkogler*, Brus, Nitsch, Muehl), comme dans les happenings de l’art corporel, le corps de l’artiste est présenté réellement souffrant, frôlant la mort jusqu’à la rejoindre. La photographie permet de garder une trace du rituel d’automutilation. La relation à la mort se vit aussi, dans le regard lucide sur le moi qui constate – parfois en l’orchestrant – la dégradation du corps. L’image retrouve alors toute sa symbolique, comme dans le dernier autoportrait de R. Mapplethorpe* avec canne à tête de mort, ou chez A. Rainer* (Face-Farces, 1968) et Braeckman, qui maculent leurs photographies l’un de grandes traînées de peinture colorée, l’autre de révélateur. L’image du visage et/ou du corps, morcelés ou entiers, momies, êtres monstrueux ou downloadModeText.vue.download 48 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 48 antéhistoriques, en décomposition ou pris dans la matière originelle (Bonfert, D. Appelt*), témoigne d’une interrogation sur la mort comme horizon et origine de la vie. L’autoportrait devient ainsi le moyen privilégié de représenter l’indicible. Plusieurs expositions ont été consacrées à l’autoportrait, dont Autoportraits photographiques, 1898-1981 (Centre Georges-Pompidou), à Paris en 1981 ; Autoretrato ¿Narcisismo o provocación? à Madrid en 1987 (Círculo de Bellas Artes). Ch.B. AVEDON Richard photographe américain (New York 1923) Dès son enfance, Avedon est en contact avec la mode et la photographie. Son père est propriétaire d’un magasin pour dames, sa mère collectionne les revues de mode et la pratique de la photographie est un loisir familial. Avedon photographie sa jeune soeur et punaise sur les murs de sa chambre des images de M. Munkacsi* déchirées dans Harper’s Bazaar*. En 1942, il accomplit son service militaire dans le département photo de la marine marchande américaine et, en 1945, présente son portfolio à celui qui deviendra son mentor, A. Brodovitch*, directeur artistique de Harper’s Bazaar. Dès lors, Avedon entame une collaboration qui durera vingt ans avec cette revue. En 1946, il ouvre son propre studio. À partir de 1950, il travaille en indépendant pour Life*, pour Look et pour Graphis et, de 1952 à 1955, est rédacteur et photographe pour Theater Arts. En 1966, il est débauché par Vogue*, pour qui il travaille encore. Il collabore également à la luxueuse revue Égoïste et réalise de nombreuses campagnes publicitaires. Avedon est, avec I. Penn*, le photographe de mode* le plus marquant des années 1950 et il domine longtemps ce genre. Il présente la femme et la mode avec fraîcheur et simplicité. Il introduit dans son travail un élément nouveau, la personnalité du mannequin, qui est souvent à l’origine d’innovations. Ses modèles sont des femmes belles, élégantes et diablement vivantes : elles s’agitent et rient à l’extérieur des studios. Cependant, cette vitalité et cette exubérance sont savamment orchestrées. Dans les années 1960, Avedon, dans sa quête de la simplicité et de la vérité, isole ses modèles dans un studio vide, devant un fond blanc, sous une lumière plate, et se consacre à l’étude du mouvement en faisant abstraction de toute narration. Il est ainsi le premier à combiner la tradition statique du studio et le mouvement. Il agit de même pour ses portraits, qui sont sa seconde activité. Il arrache le sujet à son environnement et le photographie, avec une précision chirurgicale, à la chambre 20 × 25 cm, frontalement, sur un fond blanc et souvent plein cadre. Dans ce contexte, il crée une confrontation entre le photographe et l’homme. Cette tension permet à Avedon de capter la vérité d’un être dans son rapport avec le monde, et le spectateur ressent le portrait plus qu’il ne le voit. En observateur lucide de la société, Avedon s’intéresse à la « géographie émotionnelle » du visage et du corps. En 1993-1994, une rétrospective de son oeuvre est présentée à New York (Whitney Museum) puis voyage à Milan, Cologne et Los Angeles. N.C. AYERZA Francisco photographe argentin (actif entre 1870 et 1900) Photographe amateur, Ayerza est le pionnier de l’illustration de livres sur des thèmes littéraires. Il a illustré de ses phodownloadModeText.vue.download 49 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 49 tographies un roman de José Hernández, Martín Fierro, publié entre 1872 et 1879, dates qui correspondent à sa période de plus intense activité. Il travaille dans cette discipline de 1885 à 1900, se consacrant à la littérature de l’Amérique latine. Cependant, la plupart de ses photographies personnelles n’ont pas été publiées. Il est reconnu par les personnalités de son époque et dans son milieu professionnel, qui lui rendent un hommage mérité. À partir de 1894, il entreprend des voyages à travers la campagne argentine et réalise des scènes de genre qui sont de véritables scénographies. Il distribue les rôles, femmes en costumes de ville et homme habillés en paysans se retrouvant dans des cours de fermes et dans des banquets campagnards très pittoresques. V.E. downloadModeText.vue.download 50 sur 634 50 B BACOT Edmond photographe français (? 1814 - ? 1875) Après avoir étudié la peinture dans l’atelier du peintre Paul Delaroche, Bacot passe à la photographie vers le milieu des années 1840 : on a de lui une vue du Panthéon de 1846. Il s’installe à Caen, d’où il est originaire, pratique le calotype* mais surtout la photographie à l’albumine* ou au collodion*. Il est un des pionniers de la photographie instantanée*, et la marine qu’il présente à l’Académie des sciences en 1851 fait sensation. Il réalise une série de vues de Caen (1851) et de Rouen (1853) influencées par la redécouverte de l’art roman et gothique, dans l’esprit de la Mission* héliographique. Sa Vue de la cathédrale de Caen présentée à l’Exposition universelle de 1855 lui vaut les éloges de la critique. Il est alors considéré comme un des meilleurs photographes normands, ami de A. de Brébisson*, dont il réalise un beau portrait. En décembre 1852, grâce aux milieux républicains normands, il rend visite à V. Hugo*, alors en exil à Jersey et qui souhaite s’initier à la photographie. En mars 1853, Charles, le fils du poète, passe quinze jours chez lui à Caen pour prendre des leçons. Cette relation prestigieuse sti- mule Bacot ; le goût d’Hugo pour l’architecture médiévale, ses écrits, ses dessins influent peut-être sur son style. C’est à cette époque qu’il produit ses plus belles photographies. En juillet 1862, invité à Hauteville House, la maison des Hugo à Guernesey, il réalise une soixantaine de vues stéréoscopiques : portraits, intérieur de la maison, repas des enfants pauvres, etc., qui constituent le premier reportage sur la vie intime et familiale d’un grand écrivain. Il est représenté dans plusieurs collections en France, à Paris (Bibliothèque nationale, Société française de photographie et musée d’Orsay). S.A. BAGUE-ALLONGE Tube métallique équipant les appareils reflex mono-objectifs, qui, s’intercalant downloadModeText.vue.download 51 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 51 entre le boîtier* et l’objectif*, permet d’allonger la distance séparant l’objectif du film, et ainsi de faire la mise au point sur les sujets rapprochés. On nomme aussi cet accessoire tube-allonge. Il en existe de différentes longueurs. S.R. BAILEY David (David Royston Bailey, dit) photographe britannique (Londres 1938) Élevé dans le quartier populaire de l’East End londonien et nourri de cinéma et de jazz, Bailey, autodidacte en photo, devient en 1959 l’assistant du photographe de mode* londonien John French. Dès 1960, il travaille sous contrat avec Vogue* comme photographe de mode et en indépendant pour le Daily Express, le Sunday Times, le Daily Telegraph, Elle ou Glamour. Tout à coup, il devient célèbre. Dans le « swinging London » de la contre-culture des années 1960 et sur le modèle de la rock star, le jeune Bailey est l’incarnation du mythe du « photographe-héros ». Il photographie comme il vit, sur fond de musique et de sexe. En 1967, il sert de prototype au photographe du film d’Antonioni Blow Up. Les images de Bailey, très influencées par le cinéma, surtout celui de la Nouvelle Vague, sont empreintes de fraîcheur et de spontanéité, grâce au naturel des modèles : « Mes photos sont dépourvues de style, déclare-t-il, mais mes modèles en ont un. » Dans les années 1960, il réalise aussi des films publicitaires et des documentaires, notamment sur C. Beaton*, A. Warhol* et Visconti. À partir de 1969, Bailey continue de remplir des contrats de mode et de publicité, mais sa curiosité naturelle le porte à photographier des paysages, de l’architecture, des natures mortes, des nus. Il se spécialise dans le portrait*, abordé dès 1964 en réaction à la photographie de mode. En 1984, le V.A.M. de Londres lui consacre une grande exposition. N.C. BAILLY-MAÎTRE-GRAND Patrick photographe français (Paris 1945) Après des études scientifiques et une courte activité picturale, Bailly-Maître-Grand est conduit, vers 1979, à la photographie. Il redécouvre en 1982 le procédé ancien du daguerréotype et il réalise des vues urbaines et statiques orientées vers le rendu des ombres et de la lumière, parfois dans de très grands formats. En 1986, revenant à la pratique du tirage sur papier, il explore une technique de prise de vue en mouvement, la « périphotographie », dont il applique le procédé à une série d’animaux naturalisés, images fantastiques, à la beauté inquiétante et ironique (Formol’s Band, château d’Oiron). L’expérimentation renouvelée toujours par séries de procédés photographiques anciens – rayogramme*, solarisation*, virage* – traduit la fascination portée par l’artiste à l’égard des phénomènes de minéralisation dans le rendu des paysages, des objets ou des visages (les Véroniques, 1992). À plusieurs reprises, Bailly-Maître-Grand a approfondi les principes optiques de la camera obscura* en réalisant diverses installations qui manifestent la réinterprétation constante des pratiques liées à l’histoire originaire de la photographie. F.D. BALAGNY Georges photographe français (Paris 1837 - id. 1919) Élève au lycée Louis-le-Grand, ce fils de notaire se prend de passion pour la chambre* downloadModeText.vue.download 52 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 52 noire. Le bris de ses clichés pendant un voyage l’incite à expérimenter à partir de la fin des années 1880 un papier pelliculaire de son invention, puis des plaques souples (exemplaires à Paris, B.N.). Des dizaines d’articles et de plaquettes, sa participation fréquente à des congrès et à des expositions, son concours à la création de sociétés (fondation de la Société d’excursion des amateurs photographes en 1887) en font alors une personnalité connue du monde photographique. Adhérent de la S.F.P.* (1875), il y propose près de 150 communications souvent agrémentées d’images qu’il obtient à la belle saison en essayant de nouveaux procédés. Les 21 vues de la forêt de Fontainebleau déposées sous forme de tirages sur papier albuminé* 32 × 26 cm à Paris (B.N.) en 1877 le montrent aussi féru de technique qu’amateur de beaux paysages : chaos imposants, colosses végétaux, dessous de bois touffus. B.M. BALDESSARI John ar tiste américain (National City, Californie, 1931) Étudiant au San Diego State College de 1949 à 1957, Baldessari réalise des tableaux en expérimentant le rapport entre peinture et langage. Ses premières réalisations datent de 1957. En 1963, il privilégie le médium photographique et commence à produire de nombreux films vidéo. Le musée californien de La Jolla lui consacre en 1960 sa première exposition personnelle. À partir de 1971, son oeuvre est régulièrement présentée en Europe. Il est l’auteur de pièces photographiques exploitant images cinématographiques et télévisuelles à travers la pratique du montage. Ses photographies sont extraites de films de série B, de « serials ». Sa réflexion porte sur le statut et l’impact des images médiatisées. L’artiste propose des associations de reproductions, provoquant une véritable déconstruction des signes visuels et textuels. Il fait ainsi apparaître des images qui opèrent comme des stimuli sur l’inconscient ou l’imaginaire. Le spectateur participe à la lecture des montages d’images à travers les affects qu’ils véhiculent. Baldessari est également l’auteur d’écrits et de livres réunissant ses photographies. S.C. BALDUS Édouard Denis photographe français d’origine allemande (Grunebach, Prusse, 1813 - ? 1882) D’abord peintre portraitiste, il vient en France en 1838, et se consacre à la photographie une dizaine d’années plus tard. En 1851, il est l’un des cinq photographes de la Mission* héliographique, chargée de rapporter des images à la fois documentaires et artistiques du patrimoine français, commandée par la Commission des Monuments historiques. Il se voit confier, à partir de Fontainebleau, la Bourgogne, la vallée du Rhône, le Dauphiné, la Provence. Il ramène une centaine de négatifs papier (sur lesquels il a passé de la gélatine iodurée pour obtenir une meilleure définition). Déjà ses photographies, d’une composition très équilibrée, négligent le pittoresque au profit d’une vision large de l’espace. Ses images d’architecture, d’une très grande précision, conservent cependant le charme romantique des ruines : Théâtre romain d’Arles, où l’étagement des plans rend bien la profondeur du lieu ; Amphithéâtre, vue de l’enceinte extérieure, Nîmes, traité en panorama à partir de deux négatifs mis côte à côte. D’autres commandes s’ensuivront ; il réalise plusieurs séries de photographies, des monuments parisiens en 1852, et des travaux du nouveau Louvre entre 1855 et downloadModeText.vue.download 53 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 53 1858 (plus de 1 200 vues, détails et plans d’ensemble)... Mais il s’intéresse aussi au paysage, et revient d’un voyage en Auvergne avec des clichés de nature dont il présentera certains à l’Exposition universelle de 1855. Cette année-là, le baron de Rothschild lui demande de faire un repor- tage sur les chemins de fer pour l’offrir à la reine Victoria : en seulement trois jours, il produit l’album Chemin de fer du Nord, ligne de Paris à Boulogne, qui comprend 50 planches. En 1856, l’État lui commande un travail sur les inondations du Rhône : des images de Lyon montrent des maisons effondrées, des gravats... ; d’autres, près d’Avignon, des terrains dévastés par l’eau. En 1859, il fait un second album sur les transports ferroviaires : Chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, regroupant des photographies prises entre Lyon et Toulon, de gares (Lyon, gare de Perrache), de voies ferrées (Entrée de Robinet à Viviers-sur-Rhône), de tunnels (Vienne, entrée du souterrain), mais aussi de paysages (Bandol) et de vues générales (Avignon)... Il utilise, comme la plupart du temps, des négatifs de grand format – de 30 × 40 cm à 40 × 50 cm – qu’il retouche parfois au lavis. Dans les années 1850, certaines de ses photographies, comme Moulin à Enghien, sont éditées en vues stéréoscopiques. En 1860, il s’installe rue d’Assas (au 25, puis au 17) et exploite son fonds, à partir duquel il réalise des gravures héliographiques. Il ne cesse d’améliorer sa technique, obtenant une gamme de gris très étendue. Il est présent à l’Exposition universelle de Londres en 1862, à celle de Paris en 1867, et aussi au palais de l’Industrie en 1869 et 1874, avec la S.F.P., dont il est membre. Son fils, James Édouard Théodore, né en 1848, a collaboré un moment avec lui. Une importante exposition organisée par le musée d’Orsay, envoyée d’abord au Metropolitan Museum de New York puis à Montréal en 1994, sera présentée au public à Paris en 1995. Ch.B. BALTERMANS Dimitri Nikolaievitch photographe russe (Moscou 1912 - 1990) Baltermans étudie les mathématiques à l’université de sa ville natale de 1928 à 1933, puis enseigne la géométrie analytique dans une école militaire. Autodidacte en photographie, il commence cette discipline à partir de 1936. Photoreporter dans l’Armée rouge, correspondant du quotidien Izvestia et de Na Razgrom Vara- ga de 1940 à 1945, il publie de nombreux articles sur la guerre et se voit attribuer le titre de Soldat-photographe. Pendant toute cette période dramatique, il est en première ligne pour témoigner dans les tranchées. Ses cadrages vous plongent directement sur les lieux du drame et accentuent l’atmosphère tragique. Il montre les survivants près des morts sur les champs de bataille et les soldats courant qui tirent sur un ennemi invisible comme dans cette image célèbre, l’Attaque. Il photographie les sièges de Moscou et de Sébastopol, la bataille de Stalingrad, la libération du sud de la Russie et de la Pologne, pour terminer à Berlin. À cette époque, son pays ne voulant pas de ces images de désespoir, il ne les sort de ses archives qu’en 1945, quand il devient reporter en chef pour Ogonek. Il obtient le deuxième prix à l’Exposition mondiale de la photographie à Hambourg en 1965, puis le Mérite culturel du travailleur de la Russie en 1970. La Guerre russe fait l’objet d’expositions à travers le monde – en Tchécoslovaquie, Grande-Bretagne, Italie, États-Unis – et de publications dans Time-Life, Stern, Paris-Match, qui downloadModeText.vue.download 54 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 54 le consacre comme le « Robert Capa* » soviétique. Pour cet homme pacifiste, une compréhension humaine de la guerre doit devenir une nécessité dans le contexte international. V.E. BALTZ Lewis photographe américain (Newport Beach, Californie, 1945) Baltz pratique la photographie depuis 1956. Étudiant au San Francisco Art Institute en 1967, il réalise à cette date les Prototypes Works puis, en 1971, les Tract House, des photographies de maisons préfabriquées, qui sont l’objet, la même année, de sa première exposition personnelle à la galerie Leo Castelli de New York. La dépression de la société industrielle, ses résidus constituent le thème dominant de son oeuvre. Particulièrement attentif au phénomène d’entropie, de dégradation des sites, Baltz propose une image photographique qui n’en dresse pas le constat docu- mentaire, mais qui construit une véritable esthétique. Les vues de détail, les agrandissements, l’image des matériaux – qu’il s’agisse de gaines ou de fils électriques, de déchets à l’intérieur de terrains vagues – sont soumis à un réel traitement photographique à travers la lumière, les noirs et les blancs. Baltz est également l’auteur de photographies où se côtoient le paysage et l’habitat dans la mémoire de l’oeuvre de W. Evans* (Near Reno, 1986). La Ronde de nuit (1992) est présentée à Paris (Centre Georges-Pompidou) sous la forme d’un mur de photos qui rend compte de l’univers des technologies actuelles : l’objectif* se substitue à la caméra d’une télévision de surveillance. La photo se confond alors avec un dispositif policier et autoritaire. De nombreuses expositions ont présenté Baltz aux États-Unis, à New York (M.O.M.A.) en 1972, à Washington (Corcoran Gallery of Art) en 1974. Elle est exposée en Europe depuis le milieu des années 1970 à Amsterdam (Stedelijk Museum) en 1992 et à Paris (musée d’Art moderne de la Ville) en 1993. S.C. BARBIERI Gianpaolo photographe italien (Milan 1940) G. Armani, le styliste italien qui a renouvelé, à la fin des années 1970, le prêt-àporter, écrit, non sans un accent de regret : « Barbieri est un très grand photographe de mode, mon travail n’est pas assez stylisé pour lui. » Très peu de livres et d’expositions ont été consacrés à ce grand metteur en scène de l’image fixe, en noir et blanc et en couleur, qui préfère les pages satinées des journaux à celles, plus définitives, du livre. Les plus grands magazines de mode se sont arraché ses photos et, devant chacune d’elle, on s’étonne de sa capacité à construire un récit aussi dense et parfait. S. Moon* déclare qu’elle ne peut pas photographier si l’image qu’elle recherche ne fait pas partie d’une histoire qu’elle se raconte. De même, les images de Barbieri sont des fenêtres sur un film virtuel qu’il serait en train de tourner et dont il nous révèle la scène principale. Les lumières, cinématographiques dans leur intensité et leur cadrage, le décor et les attitudes évoquent le cinéma des mythiques années 1940. Ses débuts en tant que comédien, à l’issue du conservatoire, avec Luchino Visconti et ensuite son assistanat parisien avec Tom Kublin ont contribué à former le regard théâtral qu’il porte sur la femme, dont il exalte une beauté lointaine, à l’instar de certaines héroïnes de Visconti. Ses images ont enchanté Yves Saint Laurent et Valentino, pour qui il travaille souvent. downloadModeText.vue.download 55 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 55 Fixé depuis chelles, il îles en les identique à quelques années aux îles Seyphotographie les habitants des plongeant dans une atmosphère celle de ses images de mode. S.R. BARNAK Oscar ingénieur allemand (Lynow, Brandenburg, 1879 - Bad Nauheim 1936) La naissance du photoreportage est communément attribuée aux développements techniques, et particulièrement à l’invention du Leica (35 mm), mis sur le marché en 1924. C’est Barnak – de la maison Leitz, à Wetzlar – qui a développé cet appareil miniature en 1913. Le Leica permet à la fois une grande précision de l’image dans une lumière réduite, la pose instantanée et l’avance rapide du film. Enfin, il donne la possibilité de prendre une succession de clichés (36 poses) sans changer de film et – par la rapidité – de saisir l’action sans attirer l’attention du sujet. M.C. BARNARD George N. photographe américain (1819 - 1902) Barnard est le premier à obtenir une photo qui s’apparente au genre journalistique, réalisant par la suite de véritables « reportages » lors de la guerre de Sécession. Il commence sa carrière de photographe comme daguerréotypiste à Syracuse dans l’État de New York entre 1851 et 1854. On mentionne qu’en 1853 il est secrétaire de la New York State Daguerrian Association. C’est à Oswego qu’il réalise le premier reportage photographique, au daguerréotype*, alors que le feu embrase un silo à grains. Lorsque la guerre de Sécession éclate, Barnard est engagé par l’Armée de l’Union pour reproduire cartes et plans et, quand l’occasion se présente, il photographie des champs de bataille après le combat. En effet, le procédé complexe du collodion rend difficile sinon impossible à l’époque une prise de vue sous le feu de l’action. Aussi Barnard photographie-t-il les installations militaires éloignées des lignes de front, les soldats quand ils ne se battent pas mais aussi les ruines, toute trace qui fait état de la guerre dévastatrice. Des nuages rajoutés à l’original suivant le principe de « ciel rapporté » au moment du tirage renforcent le caractère dramatique de ses photos. De même que A. Gardner*, il décide de travailler en indépendant afin de pouvoir signer les photographies qu’il réalise. En 1864, Barnard voyage avec l’armée de Sherman, qu’il accompagne dans sa « march to the sea » ; 61 photos seront publiées sous le titre Photographic Views of Sherman’s Campaign en 1986. A.T. Antony et Harper’s Weekly éditeront ses photos. La même année Gardner fait paraître Gardner’s Photographic Sketch Book of the War : 7 photos de Barnard seront publiées, autant d’images qui imposent une approche contemplative et rétrospective de la guerre. A.Ma. BARROW Thomas photographe américain (Kansas City 1938) Élève de A. Siskind* à l’Institut of Design de Chicago de 1965 à 1967, il est en même temps membre de l’équipe de la George Eastman House jusqu’en 1972. C’est pendant ses études qu’il réalise ses premiers photogrammes* à partir de magazines. En 1968, Barrow commence à faire des travaux en utilisant la photocopieuse Verifax, qui lui permet de continuer ses recherches sur la juxtaposition d’images. ParallèledownloadModeText.vue.download 56 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 56 ment, il commence les séries Pink Stuff et Pink Dualities, photographies en paires qui explorent la nature de la vision photographique. S’inspirant de la méthode classique de l’imprimeur qui efface les plaques pour limiter une édition, sa série Cancellations (1973), photographies topographiques de paysages urbains, est réalisée à partir de négatifs qu’il barre d’une croix. En 1977-1978, l’artiste travaille sur Libraries, des clichés de différentes bibliothèques. Sa volonté de trouver des alternatives à la photographie se poursuit : dans Spray Photograms, images sur lesquelles il passe de la laque pour voiture (1978), dans Caulked Pieces, des clichés de paysages tourmentés réassemblés avec des agrafes et de la colle (1979) et, plus récemment, dans ses oeuvres sculpturales commencées en 1982. Au-delà d’une approche conceptuelle, Barrow est également pictural ; son travail couvre une très grande variété de techniques et de matériaux dont le fil conducteur est la nature de la photo ellemême, la manière dont elle rend l’information (Self-Reflexive, 1978, San Francisco, Museum of Modern Art). Pour cela, l’artiste utilise les techniques classiques, auxquelles il adjoint une multitude de procédés, tels le verifaxing, la photolithographie – qui s’adapte indifféremment à la reproduction de clichés photographiques, de montages, de collages – le Polaroid*, etc. En 1973, il est nommé directeur associé du musée d’Art de l’université du NouveauMexique, à Albuquerque, et, à partir de 1976, il enseigne à plein temps au département d’art. Il est représenté dans de nombreuses collections, entre autres à New York (M.O.M.A.) et à Rochester (George Eastman House). M.C. BARTHES Roland critique français (Cherbourg 1915 - Paris 1980) Après plusieurs articles consacrés à la photographie dans une perspective sémiologique, Barthes présente son ultime ouvrage, la Chambre claire (1980), comme une « Note sur la photographie ». Selon les voies d’une « phénoménologie désinvolte », il se propose de dégager une spécificité de la photographie en distinguant trois niveaux de sens dans les images : le niveau informatif non codé ; le niveau symbolique intentionnel – le « sens obvie » du « Troisième sens » (1970) devenant ici le studium – ; et le punctum – le « sens obtus ». Le punctum est ce qui, dans un détail sou- vent infime d’une photographie, vient provoquer le trouble chez le spectateur. Impromptu et aléatoire, il n’est pas de l’ordre de la production, mais de la réception de l’image. Alors que le studium suppose un investissement (appliqué) du spectateur, un mouvement vers l’image, le punctum, lui, « part de la scène, comme une flèche ». « Le punctum d’une photo, c’est ce hasard qui, en elle, me point (mais aussi me meurtrit, me poigne). » Si la Chambre claire s’impose de fait comme une alternative aux thèses de Walter Benjamin et de Pierre Bourdieu, la posture choisie par Barthes est toutefois celle du sujet qui n’obéit qu’à sa subjectivité, qu’à ses émotions, et qui a renoncé aux méthodes, savoirs et discours scientifiques de la sociologie, de la sémiologie et de la psychanalyse. Sujet solitaire au-delà de la science, mais aussi en deçà de la photographie. S’étant situé radicalement à l’extérieur de la photographie, les images lui apparaissent le plus souvent plates, minces, sans épaisseur, et détachées des procédures photographiques qu’il ignore délibérément. downloadModeText.vue.download 57 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 57 Barthes ne voit pas l’épaisseur des images dont il néglige l’écriture, les formes, la matérialité, les aspérités, ou ce « grain » matériel ou formel, sensuel et charnel, qu’il sait pourtant si bien découvrir ailleurs – dans la voix, le texte, la musique, etc. Aussi le punctum d’une photographie ne provient-il jamais, dans les exemples qu’il en donne, d’une forme ou d’une matière photographique, mais toujours d’un détail du réfèrent. En fait, la pensée de Barthes est fortement marquée par le mythe de la photographie comme « pure dénotation ». En 1961, dans son article « Le message photographique », il voit dans toute photographie « la coexistence de deux messages, l’un sans code et l’autre à code » – le code étant constitué par ce qu’il désigne comme « l’“art”, ou le traitement, ou l’“écriture”, ou la rhétorique de la photographie ». Trois ans plus tard, en 1964, la « Rhétorique de l’image » reprend et développe l’idée en scindant le procès de production de l’image photographique en deux phases successives : la « pure dénotation », puis la connotation ; d’un côté, l’enregistrement mécanique et, de l’autre, les « interventions de l’homme » ; le non-code naturel et le code culturel. Mais, surtout, « Rhétorique de l’image » introduit l’« avoir-étélà », et reconnaît dans la photographie une catégorie nouvelle de l’espace-temps, locale immédiate et temporelle antérieure : « La photographie installe non pas une conscience de l’être-là de la chose (que toute copie pourrait provoquer), mais une conscience de l’avoir-été-là. » Enfin, en 1970, l’article « Le troisième sens », consacré à quelques photogrammes de Eisenstein, distingue dans les images non plus deux, mais trois niveaux de sens. Au-delà du niveau informatif (celui de la communication), au-delà du niveau symbolique (le « sens obvie » des sciences du symbole : la psychanalyse, l’économie, la dramaturgie), « hors de la culture, du savoir, de l’information », Barthes reconnaît un « autre sens, le troisième, celui qui vient “en trop”, comme un supplément que [son] intellection ne parvient pas à bien absorber, à la fois têtu et fuyant, lisse et échappé, [il] propose de l’appeler le sens obtus ». En 1970 est ainsi esquissée la posture adoptée dans la Chambre claire : celle du troisième sens, celle du punctum. Non pas le niveau de la communication (le premier sens), à peine celui de la signification (le sens symbolique), mais, radicalement, le troisième niveau que, après Julia Kristeva, il nomme la « signifiance ». A.R. BARTHOLDI Auguste artiste français (Colmar 1834 - Paris 1904) Mondialement célèbre pour sa statue de la Liberté, le statuaire et sculpteur Bartholdi compte à son actif de nombreuses autres oeuvres d’importance (Lion de Belfort). Son goût du colossal lui serait venu d’un voyage de jeunesse en Égypte et dans l’Arabie Heureuse, réalisé avec le peintre Léon Gérôme en 1855-1856. Outre une importante série de croquis, il en rapporte une centaine de négatifs sur papier, dont les tirages positifs sont exécutés en France à son retour. Non publiés et restés méconnus du pu- blic, ces calotypes*, actuellement conservés à Colmar, font l’objet ces dernières années d’un regain d’intérêt justifié. Abandonnant complètement le projet initial de photographier les types humains, Bartholdi enregistre essentiellement les aspects pittoresques de l’Égypte contemporaine : maisons, bazars, cafés, cours, boutiques, paysages. Il ne réserve qu’un cinquième environ de sa production aux downloadModeText.vue.download 58 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 58 grands monuments antiques, dont, bizarrement, pyramides et sphinx sont absents. La hardiesse des cadrages serrés, le graphisme des formes, l’équilibre des masses aux forts contrastes de lumière et d’ombre, le jeu des motifs répétés et l’émergence de la matière sous des éclairages rasants confèrent à ses images une qualité incontestable. Leur puissance esthétique, devançant la simple représentation documentaire, est pourtant desservie parfois par une technique hésitante. Abandonnant la pratique, Bartholdi, par la suite, utilise cependant encore beaucoup la photographie comme support préparatoire et publicitaire pour son oeuvre plastique. C.K. BASILICO Gabriele photographe italien (Milan 1944) Basilico est d’abord diplômé d’architecture, en 1973. Pourtant, dès 1975, il opte pour la photographie et s’y consacre en professionnel, alternant reportages à caractère social et travaux commerciaux. Il mène une recherche originale sur la photographie d’architecture*. Il explore le paysage contemporain : les villes et les ports, les quartiers industriels et populaires, l’Italie et la France. Il se fait connaître des autorités culturelles et du grand public par des publications nombreuses. En 1982 paraissent Milano, ritratti di fabbriche et Naples 82, cité de la mer. Il participe en 1984 à la Mission photographique de la D.A.T.A.R., choisissant de représenter le littoral du nord de la France. Vedute (1987) est le titre d’une exposition en Arles et d’une publication. Portrait of a Landscape paraît en 1988. Porti di mare obtient en 1990 le prix du Mois de la photo à Paris. Basilico manie magistralement le langage structural de la photographie. Il porte un regard objectif sur les constructions. Par une prise de vue frontale, il découpe les masses, utilisant la lumière matinale pour modeler les formes. Architecte et photographe, Basilico est aussi un architecte de la photographie. M.M. BATHO Claude photographe française (Chamalières 1935 - Paris 1981) Après des études d’arts appliqués et de photographie à Paris, elle devient en 1957 photographe aux Archives nationales. Elle y rencontre J. Batho*, avec qui elle se marie en 1963. Sa personnalité artistique s’affirme à la fin des années 1960 quand elle enregistre des impressions fugitives, en noir et blanc exclusivement ; elle capte l’interrogation contenue dans le regard des enfants ; elle photographie ce qui l’entoure : son appartement, les préparatifs du repas, un tricot oublié, des voisines... les témoins d’une vie simple qu’elle partage avec la plupart des femmes. En effet, Batho poursuit sa recherche artistique en assurant ses tâches ménagères et en travaillant. La délicatesse de la lumière et le velouté de ses ombres donnent sa poésie à cet univers que révèle le Moment des choses, album publié en 1977 aux Éditions des Femmes. La photographie est intimement mêlée à l’existence de Batho, dont certains clichés montrent les tirages* en train de sécher dans sa salle de bain ; l’autobiographie de l’auteur s’esquisse à travers la présence silencieuse des choses. En 1980, alors que le cancer dont elle souffre devient inexorable, son travail dans le jardin de Monet à Giverny constitue une sorte d’adieu. L’année suivante, Batho disparaît en laissant l’un des plus parfaits témoignages de la sensibilité de son temps ; le M.A.M. de la downloadModeText.vue.download 59 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 59 Ville de Paris lui a consacré une exposition rétrospective en 1982. P.A. BATHO John photographe français (Beuzeville, Eure, 1939) Batho se forme en autodidacte tout en exerçant sa profession de restaurateur aux Archives nationales. En 1963, il épouse la photographe Claude Bodier. À la fin des années 1960, il conquiert son langage plastique, et la photographie en couleur devient son territoire exclusif. Toutefois, sa recherche reste secrète jusqu’à sa découverte du procédé Fresson, en 1976. Celui-ci lui permet de métamorphoser les toiles de tente de Deauville en blocs de couleur. L’oeuvre se développe ensuite en séries, et le tournoiement baroque des Manèges (1980-1983) prend le contrepied des images statiques de Deauville (1977-1986). La Couleur détachée, expérience de 1986, assemble des motifs découpés dans les tonalités franches du Cibachrome*. Cette matière s’accorde à la transparence de l’eau et à ses effets de miroir dans Giverny (1980-1983). Pour les surfaces abstraites de Burano (1983-1985), il revient au poudroiement pastel du procédé Fresson. En 1987, Papier couleur recueille un simple rayon de lumière sur une feuille de papier. Cette série très épurée contraste avec le jeu formel des Nageuses et des Parasols (1992). La même année, Éléments présente différents états de la même image selon la durée de son exposition*. La progression rigoureuse de Batho évite tout effet spectaculaire ; la couleur lui impose sa discipline dans le respect du processus photographique. P.A. BATTAGLIA Letizia et ZECCHIN Franco photographes italiens (Palerme 1935 et Milan 1953) Bien que différents de formation, de génération et de provenance, Battaglia et Zecchin sont désormais réunis sous le même chiffre : celui de photographes qui ont fait de leur métier un instrument systématique de dénonciation des crimes de la Mafia italienne. Ils ont fixé les visages, les victimes, l’atmosphère qui régnait en Sicile pendant les procès et dans les rues avec tant de perspicacité et d’intensité qu’on s’est souvent demandé par quelle extraordinaire chance ils ont pu échapper à cette vengeance qui a frappé beaucoup de personnes. Ils sont tellement entrés dans cette atmosphère de peur et d’impunité, de menaces et de tension quotidienne qu’ils ont été en mesure de prendre sur le vif ce mélange, incompréhensible pour un étranger et qui a constitué pendant longtemps le seul air qu’on respirait en Sicile. Leurs images ont souvent causé un véritable choc dans les journaux internationaux et dans les nombreuses expositions sur le sujet. Le risque aujourd’hui pour eux est de passer pour des photographes spécialisés dans un phénomène criminel qui pourrait les empêcher de trouver d’autres sujets sur lesquels s’investir de la même manière. Battaglia, qui a obtenu en 1985 la bourse Eugène Smith, dirige, entre autres nombreuses activités, La Luna, maison d’édition féministe sicilienne. Zecchin fait partie depuis 1988 de l’agence Magnum* en tant que membre externe. S.R. BAUHAUS Le Bauhaus, « école supérieure de la forme », a été fondé en 1919 à Weimar downloadModeText.vue.download 60 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 60 par Walter Gropius dans le but d’enseigner d’une nouvelle façon l’art, en le rapprochant de l’artisanat, en le faisant collaborer avec l’industrie, en l’unissant à l’architecture. De nombreux artistes y ont été professeurs, tels Johannes Itten, Paul Klee, Wassily Kandinsky, Lyonel Feininger, Oskar Schlemmer et L. Moholy-Nagy*. Le Bauhaus a été transféré en 1925 à Dessau dans de nouveaux bâtiments construits par Gropius, puis, de 1932 à 1933, à Berlin, où il a été fermé par les nazis. Parmi ses activités, où dominent l’architecture et les arts appliqués, le Bauhaus a notamment été un foyer de la « nouvelle photographie », grâce à la présence du peintre constructiviste hongrois Moholy-Nagy. D’autres photographes s’y sont révélés, en particulier L. Moholy*, ainsi que Lux Feininger, A. Feininger*, F. Henri*, H. Bayer*, Moï Ver, Umbo*, Erich Consemüller et W. Peterhans*, la photographie étant présente dans tous les domaines du Bauhaus, au point que tous les « Bauhausler », maîtres et élèves, l’ont pratiquée. Elle n’y a toutefois pas bénéficié d’un enseignement spécifique : ce n’est qu’en 1929 que fut créé un atelier de photographie, confié à Peterhans, qui permit à cette technique de faire enfin partie du cursus des études. Avec l’arrivée en 1923 de Moholy-Nagy, appelé par Gropius pour succéder à Itten, débute la véritable entrée de la photographie au Bauhaus. Artiste « total », Moholy-Nagy se montrait très préoccupé par les nouvelles techniques et en particulier la photographie, qui devait devenir pour lui un moyen d’expression apte à transformer la vision ; il la considérait aussi comme un élément de communication et de pédagogie. Cet intérêt répondait exactement au nouveau programme élaboré par Gropius, qui réclamait l’unité de l’art et de la technique. Menant de concert activité pratique et réflexion théorique, aidé par sa femme, la photographe Lucia Moholy, Moholy-Nagy publia en 1925 Malerei Fotografie Film, huitième volume de la série des « Bauhausbücher », dans lequel il proposait notamment de passer de la « reproduction » à la « création productive ». Au Bauhaus, la photographie a servi à divers usages : dans le cadre de l’activité scolaire, où elle a permis de réaliser des exercices sur la composition, la texture, la lumière ; dans la vie quotidienne, avec les instantanés ; dans la création artistique proprement dite, avec les photographies « pures » : par exemple celles de MoholyNagy, qui sont des équivalents de ses tableaux grâce au cadrage, à l’utilisation de la plongée et de la contre-plongée, de la dissymétrie, du contrepoint et de l’équilibre. La photographie sert aussi de matériel pour la fabrication des collages et des photomontages qui sont parfois utilisés dans la typographie et la publicité, comme le montrent les prospectus de Bayer ou les affiches de Xanti Schawinsky. Un grand nombre de photos industrielles ont été réalisées par Lucia Moholy, puis par Consemüller, pour présenter les objets manufacturés et les réalisations architecturales des différents créateurs du Bauhaus. Ces photographies ont illustré les catalogues de produits, les revues, les livres du Bauhaus. Enfin, aux antipodes l’une de l’autre, on trouve la photographie de reportage illustrée par Moï Ver (Moshe Raviv-Vorobeichic) et la photographie expérimentale, c’est-à-dire les photogrammes de Moholy-Nagy (des photographies, généralement abstraites, obtenues sans le moyen d’un appareil : Blumenphotogram, vers 1922, Paris, musée national d’Art moderne), les surimpressions (ainsi les superpositions de plusieurs images réalisées par Heinz Loew) et les effets spéciaux procurés par des miroirs (Henri) et des boules de verre (Georg Muche, Moholy-Nagy). Au Bauhaus, la downloadModeText.vue.download 61 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 61 photographie, omniprésente, a connu un usage interne (pédagogie ou reportage) et surtout a trouvé un débouché à l’extérieur grâce aux publications dans lesquelles elle a été insérée : elle a ainsi largement permis la diffusion de l’esthétique du Bauhaus, des objets réalisés par les ateliers (Neue Arbeiten des Bauhauswerkestätten) aux bâtiments de Gropius (Bauhausbauten Dessau), en passant par l’art du ballet d’Oscar Schlemmer. Mais le Bauhaus ne constitue pas pour autant une exception dans l’Allemagne de Weimar, comme en témoignent les activités du Deutscher Werkbund dans ce domaine, l’exposition Film und Foto* de Stuttgart en 1929, ainsi que la revue Das deutsche Lichtbild, de même que l’esprit de ses créations sera commun à celui de toute l’avant-garde de l’époque, du constructiviste soviétique A. Rodtchenko* au précisionniste américain C. Sheeler*. Une exposition rétrospective sur la photographie au Bauhaus a été présentée à Paris, au palais de Tokyo, en 1991. S.L. BAUMEISTER Willi (Wilhelm) ar tiste allemand (Stuttgart 1889 - 1955) Né à Stuttgart, Baumeister entre à l’académie des beaux-arts de cette ville en 1908. À partir de 1918, il réalise la série des Mauerbilder, panneaux incrustés dans le mur, mi-peinture, mi-sculpture. Inspirées des collages cubistes, ces oeuvres traduisent le goût de l’artiste pour des formes d’expression issues de la nouvelle civilisation technique. Ainsi, dès 1919, il s’intéresse à la typographie et devient professeur de graphisme à l’école d’art de Francfort en 1928. De 1930 à 1933, il réalise les couvertures des revues Das Neue Frankfurt et Die Neue Stadt, où photographies et typographie sont juxtaposées avec un souci de clarté dans une composition pure et rigoureuse. En 1927, il commence la série Sportbilder, tableaux où les éléments abstraits se mêlent à l’élément figuratif des corps humains en activité. C’est pour cette série qu’il réalise en 1926 et 1927 des esquisses composées de photographies, de papiers collés et d’éléments géométriques ou figuratifs dessinés au trait à l’encre de Chine. Exaltation du corps humain par le sport, ces compositions aux formes construites et rythmées deviennent des formules à l’esthétique dépourvue de toute subjectivité. M.L. BAURET Jean-François photographe français (Paris 1932) Initié par son père au maniement de la chambre 13 × 18, c’est en 1950 que Bauret épouse la vocation photographique. La photographie de Meret Oppenheim par Man Ray*, relevée dans le Minotaure, en est le puissant déclic. Ses premiers travaux, rassemblés dans des livres qu’il édite en tirage limité (1959), résultent de rencontres artistiques (Bram van Velde, Hadju, Vieira da Silva...). Il collabore, par ailleurs, avec P. Knapp* (Elle) et André Énard (l’OEil). En 1962, il installe son studio rue des Batignolles (Paris) et s’engage dans la publicité et la mode. La renommée ne se fait guère attendre. Mais la fin des années 1960 voit le public scandalisé par ses campagnes en noir et blanc. Il introduit l’« homme nu » Sélimaille, dévoile la femme enceinte Materna ou la stratégie financière (B.N.P.). Parallèlement, il pratique, en studio, les Portraits [spécialement] Nus (éditions Contrejour, 1984), parfois collectifs (Trois Femmes). C’est la vérité de l’être, la personnalité et non l’esthétique du galbe qu’il tente de révéler. Dépouillée d’accessoires, downloadModeText.vue.download 62 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 62 cette expérience a, pour le photographe, valeur d’autoportrait. D’abord statiques, les nus sont désormais invités à se mouvoir au rythme de leurs pulsations intérieures (Isabelle Barbat). En 1992, Bauret impose, sereins par leur naturel, les Portraits d’habitants de la ville de Muret (éditions Belle Page). Autre thème, les fleurs fanées prédominent dans ses natures mortes. En 1971, l’A.R.C. au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, puis la galerie municipale du Château-d’Eau (1980), à Toulouse, et l’Espace photographique de Paris (1990) lui consacrent des expositions personnelles. C.C. BAYARD Hippolyte photographe français (Breteuil-sur-Noye 1801 - Nemours 1887) Bayard, fonctionnaire au ministère des Finances, ami de quelques artistes, semble s’être intéressé à la fixation des images de la chambre* noire au tout début de 1839, au moment où le daguerréotype* est un objet d’interrogation. En quelques mois, il met au point un procédé personnel qu’il expérimente méthodiquement : le positif direct, image unique obtenue sur papier dans la chambre noire, qu’il montre à F. Arago et à Biot, alors chargés de vérifier la validité du daguerréotype. Le refus qui lui est opposé, pourtant suivi d’un rapport élogieux de l’Académie des beauxarts, entraîne une grande déception dont témoigne son Autoportrait en noyé, première oeuvre de fiction narrative (octobre 1840). Il semble avoir ensuite adopté, sans rancune, le daguerréotype, puis le calotype* de W.H.F. Talbot, dont il est alors un des rares adeptes en France, tout en continuant à jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration et le perfectionnement des techniques photographiques – parallèlement à l’action de L.D. Blanquart-Évrard* – et en bénéficiant de ce fait d’une aura de pionnier. Assez indépendant, un peu secret aussi, à l’écart des vicissitudes du commerce (bien qu’il ait ouvert un studio de portrait en 1860 avec Bertall, jusqu’en 1866), Bayard construit dans les années 1840 une oeuvre très personnelle, heureusement en grande partie conservée, qui ne trouve d’équivalent que chez Talbot. Vues de Paris, architec- tures, objets de jardinage, autoportraits, scènes arrangées avec personnages font de lui un des inventeurs de l’esthétique de la nouvelle image, à laquelle il donne un sens spécifique, lié à sa nature physico-chimique. En 1851, il est l’un des cinq photographes chargés de la Mission héliographique* des Monuments historiques (Normandie), pour laquelle il est le seul à utiliser le verre albuminé*. Membre fondateur de la Société héliographique (1851), puis de la Société française de photographie* (1854), dont il devient le secrétaire général en 1867, il s’emploie à propager les nouveaux procédés, dont le collodion* sur verre. Il participe au projet d’imprimerie photographique de Blanquart-Évrard, et publie chez celui-ci l’Art religieux ; peinture (1853), le Musée photographique (1853), l’Art contemporain (1854). Une grande partie de ses archives est conservée à la Société française de photographie. Si la reconnaissance de son rôle dans l’invention de la photographie n’est plus l’objet de polémiques, son oeuvre personnelle a rarement été jugée en fonction de sa réelle innovation dans un contexte précoce dénué de règles. M.F. downloadModeText.vue.download 63 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 63 BAYER Herbert ar tiste américain (Haag, Autriche, 1900 - Californie 1985) Bayer, issu de l’école du Bauhaus (19211923), est à la fois designer, typographe, photographe, peintre, architecte et sculpteur. C’est durant les années 1920 qu’il fait ses premiers clichés selon les principes de la Nouvelle Vision : gros plans, contrastes d’ombre et de lumière, vues en plongée et contre-plongée (Pont transbordeur de Marseille, 1928). De 1925 à 1928, il enseigne le graphisme et la typographie au Bauhaus. Il s’installe ensuite à Berlin, où il dirige de 1928 à 1930 la partie artistique de l’édition allemande de Vogue*. Ses recherches personnelles s’intensifient, et il crée de nombreux photomontages dans un style original. Parfois proches de la fantaisie surréaliste (le Citadin solitaire, 1932), ceux-ci sont chargés de signification, pleins d’humour, et directement liés à son travail publicitaire et à ses conceptions de couvertures de magazines : les « typo-photos » sont des compositions dans lesquelles les images et les mots ont une importance égale. En 1936, il crée les Fotoplastiken, terme qui définit ses travaux photographiques sur le volume et l’espace par la représentation d’objets (roue, cerceau, cadre) qu’il a fabriqués. Sa peinture, entre 1935 et 1937 (série qu’il appelle Dunstlöcher), utilise aussi ces formes et ces objets symboliques. En 1938, l’artiste fuit le régime nazi et s’installe aux États-Unis (il obtient la nationalité américaine en 1944). Conseiller artistique de différentes entreprises, il réalise aussi des expositions (au M.O.M.A. de New York), des projets d’agencements intérieurs (Mexique, États-Unis, R.F.A.) et s’adonne à la sculpture. L’Arco Center for Visual Arts de Los Angeles organise une exposition rétrospective sur son oeuvre photographique en 1977. E.E. BAZAN Ernesto photographe italien (Palerme 1959) Inséparable de son appareil photo depuis l’âge de 14 ans, il part pour New York en 1979. Il termine ses cours à la School of Visual Arts en 1982 et remporte le prix pour les jeunes photographes des Rencontres internationales d’Arles* ainsi que sa première exposition en Europe. L’année suivante, il obtient le prix « Photo Reportage News », toujours en Arles, et expose à nouveau dans cette même ville. Son sujet de prédilection est la colonie italo-américaine de New York, à laquelle il consacre un livre en 1985. Depuis, il vit à New York et travaille pour le compte de l’agence Contraste sur le thème des réfugiés. S.T. BEATO Felice photographe britannique d’origine italienne (1835 ? - 1906 ?) Frère d’Antonio (auteur de vues d’Égypte), beau-frère de J. Robertson* (dont il fut longtemps l’associé), Beato voyage de l’Adriatique à la mer du Japon. Il a le comportement d’un reporter inlassable et hardi, élargissant la gamme des faits enre- gistrables, notamment en Inde (révolte des cipayes, 1857-1858) et en Chine (expédition franco-anglaise, 1860) : premières photographies de cadavres sur un champ de bataille proposées à une société qui répugnait à laisser l’objectif traiter le thème de la mort violente. Répondant en 1863 à l’appel de son ami Charles Wirgman, dessinateur au Japon de l’Illustrated London News, il s’installe à Yokohama. Sa fréquentation des peuples de la Méditerranée et de l’Asie lui permet de saisir incontinent l’originalité de la race énergique et fière qu’il côtoie et de conserver sur le verre downloadModeText.vue.download 64 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 64 albuminé les spectacles insolites et charmants que l’île offre encore à ses nouveaux hôtes, sans verser dans l’orientalisme de bazar de nombreux studios. Il parcourt aussi le pays pour en fixer les monuments (Nagasaki, Kyoto, Tokyo, Nikko) ou suivre officiellement sur place des événements historiques (canonnade du passage de Shimonoseki en 1864). Ses Views of Japan et ses Natives Types, reliés en albums ou vendus à la pièce, constituent la partie la plus connue et la mieux diffusée de son oeuvre personnelle. Après sa disparition, des tirages mêlés à d’autres vues que les siennes circulent. En effet, le baron Raimund von Stillfried (1839-1911), qui a lui-même ouvert un studio en 1872, rachète trois ans plus tard le fonds Beato, amoindri cependant par l’incendie qui avait ravagé Yokohama en 1866. Kimbei Kusakabe, assistant et successeur de Stillfried en 1886, assure la relève en même temps que A. Farsari, acquéreur du reste du stock. Beato suit entre-temps l’expédition du général Wolseley au Soudan (1884) en tant que photographe officiel, puis il retourne vivre au Japon. Une exposition Felice Beato et l’école de Yokohama (1863-1877) a été présentée à Paris en 1994 (C.N.P., hôtel Salomon de Rothschild). B.M. BEATON sir Cecil photographe britannique (Londres 1904 - Broadchalke, Wiltshire, 1980) Dès son adolescence, Beaton aime photo- graphier ses deux jeunes soeurs, imagine des décors et des costumes sophistiqués et peint des toiles de fond pour ses mises en scène fantaisistes. Il fait alors également de nombreux autoportraits*. De 1926 à 1930, il possède son propre studio et pratique la photographie professionnellement, réalisant des photos de mode et des portraits. À partir de 1928, Vogue* l’engage comme illustrateur, mais, peu à peu, il s’impose en tant que photographe. Dès lors, il travaille principalement pour les éditions Condé Nast, à Londres et aux États-Unis. À l’opposé de la simplicité de celles d’un E. Steichen*, ses images sont influencées par la tradition anglaise, par la Renaissance et par le cinéma hollywoodien (il travaille à Hollywood pendant les années 1930). De façon générale, Beaton photographie en studio. À l’instar du baron de Meyer*, il compose des décors extravagants et surchargés. D’une veine néoromantique, ses images évoluent vers le style rococo puis, à partir de 1936, sont d’une austérité relative. En 1937, Beaton retourne en Angleterre, devient le portraitiste officiel de la famille royale et, durant la Seconde Guerre mondiale, fait du reportage pour le compte du gouvernement britannique. Au milieu des années 1950, la direction de Vogue le renvoie, le jugeant démodé. Il travaille alors comme photographe indépendant et se consacre avec succès à son autre métier, la décoration au théâtre et au cinéma. Il devient membre, en 1964, de la Royal* Photographic Society de Londres. En 1974, la Kodak Gallery à Londres organise une exposition rétrospective de son oeuvre. N.C. BECHER Bernd et Illa artistes allemands (Siegen 1931 et Berlin 1934) Bernd Becher a reçu une formation de peintre et de lithographe à l’Académie de Stuttgart puis à celle de Düsseldorf. Sa rencontre avec Illa Wobeser, qui a étudié la photographie à Potsdam, marque le début d’une collaboration. Dès 1959, des photographies qu’ils prennent lors de promenades amènent la découverte du monde downloadModeText.vue.download 65 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 65 industriel. Ils photographient en Europe puis en Amérique du Nord les symboles archéologiques de cette ère finissante autour de grandes séries typologiques telles que châteaux d’eau, silos, hauts-fourneaux, maisons, gazomètres et chevalets. Publiées de manière scientifique (Anonyme Skulpturen. Eine typologie technischer Bauten, 1970), ces photographies sont présentées dans les années 1970 et 1980 (Dokumenta V, Cassel, 1972). La méthode sérielle est soulignée par un accrochage en bloc. Elle est liée au parti pris de l’inventaire, du cadrage anonyme et de la suppression de tout effet de lumière. Ce point de vue rigoureusement scientifique qui souligne les variations formelles et les structures fondatrices communes a permis l’assimilation de leur oeuvre aux pratiques artistiques conceptuelles et minimalistes. Une attention plus grande est portée, à partir des années 1980, à des détails de machines et d’architecture. Bernd Becher enseigne la photographie à l’Académie de Düsseldorf. Ils ont reçu le prix de la sculpture à la Biennale de Venise en 1992. F.D. BEDFORD Francis photographe britannique (1816 - 1894) Bien que lithographe à ses débuts, Bedford est connu comme photographe de territoire et de paysage. Son travail autour de l’architecture et du paysage, en GrandeBretagne principalement, est tenu en haute estime par ses contemporains et fera l’objet d’une large diffusion, que ce soit sous forme de photos vendues séparément ou en séries, de cartes de visite ou de vues stéréoscopiques, par la suite éditées en albums. Bedford utilise des plaques au collodion* humide ou sec, et ses épreuves, le plus souvent de petit format, sont tirées sur papier albuminé. En 1853, Bedford est membre fondateur de la Royal Photographic Society. En 1862, la reine Victoria, confiante en sa réputation, lui demande d’accompagner le jeune prince de Galles pour un voyage éducatif en Orient. 172 photos feront état de cette excursion. Elles seront distribuées sous forme de trois portfolios intitulés Tour in the East : Photographic Pictures Made by Francis Bedford accompagning his Royal Highness, The Prince of Wales. À cette occasion, Bedford exécute des vues de la Palestine, de la Syrie mais aussi de Constantinople, d’Athènes et des îles de la Méditerranée. En 1862 paraît aussi Ruined Abbeys and Castles of Great Britain. Une impression de sérénité accompagne les photos de Bedford, qui donne à voir la vie pastorale, rarement figurée à l’époque victorienne, faisant référence en cela à l’art préraphaélite, qui montre l’harmonie entre le monde naturel et celui de l’homme. A.Ma. BÉLÉGOU Jean-Claude photographe français (Le Havre 1952) Après des études de philosophie et d’histoire de l’art, Bélégou débute la photographie en 1980. Composé d’images souvent sombres, son travail se déploie en une vingtaine de séries regroupées en trois cycles. Le cycle des Espaces (1980-1985) – paysages urbains et industriels déserts et décrépis, corps inscrits dans des lieux clos, etc. – explore les limites de l’objet photographique, notamment par une mise en question des règles de la prise de vue. Commencé peu avant la fondation, avec F. Chevallier* et Y. Trémorin*, du groupe Noir Limite*, le cycle des Éléments (19851989) aborde les questions de l’indifférenciation du physique et du mental, de l’élan downloadModeText.vue.download 66 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 66 sensuel et de la pensée. Le corps féminin est confronté au toucher (série Corps à corps) et aux matières primitives (séries l’Eau, la Terre, etc.) : corps habité, mais aussi corps de chair offert à l’érotisme, au trouble, voire à la morbidité. Enfin, le cycle de l’Existence (1989-1994) interroge la solitude humaine et la relation à l’autre (Visages et les Amants, où apparaissent les premiers autoportraits), l’espace quotidien, intime (le Territoire), le voyage, l’immersion dans la nature (Erres) et le cercle des proches (série Présents). A.R. BELLMER Hans artiste français d’origine allemande (Katowice, Haute-Silésie, 1902 - Paris 1975) La vocation artistique de Bellmer est profondément marquée par sa révolte contre un père autoritaire. En 1922, l’artiste fréquente les milieux artistiques berlinois puis travaille pour la publicité. En 1932, il prend plusieurs photographies d’un mannequin de sa fabrication. Cette Poupée va nourrir son inspiration pendant des années et susciter l’enthousiasme des surréalistes. En 1937, un an avant de s’établir à Paris, Bellmer met au point une nouvelle Poupée. Ce mannequin, mieux articulé, figure dans des scènes où règne une grande tension érotique ; le coloriage des photographies en accroît le mystère ; des détails réalistes, tels les bas tombant sur de petits souliers à brides, suggèrent une adolescence aiguillonnée par le désir. Ces images sont publiées en 1949 avec des poèmes en prose de Paul Eluard sous le titre les Jeux de la Poupée. Ce sont des oeuvres à part entière, alors que les travaux ultérieurs servent à l’artiste d’auxiliaire documentaire. Il s’en inspire dans ses métamorphoses érotiques qui illustrent, entre autres, les ouvrages de Georges Bataille. Une dernière série de photographies représente Unica Zürn ligotée ; différents travaux plastiques reprennent l’image de ce corps déformé par les liens. Bellmer trouve dans la photographie le miroir de ses obsessions que prolongent ses visions graphiques exacerbées. P.A. BELLOCQ Ernest James photographe américain (1873 - 1949) Bellocq est un photographe typique du début du siècle, resté toujours installé dans la même ville (La Nouvelle-Orléans) : après avoir été employé, il ouvre un studio professionnel en 1908 et se consacre jusqu’en 1938 au portrait et aux commandes industrielles (photographies d’usines, de chantiers ou de magasins, à la demande). Il n’y aurait vraisemblablement pas de quoi dépasser un travail de qualité, et Bellocq n’aurait pas atteint une notoriété posthume sans la découverte, dans son bureau, après sa mort, de 89 négatifs sur verre représentant des prostituées de la ville. Ces plaques, acquises par L. Friedlander, firent l’objet de tirages soignés et d’une publication partielle par le M.O.M.A. de New York en 1970. Pris en 1912, ces clichés constituent un constat d’une rare honnêteté, sans emphase et sans provocation ; de véritables portraits transparents d’un groupe social habituellement regardé avec méfiance et ambiguïté. Certaines femmes posent avec un masque, pour d’autres, on a gratté le négatif au niveau du visage, mais à aucun moment on n’a l’impression d’une intrusion du photographe dans la sphère privée. Il faut toutefois relativiser l’engouement pour cette série en admettant que beaucoup d’autres auteurs méconnus mériteraient une telle sollicitude. La redécouverte de Bellocq est downloadModeText.vue.download 67 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 67 un symptôme éloquent de l’historicisation de la photographie et de son entrée récente dans la grande machinerie de l’histoire. M.F. BELLON Denise photographe française (Paris 1902) Au début des années 1930, Bellon s’initie à la photographie sur les conseils de son ami P. Boucher*. « Pourquoi ai-je choisi la photo ? Que l’on puisse en appuyant sur un bouton immobiliser le temps, cet éternel ennemi de l’homme... Dans cette lutte entre l’homme et le temps, l’homme était enfin un petit peu vainqueur. » Elle rejoint une équipe de jeunes photographes que Maria Eisner réunit en 1934 pour former Alliance Photo*. Aux côtés des autres membres de l’agence, Boucher, R. Capa*, Chim*, Émeric Feher, Suzanne Laroche, Juliette Lasserre, R. Zuber*, Bellon entame une carrière de photojournaliste. Ses clichés sont principalement inspirés par ses voyages (Maroc, 1936) et par une attention nouvelle portée à la vie quotidienne, familière, et à l’environnement. Derrière son objectif, elle découvre les joies de la nature et du corps, les vacances, le sport, la natation, le camping, le ski, le nu en plein air, la photogénie des enfants, en un mot toutes les expressions enthousiastes du bonheur. Ses images dynamiques sont publiées dans un grand nombre de revues et magazines : Art et Médecine, Arts et Métiers graphiques, Paris-Magazine, Plaisir de France, Votre Beauté, Vu*... Passionnée par le mouvement surréaliste, elle photographie toutes les expositions du groupe à Paris en 1938, 1947, 1959, 1965. À la veille de la guerre, elle rencontre Georges Kessel, avec qui elle effectue un reportage en Afrique-Occidentale pour Paris-Match. En 1940, elle quitte Paris, où elle reviendra en 1956, après un long séjour à Montpellier. Elle est la mère de deux filles qui seront souvent ses modèles : Yannick, réalisatrice de cinéma, et Loleh, actrice et écrivain. M.R. BELLUSCI Rossella photographe italienne (San Lorenzo de Valle, Calabre, 1947) Dans l’oeuvre de Bellusci, la lumière est devenue matière de la photographie. La présence du réel est épurée jusqu’à un presque rien, une ligne, une trace, c’està-dire un concentré de lumière piégé sur la page blanche. Cette quête obsessionnelle de la lumière évoque-t-elle le soleil implacable de la Calabre où elle est née ? En 1978, à Milan, elle aborde la photographie dans une agence de presse, travaillant surtout sur les marginalités. D’un séjour aux États-Unis, elle rapporte un reportage sur les Indiens des réserves. En 1980, elle commence son travail personnel par une série d’Autoportraits exposés à Beaubourg. Elle arrive à Paris en 1981 ; c’est là qu’elle vit et travaille depuis. De 1981 à 1984, elle réalise trois séries de nus masculins : elle choisit des statures néoclassiques et, pourtant, à cause des cadrages coupés, les plages blanches déjà semblent vouloir triompher. Les tourments du corps, le sien, celui de ces hommes, se consument. Bellusci manie magistralement les objectifs et les papiers. Ces recherches se poursuivent de 1986 à 1988 sur des objets anodins, isolés, natures mortes découpées franchement par la force de l’éclairage. L’éblouissement a quasiment dévoré les formes. Que reste-t-il ? Une quintessence de beauté pure. M.M. downloadModeText.vue.download 68 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 68 BENJAMIN Walter critique et essayiste allemand (Berlin 1892 - Port-Bou 1940) Dans ses écrits, Benjamin aborde des thèmes relevant de la littérature, de la linguistique, de l’histoire, de la philosophie et de la sociologie dans des optiques essentiellement marxiste et brechtienne. Dans le domaine artistique, il rejette l’esthétisation de la politique opérée par le régime nazi et soutient les efforts du communisme pour politiser l’art. Il s’intéresse particulièrement à la photographie, développant ses idées dans sa Petite Histoire de la photographie (1931) et dans l’OEuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique (ce dernier essai est d’abord publié en français en 1936, une deuxième version étant reproduite dans Schriften, recueil de ses oeuvres édité par Theodor Adorno et son épouse en 1955). Dans son histoire de la photographie, Benjamin relève l’importance de la technique dans l’élaboration de nouveaux critères esthétiques. Il exprime son admiration pour le travail de D.O. Hill*, de E. Atget* et de A. Sander*. Il interroge le rapport entre le réel et l’image, constatant combien une oeuvre plastique ou une architecture « se laisse mieux saisir en photo que dans la réalité ». En « rapprochant les choses de soi » par des méthodes mécaniques de reproduction, l’homme s’en assure la maîtrise. Enfin, à la photographie créatrice Benjamin oppose l’entreprise surréaliste de construction, qui s’associe à la démarche du cinéma russe. Dans l’OEuvre d’art..., Benjamin analyse l’étendue et l’influence des techniques de reproduction, dont la photographie occupe la première place. Il considère que, par la reproduction, l’authenticité de l’oeuvre est dévaluée, son aura atteinte et l’objet lui-même détaché du domaine de la tradition. Ainsi, l’oeuvre d’art est émancipée de son rôle rituel, de sa valeur de culte. Ce sont, avant tout, la photographie et le cinéma qui effectuent ce changement, ce dernier surtout permettant « une critique révolutionnaire des anciennes conceptions de l’art » et peut-être même des rapports sociaux. T.M.G. BENNETT Henry Hamilton artiste américain (Farnham, Canada, 1843 - Kilbourn 1908) Bennett ouvre un atelier de photographe à Kilbourn en 1857. Portraitiste à la base, il trouve son expression dans le paysage. Comme beaucoup de ses contemporains, il a fait la plupart de ses travaux sous forme de vues stéréographiques. De 1865 à 1908, il traite le même sujet pris dans le Wisconsin Dells. Ses panoramas sont parmi les plus grands jamais faits alors (18 × 60). Il est également connu pour ses séries du Milwaukee, du carnaval de la glace à Saint Paul (1886), ses portraits des Indiens Winnebago, etc. Comme beaucoup de paysagistes des années 1880 – c’est le moment où le collodion est progressivement remplacé par la plaque sèche à la gélatine –, il a été influencé par les concepts naturalistes, cherchant à représenter le « quotidien » et non le spectaculaire ; ainsi, du Wisconsin Dells, il saisit des vues de pique-niques, de promenades en canot (Panorama from the Overhanging Cliff, Wisconsin Dells, 1891, New York, M.O.M.A.). L’artiste a perfectionné un obturateur pour la photographie instantanée, et il est le premier à avoir capturé une image de feu d’artifice. À son crédit également, le premier documentaire photographique américain, The Story of Raft’s Life on the Wisconsin, réalisé en 1886. La plupart de ses travaux sont liés au marché touristique ; il downloadModeText.vue.download 69 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 69 est l’un des promoteurs les plus actifs du Wisconsin. Il a d’ailleurs vendu ses images à travers toute l’Amérique, mais, à la fin des années 1890, son travail devient plus difficile quand le public se désintéresse des vues stéréographiques. Il est notamment représenté à New York (M.O.M.A.) et au Smithsonian Institute. M.C. BERENGO GARDIN Gianni photographe italien (Santa Margherita Ligure, Gênes, 1930) Il pratique la photographie dès 1954 et fait bientôt partie de La Gondola, un photoclub vénitien (le groupe le plus intéressant et le plus cultivé d’Italie, selon le critique R. Martinez*), ainsi que du Groupe frioulan pour une nouvelle photographie. L’évolution de la photographie italienne d’après-guerre doit énormément aux clubs d’amateurs qui surgissent surtout en province, où la vie culturelle est généralement très vivace. La Gondola verra ainsi passer certains de ses membres à la photographie professionnelle. Tel est le cas de Berengo Gardin, qui, de 1954 à 1965, travaille pour Il Mondo, hebdomadaire connu, qui publiera les images des plus grands photographes italiens de l’époque. Au début des années 1960, Berengo commence une carrière nourrie de livres (plus d’une centaine) et de très nombreuses expositions. La première exposition qui le consacre sur le plan international se tient aux ÉtatsUnis, à Rochester, en 1965 (les 125 Photographes les plus représentatifs de la photographie contemporaine, George Eastman House). De 1969 à 1971, il est le correspondant italien pour le Daily Telegraph, et pour Epoca en 1984-1985. En 1969, il réalise un livre sur les asiles psychiatriques, qui aura un poids certain dans le vote de la loi pour leur suppression. Depuis 30 ans, c’est lui qui fait toutes les illustrations pour les éditions du Touring Club. En 1972, il participe à l’exposition internationale (The 32 Top Photographers, Modern Photography) et, en 1975, à celle organisée par C. Beaton* (les Photographes de paysage du XXe siècle). Auteur d’un livre sur l’atelier du peintre Morandi (1993), Berengo Gardin confirme encore aujourd’hui la justesse de son regard : il tâche avant tout de maîtriser l’image, donnant à voir, en premier lieu, le récit dont elle est porteuse. Toute son activité de reportage peut être comprise sous le signe d’un humanisme intense et à peine ironique. Au cours des années, une distance sereine par rapport aux sujets fixés se dégage de plus en plus de ses images : c’est que son proverbial « understatement » le protège de toute interprétation trop violente, et le respect qu’il montre devant toute réalité fait de lui un des plus remarquables chroniqueurs de la société contemporaine. Le musée de l’Élysée, à Lausanne, lui a consacré une exposition rétrospective en 1991. S.T. BERGON Paul photographe français (Paris 1863 - id. 1912) Figure importante du pictorialisme* français, amateur éclairé, Bergon fait ses études au lycée Condorcet, puis fréquente l’école de droit, qu’il abandonne rapidement au profit du Conservatoire, dont il sort avec un premier prix d’harmonie. C’est également un passionné de sciences naturelles, et il se préoccupe par ce biais de photographie : il présente à la Société* Française de Photographie* un appareil stéréoscopique « disposé pour reproduire en grandeur naturelle les objets de botanique » (1893). Membre de cette vénérable institution, puis du Photo-Club* de Paris downloadModeText.vue.download 70 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 70 (1898), il occupe un atelier à Montmartre et commence à travailler la photographie du nu et du drapé, qui devient sa spécialité. Parent de René Le Bègue et ami d’Achille Lemoine, il partage avec eux son atelier aménagé à l’orientale. Les excursions photographiques mènent Bergon en Bretagne, dans l’île de Croissy, sur les plages de l’embouchure du Var, ou bien encore dans son ancienne demeure de la rue Lamarck, où il y a des grottes étonnantes datant du XVIIIe siècle. Cependant, c’est l’île d’Herblay, sur la Seine, qui demeure le lieu privilégié de sa carrière. Il y réalise ses pastiches de scènes 1830 et des nus en plein air, genre auquel il consacre un petit traité d’art photographique. Pour lui, tout réside dans la composition ; il cherche les jeux naturels de lumière, et accorde beaucoup d’importance à la recherche des modèles et des costumes pour la constitution des tableaux vivants. Il est peu féru de technique et ses appareils restent fort simples ; il se soucie plus des procédés de tirage, employant les multiples variétés de tons du charbon*. À l’apparition des autochromes*, en 1907, il est un des rares pictorialistes à se lancer dans l’image couleur. Ses épreuves sont régulièrement présentes aux Salons du Photo-Club de Paris et connaissent un réel succès dans les revues spécialisées vers 1902-1903. M.P. BERMAN Mieczyslaw ar tiste polonais (Varsovie 1903 - id. 1975) Né à Varsovie, Berman y fait ses études à l’École des arts décoratifs, avant de devenir graphiste, comme beaucoup de jeunes artistes de sa génération épris de modernité. À partir de 1927, influencé par Szczuka, figure de proue du constructivisme polonais, il réalise ses premiers photomontages dans un style géométrique propre à ce mouvement. Dès 1930, toutefois, sous l’influence des oeuvres de l’artiste allemand J. Heartfield*, il abandonne le constructivisme, trop abstrait, pour réaliser des oeuvres dont l’aspect narratif est plus apte à exprimer la satire antinazie. Proche du parti communiste, il est en 1934 l’un des cofondateurs du groupe d’artistes de gauche « Gzapka Frygiska » (Bonnet phrygien), et collabore à la création de couvertures de livres et à la réalisation d’affiches publicitaires. Entre 1939 et 1946, il se réfugie en U.R.S.S., où il travaille à un cycle de photomontages satiriques anti-hitlériens. De retour en Pologne, il est associé à la politique culturelle officielle du régime communiste, et continue à créer des photomontages* dans lesquels il stigmatise le conformisme et les idéaux petits-bourgeois. À partir de 1960, il refait à l’identique d’anciens photomontages détruits, et en 1961 une rétrospective de ses montages satiriques réalisés entre 1930 et 1960 est organisée à Varsovie. Ses oeuvres originales (photomontages satiriques et affiches) sont conservées au Musée national de Varsovie. M.L. BERSSENBRUGGE Henri photographe néerlandais (Rotterdam 1873 - Goirle 1959) Après des études de peinture à l’Académie des arts plastiques de Rotterdam, Berssenbrugge se fait connaître en tant que photographe à partir de 1901. Installé successivement à Tilburg (1901-1906), Rotterdam (1906-1917), La Haye (19171942) et Goirle (1942-1959), il est membre de l’association Helios et du Nederlandse Club voor Fotokunst, ainsi que de plusieurs autres clubs de photographes amateurs. Il est fortement marqué par le mouvement pictorialiste international ; ses sujets downloadModeText.vue.download 71 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 71 explorent l’univers populaire de la paysannerie, mais aussi des scènes urbaines ainsi que les figures féminines empreintes de l’élégance de la Belle Époque. Berssenbrugge aime à employer les procédés de tirage conférant une facture très plastique aux épreuves, tels la gomme bichromatée, le report à l’huile, mais également le platine. Sensible au jeu des formes, il montre dans ses compositions, après 1905, un souci plus moderniste, tendance qu’il accentue ouvertement au cours des années 1920. Il est d’ailleurs représenté à l’exposition historique Film und Foto*, à Stuttgart, en 1929. Par la suite, il revient aux recettes d’un pictorialisme* tardif, et utilise le procédé à l’huile dans le traitement de vues citadines. Ses photographies sont présentes dans les collections de nombreux musées néerlandais (Leiden, Tilburg, Rotterdam, La Haye, etc.). M.P. BERTILLON Alphonse photographe français (Paris 1853 - id. 1914) Anthropologue (il publie en 1883 les Races sauvages), Bertillon s’intéresse aux critères d’identification des individus, à une époque où de nombreuses théories ont cours sur la criminalité. Il met d’abord au point des méthodes d’analyse anthropométriques (appliquées à partir de 1882 par la Préfecture de police) qui permettent de retrouver les « repris de justice » et de traiter plus efficacement les cas de récidive. Déjà, en 1871, les photographies de communards, par Appert, avaient été utilisées à des fins répressives par la police. Ce n’est qu’à partir de 1885 que l’image photographique est intégrée aux méthodes de Bertillon, sous une forme bientôt systématisée et précisément codée : prises de vue de face et de profil au 1/7. L’analyse des photographies est annexée en 1888 au Service d’identité judiciaire que dirige Bertillon. Mais les données recueillies par la photographie ne sont pas directement exploitables car elles souffrent d’insuffisances de classement et de comparabilité. Il faut alors passer de critères discontinus et visuels à des descriptions verbales, qui recherchent finalement des traits caractéristiques, des écarts à la moyenne : c’est le « portrait parlé » de Bertillon, établi d’après photographie. Le pavillon de l’oreille apparaît finalement – plus que le nez ou les yeux – comme le principal invariant individuel. Au faîte de la vogue du « bertillonnage », Bertillon publie Instructions sur la photographie judiciaire (1890), puis la Photographie métrique (1912). Mais son attachement rigide à sa seule méthode, une expertise erronée du « bordereau » dans l’affaire Dreyfus, sa réticence à reconnaître les empreintes digitales comme l’unique indice d’individualité fiable l’éloignent au début du siècle des investigations policières. Du système Bertillon perdure principalement l’usage typologisé de la photographie judiciaire, de face et de profil, encore en usage. M.F. BERTSCH Auguste Adolphe photographe français (? - 1870) Prototype des chercheurs amateurs pris de passion pour l’image argentique, Auguste Bertsch consacre sa carrière au progrès des techniques photographiques. « Soutenu par ses seules ressources et par son zèle pour la science » (A. Davanne*), il se signale dès 1852 par ses travaux sur l’instantanéité, et plus encore par ses microphotographies, présentées à l’Exposition universelle de 1855. S’il n’est pas le premier à explorer ce domaine, la qualité de ses épreuves, améliorée par l’invention de downloadModeText.vue.download 72 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 72 plusieurs appareils et dispositifs optiques, surclasse largement les tentatives de l’époque. Membre fondateur de la Société française de photographie en 1854, auteur, avec son collaborateur Camille d’Arnaud, d’une célèbre prise de vue d’une éclipse de Lune en 1856, il reçoit en 1858 la Légion d’honneur pour ses travaux scientifiques. Ami de Nadar*, qui décrira « sa petite mansarde de la rue Saint-Georges, [...] encombrée de cuvettes et flacons étages », il ouvre avec d’Arnaud un atelier de portraits. Étudiant les procédés d’agrandisse- ment, il présente en 1860 un « appareil de voyage » de 10 cm 2, puis un obturateur mécanique à ressort en 1862 – recherches qui témoignent d’une conception de la photographie très en avance sur son temps. Élu membre du conseil d’administration de la Société française de photographie en 1868, il décède dans des circonstances indéterminées au cours du siège de Paris, en hiver 1870. A.G. BEUYS Josef ar tiste allemand (Krefeld 1921 - Düsseldorf 1986) Après avoir suivi les cours de sculpture d’Ewald Mataré à la Kunstakademie de Düsseldorf, où il enseignera lui-même à partir de 1961, Beuys passe d’une conception relativement classique et formelle de la sculpture à une vision élargie d’un art engagé devenu acte politique et conceptualisé dans la notion de « sculpture sociale », où la performance prend rapidement un rôle prépondérant. La photographie, qu’il ne pratique pas lui-même, vient alors servir de document à des oeuvres souvent éphémères et théâtrales (Comment on explique les tableaux au lièvre mort, Düsseldorf, 1965 ; Coyote, New York, 1974...). Elle peut être aussi considérée dans le contexte particulier du chamanisme développé par Beuys, comme la relique sensible d’une oeuvre inscrite dans un temps révolu. Cet aspect proprement fétichiste de la photographie pourrait ne pas être étranger à l’édition de nombreuses photos à son effigie diffusées sous la forme de cartes postales signées de sa main. Beuys, qui a marqué profondément toute une génération d’artistes européens, a participé à de nombreuses expositions internationales, de la Documenta de Kassel aux biennales de Venise (1976) et de São Paulo (1979). D’importantes rétrospectives de son oeuvre ont eu lieu dans de nombreuses villes européennes depuis sa mort. P.L.R. BEZOUKLADNIKOV Andreï photographe russe (Perm 1959) Il est né dans l’Oural, « au sein d’un monstrueux complexe industriel totalement iso- lé au milieu d’une des plus grandes forêts du monde ; sur les cartes, on trouve sobrement indiqué Perm », dit-il. Il poursuit des études dans une école spécialisée dans la photographie technique. Dès 1978, il s’installe en professionnel et s’associe au cercle d’artistes d’avant-garde « Cellar », dont le leader est Youri Tschernischov. Son goût pour les sciences naturelles et pour l’art et son caractère tranquille l’orientent vers la photographie artistique. Ses liens avec le théâtre Vassiliev et ses relations avec les écrivains et artistes lui valent la célébrité lorsqu’il emménage à Moscou, en 1986. Dès l’année suivante, il figure parmi les premiers artistes du mouvement « new wave » qui participent à des expositions internationales. Témoin privilégié de toute la culture parallèle et underground de la capitale moscovite, il réalise ses reportages sur les manifestations d’avant-garde, le downloadModeText.vue.download 73 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 73 théâtre, la musique ou la mode. Ses séries d’images sont provocantes pour la Russie de cette période : couple nu dans l’eau, gros plan sur des jambes féminines gainées de bas résille ou couple dans un lit. Il réalise par la suite de nombreuses séries de photos : Swiss for You, Ornaments (1991), collage de microphotos, et même une installation de 12 images, In the Shadow of the Transparent Wing. Il expose dès 1988 à Moscou et à Londres, à Arles en 1989, et dans la grande exposition de 1990 au Manège de Moscou, 150 ans de photographie. Il travaille actuellement sur une série de portraits-diptyques intitulée Vols audessus de Moscou. Ses travaux ont été présentés au Grand Écran, à Paris, au Mois de la Photo 1992, dans le cadre de l’exposition Expériences photographiques russes. V.E. BIASIUCCI Antonio photographe italien (Dragoni, Caserta, 1961) Après des études en sciences politiques, il devient photographe, se situant dans la tradition des anthropologues du sud de l’Italie. Il adopte tout de suite une esthétique très personnelle, ses points de repère se trouvant dans le milieu paysan du paysage de son enfance. À la suite d’une commande, le Vésuve est resté longtemps son sujet préféré. Il s’est ensuite intéressé aux animaux, sujet qui a donné lieu à plusieurs expositions, à Milan en 1983 (Centre culturel San Fedele), à Naples en 1985 (Museo Pignatelli). Dans un reportage qu’il effectue sur la mise à mort du cochon, rite quasi sacré vu à même la peau de l’animal sacrifié, le quotidien est regardé du point de vue de l’animal. La dernière série en date, exposée à Genève en 1991 (Centre de la Photographie), présentée en Arles* en 1992 (arènes) et à Nice en 1993 (Nice Audiovisuel), a été faite dans une même étable, où les seules figures sont toujours les mêmes vaches, poules, brebis qui habitent un espace sombre, à la limite du visible, semblable à la caverne de Polyphème. En 1992, il remporte, en Arles, le prix européen Kodak Panorama. S.T. BIERMANN Änne photographe allemande (Goch 1898 - Gera 1933) Änne Sternefeld épouse l’homme d’affaires Herbert Biermann en 1919. Elle étudie le piano jusqu’en 1922, puis commence à s’intéresser à la photographie, qu’elle apprend seule, en autodidacte. Son mari lui présente F. Roh* et Franz Werfel, avec lesquels elle ouvre un studio en 1923 à Gera, près de Leipzig. Dès 1926, elle réalise des natures mortes de plantes ou de fleurs inspirées du style de A. Renger-Patzsch*. À partir de 1928, elle intensifie ses recherches. Ses clichés sont publiés dans les revues Das Kunstblatt, Die Form, Das Neue Frankfurt, Variétés, Photo Graphie et d’Arts et Métiers graphiques ; sa première exposition personnelle a lieu à Munich (1928). En 1929, elle figure à l’exposition Film und Foto* de Stuttgart, puis, en 1932, à l’Exposition internationale de la photographie à Bruxelles. Roh écrit et édite Fototek 2 : Änne Biermann (1930), qui reproduit 60 de ses épreuves. Partie intégrante de la Neue Sachlichkeit, l’oeuvre de Biermann réunit portraits, paysages enneigés, architectures selon des perspectives savantes, natures mortes harmonieuses et solidement construites, surimpressions ainsi que photomontages, cela sur une période qui s’étend principalement de 1929 à 1932. En 1937, plus de mille photographies sont confisquées par les nazis à Trieste. Elles sont conservées aujourd’hui en grande downloadModeText.vue.download 74 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 74 partie au musée Folkwang de Essen. Ute Eskildsen publie Änne Biermann – Fotografien 1925-1933 en 1987. E.E. BIFUR revue d’avant-garde (Paris 1929 - 1931) Le premier numéro de Bifur est publié à Paris par les éditions du Carrefour en mai 1929. Les sept numéros suivants, chacun comportant entre 175 et 195 pages, se succèdent à un rythme quelque peu irrégulier (juillet 1929, septembre 1929, décembre 1929, avril 1930, juillet 1930, décembre 1930, juin 1931). Le comité de rédaction est composé du mécène Pierre Lévy, qui s’attribue la direction de la publication, du journaliste Nino Frank, qui assure le secrétariat général, et de l’écrivain dadaïste Georges Ribemont-Dessaignes, rédacteur en chef. Les sept premiers numéros font mention de la collaboration de six « conseillers étrangers » : Bruno Barilli, Gottfried Benn, Ramón Gomez de la Serna, James Joyce, Boris Pilniak et William Carlos Williams (cette liste n’apparaît pas dans le dernier numéro). La revue publie les recherches et les points de vue de l’élite intellectuelle française et internationale de l’époque : Emmanuel Berl, Robert Desnos, JeanPaul Sartre, Paul-Yves Nizan, André Malraux, Albert Savinio, Massimo Bontempelli, Edgar Varèse, Alfred Döblin, Martin Heidegger et Sergueï Eisenstein, entre maints autres. Inspiré par le mouvement dada et par l’entreprise surréaliste, Bifur critique les idées reçues dans tous les domaines, mêlant récits, commentaires, essais, poèmes, pièces, faits divers, analyses philosophiques, dessins, peintures, extraits de films (Man Ray*, Luis Buñuel) et photographies. Ouverte aux courants novateurs, la revue reconnaît la photographie comme un art à part entière dès le premier numéro, qui reproduit des oeuvres de G. Krull*, A. Kertész*, E. Lotar*, L. Moholy-Nagy* et M. Tabard*. Par la suite, la rédaction fait appel également aux services de presse et à d’autres photographes indépendants comme Sasha Stone, C. Sheeler*, T. Modotti*, N. Dumas*, Ina Bandy, etc. Bifur peut être associé à d’autres revues d’avant-garde de l’époque, telles que Der Querschnitt en Allemagne et Variétés* en Belgique, pour lesquelles la photographie est une forme d’expression unique, d’une grande valeur à la fois documentaire et artistique. T.M.G. BILORDEAUX Adolphe photographe français (Paris 1807 - ?) Lithographe, Bilordeaux aurait appris la photographie auprès de G. Le Gray*. Il est reconnu comme praticien de grand talent avec des reproductions de bas-reliefs religieux (1855), des reproductions d’oeuvres et des spécimens de dessins industriels (1857). Il rapporte d’Italie des vues de Rome, Pompéi et Paestum (1856), est portraitiste (1861), publie un ensemble sur des chevaux célèbres (1863-1865), et un jeu de cartes d’après ses propres dessins est annoncé (1865). Une vue de Paris et des natures mortes lui sont également attribuées (procédés négatifs sur papier, à l’albumine* et au collodion*). Il propose une application de la pierre lithographique au tirage des épreuves (1855) et participe à l’étude des procédés de lithophotographie de L.-A. Poitevin* (1857). Il est présent à de nombreuses expositions internationales (1855-1862) et exerce à Paris (59, rue de la Fontaine-au-Roi [1857-1858], 119, rue Saint-Maur [1859-1860] et 4, rue du FaudownloadModeText.vue.download 75 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 75 bourg-Montmartre [1861-1870]). Il est représenté à Paris dans les collections de la Bibliothèque nationale et de la Société française de photographie. B.P. BINDE Gunar photographe lituanien (Aluksnes 1933) Éduqué à Beja de 1940 à 1950, Binde étudie l’agriculture jusqu’en 1957. Il commence la photographie en 1958 avec Genady Koposov à la Maison des journalistes de Moscou. Il travaille comme éclairagiste de théâtre dans plusieurs villes, s’arrêtant à Riga en 1964, date à laquelle il devient membre du photo-club de cette ville après avoir suivi différents stages photographiques. Il devient professeur à l’école des arts appliqués et reçoit son premier prix international en 1964. De nombreux titres et médailles le récompensent pour son oeuvre. À partir de 1968, il participe à des expositions dans les pays de l’Est, en Allemagne et en Tchécoslovaquie avec E. Spuris* et Peter Tooming. Parallèlement, de 1966 à 1976, il présente de nombreux films documentaires (Hello Moscou, Un moment d’une ère) et participe à d’autres réalisations de films (les Filles de Valmiera ; Je suis, j’ai été, je serai ; le Miroir de la soif). C’est à la fin des années 1960 que s’est développée l’expression de la culture nationale lituanienne fondée sur la tradition de l’art populaire. Le travail photographique de Binde et son enseignement exemplaire ont formé et inspiré la génération contemporaine. Figure historique inséparable du développement de la photographie en Lituanie, il est l’un des pionniers de l’art du nu dans le paysage. V.E. BING Ilse photographe américaine (Francfort 1899 - New York 1998) Après des études d’histoire de l’art, Bing s’aperçoit qu’elle préfère appréhender l’art de manière plus passionnelle qu’intellectuelle ; elle décide ainsi de s’adonner à la photographie en 1928. Elle est une des pionnières dans l’utilisation du Leica, et réalise des reportages en 1929 et 1930 (publiés dans Das Illustrierte Blatt), avant de s’installer à Paris. C’est dans un style mêlé de sensibilité et de modernité qu’elle exécute des photos de la ville (ce qu’elle appelle « l’abstrait de la vie » : des flaques d’eau, des feuilles mortes...), des portraits (Autoportrait au Miroir, 1931), des reportages (vendanges en Bourgogne), des photos de mode (Schiaparelli). Par ailleurs, elle use avec talent de la solarisation. La danse est un de ses sujets favoris (1931 et 1933). E. Sougez* la découvre lors de sa première exposition à la galerie de la Pléiade et la surnomme la « reine du Leica » (1935). Ses photographies sont publiées dans Arts et Métiers graphiques, Photo Graphie, Vu, Harper’s Bazaar..., et elle participe à plusieurs expositions (Pavillon de Marsan, 1936 ; M.O.M.A. de New York, 1937). En 1940, elle est déportée dans un camp de concentration, puis émigré aux Etats-Unis. Portraits (femmes, enfants) et natures mortes sont ses principaux sujets. En 1957, elle n’utilise plus que la couleur ; elle arrête la photographie en 1959. En 1976, une exposition des Nouvelles Acquisitions au M.O.M.A. de New York permet de la redécouvrir. Bing vit aujourd’hui aux États-Unis. Le musée Carnavalet a exposé son oeuvre en 1988. Ses photographies sont présentes dans les collections de nombreux musées américains, notamment à New York downloadModeText.vue.download 76 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 76 (M.O.M.A. et I.C.P.), à Chicago (Art Institute) et à San Francisco (Museum of Fine Arts). E.E. BISCHOF Werner photographe suisse (Zurich 1916 - cordillère des Andes 1954) Élève de H. Finsler* à l’école des Arts appliqués de Zurich, Bischof se familiarise avec l’esprit du Bauhaus*. Ses premières photographies sont des études de lumière et de composition qui révèlent la beauté concrète des choses de la nature. Il ouvre, en 1936, à Zurich, un atelier de photographie et de dessin publicitaire, conçoit les installations de l’Exposition nationale suisse et commence à collaborer au magazine suisse Du* en 1941. Ses premiers reportages sont réalisés aux côtés d’Emil Schulthess en 1945 à travers l’Europe : les ravages de la guerre lui révèlent la nécessité de témoigner par la photographie et, en 1949, il rejoint l’agence Magnum*. De 1951 à 1952, il est en Inde, en Corée du Sud, au Japon et en Indochine ; en 1953, en Europe et aux États-Unis, puis, en 1954, en Amérique du Sud. Son reportage le plus célèbre porte sur la famine en Inde ; publié dans Life*, il accélère l’intervention humanitaire des États-Unis. Le choix de l’angle de vue, le soin accordé au cadrage en fonction d’une efficacité affective font converger esthétique formelle et engagement éthique. Une pureté des lignes, un humanisme sans faille se révèlent tout particulièrement à travers ses photographies d’enfants et son reportage sur le Japon publié en 1954 en France et à l’étranger. L’originalité du style de Bischof, sa force de conviction comme son respect de la souffrance d’autrui en font un des grands reporters-photographes. Son activité a été interrompue par sa mort accidentelle au Pérou découverte le 16 mai 1954. Ses archives sont conservées par Magnum et par ses fils à Zurich. F.D. BISSON Louis-Auguste et AugusteRosalie (dits Frères) photographes français (Paris 1814 - id. 1876 et Paris 1826 - id. 1900) Ils commencent à faire de la daguerréotypie en 1840 et réalisent dès 1841 des épreuves de portraits exécutées en quelques secondes. Ils font à la même époque des reproductions d’animaux microscopiques et des épreuves destinées à l’étude de l’histoire naturelle. Entre 1849 et 1851, ils exécutent les 900 portraits des membres de l’Assemblée nationale. Les ministères du Commerce, des Travaux publics, de l’Industrie publique, de la Guerre, de la Marine, la direction des Beaux-Arts leur confient d’importants travaux de reproductions de machines, d’instruments, d’objets d’art, d’armes, etc. Entre 1854 et 1858, ils reproduisent les plus beaux types d’architectures et de sculptures : des vues des principaux monuments historiques de France – porte de la bibliothèque du Louvre, de l’Hôtel-de-Ville de Paris, escalier du château de Blois –, mais aussi des détails, des fragments, des études des différentes parties de chaque édifice. Entre 1855 et 1868, ils réalisent de nombreuses épreuves dans les Alpes. Les ascensions du mont Blanc par Napoléon III et Eugénie en 1859 et 1860 donneront lieu à un album : Haute-Savoie, le mont Blanc et ses glaciers, souvenirs de voyage de LL. MM. l’Empereur et l’Impératrice. Ils ont créé un vaste établissement photographique où ils réalisent des reproductions d’estampes de maîtres anciens tels Rembrandt ou Dürer. Les industriels ont aussi recours à leurs downloadModeText.vue.download 77 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 77 ateliers pour faire tirer des épreuves des modèles et des dessins de leurs fabriques. Les Bisson sont représentés notamment à Paris (B.N.). V.L. BITUME Matière organique naturelle ou provenant de la distillation du pétrole, à base d’hydrocarbures, brun-noir ou noire, très visqueuse ou solide. La sensibilité à la lumière du bitume de Syrie (dit aussi de Judée), qui a pour propriété de durcir sous l’effet de celle-ci, a été utilisée par N. Niépce* vers 1822 pour ses expérimentations de photographie sur métal. Elle est encore mise en application aujourd’hui pour créer des réserves de photogravure. S.R. BLANC et DEMILLY (Théo Blanc et Antoine Demilly, dits) photographes français (1898 - 1985 et 1892 - 1964) Dans les années 1880, Édouard Bron, devenu orphelin, quitte la Suisse pour trouver du travail à Lyon chez un photographe alors à la mode, l’atelier Victoire. Quelques années plus tard, après avoir acquis tout le savoir-faire du métier, il s’installe à son compte au 10, quai Saint-Antoine. En 1907, il déménage à nouveau pour s’installer au dernier étage d’un immeuble neuf au 31 de la rue Grenette, artère plus commerçante que les quais. De son mariage, il a deux filles, qui épousent respectivement, vers 1918, Théo Blanc et Antoine Demilly. En 1924, Edouard Bron prend sa retraite et l’enseigne de l’entreprise devient alors « Blanc et Demilly successeurs ». Durant quarante années, des dizaines de milliers de portraits de la bourgeoisie lyonnaise, mais aussi de célébrités comme L. Lumière*, Le Corbusier, Maurice Utrillo, de paysages de la région lyonnaise et de natures mortes sortent de leur atelier, qui se démarque de la production de l’époque par un emploi précoce du Rolleiflex et du Leica. En 1935, l’affaire s’agrandit et ils ouvrent, rue Président-Carnot, une galerie qui devient le cénacle lyonnais de la photographie de qualité où ils exposent et vendent des séries d’images. Blanc assurait le travail plus commercial des portraits de commande alors que Demilly se consacrait à une recherche plus artistique ; ce dernier donne, avec ses lumières tamisées, une image poétique de Lyon et de la vie locale, avec des images du théâtre de Guignol mais aussi des premières représentations du metteur en scène Roger Planchon. En 1963, la société est vendue à René Comte, qui la cède à son tour, en 1971, à Jean Aimard. Ils sont représentés dans les collections du F.R.A.C. Rhône-Alpes. H.P. BLANQUART-ÉVRARD Louis Désiré photographe français (Lille 1802 - id. 1872) Chimiste et négociant en draps, Blanquart-Évrard est un personnage typique des débuts de la photographie, une époque où il est nécessaire d’avoir des connaissances scientifiques et d’être un « entrepreneur » économique. En 1847, il communique à l’Académie des sciences ses Procédés employés pour obtenir des photographies sur papier, amélioration très sensible du calotype* de W.H.F. Talbot* – qui se plaint de ce « piratage » – : downloadModeText.vue.download 78 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 78 les sels d’argent ne sont plus déposés à la surface du papier, mais imprègnent sa texture, les procédures sont plus faciles et plus précises, le papier négatif peut être préparé à l’avance, le tirage des épreuves positives est plus rapide. Blanquart-Évrard rend ainsi le calotype accessible à un plus grand nombre et peut être tenu pour responsable (avec G. Le Gray*, auteur du procédé avec papier ciré sec) de l’essor qu’il connaît dans les années suivantes. Grâce à l’organisation du travail et à la standardisation des opérations, les recherches techniques ont une autre conséquence à laquelle se voue BlanquartÉvrard : la possibilité d’industrialiser le tirage de calotypes en créant une entreprise d’édition (malencontreusement intitulée « imprimerie photographique », ce qui peut prêter à confusion). C’est chose faite en septembre 1851 avec l’ouverture de l’atelier de Loos-lès-Lille, qui répond au voeu formulé par la récente Société héliographique. Il s’agit d’éditer, en nombre et à un prix satisfaisant, des tirages d’après négatifs papier qui sont sollicités auprès des meilleurs praticiens du moment, en particulier C. Marville*. Entre 1851 et 1855, date de fermeture de son établissement, Blanquart-Évrard édite, d’une part, trois albums archéologiques (Égypte, Nubie, Palestine et Syrie de M. Du Camp*, Jérusalem de A. Salzmann*, le Nil de J.B. Greene*) et, d’autre part, 24 portfolios regroupant environ 550 photographies collées sur papier épais et identifiées, toutes des tirages sur papier salé, que l’on peut qualifier à la fois d’oeuvres, de documents, d’études, bref, de photographies, en restituant à ce terme un sens novateur. M.F. BLOSSFELDT Karl photographe allemand (Schielo, Harz, 1865 - Berlin 1932) Après une enfance passée en montagne et des études de sculpture et de peinture à l’École royale du musée des Arts décoratifs de Berlin, il part grâce à une bourse avec son maître, M. Meurer, en Europe et en Afrique du Nord pour récolter des plantes. Professeur de modelage, il photographie d’abord les végétaux dans un but documentaire, en grand format – il se construit en 1900 un appareil 13 × 18 cm – et en macrophotographie : gros plans en vision frontale, sur fond uni et avec une grande précision des détails. Ses études l’amènent à voir en la structure du végétal et son type de croissance un modèle général applicable à l’être humain, mais aussi à ses constructions, artistiques ou industrielles. Ainsi le livre Urformen der Kunst (« formes originelles de l’art ») est-il fort bien accueilli, en 1928, par les tenants de la Neue* Sachlichkeit (« Nouvelle Objectivité »), et Blossfeldt participe à l’exposition Film und Foto à Stuttgart en 1929. Outre leur réalisme, ses images peuvent séduire tant par leur aspect décoratif (Impatiens Glandulifera, Balsamine, Spingkrant, 1927) que par leur puissance d’évocation (Aconitum, avant 1928). Photographe indépendant, il voyage souvent, et collabore à diverses revues. Ses images figurent dans de nombreuses collections : Museum Ludwig de Cologne, Bibliothèque nationale à Paris, Metropolitan Museum of Art de New York, Länderbank à Vienne... Ch.B. BLOW-UP Le terme blow-up fut popularisé par le film du même nom, réalisé par MichelandownloadModeText.vue.download 79 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 79 gelo Antonioni en 1966. Dans une scène désormais célèbre, le protagoniste agrandit une photographie dans l’espoir d’y voir distinctement un cadavre dont il pense déceler la présence dans une épreuve plus petite. L’image, successivement agrandie, devient comme un tableau abstrait dans lequel le regard se perd à mesure que le grain du film grossit et empêche toute distinction des formes. Le film décrit la perte, chez un photographe, de la croyance en un possible rapport objectif avec la réalité. Plus généralement, blow-up est le terme anglo-américain pour « agrandissement photographique ». Il faut le distinguer du gros plan – « close-up » – qui correspond à la focalisation sur le sujet dès la prise de vue. Ce terme fait également référence aux premiers travaux de l’artiste conceptuel J. Kosuth*, dont les oeuvres, réalisées entre 1965 et 1968, consistent en des définitions du dictionnaire, photographiées et agrandies. Son utilisation de l’agrandissement photographique débouche, elle aussi, sur une abstraction que l’artiste explique en ces termes : « Partant dans cette série de l’abstraction d’une chose concrète (l’eau, l’air), j’en vins à présenter des abstractions d’abstractions (signification, vide, universel, rien, temps). » P.S. BLUMENFELD Erwin photographe américain (Berlin 1897 - Rome 1969) Après sa rencontre avec Georg Grosz en 1915, Blumenfeld est un membre actif du groupe dada berlinois. En 1918, il rejoint Grosz en Hollande et fonde, sous le pseudonyme de Bloomfield et avec P. Citroen*, la Centrale dada d’Amsterdam. Auteur de collages et de poèmes, il aborde la photographie et multiplie ses expérimentations, tandis qu’il vit des bénéfices de sa boutique de maroquinerie, acquise à Amsterdam en 1922. Suite à la faillite de son commerce, il s’installe à Paris en 1935 et devient photographe professionnel. Apprécié des surréalistes, il est publié dans les revues Minotaure, Verve mais aussi dans Photographie. Les commandes affluent, notamment pour Vogue* dès 1938 et Harper’s Bazaar* à partir de 1939. En 1941, il émigré à New York et ouvre son propre studio en 1943. Blumenfeld, qui a beaucoup travaillé pour la publicité, est connu pour l’excellence et le caractère inventif de ses images et couvertures conçues pour les magazines féminins. Qu’il travaille en noir et blanc ou en couleur, il impose une vision très personnelle servie par une technique appropriée. À la manière de Man Ray*, les clichés pris en studio sont manipulés avec génie dans la chambre noire : solarisations, combinaisons de négatif et de positif, distorsions, surimpressions, photomontages. Ces méthodes donnent à ses images une rigueur graphique ou une ambiguïté poétique. Il cesse toute activité à la fin des années 1950. En 1982, le Centre GeorgesPompidou organise une rétrospective de son oeuvre. N.C. BOENO David photographe français (Brest 1955) Après avoir collaboré durant plusieurs années à de nombreux journaux et périodiques français auxquels il livrait des reportages photographiques (1979-1987), Boeno élabore un travail de photographie où science, optique et télécommunication viennent dialoguer dans un détour- nement poétique du langage scientifique. L’optique est ainsi convoquée dans une série de travaux rapprochant morphologiquement certaines formes de lentilles avec downloadModeText.vue.download 80 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 80 les orbites de quelques comètes. Fasciné par l’histoire des sciences, Boeno recopie sur Minitel certaines citations érudites qu’il photographie ensuite directement sur l’écran. On retrouve ainsi reproduites sous un caractère informatique des phrases emblématiques de Kepler, mais aussi, dans un répertoire plus hétéroclite, des dialogues ou maximes d’Aristophane, de Pline, d’Hésiode ou même de Tintin. Cette oeuvre a été présentée aux ateliers de l’A.R.C. du musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1988 et, plus récemment, à la galerie des Archives (Paris). P.L.R. BOIFFARD Jacques-André photographe français (Épernon 1902 - Paris 1961) Durant ses études de médecine à Paris, Boiffard se rapproche du milieu littéraire d’avant-garde par l’intermédiaire de Pierre Naville, de la revue l’OEuf dur puis de la Révolution surréaliste, à laquelle il participe, dès 1924, par la publication de textes, de photographies et de récits de rêve. Il devient l’assistant puis le collaborateur de Man Ray*, avec qui il apprend la photographie (1924-1929), et il réalise, pour André Breton, les photographies illustrant Nadja (1928). Après sa rupture avec ce dernier, il se rapproche de Georges Bataille, du groupe Contre-Attaque et de la revue Documents (1929-1930). Boiffard apporte une contribution importante au surréalisme par ses photographies de visages, de nus féminins comme par sa série célèbre sur le « gros orteil » (1929). Il se rapproche parallèlement de E. Lotar*, avec qui il fonde, en 1929, un studio photographique. En 1932, il s’engage auprès de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires et du groupe Octobre, avec lequel il entreprend, en 1933, un voyage à Moscou. Les photographies d’une croisière mondiale réalisée avec Lotar en 1934 sont montrées à la galerie La Pléiade. À côté de portraits de vedettes du milieu artistique et de reportage, il a réalisé des photographies de tournage de films pour Jean Painlevé, Jacques Prévert et pour les Enfants du paradis (1947) de Marcel Carné. Entre 1940 et 1959, il travaille comme radiologiste à l’hôpital Saint-Louis après avoir repris ses études de médecine. F.D. BOISSONNAS Frédéric photographe suisse (Genève 1858 - 1946) Fils d’Henri-Antoine Boissonnas (18331889), peintre genevois converti à la photographie depuis 1864 et spécialisé dans les portraits d’enfants, Frédéric et son frère Edmond-Victor (1862-1890) sont formés par leur père et reprennent en 1887 son activité déjà prospère. L’apprentissage de Frédéric, perfectionné auprès de Kohler à Stuttgart (1878) puis de Brandseph à Budapest (1880), fait passer l’atelier familial de la notoriété à la célébrité. Ses portraits sophistiqués et ses scènes de genre (la Caisse d’épargne, Retour du concert) lui valent de nombreuses médailles d’or (Genève 1896, Paris 1900). Mais Boissonnas n’est pas seulement un habile photographe commercial ; il réalise aussi, en 1889, des photographies du mont Blanc avec des plaques sensibles « orthochromatiques » mises au point par son jeune frère. La mort prématurée de ce dernier, qui succombe au typhus aux États-Unis, où il était parti travailler dans une fabrique de plaques photographiques, le laisse seul à la tête de l’entreprise. En 1900, il commence à fonder des succursales à Paris, Reims, Lyon, Marseille (où il rachète l’ancien atelier de Nadar*) et Saint-Pétersbourg. À partir de downloadModeText.vue.download 81 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 81 1903, il voyage régulièrement autour de la Méditerranée à la demande de riches amateurs ou d’éditeurs ; effectués en compagnie d’archéologues et d’historiens, ces périples le mènent en Grèce, en Italie, en Tunisie, en Égypte, en Nubie, d’où il ramène des milliers d’épreuves. Il se montre sensible aux beautés de l’architecture, mais aussi aux types humains, aux scènes quo- tidiennes. Son atelier de Genève est repris successivement par trois de ses fils : Edmond-Édouard (1920-1924), Henri-Paul (1924-1927) et surtout Paul (1927-1969), qui, après un accident, laissera la direction du studio à sa fille et son gendre. S.A. BOÎTIER Corps d’un appareil* photographique s’utilisant à la main, sans son objectif*. S.R. BOLOGNA Achille photographe italien (actif dans l’entre-deux-guerres) Avocat de profession et photographe amateur à Turin, Bologna s’associe avec Stefano Bricarelli et Carlo Baravalle pour assumer la direction rédactionnelle du Corriere fotografico en 1922. Cette importante revue italienne, fondée à Piacenza en 1904 par Tancredi Zanghieri, est éditée ensuite à Milan, puis à Turin. Elle s’adresse à une catégorie de lecteurs qui souhaitent approfondir leurs connaissances de la technique photographique tout en s’informant des tendances esthétiques du moment. Aussitôt, les trois hommes lancent une nouvelle série d’albums annuels, Luci ed Ombre, d’une qualité supérieure d’impression et de gravure. De 1923 à 1934, ce recueil présentera les meilleurs exemples de la nouvelle photographie italienne, où se mêlent virtuosité technique, recherches novatrices et représentations pictorialistes. Le travail de Bologna, qui y figure depuis 1923, réunit ces caractéristiques. À la fin des années 1920, sa photographie devient, cependant, plus réaliste ; la structure de l’image se simplifie et les formes géométriques se remarquent davantage. Le photographe semble attiré par l’idéologie fasciste, comme en témoigne l’affiche photographique qu’il conçoit pour l’exposition de la Révolution fasciste et qui est publiée à la première page de l’édition de 1932 de Luci ed Ombre. T.M.G. BOLTANSKI Christian artiste français (Paris 1944) La photographie noir et blanc est présente dans l’oeuvre de l’artiste dès 1969 comme le constat, au même titre que les lettres, les objets ou les films, d’une autobiographie impossible. Alors qu’il tente de reconstituer les objets ou les événements de son passé, Boltanski prend conscience de leur banalité et du fait qu’ils appartiennent à une mémoire plus collective que personnelle (les Habits de François C., 1972 ; l’Inventaire photographique des objets ayant appartenu au jeune homme d’Oxford, 1973). L’Album de la famille D. (1972) est l’appropriation d’un album de photos de famille, encadrées et présentées par rangées au mur. L’artiste introduit la couleur en 1975 avec « les images modèles », qu’il réalise lui-même comme les parodies d’une imagerie du bonheur et de la famille. Il confirme cet usage des stéréotypes avec les Compositions fleuries, japonaises, grotesques, véritables murs d’images qui confèrent à la photo une dimension quasi sculpturale. Cette relation entre l’espace et la photo conduit l’artiste downloadModeText.vue.download 82 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 82 vers la construction, au cours des années 1980, des Monuments qui sont des environnements à la mémoire des anonymes. Avec les Leçons des ténèbres (1986), les Élèves du lycée Chases et la Réserve des Suisses morts (1991), il crée de véritables autels, éclairés par de petites ampoules électriques, les images qui s’y intègrent ayant valeur d’icônes. La photographie engage une réflexion sur l’absence et sur la mort, la parodie cède désormais à la dramaturgie, la légèreté à la gravité. S.C. BONFILS Félix photographe français (Saint-Hippolyte-du-Fort 1831 - Alès 1885) Relieur à Saint-Hippolyte-du-Fort, Bonfils est amené à voyager au Liban en 1861 puis en 1864, et il rentre conquis par la beauté du pays. Après avoir été initié à la photographie par Niépce de Saint-Victor*, qui l’encourage à s’établir et à se spécialiser dans l’héliographie, il fonde un atelier de photographie à Alès en 1865. En 1867, il part pour Beyrouth avec sa famille et s’y fixe comme photographe. Il déploie une activité frénétique, puisqu’en quatre ans il crée une collection de 15 000 tirages à partir de 591 négatifs et 9 000 vues stéréoscopiques : ce sont des images de Syrie, de Grèce, de Palestine et d’Égypte, prises avec des négatifs sur verre au collodion humide ; vues de monuments, mais aussi paysages, portraits pittoresques. Il les présente à la S.F.P.* en 1871 et publie un album, Architecture antique, chez Ducher, à Paris, en 1872. Il commence alors à confier la vente de ses photographies à des agents du monde entier. En 1876, il rentre à Alès pour commercialiser son entreprise la plus ambitieuse : une série d’albums intitulés Souvenirs d’Orient, vendus sur commande et chez ses agents à Paris, Bâle, Londres, Jérusalem, etc. Il obtient une médaille à l’Exposition universelle de Paris en 1878, à celle de Bruxelles en 1883. En 1880, il ouvre un atelier de phototypie à Alès, où il meurt en 1885. L’oeuvre de Bonfils, bien que dictée surtout par des impératifs commerciaux, est, par sa sensibilité et sa beauté, comparable à celles des archéologues ou des voyageurs amateurs de photographie tels que Louis de Clercq ou E. Piot*. S.A. BONNARD Pierre peintre français (Fontenay-aux-Roses 1867 - Le Cannet 1947) Comme beaucoup d’autres particuliers, grâce à l’apparition des appareils instantanés dans les années 1880, Bonnard s’est adonné à la photographie en amateur pour enregistrer des scènes de sa vie quotidienne. Ses clichés, pris entre 1894 et 1920, montrent qu’il s’est surtout penché sur le mouvement et la lumière. En effet, si, à l’inverse de Degas*, il ne s’est pas intéressé à l’exercice de la photographie – il n’a, notamment, jamais fait tirer de grandes épreuves de ses négatifs ni cherché à améliorer sa technique –, il apporte cependant une vision nouvelle, celle du peintre. À l’exception de ses sujets parisiens, les thèmes qu’il aborde sont les mêmes que ses peintures, des scènes intimes et familiales. Ce sont des nus de sa compagne Marthe (et de lui-même), des scènes de jeux d’enfants, des membres de la famille en compagnie d’animaux domestiques. Ses images les plus marquantes datent des années 1890, mis à part son étonnante Marthe au tub, réalisé vers 1908 (Paris, Orsay). Ses photographies n’ont pas influencé ses peintures, mais, au contraire, témoignent de sa vision de peintre. L’évolution de son style dans downloadModeText.vue.download 83 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 83 les années 1907-1908 se retrouve simultanément dans ses clichés. La photographie a sans doute aidé le peintre à transcrire des attitudes fugitives, des mouvements. Il transpose des nus de sa compagne, pris dans l’appartement parisien (1899-1900), dans des lithographies destinées à illustrer une édition de Vollard, le Parallèlement de Verlaine (1901), et la série des nus pris à Montval en 1900-1901 se retrouve dans la seconde édition de Vollard, Daphnis et Chloé (1902). La majeure partie de ses clichés sont réalisés pendant ses séjours à la campagne. À Noisy-le-Grand (18981899), au Grand-Lemps dans le Dauphiné, où, chaque été, il retrouve famille et amis, à Montval, où Bonnard fait aine série de nus de Marthe (Marthe debout au soleil, 1900-1901, Paris, Orsay), à Vernouillet (où il réalise le fameux Marthe au tub) et enfin à Vernon. S’ajoutent des photographies de voyages : à Venise avec Vuillard et Roussel (1899) ; en Espagne en compagnie de Vuillard et du prince Emannuel Bibesco (1901). Enfin, deux séries d’études de modèles, v. 1905 et v. 1916, sont les dernières photographies de l’artiste parvenues jusqu’à nous. Les travaux de Bonnard sont conservés à Paris (musée d’Orsay). M.C. BONNETTE Lentille s’adaptant devant un objectif* pour en modifier la distance focale. Sur les appareils* ne permettant pas la photographie d’objets relativement proches, on utilise des bonnettes d’approche, appelées aussi « lentilles additionnelles », qui sont des lentilles convergentes dont la distance focale est à peu près égale à la distance du sujet à l’appareil. S.R. BOSTOCK Cecil W. photographe australien (Grande-Bretagne 1884 - Sydney 1939) Bostock arrive en Australie (Sydney) à l’âge de quatre ans. Vers 1901, il quitte son travail de technicien dans les tramways pour commencer une carrière artistique. Jusqu’en 1916 – année où il devient membre de la Photographic Society of New South Wales –, sa vie est peu documentée. Bostock est également un des fondateurs du Sydney Camera Circle, dont les réunions ont lieu dans son propre atelier jusqu’en 1921. Il sert pendant la guerre dans l’infanterie, puis passe six mois à Londres, en 1919, où il rejoint la Royal Photographic Society et organise une exposition individuelle sur ses aquarelles de guerre en 1920 (année de sa démobilisation). Pendant les 20 années suivantes, il se spécialise dans l’image publicitaire et travaille notamment pour le magazine The Home. En 1917, il a publié un album de ses travaux, A Portfolio of Art Photographs, en édition limitée. Ses photographies sont austères, avec une mise au point nette, à l’opposé de celle des pictorialistes. C’est lui qui conçoit et édite les catalogues des grandes expositions pictorialistes telles que : The Australian Salon of Photography (1924, 1926), l’exposition du Contemporary Camera Group (1938) – première exposition indépendante en Australie de la photographie moderne. Il a également largement participé à l’illustration de The Book of the Anzac Memorial N.S.W. (paru en 1934). Son oeuvre a été dispersée, et seuls quelques-uns de ses clichés ont pu être localisés. Il est notamment représenté à Sydney (National Gallery of New South Wales) et à Canberra (National Gallery). M.C. downloadModeText.vue.download 84 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 84 BOUBAT Édouard photographe français (Paris 1923 - id. 1999) Boubat passe son enfance à Montmartre avant d’entrer à l’école Estienne, où il apprend la photogravure (1938-1942). En 1945, il réalise ses premières photogra- phies et travaille dans un atelier de photogravure, rue Dauphine. Exposant au Salon national, Boubat partage un prix avec R. Doisneau* en 1949. En 1951, il expose avec Brassaï*, Doisneau, Facchetti et Izis* à la galerie La Hune. Bertie Gilou, directeur artistique de Réalités*, remarque ses photographies et lui confie un premier reportage, les Artisans de Paris. En 1953, Boubat intègre l’équipe de la revue. C’est le début d’un voyage ininterrompu dans les cinq continents : « Mes photographies comme des portes dans le temps m’ouvrent le monde. » Depuis la Petite Fille aux feuilles mortes du Luxembourg (1946), Boubat ne cesse de s’émerveiller devant le monde et les hommes. « Photographier, dit-il, c’est exprimer une gratitude. » Dans un état de grâce perpétuel, il fixe les rencontres, les paysages, les instants de plénitude. Il immortalise « les moments où il ne se passe rien sauf la vie de tous les jours ». Boubat est en quelque sorte un sage, un apôtre, un photographe béat, un « correspondant de paix », disait Prévert. En 1976, le Centre Georges-Pompidou organise une exposition itinérante, Édouard Boubat, essai rétrospectif (Paris, New York, Chicago). Boubat reçoit, en 1977, le Grand Prix du livre d’Arles avec la Survivance (Paris, Mercure de France). En 1987-1988 a lieu une exposition itinérante au Japon, Édouard Boubat, une aventure poétique. S.Ro. BOUCHER Pierre photographe français (Paris 1908) Boucher, étudiant à l’Ecole des arts appliqués de 1922 à 1925, apprend la photographie pendant son service militaire dans l’aviation (1928-1930). Influencé à la fois par la Nouvelle Vision, le Bauhaus* et le surréalisme*, il refuse d’adhérer à une école particulière et fait de la photographie pure, du photomontage*, utilise la solarisation* et la surimpression. « Photo-graphiste », il considère la photo comme un outil nécessaire à ses travaux publicitaires : il fait un stage chez Deberny-Peignot* et travaille dans le Studio Zuber. En 19331934, il fonde avec R. Zuber*, P. Verger*, R. Capa* et Chim* (D. Seymour) l’agence Alliance Photo*, dirigée par M. Eisner. Il voyage en Espagne, au Maroc, en Égypte, et ses photos paraissent dans Arts et Métiers graphiques, Photo Magazine, Vu... Il publie plusieurs livres, dont le Nu en photographie (1935) et Truquages en photographie (1938). Toujours à la pointe de la technique, il réalise des photos sousmarines (publiées dans Photo-France et Caméra, 1941 et 1942) grâce à un appareil qu’il conçoit lui-même. Dans les années 1950 et 1960, il travaille pour de nombreuses agences. Depuis qu’il s’est retiré, Boucher a créé une nouvelle technique de photographie abstraite en couleur, la « polarisation ». Une monographie intitulée Pierre Boucher photo-graphiste est parue aux éditions Contrejour en 1988. E.E. BOUDINET Daniel photographe français (Paris 1945 - id. 1990) En autodidacte, Boudinet se consacre à la photographie dès 1968. Il s’intéresse en downloadModeText.vue.download 85 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 85 priorité à des lieux marqués par l’abandon. Dans Bagdad-sur-Seine, son premier livre, paru en 1973, il fixe les dernières traces d’un Paris qui disparaît. À Bomarzo, à l’invitation de René Fouque, il travaille dans le parc du palais Orsini, peuplé de monstres taillés dans d’énormes rochers. Avec la même prédilection, Boudinet photographie la nature et l’architecture. Ses paysages d’Alsace sont publiés par la revue Créatis avec un texte de Roland Barthes* en 1977. Bien que très sombres, ses images en couleur de Paris, Londres, Rome, la nuit, nous laissent peu à peu percevoir de nouvelles formes. Exposées pour la première fois à la galerie la Remise du parc en 1978, elles surprennent par leur nouveauté. En 1979, Boudinet explore son propre appartement comme un labyrinthe. Parallèlement, il photographie des figures du cinéma pour la revue le Cinématographe ; ces images sont exposées à la galerie Agathe Gaillard en 1981. Il collabore également à Beaux-Arts, City et Décoration internationale, tout en poursuivant ses investigations dans le désert de Retz à Joyenval, dans le jardin de Ian Hamilton Finlay, ou encore au cimetière des Espagnols à Oran. Il photographie aussi Petra, les villes d’eaux, des théâtres. En 1985, pour la Caisse des monuments historiques, il retranscrit dans une lumière douce les lignes de l’architecture du Panthéon et, en 1989, dans le cadre d’une commande sur le paysage pour la Fondation Cartier, il photographie pour la dernière fois la nature, les herbes. Il meurt du sida en 1990. A.M. BOUGÉ Mouvement involontaire donné à l’appareil de prise de vue au moment du déclenchement, qui produit une image plus ou moins floue*. S.R. BOULTON Alfredo photographe vénézuélien (Caracas 1908) Pionnier de la photographie de paysage dans les années 1940, Boulton est un homme combatif qui a consacré sa vie à établir la justice politique et sociale. Depuis l’enfance, il manifeste un intérêt pour le monde artistique. Il réalise plusieurs livres sur l’art vénézuélien et sur l’histoire de l’art au sens plus large. En 1922, son oncle lui donne un appareil Kodak, et il s’initie à la photographie avec Guillermo Zuloaga. En 1940, il publie son premier livre, Images de l’ouest du Venezuela, illustré de nombreux portraits, de maisons de villages et de symboles, comme les croix. En 1950 paraissent Los Llanos de Paéz, autre ouvrage sur son pays, ainsi que A Margarita, où il documente l’île, ses habitants et ses pêcheurs. Il continue à photographier les oeuvres d’art de ses amis artistes, notamment les sculptures de Francisco Narvaez, pour une publication en 1951. Il travaille aussi avec Manuel Alvarez Bravo sur les fêtes mythologiques de Yare. Dans la grande tradition de la photographie documentaire et sociale, ses ouvrages comme Lara, Timotes, El Cementerio de la Mesa de Esnujaque, El Valle de Motatán célèbrent la beauté des paysages vénézuéliens et témoignent de la vie sociale des habitants. En 1982, il est l’un des premiers photographes à exposer au musée des Beaux-Arts de Caracas avec son travail Imagens. Ses oeuvres sont dans les collections du musée d’Art moderne de New York. V.E. downloadModeText.vue.download 86 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 86 BOURDEAU Robert photographe canadien (Kingston, Ontario, 1931) Autodidacte en photographie, il rencontre en 1965 M. White*, qui lui inculque sa vision mystique de la photographie de paysages. Il délaisse l’approche subjective de White au début des années 1970 et opte pour une approche plus descriptive de la nature. Employant des négatifs de très grand format et travaillant exclusivement en noir et blanc, il réalise des paysages naturels, des natures mortes, des études architecturales et des paysages urbains. L’absence de premier plan et de ligne d’horizon, l’abolition des repères topologiques, la description scrupuleuse des textures et des formes naturelles caractérisent ses paysages (Yorkshire, 1975 ; Maine, 1979), alors que ses vues rapprochées de rochers témoignent d’une vision fragmentée de la nature qui isole chacun des éléments de l’image. V.L. BOURDIN Guy photographe français (France, 1933 - 1991) Avant de débuter dans la photo de mode, Bourdin fait de la peinture et signe des photos de paysages sous le nom d’Edwin Alan. Ses premières publications de mode paraissent en 1955 dans l’édition française de Vogue* à l’initiative de sa rédactrice en chef, Francine Crescent. Pendant plus de 30 ans, il restera très proche de cette revue. À partir de 1965, Bourdin débute, avec les chaussures Charles Jourdan, une collaboration qui le rend célèbre et qui marque un tournant dans l’histoire de la photo publicitaire : pour la première fois, le produit présenté est sublimé par la photographie. Les images de Bourdin ont doté l’entreprise Jourdan d’une identité immédiatement reconnaissable. Il tra- vaille également pour Grès, Chanel, Bloomingdale et pour Vogue Italie, mais sa carrière restera géographiquement limitée. Avant le milieu des années 1960, Bourdin utilise ses photos personnelles comme esquisses pour les photos de mode. Par la suite, toutes ses commandes deviennent des photos personnelles. Son travail publicitaire pour Jourdan a, sans aucun doute, joué un grand rôle dans l’évolution de son style. Jourdan, puis Vogue France, dont il devient le photographe vedette avec H. Newton dans les années 1970, lui accordent une totale liberté d’action. Aussi Bourdin signe-t-il des photos parmi les plus importantes et les plus audacieuses de la décennie. Elles mettent en scène ses propres obsessions et abordent les thèmes du sexe et de la violence. Bourdin adopte le système de l’image dans l’image, crée un climat menaçant (un courant d’air, une ombre en mouvement) qui renforce le sentiment de vulnérabilité dégagé par ses modèles qui se contorsionnent dans le cadre. Elles sont cependant très apprêtées : coiffure, maquillage et tenues sont toujours impeccables. L’éclairage au flash, particulièrement cru, rend la chair blême et les couleurs saturées. La mise en page, que Bourdin contrôle, accentue le pouvoir narratif de ses images : photo à bords perdus, économie de texte, double page. Bien que son oeuvre soit capitale dans l’histoire de la photographie de mode, Bourdin a toujours refusé catégoriquement l’utilisation de son travail hors de son contexte commercial d’origine. Il n’a donc, de son vivant, jamais publié ni exposé ses photographies. N.C. downloadModeText.vue.download 87 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 87 BOURKE-WHITE Margaret photographe américaine (New York 1904 - Stramford, Connecticut, 1971) C’est durant ses études à la University of Michigan puis à la Cornell University qu’elle fait, vers 1927, ses premières photographies (vues d’architectures, machines). Henri Luce, impressionné par son travail, l’engage comme rédactrice en chef dès la création de Fortune (1930). Le 23 no- vembre 1936 paraît le premier numéro de Life* avec, en couverture, le Barrage de Fort-Peck, Montana. C’est le début d’une longue collaboration (1936-1971) et d’une grande carrière de photojournaliste : l’U.R.S.S. (1931) puis, avec E. Caldwell, un reportage sur la pauvreté aux États-Unis (1937). Photographe de la US Air Force, elle couvre le siège de Moscou, la libération des camps de la mort, l’Allemagne en ruine ; puis l’Inde (1948), l’Afrique du Sud (1950), la guerre de Corée (1952). Parallèlement, elle travaille pour différentes agences de publicité. La maladie de Parkinson lui fait interrompre sa carrière dès la fin des années 1950. Ses Mémoires, Portrait of Myself, paraissent en 1963. Témoin des événements les plus importants du XXe siècle, Bourke-White saisit des regards, des gestes, construit puissamment ses images et donne, souvent à travers le particulier, le sens profond des faits historiques. L’International Center of Photography de New York organise, en 1988, une grande exposition itinérante, Bourke-White : A Retrospective (Detroit, Kansas City, Hartford, Washington, Fort Worth, Cleveland, Londres, Milan, Paris). La bibliothèque George-Arents, à New York, conserve la plus grande collection d’épreuves et de négatifs de la photographe. Elle est aussi représentée au M.O.M.A., à Rochester (George Eastman House), à Chicago (Art Institute) et à Bath (Royal Photographic Society). S.Ro. BOURNE Samuel photographe britannique (Nottingham 1834 - id. 1912) C’est dans l’atelier de Richard Beard, un des pionniers du daguerréotype en Angleterre, que Bourne apprend, à 17 ans, en 1851, la technique photographique. Puis il retourne à Nottingham, sa ville natale, où il occupe un poste de clerc de notaire. Il n’oublie pas pour autant la photographie et, en 1858, il expose des photographies de paysages. En 1862 commence la grande aventure de Bourne. Il part pour les Indes et photographie de nombreux paysages, sites et monuments. Pour pouvoir continuer son périple photographique du Bengale à l’Himalaya, il vend ses images aux touristes anglais de passage. Pendant plus de cinq ans, il rassemble une collection photographique importante. En 1867, de retour pour un an en Angleterre, il se marie et exerce toutes sortes de métiers, comme manutentionnaire ou poète. De retour en Inde, il ouvre un second atelier avec son associé, l’éditeur Charles Shepherd, qui se charge de la commercialisation des images pendant qu’il reprend son périple pour deux ans. Après son retour en Angleterre, vers 1870, il publie dans le British Journal of Photography le catalogue des photographies de Calcutta. Il devient membre actif de la Nottinghamshire Amateur Photographic Association puis vice-président du Nottingham Camera Club en 1892, avant d’en devenir président en 1903. En 1896, il se retire définitivement des affaires, mais est néanmoins élevé au titre de photographe downloadModeText.vue.download 88 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 88 officiel du roi George V en 1911 avant de s’éteindre à Nottingham le 27 avril 1912. S.M. BOVIS Marcel photographe français (Nice 1904 - Antony 1997) Après une formation à l’école des arts décoratifs de Nice (1919-1922), Bovis travaille successivement comme décorateur aux ateliers d’art des Galeries Lafayette et au Bon Marché. Devenu décorateur indépendant en 1930, son intérêt pour la photographie – pratique qu’il découvre seul au service militaire en 1926 – va grandissant. En 1933, il présente son travail à C. Peignot*, qui retient une épreuve pour le numéro annuel Photographie de la revue Arts et Métiers graphiques. Paris-Magazine lui achète sept photographies nocturnes de Paris, et Aujourd’hui lui commande l’illustration des Suicidés de Simenon. Puis il collabore à la revue Arts et Métiers graphiques : reportages sur les fêtes foraines, les métiers d’art et la reproduction d’oeuvres d’art. En 1940, Bovis se consacre exclusivement à la photographie, et l’illustration devient son domaine privilégié. Entre 1943 et 1947, il travaille pour le Commissariat général au tourisme, illustre des livres sur Paris, dont Voyage dans Paris de Pierre Mac Orlan (1941). À partir de 1950, il parcourt l’Algérie pour le Gouvernement général et rapporte des paysages monumentaux. En véritable artisan, il construit une oeuvre intimement liée aux courants photographiques de son temps. Sa vision s’aiguise avec les images de la Nouvelle Photographie – il admire E. Sougez* –, mais gardera toujours le juste ton et la sérénité qui lui sont propres. L’Enfant à la colombe, réalisé en 1933, peut être considéré comme une des premières « photographies humanistes ». En 1991, à l’occasion de la donation de son oeuvre à l’Etat, une rétrospective est organisée au palais de Tokyo à Paris. S.Ro. BRADY Mathew B. photographe américain (Lake George, New York, 1823 - New York 1896) Il étudie en 1840 la daguerréotypie avec S.F.B. Morse* et ouvre à Broadway, en 1844, un atelier où il fait des portraits. Le velours rouge, le satin, les feuilles d’or, les portraits de souverains et d’aristocrates ornent les murs de son studio de Broadway et attestent sa réussite sociale et commerciale. En 1847, à Washington, il ouvre une galerie qui sera dirigée par son assistant A. Gardner* de 1858 à 1863. La publication en 1850 de The Gallery of Illustrious Americans, un ouvrage réunissant 12 lithographies d’après ses daguerréotypes, présente un panthéon de personnalités connues et respectées. Toujours à Broadway, il installe en 1860 un nouveau studio et réalise des clichés de personnages illustres, dont celui du président des États-Unis Abraham Lincoln (1860). Principalement connu pour ses reportages sur la guerre de Sécession réalisés sur le front, il organise, de 1861 à 1865, avec l’accord préalable du gouvernement américain, des équipes photographiques dans toutes les parties de l’armée. Assisté de Levin Handy, Gardner, George S. Cook, Michael Miley et T. O’Sullivan*, il prend le parti de montrer l’horreur de la guerre et démontre ainsi le rôle de premier plan joué par la photographie dans la pratique du reportage. V.L. downloadModeText.vue.download 89 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 89 BRAGAGLIA Anton Giulio et Arturo photographes italiens (1890 - 1960 et ?) Le « photodynamisme » des frères Arturo et Anton Giulio Bragaglia est une expérience brève, formulée parallèlement au futurisme mais qui ne trouve que peu d’écho dans ce mouvement (les peintres futuristes, emmenés par Boccioni, le rejettent catégoriquement en 1913) ou parmi les mouvements photographiques dont les frères Bragaglia se voulaient résolument séparés. Ils tentent, dès 1910, mais surtout par leurs travaux de 19111913, de trouver un équivalent photographique de la peinture futuriste, en partant des recherches chronophotographiques de E.-J. Marey* (initiées en 1882), dont ils veulent en outre dépasser la rigueur formelle et scientifique. Ils cherchent à rendre l’invisible d’un geste, le déroulement du temps d’une action ; ils veulent en faire la synthèse dynamique sans en réaliser l’analyse par étapes successives. Opposant un refus à l’instantanéité aussi bien qu’au pictorialisme, ils mènent une tentative d’« art photographique » qui aurait ses propres règles et se donnerait pour tâche de représenter l’invisible. Anton Giulio publie en 1912-1913 Fotodinamismo futurista, où il expose ses théories et donne des exemples de réalisations : le Salut, l’Homme qui marche, la Dactylographe, Main en mouvement. Les photographies auraient été faites par Arturo, qui restera photographe (et acteur) alors qu’Anton Giulio deviendra cinéaste et metteur en scène. Bien que de peu d’influence à l’époque, les photodynamiques des Bragaglia, qui tiennent aussi des photographies de fluides psychiques en honneur vers 1900, sont une tentative d’exacerbation des principes de la photographie. M.F. BRANCUSI Constantin sculpteur français d’origine roumaine (Hobita 1876 - Paris 1957) Fils de paysans, Brancusi fait des études à l’Académie des beaux-arts de Bucarest avant de se rendre à pied à Paris via Munich. Dans la capitale française, il rencontre Rodin, qui lui propose de venir travailler avec lui, proposition qu’il refuse. Très tôt, Brancusi prend conscience de l’importance de la photographie dans la diffusion de son oeuvre sculpté, tout en constatant l’abîme qui sépare cette technique de ses préoccupations de sculpteur. C’est alors qu’il décide de photographier lui-même ses sculptures, contrôlant ainsi la vision que le spectateur peut en avoir. Son atelier devient bientôt un véritable atelier de photographie : il y bâtit une chambre noire, aménage rideaux, projecteurs, paravents et écrans afin d’avoir un contrôle absolu de la lumière, élément indispensable à l’existence de ses photographies tout autant qu’à celle de ses sculptures. C’est ainsi que voient le jour des centaines de clichés qui sont bien plus que de simples documents. Qu’il photographie ses oeuvres isolées sur un socle ou réunies dans des mises en scène complexes, il ne perd jamais de vue l’importance des volumes, des jeux d’ombre et de lumière, des juxtapositions, des textures du bois brut ou poncé, du marbre et du bronze poli à l’extrême. Partie intégrante de sa création artistique, la pratique de la photographie permet à Brancusi de sculpter au sens propre du terme avec la lumière. Ses négatifs sont conservés au M.N.A.M. de Paris. M.L. downloadModeText.vue.download 90 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 90 BRANDT Bill photographe britannique (Hambourg 1904 - Londres 1983) Né à Hambourg en 1904, mais ayant reçu une éducation britannique dans une famille aisée, Brandt n’aura de cesse de donner sa vision personnelle de l’Angle- terre, comme une mission à accomplir pour mieux s’inventer ensuite une liberté d’artiste résolument autonome. Atteint de tuberculose dans sa jeunesse, il apprend la photographie au moment de sa guérison, vient en 1929 à Paris, où il travaille avec Man Ray*, et conçoit d’emblée la photographie comme une activité spécifique, liée aux idées plastiques de l’époque. En 1931, il est à Londres et commence, pour des magazines, sa série de photographies sur les Anglais, sur les types sociaux, sur les styles de vie et la séparation des classes. En 1936, The English at Home est comme une nomenclature des niveaux sociaux et des clivages irréversibles qui choquent Brandt ; de l’aristocratie indifférente aux ruelles glissantes, du pub au golf, du champ de courses au dîner familial, de l’asile de nuit au parc embrumé, il traque les images clés d’une Angleterre encore énigmatique, pour en constituer un rapport critique. En 1938, A Night in London, sur le modèle de Paris de Nuit de Brassaï* (1933), est une extension beaucoup plus sociale du propos de celui-ci, traité comme la déclinaison d’un thème (la vie de nuit) dans tous les lieux et toutes les situations. Les scènes sont en fait reconstituées à partir d’éléments réellement perçus. La guerre et les bombardements de 1940 donnent lieu à deux importantes séries, sur les abris souterrains et sur les monuments et immeubles en danger de disparaître. Les tirages de Brandt, qu’il fait lui-même, deviennent de plus en plus sombres et contrastés, la saturation des noirs se transformant en élément de style lié sans aucun doute à la charge émotionnelle de ses images. Brandt a également entrepris des séries d’images pour la presse (notamment pour Lilliput) : portraits d’artistes (Bacon, Moore, Casais...) ; sites d’inspiration littéraire (Literary Britain, 1951). En 1945, il substitue à la vision oculaire que respecte approximativement l’appareil normal la perception distordue d’une grande chambre ancienne en bois, avec grand-angulaire. Influencé par Orson Welles et par Hitchcock, il photographie non pas des nus, mais plutôt une présence féminine dans des intérieurs, tant les espaces sont dilatés – plus proches de ceux du souvenir que de la réalité. Les distorsions imposées par le grand-angle sont ensuite transposées sur des plages où des plans rapprochés de corps féminins se fondent avec des galets et des rochers, dans la confusion des espaces emboîtés (Perspectives sur le nu, 1961). Brandt s’y montre un digne concurrent de Moore et de Arp en traitant le médium photographique comme un outil de sculpture. Mais la série la plus étonnante est certainement celle des gros plans d’oeil isolé (droit ou gauche) d’artistes (Dubuffet, Tàpies...; 1960-1964) par laquelle Brandt achève de briser toute limite imposée par la tradition d’usage de la chambre noire ; il avait méthodiquement et sereinement conquis cette liberté. Le C.N.P. lui a consacré, en 1995, une importante exposition. M.F. BRAQUEHAIS Bruno photographe français (Dieppe 1823 - après 1874) Gendre du daguerréotypiste Alexis Gouin à partir de 1850, il figure parmi les petits maîtres du nu artistique avec la série publiée sous le titre général de Musée-DadownloadModeText.vue.download 91 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 91 guerrien (dépôt d’une dizaine d’académies à la Bibliothèque nationale en 1854). L’esthétique du daguerréotype (qu’il pratiquera avec constance) prévaut par les natures mortes qu’offrent les compositions, cet attrait pour deux genres réunis dans la même image se retrouvant chez J.E.F. Boitouzet (actif de 1854 à 1865). Comme Moulin, Braquehais change de cap, puisqu’il s’évade de l’atelier et se porte à la rencontre de l’événement dans la centaine d’épreuves réalisées en 1871 : il est à peu près le seul à fixer les fédérés et leurs familles (en particulier, une série de groupes posant place Vendôme au pied de la colonne abattue) alors que la plupart des photographes n’ont retenu que les destructions causées par les obus prussiens et surtout par les incendies de la Commune de Paris. B.M. BRASSAÏ (Gyula Halász, dit) photographe français d’origine roumaine (Braşov 1899 - Nice 1984) Après des études aux Académies des beaux-arts de Budapest et de BerlinCharlottenburg, Brassaï s’installe en 1924 à Paris, où il gagne sa vie en étant correspondant d’un journal sportif hongrois et de magazines allemands. Il avoue : « Jusqu’à l’âge de trente ans, je n’ai jamais eu une caméra en main et la photographie était complètement hors de mes préoccupations. Mais à Paris, pendant six ans, je menais une vie noctambule, et lorsque saturé des beautés de la nuit parisienne, je me demandais par quel moyen je pourrais les capter, la photographie s’est imposée, seule et unique. » En 1929, il achète donc un appareil Voigtländer et son livre Paris de nuit paraît fin 1932, année où il commence à photographier les graffiti sur les murs. Ami de Fargue, Queneau, Miller, Picasso et Dalí, il évolue en marge du groupe surréaliste, publiant ses photos dans la revue Minotaure, comme les Graffiti ou la série des Sculptures involontaires qu’il réalise avec Dalí. Malgré cette proximité avec les surréalistes, Brassaï ne se considère pas comme l’un des leurs, déclarant : « Le surréalisme de mes images ne fut autre que le réel rendu fantastique par la vision. Je ne cherchais qu’à exprimer la réalité, car rien n’est plus surréel. » Lorsqu’en 1932 il écrit son premier article, il défend le concept de photographie-témoignage par opposition à celui de photographie esthétisante, et même dans les années 1980 il continue à penser que la photographie n’est pas un art. Après Paris de nuit, Brassaï photographie Paris de jour, orientant son intérêt vers les monuments et vers l’homme de la grande ville qu’il aime à suivre alors qu’il vaque à ses occupations quotidiennes. Nombreuses sont les études de personnages qui se présentent sous forme de séries qu’il qualifie d’« études filmiques ». Ces reportages diffusés dans Détective et Paris-Soir lui permettent de subvenir à ses besoins. Il photographie également les sculptures de Picasso dans ses ateliers de Boisgeloup en Normandie, de la rue de La Boétie (1932) et de la rue des Grands-Augustins (19431946). De l’amitié entre les deux hommes naît un livre intitulé Conversations avec Picasso (1965), dans lequel le texte est accompagné d’une cinquantaine de photographies. Après la guerre, Brassaï réalise plusieurs décors photographiques pour différentes pièces de théâtre : En passant de R. Queneau (1947), D’Amour et d’eau fraîche d’Elsa Triolet (1949), Phèdre, ballet de Cocteau et Auric (1950). De 1949 à 1960, il collabore à Harper’s Bazaar*, parcourt le monde (Grèce, Irlande, Italie, Brésil, États-Unis...). En 1956, il tourne au zoo de Vincennes le film Tant qu’il y aura downloadModeText.vue.download 92 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 92 des bêtes, qui reçoit le prix de l’originalité à Cannes. À la fin de sa vie, Brassaï connaît la consécration avec des expositions en France et aux États-Unis et la publication de plusieurs livres : Graffiti (1960), Paris secret des années 30 (1976), les Artistes de ma vie (1978). Le Centre national de la Photographie a présenté, en 1994, une exposition intitulée Brassaï, du surréalisme à l’art informel. M.L. BRAUN Adolphe photographe français (Besançon 1812 - Dornach 1877) Dessinateur pour étoffes, Braun ouvre en 1847, à Dornach, près de Mulhouse, un atelier vite prospère. Il aborde la photographie en 1854-1855, par une collection de vues de fleurs, en bouquets ou couronnes, faites sur plaques au collodion. Destinées aux fabriques « qui utilisent la fleur comme ornementation », elles obtiennent un immense succès public, par leurs qualités techniques autant qu’esthétiques. Exploitant cette nouvelle voie, dans une optique commerciale, il s’entoure de divers opérateurs habiles : son père Samuel, son frère Charles, son fils Gaston et JeanClaude Marmand, formé par les frères Bisson. Sa maison se taille une des meilleures parts dans la photographie paysagiste, avec ses séries stéréoscopiques sur l’Allemagne, la Suisse et la Savoie, notamment. Ses vues en grand format (40 × 50 cm), puis panoramiques à partir de 1866, d’une force sereine, confirment sa réputation, offrant des milliers de titres. Quelques séries remarquables, mais épisodiques, viennent diversifier son catalogue : l’Alsace photographiée (1859), les animaux de ferme, les grandes planches de panoplies de gibier (1867), les costumes de Suisse (1869), des vues d’Égypte (de Gaston, 1869), les dé- sastres de la guerre (1870-1871). À partir de 1866, il commence à reproduire, par le procédé inaltérable au charbon de Swan, les dessins, sculptures, puis peintures des plus grands musées d’Europe. Son nom devient alors synonyme, dans le monde entier, de reproduction de qualité d’oeuvres d’art. C.K. BRÉBISSON Louis-Alphonse de photographe français (Falaise 1798 - id. 1872) Botaniste renommé et personnalité appréciée de Normandie, de Brébisson s’intéresse à la photographie dès l’apparition publique de celle-ci (1839). Dévoué à son perfectionnement et à sa diffusion, il est aussi un praticien important entretenant des relations avec le baron L.A. Humbert de Molard*, avec Ferdinand Tillard, E. Bacot*, Augustin Autin, Julien Blot... H. Bayard* lui rend visite lorsqu’il vient photographier les monuments historiques de la Normandie (Mission héliographique*, 1851). Ses améliorations et inventions concernent tant la daguerréotypie que le support papier, la plaque de verre à l’albumine* ou au collodion* (châssis-presse* pour le tirage des positives, 1847-1848 ; photomicrographie*, 1849 ; recherches sur l’instantanéité). Il adopte aussi la stéréoscopie (paysages du sud de la France, mai-juin 1863). À Falaise, où il habite et où il initie plusieurs photographes, Brébisson réalise de nombreux portraits, des vues de paysages architecturaux, naturels et urbains, des natures mortes et des photographies scientifiques. Il expose à la Société française de photographie* (membre fondateur en 1854) et L.D. Blanquart-Évrard* publie ses épreuves (1851 et 1853). Il rédige de nombreux ouvrages, comme downloadModeText.vue.download 93 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 93 Glanes photographiques-Notes complémentaires concernant la photographie sur papier (1848) ou encore un Traité complet de photographie sur collodion (1855), et réunit des épreuves de divers photographes importants. Brébisson est un de ces amateurs qui marquent l’histoire de la photographie par leur dynamisme, leur imagination et leur croyance en ce nouveau mode de représentation. Ces qualités l’ont fait connaître en province en même temps qu’à Paris et il a suscité de nombreuses vocations. B.P. BREHME Hugo photographe mexicain d’origine allemande (Eisenach, Allemagne, 1882 - Mexico 1954) Dès son enfance, passée en Allemagne, il est fasciné par le médium photographique. Pendant sa jeunesse, il voyage en Afrique, déjà muni d’un appareil dont il connaît bien la technique. Il rapporte une grande collection de plaques de verre. Il contracte la malaria pendant son séjour et retourne en Amérique du Sud. Il concrétise de nouveaux projets de voyages au Costa Rica, au Salvador, au Guatemala et enfin au Mexique. Il photographie dans ce dernier pays les sites archéologiques du Yucatán et de Quintana Rovo. Il ouvre un atelier à Mexico, qui deviendra l’un des plus célèbres de la ville, et s’intéresse au paysage, à la révolution et au portrait. En 1923, il publie en Allemagne son livre Malerisches Mexiko. Il rencontre cette année-là le jeune photographe M. Alvarez Bravo*. Il ne quitte plus la ville de Mexico, où ses descendants vivent toujours. V.E. BRESLAUER Marianne photographe allemande (Berlin 1909) Issue d’un milieu social raffiné, Breslauer bénéficie d’une éducation artistique précoce et avoue avoir arpenté passionnément, dès l’âge de quatre ans, les salles des musées berlinois. Après avoir suivi une formation de photographe dans une école d’arts appliqués, elle se rend en 1929 à Paris, où elle devient l’élève de Man Ray*. Elle fréquente alors le milieu de l’avant-garde allemande (P. Citroen*, l’écrivain Franz Hessel) et le Tout-Paris du monde de l’art. Ses premières photographies à Paris sont prises à la sauvette dans les rues. Elle y révèle un sens indéniable de l’humour et une prédilection pour les situations incongrues. Avec ses portraits d’amis, elle met au point cette manière directe, libérée de toute contrainte : Umbo (1927), Man Ray (1932), Martin Munkacsi (1932), et une étonnante galerie de jeunes artistes berlinoises à l’allure moderne et androgyne. Lors d’événements mondains, son oeil saisit infailliblement le moment d’abandon ou d’intimité des célébrités. Paul Cézanne fils, Ambroise Vollard, Alfred Barnes, Picasso... se font ainsi épingler. Ce style instantané, moins formel que sagace se trouve résumé avec Premier Jour de printemps à Berlin (1930) : la fillette allongée sur un banc dont Breslauer saisit les pieds au premier plan devient le modèle idéal d’un photographe insolent. Elle retourne à Berlin en 1930 puis revient à Paris en 1932, voyage en Espagne, à Jérusalem. Elle publie régulièrement ses reportages aux éditions Ullstein et dans la presse allemande : Frankfurter Zeitung, Querschnitt, Weltspiegel... En 1936, elle quitte l’Allemagne, se marie avec le marchand d’art Feilchenfeldt et s’installe à Zurich, où elle vit désormais. M.R. downloadModeText.vue.download 94 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 94 BRIDGES George Wilson révérend et photographe britannique (actif dans les années 1840-1850) En janvier 1846, le révérend Bridges est initié à la pratique du calotype par un assistant de W.H.F. Talbot*. Dès le mois de mars, il part pour Malte rejoindre un cousin de Talbot et C.R. Jones*; il voyage en leur compagnie et photographie l’Italie (Pompéi, Naples, Rome). En mai, Bridges décide de continuer seul son périple autour de la Méditerranée et passe sept années à photographier les sites de Sicile, de Grèce, d’Égypte et le chemin de la Sainte Croix. Il réalise ainsi environ 1 700 négatifs, chaque scène étant toujours photographiée deux fois. Palestine As It Is : In a Serie of Photographic Views Illustrating the Bible (1858), ouvrage illustré d’images de quatre photographes différents, publie une vingtaine de vues prises par Bridges. Celui-ci fait figure de pionnier dans le domaine de la photographie de voyage, tellement en vogue au milieu du XIXe siècle. F.H. BRIGMAN Anne ar tiste américaine (Honolulu 1869 - Eagle Rock, Californie, 1950) Adepte du mouvement pictorialiste à partir de 1903, Brigman est surtout connue pour ses nus, traités par le biais de l’allégorie, thème alors difficile dans une société américaine puritaine (la Bulle, 1905, Art Museum, University of Princeton). Son interprétation des paysages est proche de celle des artistes nippons, dont elle connaît bien l’art grâce à de fréquentes croisières dans le Pacifique avec son mari, capitaine de marine (Paysages, v. 1906, Metropolitan Museum). Sa première exposition a lieu en 1903 au San Francisco Photographic Salon, où elle découvre le travail des photographes de Photo-Sécession*. Dans les années 1930, l’artiste abandonne la photographie pour se consacrer à la poésie. Ses oeuvres sont conservées dans les collections de nombreux musées, notamment à Oakland (Oakland Museum), à New York (Metropolitan Museum), à Rochester (George Eastman House) et à Bath (Royal Photographic Society). M.C. BRIHAT Denis photographe français (Paris 1928) Après avoir pratiqué la photographie de reportage et d’illustration, avec essentiellement un travail réalisé en Inde en 1955 et 1956 qui lui valut le prix Niépce en 1957, Brihat s’installe en 1958 à Bonnieux (Provence), où il réside jusqu’à ce jour. Les fleurs, les oignons, les arbres, les kiwis et, plus récemment, les kakis sont la source de son art. Ses photographies sont plus des portraits d’éléments de nature que des natures mortes. Outre cette approche approfondie de la nature, l’apport de Brihat est dès 1968 son étude de la technique des « virages métalliques » : il s’agit de remplacer l’argent du tirage photographique par d’autres métaux afin d’obtenir des photographies couleur à partir de négatifs noir et blanc. De plus, il utilise une sorte de gravure chimique de l’épreuve (grignotage) qui permet d’épurer les fonds et de donner plus de force plastique à l’image. Ses photographies ont été exposées à travers le monde, et particulièrement au M.O.M.A. à New York, au musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône en 1977, à la galerie municipale du Château-d’Eau à Toulouse en 1980 et au palais downloadModeText.vue.download 95 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 95 de Tokyo à Paris en 1993 (Hommage à E. Sougez). De nombreuses institutions en France et à l’étranger collectionnent ses photographies, dont le Center for Creative Photography (Arizona) et la Maison européenne de la photographie (Paris). S.B. BRODOVITCH Alexey artiste américain d’origine russe (nord-ouest de la Russie 1898 - Le Thor, Vaucluse, 1971) Russe blanc, contraint à l’exil, Brodovitch trouve refuge à Paris en 1920. Peintre autodidacte, il s’oriente rapidement vers l’art commercial après avoir remporté un certain succès dans ce domaine. En 1930, il s’établit à Philadelphie, où il est chargé d’organiser le département de design publicitaire de la Philadelphia Museum School of Industrial Arts. En 1934, il est engagé par Carmel Snow, rédactrice en chef de Harper’s Bazaar*, comme directeur artistique de la prestigieuse revue. Il y travaille jusqu’en 1958. Sous l’influence de dada, du constructivisme et du Bauhaus, entre autres, il transforme de façon radicale l’aspect visuel du magazine avec une mise en page dynamique fondée sur la notion de contraste et de rythme et un usage inédit et accru de l’image photographique. Il favorise ainsi l’émergence d’une photographie de mode plus libre, plus spontanée, principalement axée sur le mouvement flou ou figé dans l’instantané. En 1945, Ballet, un album de 104 clichés réalisés par Brodovitch sur les Ballets russes, est l’illustration de son credo et sa seule expérience en tant que photographe. Très controversées, ces images libérées de la précision descriptive fournissent un vocabulaire utile pour exprimer vitesse et mouvement. Parallèlement à Harper’s Bazaar, où il accueille de jeunes photographes talentueux (R. Avedon*, L. Dahl-Wolfe*, Hiro* et tant d’autres), leur offrant un protectorat esthétique, Brodovitch poursuit jusqu’en 1966 son activité d’enseignant. Dans le cadre du Design Laboratory, rejetant tout dogmatisme théorique et rigide, il dispense un enseignement fait d’aphorismes et de provocation, forçant l’élève à trouver seul sa propre direction. Il exerce ce rôle de catalyseur sur plusieurs générations de photographes, influençant profondément la photographie contemporaine. I. Penn*, son ancien élève, a un jour déclaré : « Tous les photographes, qu’ils en soient conscients ou non, sont des élèves de Brodovitch. » En 1966, malade, il se retire dans le sud de la France. En 1982, une exposition lui est consacrée aux Galeries nationales du Grand Palais à Paris. Il est représenté dans les collections du musée Réattu, à Arles. N.C. BROGI Giacomo et Carlo photographes italiens (Florence 1822 - id. 1881 et id. 1850 - id. 1925) G. Brogi ouvre à Florence, en 1860, un atelier de photographie qui connaît immédiatement un grand succès. Portraitiste, il fait aussi des reproductions d’art et d’architecture. De retour de Palestine, il publie un Album de Palestine, dont le seul exemplaire connu se trouve actuellement au musée d’Histoire de la photographie Alinari de Florence. Après 1870, on retrouve un atelier Brogi à Rome et à Naples. De ses deux fils, Carlo et Alfredo, c’est surtout le premier qui prend la relève à sa mort ; mais les conditions ont changé, et les Brogi n’arrivent plus à faire face à l’essor de plus en plus évident des Alinari*. L’atelier fermera downloadModeText.vue.download 96 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 96 en 1950 et la crue de l’Arno de 1966, faisant suite aux dommages causés par la Seconde Guerre mondiale, réduira fortement les archives des Brogi. Actuellement, il ne reste que 50 000 plaques environ, déposées au musée Alinari. Il n’est cependant pas rare de trouver des albums de vues d’Italie illustrés par leurs photos. S.T. BROMOIL voir OLÉOBROMIE BROODTHAERS Marcel ar tiste belge (Bruxelles 1924 - Cologne 1976) Parallèlement à une activité de poète qui le rapproche du milieu surréaliste belge, Broodthaers débute une carrière de photographe reporter sous l’influence de Julien Coulommier. Ses reportages, qui le conduiront un court moment à Paris vers 1960, évoquent principalement le monde urbain. Cette activité est marginale en comparaison de l’utilisation nouvelle de la photographie qu’il a développée dans son oeuvre plastique élaborée à partir de 1964. Utilisée comme un médium à part entière, la photographie figure dans des réalisations aussi diverses que des installations (le Salon noir, 1966), des objets, des publications, des films, ou des montages par associations ou par émulsion sur toile photographique. Il a aussi généralisé son usage jusque dans la mise en scène de la projection de diapositives (Miroir, la signature de l’artiste, 1971). La photographie est un outil neutre permettant d’élaborer une vision du monde dans le contexte de l’art conceptuel autour des notions d’inventaire, de collection, de répétition sérielle et de fragment. Il en résulte une approche poétique et ironique fondamentale pour le renouvellement critique des pratiques artistiques, comme le montraient les rétrospectives qui eurent lieu en 1991 au Jeu de Paume à Paris et au Centro de Arte Reina Sofia à Madrid. F.D. BROOKS Ellen photographe américaine (1946) Après des études à l’université du Wiscon- sin puis de Californie (Los Angeles), elle enseigne à l’Art Institute de San Francisco. Son oeuvre photographique est réalisée à partir de Polaroids de grand format auxquels elle fait subir un procédé technique qui confère à l’image un grain coloré proche des effets pointillistes utilisés par Signac et par Seurat. Elle réalise ainsi de nombreux paysages, ainsi qu’une suite de portraits en buste installés dans des pauses artificielles sur des fonds unis de couleurs vives. Cette oeuvre photographique, fondée sur des effets coloristes dialoguant ouvertement avec l’univers de la modernité picturale, a été présentée à Paris à la galerie Urbi et Orbi. P.L.R. BRUGUIÈRE Francis Joseph artiste américain (San Francisco 1879 - Londres 1945) Peintre et photographe, Bruguière rencontre lors d’un voyage à New York en 1905 A. Stieglitz* et surtout F. Eugène*, qui lui enseigne la photographie et l’introduit dans le groupe Photo-Sécession*. De retour à New York en 1919, l’artiste se spécialise dans le théâtre ; ses portraits paraissent dans Vogue*, dans Harper’s Bazaar* et dans Vanity Fair. Il est photographe officiel du théâtre Guild jusqu’en 1927. Dès 1912, Bruguière débute des recherches sur la lumière, des superpositions à la prise de downloadModeText.vue.download 97 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 97 vue, mais ce n’est que dans les années 1920 qu’il obtient ses photographies abstraites en exposant des formes, des papiers découpés pour obtenir un système complexe d’ombres et de lumières qui font ressurgir mouvement et volume : Abstraction lumineuse, v. 1926, Sam Wagstaff Coll., New York. En 1927, sa première exposition individuelle a lieu à l’Art Center à New York. En 1929, à l’exposition historique Film und Foto* de Stuttgart, il est classé parmi les photographes d’avant-garde. Installé à Londres en 1928, il réalise, deux ans plus tard, avec Oswell Blakeston, un film abstrait, Light Rythms. Parallèlement, l’artiste continue ses expériences de solarisation, cliché-verre, etc. Pour des raisons de santé, il abandonne la photographie en 1940. Bruguière reste, avec A.-L. Coburn*, celui qui a le plus développé le concept d’abstraction en photographie dans la première partie de ce siècle. Tous deux ont basé leur abstraction sur la lumière pure comme principal agent de forme et d’expression. M.C. BRZESKI Janusz Maria ar tiste polonais (? 1907 - Cracovie 1957) Après des études à l’école des Arts décoratifs de Poznan, Brzeski devient typographe. Il séjourne à Paris en 1925, puis en 1929 et 1930, travaille à la revue Vu* et crée ses premiers collages. De retour en Pologne, il devient directeur artistique des magazines illustrés As et Swiatowid et collabore à la réalisation de films expérimentaux avec Podsadecki. C’est avec ce dernier qu’il organise à Cracovie, en 1931, l’Exposition internationale de la photographie moderniste, où sont réunis de nombreux artistes allemands d’avant-garde ainsi que Lissitzki*, l’un des principaux représentants du constructivisme en U.R.S.S. En 1933, Brzeski réalise une importante série de photomontages intitulée Naissance du Robot, série dans laquelle le jeu des dialogues et l’accumulation des images, superposées ou juxtaposées sur un fond clair, traduisent la toute-puissance de l’industrie et la démesure de l’urbanisme, symbolisant ainsi l’écrasement de l’homme par la société capitaliste. Après la Seconde Guerre mondiale, il exécute de nombreuses maquettes de revues. M.L. BUCQUET Maurice photographe français (? 1860 - Paris 1921) Formé aux sciences et au droit, passionné de photographie mais aussi d’archéologie et de numismatique, occupant de légères fonctions à la légation de la république de Saint-Marin à Paris, Bucquet mieux que tout autre illustre la figure de l’amateur éclairé au tournant du siècle dernier. Personnalité phare de la photographie artistique – ou pictorialisme –, il préside le Photo-Club de Paris, est membre de la Société française de photographie et appartient à un nombre impressionnant de sociétés photographiques, en province comme à l’étranger. Promoteur des institutions qui voient alors le jour – Bucquet est un des membres fondateurs de l’Union internationale des sociétés photographiques (1891) et le vice-président de l’Union nationale des sociétés photographiques de France (1892) –, il est surtout l’instigateur des fameux Salons d’art photographique (1894-1914) qui lui valent en 1905 la médaille Janssen décernée par la S.F.P. « pour avoir prouvé à tous que l’art existe en photographie ». L’oeuvre du photographe reste toujours fidèle au procédé instantané apparu lorsqu’il réalise ses premiers essais. Habitué des excursions qui rythment downloadModeText.vue.download 98 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 98 alors la vie de tout amateur photographe, Bucquet réalise des vues de Hollande, de Belgique et de diverses régions françaises. Moins friand que ses collègues pictorialistes d’une esthétique du tableau vivant, il s’attache surtout aux scènes de rues parisiennes, tel l’Effet de pluie publié en 1900 dans Esthétique de la photographie, édité par le Photo-Club de Paris. M.P. BULHAK Jan photographe polonais (Ostaszyn 1876 - Gizyeka 1950) Bulhak mène parallèlement une carrière de photographe, de théoricien de la photographie et d’enseignant. Après des études de philosophie, il fait ses premières photographies en 1905. En 1910, il commence un inventaire photographique des monuments d’architecture de Pologne (10 000 photographies). De 1914 à 1918, il approfondit ses connaissances photographiques auprès de H. Erfurth, à Dresde. À son retour en Pologne, il obtient un poste de chargé de cours à la faculté des arts de Vilnus. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il photographie le pays dans ses nouvelles frontières. Ses photographies ont été exposées, entre autres, au Centre Georges-Pompidou en 1981 lors d’une exposition sur la photographie polonaise. Par ailleurs, Bulhak est l’auteur de quinze livres sur l’art de photographier et de plus de 240 articles parus dans la presse spécialisée. S.B. BULLA Viktor Karlovitch photographe russe (Saint-Pétersbourg 1883 - ? 1944) Issu d’une famille de photographes, Bulla est initié à cet art, bien avant la révolution, par son père Karl et son frère aîné Alexandre. C’est en 1904-1905, durant la guerre russo-japonaise, qu’il fait ses débuts comme correspondant de la revue Niva. Dès son retour à Saint-Pétersbourg, il fonde Apollo, société de production de films documentaires et historiques. En 1917, il enregistre les événements de la révolution et certaines de ses images illustrent l’album de Rodtchenko et Varvara Stepanova le Premier Détachement monté. Cette année-là, il poursuit ses reportages sur les ouvrières de Ptersk, les barricades de Liteïny, les combats d’artillerie de Gostini Dvor. Il dirige alors les studios de photographie du soviet de Petrograd. Les portraits de Lénine, qu’il prend régulièrement, au cours des congrès du Komintern ou lors de ses interventions dans les rues, restent très célèbres. Bulla participe en 1928 à l’importante exposition Dix Ans de photographie soviétique à Moscou et y reçoit un diplôme d’honneur. Ses reportages, d’une très grande force, représentant les troupes du gouvernement provisoire en train de tirer ou des combats de rue, furent réalisés dans des conditions difficiles et s’apparentent au documentaire cinématographique. Ils furent d’ailleurs particulièrement remarqués par le metteur en scène Eisenstein. 130 000 négatifs, une trentaine de films ainsi que les photographies de son père et de son frère sont conservés aux Archives centrales du Parti. Bulla a été arrêté en 1937 ; la date et le lieu de sa mort restent incertains. V.E. BURCHARTZ Max artiste allemand (Elberfeld 1887 - Essen 1961) Burchartz suit des études à la Kunstakademie de Düsseldorf de 1906 à 1909, puis séjourne à Munich, Berlin, Paris, jusqu’à ce que la Première Guerre mondiale indownloadModeText.vue.download 99 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 99 terrompe momentanément ses activités artistiques. Après la guerre, il s’établit à Hanovre, où il rencontre K. Schwitters*, puis à Weimar, où il fréquente le milieu du Bauhaus* et rencontre Théo Van Doesburg. Influencé par les idées du Bauhaus, qui prône la réconciliation des arts et de la technique et qui se propose de favoriser une révolution esthétique capable de recréer tout l’environnement humain, Burchartz fonde en 1926 à Bochum l’atelier de publicité « Werbe-bau », en collaboration avec Johannes Canis. Il y met en application les idées nouvelles, créant des prospectus où il mêle typographie, photographie et dessin. Nommé professeur à la Folkwangschule d’Essen en 1926, il poursuit ses recherches plastiques et apparaît comme l’un des créateurs les plus innovateurs dans le domaine de la publicité. Il présente 8 photographies, 2 photogrammes et 2 photomontages à l’exposition Film und Foto* de Stuttgart en 1929 et publie 2 photographies dans le numéro spécial Photographie édité par Arts et Métiers graphiques à Paris en 1930. Renvoyé du service public par les nazis en 1933, il ne retrouve son poste qu’en 1949. M.L. BURGIN Victor ar tiste britannique (Sheffield 1941) Après avoir étudié la peinture au Royal College of Art de Londres (1962-1965) et à la Yale University de New Haven (19651967), où il suit l’enseignement de Robert Morris, il propose un travail analytique sur notre processus de vision fortement influencé par la pensée structuraliste française. À partir d’une analyse du rôle primordial de la langue dans nos rapports aux images, il s’intéresse à la photographie au tout début des années 1970. La photographie est d’abord convoquée pour son pouvoir illusionniste. C’est le cas dans une oeuvre qu’il réalise pour l’exposition Quand les attitudes deviennent formes (Berne, 1969) : une suite de photos de parquet développées à l’échelle 1 puis installées à même le sol en parquet, l’image venant se superposer littéralement sur l’objet qu’elle représente. Il entame ensuite une recherche plus systématique sur le principe de décodage de l’image en recourant notamment à la rhétorique de la publicité. Dans une oeuvre de 1977 intitulée Framed (« encadrée »), il combine ainsi la photographie d’une affiche Marlboro dans un espace public et un texte (inscrit sur le négatif du cliché) traitant d’une femme en proie à sa propre image reflétée dans un miroir. La déconnection apparente du texte et de l’image invite le spectateur à s’interroger sur les nombreux réseaux de signification contenus dans l’image. C’est donc une approche ouvertement sémiologique que nous propose ici l’artiste-théoricien. Auteur de nombreux textes sur les rapports entre la photographie et les théories de l’information ou la psychanalyse, Burgin s’attache à démêler la question d’une possible convertibilité de l’image et du texte. Le musée de Villeneuve-d’Ascq a accueilli récemment une rétrospective de son oeuvre. P.L.R. BURRI René photographe suisse (Zurich 1933) Il étudie la photographie à la Kunstgewerbeschule de Zurich (1949-1953) sous la direction de H. Finsler*. Ce grand pédagogue suisse prône une rigueur formelle que l’on retrouve chez tous ses élèves. Juste après ses études, Burri bénéficie d’une bourse pour réaliser un film downloadModeText.vue.download 100 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 100 sur les activités de l’école (1953-1954). En 1955, par l’intermédiaire de W. Bischof*, autre élève de Finsler, il entre en contact avec l’agence Magnum*. Son reportage sur l’éducation musicale des enfants sourdsmuets, commandé par le magazine Science et Vie et publié dans Life*, est très remarqué. Il devient alors correspondant de Magnum et, dès 1956, voyage en Europe et au Moyen-Orient. En 1959, il devient membre de l’agence et parcourt le monde pour couvrir des sujets d’actualité : Fidel Castro, les funérailles de Kennedy (1963), Israël, la Jordanie (1966), Rio et Bahia pendant le carnaval (1967). Plusieurs repor- tages, comme les Nouveaux Rois du pétrole (1974) ou les Combattants palestiniens (1979) sont publiés dans Life, et dans Du*, le célèbre mensuel suisse. Burri a photographié pratiquement tous les événements et les conflits importants de cette seconde moitié du XXe siècle. Mais les images qu’il nous a transmises sont plus chargées de symboles et de sens que de violence et d’anecdotes. En 1982, il est élu président de Magnum France, et le Kunsthaus de Zurich présente en 1984 une rétrospective de 30 années de photographies, rassemblées dans l’album One World, publié à cette occasion. A.M. BURROWS Larry (Henry Frank Leslie Burrows, dit) photographe britannique (Londres 1926 - Langvie, Viêt Nam, 1971) Burrows commence une carrière dans la presse au département artistique du Daily Express, avant de rejoindre l’agence Keystone, où il est à la fois photographe et technicien de laboratoire. En 1942, le voici tireur aux éditions de Time-Life. Il devient bientôt le photographe de guerre le plus talentueux du magazine Life*. Établi à Hongkong à partir de 1961, il va, comme chargé d’une mission, revenir sans cesse sur les champs de bataille du Viêt Nam. C’est là qu’il trouve la mort, le 20 février 1971. Honnête témoin oculaire, Burrows ne fait aucune concession à l’horreur de la guerre. La composition, toujours maîtrisée, est ici au service d’une efficace expression de la douleur et vise à convaincre le spectateur occidental du drame humain qui se joue, ailleurs. Honoré par de nombreux prix – Robert Capa Award (1964, 1966) ; The Magazine Photographer of the Year (1967) ; British Press Picture of the Year Award (1967) –, il devient membre de la Royal Photographic Society en 1971. S.Ro. BUSTAMANTE Jean-Marc photographe français (Toulouse 1952) Les premières photos de l’artiste datent de 1974. Il traite ses tirages comme des tableaux. De 1983 à 1987, il s’associe avec Bernard Bazile, et ils signent ensemble leurs pièces, sous le nom de Bazile Busta- mante. Ils travaillent à la relation entre le mobilier, la sculpture, l’environnement. À partir de 1987, Bustamante travaille seul, orientant ses recherches à travers la production de pièces accrochées au mur, mitableaux, mi-sculptures, ou bien placées au sol et réalisées avec des matériaux de construction industrielle : bois, ciment, brique, acier. Au cours des années 1980, il a exécuté un ensemble de cibachromes de grands formats qui sont des vues de paysages relevant à la fois de la tradition picturale du motif et du réalisme propre aux campagnes photographiques relatives à l’étude de l’aménagement du territoire. Bustamante cherche à traiter l’image en tant que matériau. Celle-ci gagne, effectivement, en matérialité avec la série des downloadModeText.vue.download 101 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 101 Lumières initiée en 1989-1990, de grands tirages sérigraphiques sur Plexiglas. Salles de classes, halls, lieux publics désertés sont les sujets de ces photographies où les éléments mobiliers et d’architecture sont très souvent représentés en série. Le cadrage, la construction de l’image place ces oeuvres dans la lignée d’une école européenne de l’objectivité. Ces pièces photographiques font toujours partie intégrante des installations présentées par l’artiste, aux côtés de ses réalisations tridimensionnelles. Bustamante est sélectionné en 1987 pour la Documenta de Kassel. Le musée d’Art moderne de la Ville de Paris lui consacre en 1990 une exposition personnelle. Le musée d’Art contemporain de Rochechouart réunit un ensemble spécifique de ses pièces photographiques en 1993. S.C. BUTYRIN Vitaly photographe lituanien (Kaunas 1947) Butyrin s’initie à la photographie en 1963, dès l’âge de 16 ans. Depuis 1965, il est membre de la Société d’art photographique de Vilnius et de Kaunas. Dès ses débuts au photo-club de Kaunas, dont il sera membre d’honneur en 1973, il est fasciné par la réalité du monde qui l’entoure et décide d’orienter ses recherches vers un certain symbolisme, créant son propre univers par le détour du photomontage. Sa créativité sans limite nous plonge dans une nouvelle expérience visuelle faite d’extravagance et de mystère, comme l’illustrent les séries Terra incognita et Contes de la mer, réalisées en 1976. Il précise qu’il ne privilégie pas les procédés, mais juxtapose les représentations de son imagination. Il obtient de nombreux prix internationaux, est membre d’honneur du club de photo Natron, du Salon international de Landerneau en 1976, de la Fédération internationale de l’art photographique de Berne en 1977, et participe à une grande exposition lituanienne en Arles en 1983. Il vit et travaille à Vilnius et présente régulièrement son oeuvre lors d’expositions en Europe. V.E. downloadModeText.vue.download 102 sur 634 102 C CADIEUX Geneviève photographe canadienne (Montréal 1955) Le travail photographique de Cadieux est, à l’instar du titre d’une de ses oeuvres de 1987, « à fleur de peau » : une oeuvre où l’omniprésence de la peau est un renvoi métaphorique à la sensibilité dermique de la pellicule. L’agrandissement, auquel recourt abondamment l’artiste canadienne, lui permet de traiter de la fragmentation du corps en réglant notre acuité visuelle à l’échelle du pore. Dans Trou de mémoire, la beauté inattendue (1988), Cadieux nous présente ainsi en gros plan une très lumineuse cicatrice, qui envahit l’ensemble de l’oeuvre. L’usage du gros plan, qui vient exhiber le corps dans son intimité, nous renvoie ouvertement à la technique cinématographique que l’on retrouve dans les montages séquentiels de ses oeuvres monumentales. C’est le cas de l’oeuvre polyptyque intitulée Séquence no 6 (1980), où un même oeil, singulièrement agrandi, est vu sous différents angles. Le regard est ramené à la surface de la peau, l’oeil est toujours submergé par l’échelle de l’image. C’est ce dont traite justement l’important diptyque À fleur de peau (1987), qui juxtapose deux cadres identiques, dont l’un renferme la reproduction d’une feuille de plomb sur laquelle est gravée une phrase en braille quand l’autre reproduit un miroir bruni et craquelé réfléchissant l’image du spectateur. Ses oeuvres, souvent proches de l’installation, sont représentées dans plusieurs musées du Canada, pays que l’artiste a représenté aux biennales de São Paulo (1987), de Sydney (1988, 1990) et de Venise (1990). P.L.R. CAHUN Claude (Lucy Schwob, dite) poète et photographe française (Nantes 1894 - Jersey 1954) Issue de la grande bourgeoisie intellectuelle, elle étudie les lettres et la philosophie, et s’installe à Paris avec Suzanne Malherbe (Moore). Poète (Vues et Visions, downloadModeText.vue.download 103 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 103 1919), essayiste (Les paris sont ouverts, 1934), elle participe aux activités du groupe surréaliste. Sa démarche photographique se caractérise par une grande inventivité et l’implication intime de sa personne. Dans l’autoportrait* se déploie son obsession de l’ambivalence de l’identité. Elle met en scène une mythologie personnelle complexe : androgynie, féminité outrancière, dandysme, orientalisme... Le visage, privilégié, est souvent fardé ou même masqué, le regard droit, fixant l’objectif, les cheveux courts ou le crâne rasé. Pour son texte autobiographique Aveux non avenus (1930), elle réalise avec son amie Moore des photomontages, auxquels se mêlent parfois mots et dessins. Elle en fait à nouveau pendant la guerre, dans une optique politique. Enfin, elle photographie aussi des artefacts énigmatiques, indéfinissables personnages-objets, théâtre allégorique miniature (ainsi en 1937 pour le recueil de poèmes de L. Deharme, le Coeur de pic). Elle s’installe avec Moore à Jersey, où elle est condamnée à mort, en 1944, comme résistante et juive. Elle est graciée en 1945, mais nombre de ses clichés sont détruits par la Gestapo. La galerie Zabriskie lui a consacré deux expositions en 1992, à New York et à Paris et, en 1995, son oeuvre a été présentée au musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Ch.B. CAICEDO Carlos photographe colombien (Caqueza, Cundinamarca, 1929) Reporter photographique de El Siglo, Revista Semana, El Espectador, Cromos et El Tiempo, Caicedo travaille comme professionnel depuis 1955. Président de l’union des reporters, il dirige la rubrique Cámara y Letras. Lauréat du grand prix national du Cercle colombien des reporters graphiques, à l’occasion de son travail sur le sport, il reçoit le prix national Simón Bolívar. Sa première exposition personnelle se tient au musée d’Art moderne de Bogotá et circule dans les principales villes du pays. En 1978, il participe au 1er Colloque latinoaméricain de photographie à Mexico, où il expose des images d’enfants, un reportage sur le Congrès eucharistique de Templete et sur les policiers au repos dans la cour du Capitule de Bogotá. Caicedo est un des premiers photographes colombiens à poser les bases d’un vrai langage visuel qu’il développe avec force. Son réalisme sert de support aux idées qu’il défend au-delà de la matérialité, sans anecdote. Le témoignage de Caicedo, contrastant avec les méthodes académiques du reportage et les procédés plus sophistiqués des photo-clubs, est un véritable apport au niveau national. V.E. CALLAHAN Harry photographe américain (Detroit, Michigan, 1912 - Atlanta, Georgie, 1999) Il commence à photographier en amateur en 1938. En 1941, après avoir suivi quelques conférences de A. Adams*, cet ingénieur de chez Chrysler Motor, diplômé du Michigan State College, décide de se consacrer entièrement à la pratique de la photographie. Ses premiers paysages réalisés avec un appareil grand format ne doivent pourtant rien aux compositions grandioses de Adams. Dépouillées, voire minimalistes parce que souvent ramenées à des signes graphiques, ses photographies s’organisent autour de trois grandes séries : les paysages, les vues urbaines et les portraits d’Eleanor, sa femme depuis 1936, source d’inspiration de la plus grande partie de son oeuvre. Ses downloadModeText.vue.download 104 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 104 titres ne fournissent aucune explication, indiquent simplement le lieu et la date de chaque prise de vue. Alors qu’il travaille au laboratoire photographique de la General Motors (1944-1945), il expérimente la couleur, mais celle-ci ne semble pas alors répondre à ses impératifs de simplicité et d’austérité. Callahan accomplit son oeuvre avec sérénité, parallèlement à l’enseignement qu’il dispense à l’Institute of Design de Chicago (1946-1961). Ses rencontres avec A. Siskind* et E. Steichen* sont pour lui déterminantes. Ce dernier l’encourage et expose ses photographies au M.O.M.A. en 1949. En 1956, il reçoit une bourse de la Fondation Graham et séjourne 15 mois en Europe, plus particulièrement à Aixen-Provence. En 1961, il quitte Chicago pour la Rhode Island School of Design, où il poursuit son enseignement jusqu’en 1977. Grâce à une bourse de la Fondation Guggenheim en 1972, il voyage trois mois au Mexique. En 1975, ses archives sont acquises par le Center for Creative Photography de Tucson, en Arizona, et une rétrospective de son oeuvre est organisée au M.O.M.A. en 1978. Depuis 1977 il a repris son travail en couleur, au Maroc, au Portugal, avec une maîtrise qu’il doit à son expérience. La même année, il est invité aux Rencontres internationales de la photographie d’Arles. A.M. CALLE Sophie photographe française (Paris 1953) Les photographies de Calle ont valeur de pièces à conviction. Elles confirment des mises en scène, des situations créées par l’artiste dont elle concrétise elle-même, dans la réalité, les différents épisodes. En 1979, elle invite 28 personnes à venir dormir dans son lit pour les photographier toutes les heures. En 1980, elle glisse ses pas dans ceux d’un homme qui entreprend un voyage à Venise. Cette filature est l’occasion d’un livre, Suite vénitienne, publié avec un texte de Jean Baudrillard. En 1981, elle se fait engager comme femme de chambre dans un grand hôtel vénitien pour photographier, en leur absence, les chambres des clients. L’Homme au carnet est la chronique – parue dans le journal Libération, pendant un mois, l’été 1983 – d’un chassé-croisé avec le propriétaire d’un carnet trouvé. Le texte accompagne presque toujours la photographie ; il vient induire le sens de l’image. La question du langage liée à celle du regard est au centre de la série les Aveugles (1986), constituée de 23 photographies et de textes : « J’ai rencontré [dit l’artiste] des personnes nées aveugles qui n’avaient jamais vu. Je leur ai demandé quelle image de la beauté ils avaient. » L’autobiographie, chez Calle, se constitue de récits en partie imaginaires. Les identités sont problématiques ; celles de l’homme au carnet, des occupants des chambres vénitiennes ne sont jamais dévoilées. L’oeuvre de l’artiste cultive à la fois la fiction et le secret, le voyeurisme et l’exhibitionnisme. Avec les Tombes (1989), l’artiste ne fabrique pas d’anecdotes. Elle prélève directement, au moyen de la photographie, l’énigme de la réalité. Elle y renouvelle les rapports entre photographie et mort, entre image et anonymat : elle prend en 1978, dans un cimetière californien, des photographies de tombes sur lesquelles ne figurait aucun état civil, mais seulement les mots « Brother », « Sister », « Mother », « Father ». Une centaine de photographies de ces tombes ont été réalisées en 1989-1990. Le M.A.M. de la Ville de Paris lui a consacré une rétrospective en 1991 et le C.N.P. en 1998. S.C. downloadModeText.vue.download 105 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 105 CALOTYPE (ou Talbotype) Le calotype, du grec kalos (« beau »), est breveté par W.H.F. Talbot* en 1841 et utilisé pendant une décennie, avant d’être progressivement remplacé par des méthodes sur verre à l’albumine* et au collodion* humide. Le calotype est une feuille de papier dont on enduit une surface, au pinceau, d’une solution de nitrate d’argent. Une fois séchée, cette surface est immergée dans une solution d’iodure de potassium (2 à 3 minutes) pour permettre la formation de l’iodure d’argent (nécessaire à la sensibilisation du support). Pour utiliser cette feuille comme surface sensible, on l’enduit d’un mélange de gallonitrate d’argent, puis on l’introduit, séchée ou humide, dans un châssis pour l’exposer. Le temps d’exposition varie entre une et plusieurs minutes, selon les conditions atmosphériques. On développe ensuite le négatif avec du gallonitrate d’argent avant de le laver et de le fixer dans un bain d’hyposulfite de soude. Le grand avantage de la calotypie sur la daguerréotypie est sa possibilité de tirer d’un seul négatif de multiples positifs. Talbot tente de prouver l’originalité de son procédé en éditant, en 1844-1846, le premier livre imprimé illustré de photographie, The Pencil of Nature (le Crayon de la nature). En Europe plus qu’aux États-Unis, où le daguerréotype* connaît son apogée, le calotype est choisi par les photographes pour la possibilité de reproduction qu’il offre, mais aussi pour ses spécificités esthétiques. De couleur grisâtre ou brun foncé, le calotype a une apparence granuleuse due aux fibres du papier du négatif. Entre 1843 et 1847, les Écossais D.O. Hill* et R. Adamson* produisent, grâce à ce procédé, la première oeuvre majeure de Grande-Bretagne. J.-L.G. CAMERA revue suisse Cette revue mensuelle de langue allemande, lancée en 1922, est destinée aux amateurs. Elle est fondée par le tireur C.J. Bucher en Suisse, à Lucerne. Son but est d’être un magazine international de la photographie et du film. Tirée sur du beau papier, avec des reproductions de qualité, Camera a rapidement une grande influence, particulièrement en Europe centrale. La Seconde Guerre mondiale altère ses fonctions sans la faire disparaître : pendant cette période, elle continue à paraître régulièrement, mais son champ de diffusion se restreint à la Suisse. Après la guerre, la revue est publiée en trois langues : allemand, anglais et français (1948). Dans les années 1950, Camera est diffusée à travers le monde. Elle montre de jeunes photographes et également beaucoup de travaux du XIXe siècle ; certains numéros portent sur un seul photographe ou encore sur un thème : ainsi le numéro 8 de l’année 1947 est-il consacré au Mexique. En 1981, des difficultés financières contraignent le rédacteur en chef de Camera, Allan Porter – qui a été précédé à ce poste notamment par Hans Kasser et Walter Läubli –, à cesser la publication de la revue. M.C. CAMÉRA CLUB DE VIENNE voir WIENER CAMERA CLUB CAMERA OBSCURA (dite aussi chambre noire ou chambre optique) Le principe de la camera obscura, connu depuis l’Antiquité, est déjà décrit par Aristote (env. 384-322 av. J.-C.) dans ses Problematica, puis au XIe siècle par le savant arabe Alhazen, qui l’utilise en astronomie, et par Léonard de Vinci (1452-1519) dans downloadModeText.vue.download 106 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 106 ses manuscrits (Codex atlanticus) : dans une pièce ou une boîte obscure, les rayons lumineux qui traversent un petit orifice d’une paroi constituent sur la paroi opposée l’image inversée de ce qui se trouve à l’extérieur. Le physicien italien Giambattista Porta aurait, le premier, ajouté une lentille au dispositif, en 1589. Depuis le XVIe siècle, et surtout au XVIIIe, la camera obscura est souvent utilisée par les peintres comme machine à dessiner, car elle leur offre directement la perspective d’une « vue », ce qu’apprécient Canaletto et les vedutisti. On voit alors apparaître des chambres noires portatives, dans lesquelles l’ouverture garnie d’une lentille convergente est élargie. Les images obtenues sont ainsi plus lumineuses et plus nettes, mais elles doivent être reçues à une distance bien déterminée de la lentille. (Autre « outil », la chambre claire, qui, elle, permet de tracer, en pleine lumière, contours et détails d’un sujet vu à travers un viseur, sera perfectionnée au début du XIXe siècle.) Restait à introduire dans la camera obscura une surface sensible capable de fixer l’image : c’est ce que fait N. Niépce* en 1826. Issu directement de la camera obscura, le « sténopé* », technique tirant son nom du trou minuscule percé au centre d’une plaque mise à la place de l’objectif d’une chambre photographique, présente des avantages (champ large, grande profondeur de champ) exploités par de nombreux créateurs actuels : P. Gioli*, Paterson, Renner, Thorne-Thomsen, Wolff... Ch.B. CAMERA WORK revue américaine (New York 1903 - 1917) La prestigieuse revue Camera Work, par son existence même, fait apparaître l’importance et l’autonomie de la photographie, à une époque où les polémiques sur son statut artistique sont vives. Elle est fondée par le groupe Photo-Sécession*, dirigé par A. Stieglitz*. Tirée à 1 000 exemplaires, publiée à raison de quatre numéros par an jusqu’en 1914, un en 1916 et un numéro double en 1917, elle comprend une cinquantaine de pages (format 21 × 29 cm) : articles d’esthétique et comptes rendus critiques, reproductions pleine page (au moins une dizaine par numéro), publicités (une publicité pour la revue elle-même, parue dans le numéro 30, présente une caricature de Stieglitz par son associé Marius de Zayas et un court texte insistant sur l’indépendance de la publication). C’est une revue luxueuse, d’une présentation inspirée de l’Art nouveau. E. Steichen* en est le conseiller artistique et en dessine la couverture. Les illustrations sont parfois des similigravures, le plus souvent des héliogravures (plus de 400 pour l’ensemble des numéros) réalisées sur papier japon à partir des négatifs photographiques (et considérées par Stieglitz comme des épreuves originales), brochées ou collées à la main dans chaque volume. L’objectif de la revue est de diffuser et de défendre une photographie artistique. D’orientation au départ nettement pictorialiste, Camera Work présente des images de Stieglitz, Steichen, C.H. White*, G. Käsebier*, A.L. Coburn*, F.H. Evans*..., mais aussi des artistes des différents groupes européens : parmi les plus importants, les Britanniques J.C. Annan*, J.M. Cameron*, les Français R. Demachy*, C. Puyo*, les Allemands T. et O. Hofmeister, A.G. De Meyer, F. Eugene*, l’Autrichien H. Kühn*... On y trouve donc paysages, portraits, natures mortes, nus, scènes de genre, traités soit selon des moyens purement pho- tographiques (comme Cathédrale d’Ely, souvenir des Normands, d’Evans, en 1903, ou le Verger, de White, en 1905), soit avec downloadModeText.vue.download 107 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 107 des manipulations diverses, tirages à la gomme bichromatée, mélanges de gomme et de platine, interventions de type pictural (la Mare, de Steichen, en 1903, Lutte, de Demachy, en 1904). Pour certaines images – de Steichen souvent, à qui un supplément est consacré en 1906 –, les photogravures sont retouchées manuellement. La revue se fait ainsi l’écho des différentes approches de la photographie. Stieglitz, qui a déjà fait connaître des peintres européens en les exposant dans sa Galerie 291 en 1908, commence à faire paraître des reproductions de tableaux dans Camera Work en 1910. Dans un numéro spécial en 1913, il présente des oeuvres de Cézanne, Van Gogh, Picasso, Picabia. La même année paraissent deux articles polémiques du critique Marius de Zayas. Le premier, intitulé Photography, en janvier (numéro 41), commence par ces mots : « La photographie n’est pas de l’art. Ce n’est même pas un art. L’art est l’expression d’une idée. La photographie est la vérification plastique d’un fait. » Le second, en novembre (numéro 42-43), Photography and Artistic Photography, affirme : « La photographie n’est pas de l’art, mais des photographies peuvent avoir pour objet d’être de l’art. » Avec l’évolution personnelle de Stieglitz (dont le célèbre cliché Steerage, 1907, est considéré comme marquant un tournant important), la revue s’oriente de plus en plus vers ce qui va être la photographie moderne. Au lieu de se référer aux genres traditionnels de la peinture, elle aborde la réalité de front. Dans les deux derniers numéros, on trouve 17 clichés de P. Strand* (certains intitulés simplement Photographie). Stieglitz s’en explique dans un article du numéro 49-50, Our Illustrations, où, louant la pureté du travail de Strand, il déclare : « Ces photographies sont l’expression directe d’aujourd’hui. » La présence d’une image comme Blind Woman, qui manifeste une nette préoccupation sociale et une esthétique dépouillée, montre le chemin parcouru par la revue depuis le pictorialisme*. Mais Camera Work n’a plus alors que 37 abonnés, et Stieglitz décide de cesser la publication. La revue, dont on peut trouver les originaux à la B.N. (cabinet des Estampes) et au musée d’Orsay à Paris, entre autres, a été rééditée en 1969, par les éditions Kraus Reprint. En 1973, J. Greene a publié chez Aperture Camera Work, a Critical Anthology, qui regroupe une sélection d’articles et d’illustrations de la revue, l’ensemble des sommaires, ainsi que de nombreuses informations et analyses périphériques. Ch.B. CAMERON Julia Margaret photographe britannique (Calcutta, Inde, 1815 - Kalutara, Ceylan, 1879) De famille aristocratique, très cultivée, élevée par sa grand-mère à Paris et en Grande-Bretagne, elle retourne en Inde à l’âge de 19 ans et épouse en 1838 un diplomate britannique avec qui elle aura cinq enfants (l’un d’entre eux, H.H.H. Cameron, deviendra photographe portraitiste). Dix ans plus tard, elle regagne la GrandeBretagne, s’installant dans le Kent, puis à Londres, où le peintre G.F. Watts lui apprend l’illustration, et, en 1860, dans l’île de Wight, où elle rencontre le poète Tennyson. C’est cette année-là qu’elle commence la photographie, consacrant ses recherches au portrait et au groupe de figures. Contrairement à de nombreux photographes de son époque, et probablement parce que, n’étant pas professionnelle, elle n’a pas à répondre aux demandes d’une clientèle, elle ne cherche pas à obtenir une très bonne définition, un rendu précis des détails, relevant d’une prouesse technique. downloadModeText.vue.download 108 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 108 Au contraire, par des méthodes diverses – mise au point approximative, prise de vue très rapprochée, éclairages contrastés plongeant dans l’ombre une partie du sujet, travail avec des lentilles mal corrigées, pose longue, mais aussi utilisation, au tirage, d’une plaque de verre entre le négatif-verre au collodion* et le papier –, elle vise le flou*, la transfiguration qui peuvent rendre ses oeuvres plus poétiques, plus évocatrices. Elle dira : « Mon seul désir était de fixer toute beauté qui se présentait devant moi, et à la longue ce désir a été exaucé. » Dès 1865, elle présente ses photographies chez Colnaghi’s, à Londres. Ses portraits – visage seul ou buste – sont tantôt évanescents, baignés de clarté diffuse (Christabel), tantôt empreints de force, la ligne lumineuse d’un profil se détachant sur le noir du reste de l’image (Julia Jackson de profil, 1867 ; ou Mrs Leslie Stephen), parfois plus sobres (Julia Cameron). Elle photographie aussi bien ses enfants que sa domestique (Adriana, vers 1864), ou des personnalités parmi ses connaissances (entre 1866 et 1870 surtout) : l’astronome sir J. Herschel (portrait tourmenté, publié en 1913 dans Camera Work), le biologiste C. Darwin, le peintre G.F. Watts... Très inspirée par les peintres préraphaélites, elle réalise aussi, avec des membres de sa famille ou des amis, des scènes allégoriques, souvent d’inspiration mystique, comme Lumière et Amour (1865) qui montre, en cadrage serré, un nouveau-né sur lequel se penche une jeune femme voilée, de profil (ou, sur le même thème, Hosanna, enfant entouré cette fois de trois visages féminins). Elle représente des anges (I Wait, 1872), met en scène des personnages mythiques ou légendaires (Vénus, Cupidon, le roi Arthur...). Entre 1870 et 1875, elle réalise des illustrations photographiques pour les poèmes de Tennyson, comme And Enyd Sang, épreuve tirée au charbon*, pour l’ouvrage The Idylls of the King (publié en 1875). Elle écrit un journal, Annals of My Glass House, qui sera édité en 1889, après sa mort. Les pictorialistes, très intéressés par l’oeuvre novatrice de Cameron, qui annonçait, à bien des égards, leurs recherches, présentent ses images aux expositions du Camera Club, à Londres, en 1890, et du Photo-Club*, à Paris, en 1894. La Royal Photographic Society*, qui conserve une partie de ses travaux, a organisé en 1927 une grande rétrospective à Londres ; une exposition itinérante a été présentée en Grande-Bretagne, en Espagne, en France (C.N.P., Paris), aux États-Unis (International Center of Photography, New York)... Ch.B. CANEVA Giacomo peintre et photographe italien (Padoue 1810 - Rome 1890) La redécouverte de Caneva est récente ; elle résulte du constat que les négatifs papier qui ont servi à nombre de tirages signés de Ludovico Tuminello sont en réalité dus à un autre auteur, Caneva, dont on a trouvé également des tirages originaux signés au verso. Cette réattribution amplifie ainsi considérablement la production connue de Caneva. Né à Padoue, il était peintre, fut aéronaute avec Arban en 1847, et s’intéressa vraisemblablement à la même époque au procédé de calotypie tel qu’il avait été perfectionné et adapté par L.-D. Blanquart-Évrard* (1847) à partir des données de W.H.F. Talbot*. Il existe en effet à Rome autour de 1850 un groupe de calotypistes français, parmi lesquels on compte Flachéron*, Constant, Normand, L.-A. Davanne*. En 1855, Caneva publie un Trattato pratico de photographie et édite une série de Vues de Rome et de ses environs par la photodownloadModeText.vue.download 109 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 109 graphie ; il est resté fidèle au négatif papier pour son « naturel » de traduction des effets de lumière et de matière. Ses images, souvent de grand format, sont toujours d’une composition parfaite et transmettent une vision élégante de la campagne romaine, des ruines d’aqueducs, des implantations rurales. C’est après la mort de Caneva que Tuminello, à son retour d’exil politique en 1868 ou 1869, dut acquérir plusieurs centaines de ses négatifs, qu’il inscrivit à son propre catalogue, pratique courante au XIXe siècle. M.F. CAPA Robert (André Friedmann, dit) photographe américain d’origine hongroise (Budapest 1913 - Thai-Binh 1954) André Friedmann, expulsé de Hongrie pour agitation politique de gauche, est venu à la photographie après des études de sciences politiques à Berlin. Assistant auprès de l’agence Dephot en 1931, il a l’occasion de connaître l’exemple des grands re- porters allemands. Il émigre à Paris en 1931 et rencontre H. Cartier-Bresson*, D. Seymour* (Chim) et Gerda Tarö Il adopte le nom de Robert Capa. En 1936, son reportage sur les événements de la guerre civile espagnole, publié dans Vu*, Regards, Ce soir, Weekly Illustrated (Londres) et Life*, révèle un nouveau style, émotionnel, caractérisé par des gros plans ou des vues rapprochées. Il photographie pour Life et Colliers l’invasion japonaise de la Chine et les événements de la Seconde Guerre mondiale. Il devient le photographe des grands conflits historiques, radiographiant l’événement avec toute sa portée héroïque, sociale et psychologique. Il a émigré à New York en 1939 où il fonde, en 1947, avec H. Cartier-Bresson et D. Seymour l’agence Magnum*. Il voyage avec Ernest Hemingway en U.R.S.S., réalise un reportage en Israël (1948-1950). Capa a publié plusieurs livres sur son travail : Death in the Making (1938), The Battle of Waterloo Road (1941), Slightly out of the Focus (1947), Report on Israël (1950). Sa conception du reportage, associée trop rapidement parfois à la photographie de bataille, résulte d’une position de journaliste refusant tout effet de technique pour affirmer la force de l’image en tant que document historique. Ses photographies, des « images de choc », si elles résultent souvent d’une continuité narrative et filmique, sont à lire comme des allégories de l’histoire constituant un apport essentiel au photojournalisme. Capa devient président de Magnum en 1951. Il a été naturalisé américain en 1954, l’année de sa mort tragique lors d’un reportage sur le conflit en Indochine. Ses archives sont conservées par Magnum et l’International Center of Photography de New York. F.D. CAPONIGRO Paul photographe américain (Boston, Massachusetts, 1932) L’oeuvre de Caponigro réalise la synthèse de la photographie directe et de la poésie mystique pour « étudier et partager la beauté et la force du monde naturel ». À Boston, il a étudié le piano à l’université. Attaché à l’armée américaine comme photographe de 1953 à 1955, il s’installe ensuite comme professionnel dans sa ville natale. Il a été l’élève de M. White*, auprès de qui il a appris la virtuosité dans la maîtrise des éléments pittoresques. Son premier portfolio de tirages originaux, Port folio I, paraît en 1962. Il obtient une bourse de la Fondation Guggenheim et du National Endowment for the Arts. Il enseigne la photographie downloadModeText.vue.download 110 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 110 dès 1960 dans les universités de Boston, Bath, St Laurence, Yale, Maine... Depuis 1973, il est établi à Santa Fe, au NouveauMexique. De grandes rétrospectives de ses oeuvres ont été présentées en 1983 à la George Eastman House de Rochester et en 1990 à la Vision Gallery. Le sujet unique de Caponigro est le paysage : arbres du Connecticut, ciels du Nouveau-Mexique, tournesols de son jardin (Sunflower, 1974), temples japonais (1976), mégalithes d’Irlande ou de Bretagne (Stonehenge, 1978, ou Megaliths, 1987). Plantes, sables et rivières disent l’harmonie du monde. Musicien de formation, Caponigro interprète la partition de la nature de manière très personnelle, au plus près des choses. M.M. CARABIN François Rupert sculpteur français (Saverne 1862 - Strasbourg 1932) D’origine alsacienne, sa famille, pour rester française, s’installe en 1871 à Paris (Montmartre). Carabin s’initie à la gravure, au dessin puis devient ouvrier chez un sculpteur sur bois. En 1890, il est reconnu grâce à sa première grande oeuvre, la grande bibliothèque exécutée pour Henry de Montandon, qui célèbre la gloire du livre : l’Ignorance, la Vanité, l’Avarice, la Colère, la Bêtise et l’Hypocrisie vaincues par la Vérité, la Science et la Passion (Orsay). Comme tout sculpteur, Carabin fait des esquisses au crayon, au fusain, mais, surtout, il photographie ses modèles, ce qui est original pour l’époque : la photographie remplace la pose des modèles. Il invente le détourage pour mieux servir sa sculpture et photographie dans un esprit scientifique. Carabin a de nombreux amis dans le monde du spectacle. Le maître de ballet de l’Opéra-Comique, Mariquita, lui présente la belle Otero, célèbre danseuse espagnole qui posera pour lui. Aux Folies-Bergère, c’est le triomphe de Loïe Fuller, danseuse américaine aux jeux de voiles extraordinaires qui viendra également dans son atelier. De ses soirées au Chat-Noir, à la Nouvelle-Athènes, cabarets où il rencontre des artistes comme Toulouse-Lautrec, il reste le cliché de la danseuse, chanteuse et comédienne Polaire (Paris, Orsay). Beaucoup de figurines reprennent ses traits. La production de Carabin, datée de 18951910, comporte plus de 600 photographies de modèles, nus et habillés. En 1915, Le Corbusier lui demande des notes sur l’Art Nouveau. Carabin s’adonne à la photographie avec passion, pratique le détourage en collant du carton découpé directement sur la plaque. Deux types de photographies se distinguent. Les unes sont traitées dans la tradition du nu académique : Trois femmes nues debout de face, (Paris, Orsay), illustrent les trois Grâces. Les autres sont des images plus personnelles du sculpteurdécorateur à la recherche d’attitudes, de mouvements de danse, de compositions proches de certaines photographies érotiques de l’époque. Certains groupes de modèles miment des amours saphiques, Deux femmes se lutinant, (Paris, Orsay). De ces compositions empreintes de naturel se dégage ce sentiment de dérision et de grotesque qui se retrouve dans tout l’oeuvre tant sculptural que photographique de l’artiste. Grâce à une lettre de Le Corbusier adressée en 1929 à Carabin et lui demandant sa collection de photographies, Mme Colette Merklen-Carabin, fille de Carabin, fait don du fonds en 1953 à Le Corbusier. Ce fonds est acquis en 1992 par le musée d’Orsay. M.J.M.C. CARBRO (procédé) voir OZOBROMIE downloadModeText.vue.download 111 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 111 CARJAT Étienne photographe français (Fareins, Ain, 1828 - Paris 1906) De milieu modeste, il entre en apprentissage chez un dessinateur (tissus, tapis), puis aborde plusieurs domaines : théâtre (en tant qu’acteur, et auteur de deux vaudevilles), journalisme (il est illustrateur, caricaturiste, auteur, et fonde l’hebdomadaire le Boulevard), etc. Il apprend la photographie avec Pierre Petit en 1858, et ouvre deux ans plus tard son premier atelier de portraitiste (avec deux associés) à Paris, 56, rue Laffitte (il s’installera ensuite 62, rue Pigalle, puis, vers 1869, au 10, rue Notre-Dame-de-Lorette). Comme son ami Nadar*, il rejette tout décor et artifice, préférant les fonds sombres et unis, usant de cadrages très sobres. Travaillant sans assistant pour favoriser une certaine intimité, il essaie de constituer un Panthéon parisien, une Galerie des célébrités contemporaines (il a donné ces titres à deux séries, en 1863 et 1869), photographiant peintres, écrivains, musiciens : Courbet (qu’il montre dédoublé dans un photomontage*), Corot, Daumier, V. Hugo* (avec qui il correspond pendant une vingtaine d’années), E. Zola*, Daudet, Rimbaud à 17 ans, Rossini, et de nombreux comédiens, souvent en costume de scène, tels Sarah Bernhardt (en reine dans Ruy Blas de Hugo), Frédérick Lemaître, Mounet-Sully, le mime Debureau, etc. Baudelaire, pourtant difficile, le félicite dans une lettre de 1863 pour le portrait qu’il a fait de lui (« J’ai rarement vu quelque chose d’aussi bien »). Cette photographie met l’accent sur le regard sombre et perçant du poète, laissant floue une partie du vêtement. Ses clients sont parfois aussi des hommes politiques, des opposants à Napoléon III, des républicains comme Jules Ferry, Léon Gambetta..., ou encore l’Algérien Abd el-Kader. On connaît également de lui un nu féminin, réalisé en 1874, Nu se coiffant : une femme est debout sur une estrade, dans une pose apprêtée, son buste se reflétant dans un miroir au cadre très ouvragé. Carjat continue également à écrire, notamment un recueil de poésies en 1883 : Artiste et Citoyen – lamento du photographe. Ses images, dont il a présenté quelques exemplaires aux Expositions universelles de 1861 à 1878, ont fait l’objet d’une exposition au musée Niépce, à Chalon-sur-Saône, en 1980. Ch.B. CARON Gilles photographe français (Neuilly-sur-Seine 1939 - Viêt-Nam ? 1970) Caron connaît une carrière fulgurante. En trois ans, il devient un grand reporter de guerre. À l’âge de 15 ans, il a parcouru l’Europe et, à 17, l’Inde. La guerre, il la découvre lors de son service militaire en Algérie. À son retour, il suit des cours à l’École du Louvre et travaille dans une galerie d’art. Ses premières photographies sont celles de sa fille. Très vite, il devient photographe, d’abord assistant chez Molinard, photographe publicitaire, puis chez Giancarlo Botti, photographe de mode. Entre-temps, en 1965, il devient membre de l’agence Apis et fait la une de FranceSoir avec une photographie relative à l’affaire Ben Barka. En 1967, Caron entre à l’agence Gamma trois mois après sa création. Dès lors, il va témoigner en photojournaliste de tous les conflits mondiaux : la guerre des Six Jours, celle du Viêt-Nam (1967), Mai 68 à Paris, le Biafra (1968), Prague (1969), le Tchad et le Cambodge (1970). Le 5 avril 1970, il disparaît non loin de Phnom Penh. R. Depardon* lui rend hommage dans un livre qu’il downloadModeText.vue.download 112 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 112 lui consacre : Gilles Caron, grand reporter (Le Chêne, 1978). S.Ro. CARRICK William photographe russe (Édimbourg 1827 - ? 1878) Né à Édimbourg, Carrick émigré en 1828 à l’âge de un an avec sa famille à Kronstadt. En 1844, il entre à l’Académie des arts de Saint-Pétersbourg et obtient son diplôme de portraitiste en 1853. L’été de cette année-là, il part à Rome jusqu’au printemps suivant. Revenu à Saint-Pétersbourg, il va passer six mois avec sa famille à Édimbourg, où il suit une formation dans le studio de photographie de James Good Tunny et où il rencontre John MacGregor, qui deviendra par la suite son partenaire en Russie. En 1859, il ouvre un studio à Saint-Pétersbourg, est rejoint par MacGregor et travaille dans les années 1860 comme photographe commercial de portraits, apprenant la technique de fabri- cation d’images multiples à partir d’une seule plaque. Spécialiste des personnages urbains pittoresques, qu’il vend comme souvenirs, il s’intéresse aussi beaucoup à la photographie d’oeuvres d’art. À la fin des années 1860, il termine sa série Personnages et scènes de Saint-Pétersbourg. Il voyage à travers les régions proches de Novgorod et jusqu’en Finlande, pour saisir les sujets de la vie quotidienne. En 1867, il se marie secrètement avec une journaliste révolutionnaire, Aleksandrina Markelova, qui jouera un grand rôle pendant les dix dernières années de sa vie. MacGregor meurt en 1872, et Carrick reprend ses périples à partir de Simbirsk pour réaliser des reportages ethnographiques sur la vie locale à Iaroslavl, Tver, Kostroma, Kazan. Ses thèmes de prédilection sont inspirés des peintures réalistes des « Itinérants » qu’il a côtoyés toute sa vie. Son album le plus populaire, intitulé Individus paysans de la province de Novgorod et de Simbirsk, montre les paysans au quotidien, avec leurs costumes traditionnels, de retour de la cueillette des champignons, les paysannes aux champs ou sur le seuil des cabanes. V.E. CARROLL Lewis (Charles Lutwidge Dodgson, dit) photographe britannique (Daresbury 1832 - Guilford 1898) Charles Lutwidge Dodgson, auteur et mathématicien, plus connu sous son pseudonyme Lewis Carroll, est né le 27 janvier 1832 à Daresbury, près de Wallington dans le comté du Cheshire, en Grande-Bretagne. Il est le fils aîné de Charles Dodgson, archidiacre de Richmond et l’un des chanoines de la cathédrale de Ripon. Sa mère, Frances Jane Lutwidge, est la cousine germaine de son père qui l’épouse en 1830. Né peu avant l’accession au trône de la reine Victoria, Carroll mourra quelques années avant elle en 1898, à Guildford dans le Surrey. Il est, sinon un éminent victorien, du moins un des plus originaux et même excentrique. À l’école de Rugby, il excelle en mathématiques et en théologie. Il publie le journal de l’école, The Rectory Umbrella. Admis à Christchurch à Oxford en 1850, il s’engage dans une carrière de mathématicien et enseigne dans son collège, qu’il ne quittera plus jusqu’en 1881. Pour ne pas être obligé d’abandonner la vie oxfordienne qui lui convient excel- lemment, il entre dans les ordres mais ne prêche presque jamais, sauf à des enfants. Il est d’un naturel timide, sauf avec les petites filles. En 1865, il publie Alice au pays des merveilles et en 1871 De l’autre côté du miroir, qui sont ses oeuvres les plus connues, avec la Chasse au Snark, publiée downloadModeText.vue.download 113 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 113 en 1870. Ses oeuvres mathématiques et logiques sont estimables mais lui ont valu moins de gloire. Les années de son activité photographique sont celles de la composition d’Alice au pays des merveilles et De l’autre côté du miroir. La passion de Lewis Carroll pour la photographie, comme en témoigne son journal, a duré 24 ans, de mai 1856 à l’été 1880. Sa découverte de la photographie date de l’été 1855, lors d’une visite de son oncle préféré, Skeffington Lutwidge, qui l’a déjà initié au télescope et au microscope. L’idée de photographier le séduit tellement qu’il écrit une sorte de nouvelle, Photography Extraordinary (Prodige en photographie), publiée dans Comic Times en 1855 et où il envisage une application de la photographie à la littérature (le développement de l’image très pâle des pensées d’un jeune homme un peu stupide, donne à lire, phase après phase, un roman sentimental). Le 18 mars 1856, il commande du matériel photographique. Il note dans son journal, à la date du 3 juin de la même année, sa première photographie réussie. Le 13 novembre 1857, il compose le poème Hiawatha’s photographing, parodie d’un poème célèbre de Longfellow – qui a inspiré également Baudelaire –, où il décrit une séance de pose. Pendant toutes les années de sa passion photographique, Lewis Carroll se consacre presque exclusivement aux portraits qui forment la quasi-totalité des 720 clichés qu’il considère comme dignes d’être conservés. En 1860, il compile une liste de ses photographies pour circulation privée. Il consacre de très longs passages de son journal à des réflexions et des comptes rendus de ses recherches sur et avec la photographie : choix de la composition des images et procédés techniques. Cette activité l’occupe énormément et elle est inextricablement liée à sa passion pour les petites filles. Les enfants, plus particulièrement les petites filles, sont ses modèles privilégiés. Un de ses plus célèbres modèles est Alice Liddell, qu’il rencontre en 1856 et pour laquelle il écrit Alice au pays des merveilles. C’est un technicien extrêmement méticuleux à une époque où l’état de la technique demande un appareillage considérable, encombrant, coûteux et nécessitant des soins constants. On sait qu’il trouve sa grande contemporaine J.M. Cameron* trop peu soigneuse. Elle est cependant une des influences importantes pour lui et la photographe à laquelle les historiens de la photographie ont l’habitude de l’associer : tous deux cherchent moins à expérimenter le réel qu’à traduire l’idée qu’ils en ont. À la différence de Cameron, il est proche des peintres victoriens qui composent des scènes non religieuses et, du point de vue de la photographie, on pourrait le rapprocher de O.G. Rejlander* dont il parle à plusieurs reprises et dont il collectionne les photographies de petits enfants. À mesure qu’il progresse dans la maîtrise de son art et des outils techniques, ses compositions avec petites filles sont de plus en plus élaborées. Il les déguise, il leur fait interpréter des rôles et de plus en plus il les préfère peu habillées, même nues. Il ne se contente pas de leur écrire des lettres extraordinaires. Ses amies, leurs portraits et les séances photographiques deviennent les moments les plus importants de sa vie. Toute référence à la photographie s’arrête brusquement dans le journal le 15 juillet 1880. La raison en reste encore mystérieuse aujourd’hui. Certains ont supposé que la raison était de nature technique et que Carroll ne voulait pas abandonner la photographie au collodion*. Cette explication ne satisfait pas H. Gernsheim*, qui, avec de solides arguments conclut son examen du problème en disant : « Sa décision n’avait aucun rapport avec la technique photographique. La nouvelle technique downloadModeText.vue.download 114 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 114 n’était pas un obstacle. Ce n’était pas cela qui était un obstacle ». Elle ne satisfait pas non plus Jean Gattégno : « Jamais Carroll ne donna une explication sur ce qui l’a poussé à interrompre une activité qui était pour lui infiniment plus qu’un passetemps. Nul doute possible sur une partie des raisons qui l’ont motivé ». Point limite du « rien » – comme tenue préférée de l’artiste pour ses modèles, et de la difficulté avec les mères. En février 1858, quatre de ses photographies sont présentées à la 5e exposition de la Photographic Society of London. M.B. CARTE DE VISITE « Quelques progressistes ont déjà inauguré les cartes-portraits ; ainsi, plus de carton ordinaire, mais, dans le même format, une reproduction du personnage des pieds à la tête. » C’est ce qu’on peut lire en 1857 dans le journal la Lumière, annonçant ce qui allait devenir la vague déferlante des portraits portatifs et des albums de cartes de visite. Ce fut E. Disdéri* qui déposa, en 1854, le brevet d’un cliché à dix épreuves réalisées avec un appareil à dix objectifs (par la suite, les appareils eurent plutôt, le plus souvent, quatre ou six objectifs) avec lequel on obtenait dix portraits identiques ou légèrement différents selon l’utilisation qu’on faisait d’un châssis* fixe ou mobile. Ce procédé réduisit le coût des manipulations car, à partir d’un seul tirage, plusieurs portraits, mais obtenus à partir d’une seule plaque*, étaient découpés (6 × 9 cm) et collés au verso des cartes de visite. La trouvaille de Disdéri ouvrit les portes à une production en grande série de portraits à la portée de nombreuses bourses ; bientôt, ce fut la grande mode et chacun s’empressa d’avoir plusieurs séries de sa propre image. C’est aussi à la carte de visite que l’on doit l’usage, pour les célébrités du monde politique ou artistique, de se faire tirer quelques portraits qui étaient ensuite vendus par lots dans les ateliers des photographes. Les vitrines se garnissaient de visages de gens connus et ainsi commença, une nouvelle forme de célébrité nourrie par l’image plus que par la renommée. Cette innovation qui fit baisser énormément le prix des tirages, fit connaître à la photographie un développement commercial et un essor très important. S.T. CARTIER-BRESSON Henri photographe français (Chanteloup 1908) Cartier-Bresson étudie la peinture avec André Lhote à Paris (1927-1928). En 1931, il fréquente le groupe surréaliste. Après un voyage de deux ans en Côte d’Ivoire, il revient en Europe et prend ses premières photographies avec un Leica. Influencé par Kertész* et Munkacsi* à ses débuts, il expose ses photographies à la galerie Julien Levy de New York (1932), puis elles sont montrées au club Ateneo de Madrid. C. Peignot* les publie également dans Arts et Métiers graphiques. Il entame alors une carrière de photojournaliste qui appréhende la réalité au moyen du « tir photographique ». En 1934, il est au Mexique, où il photographie le monde des humbles, des marginaux dans un style « formel et surréaliste ». En 1935, il vit aux États-Unis, effectue des commandes pour Harper’s Bazaar*, et s’initie avec P. Strand* au cinéma. À son retour en France, il assiste Jean Renoir et réalise des films documentaires. En 1943, il poursuit pour les éditions Braun sa série de portraits de célébrités américaines et françaises en photographiant peintres et écrivains (Matisse, Braque, Claudel...). downloadModeText.vue.download 115 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 115 Après trois années de captivité, il photographie la libération de Paris. En 1946, une rétrospective de son oeuvre a lieu au M.O.M.A. de New York. Cofondateur en 1947, avec R. Capa*, D. Seymour* et G. Rodger*, de l’agence coopérative Magnum*, il en sera membre jusqu’en 1966. De 1948 à 1950, il passe son temps entre l’Europe, la Chine et l’Indonésie. Il est le premier photographe occidental à être admis en U.R.S.S., en 1954. Entre 1960 et 1965, il réalise un reportage à Cuba, retourne au Mexique, se rend au Canada, va en Inde et au Japon. Ses clichés sont publiés dans diverses revues (Vu*, Life*, Paris-Match) et rassemblés dans une douzaine d’ouvrages, dont D’une Chine à l’autre (1954), Moscou (1955), Visages d’Asie (1972). En 1970, c’est la consécration en France ; il expose au Grand Palais : En France. Sa rigueur et l’originalité de sa vision, son art du cadrage et son sens de la réalité vont influencer durablement plusieurs générations de photographes. L’acuité de ce « photographe-archer » à capter « l’instant décisif » le porte à toujours introduire dans le réel un élément de surréel qui transforme la pratique usuelle du photojournalisme. En 1974, il abandonne la photographie profession- nelle pour se consacrer au dessin et à la peinture. Le C.N.P. a présenté en 1995 ses Carnets mexicains, 1934-1964. C.B. CASASOLA Agustín-Víctor photographe mexicain (1874 - 1938) D’abord rédacteur dans les journaux, curieux et passionné d’histoire, il devient photographe en 1903. En 1910, année du centenaire de l’indépendance, mais aussi de l’avènement de la révolution, il photographie aussi bien les festivités officielles que les chefs révolutionnaires. En 1911, il fonde la première Société de photographes de presse mexicaine, puis, en 1914, son Agence d’information, qui regroupe plusieurs reporters. Il produit avec ses collaborateurs un très grand nombre d’images, travaillant à la fois pour l’État et pour sa propre agence. Cherchant à constituer des archives « objectives » de l’histoire de son pays, il photographie événements et groupes humains de manière assez neutre, souvent obliquement. En 1921, il publie l’Album Histórico Gráfico, qui couvre les années 1910-1920 (et sera très souvent réédité). Par la suite, il fait de nombreuses photographies officielles dans les tribunaux, les prisons et les salles de spectacle, traduisant, sans artifice ni complaisance, la misère d’une grande partie de la population. Toujours fidèle au photojournalisme, il fonde une revue, Hoy (« Aujourd’hui »), mais meurt la même année. Son oeuvre est conservée au Centro cultural Hidalgo (I.N.A.H.) à Pachuca, au Mexique. Ch.B. CATANY Toni photographe espagnol (Llucmajor, Baléares, 1942) Après des études de chimie à Barcelone, il travaille comme photographe pour l’édition puis fait des reportages (aux Baléares, en Égypte, en Israël...) pour des revues et, après 1974, des photographies sur la danse. Acquérant deux chambres en bois du XIXe siècle, il entreprend, à partir de 1978, des travaux utilisant le procédé du calotype* : nus masculins hiératiques, dont l’académisme n’exclut pas la sensualité ; paysages déserts, au mystère accentué par la faible définition de l’image. En 1980, il commence, en noir et blanc puis en couleurs, la série de Natures mortes, de format carré, qui lui assure une renommée mondiale : compositions épurées, downloadModeText.vue.download 116 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 116 très élaborées, le plus souvent à base de fleurs, en bouquets ou séchées, où apparaissent parfois gravures et objets anciens, calots, vitres cassées, papier-calque..., éléments parfois rehaussés de poudres colorées ou de traces de peinture, en des couleurs nuancées et subtiles. L’intuition et l’attachement au souvenir, qui guident ses recherches, confèrent à ses oeuvres leur aura poétique. Ses photographies figurent dans les collections de nombreux musées (M.N.A.M., Paris ; Museum fur Künst und Gwerbe, Hambourg). Ch.B. CAVALLI Giuseppe photographe italien (Lucera, Foggia, 1904 - Senigallia 1961) Cavalli est le chef de file de l’école des idéalistes de l’après-guerre, qui s’oppose aux photographes du document et de la réalité sociale, précurseurs du néoréalisme*. Très connu dans les années 1950, au moment où il obtient plusieurs prix, il est un peu oublié après 1980. En 1940 a lieu sa première exposition (où est présentée la Poupée aveugle, image bientôt emblématique du travail et de l’idéologie de Cavalli). Deux ans après, il donne naissance au groupe des Huit (Balocchi, Cavalli, Facchini, Franchini-Stappo, Finazzi, Leiss, Morelli, Vender). En 1947, il prépare le manifeste du groupe La Bussola – qui comprendra aussi L. Veronesi* –, qui sera publié par Ferrania, la plus prestigieuse des revues spécialisées. En 1958, il fonde le groupe Misa avec P.G. Branzi et M. Giacomelli*. Cavalli revendique une « photographie d’art » qui sache extraire du réel des éléments chargés de poésie en en soulignant la portée métaphysique. Les tons des tirages* sont très clairs pour affirmer l’appartenance des artistes photographes au milieu ensoleillé de la Méditerranée. Tous les membres du groupe sont inspirés par la pensée de Croce, le philosophe idéaliste dont les écrits ont influencé une bonne partie des intellectuels italiens. Une rétrospective a été consacrée à Cavalli en 1980 à Bologne, la Metafisica (la Métaphysique), accompagnée d’un catalogue. S.T. CAZNEAUX Harold photographe australien (Wellington, Nouvelle-Zélande, 1878 - Sydney 1953) Cazneaux passe sa jeunesse à Adélaïde, où il étudie les arts plastiques. C’est en découvrant les travaux de J. Kauffmann* et des premiers pictorialistes aux expositions annuelles du South Australian Photographic Society, entre 1898 et 1903, qu’il se tourne vers la photographie. En 1904, il se rend à Sydney, où il passera le reste de sa vie. Avant de s’installer en indépendant – à partir de 1920 –, Cazneaux travaille pour Freeman, un des plus vieux ateliers de photographie de la ville, spécialisé dans le portrait, et réalise des travaux personnels en dehors de ses heures de travail. En 1907, remarqué par N. Deck*, il est introduit auprès de la Photographic Society of New South Wales. En 1909, celle-ci lui propose une exposition personnelle. Très bien perçue par les artistes et la presse, cette exposition est probablement la première en Australie à établir la notion du « photographe artiste ». Cazneaux est surtout remarqué pour la spontanéité de ses clichés, lors du Salon de Londres. En 1920, il est nommé photographe officiel du magazine The Home ; il s’installe en indépendant cette même année. Son travail, pictorialiste au départ, montre, dès cette époque, la connaissance des mouvements modernes. Ses photographies ont les formes géométriques et l’utilisadownloadModeText.vue.download 117 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 117 tion dramatique de la lumière propres au modernisme. Cela est particulièrement visible dans ses oeuvres industrielles et ses paysages des Flinders Ranges qui, par leur monumentalité, se distinguent des travaux de ses contemporains : The Spirit of Endurance, 1936, Canberra, (National Gallery). En 1938, Cazneaux est nommé membre honoraire de la Royal Society of Great Britain et expose avec le Contemporary Camera Group. Il s’éloigne progressivement des tendances modernes, qu’il juge trop froides et mécaniques. Ses travaux se trouvent dans de nombreuses collections, en particulier à Sydney (National Gallery of New South Wales). M.C. CELLULE PHOTOÉLECTRIQUE Organe de traduction lumière-courant, utilisant la propriété que possèdent certains métaux alcalins (potassium, rubidium) de libérer des électrons lorsqu’ils sont éclairés, ou bien mettant en jeu la propriété que possèdent d’autres substances (sélénium ou sulfure de cadmium) d’accuser des variations de résistance ohmique sous l’action de la lumière. Les cellules du premier type sont appelées photoémissives, celles du second photorésistantes. Ces dispositifs sont utilisés pour la réalisation d’instruments permettant de mesurer l’intensité lumineuse (luxmètre, posemètre*, flashmètre...) ou la température de couleur (thermocolorimètre), ou ils sont incorporés à un appareil* de prise de vue pour commander le réglage de l’exposition* du film en fonction de la lumière reçue par le sujet. Ces cellules font appel à des éléments sensibles au sélénium, au sulfure de cadmium, au silicium ou à l’arséniure de gallium. S.R. CHAGUINE Ivan Mikhaïlovitch photographe russe (Iaroslavl 1904 - 1982) Né dans une famille paysanne pauvre, Chaguine quitte très tôt sa famille pour gagner sa vie à Moscou, dans un grand magasin, puis s’engage comme matelot sur un bateau de marine marchande. C’est en amateur qu’il découvre la photographie. De retour à Moscou en 1919, il travaille comme ouvrier puis comme vendeur, et ce n’est qu’en 1930 qu’il débute comme photographe de presse pour les journaux Nacha Jizn, Kooperativnaïa Jizn et à la maison d’édition Selkhoziz. Entre 1930 et 1940, il se passionne pour les techniques industrielles nouvelles, la construction du métro de Moscou par les jeunesses communistes et tout particulièrement les dirigeables et les recherches pour la mise au point des stratostats (1933). La revue l’U.R.S.S. en construction publie ses images sur la vie des villages, sur l’aviation et la marine soviétiques qui mettent en lumière le retentissement social et culturel de la modernisation. De 1933 à 1950, il travaille pour le journal de la jeunesse Komsomolskaïa Pravda et fixe avec perfection des instantanés captés durant les manoeuvres de l’Armée rouge. Son style, proche de celui de A. Rodtchenko*, se caractérise par des images en contreplongée au cadrage extrêmement resserré. Chaguine a très souvent recours pour ses reportages à la composition frontale, permettant ainsi une égale attention sur la totalité de l’image. On peut citer parmi ses meilleures réussites les portraits de Maxime Gorki en 1935 et d’Henri Barbusse en 1936. Durant la Seconde Guerre mondiale, il s’engage comme reporter sur divers fronts et reçoit l’Ordre de la Patrie. Après la guerre, il travaille downloadModeText.vue.download 118 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 118 à l’illustration de livres et collabore avec l’agence Novosti. Il est l’un des pionniers de la photographie soviétique, véritable bannière et témoignage de la révolution de 1917. V.E. CHAMBI Martín photographe péruvien (Coaza, région de Puno, 1891 - Cuzco 1973) Né dans un village andin, Chambi est issu d’une famille de paysans indiens dont la culture est héritée des Incas. Très vite, il doit travailler dans une mine d’or exploitée par les Britanniques, qui entre autres curiosités ont apporté un appareil photo. Chambi ne résiste pas à la magie de ces petites images nées de la lumière du soleil, et son désir de se familiariser avec elles est tel, que le photographe accepte de lui apprendre les rudiments du métier. C’est à Arequipa, où il s’installe en 1909, qu’il entre au studio de Max T. Vargas, photographe le plus célèbre de la ville. Mais, dans cette cité au lourd passé colonial, et tout talentueux qu’il soit, Chambi reste un Indien, handicap insurmontable dans cette société hiérarchisée. En 1920, il s’installe à Cuzco, ancienne capitale de l’Empire inca, où il peut s’épanouir sans dissimuler ses origines. Ainsi, quarante ans durant, il fait le portrait de ses concitoyens dans toute leur diversité, et s’applique à dresser une cartographie de l’ancienne « ville sacrée » photographiant ses trésors archéologiques, les événements marquants qui viennent troubler sa vie quotidienne ou tout simplement ses coins et recoins. Expression d’une enquête sociale et d’un témoignage ethnographique scrupuleux, les images de Chambi sont comme les emblèmes de cette société, de ce lieu. M.L. CHAMBRE Enceinte obscure de l’appareil photographique, recevant la surface sensible. Appareil photographique de grand format (chambre de studio, chambre d’atelier). S.R. CHAMBRE NOIRE voir CAMERA OBSCURA CHARBON (procédés au) voir OZOBROMIE CHARBONNIER Jean-Philippe photographe français (Paris 1921) Son père est peintre, sa mère, écrivain. Charbonnier découvre la photographie en 1939 dans le studio du célèbre portraitiste de cinéma Sam Lévin et poursuit son apprentissage à Lyon, dans le laboratoire des photographes Blanc* et Demilly (1941). Il passe deux ans en Suisse, puis entre en 1944 comme metteur en page au journal Libération. Cette même année, à Vienne (Isère), il réalise son premier reportage : l’exécution d’un collaborateur. Il travaille comme pigiste à Point de vue, dans lequel Albert Plécy lui permet de publier ses premières photographies – avec légendes – à la fin de l’année 1949. En janvier 1950, il entre au staff du magazine Réalités*. Photoreporter pour ce mensuel jusqu’en juillet 1974, il parcourt le monde – de l’Afrique à l’Asie, sans oublier la France profonde – et, en intercesseur privilégié, nous le fait découvrir en pleine mutation. Charbon- nier quitte Réalités au moment où tout s’uniformise, où le photographe n’est plus le seul à nous faire découvrir en images les habitants des coins les plus reculés. Il commence alors à photographier son envidownloadModeText.vue.download 119 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 119 ronnement le plus proche. Il se concentre sur les nouveaux habitants de son quartier du Marais, devenus naturellement des figures parisiennes. Il nous montre non sans humour que l’exotisme est souvent au coin de la rue. En 1983, une grande rétrospective au M.A.M. de la Ville de Paris a rendu hommage à son talent, à ses images sans préjugé, au regard insolent qu’il pose sur ses personnages. A.M. CHARNAY Claude-Joseph-Désiré photographe français (Fleurieux 1828 - Paris 1915) Installé à La Nouvelle-Orléans comme instituteur en 1850, Charnay découvre les récits de voyages en Amérique centrale de John Loyd Stephens qui le décident à devenir explorateur. Il quitte les ÉtatsUnis pour la France afin d’organiser son nouveau métier. Cautionné par le ministère de l’Instruction publique, il part pour une expédition dans le Yucatán. L’explorateur arrive à Boston en 1857 et voyage dans les États-Unis, pendant huit mois, avant d’arriver à Mexico, où une dizaine de mois lui seront nécessaires pour préparer son expédition. Elle a lieu au moment de la guerre civile mexicaine, mais Charnay arrive cependant, entre 1858 et 1860, à visiter les sites de Mitla, Palenque Izamal, Chichén Itzá et Uxmal : Chichén Itzá dans le Yucatán, v. 1858, Montréal (Centre canadien d’architecture). De retour en France en 1861, l’explorateur publie l’année suivante un portfolio de 49 photographies grand format, intitulé Cités et ruines américaines, Mitla, Palenquéizamal, Chichén Itzá, Uxmal. Il réalise lui-même le récit de cette expédition et y associe un commentaire de Viollet-leDuc sur les monuments. Une seconde publication, allégée, suit en 1864, intitulée le Mexique et ses monuments anciens. Cette même année, Charnay retourne au Mexique avec les troupes chargées de secourir l’empereur Maximilien. En 1867, il voyage aux États-Unis et, en 1875, se rend au Brésil pour la revue le Tour du monde. En 1878-1879, il est à Java et en Australie, envoyé par le gouvernement français pour récolter des données d’ethnologie. De 1880 à 1882, Charnay est de nouveau au Yucatán ; il procède au dégagement de vestiges mayas, les photographie, collecte des pièces d’archéologie. Cette expédition est la plus importante – sur les plans photographique et archéologique – qu’il ait faite, et elle sera relatée dans la presse française puis dans le livre les Anciennes Villes du Nouveau Monde (Paris, 1885). Dans cet ouvrage paraissent des gravures sur bois tirées des clichés de Charnay. L’explorateur passe les dernières années de sa vie à Paris, rédigeant le récit de ses aventures. Charnay est le premier à avoir utilisé l’appareil photographique au service de l’archéologie en Amérique centrale. Il est notamment représenté à Montréal, au Centre canadien d’architecture. M.C. CHÂSSIS Accessoire permettant le positionnement d’un film ou d’un phototype durant une prise de vue, un tirage* ou une projection*. Châssis négatif, boîte étanche à la lumière, conçue pour s’adapter à l’arrière d’un appareil* photographique et pouvant contenir une ou plusieurs plaques ou films. Un volet permet de démasquer la surface sensible au moment de la prise de vue. Châssis passe-vues, dispositif à glissière que l’on place dans le couloir d’un appareil de projection fixe, pour permettre de présenter successivement sur l’écran les différentes vues à projeter. downloadModeText.vue.download 120 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 120 Châssis pneumatique, châssis où l’on fait le vide entre la glace et un tapis de caoutchouc entoilé qui remplace le volet et dont les bords sont serrés contre la glace par des barrettes. Châssis transporteur, sorte de châssis- presse destiné à copier, par contact, les clichés pris avec un appareil stéréoscopique. S.R. CHÂSSIS-PRESSE Châssis destiné au tirage* des copies par contact et composé d’un cadre à feuillure dans lequel s’emboîte le cliché retenu par une plaque de verre. Un volet articulé permet d’appliquer uniformément le papier sensible vierge contre le cliché, par pression au moyen d’un système de ressorts ou de vis. S.R. CHÂTEAU D’EAU (galerie municipale du) galerie de photographie française (Toulouse 1974) Créée en 1974 par le photographe J. Dieuzaide*, la galerie municipale du Château d’Eau accueille aujourd’hui plus de 90 000 visiteurs par an. Installée dans un lieu original – une tour de briques rouges élevée au bord de la Garonne au début du XIXe siècle –, cette institution, la plus ancienne en France consacrée de façon permanente à la photographie, est devenue le rendez-vous culturel privilégié des Toulousains et des amateurs de photographie. Dès 1971, lorsque la mairie annonce l’ouverture d’un musée d’art moderne, Dieuzaide propose de créer un département de photographies. Si le principe en est accepté, des travaux retardent et empêchent ce premier projet. Dieuzaide pense alors au château d’eau désaffecté et menacé de démolition. La mairie lui confie provisoirement le lieu pour une exposition. Dieuzaide contacte R. Doisneau*, réalise les tirages, s’occupe de l’installation ; cette première exposition s’ouvre le 23 avril 1974. Mais, pour transformer cette manifestation temporaire en un lieu permanent pour la photographie, il faut encore convaincre. Dieuzaide multiplie les démarches ; l’activité de la galerie commence réellement en 1975 avec une petite allocation versée par la mairie. En organisant sans cesse des expositions, en rendant ce lieu populaire, Dieuzaide obtient peu à peu des subventions et parvient à diversifier ses activités. La galerie bénéfice aujourd’hui d’une surface de 600 m 2. L’espace du sous-sol est inauguré le 5 avril 1984. Un troisième espace, ouvert le 5 octobre 1989 sous l’arche sèche du Pont Neuf, abrite une documentation et une bibliothèque. La présentation très régulière d’expositions (plus de 200) et la diversité des thèmes abordés ont permis au public de découvrir les nombreux aspects du médium. Les plus grands auteurs (E. Weston*, M. Giacomelli*, B. Brandt*, A. Kertész*...) côtoient les plus jeunes. Les sujets historiques (Toulouse 1900, Calotypes de la région...), scientifiques (NASA, SPOT images...) et philosophiques (Toi Photographie qui es-tu ?) invitent à d’autres réflexions. Une publication accompagne chaque exposition : 24 pages où textes et reproductions fournissent au lecteur de précieux repères. Sur son budget de fonctionnement, la galerie collectionne. La première acquisition intervient en 1975 et concerne quelques tirages de É. Boubat*. Dès 1976, des dons viennent stimuler cette activité naissante. M. Alvarez Bravo* offre après son exposition deux tirages. Kishin Shinoyama laisse quant downloadModeText.vue.download 121 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 121 à lui toutes les photographies exposées. Chaque exposition représente une opportunité d’achat : quatre W. Klein* des années 1960 ont été acquis en 1983. Des tirages de J.-L. Sieff*, Giacomelli et bien d’autres sont ainsi entrés dans les collections. Une place de choix est réservée aux photographes régionaux et à l’Espagne. Restent cependant de grands absents, comme M. White*, Brandt et H. CartierBresson*. En 1989, la Ville a participé à l’enrichissement des collections en rendant possible l’acquisition de 20 calotypes* sur Toulouse. Dans cette collection de plus de 2 500 pièces, la plupart des photographes sont représentés par quelques tirages seulement. Depuis l’exposition de R. Gibson* en 1991, Dieuzaide cherche à constituer des ensembles significatifs. Aujourd’hui, la galerie essaie de résoudre des problèmes inhérents à la collection : le stockage et la conservation. La tenue exceptionnelle du symposium de l’Asso- ciation européenne d’histoire de la photographie, à Toulouse en juin 1991, n’a fait que confirmer la crédibilité de cette institution. Pour la première fois, cette association, fondée à Anvers en 1979 par le Dr Roosens (conservateur des archives de Agfa Gevaert), a organisé sa manifestation en France. Toulouse s’affirme ainsi comme un lieu d’échanges entre le nord et le sud de l’Europe. A.M. CHESSEX Luc photographe suisse (Lausanne 1936) Diplômé de l’école de photographie de Vevey en 1959, Chessex commence par faire des photos publicitaires. En 1961, il quitte Lausanne pour la révolution cubaine. À Cuba, il est délégué pour la photographie auprès du ministère de la Culture, directeur artistique de la revue Cuba Internacional et reporter photographe à l’agence Prensa latina. En 1975, la « présence soviétique » le met dans un avion en partance pour la Suisse. De retour à Lausanne, il s’installe comme photographe indépendant. De ces années passées en Amérique latine naît une exposition, Quand il n’y a plus d’Eldorado, montrée au musée des Arts décoratifs de Lausanne et à la Photographer’s Gallery de Londres en 1977. Sous le même titre, un film (1980) en collaboration avec Claude Champion et Jacques Pilet, puis un livre (1982) verront le jour. De 1978 à 1980, il fait un reportage en Afrique pour le C.I.C.R. (Comité international de la Croix-Rouge) puis monte, pour le même organisme, une exposition, Une autre Afrique, présentée en 1987 au musée des Arts décoratifs de Lausanne. En 1984, la Suisse, son pays natal, s’impose au regard du photographe ; un livre et une exposition naîtront de cette expérience, Swiss Life, présentée en 1987 au musée des Arts décoratifs de Lausanne, au Kunsthaus de Zurich et, en 1988, au Centre culturel suisse à Paris. Depuis 1989, année de la sortie de son film À corps perdu, Chessex est enseignant et photojournaliste parcourant le monde : Inde, Thaïlande, Hongkong, Japon, Australie... S.B. CHEVALIER Jacques-LouisVincent opticien et photographe français (Paris 1770 - id. 1841) Tôt initié aux travaux de son père (Louis Vincent, opticien-miroitier à Paris), Chevalier vend des lunettes, des instruments optiques et fabrique des objectifs et des oculaires (1803). Son fils Charles (Paris downloadModeText.vue.download 122 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 122 1804 - id. 1859) est son associé à partir de 1823. L.J.M. Daguerre* et N. Niépce* se connaissent en 1826 par l’intermédiaire des Chevalier, chez qui ils achètent leur matériel. Leurs recherches aboutiront à la réalisation du daguerréotype* et à la présentation publique de la photographie en 1839. De plus, Chevalier présente au public une épreuve daguerrienne redressée selon son idée (octobre 1839) et, à l’Académie des sciences, des images inédites d’objets microscopiques, qui seraient réalisées avec son élève Richebourg* (1840). Dans son établissement, des appareils à daguerréotyper et des épreuves sont réalisés. À la disparition de Vincent, Charles lui succède et déménage l’entreprise familiale du quai de l’Horloge au Palais-Royal. Ses inventions sont nombreuses (objectif à verres combinés notamment) et ses publications régulières. Son propre fils Arthur travaillera aussi au perfectionnement de la photographie. Cette famille souligne le rôle essentiel de la technologie dans ce nouveau mode de représentation. B.P. CHEVALIER Yvonne photographe française (Paris 1899 - id. 1982) Après des études à Paris, Chevalier se consacre entièrement à la photographie dès 1929, abandonnant le dessin et la peinture. Elle réalise des portraits (Honegger, Claudel), des reportages et des nus, et se passionne pour la photographie d’instruments de musique. Son style s’inspire de la Nouvelle Vision : cadrages serrés, vues en plongée et contre-plongée, gros plans, effets d’ombre et de lumière. En 1930, elle devient la photographe attitrée de Georges Rouault. Membre du Rectangle en 1936, puis du groupe des XV en 1946, Chevalier est présente lors de nombreuses expositions, et régulièrement publiée dans les revues Arts et Métiers graphiques, Photo Graphie, Photo Illustration... Le musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône lui consacre une exposition rétrospective en 1990. E.E. CHEVALLIER Florence photographe française (Casablanca 1955) Le corps est au centre du travail de Chevallier, membre de l’ex-groupe Noir Limite* (avec J.-C. Bélégou* et Y. Trémorin*), et auteur de plusieurs séries d’autoportraits, nus ou non. Quête de la part inconnue de soi ; présence obsédante de la chair, de la sexualité, de la mort ; mise en scène critique et tragique de la destinée humaine ; l’oeuvre est violente, souvent provocatrice, parfois ironique. En permanente évolution esthétique. Les nus autoportraits et les corps à corps (Noir Limite, 1987 ; la Mort, 1991) sont traités en oppositions tranchées d’ombres et de lumières, découpant les corps et les espaces, opérant une discontinuité des plans et des lignes et un morcellement de la topographie corporelle. Dans les Nus de Naples (1994) et dans la série de visages intitulée Troublée en vérité (1987), les apparences sont brouillées par l’utilisation du flou, du bougé, des matières picturales rapportées sur le corps et sur les miroirs. Après le noir et blanc des premières années, la couleur est utilisée dans la Mort (1991) et surtout dans le Bonheur (1993) comme un élément contribuant à créer le simulacre et un effet spectaculaire. OEuvre située de part en part du côté de l’art, à la conjonction de la photographie et de la mise en downloadModeText.vue.download 123 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 123 scène, et, dans le Bonheur notamment, à la lisière du cinéma. A.R. CHICHKINE Arcadi Vassiliévitch photographe russe (Koukarka 1899 - 1985) Fils d’un artisan de la province de Viatka, Chichkine apprend le métier de photographe à Kazan, dès l’âge de 10 ans, puis s’installe comme projectionniste et tireur à Petrograd. À partir de février 1917, il ouvre un atelier de photo à Iekaterinbourg. La guerre civile éclate ; il est volontaire dans l’Armée rouge, puis, de retour en 1922 à Koukarka, il travaille comme journaliste pour des journaux locaux. Ses images sur la vie rurale attirent l’attention du magazine Krestianskaïa de Moscou, qui les publie et qui l’engage dans ses bureaux. Reporter en chef de ce journal de 1925 à 1939, il est le chantre de la vie paysanne de cette époque. Il achète un Leica en 1928 et se consacre à l’évolution des fermes en kolkhozes, poursuivant au long des années 1930 ce formidable travail d’observation des différents moments de la vie à la campagne. Il réalise des reportages sur les premières femmes conduisant des tracteurs, sur les récoltes, les animaux et les nouvelles techniques d’exploitation agricole. À la fin de la guerre, où il servit comme soldat et photographe de l’armée, il réunit un grand nombre de clichés, paysages et portraits, reportages et natures mortes qu’il fournit à Krestianskaïa, dont il est alors le directeur artistique. Son travail photographique est représenté lors de l’exposition Pionniers de la photographie russe soviétique, montrée en 1983 au musée des Arts décoratifs à Paris. V.E. CHIM (David Seymour/Szymin, dit) photographe américain d’origine polonaise (Varsovie 1911 - canal de Suez, Égypte, 1956) Fils d’un important éditeur de livres en hébreu et en yiddish, Szymin, appelé par son diminutif « Chim », est envoyé à Leipzig en 1929 pour étudier les techniques d’imprimerie, les arts graphiques et la photographie. À Paris en 1932, il s’inscrit à la Sorbonne avec l’intention de poursuivre ses recherches sur les encres d’imprimerie et la lithographie, mais la crise économique, qui frappe l’entreprise familiale, l’empêche de continuer ses études. Il prend contact avec un ami de la famille, David Rapaport, qui dirige une agence photographique à Paris et qui l’engage comme photojournaliste. À cette époque, il rencontre André Friedmann (plus connu sous le nom de R. Capa*), qui devient un ami fidèle. Chim travaille régulièrement pour Vu*, Ce soir, la Vie ouvrière et surtout Regards, qui en 1936 l’envoie en Espagne pour couvrir la guerre civile (ses reportages espagnols sont également publiés par Life*). Il émigré aux États-Unis en 1939 et adopte une orthographe américaine de son nom : Seymour. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il fait partie de l’armée américaine. Envoyé en Europe, il effectue des clichés de reconnaissance et interprète des photographies aériennes. Après le conflit, Chim est l’un des sept membres fondateurs de l’agence Magnum (il en sera président de 1954 à 1956). Chargé de couvrir le Vieux Continent, il retrouve une Pologne qui porte encore les cicatrices de la guerre. En Europe et au Proche Orient, il poursuit son travail de photojournaliste, aussi sensible aux êtres qui subissent l’histoire qu’aux hommes qui la font. downloadModeText.vue.download 124 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 124 Il est abattu par un soldat égyptien au bord du canal de Suez quatre jours après le cessez-le-feu de 1956. T.M.G. CHLORURAGE Virage* d’une photographie avec une solution de chlorure d’or. S.R. CHOQUER Luc photographe français (Région parisienne 1952) Choquer, éducateur, devient photographe- reporter en 1980. Tout d’abord au sein de l’agence Vu puis, dès fin 1988, de l’agence Métis, dont il est également un des membres fondateurs. Il se fait connaître avec Planète France, travail documentaire ayant pour objet la vie quotidienne en France. En 1989, à l’initiative du journal Marie-Claire, il part à Moscou photographier les jeunes filles de la perestroïka. Ce travail lui vaut le prix de la Villa Médicis (hors-les-murs) et l’incite à réaliser un projet de fond sur ce sujet. En 1992, le résultat donne lieu à une exposition au palais de Tokyo, à Paris, et il reçoit le prix Niépce. L’approche de Choquer est singulière. Il ne revendique pas la neutralité du photojournaliste traditionnel. Il affiche sa subjectivité avec la couleur, l’éclairage au flash et l’utilisation du grand angulaire. Il photographie à bout portant et intervient directement sur ses personnages, qu’il amène à réagir. De son propre aveu, ce qui intéresse Choquer, c’est de « sublimer la réalité sans la trahir [...], être à la fois témoin et auteur ». N.C. CHRISTO (Javacheff Christo, dit) artiste américain d’origine bulgare (Gabrovo, Bulgarie, 1935) Christo a reçu une éducation réaliste socialiste, en Bulgarie. Il effectue ses études à l’Académie des beaux-arts de Sofia (19521956) et travaille au sein de la propagande artistique jusqu’en 1956 (« agencement » du paysage le long du trajet de l’OrientExpress), date à laquelle il émigre à Prague, pour séjourner ensuite un semestre à l’Académie des beaux-arts de Vienne. Il arrive à Paris en 1958 et, en 1964, part s’installer à New York avec sa femme, Jeanne-Claude de Guillebon. On attribue à Christo le nom d’artiste conceptuel, pop ou minimaliste, mais ces définitions sont réductrices au regard de son oeuvre, publique, conviviale, éphémère aussi. Publique, parce que les installations et autres aménagements gigantesques de l’auteur ne sont pas visibles dans un musée ou dans une galerie, encore moins « chez soi ». Et, du même coup, conviviale, parce que, si elle n’impose pas un droit d’entrée, cette oeuvre-là ne suppose pas non plus un public d’initiés, mais peut se révéler à tout un chacun au hasard du chemin : le 10 août 1972, un rideau de Nylon polyamide orange se déploie sur une longueur de 450 mètres au-dessus d’une route du Colorado (Valley Curtain). En 1976, en Californie, un mur de toile court sur 40 kilomètres de long, comme un immense tableau abstrait traversé par une bande de couleur, le paysage s’anime (Running Fence) ; le chemin emprunté peut aussi se couvrir d’or (Wrapped Walk Ways, en 1978). On est impliqués dans un rapport très particulier à l’oeuvre, elle-même tributaire du lieu où elle s’inscrit comme du contexte historique où elle s’épuise : en 1968 à Paris, 240 bidons à pétrole sont entassés de façon à former le Rideau de fer qui barre la rue Visconti. Christo pardownloadModeText.vue.download 125 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 125 ticipe à la propagande artistique en Bulgarie comme plus tard il réalise ses premiers Empaquetages à l’heure où la société de consommation exulte en Europe occidentale, capitaliste. Et si Christo fait évoluer la façon d’impliquer la société dans la relation à son art, ce n’est pas sans rejouer une certaine tradition, de la notion d’atelier comme d’un certain usage de la couleur. L’oeuvre de Christo disparaît toujours, mais, par-delà son existence éphémère, elle perdure sous forme de pièces mobiles que sont les dessins et photographies qui enregistrent toutes ses étapes. A.Ma. CHROMOGÈNE (révélateur) Bain de développement* permettant d’obtenir des images en couleur par l’emploi de développateurs organiques (aminophénoliques ou à base de phénylènediamine), sous réserve que l’émulsion ou le révélateur contienne un coupleur*. S.R. CHRONOPHOTOGRAPHIE La chronophotographie est la « production photographique d’images successives prises à des intervalles de temps exactement mesurés » (définition adoptée au Congrès international de photographie de Paris, en 1889). Le terme a été forgé par É.-J. Marey* à partir des méthodes chronographiques (méthodes d’enregistrement sur papier au noir de fumée) qu’il avait imposées dans les années 1860 ; lorsqu’il leur adjoint la photographie en 1882, il parle de photochronographie, puis introduit « chronophotographie » en 1886. La définition adoptée officiellement est assez large, puisqu’elle n’impose pas que les images successives soient sur un même support, et qu’elle inclut ce qui n’existe pas encore en 1889, le cinématographe : l’appareil breveté le 13 février 1895 par les frères Lumière* (sans dénomination) sert en effet « à l’obtention et à la vision des épreuves chronophotographiques ». On retrouve ce terme dans les brevets d’appareils cinématographiques de Joly, De Bedts, Parnaland, Kirchner, Grivolas... et, à vrai dire, il aurait pu continuer à désigner la nouvelle technique d’animation ; on trouve encore un appareil « chronophotographe » chez Gaumont en 1900. L’idée de produire des images photographiques successives remonte aux années 1850, et elle découle naturellement des découvertes de Plateau sur la persistance rétinienne (1829), qui constituent le fondement théorique du cinéma : il s’agit de donner l’illusion du mouvement en faisant percevoir à l’oeil, à des intervalles de 1/10 de seconde, des images différentes qui paraissent non disjointes. Reste alors à obtenir ces images : on les dessine pour le thaumatrope, le phénakistiscope, le zoo-trope, ou le praxinoscope de Reynaud (1877). L’idée de les réaliser par la photographie est logique (L.J. Duboscq*, A. Claudet*, Wheatstone), mais elle se heurte aux temps de pose longs des années 1850, qui empêchent de saisir les mouvements en temps réel et obligent à des attitudes fixes successives. Les recherches se portent à la fois sur les appareils d’obtention d’images et de visionnement (Cook et Bonelli, Henry Du Mont, L. Ducos du Hauron*, dans les années 1860), mais, malgré des solutions ingénieuses, aucun ne parvient à des réalisations effectives. C’est l’astronome Janssen qui imagine, pour photographier une éclipse de Soleil en 1874, un revolver astronomique pouvant prendre 48 images sur un disque daguerréotype, à intervalles réguliers : il s’agit bien de chronophotographie. Cette expérience influence sans doute E. Muybridge* downloadModeText.vue.download 126 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 126 dans le choix de sa méthode pour photographier les allures du cheval à partir de 1872 à Palo Alto (Californie) : prendre des vues instantanées successives pour piéger l’instant désiré. Il y parvient réellement en 1878 avec une batterie de 12 appareils à déclenchements électriques décalés (12 en une demi-seconde). Ce succès publié dans la Nature produit l’admiration du physiologiste Marey, qui, en 1882, adapte le système avec son fusil photographique (12 images sur le pourtour d’un disque). En mai-juin 1882, il se résout à améliorer la méthode dans un sens chronographique, c’est-à-dire en contrôlant les intervalles de temps qui séparent les images, et en n’acceptant qu’un seul point de vue, fixe. Le chronophotographe à plaque fixe de 1882 est une chambre photographique classique dans laquelle se superposent, sur une plaque sensible unique, les prises de vue effectuées au passage des fentes d’un disque fenêtre, tournant, qui joue le rôle d’obturateur. Le système de superposition des vues impose d’opérer devant un fond noir, pour lequel Marey construit un hangar peint en noir. Ce système d’analyse scientifique des mouvements, combiné à des systèmes de mesure précise du temps, lui permet d’étudier les mouvements, du cheval, de l’homme et des oiseaux particulièrement, qui complètent notablement ses études antérieures. Cependant, l’inconvénient des superpositions d’images difficiles à décrypter incite Marey à imaginer un dispositif de mobilité de la surface sensible, qui s’arrête brièvement à chaque prise de vue. C’est la chronophotographie sur pellicule mobile (1888), à laquelle il adapte la pellicule Celluloïd de Kodak en 1890 ; Marey a ainsi obtenu le premier film (suite d’images successives en temps réel sur bande) en 1889. L’appareil connaît plusieurs perfectionnements (dont un projecteur en 1893) jusqu’à ce que Marey laisse à d’autres (Demeny, puis Lumière, Gaumont) les applications extrascientifiques de sa méthode, qui constituait la base du cinéma ; il ne souhaitait en aucun cas en faire un spectacle. Par l’adoption du mot cinématographe, la chronophotographie perdait son caractère scientifique et son incertitude heuristique, et devenait un objet de plaisir. D’autres techniciens ou photographes ont développé des techniques chronophotographiques, plus ou moins inspirées de celles de Muybridge ou de Marey : A. Londe* met au point en 1883 un appareil à 9 objectifs, et un autre à 12 objectifs en 1893 ; Ottomar Anschütz (Lissa, Prusse), avec des batteries d’appareils (à partir de 1885), le général Sébert (étude de torpilles), T. Eakins* (Philadelphie, 18841885) et l’on peut considérer que les divers systèmes utilisés par Demeny, Leprince, Donisthorpe, Friese Greene et même Edison, intégrés aujourd’hui dans le complexe des origines du cinématographe, sont par nature chronophotographiques. M.F. CIBACHROME nom déposé Procédé de tirage* d’épreuves photographiques en couleur, à partir de diapositives, dans lequel les colorants sont préincorporés dans le support par le fabricant (Ciba-Geigy). S.R. CINÉMA ET PHOTOGRAPHIE Lorsque E. Muybridge* découpe en séquences photographiques le galop d’un cheval ou que É.-J. Marey* invente en 1882, la chronophotographie* soit 10 images par seconde sur une seule et même plaque, la photographie, encore débutante, se pose downloadModeText.vue.download 127 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 127 déjà la question du mouvement et de sa traduction. Si ces images de la décomposition d’un corps en mouvement sont un repère historique, c’est qu’elles rendent très ténue la frontière entre image fixe et image animée. Leur force visuelle plonge dans les débuts de ce que nous considérons comme la modernité. En inventant la séquence des images, la photographie fait déjà du cinéma. Les avant-gardes La volonté de dépasser les limites d’une expression artistique puis de faire communiquer les arts visuels entre eux est un leitmotiv de la création artistique du début du XXe siècle. C’est sans doute pourquoi il revient aux photographes européens de l’avant-garde Man Ray* et L. MoholyNagy* de s’être aventurés sur le territoire du cinéma au même moment d’ailleurs que des peintres comme M. Duchamp*, Fernand Léger ou Dalí. Avec Retour à la raison (1923), Man Ray réalise le premier film expérimental en France. La mise en mouvement de ses rayographes produit des effets visuels entièrement nouveaux. Étoile de mer, réalisé en 1926 avec le poète Robert Desnos, ramène à l’imaginaire surréaliste et à ce qu’il est convenu d’appeler « la subversion des images ». Ce cinéma totalement subjectif tire ses modèles de l’activité onirique. En se plaçant du côté de l’image, Man Ray révolutionne le cinéma. Il appelle ses films des cinépoèmes, ni cinéma ni poésie mais les deux à la fois. Le Hongrois Moholy-Nagy, autre expérimentateur infatigable, publie en 1925 son essai théorique Peinture Photographie Film, où il poursuit le rêve d’un art total. De 1926 à 1936, il réalise huit films, équivalents mobiles et sonores de ses recherches plastiques et photographiques sur la lumière. L’exposition internationale Film und Foto, à Stuttgart, en 1929, représente le point d’orgue de cette effervescence. Elle offre sans aucun doute la meilleure sélection des recherches de l’avant-garde de l’époque et réunit pour la dernière fois cinéastes et photographes. Cet élan d’optimisme créatif vole en éclat à la veille de la guerre. Les années 1950 et 1960 Dans les années 1950, c’est sur des bases différentes que photographie et cinéma se retrouvent. Entre les deux pratiques s’installe alors une forme de contamination et d’échanges. Pris dans un réseau d’influences réciproques, la photographie emprunte au cinéma le flou, le bougé et le filé – « la photo fait du cinéma » –, tandis que les ralentis et les arrêts sur image renvoient le cinéma à un effet photographique. R. Frank* et W. Klein* sont les figures les plus exemplaires de photographes cinéastes qui, chacun à leur manière, ont avec les deux arts un rapport d’une extraordinaire liberté. En 1960, Frank met son « Leica dans un placard. Assez de guetter, d’attraper parfois l’essence de ce qui est noir, de ce qui est blanc... Je fais des films. Maintenant je parle aux gens qui bougent dans mon viseur. » Pour Frank, le cinéma reste une expérience limite, marginale et, pour reprendre un mot de l’époque, « underground ». À l’inverse Qui êtes-vous Polly, Magoo ?, le premier long métrage de Klein sur « l’intox, la mode et les médias », lui offre l’occasion d’un vif succès et le prix Jean Vigo en 1967. Klein est le premier à avoir l’idée d’un exercice auquel d’autres photographes se plieront volontiers par la suite : la lecture de planches de contacts filmées au banc-titre et commentées par le photographe lui-même, la photographie à l’épreuve de la parole (Contacts 1988-1989). Une autre forme de contamination entre photographie et cinéma se repère dans le glissement qui s’opère du documentaire à la fiction et downloadModeText.vue.download 128 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 128 favorise l’émergence de formes intermédiaires. La jetée de Chris Marker (1963) est à cet égard une référence. Prototype d’une combinaison fascinante, La jetée se présente comme un film de 29 minutes composé d’images fixes (il n’y a qu’une seule image où on voit un mouvement de l’oeil, au milieu du film). Preuve est faite que des photographies reliées entre elles en chaîne peuvent produire un récit de manière aussi efficace que des images en mouvement, compte tenu du rôle joué par la bande-son. Le documentaire d’auteur Certains cinéastes ont d’abord été photographes, telle Agnès Varda à qui revient l’initiative d’avoir introduit la photographie sur les ondes télévisuelles par le biais d’une série quotidienne : Une minute pour une image (1984). Une minute de parole non préparée pour une minute de photo qu’on n’a pas choisie, telle est la règle qu’impose Agnès Varda à ses interlocuteurs. D’autres noms s’imposent comme ceux du Hollandais Johan Van der Keuken ou de R. Depardon*. « Tous sont des cinéastes du réel liés à la tradition documentaire mais ayant fondamentalement modifié le genre en y introduisant, pour l’imposer avec force, l’idée d’un regard strictement subjectif, personnalisé, individuel : Documentaire d’auteur, documentaire confession, documenteur... » (P. Dubois). Depardon est sans doute le dernier exemple de cette généra- tion de « cinéphotographes » (C. Delvaux). Comme W. Klein, il reste photographe. Il pousse le paradoxe de la double activité le plus loin possible avec San Clemente (1980), une intrusion dans une institution psychiatrique italienne dont il fait à la fois un film et un livre. « Je crois que je resterai toujours un photographe-voyageur mais je tiens à mon cinéma. » Cet entre-deux de Depardon est au coeur des résonances entre photographie et cinéma et à l’origine d’une oeuvre singulière, unanimement reconnue, « qui pose autant de questions au cinéma qu’elle apporte de réponses » (Frédéric Sabouraud). M.R. CITROEN Paul photographe néerlandais (Berlin 1896 - Wassenaar, Pays-Bas, 1983) Citroen naît et vit en Allemagne jusqu’à l’âge de 31 ans. Il étudie la peinture et le dessin à Berlin, s’associe à Der Sturm pendant la Première Guerre mondiale, au mouvement dada de Berlin entre 1918 et 1921, puis est élève au Bauhaus* de Weimar en 1922. Il commence à photographier en 1925, après avoir pratiqué le collage (Metropolis, 1923). Citroen mêle dans sa photographie l’humour dadaïste, le fonctionnalisme du Bauhaus et les principes esthétiques de la Nouvelle Vision. Le portrait est le thème majeur de son oeuvre (dès 1926, il s’associe avec Umbo* dans un studio). Contrairement à ses contemporains, il a une vision romantique des hommes et des femmes qu’il photographie : il utilise le flou (MoholyNagy, 1928). Ses portraits sont édités dans Palet en 1931. En 1927, Citroen s’installe à Amsterdam. On note une forte influence du surréalisme* dans ses oeuvres les plus connues : In the Theatre (1929), Toilet im Rietwald (1932) ou Mannequin (1929). En 1932, sa première exposition personnelle a lieu à Amsterdam. À partir de 1933, il abandonne la photo pour se consacrer à l’enseignement. Il s’établit définitivement à Wassenaar en 1964. Une exposition Paul Citroen - Retrospektive Fotografie est organisée en 1978 à Düsseldorf. E.E. downloadModeText.vue.download 129 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 129 CIVIALE Aimé photographe français (? 1821 - ? 1893) Membre de la Société* française de photographie (S.F.P.), il effectue pendant les étés de 1857 et de 1858 des voyages dans les Pyrénées et réalise un panorama montrant l’ensemble du massif de la Maladetta, différentes vues du chaos de Gèdre et du cirque de Gavarnie, de nombreuses images des falaises des environs de Biarritz. Pour l’obtention de ses négatifs, il se sert du procédé sur papiers secs, moins fragiles que les glaces collodionnées. Il restera toujours fidèle à ce procédé qui permet de rendre avec précision les différents plans et la finesse des détails. De retour à Paris, il décide d’entreprendre la description photographique des Alpes. De 1859 à 1868, assisté d’Auguste Corberon, il réalise 600 vues de détails et 41 panoramas des montagnes de France, de Suisse et d’Autriche. Son premier livre sur les Alpes paraît en 1866. Civiale est un pionnier dans l’utilisation de la photographie pour les levées topographiques, et ses images, accompagnées d’une série de mesures, de prélèvements (géologiques) et de notations extraphotographiques, s’inscrivent dans une démarche scientifique et ne sont pas des paysages à proprement parler. S’adressant au géographe, au géologue et au météorologiste, il souhaite réaliser des images exemptes de toute fantaisie. V.L. CLAASS Arnaud photographe français (Paris 1949) À 18 ans, Claass interrompt ses études musicales pour se consacrer à la photographie. Il effectue son apprentissage en Amérique du Nord, où il réalise ses premiers reportages. Il découvre aux ÉtatsUnis les principales oeuvres de référence et acquiert très tôt une ample culture photographique. De 1970 à 1973, il explore l’univers visuel de la grande métropole américaine. Cependant, son regard est rapidement attiré par ce qui se passe en marge de l’action, par des événements ou des objets anodins ; cette démarche l’écarté du reportage, qui collecte des faits significatifs. Quand il rentre à Paris, en 1973, il développe cette orientation personnelle, notamment dans Ellipses (Contrejour, 1976) où les objets font figure de métonymies pour une réalité absente. Il reste sensible à l’univers urbain puisque Contretemps (Punto e Virgula, 1978) confronte des scènes prises dans les rues de Paris au monumental jeu de volumes et de lignes des gratte-ciel américains. Mais sa recherche s’affirme en abordant le paysage ; dans un état de complète disponibilité, il enregistre les variations de l’univers végétal, qui reste néanmoins identique. En 1982, la Bibliothèque nationale expose ses Paysages miniatures, tirages de petits formats qui insistent sur des événements visuels tels que la consistance différente de deux feuillages ou la ligne qui court dans les nuages. Il cadre les surfaces et réduit la profondeur, l’échelle des grandeurs est abolie. Pour Claass, l’événement reste au niveau du visible ; il se tient prêt à le saisir à l’instant, de façon presque inconsciente. Il tend à retrouver la démarche de C. Simon*, auteur qu’il cite à plusieurs reprises et qui a inspiré une série sur Barcelone (Claude Simon, Marval, 1991). Claass ne recherche aucun sujet particulier ; il photographie son environnement, son entourage, ce qu’il croise dans ses déplacements, mais sans trahir aucune intimité. Depuis 1983, il s’est downloadModeText.vue.download 130 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 130 fixé en Provence, où il enseigne à l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles. Cette activité prolonge sa réflexion critique contenue dans plusieurs articles, sur R. Gibson* ou E. Weston*, entre autres. En 1986, la série Continuités témoigne de cette rencontre avec la Provence. Silences (Marval, 1989), dépourvu de légendes comme c’est habituel chez Claass, accorde toute l’importance aux images, qui trouvent leur cohérence dans leur succession. Le cadrage de Claass tord la familiarité avec le visible ; il détourne des hiérarchies habituelles pour faire émerger l’hétérogénéité du réel, dans ses fragments, avec ses halos de sens, sa banalité et son étrangeté tout à la fois. P.A. CLARK Larry photographe et cinéaste américain (Tulsa 1943) Clark est étudiant entre 1961 et 1962 à la Layton School of Art de Milwaukee. Sa réputation s’établit avec Tulsa, un livre de photographies publié en 1971, qui est un témoignage de la vie des marginaux, entre la prostitution et la drogue. Ses oeuvres photographiques de 1980 réitèrent les thèmes avec les enfants et les adolescents de la 42e rue de New York. À l’encontre de la tradition de la photo humaniste, Clark ne peut être considéré comme un photojournaliste. Ni moralisatrice ni dénonciatrice, son oeuvre produit une esthétisation de la marginalité, de la différence sociale ou sexuelle. Ses photographies sont conservées dans les collections américaines du Metropolitan, du M.O.M.A., du musée de Philadelphie. Il est l’auteur du film Kids (1995). S.C. CLARKE Henry photographe américain (Los Angeles 1918 - Cannes 1996) Clarke découvre la photographie en 1945 à New York. Abandonnant son travail d’étalagiste chez I. Magnin, grand magasin de San Francisco, il est engagé comme accessoiriste chez Condé Nast. Il assiste aux prises de vue de C. Beaton* dans le studio de Vogue* et est captivé par l’imagerie photographique. La directrice du studio, Claire Mallison, lui prête un Rolleiflex, avec lequel il fait ses premières photographies. Dans l’espoir de se faire embaucher, il montre son travail à Alex Liberman, qui, à défaut de lui trouver une place chez Vogue*, l’envoie suivre les cours de A. Brodovitch* à la New School for Social Research. Une nouvelle revue, Kaleidoscope, l’engage comme photographe, mais elle disparaît presque aussitôt. Décidé de faire fortune ailleurs, il part pour Paris au début de l’année 1949. Il y est accueilli par son ami et camarade de lycée, le photographe Robert Randall, qui l’introduit dans les maisons de couture et le présente aux magazines de mode. Il travaille pour Fémina et l’Album du Figaro à Paris, ainsi que pour Harper’s Bazaar* à Londres. L’année suivante, acceptant la proposition de Liberman, il entame une collaboration avec les éditions française, anglaise et américaine de Vogue, qui durera plus de 25 ans. Avec la complicité des grands mannequins comme Suzy Parker, Capucine, Bettina, Ann Saint-Marie, etc., il traduit admirablement l’élégance de la femme « moderne », celle qui est jeune, vivace, insouciante et prête à séduire. Il fait aussi des portraits mémorables : Anna Magnani, Coco Chanel, Sophia Loren, Maria Callas, etc. Dans les années 1960, Diana Vreeland, l’indomptable rédactrice du Vogue américain, l’envoie tous les ans dans un pays lointain et différent (Syrie, downloadModeText.vue.download 131 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 131 Sicile, Iran, Inde, Turquie, Mexique) pour photographier les derniers modèles dans une mise en scène qu’il crée sur place. À cette époque, il alterne la couleur et le noir et blanc. Lors de ses voyages, il enregistre aussi les architectures et les paysages qui le frappent. En Europe, il photographie des intérieurs et des jardins pour des revues ainsi que pour son propre plaisir. T.M.G. CLAUDET Antoine-François-Jean photographe français (Lyon 1797 - Londres 1867) Avant de partir pour Londres en 1827, Claudet fut employé de banque. Après son mariage avec une Anglaise, il décide de s’installer en Grande-Bretagne et devient représentant en verrerie, avant d’ouvrir un magasin en 1829. Dix ans plus tard, l’opticien Lerebours lui présente le nouveau procédé mis au point par L.J.M. Daguerre*. Il décide alors d’apprendre la technique du daguerréotype* et achète une licence pour son exploitation et son importation en Angleterre. Sous l’enseigne « Héliographe portraitiste », il ouvre un atelier à Londres, à 43 ans, en 1841. Son atelier de portraitiste acquiert une certaine réputation, grâce en particulier aux innovations techniques et artistiques qu’il utilise : liqueurs accélératrices et toiles de fond peintes puis coloriage des épreuves. Inventeur prolifique, il améliore la sensibilité des plaques, invente une lampe de laboratoire, un photomètre mais aussi un focomètre et un dynactinomètre. À la suite d’une commande pour The Illustrated London News, il réalise en 1842 des photographies panoramiques qui sont ensuite publiées sous forme de gravures. À l’apparition de la carte de visite* en 1854, Claudet abandonne définitivement le daguerréotype et adopte le procédé au collodion* comme tous les autres photographes. Auteur de nombreux articles, il entretint une correspondance avec d’autres photographes, comme Nadar*. Il devient membre de la Royal* Photographic Society en 1853 et, en 1855, de la Société* française de photographie. « Photographe ordinaire » de la reine Victoria à partir de 1853, il prend sa retraite en 1862. S.M. CLÉRAMBAULT Gaëtan Gatian de psychiatre et photographe français (Bourges 1872 - Malakoff 1934) Après des études de droit et de médecine, Clérambault se spécialise dans la psychiatrie. Nommé en 1905 médecin adjoint puis médecin chef à l’Infirmerie spéciale des aliénés de la préfecture de police de Paris, il participe au développement de la psychanalyse par ses observations cliniques ainsi que par ses nombreuses publications sur l’automatisme mental et les psychoses passionnelles. Sa redécouverte récente résulte cependant de ses études sur la passion érotique des étoffes ainsi que sur une classification des costumes et des drapés qui révèlent l’étendue de son regard clinique et ethnographique ainsi que la vive sensibilité artistique qu’il exerce par l’intermédiaire du dessin et de la photographie. Ses archives personnelles comportent quelque 900 tirages conservés au musée de l’Homme et réalisés au Maroc (1917-1920). Ils lui servirent de support pour les cours de drapés qu’il donna à l’École des beauxarts de Paris, entre 1922 et 1924. Ces photographies révèlent l’intensité fétichiste de son intérêt pour le corps féminin voilé, habillé d’étoffes, masquant toujours le visage et traduisant les variations infinies entre la surface matérielle de la photographie et la profondeur du modelé. F.D. downloadModeText.vue.download 132 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 132 CLERGUE Lucien photographe français (Arles 1934) L’oeuvre de Clergue est intimement liée à son pays natal, la Camargue. D’abord hantées par la mort, ses photographies représentent des Flamants morts dans les sables (1956), la Ville aux nécropoles (1955-1966) ou l’agonie d’un taureau dans l’arène. La mort exorcisée, Clergue explore la flore camarguaise. Il en retient les formes torturées de la vigne, les empreintes énigmatiques dans le sable ou la roche, la masse ondulante des algues du marais, révélant ainsi un monde végétal insoupçonné, étrange, fantastique. Clergue est aujourd’hui connu pour son travail sur le nu féminin, qu’il étudie depuis 1956. « J’ai voulu faire la vie, dit-il, j’ai redécouvert la femme et j’ai gagné en sérénité. » Son lieu favori est la plage, où il surprend des naïades aux formes pleines surgissant de l’eau. Sensuels et féconds, authentiquement féminins, ses nus, à la mer ou à la ville, convainquent par leur force symbolique. Fondateur des Rencontres internationales de la photographie d’Arles* en 1970, professeur à l’université de Provence à Marseille depuis 1976, à la New School for Social Research de New York depuis 1979, il est aussi l’auteur de nombreux livres et de courts-métrages. En 1966, il reçoit le prix Louis-Lumière pour son film le Drame du toro. Son oeuvre est représentée dans les plus grandes collections de photographies dans le monde (Paris, New York, Chicago, Austin, Tokyo). S.Ro. CLICHÉ-VERRE (1853-1874) En 1855, Harville et Pont, après avoir déposé un brevet, décrivent dans le Bulletin de la Société française de photographie un procédé « de gravure et d’impression photographique ». Un mois plus tard, en janvier 1856, E. Cuvelier* répond dans les mêmes colonnes qu’il utilise depuis plus de trois ans avec ses amis d’Arras, Dutilleux et Grandguillaume, divers procédés de « dessins héliographiques ». C’est au cours d’une visite chez son ami Cuvelier que Corot est initié en 1853 à cette technique, qu’il transforme en une expression graphique nouvelle. Le « cliché-verre » acquiert alors une originalité et une spécificité qui se développent autour de deux écoles principales : celle d’Arras puis celle de Barbizon. La technique – ou plutôt les techniques employées – consiste essentiellement à utiliser les propriétés de la plaque photographique au collodion, qui est « grattée » avec une pointe en acier, en ivoire, en bois ou avec une roulette d’imprimeur, puis « tirée » sur un papier photographique au choix de l’artiste. Le procédé reçoit des noms très divers, comme « gravure diaphane », « clichéglace », « cristallographie », « héliographie sur verre », « autographie photographique », « héliotypie », « dessin sur verre pour photographie », « photocalque », etc. La technique du « cliché-verre », simple dans son principe, permettait un nombre incalculable de variantes, autorisant ainsi une multitude de variétés d’interprétation. C’est autour des « clichés-verre » de Corot que s’articule la période la plus importante de cette école, c’est-à-dire 1853-1874. À son nom s’ajoutent ceux de Daubigny, Rousseau, Millet, Delacroix ou Brendel. Des rétrospectives importantes à New York et à Genève ont permis de redécouvrir cette application particulière de la photographie. Dessin par le « trait », gravure par le « grattage » et « photographie » par l’utilisation de la lumière pour le tirage sur papier photographique, le cliché-verre downloadModeText.vue.download 133 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 133 est un art à la limite entre le dessin, la gravure et la photographie. S.M. CLIFFORD Charles photographe britannique (1800 ? - Madrid 1863) Né en Grande-Bretagne, il émigré à Madrid en 1852 et devient le photographe et le protégé d’Isabelle II et de la cour d’Espagne. Il se spécialise dans les vues de paysages, d’architecture, le portrait et les scènes de la vie quotidienne espagnole, et photographie les trésors artistiques du Dauphin. En 1854, la reine Victoria découvre ses images à l’exposition de la London Photographic Society et les lui achète. En 1856, il publie Vistas del Capricho, comprenant 50 vues du palais du XVe siècle de Guadalajara, et présente ses tirages albuminés du palais de l’Escurial. Il montre 400 images au Salon photographique de Paris sur le thème Voyage en Espagne et se fait remarquer par la critique française. Ferrier lui commande en 1857 des vues stéréoscopiques de la région de Ségovie et, en 1858, Clifford publie un album, intitulé aussi Voyage en Espagne. Membre de la Société* française de photographie, il expose en 1859. Il exécute en 1861 un portrait de la reine d’Angleterre, que celle-ci fait reproduire en peinture. En 1862, il publie un album sur l’Andalousie et meurt à Madrid avant d’avoir terminé un projet, Scrambles Through Spain. Clifford est un innovateur dans son attitude expérimentale lorsqu’il traite les sujets topographiques. Il reste un des très grands photographes anglais d’architecture, dominant parfaitement la technique du négatif verre collodioné avec tirage albuminé. C.B. CLOSE Chuck artiste américain (Monroe, Louisiane, 1940) Peintre hyperréaliste, il réalise d’après photographies de très grands tableaux représentant le plus souvent une tête vue de face (Susan, 1972, 252 × 226,5 cm). Reproduisant fidèlement les variations de netteté induites par l’objectif (léger flou du bout du nez en premier plan et de l’arrière des oreilles en fond, absolue précision des yeux), ses oeuvres proposent une réflexion sur vision et représentation, simulacre et réalité. Il présente, séparément, certaines de ses photographies de départ, entourées de ruban adhésif et avec un quadrillage tracé dessus pour permettre l’agrandissement peint (Richard A., 1975), mais aussi des recherches photographiques comme ses Autoportrait et Autoportrait en neuf parties (1979), reconstructions approximatives de son visage par assemblages d’épreuves Polacolor, ou encore des fragments de corps nus (Carter, ou Laura, triptyques, 1984). Ch.B. COBURN Alvin Langdon photographe britannique (Boston 1882 - Colwyn Bay 1966) Initié à la photographie par son cousin F.H. Day*, dont il hérite peut-être une tendance au non-conformisme, Coburn est le meilleur représentant du versant moderniste du pictorialisme*. Esprit très cultivé, aux tendances mystiques, en contact avec les milieux artistiques les plus avancés de son époque, Coburn conduit pleinement une « oeuvre » d’artiste photographe, avec ses périodes esthétiques, ses pièces déterminantes, ses phases occultées, ses moments prospectifs. Né à Boston dans une famille d’industriels, voyageant souvent en downloadModeText.vue.download 134 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 134 Europe, lié à E. Steichen*, A. Stieglitz* ou R. Demachy*, il expose déjà à Londres en 1900 et reçoit des leçons de G. Käsebier*. Devenu ami de F. Evans* et G.B. Shaw*, il est introduit auprès des écrivains pour faire leur portrait, dans un style dérangeant qui joue sur le naturel et le gros plan du buste, et que lui autorise sa jeunesse. Ayant appris la technique de l’héliogravure, il tire lui-même les planches de ses portfolios London et New York. À l’affût des nouveautés (il pratique l’autochrome* dès 1907), il cherche aussi à tirer le meilleur parti des idées nouvelles ; son parcours artistique est ainsi semé de belles réussites dont, parfois, l’originalité passe inaperçue. Il en est ainsi de certaines de ses 26 images publiées dans Camera Work, des photographies du Grand Canyon (1911), de son Octopus (1912), de sa Maison aux mille fenêtres (1912), du portrait de Yeats (1908), des illustrations pour The Cloud de Shelley (1912). Ses vues de ports, d’ouvriers, de villes-machines enfumées et grondantes sont bien loin du pictorialisme de salon. Son expérience la plus avant-gardiste en photographie est menée en janvier 1917, dans le cadre du vorticisme fondé par Ezra Pound et Wyndham Lewis : ce sont les Vortographes, photographies d’effets de lumière dans une sorte de kaléidoscope. Après une dernière publication de por- traits de célébrités artistiques (More Men of Mark, 1922), installé au pays de Galles, il semble privilégier son parcours personnel dans la franc-maçonnerie, tout en continuant à photographier. Tenue par des exigences intellectuelles et artistiques, la vision de Coburn est certes parfois aristocratique, souvent teintée de connotations spirituelles, comme si le langage de l’image devait passer par la métaphore, par le symbolisme de l’ombre et de la lumière, du bas et du haut, du noir et du blanc, qui sont effectivement les fondements de la pratique photographique. Ses photographies sont conservées dans de nombreux musées, notamment à Rochester (George Eastman House) et à New York (M.O.M.A.). M.F. COHEN Lynne photographe américaine (Racine 1944) Cohen a multiplié les photographies d’intérieur – essentiellement en noir et blanc – et plus particulièrement de salles d’attente, de vestibules, de halls d’accueil. La notion de décor est apparentée, dans son travail, à la banalité des lieux photographiés, au sens où l’artiste parvient à théâtraliser l’ordinaire des espaces représentés. Cohen se place en deçà de toute formule réaliste ou objective. Elle exploite les qualités d’une image qui demeure toujours à la surface des choses, en mettant en évidence des jeux de symétrie de formes, d’objets ou de rapports de matières. Dans cette distanciation des sujets, la question du vide des lieux, du non-sens émerge, parallèlement. Rien dans l’image qui ne soit notifiable, remarquable. Cohen expose en France depuis 1988 (galerie Samia Saouma, Paris). Le musée des Arts décoratifs de Zurich lui a consacré une exposition personnelle en 1989. Ses photographies sont conservées dans les collections de nombreux musées, principalement aux États-Unis et au Canada. S.C. COLLARD Auguste Hippolyte photographe français (Valençay 1812 - après 1887) Après avoir exercé la profession de doreur sur bois, à Paris en 1838 puis à Poitiers de 1839 à 1850, Collard pratique la photogra- phie en amateur à partir de 1842, mais on downloadModeText.vue.download 135 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 135 ignore pourquoi il décide d’en faire son métier en 1850, alors qu’il avait atteint aisance et notoriété dans son activité précédente. Il s’installe alors à Paris, où il travaille dixhuit mois dans l’atelier Wulff et Cie avant de fonder sa propre entreprise avec ses deux frères. Il commence par pratiquer le portrait, se lance dans les reproductions d’oeuvres d’art et se forge rapidement une solide réputation. Primé à l’Exposition universelle de 1855 à Paris, il participe à celle de Londres en 1862, et Ernest Lacan peut dire de lui à cette époque : « Ses spécimens prouvent que l’on peut faire de l’art tout en travaillant pour l’industrie. » Parallèlement, il se spécialise dans la photographie d’ingénierie, qui constitue la part la plus originale de son oeuvre. De la réalisation en 1857 d’un premier album consacré à la reconstruction du pont Saint-Michel à son dernier reportage sur le barrage de Noisiel en 1885, il collabore pendant plus de vingt-cinq ans avec l’Administration des travaux publics et en particulier avec les Ponts-et-Chaussées, effectuant près de vingt séries de photographies sur les chantiers de ponts, viaducs, barrages, etc. Ces images de commande, documents de travail pour les ingénieurs, sont aujourd’hui appréciées pour leur beauté propre, leur modernité, le talent que Collard, en cela proche de E. Baldus*, de L.-É. Durandelle* ou des Bisson*, a déployé pour mettre en scène ces nouveaux chefs-d’oeuvre de l’art industriel. S.A. COLLECTIONNEURS On a cru longtemps que les hommes du XIXe siècle, en amassant des images sur un ou plusieurs thèmes, se sont surtout attachés à leur représentation en ignorant leurs auteurs. Le prince Roland Bonaparte a ainsi réuni près de 17 000 images ethnographiques. Des découvertes récentes nous autorisent cependant à parler de collectionneurs d’épreuves dès le XIXe siècle. La redécouverte, en 1992, dans la collection du duc d’Aumale, de somptueux tirages photographiques signés par les plus grands maîtres du XIXe siècle montre qu’il a su également rassembler des pièces contemporaines considérées aujourd’hui comme majeures dans l’histoire de la photographie. La présence au musée d’Orsay d’un volumineux album ayant appartenu au duc de Chartres vient confirmer ce goût pour la collection chez des aristocrates. L’écrivain et critique Francis Wey parle aussi en 1866 de sa collection de photographies. Aux États-Unis, les collections formées par A. Stieglitz* au début du siècle et par Julien Lévy dans les années 1930 sont les premières à réellement intégrer la photographie dans une collection d’art contemporain. Ces premiers collectionneurs du XXe siècle ont non seulement constitué des collections d’oeuvres contemporaines, mais souvent ils ont favorisé à divers titres la naissance de collections dans les musées. David Mc Alpin (famille Rockefeller) commence, dans les années 1930, à collectionner des photographies contemporaines. En 1940, grâce à son apport financier, il permet la création du département des photographies du Museum of Modern Art de New York (M.O.M.A.). Soutien financier au Metropolitan et dans d’autres institutions, il a donné sa propre collection à l’université de Princeton. Parallèlement, une première génération de collectionneurs s’intéresse à la photographie ancienne. En France, pendant les années 1930, un homme comme Victor Barthélémy, en rassemblant des images du vieux Paris pour leur valeur historique, fait figure de pionnier. L’International Center of Photography de Rochester doit sa richesse à deux collections privées de downloadModeText.vue.download 136 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 136 cette première génération : celle d’Alden Scott Boyer, qui a commencé à collectionner vers 1938 en utilisant le catalogue de l’exposition de B. Newhall* comme un guide et celle du Français Gabriel Cromer. À l’exception de la collection Cromer, les grandes collections privées d’images anciennes réunies en France entre les deux guerres sont allées enrichir le fonds de la Bibliothèque nationale, comme la collection Sirot, acquise en 1955, ou la collection Albert Gilles, en 1960. Ces collectionneurs ont sauvé des documents qui pendant des décennies ont été détruits ou dispersés ; la photographie, comme le souligne André Jammes, « nous est parvenue dans un état d’art sinistré ». À cette première génération de collectionneurs sauveteurs qui a rassemblé des photographies sans presque aucune référence historique succède, entre la En de la Seconde Guerre mondiale et le début des années 1950, une nouvelle génération où le collectionneur devient aussi historien. En Europe, A. Jammes et Helmut Gernsheim commencent chacun une collection encyclopédique. Avec l’apparition des premières galeries dans les années 1970, de très nombreux collectionneurs réunissent des ensembles historiques ou contemporains qui souvent constituent les noyaux des plus belles collections publiques. En 1984, le J. Paul Getty Museum, à Malibu, s’est porté acquéreur de trois importantes collections privées : celle de l’avocat Arnold Crane, commencée au milieu des années 1960 et dans laquelle ont puisé de nombreuses institutions pour organiser des expositions, celle de Samuel Wagstaff, qui, depuis 1973, a rassemblé de belles épreuves anciennes, et celle de Bischofberger. En France, quelques collectionneurs privés ont favorisé l’entrée de la photographie dans les musées des beaux-arts. La collection Bernard Lamarche Vadel, exposée à Poitiers en 1983, a été en partie acquise en 1986 par le musée Sainte-Croix. D’autres collections, comme celle de Graham Nash en 1990, ont été dispersées lors de ventes aux enchères. La présence de nombreuses galeries, la multiplication des ventes aux enchères ont modifié peu à peu l’attitude du collectionneur. Le chineur qui pendant de nombreuses années a trouvé ses trésors sur les marchés aux puces a cédé la place à une autre génération, qui choisit ses pièces une à une, qu’il s’agisse d’oeuvres anciennes ou de création contemporaine. A.M. COLLECTIONS Si, dès les débuts de la photographie, de façon très ponctuelle, des photographies ont été rassemblées pour leurs qualités esthétiques par des collectionneurs*, elles ont d’abord servi à constituer des fonds documentaires dans des institutions très diverses. Le pouvoir exceptionnel de représentation de la photographie a occulté le fait qu’elle proposait aussi un nouveau langage visuel. Les fondateurs de la S.F.P.* (1854), scientifiques, artistes, amateurs éclairés ou professionnels, ont les premiers conservé à titre d’exemple des photographies en s’intéressant autant aux progrès techniques du médium qu’à ses qualités esthétiques. La collection de la S.F.P. est une conséquence de l’activité de cette société savante. L’histoire des fonds documentaires commence en 1851. Les premières épreuves éditées par L.-D. Blanquart-Évrard* sont reversées à la Bibliothèque nationale par le biais du dépôt légal. Les épreuves et les négatifs de la Mission héliographique* sont enregistrés sur les registres des archives de la Commission des Monuments historiques. Les fonds s’accroissant rapidement, on recense déjà, vers 1880, près de 10 000 downloadModeText.vue.download 137 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 137 épreuves dans ces archives. Dans le sillage de ces deux pionniers, des musées, au sein de leur cabinet d’estampes, des bibliothèques, des écoles constituent des collections d’images sans particulièrement s’intéresser aux auteurs de ces documents. Les acquisitions du Victoria and Albert Museum (Londres) commencent dès son ouverture, en 1856, suivies par celles des bibliothèques de l’École des ponts et chaussées (1857), du musée des Arts décoratifs (1864), de l’École des beauxarts (1866), de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (1872), du musée des Monuments français (1889), du cabinet d’estampes du musée Carnavalet (1881), de la Société de géographie (1881). Avant la maîtrise des techniques d’impression de photographies, ces fonds représentent un accès irremplaçable à l’image. Après la Première Guerre mondiale, la consultation des livres illustrés remplace celle des photographies, et la plupart de ces fonds, cessant d’être consultés, ralentissent leurs acquisitions. Les premières collections publiques qui s’intéressent en priorité aux auteurs naissent d’abord dans des musées des beaux-arts aux États-Unis (voir entrée Musée et photographie). Ces musées sont ensuite relayés par des universités. C’est l’Allemagne qui ouvre la voie. En 1959, O. Steinert*, enseignant à l’École Folkwang de Essen pour les arts appliqués, propose de constituer, à côté de son enseignement, une collection représentative de la photographie, et en réalise les premières acquisitions dès 1959. Cellesci sont activement poursuivies lors de la première vente qui se tient à Genève en 1961. Cette collection est aujourd’hui conservée au musée Folkwang. C’est cependant aux États-Unis encore, où l’intérêt pour la photographie et son enseignement se développe de façon importante, que ce phénomène connaît un vrai succès. L’université d’Austin au Texas acquiert en 1964 la collection de l’historien Gernsheim. L’université du Kansas commence à collectionner en 1968. En 1967, grâce à son président Samuel W. Sax, l’Exchange National Bank est à Chicago le premier groupe financier à collectionner la photographie. Au milieu des années 1970, Howard Gilman, président de la Gilman Paper Company, décide de constituer au sein de son groupe une collection de photographies. Pierre Apraxine est nommé spécialement pour rechercher les pièces et procéder aux acquisitions. La collection, qui réunit des pièces exceptionnelles, est considérée aujourd’hui comme la plus importante collection privée. En France, un intérêt pour la photographie se manifeste à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Les nombreuses institutions déjà citées redécouvrent leurs fonds documentaires, identifient des auteurs, modifient leur classement. Des fonds d’archives de presse comme ceux de la Hulton Deutsch ou ceux de ParisSoir, Match et France-Soir, sauvés par la B.H.V.P. en 1990, sont valorisés comme des collections. En 1982, en France, la création des Fonds régionaux d’art contemporain correspond à la création d’autant de collections qui intègrent la photographie, et plus particulièrement la photographie plasticienne. De nombreuses fondations se mettent aussi à collectionner : en 1980, la Fondation culturelle Télévisa confie à M. Alvarez Bravo* le soin de constituer une collection historique. La Fondation Select, en Suisse, acquiert, entre 1989 et 1993, plus de 300 pièces majeures des années 1950 à 1970. A.M. downloadModeText.vue.download 138 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 138 COLLIAU Eugène photographe français (actif de 1859 à 1867) Élève parisien de G. Le Gray*, il opère sur papier ciré et sur plaques au collodion* humide ou sec. Son atelier de portraits se double un temps d’une imprimerie photographique (qui tire des clichés qui ne sont pas de lui). Il a un répertoire varié : reproductions d’oeuvres d’art et de modèles industriels, monuments, paysages, scènes rurales. Six marines antérieures à 1861, louées par certains de ses contemporains autant que celles de Le Gray, sont conservées à la Bibliothèque nationale. C’est à lui que ce maître confia le soin de diffuser la séquence des barricades de Palerme. B.M. COLLODION HUMIDE Inventé en 1848 par l’Anglais F.S. Archer*, le procédé au collodion humide apparaît publiquement en novembre 1851. Ce procédé négatif sur verre est le plus populaire jusqu’en 1880, où la plaque à la gélatine sèche vient le supplanter. Pour réaliser une prise de vue au collodion humide, on enduit une plaque de verre d’une préparation au collodion, dans lequel on a fait dissoudre des sels de bromure et d’iodure. Devenue sensible à la lumière, la plaque de verre encore humide est placée dans un châssis, avant d’être exposée. On développe l’image en employant comme révélateur du protosulfite de fer ou de l’acide pyrgallique. Le négatif est alors fixé dans une solution saturée d’hyposulfite de soude, puis lavé. Pour une meilleure conservation, on passe sur l’épreuve un vernis à l’alcool qui a l’avantage en durcissant de lui assurer une protection. Malgré de nombreux inconvénients – le poids et la fragilité du verre ; la difficulté d’appliquer le collodion dans l’obscurité et de développer la plaque impressionnée avant qu’elle ne soit sèche ; l’obligation de transporter une chambre noire portative, les produits chimiques et l’appareil luimême –, les avantages de ce procédé sont si grands qu’ils compensent les difficultés de l’opération. La finesse du grain et la clarté de ses blancs permettent d’obtenir une grande précision dans les détails et un large éventail de tonalités, autant de caractères que des portraitistes tels que Nadar* ou Carjat* ont su porter à leur plus haute expressivité esthétique. J.-L.G. COLOMB Denise photographe française (Paris 1902) Elle étudie le violoncelle et entre au Conservatoire de Paris. À cause du trac, elle abandonne cette carrière. Elle aborde la photographie en amateur, pendant un séjour en Indochine (1935-1937). Dix ans plus tard, en 1947, elle souhaite devenir photographe. Son frère Pierre Loeb, marchand d’oeuvres d’art et fondateur de la Galerie Pierre à Paris, lui présente Aimé Césaire. Ému par ses photographies, le poète lui propose de participer à la mission dirigée par Charles Leiris aux Antilles, à l’occasion du centenaire de l’abolition de l’esclavage. Avant ce premier reportage, son frère lui fait rencontrer Antonin Artaud, dont elle saisit le visage angoissé. C’est le début d’une série de portraits qui constitue le centre de son oeuvre. Au cours des années 1950-1960, elle photographie les nombreux peintres ou sculpteurs que Pierre Loeb lui présente : Vieira da Silva, Picasso, Giacometti, de Staël. Édouard, son autre frère, Christian Zervos, directeur des Cahiers d’art, et François Mathey, conserdownloadModeText.vue.download 139 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 139 vateur au musée des Arts décoratifs, favorisent à leur tour de nouvelles rencontres : Max Ernst, Braque, Chagall, César. Dans l’espace révélateur de l’atelier, elle cherche le mystère de la création. À côté de ces portraits sans artifice, elle pratique des solarisations, des surimpressions qui témoignent d’un certain raffinement, et développe une oeuvre qui, par sa sensibilité, sa curiosité, la rattache à la génération des photographes français de l’après-guerre. Le 18 novembre 1991, elle a fait don de l’ensemble de son oeuvre à l’État français, qui lui a organisé une rétrospective à Paris en 1992. A.M. COMESAÑA Eduardo photographe argentin (Buenos Aires 1940) Après des études de commerce à La Plata, Comesaña obtient un diplôme de l’École supérieure des beaux-arts. D’abord photo-journaliste à Primera Plana, à Buenos Aires, en 1964, il est au magazine Confirmado de 1966 à 1968. Lors de sa première exposition en 1969, le directeur du magazine Look remarque ses images, en particulier des portraits de Jorge Luis Borges, et il obtient un prix qui l’incite à partir aux États-Unis. Il rencontre Cornell Capa, A. Adams* et les éditeurs de Time-Life. Son passage au Grupo de Cine Experimental et l’influence de Moneo Sanz, lui fait comprendre à quel point le cinéma et la photographie sont deux langages complémentaires. De 1974 à 1983, il donne des cours privés, voyage en Europe et ouvre en 1977 à Buenos Aires, une agence de presse. À titre personnel, il photographie les acteurs de théâtre et publie un livre en 1972, Fotos poco conocidas de gente muy conocida. En 1977 et 1978, il enseigne à l’école Panamericana de Arte de Buenos Aires et voyage en Europe et aux États-Unis. Membre Fondateur du Consejo argentino de fotografía, à Buenos Aires, il poursuit ses déplacements à travers le monde et rencontre lors de conférences, des grands photographes de renommée internationale, tel A. Kertész*. En 1983, il obtient une médaille de bronze à la première Biennale internationale de photographie de São Paulo, au Brésil. Par son passage au Grupo de Cine Expérimental et à l’université du Cinéma, sous l’influence de Moneo Sanz, Comesaña comprend que photo et cinéma sont deux langages complémentaires. Il se sent très proche de H. Cartier-Bresson* par sa manière de voir le monde et la connaissance de chaque étape qui permet un contrôle sur l’image finale. Ses Visages de Buenos Aires (1981), Funérailles de Perón (1974) et Vision de New York (1970-1972) sont des ouvrages qui nous permettent par leur diversité de comprendre les caractères des hommes de plusieurs continents. V.E. COMPTE-POSE Appareil indiquant la durée d’exposition* dans les opérations photographiques. S.R. CONDENSEUR Combinaison optique, généralement faite de deux lentilles plan-convexes assemblées par une monture, la convexité à l’intérieur, et ayant pour objet de concentrer la lumière vers l’objectif d’un appareil de projection ou d’un agrandisseur photographique en éclairant uniformément la diapositive ou le cliché. S.R. downloadModeText.vue.download 140 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 140 CONSERVATION DES PHOTOGRAPHIES Le souci de préserver les photographies date du début de leur histoire. Si le daguerréotype, premier procédé commercialisé, était relativement stable, il avait l’inconvénient d’être un objet unique dont les possibilités de diffusion étaient donc très limitées. Les premières épreuves argentiques sur papier tirées d’après un négatif permettaient bien une multiplication des tirages, mais elles se sont très vite révélées être chimiquement instables. Dans les années 1850, les travaux des pionniers de la photographie prirent deux directions : la recherche de procédés dits « permanents », non argentiques, et l’amélioration de la stabilité des procédés aux sels d’argent. En France, en 1855, A. Poitevin* met au point les tirages au charbon, basés sur la sensibilité à la lumière des colloïdes bichromatés. L’image finale est composée de gélatine et de pigments minéraux, stables. W. Willis publie en 1873 un procédé photographique dont l’image finale est composée de platine, métal très peu oxydable. À la suite des gravures daguerriennes, les procédés photomécaniques*, tels que l’héliogravure et la photolithographie, ont par ailleurs permis d’obtenir des images composées d’encres d’imprimerie d’après une matrice photographique. Également dans les années 1850, la Société française de photographie et la Royal Photographic Society britannique ont commandité des commissions afin de comprendre les grandes causes d’altération des images argentiques. À la fin des années 1860, grâce à ces travaux, une amélioration de la stabilité des images était obtenue. Les effets nocifs d’un mauvais traitement de fabrication étaient connus ; et l’introduction de la pratique du virage à l’or séparé du bain de fixage a permis d’augmenter la permanence des images argentiques. L’influence des facteurs climatiques (température et humidité) fut également reconnue dès cette époque. La fin de l’époque artisanale de la photographie et les débuts de l’industrialisation des surfaces sensibles ont laissé le champ libre aux laboratoires de recherche privés qui, comme celui de Kodak, se sont penchés à partir de 1912 sur le problème de la conservation de leurs produits. Face à la multiplication des techniques et à l’inflation des images, ils ont surtout diffusé des informations techniques sur les traitements de fabrication des images traditionnelles en noir et blanc. Les instituts de normalisation américains (American National Standards Institute, ANSI) ou internationaux (International Organization for Standardization, ISO), composés de représentants des industries, de laboratoires privés ou d’institutions publiques, se sont également penchés sur les matériaux photographiques à partir des années 1970. Ils donnent des indications sur la fabrication des images et leur conservation à long terme. Ils s’appuient sur des méthodes de vieillissement accéléré et obtiennent des résultats par comparaison et extrapolation. Depuis les années 1960, la conscience de la valeur historique des photographies originales s’est établie au sein des institutions culturelles. D’abord aux États-Unis, puis en Europe, les colloques et les séminaires spécialisés se sont multipliés, installant le domaine de la conservation des photographies dans celui de la conserva- tion des biens culturels. Aux laboratoires de recherche qui se sont préoccupés des matériaux photographiques à partir des années 1970 (Rochester Institute of Technology, Archives publiques du Canada, Centre de recherche sur la conservation downloadModeText.vue.download 141 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 141 des documents graphiques, en France...) se sont adjoints des ateliers de conservation et de restauration au sein de collections publiques, ateliers spécialisés dans la photographie. Le premier est celui de George Eastman House à Rochester, créé en 1975. La plupart des organismes internationaux ou nationaux de conservation possèdent actuellement des groupes de travail spécifiques sur la photographie qui se réunissent régulièrement ; c’est par exemple le cas de l’International Council of Museum (ICOM), de l’International Institute of Conservation (IIC) ou de l’American Institute for Conservation of Historic and Artistic Works (AIC)... Critères actuels de conservation Grâce à tous ces efforts, il est aujourd’hui possible de planifier dans les collections photographiques des programmes rationnels de conservation. Ceux-ci s’appuient sur deux priorités : le soin apporté aux traitements de fabrication des images modernes et à la manipulation des oeuvres, et le contrôle des conditions ambiantes. Un fixage inadéquat ou un lavage trop court risquent d’altérer chimiquement les images en attaquant l’argent. Il est possible de contrôler ce phénomène par un dosage des sels résiduels effectué rapidement après la fabrication de l’image. En outre, les images étant fragiles, des manipulations maladroites peuvent endommager irrémédiablement la couche image (traces de doigts, saletés, rayures, plis ou lacunes dans l’émulsion...). Leur protection individuelle au stockage ou à la consultation peut éviter ces phénomènes. Pour ce qui est du contrôle des conditions ambiantes, plusieurs paramètres entrent en compte. Les fluctuations de températures et d’humidité sont à éviter. Une température élevée, alliée à une forte humi- dité, va accélérer le processus d’altération chimique des images. Une climatisation des réserves permet de contrôler ces facteurs. Dans le cas des collections en noir et blanc, l’humidité relative doit être comprise entre 30 et 40 % (à + ou – 4 %) et la température entre 18 et 20 °C (à + ou – 4 °C). La stabilisation des colorants des photographies en couleur ne peut se faire que par un conditionnement en chambre froide. Pour la consultation, il est alors nécessaire d’éviter toute condensation sur l’épreuve grâce à un déconditionnement progressif. Lors des expositions, la lumière peut décolorer certains éléments de l’image, surtout dans le cas des photographies anciennes ou en couleur. Il est alors nécessaire de limiter la durée de l’exposition (l’effet de la lumière étant cumulatif) et l’intensité lumineuse à 50 lux (150 lux étant acceptable pour les photographies modernes en noir et blanc). La quantité de rayons ultraviolets doit enfin être inférieure à 75 microwatts par lumen. Autre paramètre, les gaz polluants doivent être filtrés car ils ont une action oxydante sur l’argent et attaquent également certains supports d’image. Enfin, les boîtes et pochettes de mauvaise qualité doivent être remplacées par des contenants en carton ou en papier neutres à base de fibres de haute qualité, ou par d’autres matériaux inertes vis-à-vis des images argentiques, tels que le polyester non traité, le polyéthylène, le polypropylène... L’évolution des connaissances dans ce domaine étant rapide, il est enfin toujours conseillé aux utilisateurs de se référer aux dernières normes techniques en vigueur afin d’être à jour. A.C.-B. CONTACT Épreuve obtenue en mettant le papier sensible en contact avec le phototype négatif ou positif à tirer. downloadModeText.vue.download 142 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 142 Planche-contact, tirage* par contact de toutes les vues d’un film sur une même feuille de papier sensible. S.R. COPLANS John ar tiste britannique (Londres 1920) Né à Londres, aviateur dans l’armée britannique pendant la guerre, peintre ayant travaillé à Londres et Paris, émigré en 1960 aux États-Unis, où il enseigne à Berkeley University, il est cofondateur de l’importante revue d’art contemporain Art-forum en 1962 (dont il est rédacteur à partir de 1971). Il cesse d’exposer ses peintures en 1963, devient conservateur du Pasadena Art Museum (1965-1967) et de l’Akron Art Museum (1978-1980), organise des expositions (Roy Lichtenstein, A. Warhol*, Frank Stella, Weegee*, photographies de Brancusi*). De retour à New York en 1980, il décide de se consacrer à la photographie, à soixante ans, et, après des portraits, il choisit exclusivement son propre corps pour modèle, à l’encontre de tous les poncifs du médium. C’est la série des Selfportraits, commencée en 1984, cadrages plus ou moins serrés de fragments corporels, à l’exclusion du visage, qui exploite toutes les possibilités du point de vue photographique, cet oeil-limite qui lui permet de se découvrir lui-même. La notion même d’autoportrait est dépassée, puisqu’il ne s’agit pas d’une représentation individuelle identitaire, et pourtant l’égocentricité de la démarche est réelle. L’extrême précision, associée à l’agrandissement démesuré du tirage, dématérialise le corps réel en une surface apparente où tout est exhibé sans pouvoir cependant signifier un corps particulier. La fragmentation anatomique (amplifiée maintenant par des recompositions en plusieurs épreuves juxtaposées mais indépendantes) renvoie à l’illusion d’une unité descriptive énonçable par le langage ; la nudité universalise le propos et libère de toute référence temporelle : « Nu, le corps appartient au passé, au présent et au futur » (Coplans). M.F. COPPOLA Horacio photographe argentin (Buenos Aires 1906) Initié à la photographie dès ses études secondaires à Buenos Aires, il voue une grande admiration à E. Weston*. Le droit, la philosophie et l’étude des langues occupent toute son adolescence. Dès 1928, sa rencontre avec José Luis Borges lui permet de réaliser ses premières photographies pour l’ouvrage Evaristo Carriego. Pendant deux ans, il voyage à travers l’Europe pour étudier l’histoire de l’art et parfaire ses connaissances artistiques. Ayant acheté un Leica, il contacte Mies Van der Rohe au Bauhaus*, où il apprend la photographie en 1932 avec W. Peterhans* et le cinéma avec K. Frölich. Il poursuit ses voyages dans les capitales d’Europe centrale, à Vienne, Budapest, Prague où il réalise des photographies de rues avec des passants très expressifs. Il collabore avec le studio Ringl und Pit, avec Ellen Auerbach et G. Stern*, qu’il épouse par la suite. Après la fermeture du Bauhaus, il vient en 1934 à Paris où il collabore avec Christian Zervos aux Cahiers d’art et fait des portraits d’artistes : Le Corbusier, Joan Miró, Henry Moore, Marc Chagall. Il réalise un film, les Quais de la Seine, et l’année suivante, en 1935, à Londres, Un dimanche dans la chaleur d’Hampstead. Il rentre à Buenos Aires avec Grete Stern pour produire d’autres films, dont Ainsi naît l’obélisque. Il installe un studio avec sa femme en 1937. Ses images ne sont jamais downloadModeText.vue.download 143 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 143 signées, mais portent un numéro. Il continue ses voyages – au Brésil, en France, en Italie –, qui lui permettent de publier des livres d’art : Huacos precolombinos (1937), Huacos, cultura chimú et Huacos, cultura chancay (1934), Sarmiento de Rodin (1944) et Paestum y l’Alhambra. En 1959, il se sépare de sa femme et épouse Raquel Palomeque. Dans les années 1960, la Galerie Van Riel de Buenos Aires présente son oeuvre Divertissement, série d’abstractions, une autre forme d’expression photographique qu’il défend. Lié au cercle des intellectuels de Buenos Aires, il est toujours à l’avant-garde des courants esthétiques. En 1966, l’université de Santiago du Chili lui consacre une rétrospective. En 1975, il est nommé professeur de photo à l’École de muséologie de Buenos Aires. En 1984, il crée le groupe Imagema et présente son travail dans de nombreux musées, dont la Fondation San Telmo pour sa rétrospective à l’âge de 78 ans. V.E. CORDIER Pierre photographe belge (Bruxelles 1933) Pratiquant la photographie depuis l’adolescence, il devient vite photographe professionnel, tout en menant des recherches personnelles. En 1956, il invente le chimigramme, image obtenue sans appareil, par l’action directe de produits chimiques sur l’émulsion photographique : le support est recouvert d’un produit localisateur – peinture, vernis, matière grasse – qui va s’éroder sous l’action des liquides révélateurs, donnant des noirs et des couleurs (tons souvent bruns, rouille, mordorés, ou bleus et verts intenses), et des fixateurs, donnant les blancs. L’oeuvre de Cordier, qui effectue un stage de quatre mois avec O. Steinert* à Sarrebruck, est très variée : parfois il laisse la priorité aux réactions chimiques qui produisent des compositions abstraites d’une extrême précision de détail (chimigrammes 28/5/61 et 19/2/71 II), parfois il engendre une construction géométrique nette (Minimal Photographie, chimigramme 30/8/77 VII, 1970). Il peut aussi mêler photographie et chimigramme, comme dans Hommage à Muybridge (photo-chimigramme 6/10/77 II, 1972), qui met en scène les étapes successives de la traversée d’un cheval avec son cavalier, ou Hommage à Marey (photo-chimigramme 27/9/78 II, 1975), qui reprend les mouvements du vol d’un oiseau, entourés de volutes concentriques. Chargé de cours à l’École nationale supérieure des arts visuels de la Cambre, à Bruxelles, depuis 1965, il a exposé à la Bibliothèque nationale de Paris en 1979, aux musées Réattu à Arles et Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône en 1980, à la Benteler Gallery à Houston, au Texas, en 1983, etc. Ch.B. CORRAL Varela Raúl (dit Corrales) photographe cubain (Ciego de Ávila 1925) Après des études de technique graphique et de journalisme à l’école Manuel Mar- quez Esterlin, il travaille comme photographe à l’agence Cuba Soño-Film à partir de 1945, puis au journal Noticias de Hoy et au magazine Revista Carteles en 1954. Il entre en 1959 à l’Institut national de réforme agraire comme directeur du département photo, puis à la revue INRA et à la revue Cuba jusqu’en 1962. Il est chef du département central de la photo à l’Académie des sciences de La Havane de 1962 à 1973, et enfin directeur de la section des microfilms et des photos du Conseil d’État. Il reçoit de nombreuses récompenses, dont downloadModeText.vue.download 144 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 144 un premier prix au Salon national des arts plastiques UNEAC (1979), un grand prix au Salon national de La Havane (1980) et le prix du ministère de la Culture la même année, ainsi que les distinctions Alejo Carpentier (1983), Felix Elmuza (1984), Raúl Gómez García (1986) et l’Ordre Félix Varela (1989). Il expose dans son pays et dans toute l’Amérique latine – Argentine, Venezuela, Brésil – et, récemment, à Milan et à New York, ainsi qu’en France : en Arles, lors d’une soirée latino-américaine, à Paris, au Centre Georges-Pompidou. Corrales a développé ses talents de photographe dans la période prérévolutionnaire et après la révolution afin de témoigner des efforts de la société pour sortir du régime précédent. D’origine modeste, il a toujours gardé une grande humilité pendant les moments les plus troublés de l’histoire de son pays, tout en devenant une importante figure historique de la photographie cubaine. Ses images, telles que l’entrée de Camilo à cheval à La Havane en 1959, les hordes de cavaliers avec les drapeaux dans la campagne, les portraits de miliciens et de paysans et les défilés de femmes armées à La Havane, ont été publiées dans le monde entier. V.E. COSTE Ferdinand photographe français (Rossily 1861 - Lacanche 1932) Fils d’un photographe amateur bourguignon, Jules Ferdinand (1829-1873), dont le frère Théodore, banquier à Chalon, encourage en son temps les travaux de N. Niépce*, Coste, administrateur des mines de Blanzy, pratique la photographie en amateur éclairé. Sa charge est légère et ses revenus suffisants pour lui offrir les loisirs que nécessite sa passion de la photographie artistique. Il est présent dès 1892 à la première Exposition internationale de photographie à Paris, où son talent est reconnu par les chroniqueurs parisiens. Il devient alors membre correspondant du Photo-Club* de Paris (1895) et participe régulièrement au Salon parisien jusqu’en 1911. Dans sa région, l’Association des amateurs photographes de Dijon et de la Bourgogne le salue comme une gloire locale, et l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon lui décerne en 1898 une médaille d’argent. Après 1900, les succès critiques se font plus rares ; Coste rédige toutefois un important article consacré au paysage dans l’ouvrage collectif publié par le Photo-Club* de Paris : Esthétique de la photographie (1900). Les paysages bourguignons, mais aussi les métiers traditionnels des bois et des campagnes sont les sujets privilégiés de son iconographie. L’épreuve intitulée Dans la vallée (vers 1900, Bibliothèque nationale) montre cependant que Coste s’écarte du pittoresque grâce aux effets optiques qu’il affectionne ; tirant parti des brouillards et forçant la perspective atmosphérique, il est le premier à exploiter les ressources du téléobjectif pour accentuer les flous. Adepte du procédé au charbon*, il emploie les papiers préparés de Fresson ou d’Artigue, qui confèrent aux épreuves la densité des sombres et le velouté des surfaces. M.P. COULEUR Après l’échec des premières tentatives pour trouver une substance chimique capable de fixer les couleurs des objets, puis l’extraordinaire découverte de la méthode interférentielle par Lippmann en 1891 – qui apportait une réponse physique –, c’est finalement du moyen indirect de la trichromie* énoncé par Cros et Ducos du downloadModeText.vue.download 145 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 145 Hauron* qu’est issu le premier procédé industriel de photographie des couleurs, commercialisé par Lumière* sous le nom d’Autochrome* en juin 1907. L’apparition des procédés soustractifs* à développement chromogène*, tels que le Kodachrome (commercialisé en 1935 pour le cinéma et en 1936 pour la photographie) et l’Agfacolor (1936), mettra fin à son hégémonie. En 1939, le nouvel Agfacolor introduit le principe du film négatif-positif qui permet le tirage sur papier des négatifs en couleurs. Les années d’après guerre confirment définitivement la conquête du marché par ces procédés, qui comportent néanmoins de nombreux défauts dans l’exactitude de rendu des couleurs, les difficultés à obtenir des copies de qualité et la mauvaise conservation. La commercialisation de l’Ektachrome (HS) en 1959 marque le début des énormes progrès effectués dans le domaine de la sensibilité des pellicules couleur. Dès la commercialisation de l’Autochrome, la couleur est utilisée selon deux axes : documentaire et artistique. Si elle trouve son expression artistique entre les mains de A. Personnaz*, E. Steichen* ou H. Kühn*, c’est surtout dans l’entreprise documentaire qu’elle rencontre un développement d’envergure qui se poursuit après la guerre. Cela en particulier dans la constitution des Archives de la planète (1912-1931) ou encore dans la publication régulière dans de grands journaux illustrés comme l’Illustration ou le National Geographic Magazine. Avec l’arrivée des procédés soustractifs, la couleur devient rapidement le support ordinaire de la photographie amateur. C’est d’abord dans la mode, la publicité puis le reportage que la couleur se répand chez les professionnels. G. Freund* est l’une des premières à utiliser le Kodachrome pour ses portraits. Des photographes de mode tels que C. Beaton* ou I. Penn* donnent à la couleur ses lettres de noblesse. Une deuxième génération leur succédera avec H. Newton*, G. Bourdin* ou encore G. Tourdjman. Dans le domaine du reportage, la couleur n’est souvent considérée que comme un moyen d’accroître l’impact documentaire de l’image, répondant à des nécessités commerciales de diffusion dans les magazines. Régulièrement, la question de la valeur esthétique de la couleur par rapport au noir et blanc est portée au devant de la scène. Après le débat développé dans les milieux pictorialistes à l’apparition de l’Autochrome, on assiste vers 1950 à une résurgence à laquelle E. Weston* apporte une réponse d’une grande justesse. Dans un article paru dans Modern Photography en 1953, il explique que couleur et noir et blanc sont deux moyens d’expression complémentaires qui entraînent des choix artistiques différents : « ce sont deux moyens différents dont les buts sont différents ». Les années 1970 marquent une évolution dans la reconnaissance des possibilités artistiques de la couleur. Des photographes comme F. Fontana*, C. Pratt ou encore J. Batho* utilisent la couleur dans ses potentialités formelles, composant leur image par plans de couleurs, tout en gardant un lien avec le réel. En 1976, l’exposition consacrée à W. Eggleston* au M.O.M.A. de New York affiche les objectifs des photographes de la « new color photography ». Ceux-ci ne considèrent pas la couleur dans sa seule dimension formelle mais aussi dans ses dimensions descriptive, symbolique, expressive, pour représenter les emblèmes de la société de consommation américaine et ses revers. D’autres photographes choisissent la couleur pour ses possibilités de manipulation ; c’est le cas de L. Samaras*. Resserrant le lien de la photographie avec le réel, la couleur met du temps à affirmer ses propres downloadModeText.vue.download 146 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 146 potentialités par rapport au noir et blanc. Soumise aux contraintes à la fois techniques, commerciales et esthétiques, elle n’y parvient que récemment. N.B. COUPLEUR Composé susceptible de réagir avec le développateur* oxydé pour engendrer un colorant lors d’un développement* chromogène. Coupleur DIR (Development Inhibitor Releasing), nouvelle variété de coupleurs, créée à partir de 1969, et qui a notamment la propriété de libérer un agent inhibiteur lors du développement chromogène. Cet agent ralentit la formation de colorants parasites dans les couches où ces colorants ne sont pas souhaitables. Ainsi, le colorant magenta doit se former seulement dans la couche sensible au vert, et les coupleurs DIR se trouvant dans la couche voisine (cyan) empêchent la formation de magenta parasite dans cette couche cyan. Ces coupleurs empêchent aussi la formation de gros amas de colorants autour des grains d’argent. Ils améliorent donc la finesse de l’émulsion et sont en partie à l’origine des films* de haute sensibilité à grain fin. S.R. COURRET Eugène photographe péruvien d’origine française (France ? - France ?) Courret arrive à Lima probablement en 1861 et il y rencontre son compatriote Eugène Maunoury, qui possède un atelier de photographie dans la rue principale de la ville. Il avait été impressionné par un livre sur la capitale réalisé par cet artiste dont il devient le fils spirituel. De leur amitié naît la firme Courret Hermanos, qui fermera en 1863. Une nouvelle entreprise, qu’il nomme Eugenio Courret y Compañía, lui permet d’employer des assistants et d’acquérir des équipements photographiques perfectionnés. Il montre une grande partie de son travail dans des expositions internationales, où il remporte des premiers prix et une grande faveur du public de Lima, dont son studio devient le centre photographique. Ses portraits de femmes, présentés en format carte de visite ou en albums, reflètent le charme et l’élégance des bourgeois de la ville. Il montre son travail à l’Exposition universelle de 1900 et reçoit une médaille d’or. Bien plus tard, il décide de revenir en France, tandis que son successeur, Adolphe Dubreuil, poursuit son entreprise à Lima, montrant les mêmes qualités que son maître. Les oeuvres photographiques de Courret – plaques de verre – ont traversé plusieurs décennies malgré les divers tremblements de terre qui ont affecté Lima. Elles restent dans les archives de ses deux fils, Jorge et Antonio Renjifo Fowler. V.E. CRAVO NETO Mario photographe brésilien (Salvador 1947) Né dans l’État de Bahia, Cravo Neto entre très jeune en contact avec les personnalités du monde artistique grâce à son père, sculpteur de renom. Il est un des premiers photographes brésiliens à chercher à renouveler les modes d’expression. Il réalise ses premières expériences en dessin et sculpture et s’intéresse à l’entomologie avec le professeur Octavio Mangabeira Filho. En 1964, durant un séjour à Berlin, il suit des cours de graphisme et de photographie. De retour au Brésil en 1966, il travaille à l’ambassade américaine de Rio de Janeiro avec Hans Mann, et comme downloadModeText.vue.download 147 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 147 assistant de F. Roiter* lors de son passage à Bahia. Professionnel à partir de 1971, il expose au Brésil et à l’étranger et publie ses images dans Veja, Manchete Vizão. Dans ses recherches, il s’attache à une expression formelle et esthétique à travers les contrastes de lumière et d’ombre, en accentuant les clairs-obscurs. Il expose, en 1978, avec P. Verger*, ses premières images, déjà empreintes de mysticisme. Il participe à l’exposition sur l’Amérique latine organisée en 1981 par le Kunsthaus de Zurich. En 1983, il est représenté au Centre GeorgesPompidou lors de l’exposition collective le Brésil des Brésiliens et publie un livre sur ses photographies et ses sculptures (Cravo, aux éditions Aries Editora). Formes, couleurs, noir et blanc, tout l’exotisme et la volupté de Bahia se retrouvent dans ses portraits de femmes, par exemple. Sa recherche jusqu’à l’obsession des nuances et des gammes de noir et de gris profond marque son style d’une beauté mystérieuse. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont notamment A Cidade de Bahia (1980) pour lequel il reçoit un prix dans son pays, et Exvoto, ouvrage sur sa photographie et sa sculpture. Il participe en 1991 aux Rencontres internationales de la photographie d’Arles et présente des expositions personnelles aux États-Unis (Body to Earth, 1992, Los Angeles) et à Lisbonne. V.E. CRÉMIÈRE Léon photographe français (Paris 1831 - id. 1913) Formé dans l’atelier de A. Disdéri, il s’associe avec Erwin Hanfstaengl, frère du célèbre photographe munichois F. Hanfstaengl*. Leur collaboration est attestée en 1860 et 1861, qui est aussi l’année où Crémière adhère à la S.F.P.* Il expose à Paris en 1861, 1863, 1864 et 1865, à Marseille en 1861 et à Londres en 1862. Il réalise avec Hanfstaengl des portraits de l’aristocratie, des artistes et des célébrités du second Empire, une série de portraits d’officiers généraux français en 1861 et un Album militaire de l’empereur. À partir de 1862, à la tête de son propre atelier, il se consacre surtout à la photographie animalière, très en vogue à cette époque. Comme photographe de la maison de l’empereur, il réalise des images de la vénerie du prince Napoléon puis des portraits de Touareg en visite à Paris en 1862, des vues d’expositions canines en 1863 et 1865, des chevaux et des boeufs du Jardin d’acclimatation en 1864. En 1865, il publie un album de trente-six photographies de chiens de chasse dont le texte est dû à Jean-Emmanuel Le Couteulx de Canteleu, autorité cynégétique de l’époque, ami de sa famille, et qui serait à l’origine de son intérêt pour la chasse et les animaux. Pour faire connaître ses travaux à la clientèle, il fonde en 1866 une revue illustrée, le Centaure, spécialisée dans le sport, la vénerie, l’agriculture et les arts. Il abandonne son atelier en 1871, travaille chez TissotDupont, produit à nouveau sous son nom en 1872 des photographies de l’exposition canine des Tuileries, puis quitte la France pour la Russie, où on suppose qu’il a exercé la photographie de 1873 à 1878. S.A. CRESCI Mario photographe italien (Chiavari 1942) Designer de formation, il souligne, dès ses débuts, dans son travail de photographe, le jeu des formes et des signes. Profondément intéressé par l’anthropologie des régions du sud de l’Italie (son travail sur Matera en est un exemple significatif) et restant toutefois en dehors des recherches anthrodownloadModeText.vue.download 148 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 148 pologiques qui ont marqué l’iconographie italienne du secteur, il a recours à son sens du signe pour construire des images en noir et blanc et en couleur, dont la valeur est autant formelle que sémantique. Son travail est analytique, et donc souvent construit sur la séquence, s’opposant par là à la thématique de l’instant. Prix Niépce pour l’Italie en 1967 et prix Bolaffi en 1977, il participe à plusieurs Biennales de Venise, notamment à l’exposition Grafica internazionale à la Biennale de 1972. S.T. CROS Charles inventeur français (Fabrezan 1842 - Paris 1888) L’invention de la méthode indirecte de photographie des couleurs n’est qu’une des multiples idées de ce poète et inventeur extraordinaire. En 1869, il publie un mémoire proposant une Solution générale au problème de la photographie des couleurs, reprenant des données énoncées deux ans plus tôt dans un pli cacheté déposé à l’Académie des sciences. Cela lui vaut de prendre langue avec L. Ducos du Hauron*, dont le mémoire, publié également en 1869, présente nombre d’analogies avec le sien. Tous deux ont en effet imaginé, sans se connaître, un moyen indirect de reproduction photographique des couleurs basé sur l’analyse puis la synthèse des trois couleurs fondamentales du spectre lumineux. À partir de 1876, grâce à une aide financière du duc de Chaulnes, Cros s’emploie à l’application pratique de son procédé, pour lequel il prend un brevet en 1880 (hydrotypie et polychromie immédiate). La reproduction réalisée en 1881-1882 de la toile de Manet intitulée le Printemps - Jeanne témoigne de ses travaux. N.B. CUALLADO Gabriel photographe espagnol (Masanasa, Valencia, 1925) Autodidacte, il s’intéresse à la photographie vers l’âge de 30 ans. Attiré par le portrait – souvent en pied –, il essaie, en humaniste, de faire ressortir l’aura qui entoure l’ami, le voisin ou le passant, par des cadrages sobres (Vieja en la estación, 1957 ; Antón y Esperanza, Sobrepiedra, Asturias, 1958 ; Clemente con triciclo, Madrid, 1958). Ses photographies d’enfants sont souvent mystérieuses et poétiques, comme Nena en el camino, de 1957, qui montre, sur un chemin parsemé de petites taches claires indéfinies, une enfant vêtue d’un gilet sombre brodé de fleurettes blanches étoilées, et observant quelque chose d’invisible sur sa main. Avec les groupes Afal, puis La Palangana, il participe à diverses expositions en Europe, et, plus récemment, son travail est présenté à la Primavera Fotográfica de Barcelone en 1982 et au Mai de la Photo de Reims en 1990. Ch.B. CUMMING Donigan photographe canadien (Danville, Virginie, 1947) Diplômé de l’université Concordia à Montréal, il entreprend au début des années 1980 l’examen critique des codes de la photographie documentaire en créant des happenings improvisés et des tableaux vivants de personnages estropiés, vieux et malades. Remettant radicalement en cause la véracité du constat documentaire, il réalise, de 1982 à 1986, la Réalité et le Dessein dans la photographie documentaire, une étude implacable de la condition humaine réunissant 131 photographies, 6 enregistrements sonores et 5 pages de lettres manuscrites. À la manière d’un anthropodownloadModeText.vue.download 149 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 149 logue, il porte une attention particulière au cadre de vie de ses modèles – chambre à coucher, salle de séjour, etc. – et explicite, par le relevé des « artefacts » inhérents à ces lieux, leur appartenance sociale. Outre ces éléments, les gestes exécutés par ses sujets, leurs poses ainsi que leurs mimiques traduisent selon lui l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes et révèlent, souvent à leur insu, des attitudes de nature psychosociale. La mise à nu du corps humain par l’opération photographique est totale dans Pretty Ribbons (1988), une série de portraits de son actrice fétiche, Nettie Harris, qui la montre faisant sa toilette, mimant le sommeil, simulant des attitudes ordinaires et intimes, exhibant sans honte son corps vieilli et décharné. Il termine en 1990 une gigantesque fresque photographique nommée la Scène, une composition détaillée de 250 photographies de sujets en situation de déchéance physique et de détresse morale. V.L. CUNDALL Joseph photographe britannique (1818-1875) Cundall publie de nombreux ouvrages sur la photographie, la gravure et la chromolithographie : The Photographic Primer for use of Beginners in the Collodion Process (Londres, 1845) ; Choice Examples of Art Workmanship Selected from the Exhibition of Ancient & Medieval Art at the Society of Arts, dessiné et gravé sous la direction de P.H. Delamotte* (Londres, 1851), catalogue qui renferme 60 monochromes de bois gravé. Il est membre du Photographic Club, appelé aussi le Calotype Club, fondé en 1847 à Londres par Peter Wickens Fry. Ce club d’amateurs se réunissant une ou deux fois par mois pour favoriser des échanges d’idées tant sur le développement de la technique que sur l’esthétique devient, entre 1851 et 1852, le centre du mouvement photographique. En 1854, à l’inauguration du Crystal Palace à Londres, Cundall présente avec P.H. Delamotte, tous deux photographes à la Stereoscopic Compagny, des images doubles. En 1859, il publie un livre de 20 illustrations en collaboration avec Bedford, Taylord et G.W. Wilson, The Sunbeam, et de nombreuses cartes stéréoscopiques du Crystal Palace. En 1860, il sort une série de 33 photographies pour illustrer Kirkstall from West et Earby Abbey, the Refectory, toujours avec Delamotte. Pour la reine Victoria, en association avec Robert Howlett, il rapporte une série de photographies, l’été 1856, de la fin de la guerre de Crimée : Crimean Braves ou Highlanders (1856, collection privée, Londres), Drummond of the 95th Regiment (1856, collection of Sam Wagstaff, New York). En 1868, il illustra de 14 photographies, avec Fleming, l’ouvrage de John P. Seddon Rambles in the Rhine Province (Londres). Avec George Downes, il fait vers 1860 de nombreuses études de cathédrales françaises : Arles, Bourges, Rouen... M.J.M.C. CUNNINGHAM Imogen photographe américaine (Portland, Oregon, 1883 - San Francisco 1976) Elle fait ses premières photographies à l’âge de 18 ans, tout en suivant des études universitaires de chimie à Seattle. Après deux ans passés comme associée de E. Curtis* – qui lui apprend le procédé au platine –, elle va étudier la photochimie en Allemagne et, à son retour en 1910, ouvre un studio de portrait à Seattle. Alors influencée par G. Käsebier*, elle réalise des images dans le style pictorialiste, principalement des scènes inspirées de textes littéraires, prises downloadModeText.vue.download 150 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 150 en extérieur, pour lesquelles elle fait poser ses amis dans des paysages brumeux, et des tableaux allégoriques (comme la Conscience, The Wood beyond the World, vers 1912). Elle photographie également des nus, hommes et femmes, qui parfois se reflètent dans les eaux d’un étang..., ce qui suscitera de vives réprobations. En 1917, deux ans après son mariage, elle s’installe avec mari et fils à San Francisco et, peu à peu, se détache du pictorialisme*. Elle commence dans les années 1920 une série d’images de plantes et de fleurs, photographiées en gros plan, avec une grande précision, dont Magnolia Blossom (1925) est la plus célèbre. Parfois, les formes courbes, la douceur de l’éclairage, le rendu des textures évoquent le corps humain (Two Callas, vers 1929), parfois la rigueur, la brutalité de la composition et des jeux de lumière tirent les images vers l’abstraction géométrique (Agave). Un certain nombre d’entre elles, parfaitement représentatives de la « straight photography* », seront présentées à l’exposition Film und Foto* (Stuttgart, 1929). Cunningham est membre fondateur du groupe F.64* avec E. Weston*, A. Adams* et quelques autres, à San Francisco, en 1932. Mais, avec l’indépendance d’esprit qu’elle revendique, elle se livre aussi à diverses expérimentations : tirage négatif, double exposition. Elle collabore par ailleurs à plusieurs revues (Vanity Pair, Sunset Magazine...) et rouvre un studio de portrait. Elle photographie de très nombreux artistes et artisans, souvent à la chambre, en établissant un contact amical avec eux afin de saisir au mieux leur personnalité. Parmi eux Darius Milhaud, Gertrude Stein, Martha Graham, Merce Cunningham et des photographes : M. White*, A. Stieglitz* posant devant une peinture de Georgia O’Keeffe, Weston chez lui avec tous ses chats, A. Sander*, etc. Elle réalise aussi des travaux alimentaires (portraits d’enfants, images documentaires sur le tissage, la céramique...) et donne des cours de photographie. À partir de 1974, elle entreprend une série de portraits de personnes plus âgées qu’elle (elle a alors 91 ans...), qui seront publiés après sa mort dans After Ninety (1977). Boursière de la Fondation Guggenheim en 1970, nommée Artiste de l’année en 1973 par la San Francisco Art Commission, elle a exposé dans tous les grands musées américains (à New York, Chicago, San Francisco, Los Angeles, Dallas, Cincinnati, Oakland, Rochester...), au musée Réattu à Arles en 1973, etc. De nombreux ouvrages ont été réalisés sur elle, dont un par J. Dater* en 1979. Ch.B. CURTIS Edward Sheriff photographe américain (White Water, Wisconsin, 1868 - Los Angeles, Californie, 1952) En 1896, Curtis ouvre un studio de photographie à Seattle. Son amitié avec l’ethnologue et journaliste George Bird Grinnell décidera de sa vie. En 1899, celui-ci lui propose de participer à l’expédition scientifique en Alaska financée par l’industriel Harriman. Soudain conscient de l’importance de la photographie en ethnographie, Curtis va consacrer trente ans de sa vie à constituer une documentation sur les nations indiennes d’Amérique du Nord. Il réalise plus de 40 000 photographies et recueille plus de 1 000 langues et 10 000 chants religieux de 80 tribus. Son oeuvre colossale, The North American Indians, cautionnée par le président Roosevelt et financée en partie par la Fondation J. Pierpont Morgan, constitue vingt volumes parus entre 1907 et 1930 et tirés chacun à 500 exemplaires. Chaque volume est accompagné d’un portfolio comprenant 30 à downloadModeText.vue.download 151 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 151 40 photogravures. Ses images empreintes de l’esthétique pictorialiste laissent place à plus de netteté et de réalisme dans les derniers volumes parus. Depuis la bataille décisive de Wounded Knee, les Blancs et les Rouges ont fait la paix : les Indiens sont parqués dans des réserves. L’oeuvre de Curtis, sorte de préhistoire pour la jeune nation américaine, donne de nobles visages aux sauvages ancêtres. Tel le chant du cygne, la race indienne est ici représentée dans sa vérité idéale : tout signe d’acculturation a été soigneusement effacé. Les Indiens sont beaux, puissants et dignes, mais déjà morts. S.Ro. CUVELIER Eugène photographe français (Arras 1837 - Thomery 1900) Il est l’élève privilégié de son père, Adalbert, qui se passionne très tôt pour la photographie, entretient des relations amicales avec C. Nègre* et met au point en 1853 avec Grandguillaume et Dutilleux la technique du cliché-verre*, à laquelle il initie le peintre Corot. Les relations amicales du père introduisent le fils dans le milieu des peintres et de la photographie. En mars 1859, il épouse Louise Ganne, fille du célèbre aubergiste de Barbizon. Il va photographier durant toute sa vie la forêt de Fontainebleau et ses environs : Barbizon, Chailly. Ses oeuvres sont à mettre en parallèle, au niveau des points de vue et des cadrages, avec celles de peintres comme son ami Th. Rousseau. L’influence d’une culture littéraire qui transparaît dans ses images renvoie à J.-J. de Senancourt et à V. Hugo*. Il pratique le collodion* sur verre et le calotype* et ses photographies appa- raissent sur le marché de l’époque. Elles se trouvent actuellement conservées à la B.N., au musée d’Orsay et dans les fonds de la S.F.P. C.B. CYANOTYPE Procédé inventé par l’Anglais John Herschel en 1842, permettant d’obtenir directement une image positive par l’utilisation du ferroprussiate de potassium pour sensibiliser le papier. Appelé aussi « blue print » (jaune tant qu’il est sec, il devient bleu une fois passé sous l’eau), ce papier sert surtout, maintenant, pour des tirages de dessins au trait, en architecture et dans l’industrie. Ch.B. downloadModeText.vue.download 152 sur 634 D DAGUERRE Louis Jacques Mandé inventeur et photographe français (Cormeilles-en-Parisis 1787 - id. 1851) Sur le nom de Daguerre se combinent paradoxalement une gloire universelle et une méconnaissance de l’individu, défini dans la mémoire collective comme l’inventeur, en 1839, du daguerréotype*, considéré comme la base historique de « la photographie ». Avant 1839, Daguerre est un peintre qui s’est converti dans les décors et les panoramas ; en 1816, il est chef décorateur à l’Ambigu-Comique, puis à l’Opéra. En 1822, il fonde avec son ami Bouton le diorama, lieu de spectacles où l’on peut admirer des effets de lumière et de mouvements habilement combinés sur des toiles peintes éclairées alternativement par l’avant ou par l’arrière. Le diorama connaît un tel succès que Daguerre reçoit la Légion d’honneur et ouvre une seconde salle à Londres en 1823. C’est un personnage de la vie publique parisienne, qui impressionne le provincial N. Niépce*, qu’il contacte en 1826. De par sa 152 pratique du réalisme perspectiviste, Daguerre est intéressé par la chambre noire et par la « reproduction spontanée » des images. Aux yeux de Niépce, qui a déjà expérimenté des procédés chimiques (bitume* de Judée, notamment), Daguerre fait figure de spécialiste de l’optique et d’homme du monde. Un contrat d’association est signé entre les deux hommes le 14 décembre 1829, par lequel « M. Niépce abandonne à la Société son invention et M. Daguerre y apporte une nouvelle combinaison de chambre noire ». Daguerre commence vraisemblablement ses travaux chimiques en 1829, expérimentant avec, comme agent sensibilisateur, l’iode (que Niépce préconise dans sa Notice sur l’héliographie de 1829) sur argent poli, pendant que son associé persiste à utiliser le bitume de Judée. Daguerre obtient alors une image faible en valeurs inversées, non fixée. La mort de Niépce, en 1833, l’entraîne à continuer ses expériences dans cette voie personnelle. On ignore comment Daguerre découvrit, sans doute en 1835, que les vapeurs de mercure agissent downloadModeText.vue.download 153 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie comme révélateur de l’image (même si celle-ci est encore « latente ») et inversent les valeurs dans certaines conditions de visionnement. La mise au point précise de la méthode l’occupe encore quelques années, le temps de trouver un agent de lavage des sels d’argent non impressionnés (fixage) : ce sera le sel marin. Action de la vapeur d’iode sur plaque de cuivre argentée, exposition dans la chambre noire, action de vapeurs de mercure, lavage à l’eau salée sont les principales étapes du procédé, qui paraît définitif dès le début de 1837, baptisé « daguerréotype » en 1838. Après avoir obtenu la reconnaissance de la suprématie de son procédé par le fils Niépce, toujours propriétaire à parts égales de l’invention, Daguerre essaie de vendre celle-ci par souscription, puis entreprend des démarches officielles jusqu’à la cour de Louis-Philippe, où il est introduit, et rencontre F. Arago*, astronome et homme politique. Celui-ci fait une communication à l’Académie des sciences le 7 janvier 1839 et un accord, signé par le roi, octroie pension à Daguerre et à Niépce fils contre la révélation du daguerréotype. Le procédé est divulgué solennellement le 19 août 1839 à l’Académie des sciences ; il étonne d’emblée par sa complète automaticité d’enregistrement de l’image, par sa fiabilité et sa précision. On connaît actuellement une quinzaine de daguerréotypes qui peuvent avec certitude être attribués à Daguerre : vues de Paris (Vue du boulevard du Temple, Paris, 1839, Munich, Bayerishes Nationalmuseum), compositions inspirées du cabinet de curiosités (Cabinet de curiosité, 1837, Paris, Société française de photographie). À l’automne 1839, Daguerre met activement en place la commercialisation de son procédé, des appareils et des produits, surtout en Europe et aux ÉtatsUnis, et multiplie les leçons et l’édition des recettes en plusieurs langues avec son Historique et description des procédés du daguerréotype et du diorama. Mais l’apparition du daguerréotype déclenche d’autres recherches – celles de H. Bayard* et surtout celles de W.H.F. Talbot* –, qui vont, à terme, supplanter celuici. Daguerre, quant à lui, semble s’être retiré à Bry-sur-Marne, en laissant à d’autres le soin de perfectionner son invention, notamment de lui donner une plus grande stabilité, et de faciliter le portrait qui paraît impossible en 1839, en raison d’une pose trop longue (quelques minutes). Lorsque Daguerre meurt, en 1851, la « photographie » est partagée entre daguerréo-typistes-portraitistes et adeptes du négatifpapier, ou même du négatif-verre, dont les possibilités techniques et esthétiques sont tout autres. M.F. DAGUERRÉOTYPE Ce procédé, mis au point par L.J.M. Daguerre*, est présenté le 7 janvier 1839 par le savant F. Arago*, qui n’en dévoile officiellement le secret que le 19 août 1839, lors d’une réunion à l’Institut, devant l’Académie des sciences et l’Académie des beaux-arts. Le daguerréotype est une image positive directe, obtenue sur une plaque de cuivre couverte d’une couche d’argent et soigneusement polie. Celle-ci est rendue sensible à l’action de la lumière par des vapeurs d’iode, qui forment de l’iodure d’argent sur la surface polie. La plaque doit alors être utilisée rapidement (dans l’heure qui suit sa préparation). Le temps de pose, pour la prise de vue, est d’environ 15 minutes, par temps clair. La plaque est ensuite développée, à l’abri de la lumière, par des vapeurs de mercure, puis fixée à l’aide d’hyposulfite de soude (qui rem- 153 downloadModeText.vue.download 154 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie place le sel marin des premiers essais), et lavée à l’aide d’eau distillée. L’image ainsi obtenue est d’une grande finesse de détail, mais assez fragile (facilement rayée, endommagée). Par précaution, le daguerréotype est souvent présenté sous verre, encadré, ou même protégé par un écrin. Son aspect brillant, miroitant, explique les appellations qui l’ont parfois désigné : « miroir qui garde toutes les empreintes » (Jules Janin, 1839), « les miroirs qui se souviennent » (titre d’une exposition pour le bicentenaire de la naissance de Daguerre, en 1987, à Cormeilles-en-Parisis). Pour propager son procédé, Daguerre publie en 1839 l’ouvrage Historique et description des procédés du daguerréotype et du Diorama, et organise des démonstrations publiques. Compte tenu de la longueur du temps de pose, les premiers daguerréotypes sont plutôt des natures mortes : (Intérieur d’un cabinet de curiosité, par Daguerre, dès 1837 – l’une des épreuves ayant servi à constater la découverte du procédé –, Collection de coquillages, 1839) ou encore des vues de ville où seuls apparaissent les bâtiments, les piétons ne restant pas assez longtemps dans le champ pour que leur trace s’inscrive sur la plaque (Vue du boulevard du Temple, à Paris, vers 1839, Louvre, vue des quais, 1839, de Daguerre également, etc.). Divers perfectionnements améliorent la stabilité des daguerréotypes (fixage au chlorure d’or, par Fizeau, en 1840) et leur sensibilité (utilisation du bromure d’iode, par A. Claudet*, du bromure de chaux, par Bingham), et, dès 1840, quelques secondes de pose suffisent, rendant possibles les portraits. Le succès en est immédiat. Leur aspect précieux est renforcé par la présentation, souvent en médaillon ovale. De nombreux essais sont réalisés au daguerréotype : vues stéréoscopiques (par Claudet et Fizeau en 1841), prises de vue 154 au microscope (par L. Foucault* qui travaille pour le médecin A. Donné en 1844), panoramiques (par F. Martens* en 1845), etc. En 1844, une revue paraît, publiée par J. Rouby : le Daguerréotype, mais elle n’au- ra qu’un seul numéro. En 1847, on compte à Paris 56 studios de daguerréotypie, et en 1851, la première Exposition universelle, à Londres, présente de nombreux daguerréotypes. Le succès à l’étranger est également immédiat, aux États-Unis surtout, où le peintre et inventeur S. Morse* diffuse le daguerréotype avec conviction et ouvre un atelier de prise de vue en 1840, à New York (avec J.W. Draper), mais aussi en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Russie, au Brésil. L’enthousiasme pour le daguerréotype se heurte cependant à une limite : l’image est unique, elle ne peut être reproduite. Ainsi, quand apparaissent les premiers procédés avec négatif/positif (calotypes*, puis négatifs à l’albumine*, au collodion*) qui permettent la reproductibilité des épreuves, la concurrence joue au détriment du daguerréotype. Son utilisation décroît tout au long des années 1850, pour quasiment disparaître vers 1865. Quelques photographes contemporains, séduits par la précision du daguerréotype, son aspect miroitant, ses nuances irisées très fines, cherchent à retrouver la technique du procédé ancien ; parmi eux, P. Bailly-Maitre-Grand*, qui a réalisé en 1982-1983 une série de daguerréotypes – détails de murs, de rues, pour la plupart. Ch.B. DAHL-WOLFE Louise photographe américaine (Alameda, Californie, 1895 - Flemington, New Jersey, 1989) La première ambition de Dahl-Wolfe est la peinture. De 1914 à 1917 et de 1921 downloadModeText.vue.download 155 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 155 à 1922, elle fréquente l’Institute of Art de San Francisco. Elle est très fortement marquée par les cours de composition et de couleur de Rudolph Schaeffer. Son intérêt pour la photographie se manifeste au début des années 1920 sous l’influence de la photographe pictorialiste A. Brigman*. En 1933, elle ouvre son propre studio à New York. Pendant deux ans, elle fait de la photo publicitaire et de la mode. En 1933, Vanity Fair publie ses premières photos : paysages de la région des Smoky Mountains, Tennessee, et portraits d’indigènes réalisés entre 1930 et 1932. De 1936 à 1958, elle collabore très activement, principalement en mode, avec Harper’s Bazaar*, dont la rédaction lui donne carte blanche. Dahl-Wolfe travaille dans son studio mais surtout à son domicile et en extérieur. À partir de 1937, elle est une des rares à photographier en couleurs. Ses épreuves témoignent d’une grande sensibilité à la couleur, du choix méticuleux du décor ou du lieu, qui suggère un style de vie décontracté, parfois exotique, où évolue un mannequin à la pose très féminine. Dahl-Wolfe impose dans la photographie de mode une image, naturellement sublimée, de la femme américaine. L’élégance de ses images et la féminité de ses modèles préfigurent l’oeuvre de I. Penn* et de R. Avedon*. Elle arrête son activité en 1960. En 1992, la galerie Agathe Gaillard à Paris lui a consacré une exposition. N.C. D’AMICO Alicia photographe argentine (Buenos Aires 1933) D’Amico étudie à l’École nationale des beaux-arts, à Buenos Aires, jusqu’en 1953, et reçoit un diplôme de professeur national de dessin et de peinture. Boursière du gouvernement français à Paris pendant l’année 1955, elle voyage aussi dans toute l’Europe, en Italie, Allemagne, Suisse, Autriche. De 1957 à 1959, elle étudie la photographie dans le studio de son père, Luis d’Amico, à Buenos Aires, et la couleur à Rochester, dans l’État de New York, chez Kodak. Étudiante-assistante dans le studio de A.-M. Heinrich*, elle fonde en 1960 avec S. Facio* un studio où elles se spécialisent dans la publicité, le photojournalisme* et les portraits d’écrivains. De 1960 à 1967, elle participe à de nombreux concours et salons, et réalise des reportages à travers le monde. En 1965, elle reçoit le prix de la F.I.A.P. (Fédération internationale de l’art photographique). Chargée de la chronique photographique du journal La Nación de 1966 à 1974, elle fonde avec Facio et M.C. Orive* « La Azotea », maison d’édition pour la promotion des photographes d’Amérique latine. En 1968, elle publie avec Facio son premier livre, Buenos Aires, Buenos Aires, qui recevra de nombreux prix. En 1979, elle s’associe à six autres photographes pour créer le Conseil argentin de la photographie, organisme chargé de promouvoir la photographie argentine. Son travail est un regard de journaliste humain, une réflexion permanente sur la signification des événements et la conscience des valeurs essentielles. La photographie que d’Amico défend implique une expression des valeurs et des concepts universels : communication non seulement sur le monde visible, mais aussi sur le monde sacré de l’individu. Elle transmet son message par son cadrage, les contrastes de couleur, l’équilibre géométrique des personnages qui forment un univers à caractère symbolique. V.E. downloadModeText.vue.download 156 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie DATER Judy photographe américaine (Hollywood 1941) Après des études de peinture, de dessin et de photographie, elle travaille un moment avec I. Cunningham*. Puis, enseignante et photographe indépendante à San Francisco, elle fait surtout des portraits et des nus. En 1975, elle publie Women and Other Visions, et, en 1979, elle écrit un livre sur Cunningham, dans lequel figure la célèbre image où celle-ci, âgée, s’apprête à photographier dans une forêt une jeune femme nue. Une bourse Guggenheim lui permet d’aller en Égypte, d’où elle rapporte, outre des portraits, des photographies assez étranges, parfois d’un humour incisif, où se mêlent les civilisations moderne et antique (Pepsi Stand and Pyramid, 1979). À partir de 1980, elle se concentre sur des autoportraits : une série, en noir et blanc, explore « la mythologie de la femme dans la nature et dans l’univers », la montrant, souvent nue, dans un vaste paysage désertique et caillouteux (Self-portrait séquence no 4, 1982) ; une autre, en couleurs, dénonce « les stéréotypes de la femme dans la société moderne », à travers des mises en scène assez « kitsch » et très corrosives, où elle se déguise, en une succession de rôles caricaturaux : femelle agressive et castratrice dans Leopard Woman, femme faible et défaite dans Eating (1982). Ch.B. DAVANNE Louis-Alphonse photographe français (Paris 1824 - Saint-Cloud 1912) Davanne consacre sa carrière aux progrès et à la reconnaissance de l’image photographique. Il est praticien, chimiste et occupe de nombreuses fonctions dans les organisations relatives à la photographie. Ses tra156 vaux sont variés : formation de l’image positive (médaille avec Aimé Girard, 1859), virage des épreuves positives, photolithographie ou chambres de prises de vue. Des ouvrages et des articles synthétisent les découvertes (Chimie photographique avec Barreswil, 1854 ; les Progrès de la photographie, 1877 ; ou encore la Photographie, traité théorique et pratique, 1886-1888). Membre de plusieurs regroupements, il participe surtout très activement au développement de la Société* française de photographie (membre fondateur, 1854 ; président du conseil d’administration, 1876-1901). Rapporteur aux Expositions universelles (1867, 1873, 1878, 1900), il participe à l’organisation de plusieurs autres manifestations, ce qui ne l’empêche pas de présenter lui-même des épreuves (1854-1878 au moins). Exploitant les procédés négatifs jalonnant le siècle, il réalise des vues de monuments, des paysages naturels et urbains et des reproductions. Enfin, il obtient la création d’une chaire de photographie à l’École des ponts et chaussées, inaugure des cycles de conférences au Conservatoire des arts et métiers et poursuivra avec un cours de photographie à la Sorbonne. Plus attiré par l’étude scientifique que par l’analyse esthétique de la photographie, il a contribué à faire comprendre sa complexité technologique. B.P. DAVIDSON Bruce photographe américain (Oak Park, Illinois, 1933) Né dans la banlieue de Chicago, Davidson s’intéresse très tôt à la photographie. En 1947, il s’achète un premier appareil et photographie les rues de Chicago. Il poursuit ses études à l’institut de technologie de Rochester et à l’école de design de downloadModeText.vue.download 157 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie Yale. Mais Davidson reste attiré par la rue. Il s’achète un Leica et réalise, en 1954, un premier reportage sur l’équipe de football de Yale, publié dans Life*. De retour à New York, après son service militaire, il collabore au magazine Life, mais le travail de W.E. Smith* le pousse à retourner dans la rue. À 24 ans, en 1958, il devient membre de l’agence Magnum*. Il suit d’abord un cirque dans le New Jersey, puis, à New York, en 1959, une bande de voyous : les Jokers. Engagé par Vogue* comme photographe de mode en 1961, il reste préoccupé par des sujets sociaux et cesse de travailler pour la revue en 1964. En 1966, avec un appareil grand format, il commence un long reportage sur les Noirs de Harlem à New York. Ses images prises sur une durée de deux ans ne représentent ni la pauvreté ni un ghetto, elles nous montrent des hommes chez eux, dans leur quartier. East 100th Street est publié et exposé par le M.O.M.A. de New York en 1970. En 1974, après avoir tourné quelques films, il retourne à la photographie. Durant six semaines, en 1976, toujours intéressé par les marginaux, il vit avec ceux qui fréquentent la Garden Cafeteria, le refuge des immigrants juifs et des pauvres de New York, et les photographie. Puis, fasciné par le métro new-yorkais, par tous ces visages absorbés, il y travaille de façon exclusive à partir de 1981. Pour la première fois, il utilise la couleur. A.M. DAVISON George photographe britannique (Lowestoft 1854 - Antibes 1930) La personnalité de Davison, membre fondateur du London Camera Club (1885), membre de la Royal* Photographic Society (1886) et plus tard cofondateur du Linked* Ring (1892), traverse toute l’histoire du pictorialisme* anglais. D’abord disciple des théories naturalistes prônées par P.H. Emerson*, et en cela adversaire de l’académisme défendu par H.P. Robin- son*, il cherche rapidement à s’émanciper en fondant un « impressionnisme photographique » qui lui vaudra le reniement d’Emerson en 1890. Reconnu grâce à The Onion Field (1890, R.P.S.), épreuve montrant les effets atmosphériques produits par l’emploi du sténopé, Davison prend la tête de la nouvelle école britannique aux côtés de A. Maskell* et A.H. Hinton*. Correspondant à Londres du Paris-Photographe de P. Nadar*, présent aux Salons organisés dans les capitales européennes, Davison se spécialise dans l’iconographie des paysages de campagne et principalement ceux des environs de Harlech dans le pays de Galles. Là, il possède un château acquis lors d’une courte mais fructueuse carrière à la tête de la filiale britannique de la compagnie Kodak. La carrière commerciale de cet esprit frondeur et militant anarchiste va cependant tourner court, et il se retire à Harlech pour y poursuivre ses activités militantes et artistiques. Il meurt dans sa propriété du sud de la France en 1930. Ses photographies sont conservées à la R.P.S. de Bath. M.P. DAY Fred Holland photographe américain (Norwood 1864 - id. 1933) Jeune homme fortuné, Bostonien de bonne famille, mais considéré comme excentrique, Day se consacre à l’art, à la diffusion de la poésie (Keats) et de la littérature (Balzac) ; peintre, éditeur (il publie des ouvrages illustrés par Aubrey Beardsley et William Morris), il est en accord avec le décadentisme anglais, avec le modernisme européen et diverses formes de spiritua157 downloadModeText.vue.download 158 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie lité (il aura pour protégé Khalil Gibran). Il découvre la photographie dans les années 1880, se trouve d’emblée pictorialiste, mais avec une forte vocation au symbolisme ; il pratique surtout le clair-obscur et le flou contrôlé, diverses techniques de tirage (gomme bichromatée et platine combinés), pour des thèmes mythologiques, des études de nu masculin, des figures de berger, ou la légende d’Orphée, composés comme s’il s’agissait de peintures. Il entreprend une vaste série sur les supplices du Christ et la Crucifixion, jouant lui-même le rôle du Sauveur (1898). Il y a donc peu de distance pour lui entre des évocations mentales, la sublimation de sa propre existence et la photographie ; toutes ces configurations procèdent de la même expression de soi. Dans cette série, ses Sept Dernières Paroles du Christ sont particulièrement convaincantes. Autour de 1900, Day est très actif pour faire connaître la nouvelle photographie américaine, dont il est l’un des chefs de file, entrant pour cette raison en conflit avec A. Stieglitz*, qui finira par lui ravir ce rôle. Day organise en 1900 une grande exposition à Londres, The New School of American Pictorial Photography, qui marque l’entrée sur la scène internationale de la photographie américaine ; il voyage à cette occasion avec son jeune cousin A.L. Coburn*, qu’il a initié à la photographie. L’incendie de son atelier survenu en 1904, dans lequel il perd ses négatifs, ses tirages et ses collections, l’éloigné des cercles photographiques (il a déjà refusé en 1903 toute participation à Camera Work*) et l’incite à changer de mode de vie ; il se fait construire une maison au bord de la mer, faite d’éléments anciens récupérés dans la région, et s’y retire en 1917, menant une vie recluse de malade, qui ne peut qu’évoquer les dernières années de Marcel Proust. 158 Haute figure en marge du puritanisme américain, Day plaidait pour une totale implication de l’individu dans la poésie. M.F. DAYAL Lala Deen photographe indien (1844 - 1910) C’est vers 1870 que Dayal prend ses premières photographies en se consacrant au document d’architecture. Il est l’un des seuls photographes indiens à publier des photographies de paysages avec Darogha Ubbas Alli. En Inde, dans les années 1860, la photographie est introduite par les Britanniques et adoptée par les hommes d’affaires indiens et les familles dirigeantes. Dayal fonde l’entreprise de photographie qui deviendra la plus connue, en installant à partir de 1880 des studios à Indore et à Bombay. Ses portraits de groupe pour les Britanniques et l’élite indienne, sont peints à la gouache dans le style des miniatures indiennes. Dans sa conception de la prise de vue, par son utilisation très personnelle de l’appareil photographique, il échappe à la représentation occidentale et tient compte des attitudes, des costumes et des décors traditionnels indiens. Il réalise aussi des photographies de monuments célèbres comme Ajanta et Ellora et publie des recueils de documents. En 1882, il ouvre à Hyderabad un atelier dont il confie la direction à une jeune femme britannique ayant de bonnes connaissances en photographie. Il devient le photographe officiel de la cour du sixième Nizam d’Hyderabad, sir Mahbud Ali Khan. Celui-ci, considéré comme l’homme le plus riche du monde, possède les mines de diamants de Goleonda et dirige quatorze millions d’indiens. Dayal, grâce à la disposition permanente d’hommes et de matériels, rend compte de la vie quotidienne downloadModeText.vue.download 159 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie du prince et de ses fastueuses réceptions, comme dans les séries du Falukituma Palace et de Chiniklana. À la demande de son protecteur, il accomplit un travail sur les effets de la lutte contre la malnutrition à Hyderabad. Afin d’illustrer son efficacité, Dayal montre, grâce à des diptyques photographiques, la métamorphose d’enfants squelettiques en enfants propres et bien nourris. Les clichés de cette série Avant et après la famine à Aurangabad, 1899-1900 ont soulevé des questions liées au problème de l’information, et Dayal à été accusé de falsifier la réalité pour la rendre plus spectaculaire. À la fin de sa vie, il lègue à son fils ses studios, connus sous la raison sociale Raja Deen Dayal and Sons. V.E. DEBAKOV Dmitri Gueorguevitch photographe russe (? 1901 - ? 1949) Issu d’une famille d’ouvriers, Debakov démarre sa vie professionnelle dans une usine. Influencé par l’Organisation des travailleurs pour la culture, il se passionne pour la peinture et la photographie vers la fin des années 1920. Il fréquente l’école et studio d’art ProletKult, où il rencontre Grigori Kozintsev et Sergueï Eisenstein. Ce dernier lui conseille de devenir photographe et le fait entrer à l’Institut central du cinéma. En 1926, devenu professionnel, il publie dans Sovietski Foto une de ses premières images, très remarquée, Au travail, et collabore avec les journaux les Komsomolskaïa Pravda, Izvestia, et se fait connaître par les photos qu’il réalise sur les nouvelles constructions dans tout le pays, les chemins de fer Turkestan-Sibérie ou les hauts-fourneaux de Magnitogorsk. Dès 1936, il voyage accompagné de sa femme Margarita, elle-même photographe, à travers l’Arctique. Il s’embarque ainsi avec les équipages des brise-glaces Krasin, Sedov, Stalin, utilisant déjà un Leica, seul appareil dont l’obturateur ne craint pas les gelées. 300 000 kilomètres parcourus et plus de 100 000 négatifs lui valent le surnom de « chantre de l’Arctique ». Il est l’un des pionniers de la photographie d’expéditions, genre très populaire dans les années 1930, familiarisant le public avec des régions lointaines, la mer de Sibérie dans les glaces, les peuples chasseurs ou éleveurs de rennes. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il part explorer une voie maritime reliant le Nord à l’Amérique. Il participe en 1935 à l’exposition OEuvres des maîtres de l’art photographique soviétique, à Moscou, puis, en 1939, à l’Exposition internationale de Paris. Ses travaux attirent l’attention du président des États-Unis Roosevelt, qui lui achète une image, Nuit polaire, qu’il accroche dans son bureau. Atteint d’une grave maladie contractée au cours d’une expédition en Taïga sibérienne, Debakov meurt en 1949. Il est l’auteur d’un recueil intitulé Exécuté avec son Leica, sorte de journal rempli d’anecdotes et de détails précieux sur ses voyages. V.E. DEBERNY-PEIGNOT studio de publicité français (Paris, 1929-1939) Le nom Deberny-Peignot désigne deux fonderies en caractères associées en 1923. Leur jeune directeur, C. Peignot*, privilégie l’esprit créateur de ce métier. Les différentes activités qu’il parvient à développer autour de la fonderie en sont la démonstration éclatante ; elles ont aussi remarquablement servi l’image de l’entreprise. Comprenant vite les res159 downloadModeText.vue.download 160 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie sources qu’offre la photographie dans le domaine de la publicité de prestige, il crée au sein de la fonderie, en 1929, un des premiers studios de publicité. Dans son numéro de novembre 1929, la revue invite les clients : « Apportez-nous votre idée. Nous livrons un cliché. » C’est le photographe M. Tabard* qui dirige dans un premier temps le studio Deberny-Peignot. D’autres photographes y travaillent à divers titres : R. Parry* est assistant quelques mois (1929-1930), Émeric Feher débute là comme électricien éclairagiste (1930-1933), P. Boucher* est stagiaire en 1931. Avec Tabard, remplacé par Maurice Cloche en 1931, ce studio devient le lieu de toutes les expérimentations de la Nouvelle Vision en photographie. À partir de mises en scène savantes qui utilisent les jeux de lumière, les montages, les solarisations, les images inversées ou les surimpressions, Tabard ouvre la voie et montre que la photographie publicitaire alors en pleine expansion peut être un nouveau support de création. Le studio, qui s’affirme comme « le centre des réalisations techniques publicitaires de goût », a publié affiches, catalogues, dépliants et albums pour le compte de Ford, Pont-àMousson, Frigidaire, etc. A.M. DE BIASI Mario photographe italien (Belluno 1923) Il devient photographe en 1947 et, en 1953, reporter à Epoca, dont il dirige le service photo à partir de 1964. Figurant parmi les plus intéressants reporters italiens des années 1950 et 1960, il a largement contribué à former le regard sur les événements sociaux qui ont illustré les pages de Epoca. Ses photographies de Milan, recueillies dans un livre célèbre, Idea di Milano 160 (1953), ont divulgué une nouvelle image de la ville, proche de celle que les cinéastes du néoréalisme* fixaient dans leurs films. Plusieurs expositions collectives sur le thème du reportage ont présenté le travail de De Biasi. Sa première exposition personnelle eut lieu à Milan en 1948 (Circolo filogico milanese). S.T. DECARAVA Roy photographe américain (New York 1919) Peintre de formation, DeCarava a d’abord utilisé comme source pour ses peintures la photographie, qui devient progressivement sa principale activité. De 1947 à 1952 – année où il est le premier artiste noir à remporter le Guggenheim Fellow –, il photographie les habitants de Harlem. Cette série est publiée dans un livre en 1955, The Sweet Flypaper of Life. En 1950, la 44th Street Gallery à New York organise sa première exposition individuelle. À la fin des années 50, DeCarava se penche sur la culture jazz de Harlem avec l’idée de produire un équivalent photographique du jazz (expositions longues et mouvement de l’appareil). Son oeuvre se focalise sur la lutte quotidienne des Afro-Américains dans les banlieues (Man coming up Subway Stairs, New York, 1952, M.O.M.A., San Francisco). Fondateur du Kamoinge Workshop (1963), il y enseigne la photographie aux jeunes photographes noirs. Il est notamment représenté au Museum of Modern Art de San Francisco et au M.O.M.A., à New York. Une rétrospective de son oeuvre a été présentée à Los Angeles (L.A.C.M.A.) en 1996-1997. M.C. downloadModeText.vue.download 161 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie DECK Norman C. photographe australien (Sydney 1882 - ?) Il s’initie à la photographie alors qu’il est collégien et, en 1896, devient le plus jeune membre de la Photographic Society of New South Wales (Sydney). En 1905, il remporte une médaille d’or au Salon annuel de la Société pour When Two Paths Meet, v. 1905, Sydney, NG of New South Wales. Devenu dentiste, il continue la photographie et, en 1909, se rend en NouvelleZélande où il réalise de nombreux clichés de l’île du Sud. En 1912, Deck fait sa première exposition individuelle à Sydney. L’année suivante, il rejoint son frère et sa soeur aux îles Salomon (1914). Il sert dans les îles durant les deux guerres et ne retourne en Australie qu’en 1948. Le style de Deck est pictorialiste. Il est manifestement un des plus fidèles partisans de ce mouvement en Australie. Beaucoup de ses travaux ont été perdus dans les tropiques, mais la National Gallery de Canberra possède une série de ses clichés des îles Salomon. M.C. DÉCLENCHEUR Dispositif situé sur le boîtier de l’appareil* photographique permettant de commander mécaniquement ou électroniquement le fonctionnement de l’obturateur. Déclencheur souple, accessoire comportant un câble souple pour actionner à distance le déclencheur de l’appareil photo. S.R. DÉFINITION voir RÉSOLUTION DE FRAEYE Mark photographe belge (Mbandaka, Zaïre, 1949) De 1968 à 1971, De Fraeye est étudiant à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles (département film et photographie). Depuis, il partage son temps entre les voyages, l’enseignement et la photographie. Son activité de photographe se base essentiellement sur l’étude de la couleur : variations de blanc (Marais salants en Bretagne, 1978) ou contrastes de couleurs. À partir de la surface plane et colorée d’un mur en arrière-plan, il compose son image en introduisant, au premier plan, des éléments naturels qui viennent perturber les lignes rigidement horizontales du mur : un tronc d’arbre, du feuillage (Hongrie, 1979) ou simplement leurs ombres projetées sur le mur (Roumanie, 1980). Certaines de ces images tendent vers une simple variation de couleurs sur une image plane en exprimant la coloration de l’espace (Study on yellow ou Study on blue, 1980). Plus récemment, il met en scène des fleurs et étudie leurs ombres portées sur un mur toujours en arrière-plan ; il évoque ainsi une impression de troisième dimension provoquée par la lumière colorée qui sépare les objets (The Present Present, 1985). De Fraeye a participé aux R.I.P. d’Arles en 1982 ; ses photographies font partie des collections de nombreuses institutions comme la Bibliothèque nationale de Paris ou la Royal Photographic Society de Bath. F.H. DEGAS (Edgar de Gas, dit) peintre français (Paris 1834 - id. 1917) Degas s’intéresse à la photographie dès 1885 en participant comme conseiller à la mise en scène de celles prises par ses amis, 161 downloadModeText.vue.download 162 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie tel Walter Barnes. C’est en 1895 qu’il fait lui-même des photographies, cherchant réellement à élaborer des oeuvres photographiques – à l’inverse des autres peintres importants de son siècle, comme P. Bonnard*, qui ne s’y sont penchés qu’en amateurs. Degas participe notamment avec Tasset au développement et à l’agrandissement de ses clichés. Ses travaux photographiques sont profondément originaux. La majeure partie de ses clichés arrivés jusqu’à nous est composée de portraits, collectifs ou individuels. Degas travaille dans un intérieur, la nuit, utilisant la lumière artificielle pour créer un clair-obscur très théâtral : Paul Poujaud, Madame Arthur Fontaine et Degas, v. 1898, New York, Metropolitan. Ses épreuves faites en surimpressions, qu’elles soient volontaires ou non, sont ambiguës et montrent son originalité : Mathilde Niaudet, Madame Alfred Niaudet, Daniel Halévy, Henriette Taschereau, Ludovic Halévy, Élie Halévy, 1895, New York, Metropolitan Museum. Ses recherches sur le mouvement dans sa peinture ont commencé bien avant son ac- tivité de photographe sans qu’il ait eu donc besoin d’y revenir. Par contre, le même effet théâtral se retrouve dans ses deux activités – peinture et photographie – au cours des années 1890. Degas a probablement utilisé à ses débuts un Eastman Kodak puis s’est surtout servi de plaques de verre et autres matériels des débuts de cet art, qui permettent, par la lumière, de rendre une ambiance surréaliste. Ses travaux les plus exceptionnels sont des images en négatif : les danseuses et son nu sont en parallèle de ses recherches de peintre. Il est notamment représenté à New York (Metropolitan, Getty Museum), à Malibu et à Paris (B.N.) M.C. 162 DEKKERS Ger artiste néerlandais (Borne 1929) Il effectue ses études à l’école des beauxarts d’Enschede. Depuis le début des années 1970, Dekkers a recours à la photographie pour s’exprimer : il photographie le paysage néerlandais en utilisant une méthode fondée sur les particularités de l’appareil photographique. Chaque thème (digues, jetées, chemins, routes...) est photographié sous plusieurs angles, l’objectif étant déplacé latéralement ou verticalement de façon systématique selon un principe déterminé. L’idée est d’obtenir des séquences qui, à la fois, décrivent la réalité et composent une image constituée de lignes, de surfaces et de couleurs qui se recomposent pour elles-mêmes. Dekkers a exposé à Amsterdam au Stedelijk Museum en 1974 ainsi qu’au Rijksmuseum KröllerMüller d’Otterlo en 1977. S.R. DELAMOTTE Philip Henry photographe britannique (Londres 1821 - id. 1889) Delamotte est une personnalité importante de la photographie britannique du XIXe siècle. Descendant d’une famille de huguenots et fils du peintre et lithographe William Alfred De La Motte, il reçoit une formation artistique et s’essaie au procédé calotypique dès le milieu des années 1840, en réalisant des paysages. Ses oeuvres les plus diffusées et les plus célèbres sont consacrées au Crystal Palace, dont il photographie, avec le procédé au collodion*, les différentes étapes de la reconstruction à Sydenham près de Londres, constituant ainsi une documentation exceptionnelle sur l’architecture de ce bâtiment. Une sélection de 160 de ses épreuves est publiée downloadModeText.vue.download 163 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie en 1855 sous le titre Photographic Views of the Progress of the Crystal Palace, Sydenham. Taken during the Progress of the Works, by Desire of the Directors. Certaines de ses images du chantier mettent en valeur les perspectives décrites par l’architecture métallique, mais il photographie aussi les différentes expositions et manifestations qui s’y déroulent au cours des années 1850. Il est également l’auteur de nombreuses vues stéréoscopiques du site et du bâtiment. Par ailleurs, il enseigne la photographie, vers 1853, à la Photographic Institution de Londres, rédige plusieurs traités et, en 1857, est chargé d’organiser la section de photographie de l’Art Treasures Exhibition de Manchester. Il édite et illustre plusieurs livres de photographies dont The Sunbeam, a Book of Photographs from Nature, en 1859, contenant 20 photographies de paysages réalisées par lui-même et d’autres photographes britanniques comme J. Cundall*. Son activité professionnelle se déroule au King’s College de Cambridge, institution où il enseigne, à partir de 1855, le dessin et la perspective. C.S. DELANO Jack photographe américain d’origine russe (Kiev 1914) Delano est né en Russie. Sa famille émigre aux États-Unis dès 1923. Lors d’un voyage d’études en Europe en 1936-1937, il réalise ses premières photographies. À son retour en 1938, il est photographe pour le Fédéral Arts Project. En 1939, il fait partie des photographes engagés par la FSA* (Farm Security Administration) pour témoigner de cette grande crise économique qui frappa le monde agricole américain avant la Seconde Guerre mondiale. À partir de 1940, pour le compte de la FSA et de l’Office d’information de guerre, il fait des reportages aux îles Vierges, en Géorgie et à Porto Rico. Après la guerre, il s’installe à Porto Rico, où il réside jusqu’à ce jour. Il y est directeur du service de la radio et de la télévision gouvernementales, réalisateur de films, graphiste et illustrateur, tout en continuant ses recherches personnelles en photographie. Delano est surtout connu pour son travail pour la FSA ; ses photographies ont donné lieu à plusieurs expositions, dont Images de l’Amérique en crise au Centre Georges-Pompidou (Paris, 1979) et les Années amères de l’Amérique en crise à la galerie municipale du Château d’Eau (Toulouse, 1980). S.B. DELTON Louis-Jean photographe français (1807 - 1891) Avant de s’intéresser à la photographie, Delton fréquente les chasses à courre en Europe, le Jockey-Club et les courses. En 1860, il fonde la Photographie hippique (porte Dauphine, Paris), vouée surtout à la représentation du sport hippique. Malgré une faillite (1866), cette maison connaît un succès international : le prince impérial sur Bouton d’Or, l’émir Abd el-Kader à cheval avec sa suite (1865), les équipages de l’ambassade d’Autriche pour la princesse de Metternich (1866), les chevaux vainqueurs de courses et de concours sont représentés. Il faut ajouter à cela les vues de nature morte ou vivante, de chemins de fer, de défunts, de mariage et la vente de fournitures (au 83, avenue de l’Impératrice ; au 8, rue de la Faisanderie ; puis au bois de Boulogne et au 260, bd Saint-Germain). Sans adopter le caractère scientifique de la chronophotographie de É.-J. Marey* ou des travaux de E. Muybridge*, ces photographies équestres alimentent le débat sur 163 downloadModeText.vue.download 164 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie l’analyse du mouvement animal. Elles intéressent notamment l’artiste Ernest Meissonier. Les fils de celui-ci, Jean et Georges, qui travaillent avec leur père depuis les années 1870 et reprennent l’affaire en 1890, poursuivent cet effort en pratiquant de plus en plus l’instantané* (voir le « Photopiège », caméra portable selon le système J. Delton, 1892). Ils recensent également les chevaux par catégories et races (commande de l’Administration des haras en 1893) et font paraître la revue la Photographie hippique (1889-1894 au moins) pour diffuser les photographies faisant partie de leur collection. Jusqu’à l’aube du XXe siècle, cette maison harmonise plusieurs des préoccupations commerciales, sportives et esthétiques de son temps. B.P. DEMACHY Robert photographe français (Saint-Germain-en-Laye 1859 - Hennequeville 1936) Issu du milieu aisé de la banque parisienne, introduit dès 1882 à la Société française de photographie*, Demachy devient, dans la dernière décennie du XIXe siècle, le chef de file du pictorialisme* français. Membre du Photo-Club* de Paris ainsi que de nombreuses sociétés artistiques étrangères, tel le Linked Ring* à Londres, habitué des Salons de photographie internationaux, lié à C. Puyo*, à l’Anglais A. Maskell* et à l’Américaine G. Käsebier*, Demachy est un des principaux théoriciens du pictorialisme. L’oeuvre de ce spécialiste, auteur de traités sur les procédés pigmentaires (gomme, encres grasses et report) qui autorisent une large intervention de l’opérateur au moment du tirage traduit la volonté de faire de la photographie un art d’interprétation sur le modèle des arts du dessin. Demachy signe de nombreux 164 articles, notamment dans la Revue de photographie, dans la revue américaine Camera Work* ou bien dans The Amateur Photographer de Londres, et ses photographies sont largement publiées. Elles explorent tous les genres et, si les scènes bretonnes et les têtes d’étude ou les nus témoignent parfois d’une esthétique trop enserrée dans l’académisme – rappelons que le peintre Jean-Léon Gérôme est alors le président du jury des Salons du PhotoClub de Paris –, il faut se garder d’oublier les paysages usiniers et les scènes de genre tel l’Effort (1904, R.P.S., Bath). Après 1905, Demachy s’oppose à l’évolution générale du pictorialisme alors guidé par les Américains de la Photo-Sécession*. Fer de lance d’une lutte contre la photographie « pure » qui renie les méthodes pictorialistes, il s’isole – et avec lui l’école française tout entière – et s’éclipse de la scène artistique en 1914. Il est représenté à Paris dans les collections de la S.F.P. M.P. DE MARIA Walter artiste américain (Albany, Californie, 1935) Après avoir étudié à l’université de Californie de Berkeley (1953-1959), De Maria s’installe à New York, réalise ses premières sculptures en bois puis se joint aux recherches engagées à cette époque (à partir du milieu des années 1960) par plusieurs artistes anglo-saxons autour de l’idée d’une sortie de l’oeuvre du champ institutionnel des galeries au profit d’interventions artistiques dans le milieu naturel. Ce courant, connu sous le nom générique de land art*, entretient avec la photographie des relations diverses. Pour De Maria, le médium photographique est non seulement le support de documentation et de diffusion d’une oeuvre souvent géographidownloadModeText.vue.download 165 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie quement éloignée et difficile d’accès, mais aussi une des finalités possibles de l’oeuvre elle-même, un de ses moyens d’apparition et de visibilité à part entière. Le cas de son intervention intitulée Lightning Field (1976-1978), dans laquelle il installe 400 piquets en acier sur plus de 6 000 m2 du désert du Nouveau-Mexique, est emblématique. C’est en effet la photographie qui permet le mieux de saisir l’effet grandiose de la foudre tombant sur ce champ de piquets lumineux installés justement dans une région sujette à de nombreuses perturbations orageuses. La puissance tellurique recherchée dans cette oeuvre monumentale trouve une illustration condensée dans les nombreux clichés d’orage pris sur le site. P.L.R. DE MEYER Adolf Gayne photographe franco-britannique (Paris ? Dresde ? 1868 - Hollywood 1946) Dilettante au passé peu illustre, Adolph De Meyer, vers 1895, fait partie de l’élégante société britannique qui gravite autour du prince de Galles. En 1899, il épouse Olga Alberta Caracciolo, fille illégitime du futur roi Édouard VII, qui sert de catalyseur à son talent. Ils forment un couple mondain et esthète vouant une véritable passion aux Ballets russes de Diaghilev. Au tout début du siècle, De Meyer se consacre à la photographie, et les personnalités du monde cosmopolite de l’aristocratie et des arts sont nombreuses à poser pour lui. Ces portraits sont à classer dans la production pictorialiste. Proches de ceux de A. Stieglitz*, les travaux de De Meyer sont exposés à la galerie 291 (1909) et publiés dans Camera Work* (1912). En 1916, il change son nom en Gayne de Meyer. Dans le cadre de Vogue* (1914-1922) et par la suite de Harper’s Bazaar* (1922-1934), de Meyer est un des premiers à traiter la photographie de mode de manière subjective, ajoutant charme et élégance à une image réduite, jusque-là, à sa seule fonction descriptive. Pour ce faire, il utilise le registre visuel du symbolisme et du pictorialisme* et donne le ton à toute la photo de mode de 1914 à 1924. Un décor débordant de fleurs et d’étoffes chatoyantes savamment drapées, le flou (épaisseurs de gaze devant l’objectif) et l’utilisation du contre-jour font baigner ses mises en scène dans une atmosphère vaporeuse pleine de distinction aristocratique. Dès le début des années 1930, l’oeuvre de De Meyer est passée de mode et l’homme finit dans l’oubli. Ses photographies sont conservées dans de nombreuses collections, notamment à Rochester (George Eastman House) et à New York (Metropolitan Museum of Art), à Bath (Royal Photographic Society) et à Paris (Bibliothèque nationale). N.C. DEN HOLLANDER Paul photographe néerlandais (Bréda 1950) Au cours des années 1970, Den Hollander a contribué à la naissance d’une nouvelle manière de photographier. Toujours d’une grande simplicité, ses images sont construites avec précision. Mais cet univers géométrique, presque abstrait parfois, est, à cette époque, souvent troublé par un accident formel qui crée une tension, voire qui exprime une menace. À partir de 1980, Den Hollander choisit ses motifs dans les jardins botaniques et zoologiques, où la nature, apprivoisée et emprisonnée, est soumise à l’ordre de la culture, où les frontières s’estompent entre intérieur et extérieur, entre la vie et la mort. Ces thèmes sont ensuite déclinés, en couleur, dans les musées d’histoire naturelle où les animaux 165 downloadModeText.vue.download 166 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie empaillés et mis en scène dans des cadres théâtraux permettent en outre d’interroger la notion de simulacre. La série les Pyramides du nord, à nouveau en noir et blanc, est réalisée à l’intérieur d’usines désaffectées de la frontière franco-belge. Des cadrages d’une extrême rigueur isolent des empreintes d’objets disparus, des fissures de murs, etc. À la limite de l’abstraction, les images sont à la fois des vestiges d’un temps révolu et, comme toute l’oeuvre de Den Hollander, des métaphores de la photographie. C’est encore du temps et de ses effets, ainsi que de la planéité, dont il est aujourd’hui question dans les photographies d’herbiers et de collections scientifiques anciennes ; mais aussi de la volonté de l’homme de comprendre le monde, de le maîtriser, de le cataloguer. Den Hollander est un « puriste », tant par les moyens techniques, exclusivement photographiques, qu’il emploie, que par son goût pour le noir et blanc, son refus des recadrages, son attachement à la planéité, et son choix de la simplicité, à la lisière de l’abstraction. Il est représenté dans les collections de nombreux musées, en Europe et aux États-Unis. A.R. DENIER Andreï photographe russe (1820-1892) De 1840 à 1849, il étudie à l’Académie impériale des arts de Saint-Pétersbourg, dont il est diplômé en 1851. Dès cette période, il travaille comme photographe portraitiste, puis ouvre très vite un studio avec Mikhail Tulinov comme tireur et Ivan Kramskoï comme retoucheur. En 1865 et 1866, il commence à travailler sur « un album de portraits photographiques des person- nages vénérables et des individus célèbres en Russie ». Les images les plus célèbres 166 sont celles des ministres du tsar comme Allerberg, la grande-duchesse Marie Aleksandrovna, l’acteur Vasilii Samoilov, l’artiste Fyodor Bruni, l’éditeur Andreï Kraevskii, ainsi que de nombreux artistes dont il fait des portraits de groupe. Ce travail sur la vie politique, artistique et culturelle de la Russie des années 1860 à sa mort reste un témoignage inestimable sur la société d’une époque si créative. Nombreuses sont les photographies de ce recueil qui sont utilisées par des artistes comme modèles pour leurs peintures et leurs dessins. Il reçoit des prix pour sa participation à de nombreuses expositions internationales : Berlin (1865), Saint-Pétersbourg (1870), Londres (1871 et 1872), Moscou (1872). Il est membre du cinquième département de la Société technique russe et aussi l’un des premiers photographes à exposer à l’Académie impériale des arts. Il consacre la dernière partie de sa vie à la vulgarisation de la photographie. V.E. DENIZART Hugo photographe brésilien (Rio de Janeiro 1946) Après des études à Rio de Janeiro, il travaille comme photoreporter et journaliste au Jornal do Brasil de 1971 à 1973. Ses préoccupations sociologiques l’entraînent vers l’étude de certains groupes déshérités comme les nomades, les pêcheurs et les travailleurs des campagnes. À partir de 1973, passionné par les techniques audiovisuelles, il réalise des films sur ses sujets : Marivim et Vivendo. Les services sanitaires du ministère de la Santé font appel à son talent pour des travaux photographiques à travers le Brésil, sur les communautés marginalisées et atteintes par des maladies. downloadModeText.vue.download 167 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie Professeur à la faculté de lettres et de communication, il est responsable de cours sur la photographie et les sciences sociales ; il ouvre son propre cabinet de psychanalyste de 1977 à 1980. À partir de 1978, parta- geant la vie des habitants d’un bidonville de la « cité de Deus » à Rio, il recueille plusieurs milliers de photographies qui constituent une précieuse documentation sur les coutumes, les usages, les structures humaines et sociales des gens qui vivent là. Se servant de la photographie comme d’un instrument fondamental d’interprétation de la réalité brésilienne, il analyse et documente les questions sociales. Il réalise en 1981 deux nouveaux films, Première Rencontre communautaire de la Colonia Juliano Moreira et le Prisonnier du passage, et participe à l’exposition collective Brésil des Brésiliens, présentée au Centre GeorgesPompidou en 1983. V.E. DE NOOIJER Paul photographe et cinéaste néerlandais (Eindhoven 1943) Il étudie le design à Eindhoven puis devient en 1968 photographe indépendant (publicité, illustration). Parallèlement, il réalise de nombreux films expérimentaux et est l’un des précurseurs de la photographie « mise en scène* » (après L. Krims* et D. Michals* aux États-Unis). Il crée un univers de dérision, d’inspiration surréaliste, comme dans Electriclawnmovingiron (1977) – épreuve noir et blanc coloriée –, où un jardinier repasse consciencieusement, avec un fer rose, une plaque de gazon, fleurs et graminées, qui couvre la planche à repasser. Fabriquant décors et accessoires, il joue aussi sur l’échelle et la perspective (Lightning, 1983), les stéréotypes (Tarzan and Jane at home, 1976), avec humour et parfois provocation. Il a publié plusieurs livres : Losing one’s head (1978), Losing one’s photos (1981), Home Sweet Home (1982), Squares (1987). À la fin des années 1980, il produit des oeuvres de très grand format, comme Hommage à Baudelaire, qui mesure 49 m 2. Ses images, présentées au M.N.A.M., à Paris, en 1989, figurent dans les collections du Stedelijk Museum d’Amsterdam, de la Bibliothèque nationale de Paris, du Museum of Modern Art de Yokohama, etc. Ch.B.. DENSITÉ Valeur de gris d’un phototype*. Les mesures de densité sur les plages d’un phototype sont effectuées à l’aide d’un densitomètre. Densité optique, logarithme décimal de l’opacité d’un phototype. Une densité de 2 correspond à une opacité de 100. Intervalle de densité, différence des valeurs de la densité maximale et de la densité minimale d’un phototype. S.R. DEPARDON Raymond cinéaste et photographe français (Villefranche-sur-Saône 1942) Photographe de reportage, il est en 1966 le cofondateur de l’agence Gamma avec Hubert Henrotte et Hugues Vassal. Témoin entre 1975 et 1977 de la révolution tchadienne, il publie son premier livre, Tchad, en 1978. À cette période, il devient reporter à l’agence Magnum*. Pour Depardon, la photographie s’accompagne de textes, de notes et de films. Le texte prend une dimension proprement littéraire, il n’est jamais le commentaire strict de l’image. Auteur de plusieurs longs-métrages, Reporters (1981), Faits divers (1983), San Clemente (1984), Depardon est le témoin 167 downloadModeText.vue.download 168 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie de son temps à travers un regard singulier qui s’écarte résolument des codes et des conventions de l’image de presse ou médiatique. Cette approche du reportage le place autant dans une histoire de la photographie américaine et européenne, après Brassai*, R. Frank*, L. Friedlander*, G. Winogrand* que dans la lignée d’un cinéma* d’auteur né au début des années 1960 avec, notamment, Jean-Luc Godard, Chris Marker et Jean Rouch. S.C. DÉPOUILLEMENT Traitement physique ou chimique destiné à faire apparaître une image par élimination des parties exposées (ou non exposées) d’un phototype*. S.R. DESSIN PHOTOGÉNIQUE « Dessins photogéniques » est le nom sous lequel nous retenons les premières images réalisées par le brillant homme de science britannique W.H.F. Talbot*. Ces images sont issues des expériences qu’il réalise au cours des années 1830. En 1833, lors d’un voyage en Italie, utilisant une chambre claire, il éprouve une insatisfaction à ne pouvoir « conserver » ses vues du lac de Côme. Une bonne connaissance des propriétés des sels d’argent lui permet dès 1834 de réaliser ses premiers « dessins photogéniques » sur un papier imprégné de nitrate d’argent fixé dans une solution de sel ordinaire. Ces images résultent de l’exposition à la lumière d’objets de faible épaisseur (feuilles d’arbres, dentelle, brins d’herbe), directement posés sur un papier « ferme et de bonne qualité ». Des images négatives sont aussi produites, par l’utilisation d’une chambre noire*. Le premier docu168 ment de ce type est la Fenêtre treillagée de l’abbaye de Lacock (août 1835). L’annonce, le 7 janvier 1839, par le député français F. Arago* de l’invention de la photographie par L.J.M. Daguerre* incite Talbot, dans un souci de préserver l’antériorité de son invention, à faire le 31 du même mois une communication devant la Société royale de Londres : Exposé de l’art du tirage photogénique, ou procédé par lequel les objets de la nature peuvent se dessiner eux-mêmes sans le secours du crayon de l’artiste. La nature expérimentale et les imperfections des agents de conservation, qui entraînent une coloration du support allant du brun rosé au bleu pâle en passant par le lilas et le jaune citron, font de ces documents la trace insaisissable du mystère des premières photographies. J.-L.G. DÉVELOPPATEUR Substance chimique principale d’un révélateur* qui a la propriété de réduire à l’état d’argent métallique les cristaux de sels d’argent exposés à la lumière lors de la prise de vue. S.R. DÉVELOPPEMENT Opération ayant pour objet de transformer l’image* latente en image visible. La surface sensible impressionnée, portant l’image latente, est immergée dans le révélateur* pendant une durée déterminée, qui dépend de la composition du bain et de sa température. Les sels d’argent sont réduits par le développateur en libérant l’argent métal qui forme alors l’image visible. Développement chromogène, phase du développement d’un film polychrome downloadModeText.vue.download 169 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie durant laquelle se forme l’image en couleur. Développement-fixage, traitement complet d’une émulsion dans un seul bain (monobain), qui réalise simultanément les phases de développement et de fixage. S.R. DEVÉRIA Théodule photographe français (1831-1871) Fils du peintre et dessinateur Achille Devéria, Devéria est conservateur au département d’égyptologie du musée du Louvre. En 1859, il accompagne Auguste Mariette sur les fouilles de Memphis. OEuvrant sur papier ciré sec, il situe sa démarche dans une perspective résolument scientifique, au même titre que celle d’un A. Salzmann* ou d’un J.B. Greene* : l’archéologie. Son activité d’égyptologue et d’archéologue consiste à relever manuellement des inscriptions hiéroglyphiques ; une copie photographique en sera faite ensuite. Ne remplaçant en aucun cas le relevé à la main, la photographie est un simple instrument de contrôle augmentant la crédibilité et la fiabilité des découvertes. Dans un article à la Revue archéologique de 1861, Devéria confirme ce que F. Arago* avait annoncé et recommandé dans sa présentation du daguerréotype* en 1839 : la photographie devient l’auxiliaire de l’archéologie en levant le doute sur une possible erreur de dessin. Avec cette pratique rigoureuse dans la délimitation du motif, Devéria photographie, dans les années 1870, les sites égyptiens (Le Caire, désert d’Assouan...) et révèle une atmosphère nostalgique empreinte de romantisme : ses photographies de ruines – sculptures tombées à terre, sphinx, scribes – évoquent, par un éclairage rasant, les subtilités du modelé. Les oeuvres de Devéria font partie des collections de la Bibliothèque nationale et du musée d’Orsay ; deux d’entre elles ont été présentées lors de l’exposition Photographie/Sculpture organisée par le C.N.P. (palais de Tokyo) en 1991. F.H. DIAMOND Hugh Welch médecin et photographe britannique (Kent 1809 - ? 1886) Directeur de l’asile du comté de Surrey, le docteur Diamond est l’un des premiers à appliquer la photographie aux sciences en la faisant entrer dans le champ de la médecine, et plus particulièrement dans l’étude des maladies mentales. En 1851, il réalise ses premiers portraits au calotype* et photographie ses malades au début et pendant le traitement, à intervalles réguliers. Il inaugure ainsi une nouvelle méthode lui permettant de suivre l’avancée de la maladie et les progrès de la cure et de recueillir des documents scientifiques sur les réactions psychologiques, ce qui jusqu’alors n’avait été accompli que pour les phénomènes purement médicaux comme les lésions de la peau. En 1856, dans un rapport présenté à la Royal Society de Londres, il souligne l’apport de la photographie à la psychiatrie. Une nouvelle voie de recherche est donnée à la photographie : celle de la représentation de l’anormalité mentale. L’ouvrage The Physiognomony of Insanity, qui regroupe ces nouvelles théories, est orné de gravures réalisées à partir de portraits photographiques du docteur Diamond. F.H. DIAPHRAGME Dispositif mécanique destiné à limiter le diamètre d’un faisceau lumineux. 169 downloadModeText.vue.download 170 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie Il existe deux sortes de diaphragme : le diaphragme de diamètre fixe (ex. diaphragme à vanne) et le diaphragme à variation continue d’ouverture* (ex. diaphragme à iris). Dans ce dernier cas, des lamelles métalliques mobiles permettent de faire varier l’ouverture. Sur les objectifs*, un certain nombre d’ouvertures caractéristiques sont repérées par le constructeur. Le Congrès international de photographie de Paris (1900) a normalisé ces ouvertures (les ouvertures relatives 1/n) suivant une progression telle qu’en passant d’une valeur à la suivante, dans le sens décroissant, la quantité de lumière traversant le diaphragme durant un temps constant double : ... 32 ; 22 ; 16 ; 11 ; 8 ; 5,6 ; 4 ; 2,8 ; 1,4 ; 1. S.R. DIAPORAMA Spectacle constitué de projections, sur un ou plusieurs écrans, de diapositives qui sont montées en synchronisme avec une bande sonore. S.R. DIAPOSITIVE Photographie positive tirée sur support transparent, généralement destinée à être projetée sur écran. Les diapositives donnent des images achromes* (en noir et blanc) ou polychromes (en couleur). Lorsqu’elles sont destinées à la projection, elles sont généralement protégées par une monture en carton ou en plastique ou disposées entre deux lames de verre. Les formats les plus courants des diapositives de projection sont : 24 × 36 mm, 6 × 6 cm, 4,5 × 6 cm et 13 × 17 mm. S.R. 170 DIAZ Hernan photographe colombien (Ibagué, Tolima, 1931) Après des études primaires et secondaires à l’Institut de La Salle, à Bogotá, Diaz apprend la photographie avec son père. Il entreprend ensuite une formation aux États-Unis, à l’Institut d’art commercial de Wesport, Connecticut, puis dans une école spécialisée dans la photographie. Il expose dès 1957 à la Société des amis du pays, à Bogotá, et au premier Festival d’art de Cali, Colombie, en 1959. À 35 ans, sa première grande exposition individuelle se tient à la galerie Colseguros de Bogotá et, en 1974, il expose au musée d’Art moderne de Bogotá. Il représente la Colombie à la Biennale de Venise en 1980 et reçoit le premier prix au concours international du Collège national des architectes du Venezuela. Il collabore à de nombreux magazines dont Life, Fortune, et Time, et publie des ouvrages comme El Sueño de las Escalinatas ; Cartagena Morena (monographie de son travail) ; Trajes regionales de Colombía ; Aire puro et Los Angeles de Sopó. Diaz porte un regard professionnel très objectif sur son pays – les traditions, les coutumes et les costumes des villages, les vastes paysages colombiens – à travers une errance poétique sans complaisance, comme le montre son dernier livre monographique Herencia Colonial. V.E. DIAZ GUTTIERREZ Alberto (dit Korda) photographe cubain (La Havane 1928) Après des études de journalisme et de commerce, il installe en 1956 un studio de photographie commerciale et publicitaire downloadModeText.vue.download 171 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie dans lequel il travaille jusqu’en 1968. Il est également photographe du journal Revolución à partir de 1959. Il accompagne Fidel Castro dans ses voyages – Venezuela, États-Unis, Canada, U.R.S.S. et Chine. En 1960, il publie dans Revolución une série de reportages sur les traversées du pays par Fidel Castro, sur Fidel dans la Sierra Maestra, à sa table de travail, traversant la jungle avec sac à dos et les armes à la main. En 1968, il devient photographe du département des inves- tigations sous-marines de l’Académie des sciences de Cuba, travaille pour la revue Opina et pour des sociétés commerciales, Egrem, Cuba-export, Contex, Cuba Moda. En 1960, sa photographie Guerrillero heróico de Che Guevara a été l’une des plus publiées au monde et a fait l’objet d’un documentaire en 1962, Une photographie parcourt le monde, de Pedro Chaskel. Il expose dans tous les pays d’Amérique latine et en Allemagne, en Italie, au Canada. De nombreux prix le récompensent, comme le prix Ruben Martinez Villena en 1983 et la médaille de la Culture nationale. En 1986 ; Photo Reporter publie un article intitulé À Cuba, nous avons retrouvé le photographe du Che. V.E. DIBBETS Jan photographe néerlandais (Weert 1941) Il débute ses études à Tilburg de 1959 à 1963, puis s’inscrit en 1967 à la St Martin School de Londres. Il participe à partir de 1965 à la plupart des expositions d’avantgarde de l’époque en Europe. Son livre Territoire du rouge-gorge, publié en 1969, énonce une conception antitraditionnelle de la sculpture à travers une série de photographies qui témoignent du déplacement de l’oiseau à l’intérieur d’un parc d’Amsterdam. Les Perspective Corrections (1969) sont les photos d’une pièce géométrique carrée, posée au sol, ou d’un carré dessiné au mur. La prise de vue restitue une vision frontale de cet élément que la vision photographique ordinaire placerait en perspective. À partir de 1970, il obtient, au moyen de photomontages placés au mur, des panoramiques qui outrepassent la vision monoculaire. Au début des années 1970, Dibbets oriente son oeuvre vers les usages conjugués de la photo, du dessin et de la peinture. Les plafonds, les dômes, les coupoles, ornés de motifs architecturaux, et les fenêtres sont une réinterprétation spectaculaire du classicisme des intérieurs hollandais et des architectures baroques. Construites autour d’un centre, ces images déploient des jeux de perspective extrêmement complexes : Spoleto Duomo (1982), Saerendam Senanque (1981). En 1991, le C.N.P., au palais de Tokyo, à Paris, a consacré à l’oeuvre de l’artiste une importante rétrospective. S.C. DI BELLO Paola photographe italienne (Naples 1961) Elle commence à travailler très tôt (1973), dans l’atelier de son père, Bruno Di Bello, dont la démarche artistique comprend la photo comme support et comme pratique à part entière. Cette expérience familiale l’a marquée positivement, car, ensuite, elle n’a plus cessé de pratiquer la photographie autrement qu’à travers une démarche cohérente qui sonde toutes les possibilités du support dans un questionnement sur la vision et la représentation. Depuis 1984, elle utilise le Polaroid*. Ainsi sont nées les séries Membra Disiecta et la Connaissance de soi, où elle laisse le support s’oxyder pendant une période qui va de quelques 171 downloadModeText.vue.download 172 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie mois à une année : il en résulte une sorte de miroir rongé par le temps, impressionné ou vierge, sur lequel l’artiste intervient de différentes façons. La pratique de Di Bello renvoie curieusement le Polaroid ainsi obtenu aux plaques daguerréotypes*. Les deux critères qui sont à la base de son travail, un laps de temps assez long et le support positif* et négatif* à la fois, posent concrètement la question de ce qu’est le temps de la photographie instantanée*. Son travail a été montré lors de plusieurs expositions collectives et personnelles : à Milan en 1990 (galerie Menotti), à Stuttgart en 1991 (galerie Nôth) et de nouveau à Milan en 1993 (galerie Inghileri). S.T. DIEUZAIDE Jean photographe français (Grenade-sur-Garonne 1921) En 1944, il est le seul à photographier la libération de Toulouse et réussit un des premiers portraits officiels du général de Gaulle. Dieuzaide devient photographe mais signe Yan, ce métier n’étant pas digne de son nom. En 1946, pour les éditions Arthaud, il illustre un premier livre, la Gascogne, et devient membre du Cercle des XII de Toulouse. Il voyage en Espagne, au Portugal (1954), en Turquie (1955), et illustre de nombreux livres touristiques. Un reportage acrobatique sur des funambules paraît dans Life* en 1954. En 1955, il est le premier lauréat du tout nouveau prix Niépce et son livre Catalogne romane reçoit en 1961 le prix Nadar. Plus près de lui, il photographie aussi bien les chefs-d’oeuvre de l’art roman que le Concorde (1969). En 1968, parce que sa pudeur ne l’a pas autorisé à la montrer plus tôt, il livre au regard sa rencontre bouleversante de sensualité avec le brai (sorte de goudron visqueux), un travail réalisé 172 dix ans plus tôt. L’année 1971 marque un tournant. Il se livre à d’autres expériences, utilise une de ses photographies comme carton de tapisserie, invente les « centrichimigrammes ». Il redécouvre son monde quotidien et photographie des objets de tous les jours. Ses images montrent sa grande maîtrise de la lumière, de la composition, du métier. En 1974, il fonde la galerie du Château d’Eau*, dont il est depuis le directeur. Il tient cependant à poursuivre son oeuvre. En 1980 et 1984, il reçoit deux commandes du ministère de la Culture, sur les orgues en Midi-Pyrénées et les monuments historiques. En 1986, Quarante Ans de photographie sont rassemblés aux Jacobins de Toulouse. La variété des thèmes abordés dans son oeuvre et sa vision large de la photographie lui ont permis de faire découvrir au public du Château d’Eau toute la richesse de ce médium. A.M. DIN voir ISO DISDÉRI André Adolphe Eugène photographe français (Paris 1819 - id. 1889) Il commence à s’intéresser à la photographie en 1847. Portraitiste, il s’installe à Paris en 1854 et ouvre l’un des plus importants studios de photographie. Il dépose la même année un brevet pour la « carte de visite* », une épreuve de format réduit obtenue à l’aide d’un appareil à quatre ou six objectifs. Muni d’un châssis fixe ou mobile, cet appareil permet de réaliser jusqu’à huit clichés semblables ou différents sur une même plaque photographique. Ce nouveau procédé rend accessible la photographie à la masse du public en abaissant les coûts de production et apporte la fortune à downloadModeText.vue.download 173 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie son inventeur. Images bon marché, vulgarisation de l’art et instrumentalisation de la photographie sont ses ambitions. En 1859, la carte de visite est à la mode et la carrière du photographe est à son apogée. Il devient le photographe le plus riche du monde. Photographe officiel des cours de France, d’Espagne, de Grande-Bretagne et de Russie, il exploite sur le boulevard des Italiens, à Paris, un studio richement décoré d’or, de bronze, de marbre, de soie et de bois précieux. Preuve incontestable de sa réussite commerciale et sociale, les portraits de LL. MM. l’empereur et l’impératrice, du prince impérial, du prince Jérôme et du prince Napoléon ornent les murs de ses salons de style François Ier et Louis XV. Avec lui, la photographie participe de l’économie de marché : emprunts, actionnariat, création de sociétés, publicité, recherche et obtention de contrats rémunérateurs, innovation technique, etc., constituent ses principales activités. L’entreprise de Disdéri s’inscrit dans un contexte où entrent en concurrence divers types d’images : photographie, gravure, lithographie. Il crée en 1855 la Société du Palais de l’industrie pour photographier tous les objets de l’Exposition universelle. Il publie en 1862 l’Art de la photographie, un manuel riche de renseignements sur les conventions du portrait sous le second Empire. Dans ce livre, Disdéri entreprend de montrer que la photographie relève de l’art et, surtout, qu’elle est un art spécifique. Il y critique d’abord les méthodes employées par la photographie commerciale, qui banalisent selon lui ce qui fait la singularité de chaque modèle. Pour réaliser un bon portrait, il conseille de choisir un mode de représentation approprié au modèle, c’est-à-dire un ensemble de gestes, d’attitudes et d’expressions qui révèlent ce qui fait le propre du sujet. Il accorde pour cela une attention particulière aux instants qui précèdent le moment de la prise de vue. L’étude et la connaissance du modèle constituent la première étape de l’acte photographique et permettent de déterminer un mode de représentation qui sache exprimer le caractère moral du sujet. À la description des traits physiques et de l’apparence de l’individu succède l’étude de son « être moral », étape cruciale de sa théorie du portrait. Les registres et plus de 20 000 planches de portraits provenant de l’atelier de Disdéri ont été acquis en 1995 par la B.N. V.L. DITYVON Claude (Claude Raimond-Dityvon, dit) photographe français (La Rochelle 1937) Issu du monde ouvrier, c’est en 1967 qu’il se dirige vers la photographie. Tout en faisant place à l’aléatoire, puissance de l’écriture, sens des volumes et clarté de la composition servent son oeuvre, qui s’attache à la vie quotidienne sans rechercher le sensationnel mais en privilégiant la réalité sociale et les qualités humaines. On lui doit Gens de La Rochelle (1979), Album de tournage (1985). S.R. DIXON Henry photographe britannique (Londres 1824 - 1883) Il est connu pour ses travaux au sein de la Society for Photographing Relics of Old London, une association fondée en 1875. Son but est de rassembler des photographies de bâtiments londoniens que la croissance urbaine risque de faire disparaître. L’association publie des fascicules sans texte jusqu’en 1881, puis les photographies sont accompagnées de com173 downloadModeText.vue.download 174 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie mentaires. En 1886, date de la dernière parution de la série, l’association a publié au total 120 planches en numérotation continue et 4 non numérotées. Ces illustrations sont presque toutes dues à deux équipes de photographes : A & J. Bool et Henry Dixon and Son. La majeure partie des photographies est réalisée par Henry Dixon et son fils – de la planche 24 à 100 –, qui établissent leur firme sous le nom « Henry Dixon and Son » en 1887. Leurs travaux se concentrent sur les images voulues par l’association, c’est-à-dire celles qui montrent l’importance historique des bâtiments et leur place dans la ville (Cour de la King’s Head Inn, Southwark, Londres, vers 1979, Centre canadien d’architecture, Montréal). M.C. DMITRIEV Maxime photographe russe (1859 - 1948) Fils de paysans de la province de Tambov, Dmitriev fréquente l’école de son village natal jusqu’à l’âge de 15 ans. Il part à Moscou et travaille pour plusieurs studios de photographie, dans le montage et la retouche d’images. Le dimanche, il suit des cours de dessin à l’Institut artistique et industriel Stroganov. Un an plus tard, il visite Nijni Novgorod, où il fait un court séjour au studio de A. Kareline*. À 19 ans, après une brève apparition dans l’atelier photographique de Mikhail Nastiukov, il retourne à Nijni Novgorod, où il ouvre avec un associé un studio qui fait rapidement faillite. Ayant appris la technique du procédé au collodion*, il se fait embaucher de nouveau chez Kareline. Il s’initie à la photographie commerciale et ouvre en 1887 un nouveau studio, qui restera en activité jusqu’en 1920. Il se consacre à la vie quotidienne des régions proches de la Vol174 ga, surtout à la période de la famine 18911892. Son nom est attaché à la naissance de la photographie sociale russe. L’exposition photographique russe de Moscou de 1889 lui apporte son premier succès. Pendant dix ans, il va recevoir des prix dans toutes les manifestations internationales auxquelles il participe. Il se fait surtout connaître par son iconographie extensive de la Volga, des sobres paysages aux foules pittoresques de villages, témoignage de la misère du peuple russe sous le tsarisme. Ses photographies sont publiées en cartes postales, illustrent des guides touristiques et des livres d’images à travers toute la Russie. Il est président du cercle photographique de Nijni Novgorod, auquel il lègue ses oeuvres. V.E. DOISNEAU Robert photographe français (Gentilly 1912 - Paris 1994) Rare – sinon unique – photographe connu du grand public, Robert Doisneau assiste à la reconnaissance de son oeuvre depuis les années 1970. En 1974, J. Dieuzaide* inaugurait la galerie du Château d’Eau* de Toulouse avec les photographies de Doisneau aux cimaises. Depuis, ses images (tirages, cartes postales et posters) sont exposées, publiées, reproduites et vendues dans le monde entier. Doisneau, jeune diplômé de l’École Estienne, découvre la photographie alors qu’il travaille dans un atelier de publicité spécialisé dans la pharmacie. En 1931, il est opérateur chez A. Vigneau*, et son premier reportage paraît dans l’Excelsior. Le voici, en 1934, photographe aux usines Renault..., d’où il est licencié cinq ans plus tard pour absentéisme. « Renault fut pour moi, dit-il, le véritable point de départ de ma carrière et la fin de ma jeunesse. » En 1939, il devient photographe-illustrateur downloadModeText.vue.download 175 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie indépendant et, en 1946, entre définitivement à l’agence Rapho. Doisneau, qui aime se comparer à E. Atget*, sillonne les Banlieues de Paris (photographies accompagnées d’un texte de Blaise Cendrars, 1949) pour « s’emparer des trésors que [ses] contemporains transportent inconsciemment ». Nul mieux que lui ne sait approcher et fixer dans l’instant les hommes dans leur quotidienne vérité, parfois réinventée. Il est peu soucieux de la composition, et l’histoire sentimentale des gens ordinaires prime sur un quelconque discours esthétique. Son oeuvre d’intime spectateur apparaît aujourd’hui comme un vaste album de famille où chacun se reconnaît avec émotion. Doisneau est devenu l’illustre représentant de l’humanisme photographique en France. Il est auteur d’un grand nombre d’ouvrages, principalement sur Paris depuis 1949, et ses photographies sont présentes dans les plus grandes collections en France, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Une rétrospective a été présentée à Paris, en 1995-1996 (musée Carnavalet). S.Ro. DOLÉMIEUX Pascal photographe français (Paris 1953) Après avoir pendant quelques années partagé son temps entre deux activités, il abandonne son métier dans l’informatique en 1981 pour se consacrer à la photographie. Lors de nombreux voyages en Amérique du Sud et en Europe, il a déjà commencé à photographier fêtes, carnavals, cérémonies religieuses, attiré par le goût du jeu, de l’inattendu, de la poésie qui s’y révèlent. Il obtient une bourse de la Fondation nationale de la photographie, puis, en 1983, les prix Niépce, « Moins Trente », Air France, et il collabore à divers journaux et revues, dont Libération. Il réalise ensuite des mises en scène, souvent miniatures, à partir d’objets détournés, certaines avec du matériel photographique, comme Gui Tzo 1er (1988), où un pied d’appareil photographique (de la marque Gitzo) sert de corps à un petit personnage à la tête faite d’une passoire et de fourchettes. Ces photographies, retravaillées, dont certains éléments sont peints, transmettent, par leur aspect « naïf », à la fois tendresse et dérision. En 1989, il collabore à la création de l’agence Métis. Ch.B. DOMELA César (Caesar Domela Nieuwerhuis, dit) artiste français d’origine néerlandaise (Amsterdam 1900 - 1993) Connu comme l’un des acteurs du néoplasticisme à la suite de sa rencontre avec Mondrian en 1924, Domela partage avec le mouvement De Stijl un goût prononcé pour les arts graphiques. Il réalise ainsi des travaux de typographie et de photomontage* pour de nombreuses campagnes publicitaires de grandes marques industrielles, comme AEG ou Osram. Il fonde aussi un atelier de publicité, en collaboration avec Hélène von Jecklin et Hans Robertson. Il livre une série d’affichesphotomontages, notamment pour AEG, dont les compositions saturées d’objets composites rappellent singulièrement les collages berlinois dadaïstes de H. Höch* ou de J. Heartfield*. Il est lui-même l’organisateur et le concepteur du catalogue d’une importante exposition consacrée au pho- tomontage (Fotomontage, Berlin, 1931). Son travail typographique (hérité notamment des recherches de E. Lissitsky* et des analyses de J. Tschichold formalisées dans le fameux opuscule Die neue Typographie, 1928) le conduira à participer à la Ring 175 downloadModeText.vue.download 176 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie Neue Werbegestalter (Nouvelle Création publicitaire). Quant au lien plus immédiat entre son oeuvre plastique et la photographie, il s’établit dès ses premiers clichés quand il reproduit ses propres tableaux ou réalise une série d’études de structure (à partir de 1928) représentant des branchages, des algues et autres végétaux, des charpentes de bois (Structure, 1929) ou métalliques (Avignon-Nîmes Brücke, 19281931), des cages d’ascenseurs ou des murs, tous sélectionnés pour leur configuration géométrique remarquable. P.L.R. DOMON Ken photographe japonais (Sakata 1909 - Yamagata 1990) À cause de son activité politique au sein de la contestation paysanne, Domon, étudiant en droit, est exclu en 1932 de la Nihon University de Tokyo. En 1933, il devient assistant-photographe de studio et, en 1935, entre à l’agence Nippon-Kobo, le porte-drapeau du photojournalisme japonais de l’époque, qu’il quitte en 1939. À partir de 1950, ses idées humanistes et sa conception du réalisme photographique le conduisent à photographier directement les « symptômes » de la réalité sociale. À travers plusieurs reportages, notamment sur la vie des enfants de mineurs au chômage, il souhaite que la société exprime « la colère, le plaisir ou la tristesse des hommes de ce temps ». Sa conception connaît un grand écho auprès des amateurs. Le réalisme de Domon se concrétise dans Hiroshima, ouvrage publié en 1958, dans lequel il regarde en face les survivants de la bombe atomique. Parallèlement, il photographie l’art traditionnel japonais (architecture et sculpture) et réalise plusieurs publications comme Koji-Junrei (le Pèlerinage aux temples anciens) 1964176 1971. En 1983, le Ken Domon Memorial Museum est inauguré à Sakata, sa ville natale. T.O. DONDERO Mario photographe italien (Milan 1929) Il devient photographe à la fin de ses études universitaires et participe à l’expérience euphorique de l’agence Publifoto* de ces années-là avec U. Mulas*. Ces années extrêmement riches pour le milieu artistique et intellectuel voient évoluer Dondero et Mulas dans le quartier de Brera. Ils seront parmi les protagonistes d’un roman-culte de Bianciardi, La Vita agra, et ils partageront misère et aventures, mais aussi cet esprit de groupe et ce sens du collectif diffusé à l’époque, au point que leurs premiers reportages ne seront pas signés et seront (et le sont toujours) confondus. Dondero conserve toujours cet esprit qui lui fait voir le reportage* en premier lieu comme un service offert à la communauté, et ensuite, comme un sujet d’exposition et de reconnaissance personnelle. S.T. DORYS Benedykt Jerzy photographe polonais (Kalisz 1901 - Varsovie 1990) Dorys fait ses débuts en photographie à l’âge de treize ans, mais c’est seulement en 1925, à Varsovie, qu’il décide de s’y consacrer. En 1927, il entre à la Société polonaise de photographes amateurs, qui organise une exposition sur son oeuvre en 1929. La même année, il ouvre son propre studio. Portraitiste réputé, il photographie l’intelligentsia de Varsovie, et reçoit en l’espace d’une décennie de nombreuses médailles, diplômes ou prix. Il s’intéresse également downloadModeText.vue.download 177 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie à la photo de mode, réalise des paysages et des photos d’architecture et collabore à des magazines. Adepte du procédé à la gomme bichromatée, il utilise aussi les négatifs de petit format : son reportage Kazimierz sur la Vistule (1931-1932) est composé d’images spontanées sur la vie quotidienne en province. Cofondateur de l’Union des artistes photographes polonais en 1946, il participe à partir de cette date à toutes sortes de conseils, commissions, comités, etc. Son oeuvre figure dans les expositions la Photographie polonaise (Centre Georges-Pompidou, 1981) et les Chefsd’oeuvre de la photographie polonaise, 1912-1948, de la collection du Muzeum Sztuki de Lodz (Institut polonais de Paris, 1992). E.E. DRAHOS Tom ar tiste tchèque (Jablonne 1947) Après une formation à l’École des arts graphiques puis à l’Académie du cinéma de Prague, Drahos s’installe en 1968 à Paris où il s’inscrit à l’I.D.H.E.C. Ses débuts de photographe consacrés au reportage social laissent place, en 1977, à de premières « macro-photo-installation » puis à la série des Métamorphoses de Robois. Il participe en 1981 à l’exposition Ils se disent peintres, ils se disent photographes (A.R.C., M.A.M. de la Ville de Paris). En 1985, il commence un cycle sur la religion indienne animiste jaïna. Des textes constituent des protocoles de travail à ses fictions. Transformant la matière picturale par déchirures, agrafages, fragmentations et assemblages, il évolue, dans les années 1980, vers l’utilisation de grands formats sous la forme de diptyques ou de triptyques et vers l’intégration de la photographie dans des sculptures ou installations proches du monument, aux couleurs baroques (le Mur de la vraie et de la fausse connaissance, 1987, F.R.A.C., Corse). Incorporée parfois à ses installations, la matière photographique réduite en poudre ou en « essences » évoque le passage du réel à sa propre mémoire. L’oeuvre de Drahos qui s’est aussi étendue à la vidéo traduit une mythologie personnelle commentant l’état du monde d’aujourd’hui et résistant à toute tentation documentaire. F.D. DRTIKOL Frantisek photographe tchèque (Príbram 1883 - Prague 1961) Drtikol est un des grands spécialistes du nu photographique féminin de la première moitié de ce siècle. Il devient photographe selon les voeux de son père. Après trois ans d’apprentissage chez Antonin Mattas (1898-1901), il suit des cours à la Lehr und Versuchsanstalt fur Photographie de Munich jusqu’en 1903. De 1904 à 1907, il fait son service militaire. Dès son retour dans sa ville natale, il aménage un atelier, mais fait rapidement faillite. Pendant toute cette première période, il associe sa photographie à la peinture symboliste. La femme est son sujet de prédilection. Il retouche ses négatifs au pinceau, inventant des arrière-plans de paysage. Dès 1910, son travail commence à être remarqué. Il est membre du Club tchèque des photographes amateurs et rencontre Augustin Skarda, qui devient son associé dans l’atelier qu’il ouvre à Prague. Au contact de la capitale, son style change sensiblement. Spécialisé dans le portrait, il photographie toutes les personnes connues de l’époque. Dès 1913, un des thèmes récurrents de son oeuvre apparaît : le côté destructeur de la femme, représenté par Salomé. 177 downloadModeText.vue.download 178 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie Dans les années 1920, son style évolue vers les tendances expressionnistes, fonctionnalistes, cubistes, Arts déco et abstraites. Des scènes de genre, souvent « kitsch », caractérisent la production de son atelier. Progressivement, il exploite au maximum les contrastes de lumière et organise une mise en scène théâtrale. Des vases ou des crânes apparaissent sur ses clichés. Par la suite, on découvre un nouveau dynamisme dans les poses de ses modèles. L’arrièreplan de ses compositions, toujours retouché au pinceau, devient plus moderne, et le nu est inclus au milieu de formes géométriques dont il suit les courbes et le mouvement (la Vague, 1927). De renommée internationale, il est au sommet de sa carrière en 1929, lorsque les Nus de Drtikol sont édités par A. Calavas. Il réalise notamment cette année-là une série remarquable de photographies de jambes féminines en mouvement, intitulée Pas. Entre 1930 et 1935, il ne photographie plus que des figurines. Puis il abandonne la photo pour se consacrer à la peinture, à la méditation et à la philosophie orientale. Le musée national d’Art moderne à Paris expose Photographes tchèques en 1983, et Anna Fárová écrit Frantisek Drtikol photographe Art-Déco en 1986. E.E. DU En 1941, à Zurich, Arnold Kübler devient le rédacteur en chef d’une nouvelle revue culturelle. Du succède à la Zürcher Illustrierte, hebdomadaire illustré, où il assumait, depuis 1929, les fonctions de rédacteur photo. Avec Émile Schulthess, responsable de la conception graphique, Du accorde un espace généreux aux photographies, publiées en pleine page. Grâce à la qualité exceptionnelle des reproductions d’oeuvres d’art en couleurs, ce men178 suel acquiert rapidement une renommée mondiale. La première année, Hans Staub et P. Senn* collaborent à la rédaction, puis W. Bischof* à partir de 1942. Ce dernier publie ses premiers reportages sur l’Invalide, les Réfugiés, respectivement en 1944 et en 1945. En 1958, Manuel Gasser remplace Arnold Kübler et assume les fonctions de rédacteur en chef jusqu’en 1974. En dehors des sujets d’actualité, traités par de grands photographes comme R. Burri*, Barbey, L. Chessex*, Freed, M. Riboud*, la revue a développé rapidement ses cahiers thématiques. Plusieurs ont été consacrés spécialement à : La photographie suisse des débuts (1952), Family of Man (1955), August Sander (1959), Robert Frank (1962), Cartier-Bresson (1967), Bruce Davidson (1969), Herbert List (1973). Du commande également des reportages. En 1990, K. Pruszkowski* en réalise un en photosynthèse sur Varsovie. Pour son cinquantenaire, en 1991, la revue a rendu hommage à son fondateur Arnold Kübler. A.M. DUBOSCQ Louis Jules opticien et photographe français (Villaines 1817 - Paris 1886) Élève et gendre de l’opticien Jean-Baptiste François Soleil, Duboscq succède à son beau-père en 1849. À l’automne 1850, l’abbé Moigno, célèbre chroniqueur scientifique, lui présente David Brewster, l’inventeur du kaléidoscope et du stéréos- cope lenticulaire. Enthousiasmé par cette dernière invention, Duboscq accepte d’en assurer la fabrication et profite de l’Exposition universelle qui s’ouvre à Londres en 1851 pour lancer cet appareil sur le marché. La reine Victoria est charmée par cet instrument, et les commandes affluent rue de l’Odéon. Duboscq réalise de nombreux downloadModeText.vue.download 179 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie daguerréotypes stéréoscopiques, dont plusieurs exemplaires se trouvent aujourd’hui au musée de la Photographie à la George Eastman House. Ses natures mortes témoignent d’une grande maîtrise de la composition et de la lumière. Il dépose en 1852 un brevet pour un nouveau type de stéréoscope et publie, l’année suivante, Règles pratiques de la photographie sur plaque, papier, albumine et collodion d’après les meilleurs procédés. Il est le premier à obtenir des photographies en relief à travers un microscope et reçoit en 1856 une médaille d’or de la société d’encouragement pour son microscope photoélectrique. Ses travaux dans le domaine de l’optique lui valent d’être décoré de la Légion d’honneur en 1863 et d’être promu officier en 1885. D.P. DUBREUIL Pierre photographe français (Lille 1872 - Bruxelles 1944) Le mouvement pictorialiste, apparu à la suite du naturalisme anglais, dans les années 1890, n’est pas toujours délimité par sa convergence avec les effets et les styles de la peinture. Chez certains photographes, il est la manifestation d’un syncrétisme beaucoup plus ouvert sur les symboles, la tradition littéraire ou les avant-gardes artistiques. Dubreuil fait partie de ces amateurs aisés peu soucieux de leur image sociale, qui prennent position en faveur de « l’école américaine », représentée par Camera Work*, plus novatrice que la (parfois mièvre) tendance française de R. Demachy* et de C. Puyo*. Bien qu’accepté par le Photo-Club* de Paris dès 1896, Dubreuil se distingue déjà par la construction de ses images. Il adopte les procédés de tirage pictorialistes (gomme bichromatée, charbon, platine, huile Rawlins), mais recherche, selon ses détracteurs, « le bi- zarre et l’inhabituel ». Membre du Linked Ring* en 1903, il s’installe à Paris en 1908, prend contact avec A. Stieglitz* et participe (à son propre insu) à la grande exposition pictorialiste de Buffalo, qui marque déjà le déclin du genre. Dubreuil est alors un véritable moderniste, multipliant les vues en plongée, les plans rapprochés, faisant allusion à Picasso et anticipant la vision de A. Coburn* ou de P. Strand*. La guerre interrompt ses recherches, qu’il reprend en 1923, à Bruxelles, en se trouvant cette fois en phase avec la Nouvelle Photographie et la Nouvelle Vision, mais sans renier les techniques de tirage sophistiquées. À sa rétrospective de la Royal Photographic Society de Londres en 1935, Dubreuil fait encore figure d’« extrémiste », bien que ses anticipations dérangeantes soient devenues le lot commun de la photographie moderne. M.F. DU CAMP Maxime photographe français (Paris 1822 - Baden-Baden 1894) En 1844-1845, il effectue son premier voyage en Orient et publie, en 1848, Souvenirs et paysages d’Orient. En 1847, il voyage en Bretagne et en Touraine avec Gustave Flaubert. G. Le Gray* l’initie à la calotypie*. De 1849 à 1851, alors que l’archéologie connaît un succès croissant, il est chargé par le ministère de l’Instruction publique d’une mission archéologique en Orient. Il effectue ce voyage en compagnie de Flaubert. Conseillé par Alexis de Lagrange, qu’il rencontre au Caire, il utilise la méthode « négatif sur négatif » de L.-D. Blanquart-Évrard*. Il rapporte 220 calotypes de son voyage en Égypte, en Nubie, en Palestine et en Syrie. Collaborateur à la Revue des Deux Mondes et au Journal des débats, il fonde 179 downloadModeText.vue.download 180 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie en 1851 la Revue de Paris. En 1852 paraît Égypte, Nubie, Palestine et Syrie, premier livre illustré de photographies originales. Dédié à Louis de Cormentin, journaliste à la Presse, à l’Événement et au Moniteur universel, cet ouvrage, illustré de 125 planches tirées chez Blanquart-Évrard, témoigne du rôle de la photographie dans la découverte du monde. Ce projet s’inscrit dans une dynamique de développement industriel à laquelle la photographie, au même titre que le chemin de fer, qui abrège la distance et le temps, est appelée à participer. Du Camp se joint en 1860 à l’expédition de Garibaldi qui fait la conquête de la Sicile. V.L. DUCHAMP Marcel ar tiste français (Blainville 1887 - Neuilly 1968) Duchamp s’inspire constamment du médium photographique, même si les photographies ou les photomontages sont très rares dans son oeuvre (Couverture-cigarette exécutée pour la Septième Face du dé, Paris, éditions Jeanne Bucher, 1936 ; couverture de View en 1945 ; couverture du no 1 de le Surréalisme même, 1956). Ce médium est pour lui un moyen d’atteindre cette « peinture de précision et cette beauté d’indifférence » qu’il recherche depuis 1912. On peut principalement distinguer trois formes différentes d’utilisation de la photographie par Duchamp : la première est purement scientifique, la seconde est documentaire, et la troisième illusionniste. Il s’inspire des caractéristiques scientifiques de la photo, notamment dans le Grand Verre. Si, d’une manière générale, le Grand Verre n’est rien d’autre qu’une plaque photographique géante, notons plus précisément que la Voie lactée est pour Duchamp la représentation 180 des irradiations de la Mariée. Il s’agit dans ce cas de l’influence de ce qu’on a appelé en 1959 – mais qui existait déjà en 1890 – « l’effet Kirlian » : la représentation photographique des irradiations d’un corps humain. Autre influence des recherches scientifiques en photographie : la chronophotographie de É.-J. Marey*. Elle est la base de la représentation du mouvement dans Nu descendant un escalier (1911). Duchamp s’intéresse ensuite aux qualités documentaires de la photographie, à « ses possibilités d’enregistrement d’une extrême précision ». Par exemple, les Pistons de courant d’air de la Voie lactée du Grand Verre sont des formes obtenues en photographiant un tissu agité par le vent. Enfin, Duchamp joue avec les possibilités illusionnistes de la photo. Il se fait photographier en femme par Man Ray* : c’est Rrose Sélavy. Il apparaît dans Belle Haleine, Eau de Voilette (1921), Wanted $ 2000 Reward (1923), Obligation pour la roulette de Monte-Carlo (1924). Illusion aussi pour la couverture du no 1 de la revue d’André Breton le Surréalisme même (1956) : il s’agit en fait d’une photo de la sculpture Feuille de vigne femelle. Si cette dernière n’est pas très compréhensible, la photographie en revanche est particulièrement érotique. Elle est obtenue en inversant, grâce à l’éclairage et à un travail sur le négatif, les valeurs de la sculpture : les pleins deviennent vides et les creux deviennent bosses. Pour finir, sa dernière oeuvre, Étant donné 1. Le gaz d’éclairage 2. La chute d’eau, relève dans l’ensemble de l’illusionnisme photographique. Ainsi, Duchamp est probablement celui qui a utilisé au maximum toutes les capacités du médium photographique. Jean Clair publie Duchamp et la photographie en 1977. E.E. downloadModeText.vue.download 181 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie DUCHENNE DE BOULOGNE Guillaume médecin et photographe français (Boulogne-sur-Mer 1806 - id. 1875) Docteur en médecine, physiologiste, il fait des recherches sur l’application de l’électricité à la physiologie. Il provoque notamment la contraction des muscles faciaux par une charge électrique ; ayant été initié à la photographie par A. Tournachon*, jeune frère de Nadar, en 1853, il élabore une « grammaire de la physionomie humaine » par l’action électrique sur le visage d’un sujet. À la multiplicité combinatoire des contractions correspond une typologie des expressions (mépris, douleur, tristesse...) qui renouvelle l’expression graphique des émotions issue de Le Brun et Lavater. Les clichés illustrent Mécanisme de la physionomie humaine, ou analyse électrophysiologique des passions (1862). De cette étude, dont les conclusions seront reprises par Darwin, on retiendra en particulier les effets novateurs sur le portrait photographique, qui apparaît comme le révélateur des « signes du langage muet de l’âme » découverts par Duchenne. M.F. DUCOS DU HAURON Louis inventeur et photographe français (Langon 1837 - Agen 1920) En 1862, Ducos du Hauron fait officieusement parvenir à l’Académie des sciences un mémoire qui ne retient pas l’attention. Celui-ci contient une ébauche de l’ouvrage publié en 1869 sous le titre la Couleur en photographie : solution du problème, qui, lui-même, développe l’énoncé du brevet du 23 novembre 1868. En même temps que C. Cros, il résout donc cette question essentielle, en proposant d’analyser les couleurs des objets avec trois filtres – vert, violet et orangé –, puis d’en faire la synthèse par projection des images positives à travers ces mêmes écrans ou sur papier, utilisant dans ce dernier cas la superposition de positifs tirés en rouge, bleu et jaune. Un paragraphe de ce mémoire porte en germe la solution qui donnera naissance à la plaque autochrome*, et dont il tirera, avec l’aide de son neveu de Bercegol, un procédé à réseau trichrome commercialisé par Jougla en 1909 : l’Omnicolore. Malgré nombre de déboires, il s’attache au développement industriel de la reproduction photomécanique des couleurs. Si la photographie des couleurs l’occupe toute sa vie, il invente également divers procédés et appareils, parmi lesquels le transformisme (1888), permettant d’obtenir des anamorphoses photographiques, aspect de la « photographie récréative », ou les anaglyphes (1894), qui seront repris par L. Gimpel. N.B. DUMAS Nora photographe française (Budapest 1890 - 1979) Dumas est la moins connue des photographes de la diaspora hongroise. Elle commence la photographie en 1928 avec un Rolleiflex et rencontre, cette même année, E. Landau*, dont elle devient l’assistante pendant presque dix ans. Elle participe d’ailleurs, à la fin des années 1920, à l’exposition internationale Das Lichtbild à Munich, avec, notamment, G. Krull* et A. Kertesz*. Mariée à un architecte suisse travaillant en France, elle achète une mai- son dans le village de Moisson, près de La Roche-Guyon. C’est là qu’elle réalise ses travaux sur les paysans, qui la rendent célèbre : Famille, Sillon, Chalon-sur-Saône, 181 downloadModeText.vue.download 182 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie musée Nicéphore-Niépce. Ses clichés paraissent dès 1931 dans Vu*, Bifur* et Photographie, et sont exposés à la galerie La Pléiade aux côtés de ceux de I. Bing* et de M. Tabard* (1931). Ses travaux restent un témoignage unique de la vie paysanne dans les années 1930. Elle est notamment représentée à Chalon-sur-Saône (musée Nicéphore Niépce). M.C. DUNCAN David Douglas photographe américain (Kansas City 1916) Duncan fait des études d’archéologie et de zoologie aux universités d’Arizona et de Miami. En 1938, il commence ses voyages à travers le monde, en tant qu’historien d’art. Après avoir été reporter de guerre, il collabore à Life*. C’est de cette période que datent ses photographies de la guerre civile en Grèce, de l’entrée de l’armée soviétique en Bulgarie, de la guerre de Corée (Capt. Ike Fenton. No Name Ridge, Korea, 1950, New York, M.O.M.A.), des conflits en Indochine. Ses photographies de Corée ont été réunies dans son premier livre, This is War ! (1951). En 1957, l’artiste photographie presque quotidiennement Picasso. En 1962, à la Photokina Internationale de Cologne, il découvre un ensemble de lentilles spéciales et de prismes pour le cinéma, fabriqué par la firme Astro de Berlin, à laquelle il demande de l’adapter à son Nikon F. Inventeur du prisme en photographie, il a notamment fait une série sur Paris. Il est représenté au M.O.M.A. de New York et au Center for Creative Photography de Tucson. M.C. 182 DUPAIN Max photographe australien (Sydney 1911) Membre de la Photographic Society of New South Wales à partir de 1929, il expose dès 1930, année où il entre dans l’atelier de C.W. Bostock* pour faire son apprentissage. Quatre ans plus tard, il ouvre son atelier. Ses premiers travaux sont pictorialistes. Dans les années 1930, l’artiste se tourne vers des sujets industriels, tels des silos, et change radicalement de style : une lumière crue qui découpe brutalement les formes. Influencé par le mouvement allemand de la Nouvelle Objectivité, il rejette les sujets romantiques pour se tourner vers la vie contemporaine, l’ère de la machine. Pendant cette période, il est l’un des pionniers de la photographie moderne australienne. Comme H. Cazneaux*, il publie ses travaux dans The Home et, en 1935, dans Art in Australia. Beaucoup de ses clichés commerciaux montrent son admiration pour les photographes européens contemporains tels que Man Ray*, ainsi que pour le mouvement surréaliste. Il participe à la création du Contemporary Camera Groupe en 1938, en réaction à la domination du pictorialisme* en Australie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il sert comme photographe dans une unité de camouflage. Puis, en 1945, il travaille pour le département d’Information sur un projet de promotion de l’Australie. Ses clichés montrent l’influence du mouvement documentaire (The Meat Queue, 1946, Canberra, NG). En 1947, il s’associe avec les graveurs Hartland et Hyde, décide de se concentrer sur la photographie d’architecture et industrielle, et met fin à sa carrière de photographe commercial. En 1954, il est membre du groupe Six Photographers. À partir des années 1960, son travail sur l’architecture devient plus abstrait. En downloadModeText.vue.download 183 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 183 1975 a lieu sa première grande exposition individuelle à l’Australian Center for Photography. Dupain est affilié au Royal Australian Institute of Architects. Il est notamment représenté à Sydney, N.G. of New South Wales, et à Canberra, N.G. M.C. DURANDELLE Louis-Émile photographe français (Verdun 1839 - Bois-Colombes 1917) Associé à Hyacinthe César Delmaet (18281862), avec qui il possède un atelier à Paris, Durandelle épouse, à la mort de ce dernier, sa femme, Clémence Jacob : certaines oeuvres sont signées des deux noms, bien qu’il soit le plus souvent mentionné seul. L’atelier est spécialisé dans la photographie d’architecture et la reproduction d’oeuvres d’art, et reçoit des récompenses aux Expositions universelles de 1878 et de 1889. Photographe professionnel travaillant uniquement sur commande, Durandelle fixe quelques-unes des grandes réalisations architecturales du second Empire et de la IIIe République : la construction de l’Opéra de Paris (1865-1872), de l’Hôtel-Dieu (1868), de la Bibliothèque nationale (1876-1880), du Sacré-Coeur de Montmartre (1877-1890), de la tour Eiffel (1887-1889), la restauration du MontSaint-Michel (1874-1876), les fouilles archéologiques du Louvre (1882-1884). On peut aussi mentionner des vues d’hôtels particuliers, de villas, d’usines et autres chantiers privés. Il abandonne la photographie en 1890, et son atelier est repris par son assistant Chevojon. Durandelle nous laisse un témoignage exceptionnel sur les méthodes de construction, et particulièrement sur l’essor de l’architecture métallique. Dans ces images dont le sujet lui est imposé, en plus de son habileté technique, il fait preuve d’une grande sensibilité aux lignes de l’architecture, nous livrant souvent des images à la beauté abstraite, sans aucune présence humaine, et que, au-delà de leur fonction primitive, nous découvrons comme des oeuvres d’art à part entière. S.A. DURIEU Jean Louis Marie Eugène juriste et photographe français (Nîmes 1800 - Paris 1874) Durieu sert le gouvernement pendant la période mouvementée qui précède le second Empire. Il réalise vers 1845 des vues astronomiques avec le baron Gros*. Chef de la section administrative des communes au ministère de l’Intérieur, inspecteur général des hospices et des établissements d’utilité publique, il contribue en 1847 à la création du corps des architectes diocésains. Directeur général de l’administration des cultes, membre de la Commission des monuments historiques avec Prosper Mérimée et Charles Blanc, il est chargé de constituer un vaste inventaire des ruines antiques et médiévales des monuments de la France. Membre fondateur de la Société héliographique et adepte du calotype* depuis 1848, il réalise en 1853 des photographies de modèles pour le compte du peintre Eugène Delacroix. Il est aussi membre fondateur de la Société française de photographie* (S.F.P.) et président de son conseil d’administration. Il écrit en 1855 un rapport sur la participation de la Société à l’Exposition universelle. La même année, il engage avec Paul Périer, vice-président de la S.F.P., un important débat autour de la légitimité artistique de la photographie. Il s’oppose, au nom de la spécificité photographique, seul critère de l’art photographique, à l’emploi de la retouche encouragé par Périer dans le but de faire accepter la photographie dans le domaine des beaux-arts. V.L. downloadModeText.vue.download 184 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 184 DUVAL Rémy photographe français (Rouen 1907 - Paris 1984) Duval apprend la photographie dès 1924. Bien que travaillant dans l’atelier de L. Albin-Guillot* en 1930, il se dégage rapidement des tendances pictorialistes pour réaliser des photographies dans le style de la Nouvelle Vision. C. Peignot* ainsi que le galeriste Vorms le remarquent en 1935, lors d’un concours de photo. En 1936, Duval publie 26 Nus et, deux ans plus tard, il expose une « série de roses » à la galerie Montaigne. La même année, il commence à photographier les peintres dans leur atelier. Duval est aussi critique photographique à Arts et Métiers graphiques et à Photo-Ciné-Graphie. Pour gagner sa vie, il est photographe de plateau et, après la guerre, photographe de mode (Vogue*, Harper’s Bazaar*, Fémina). Il commence alors à se désintéresser de la photographie, puis l’abandonne définitivement en 1953 pour se consacrer à la peinture. Son oeuvre est présente dans l’exposition la Nouvelle Photographie en France 1919-1939 de Poi- tiers en 1986. E.E. downloadModeText.vue.download 185 sur 634 downloadModeText.vue.download 186 sur 634 186 E EAKINS Thomas peintre américain (Philadelphie 1844 - id. 1916) Il entre comme étudiant à la Pennsylvania Academy of Fine Arts et suit également des cours d’anatomie au Jefferson Medical College. Après des études à l’École des beaux-arts de Paris dans l’atelier du peintre Gérôme, Eakins revient dans sa ville natale, Philadelphie, où il devient professeur à la Pennsylvania Academy of Fine Arts en 1876, puis directeur en 1882. Dès le début de sa carrière, il utilise des photographies de professionnels comme documents pour l’exécution de ses toiles réalistes comme The Gross Clinic, puis, vers 1880, il acquiert un appareil photographique 4 × 5 pouces, avec lequel il réalise de nombreux instantanés* de sa famille ou de ses étudiants, parfois mis en scène en costumes grecs ou nus, qui lui servent de base à la composition de ses aquarelles, peintures et sculptures. Son intérêt pour l’étude anatomique l’incite à utiliser la photographie pour son propre travail ainsi que dans son enseignement. Un ensemble de planches, couramment intitulé The Naked Series, représente ses étudiants nus dans des séquences de sept poses standardisées, dont il monte les épreuves obtenues sur un carton qu’il annote, afin d’effectuer des études comparatives de postures. En 1884, il étend ses recherches aux mouvements du corps et collabore avec E. Muybridge*, venu poursuivre ses travaux à l’université de Pennsylvanie. Toutefois, Eakins préfère utiliser la chronophotographie*, selon la méthode de É.-J. Marey*, qui permet de représenter les différentes phases du mouvement sur une seule plaque. Il met au point un appareil, dérivé de celui du savant français, et réalise des épreuves décomposant jusqu’à treize phases du mouvement d’hommes sautant ou courant. Il est également l’auteur de nombreux portraits, dont une série consacrée au poète Walt Whitman à partir de 1887. C.S. downloadModeText.vue.download 187 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 187 EASTMAN George inventeur et fabricant américain (Watterville 1854 - Rochester 1934) D’abord comptable, Eastman se lance en 1880 dans la fabrication et le commerce de plaques sèches. En 1888, il commercialise son invention, le Kodak, premier appareil à main en forme de boîte muni d’un rouleau de film permettant de prendre 100 vues. La grande nouveauté est la prise en charge du développement et du tirage par la compagnie (la Eastman Dry Company, fondée en 1881). Avec ce premier « instantané* », Eastman favorise l’essor de la photographie d’amateur et donne naissance à la véritable industrie photographique. Rapidement, deux perfectionnements suivent, rendant mondiale la notoriété de Kodak : l’émulsion Celluloïd (1889) et le papier noir protecteur (1894). En 1892, Eastman fonde l’Eastman Kodak Company et se consacre à la fabrication d’appareils encore plus maniables, comme le Brownie, commercialisé en 1900. F.H. EDGERTON Harold E. photographe scientifique américain (Fremont, Nebraska, 1903 - 1990) Cet ingénieur en électronique, diplômé de l’université du Nebraska en 1925, s’est très tôt initié à la photographie. En 1926, il entre à la General Electric Company et poursuit ses études au Massachusetts Institute of Technology (1926-1927). Nommé professeur en 1928, il y mène l’essentiel de ses recherches. En 1931, il met au point le procédé stroboscopique : une émission de plusieurs centaines d’éclairs électroniques par seconde. Combiné à la photographie, ce système révèle des mouvements non perceptibles par l’oeil. Edgerton invente ensuite une méthode d’éclairage ultrarapide, qui, en un seul éclair de flash* électronique de quelques fractions de millionième de seconde, lui permet de photographier l’impact d’un pied dans un ballon (1934), l’écrasement d’une balle de tennis dans une raquette (1935), la chute d’une goutte de lait (1936) ou encore une balle traversant une pomme (1954). En 1938, il travaille plus particulièrement avec des athlètes et décompose leurs mouvements. Ses recherches sont publiées dans des revues scientifiques et photographiques. Ce pionnier reçoit de nombreux prix et ses découvertes trouvent des applications dans de nombreux autres domaines. Par la beauté et la force spectaculaire de ses images, son oeuvre s’inscrit dans le prolongement de celles de E. Muybridge* et de E.-J. Marey*, c’est le sens de la grande rétrospective que lui a consacrée l’International Center of Photography de New York en 1987. Ses photographies sont présentes dans les collections de nombreux musées, aux ÉtatsUnis, notamment à Rochester (George Eastman House) et en Europe, à Londres (British Museum) et à Paris (Bibliothèque nationale). A.M. EFFET PHOTOGRAPHIQUE Réaction particulière d’une couche photosensible, dans certaines conditions d’exposition* ou de développement*. Les principales anomalies présentées par les couches sensibles lors de leurs transformations sont : l’effet Becquerel : il entraîne le renforcement d’une image ; l’effet Cailler : dans un agrandissement, une lumière dirigée donne un contraste plus élevé qu’une lumière diffuse ; l’effet Clayden : une forte surexposition peut se traduire par une inversion des valeurs ; downloadModeText.vue.download 188 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 188 l’effet Herschel : une légère lumination* peut donner lieu à une sensibilisation à une lumière inactinique de longueur d’onde plus élevée ; l’effet Russell : des émanations de corps qui s’oxydent lentement à l’air provoquent un voilage des couches sensibles qui leur sont exposées ; l’effet Sabbatier : il consiste en la sensibilisation d’une émulsion par une légère exposition préalable en lumière blanche ; c’est cet effet que l’on utilise pour la solarisation* ; l’effet Schwarzschild : il traduit la non-réciprocité des effets de noircissements qui ne sont pas en rapport linéaire avec la lumination ; cet effet entraîne des écarts à loi de réciprocité*. S.R. EGGLESTON William photographe américain (Memphis 1939) Son intérêt pour la photographie se révèle pendant ses études à la Vanderbilt University en 1962, où il découvre le travail de H. Cartier-Bresson*. Depuis 1963, Eggleston travaille comme photographe indépendant à Memphis et à Washington. En 1966, il se tourne vers la couleur* pour exprimer le malaise, l’ennui de la vie provinciale : il dresse un « inventaire » de personnages, d’objets, d’architectures de la vie quotidienne dans le Tennessee (Memphis, 1971, New York, M.O.M.A.). J. Szarkowski* le qualifie d’inventeur de la photographie couleur. Sa première exposition personnelle a lieu en 1974 à la Jefferson Place Gallery, à Washington, mais son travail en couleur ne sera présenté qu’en 1976 au M.O.M.A., à New York. Ses travaux se trouvent dans les collections des grands musées américains, notamment à New York (M.O.M.A.) à la Corcoran Gallery of Art, à Washington, à la Brooks Memorial Art Gallery, à Memphis et au Museum of Fine Arts de Houston. M.C. EICKEMEYER Jr. Rudolf photographe américain (Yonkers, New York, 1862 - id. 1932) Fils d’un fabricant de machines, Eickemeyer débute comme dessinateur dans l’entreprise familiale. C’est en 1884 qu’il découvre la photographie et achète son premier appareil. À la mort de son père, en 1895, il devient photographe et s’installe avec James Lee Breese au Carbon Studio, à New York. La même année, il est élu membre du Linked Ring* et rencontre le cercle des amateurs photographes. Avec A. Stieglitz*, Charles I. Berg, Emma Farnsworth ou bien encore Eugene Lee Fergusson, tous originaires du nord-ouest des États-Unis, Eickemeyer appartient à la toute première génération des pictorialistes américains. Présent dans les Salons européens, à Hambourg, Paris, Londres, Eickemeyer jouit également d’une certaine notoriété en Amérique, comme en témoigne son exposition personnelle au Camera Club de New York, en janvier 1900. À cette date, il devient directeur artistique au Campbell Art Studio de New York et expose régulièrement au Salon de Philadelphie. Mais, alors que Stieglitz s’engage avec une nouvelle génération de photographes vers la création de la Photo-Sécession*, Eickemeyer disparaît peu à peu de l’avantgarde new-yorkaise, et préfère participer, en 1904, au Salon d’art photographique organisé par Curtis Bell, en opposition à la Photo-Sécession. downloadModeText.vue.download 189 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 189 Toutefois, ses épreuves, reproduites dans Camera Work*, montrent son goût pour les paysages et surtout pour les scènes intimistes, où l’on note l’influence du japonisme. En 1929-1930, l’artiste donne l’intégralité de sa collection à la Smithsonian Institute. M.P. EISENSTAEDT Alfred photographe américain (Dirschau, Pologne, 1898 - Martha’s Vineyard, Massachussets, 1995) Surnommé « le père du photojournalisme* », qu’il a pratiqué à travers le monde pendant 60 ans, en Allemagne d’abord, comme associé de presse avec l’agence Pacific & Atlantic (1929-1935) puis pour Life* aux États-Unis, pour lequel il réalise 92 couvertures et 1 800 reportages. Eisenstaedt s’installe à Berlin avec sa famille en 1906. En 1926, il s’initie à « l’oléobromie* ». Dès 1933, il s’intéresse à la montée de l’hitlérisme et, en 1935, critique à l’égard du IIIe Reich, quitte Berlin pour New York et se joint à l’équipe qui prépare le lancement du magazine Life. Cette même année, il assiste aux préparatifs de la guerre italoéthiopienne, qu’il suit ensuite pour le magazine américain (Soldat éthiopien, 1935, New York, coll. Life Magazine). Grand reporter, il a suivi toute l’actualité de ce siècle : célébrités du monde artistique et culturel, du monde politique, conflits armés etc. Son premier livre, Witness to our Time, est paru en 1966. Eisenstaedt a reçu de nombreux prix, dont, en 1971, le prix Joseph A. Sprague de la National Press Photographers Association. Ses photographies sont notamment représentées en Grande-Bretagne, à Bath (Royal Photographic Society). M.C. ELETA Sandra photographe panaméenne (Panamá 1942) Après des études secondaires à Panamá, où elle pratique la photographie dès son jeune âge, elle étudie de 1961 à 1964 à la New School for Social Research à New York, et au Finch College. Elle séjourne en Espagne, où elle s’adonne à la peinture. Conférencière au Metropolitan Museum, elle étudie la photographie à l’ICP avec G. Tice*. En 1972-1973, elle enseigne la photographie à l’université San José, au Costa Rica, puis rentre à Panamá pour devenir photographe indépendante. De 1974 à 1976, elle collabore à des magazines latino-américains et commence à réaliser un reportage sur les Noirs vivant sur la côte atlantique de Panamá dans un ancien port stratégique, Portobelo, qui donne son titre au portfolio qu’elle achève en 1980. Elle publie l’année suivante Solentiname, avec un texte écrit par Ernesto Cardenal. Avec ses portraits sans arrièreplan, empreints d’élégance et de dignité, elle saisit l’environnement invisible de ses personnages. Ses images ont été présentées dans le monde entier (Zurich, Paris, Berlin, Londres, Mexico, Caracas). V.E. ELK Ger Van artiste néerlandais (Amsterdam 1941) Après avoir suivi les cours de l’Institut d’art appliqué d’Amsterdam (1959-1961) et étudié l’histoire de l’art à l’Immaculate Heart College de Los Angeles (1961-1963) et à l’université d’État de Groningen (19651966), Van Elk adopte une démarche artistique proche du courant conceptuel, auquel il apporte un regard ironique, voire ludique, dans des oeuvres multimédias où downloadModeText.vue.download 190 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 190 les grands genres de la peinture occidentale (portrait, nature morte, paysage...) sont cités et convoqués pour dresser une analyse des relations entre réalité, art et reproduction. La photographie dialogue ainsi en trompe-l’oeil avec la peinture*, comme si elle était à la fois nécessairement constitutive du processus de représentation en jeu dans la peinture et détentrice d’un pouvoir de démystification envers ce propre mimétisme. Ce propos est développé de façon explicite dans une oeuvre de 1972 intitulée la Réalité de G. Morandi, où la reproduction d’une nature morte de l’artiste italien est associée à une photographie de Van Elk dont la composition hiératique reprend les assemblages simplifiés de Morandi en y introduisant discrètement des objets incongrus (pinceaux, encrier, lunettes) pour mieux détourner l’ambition métaphysique du peintre. Parfois, la photographie est utilisée seule pour interroger nos habitudes visuelles et culturelles. Dans la Symétrie de la diplomatie (19711972), l’artiste utilise le modèle convenu et stéréotypé de la photographie de presse diplomatique pour se mettre lui-même en scène en mimant la pause d’un chef d’État conversant avec un personnage invisible sur l’image. Ces recherches trouveront un écho quelques années plus tard dans la série Personnes absentes (1976), où, installées dans des salons raffinés, plusieurs personnes conversent avec un interlocuteur qui n’apparaît pas dans le champ de la prise de vue. On retrouve ainsi, toujours en filigrane, cette même stratégie du déplacement, du décentrage ou du détournement d’une oeuvre foncièrement ironique, qui fit l’objet d’une rétrospective au Centre Georges-Pompidou en 1980-1981. P.L.R. ELSKEN Ed (Edward Van Der, dit) photographe hollandais (Amsterdam 1925 - Edam 1990) Il étudie la photographie et le dessin à Amsterdam et, après la guerre, fait son apprentissage dans un laboratoire. En 1947, il devient photographe indépendant et débarque sans ressource à Paris en 1950. Il vit un temps dehors, photographie les clochards, puis la jeune génération, dans les rues, les cafés du quartier de SaintGermain-des-Prés. Il choisit de suivre une jeune chanteuse dans sa vie quotidienne. Publié en quatre langues en 1954, Love on the Left Bank, mêlant documentaire et fiction, lui vaut une réputation internationale. Ses tirages très durs accentuent le caractère dramatique et romantique de ses images. En 1955, après une exposition à l’Art Institute de Chicago, il retourne en Hollande et s’établit à Edam. À Amsterdam ou ailleurs dans le monde, il photographie essentiellement les gens et traduit le quotidien avec des images fortes. En 1956, il séjourne plusieurs mois dans une tribu d’Afrique équatoriale, et fait paraître Bagara en 1959. Publié la même année, Jazz rassemble des visages, des expressions de musiciens dans des effets d’ombre et de lumière toujours très contrastés. Sweet Life (1963) paraît à l’issue d’un voyage de 14 mois autour du monde. Il surveille toujours de près la mise en page de ses livres et n’admet aucune concession. Il réalise depuis 1959, principalement pour la télévision, des reportages au ton très dur, dans le même esprit que ses images. Dans les années 1970, il publie plusieurs livres sur Amsterdam, et ses derniers travaux menés depuis le début des années 1980 s’intéressent plus particulièrement à la nature. A.M. downloadModeText.vue.download 191 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 191 EMERSON Peter Henry photographe britannique (Cuba 1856 - Falmouth Cornwall 1936) Il passe son enfance aux États-Unis. En 1869, il s’installe en Grande-Bretagne, où il reçoit une éducation scientifique (médecine et sciences naturelles) à Londres et à Cambridge. Il débute la photographie en 1882. Parmi les premiers à concevoir la photographie d’amateur comme une forme d’art adaptée à représenter la nature, Emerson produit des images sur la vie rurale de l’East Anglia et réalise entre 1886 et 1895 une série de livres illustrés, dont Life and Landscape on the Norfolk Broads (1886), en collaboration avec le peintre naturaliste T.F. Goodal, puis Idylls of the Norfolk Broads (1888), Wild Life on a Tidal Water (1890), Marsh Leaves (1895). Fondateur de l’« école naturaliste », il publie en 1889 Naturalistic Photography for Students of the Art. Ses écrits théoriques et polémiques le situent en adversaire de H.P. Robinson*. Proche de l’esthétique de peintres comme Millet, Bastien-Lepage ou de celle du New English Art Club, son style est néanmoins plus marqué par l’impressionnisme. Novateur dans ses cadrages et dans les graduations de tons, il exclut la pratique de manipulation au tirage. Bien qu’il renonce à sa théorie première en publiant en 1890 The Death of Naturalistic Photography, il poursuit son oeuvre photographique, qui l’érigé en précurseur et père spirituel du mouvement pictorialiste qui se développe au tournant du siècle, en Europe et aux États-Unis. Il lègue un acquis technique dans le domaine de l’exploitation du tirage sur papier au platine ainsi que dans celui de la photogravure. C.B. ÉMULSION Couche très mince, sensible à la lumière, coulée sur un support (film*, papier*, etc. – l’ensemble forme la surface* sensible) et constituée de cristaux d’halogénures d’argent en suspension dans un liant. S.R. ÉPREUVE Image obtenue sur support opaque par le tirage* d’après un phototype. On peut tirer des épreuves photographiques par contact* ou par agrandissement*. S.R. EREMINE Georgui photographe russe (1881 - 1940) Il part à Moscou en 1901 pour faire ses études à l’École de peinture, sculpture et architecture. Il commence à voyager à travers la Russie et l’Europe de l’Ouest. Passionné par le pictorialisme*, il utilise un objectif à effet de flou et se spécialise dans les procédés de tirages à la gomme* bichromatée et au platine. Son goût pour le paysage lui fait parcourir l’Union soviétique et particulièrement les régions du Caucase, la Crimée et l’Ouzbékistan, Boukhara et Samarkand étant ses villes de prédilection. Il participe, dans les années 1920, à des expositions internationales de photographie à travers toute l’Europe. Ses sujets préférés, qu’il réalise de 1915 à 1925 et pour lesquels il remporte de nombreuses récompenses, représentent des paysages marins, des couchers de soleil et des nus en extérieur comme les fameux Nus dans le paysage. On l’accuse, au début des années 1930, de formalisme. Obligé de revoir ses positions, il opte, à partir de ce moment, pour une carrière de reporterdownloadModeText.vue.download 192 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 192 correspondant des journaux les Izvestia, Ogonek et Smend, et collabore à l’U.R.S.S. en construction. V.E. ERFURTH Hugo photographe allemand (Halle 1874 - Gaienhofen 1948) L’école de commerce et l’école des beauxarts de Dresde sont les lieux d’étude de Erfurth. Sa formation dans l’atelier du photographe Höffert est déterminante. Il obtient sa première récompense au Salon de photographie, à Erfurt, en 1894. Son activité photographique débute et grandit en plein mouvement pictorialiste* et il expérimente les procédés à la gomme* bichromatée. Il reprend l’atelier d’un important photographe professionnel de Dresde, sans pour autant rompre ses liens avec les associa- tions qui sont le moteur de ce mouvement artistique. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, il multiplie les expositions et développe son atelier et, en 1908, il devient membre de la Deutsche Werkbund. Les écrivains, les artistes, la grande bourgeoisie et la noblesse sont les sujets des portraits qui font sa réputation : Walter Gropius, Kandinsky, Chagall ont posé pour lui. À partir de 1918, son atelier devient un lieu de rencontre de jeunes artistes, photographes ou autres, et il se lie d’amitié avec Otto Dix, avec qui il exposera des portraits. Erfurth est un photographe pictorialiste estimé par les avant-gardes, car il allie une stylisation rigoureuse à un effet de matière. En 1934, il ouvre un atelier à Cologne et étend ses activités. Auteur de nombreux articles, il est aussi enseignant à l’académie de Leipzig pour les arts graphiques et l’industrie du livre. En 1943, à cause des bombardements qui détruisent son atelier et ses archives, il quitte Cologne et s’installe à Gaienhofen, sur les bords du lac de Constance, où il s’éteint le 14 février 1948. Ses photographies sont présentes dans les collections de nombreux musées, notamment en Allemagne, à Cologne (Museum Ludwig) et à Essen (Museum Folkwang), en France (musée d’Orsay) et aux États-Unis à Rochester (George Eastman House). S.M. ERMAKOV Dimitri photographe russe (Tiflis 1845 - 1916) Ermakov naît en Géorgie de parents musicien et architecte. Après des études à l’École militaire de topographie, il s’engage pendant la guerre russo-turque comme photographe avec le commandement des troupes caucasiennes. En 1870, il ouvre un studio de photographie rue Dvoryanskaïa, à Tiflis. Entre 1870 et 1915, il voyage à travers la Perse, la côte sud de la Crimée, l’Asie centrale et la partie nord du Caucase. Il s’intéresse à de nouveaux procédés de développement au collodion*, permettant la multiplication des images sans perte de précision. Il projette de créer un laboratoire mobile et fait des recherches en ce sens. Il publie un album de photographies sur les régions montagneuses inaccessibles de Svanetia, puis deux catalogues commentés, Vues photographiques et personnages du Caucase, Perse, Turquie européenne et asiatique. Il réalisera au cours de sa carrière 127 albums et 25 556 négatifs. De nombreuses récompenses lui sont décernées à l’occasion de l’exposition de la Société française de photographie (1874) et de l’Exposition anthropologique de Moscou (1878) ainsi qu’en Iran, en Turquie et même en Italie. Il est nommé Photographe de S.M. le chah d’Iran, puis membre honoraire de la section caucasienne de la Société archéologique de Moscou. Très downloadModeText.vue.download 193 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 193 actif dans la Société d’encouragement des beaux-arts de Tiflis, honoré par sa ville, il en était citoyen d’honneur à la fin de sa vie. V.E. ÉROTISME ET PORNOGRAPHIE Dès ses débuts, la photographie est apparue, face au dessin, à la gravure et à la peinture, comme un moyen nouveau de circonscrire, d’investir et d’arpenter les corps, de troubler leur intimité. Avec elle s’est établi dès le milieu du XIXe siècle un rapport inédit à la chair et au sexe : une proximité bouleversante. Les limites religieuses, morales et sociales de l’indécence se sont aujourd’hui déplacées, jusqu’à faire voler en éclats l’ancien ghetto de la « photographie licencieuse ». La chair et le sexe sont sortis de la clandestinité pour envahir les kiosques, les murs de la cité et les écrans de cinéma et de télévision. Auparavant artisanales, souvent artistiques, et toujours confidentielles, les images du sexe s’industrialisent désormais, se démocratisent et changent vite, très vite : en quantité, en qualité, en intensité et en variété. Ce qui rend les distinctions parfois délicates et toujours provisoires entre les photographies érotiques et pornographiques. Dans la photographie érotique, le sexe est présent sans jamais être omniprésent, ni même toujours visible. Les images exhibent moins qu’elles n’évoquent. La « monstration » le cède à la suggestion, la description à l’évocation. Pas de photographie érotique sans effets esthétiques, voire ludiques. La métonymie, qui désigne le tout par l’un de ses éléments, est la figure rhétorique par excellence de l’érotisme. Avec elle, le sexe est moins objet visuel que mental, c’est-à-dire sacrifié au profit d’objets partiels (au sens freudien du terme). De ce déplacement naît une tension qui relance le désir et l’imaginaire. Dans la photographie pornographique, au contraire, tout est offert d’emblée, sans détour, sans voile ni mystère. Plus de douce incertitude, plus de trouble, seulement une mécanique du plaisir. L’imaginaire et le rêve échouent sur la triviale apparence, sur l’excessive proximité, sur l’abolition de la distance. Parce qu’elle montre, décrit, exhibe sans précaution, avec une prodigalité inouïe de détails, dans une surenchère dramaturgique d’actes, la photographie pornographique précède et annule le désir. Elle transforme le sexe en objet ordinaire et banal, en accessoire des performances charnelles et des mises en scène d’un improbable plaisir. Les négligences formelles qui affectent souvent les épreuves ne sont pas contingentes, mais essentielles à la pornographie. Les cadrages hâtifs, les éclairages plats ou les ombres disgracieuses, les mises au point approximatives et les décors minables transgressent les valeurs esthétiques comme les scènes figurées le font des valeurs morales. L’indécence de ce qui est montré va de pair avec l’indigence formelle des scènes, des corps et des images. Une indigence constitutive de l’indécence. Car la pornographie a partie liée avec l’animalité, le monstrueux, le sale, le trivial, l’obscène : avec la souillure et l’informe, dirait Georges Bataille. D’autres évoqueraient le mal et le péché. L’écriture photographique est minimale, comme pour faire oublier que les images pornographiques ne sont que des images : des fictions, non pas la réalité. Comme si la moindre velléité formelle devait contrarier la frénésie de voir. Tout voir, sans voile aucun, pas même celui de l’esthétique. Voir ce que la réalité ne permet pas de voir, ni de faire. Si l’érotisme se distingue fondamentalement de la pornographie, la frontière qui downloadModeText.vue.download 194 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 194 les sépare est imprécise. Car son tracé ne relève pas seulement de la nature et du fonctionnement des images, mais de leur réception. Frontière entre l’admissible et l’inadmissible, elle fluctue selon les civilisations, l’époque, l’état des moeurs, et selon les individus. La pornographie désigne un ensemble de représentations sacrilèges, transgressives et finalement païennes du sexe. Elle est une figure de l’intolérable, un territoire balisé socialement, mais délimité par chacun. Elle suscite tout à la fois hostilité, dégoût et curiosité. A.R. ERWITT Elliot (Elio Romano Erwitz, dit) photographe américain d’origine russe (Paris 1928) Fils d’émigrés russes, Erwitt vit ses dix premières années en Italie. La famille s’installe en 1940 à Los Angeles. À 15 ans, il est tireur* dans un laboratoire et ouvre bientôt un studio de portraits. Un jour, il voit une photographie de H. Cartier-Bresson* : « C’est une révélation. » Il quitte la Californie pour New York, où il rencontre R. Capa* et E. Steichen*. Ce dernier lui trouve ses premières commandes pour la publicité, activité commerciale que le photographe poursuivra toute sa vie. Le service militaire – il est assistant photographe dans l’Army Signal Corps – le fait voyager en Allemagne et en France (1951-1953). Là, il retrouve Capa, qui le fait entrer à l’agence Magnum* en 1953. Il sera élu président de Magnum en 1966. « Faire rire et pleurer, dit-il [...] je reconnais que c’est là le but suprême. » Là est l’art d’Erwitt. Au-delà de la simplicité apparente de son propos plein d’humour – la rue, la plage, une cérémonie –, il faut y voir les failles et les incertitudes de la réalité. Son regard, amusé mais lucide, capte et accuse, dans un cadrage rigoureux, le ridicule de la « comédie humaine » qui se joue. La série sur les chiens (Son of Bitch, New York, 1974) prend une dimension anthropomorphique. À la fin des années 1960, il réalise de nombreux films de reportage pour la télévision américaine sur les majorettes, la country music, le vitrail, Dustin Hoffman, Arthur Penn. Les photographies d’Erwitt sont principalement conservées à New York (M.O.M.A.) et à l’Institut of Art de Chicago. S.Ro. ESCLUSA Manel photographe espagnol (Vic 1952) De 1966 à 1972, il travaille dans l’atelier photographique de son père. En 1974, l’obtention d’une bourse lui permet de participer activement aux 5es Rencontres d’Arles. Dès l’année suivante, il enseigne à l’Atelier photographique de Barcelone (1975-1976), puis à l’École Nikon (19791980) et au Centre international de photographie de Barcelone (1980-1982). Cofondateur avec J. Fontcuberta-Villa et T. Catany* du groupe Alabern (1976), il consacre, dans un premier temps, une part importante de son travail à la réalisation de nombreux clichés de mode, notamment pour la revue Y Moda. Sa première série, largement héritière de la tradition surréaliste catalane, traite du thème mythique de la maternité (Gits, Ahucs, 1974) en installant des personnages nus sur des rochers qui semblent naître de la mer refluée contre la pierre. Le motif du nu en osmose avec la nature se retrouve la même année dans une série intitulée Desnudos, mais aussi dans les femmes-oiseaux de la série Aus. Après avoir interrogé les puissances du regard dans une suite de portraits de femmes aux yeux bandés (Els Ulls aturats, downloadModeText.vue.download 195 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 195 1977-1978), Esclusa réalise en 1983 une série consacrée aux bateaux ancrés dans le port de la ville de Barcelone (Naus). Ses travaux plus récents exploitent l’aspect pictural de la photographie avec une série d’images en noir et blanc cirées et partiellement rehaussées en couleur (Aquariana, 1986), mais ils introduisent aussi le mouvement comme donnée à part entière du langage photographique. Ces oeuvres sont présentes dans plusieurs collections européennes. En France, l’artiste est représenté à la Bibliothèque nationale (Paris) ainsi qu’au musée Réattu (Arles). P.L.R. ETHNOGRAPHIE ET PHOTOGRAPHIE Depuis sa découverte, la photographie est utilisée pour enregistrer nos moeurs et nos coutumes. Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, elle devient un instrument de travail pour les ethnologues, au moment même où ceux-ci élaborent des critères scientifiques afin de rationaliser l’interprétation des données anthropologiques et sociales. Ainsi, la photographie s’impose rapidement comme un document d’étude incontournable. Essentiellement fruit d’un travail sur le terrain, elle est considérée comme une transcription directe et objective de la réalité de l’autre. Ces documents constituent la matière première d’analyses qui permettent de « comprendre » l’indigène ou l’étranger. À ce titre, ils entrent dans les collections des universités, musées et sociétés savantes. Parallèlement, plusieurs grands photographes, comme Robert Flaherty ou E. Curtis*, s’intéressent à des sujets ethnologiques. En même temps, l’exotisme et l’intérêt politico-économique se mêlent à la quête du savoir. La photographie témoigne alors de l’étrange, de l’exploit ou des bienfaits de la colonisation. Albert Kahn entreprend de constituer les « archives de la planète » et les gouvernements financent expéditions et expositions coloniales. Avec la généralisation de la pratique photographique, maints voyageurs rapportent des images qui s’avèrent être d’une grande valeur ethnographique. Bientôt, grâce au développement des moyens de reproduction dans les premières décennies du XXe siècle, des témoignages d’autres cultures sont diffusés dans les périodiques et les livres illustrés, confirmant ainsi l’autorité de l’image en la matière. Par ce moyen, les grands chercheurs révèlent les bases de leur travail. Bronislaw Malinowski illustre Argonauts of the Western Pacific (Londres, 1922) avec 65 de ses propres photographies, et The Sexual Life of Savages in North Western Melanesia (Londres, 1929) reproduit 92 clichés. Il y a une floraison de revues et de publications grand public comme le magazine Visages du monde ou le livre Races (Paris, 1931). Certaines parties du globe semblent faire l’objet d’une attention particulière. En 1934, Gallimard publie 106 photographies faites par R. Parry* en Océanie sous le titre Tahiti ; les vues de Gregor Krause dans Bali, la population, le pays, les danses, les fêtes, les temples, l’art (Paris, 1930) font découvrir cette île, dont la culture est codifiée dans les 759 photographies réunies par Gregory Bateson et Margaret Mead et reproduites dans Balinese Character, A Photographic Analysis (New York, 1942). Dans l’entre-deuxguerres, sensibilisés par le développement du photojournalisme et de la photographie d’illustration, plusieurs chercheurs, photographes et instances officielles tournent leur regard de l’extérieur à l’intérieur, c’està-dire vers les conditions de vie dans les pays industrialisés, frappés par la crise. Des exemples ne manquent pas : Eyes on Russia de M. Bourke-White* (1931), La downloadModeText.vue.download 196 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 196 France travaille de F. Kollar* (1932), et les reportages de la Farm* Security Administration, qui ont donné naissance à An American Exodus : A Record of Human Erosion de D. Lange* et Paul Taylor (1939) et à Let us Now Praise Famous Men de W. Evans* et James Agee (1941). Depuis la Seconde Guerre mondiale, la photographie est toujours utilisée comme instrument de travail par les ethnologues. Claude Lévi-Strauss s’en sert pour faire avancer ses recherches, tout en lui reconnaissant une dimension imaginaire que le scientifique ne peut pas toujours maîtriser. Beaucoup de photographes s’appliquent encore à fournir la matière première. On peut citer S. Salgado*, qui représente le monde du travail, et P. Verger*, qui illustre les rapports étroits entre l’Afrique et le Brésil. D’une manière générale, les documents photographiques d’intérêt ethnographique font aujourd’hui l’objet de lectures aussi diverses qu’il existe de systèmes d’interprétation : freudien, marxiste, psychanalytique, structuraliste, sociologique, économique, politique, écologiste, etc. Deux ouvrages récents peuvent être mentionnés : Elizabeth Edwards, Anthropology & Photography 1860-1920 (New Haven et Londres, 1992) et le numéro spécial de la revue l’Ethnographie (no 109, printemps 1991), consacré à la photographie. T.M.G. EUGENE Frank (Frank Eugene Smith, dit) photographe allemand d’origine américaine (New York 1865 - Munich 1936) En 1886, Frank Eugene Smith arrive à Munich en provenance de New York pour suivre les cours de l’Académie des arts plastiques. Tête de file de la photographie américaine, membre fondateur de la Photo-Sécession* avec A. Stieglitz*, il passe maître dans la manipulation de photographies « non photographiques ». Ses images sont souvent publiées dans les luxueuses revues pictorialistes* comme Camera Club, Camera Notes ou Camera Works*. En 1906, il s’installe définitivement à Munich, prend la nationalité allemande et change son nom en Frank Eugène. Il acquiert une grande réputation de photographe, mais aussi de peintre « Art nouveau ». Son activité artistique se double de celle d’enseignant à l’Institut d’enseignement et d’expérimentation de la photographie à Munich, où son influence sur ses élèves est souvent prépondérante. Ouvert aux nouvelles techniques, il utilise, dès 1907, le procédé autochrome*. La même année, il organise à Munich un sommet pictorialiste en réunissant A. Stieglitz, E. Steichen* et H. Kühn* à un moment déterminant pour le mouvement, qui est partagé entre les thèses françaises et l’esprit nouveau venu des États-Unis. C’est à partir de cette date que les pictorialistes allemands, moins enfermés dans les structures des clubs d’amateurs, rejoignent définitivement les thèses américaines. En 1913, l’Académie royale des arts graphiques de Leipzig crée, à son attention et pour la première fois, une chaire de photographie pictorialiste. Eugène est représenté notamment à New York (Metropolitan Museum). S.M. EVANS Frederik Henry photographe britannique (Londres 1853 - 1943) Libraire à Londres, à Queen Street Cheapside en 1880, c’est en photographiant au microscope des coquillages qu’il commence à se passionner pour la photographie. La Photographic Society lui remet une médaille en 1887 pour ses microphodownloadModeText.vue.download 197 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 197 tographies*, qui révèlent une grande rigueur de vision. Ami d’Aubrey Beardsley et de G.B. Shaw*, Evans exécute leurs portraits, respectivement en 1894 et 1895. Il réalise des vues des cathédrales de France en 1896. Membre du Linked Ring* en 1900, il fait partie des plus brillants pictorialistes* anglais, et ses contacts avec les États-Unis sont étroits. Il entreprend une correspondance avec A. Stieglitz* à partir de 1901, expose dans le studio de F.H. Day*, à Boston, en 1903, et Stieglitz reproduit ses oeuvres dans le premier numéro de Camera Work*. En 1906, Evans expose à « 291 ». Ennemi des manipulations chères aux pictorialistes, il est un partisan de la Straight Photography* et innove dans la présentation des oeuvres. Il réalise pour le journal Country Life des commandes, dont la cathédrale de Westminster (1911). Les images de cet amateur d’architecture et de paysages purs échappent au reportage documentaire. Evans abandonne la photographie en 1912 et, jusqu’en 1919, il réalise des platinotypes pour des illustrations. En 1928, la Royal Photographic Society l’élit membre d’honneur. C.B. EVANS Walker photographe américain (Saint Louis 1903 - New Haven 1975) Après des études littéraires, notamment en France, à la Sorbonne, en 1926, Evans retourne aux États-Unis. La découverte de la Femme aveugle de P. Strand* le bouleverse, et il décide de substituer la photographie à l’écriture. Dès ses débuts, en 1928, Evans se spécialise dans la description des réalités quotidiennes du monde américain : architecture, affiches, graffiti, à New York ou à Boston ; paysans, fermes et outils en Pennsylvanie, en Alabama, en Louisiane et en Géorgie, lors de ses travaux pour la Farm* Security Administration, entre 1935 et 1938. Si Evans n’est pas écrivain, il entretient avec la littérature des liens étroits : dans sa méthode, il s’inspire de Gustave Flaubert – méthodologie scientifique, stricte et disciplinée, qui, en photo, devient réalisme, naturalisme et objectivité de traitement – et se veut le fils spirituel de Charles Baudelaire. D’autre part, il publie lui-même de nombreux livres, notamment American Photographs, dans lequel il illustre un texte de Lincoln Kirstein (1938) et Let’s Now Praise Famous Men, accompagné de textes de James Agee sur la vie quotidienne de fa- milles du Sud (1941). Pour Evans, l’artiste ne doit pas prendre ses sources dans les musées, mais dans la vie, donc dans la rue. En 1938, il commence sa fameuse série de portraits anonymes dans le métro de New York, au moyen d’un appareil caché dans sa poche. Dès 1950, il photographie les paysages industriels américains. Ses prises de vue « au jugé », comme ses paysages pris à travers la fenêtre d’un train en marche sont l’application de ses théories sur la photographie : celle-ci est inconsciente, instinctive ; la composition est naturelle, ne se calcule pas. Bref, la photographie est un don. Mais une bonne photographie doit être lettrée et transcendante. Voir, connaître, comprendre et restituer la nature même de l’objet photographié, tel est le devoir du photographe. À la fois document et objet esthétique, la photographie est un « style documentaire ». Entre 1943 et 1945, il écrit et photographie pour Time, et, de 1945 à 1965, il travaille régulièrement pour Fortune. Puis il enseigne à l’université Yale. Le M.O.M.A. de New York a organisé des expositions sur l’oeuvre d’Evans en 1938, 1948, 1962, 1966 et 1971. E.E. downloadModeText.vue.download 198 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 198 EVERGON photographe canadien (Niagara Falls, Ontario, 1946) Pendant l’été 1969, il apprend la photographie au Rochester Institute of Technology et privilégie les techniques artisanales comme le cyanotype* et la gomme bichromatée*. De 1971 à 1973, il réalise des portraits et des autoportraits qui se présentent sous la forme de collages composés de cyanotypes ornés de tissus, de plumes, d’emblèmes et de motifs peints. Les modèles masculins nus que nous montrent ces images, le corps en légère torsion comme dans les représentations de saint Sébastien, où le plaisir se confond avec la souffrance, traduisent un imaginaire érotique homosexuel nourri de références à l’histoire de l’art. Une série de photocopies couleur réalisées en 1976 à partir de collages composés d’objets divers et de photographies est pour lui l’occa- sion de réfléchir sur la notion d’auteur et sur le problème de la reproductibilité des images. En 1981, il utilise le Polaroid SX-70 et crée des mosaïques d’images représentant des assortiments d’objets et de figures qui se jouxtent et se superposent. Il réalise également des Polaroid en grand format au musée des Beaux-Arts de Boston, où une équipe d’environ dix techniciens et comédiens participe à la création de vastes tableaux vivants (Reconstitution du « Vol des sorcières » de Goya, vers 1797-1798, 1986). Avec la série Ramboy (1991), il abandonne les somptueux décors baroques au profit d’une scénographie rudimentaire où un modèle déguisé en satyre exécute des mouvements ludiques. V.L. EXOTISME voir VOYAGE ET PHOTOGRAPHIE EXPOSITION Action de soumettre une surface sensible à un rayonnement lumineux. Action d’un rayonnement sur une surface sensible. Quantité d’énergie nécessaire et suffisante pour obtenir un phototype correct. S.R. EYNARD-LULLIN Jean-Gabriel financier suisse (Lyon 1775 - Genève 1863) Ses parents quittent Genève à la Révolution pour fonder une banque à Lyon. En 1796, Eynard ouvre sa propre banque en Italie. À partir de 1801, il est conseiller de la reine d’Étrurie, et, nommé Fermier général d’Étrurie, il se fixe à Florence. En 1810, il épouse Anne Lullin de Chateauvieux et s’installe à Genève. Entre 1817 et 1822, il y fait construire un palais qui porte aujourd’hui son nom et dont il existe un daguerréotype* (juin 1851). Il est membre de nombreuses sociétés des Arts et des Lettres. En 1821, lors de l’insurrection grecque, il engage sa fortune à la cause des Hellènes. En 1839, il s’intéresse à la découverte de la photographie et commence à réaliser des daguerréotypes en Suisse (Panorama de Genève, vers 1850, Malibu, The J. Paul Getty Museum), en France et en Grèce. Ses épreuves sont reconnues par Paymal Lerebours dans son Traité de photographie (Lerebours, Paris, 1843). En 1852, il est l’un des premiers photographes à produire des daguerréotypes en stéréoscopie. M.J.M.C. downloadModeText.vue.download 199 sur 634 199 F FACIO Sara photographe argentine (San Isidoro 1932) Après ses études secondaires, Facio s’initie aux arts plastiques à l’École nationale des beaux-arts de Buenos Aires. Après son diplôme, elle part à Rochester pour apprendre la photographie couleur chez Kodak, puis fait des stages, au studio de Luis D’Amico à Buenos Aires et chez A. M. Heinrich* de 1957 à 1959. Elle ouvre avec A. D’Amico* un studio où elles se spécialisent dans la publicité, la presse et les portraits d’artistes. Cette activité durera jusqu’en 1986. De 1960 à 1965, elle participe à de nombreux concours et Salons où ses images sont primées – Allemagne, Roumanie, Danemark. À partir de 1964, elle collabore à des revues et des quotidiens comme Acontecer Fotográfico, Clarín, Tiempo de Fotografía, La Nación, Detrás del Visor et à la revue Vigencia. Son premier livre publié avec D’Amico en 1968, Buenos Aires, Buenos Aires, obtient un prix au Congrès du livre à Vienne. En 1970 et 1972, elle reçoit le prix de la Fédération argentine de photographie. D’autres ouvrages, toujours en collaboration avec D’Amico, remportent un vif succès : Geografía de Pablo Neruda (1973), Retratos y Autoretratos (1974), Humanario (1976) et Pablo Neruda (1988). Avec D’Amico et M. C. Orive*, elle fonde la maison d’édition La Azotea, spécialisée dans les ouvrages de photographes latino-américains, et s’associe en 1979 à six autres photographes pour la création du Conseil argentin de la photographie. Facio a consacré toute sa vie à la photographie, fidèle au réalisme et au naturalisme, liée à son pays, sa ville, son peuple. Sa sensibilité, ses sentiments et émotions sont les instruments psychologiques qui lui permettent de pénétrer le monde qui l’entoure, et nous amènent à regarder au fond de nous-mêmes à travers ses images. V.E. downloadModeText.vue.download 200 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 200 FAIGENBAUM Patrick ar tiste français (Paris 1954) Il choisit, dès 1973, la photographie comme seul moyen d’expression, après avoir commencé des études de peinture. La représentation de la figure humaine est au centre de sa pratique. En 1976, il réalise tout d’abord des portraits de ses proches. Son vocabulaire est déjà en place : cliché en noir et blanc (densité des gris) de format carré, tiré plein cadre, retouché au pinceau. Ses références esthétiques sont alors R. Avedon*, W. E. Smith* et B. Brandt*, qu’il rencontre en 1976-1977 aux ÉtatsUnis. L’entrevue avec ce dernier est déterminante dans le sens où Brandt l’incite à photographier des « personnages dans le décor réel de la vie quotidienne ». Depuis 1983, Faigenbaum entreprend de visiter, dans leur intérieur, les descendants de familles illustres de l’aristocratie italienne. L’enjeu de chaque série de portraits est une mise en relation du lieu ancestral avec ses occupants (Florence 1984, Rome 1987, Naples 1989). Durant son séjour à Rome (Villa Médicis), il poursuit sa réflexion sur le portrait à travers une série d’images de bustes d’empereurs romains (musée du Capitole, 1987). En 1990-1992, sorte d’intermède dans son investigation italienne, il réalise, en Israël, deux séries, où l’individu photographié dehors demeure l’objet de la photographie. Que ce soit les portraits en pied d’aristocrates, de membres de sa famille ou de juifs priant devant le Mur des lamentations, les images de Faigenbaum sont riches de questionnement sur le portrait et la dimension mémoriale des choses et des êtres. Son travail fait l’objet d’expositions et achats aussi bien en Europe qu’aux États-Unis (Art Institute of Chicago, 1988 ; musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 1991). J.-L.G. FAMILLE (photographie de) Loin d’être une pratique pauvre, sans caractère ni identité, la photographie de famille possède une réelle spécificité par ses thèmes, ses usages, ses conditions de réalisation, et par son esthétique. Longtemps dévolue aux seuls professionnels, et destinée à consacrer les grandes étapes de l’existence – le mariage en particulier –, elle est aujourd’hui devenue le domaine de prédilection des amateurs : une pratique profuse, ordinaire et, pour l’essentiel, privée. Le photographe de famille se distingue par cette position particulière d’être à la fois opérateur, partie prenante des scènes enregistrées, et destinataire des clichés : auteur, acteur et spectateur de ses propres images. Amateur, il est souvent inexpérimenté, ignorant des règles élémentaires de sa pratique, ou indifférent à ses principes. Ce déni ou cette absence de maîtrise fait que la photographie de famille est toujours hasardeuse, aux résultats imprévisibles. Mais cela n’est pas rédhibitoire. Dans le cadre privé de la famille, l’instant et les personnages, les relations et les sentiments prévalent sur les règles techniques et esthétiques. Faits pour soi et pour quelques proches, les clichés ne sont pas rigoureusement soumis au respect des principes formels (la composition, la lumière, etc.) et techniques (la netteté, le temps de pose, etc.) qui régissent le reportage, la mode, la publicité, l’illustration ou l’art. Les singularités formelles, techniques, mais aussi thématiques, des photographies de famille procèdent donc de leur usage strictement privé, de leur fonction essentiellement expressive, de leur finalité principalement mnémonique, et de leur indifférence aux contraintes pratiques et économiques. Parce que les dimensions sociale, symbolique et affective prédominent downloadModeText.vue.download 201 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 201 dans la photographie de famille, les qualités de trace, d’enregistrement, c’est-à-dire de mémoire, du procédé sont privilégiées au détriment de ses capacités figuratives. Aussi, les images sont-elles appréciées selon d’autres critères que ceux de la figuration. Cette situation spécifique confère une extraordinaire liberté aux opérateurs, qui, pourtant, en l’absence d’un solide bagage esthétique, ne savent que rarement s’en emparer. Au lieu d’un foisonnement créateur, la masse des clichés de famille fait au contraire apparaître une sorte de langueur formelle, voire une indifférence aux procédures de la figuration. Pour les opérateurs de famille, en effet, l’instant, la scène et les personnages prévalent sur la qualité de l’image ; l’épreuve compte plus que sa forme, l’enregistrement plus que ses modalités. Polarisés par leur objet, ils peuvent sans véritable conséquence oublier ou ignorer les règles de sa mise en image, de sa traduction photographique, et cela, paradoxalement, au risque de le manquer. L’album est le lieu canonique des clichés de famille qui tissent une mémoire de la famille : celle des moments solennels ou simplement anodins, mais toujours des bons moments. Une mémoire lacunaire, une forme de l’oubli. Chacun sait que l’album est une fiction, mais chacun feint de l’ignorer, au cours de la cérémonie nostalgique à laquelle donne lieu sa consultation. La capacité de la photographie de famille à inspirer la nostalgie repose sur son caractère résolument positif. On sourit souvent, on est parfois triste et mélancolique, mais rarement on pleure ou l’on souffre sur les photographies de famille. L’album se conforme aux valeurs morales et familiales les plus traditionnelles, au risque de proposer une image surannée de la famille, une image en retard sur les pratiques sociales, insensible à leur complexité et à leur dynamique. Manichéen et stéréotypé, il rassure : c’est un lieu de certitudes, de stabilité et de réconfort. Cela fait sa faiblesse, mais cela explique aussi son indéniable succès. Quand les conflits, l’ennui et les drames familiaux transparaissent dans les photographies de famille, c’est en creux. La force d’un ressentiment peut conduire à la mutilation des images par biffage ou par découpage, ou à leur arrachage de l’album. Ces actes iconoclastes dictés par la souffrance et la rancoeur, ces sortes de meurtres rituels donnent la mesure des passions qui se concentrent sur les images ; ils in- diquent comment la proximité particulière qui, en photographie, unit le modèle à son image est renforcée, dans la famille, par une proximité affective, jusqu’à aboutir à une sorte de confusion symbolique. Comment comprendre, autrement, le succès populaire des porte-cartes ? A.R. FAMILY OF MAN (the) (M.O.M.A. 1955) Organisée par E. Steichen*, conservateur du département de la photographie au Museum of Modern Art, l’exposition Family of Man est un des projets les plus ambitieux de l’histoire de la photographie. Cette exposition monumentale marque l’apogée de la photographie humaniste en même temps qu’elle s’avère être son chant du cygne : « avec la rapide et brutale réaction contre Family of Man commence l’histoire de la photographie proprement contemporaine » (Colin Osman). Le propos de cette exposition est de clamer que la vie est merveilleuse et que les gens sont les mêmes à travers le monde. Pour Steichen, la photographie, ici le reportage*, est le moyen d’expression adéquat, car elle « donne forme aux idées et downloadModeText.vue.download 202 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 202 explique l’homme à l’homme ». Le caractère de cette entreprise est véritablement collectif et international. Pendant près de trois ans, Steichen et son assistant Wayne Mailer visualisent plus de deux millions d’épreuves d’amateurs ou de professionnels, connus ou inconnus et de toutes les nationalités. Ils sélectionnent dix mille clichés et, finalement, exposent cinq cent trois images de deux cent soixante-treize photographes originaires de soixante-huit pays. Ces photos célèbrent les préoccupations quotidiennes de l’homme : la naissance, l’amour, le travail, la mort... Chaque section de l’exposition est introduite par une citation d’un écrivain de la littérature mondiale. L’architecte Paul Rudolph signe la mise en espace. Il met l’accent sur le sujet représenté en manipulant les distances, les angles, les coefficients d’agrandissement, la valeur du tirage n’étant pas prise en compte. La direction artistique du cata- logue, conçu par le graphiste Léo Lionni, est également remarquable. C’est un succès phénoménal : 7 millions de personnes ont vu l’exposition qui voyage dans trentesept pays, 3 millions de catalogues ont été vendus. La version européenne, vraisemblablement la plus complète, est présentée au réfectoire des Jacobins, à Toulouse, en 1992 et 1993, avant d’être définitivement installée, conformément aux voeux de Steichen, dans le château de Clervaux, au Luxembourg, son pays d’origine. N.C. FARM SECURITY ADMINISTRATION (FSA) Après la crise de 1929, aux États-Unis, le président Roosevelt tente, dans le cadre du New Deal, de relancer l’agriculture, et crée la Farm Security Administration. R. G. Tugwell, sous-secrétaire d’État à l’Agriculture, charge en 1935 le sociologue Roy Stryker de recruter une équipe de photographes pour faire un bilan objectif des conditions de vie et de travail dans les campagnes (inspiré par les travaux de J. A. Riis* et L. Hine*). De 1935 à 1942, ils sont une douzaine à sillonner les ÉtatsUnis, rapportant 270 000 clichés, témoins des ravages de la crise – pour inciter l’opinion publique à soutenir l’action gouvernementale – et montrant les types d’habitation et d’agriculture, l’aspect des petites villes... Mais l’humain doit rester au centre de leurs préoccupations : Stryker ajoute aux instructions qu’il leur donne le postscriptum suivant : « Soyez à l’affût d’une poupée de chiffon tout autant que d’un appareil de contrôle pour le maïs. » Il choisit les photographes pour leur engagement social et politique, gage d’une attitude de compréhension et de respect envers les gens. Parmi eux, des professionnels comme W. Evans*, qui s’intéresse surtout à l’habitat – vues frontales de rues où se mêlent architecture traditionnelle et éléments modernes, intérieurs pauvres mais soignés – et aux scènes de rue ; D. Lange*, qui présente plutôt des scènes du quotidien, hommes et femmes au travail, vieux assis, en attente, et des portraits ; Carl Mydans, photojournaliste, qui photographie des cueilleurs de coton. Mais sont choisis aussi l’assistant de Stryker, le jeune chimiste A. Rothstein*, qui photo- graphie les travaux des champs ; le peintre et affichiste engagé B. Shahn* (vues générales, voies ferrées, campagne, souvent en grands formats) ; R. Lee*, ancien chimiste qui a étudié la peinture (gros plans symboliques [écriteaux, outils, paysans...] jouant sur le répétitif) ; M. P. Wolcott*, diplômée de sociologie ; J. Vachon*, d’abord archiviste pour la FSA ; et, plus tardivement, le Noir G. Parks*, J. Delano*, etc. La FSA a rencontré de nombreuses difficultés, tant downloadModeText.vue.download 203 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 203 pour obtenir les crédits nécessaires que par l’hostilité des grands propriétaires terriens, des groupes racistes... L’honnêteté de la démarche a même été parfois mise en cause : par exemple : Rothstein est accusé d’avoir mis en scène la photographie montrant un squelette de crâne de boeuf sur une terre craquelée. Mais les images produites, d’une grande qualité, largement diffusées par la presse puis publiées et exposées (elles ont inspiré Steinbeck pour les Raisins de la colère, 1939), font date dans l’histoire de la photographie ; la FSA reste l’une des plus importantes missions à caractère social lancées par un pays. Environ 170 000 photographies sont conservées à la Library of Congress de Washington. Ch.B. FASTENAEKENS Gilbert photographe belge (Bruxelles 1955) Fastenaekens pratique déjà la photographie depuis quelques années quand il entame en 1980 simultanément deux séries : Mes parents, et Nocturnes – composée de paysages urbains de nuit. La nuit et les lieux déserts traités comme les décors d’un théâtre abandonné lui permettent de résister à la logique du reportage* : contre l’idée d’instant décisif, contre le sentiment amer de rater toujours l’image qu’il fallait faire. Dans le cadre de la Mission photographique de la Datar, ce travail est poursuivi et concentré sur des bâtiments industriels, sous le titre Essai pour une archéologie imaginaire (1984-1985). S’inspirant du livre From the Missouri West (1980) de R. Adams*, ou encore de R. Smithson*, adepte du land art, Fastenaekens aborde en 1987 le bassin potassique d’Alsace : région économiquement sinistrée, paysages abandonnés, scories, déchets, etc. La mission photographique, baptisée « Les quatre saisons du territoire de Belfort » (1988-1990), est l’occasion d’une nouvelle orientation : travailler sur un territoire limité, non typé, qui ne renvoie qu’à lui-même, qui freine toute tentation illustrative ; revenir de façon rituelle sur le même périmètre étroit, où toutes idées de fuite ou d’urgence sont abolies ; faire l’expérience de la contrainte, comme moyen, écrit Fastenaekens, de « se sentir pleinement dans l’instant des choses ». Cette quête des instants essentiels par la contrainte et le rituel, il la poursuit toujours en se rendant chaque année dans la forêt domaniale de Vauclair pour photographier méthodiquement à l’intérieur d’un espace de 300 × 20 m. Depuis 1990, Fastenaekens se consacre en outre, dans sa ville de Bruxelles, à son oeuvre Site, qui est d’abord une installation composée de dix cahiers thématiques : les nuages, les grands espaces, les vues de haut, les chantiers, la verdure, etc. Exposé sur un grand lutrin, chaque cahier, composé de dix grands tirages (1 × 1,30 m), est chaque jour ouvert à une page différente, créant ainsi une exposition en constante évolution aléatoire. Site introduit dans l’oeuvre de Fastenaekens une dimension documentaire inédite, mais aussi une ambiguïté entre le document et le spectacle, une dissonance entre images minimalistes (nuages) et les autres puissamment figuratives, etc. Elle révèle l’ambiguïté qui traverse l’ensemble de son oeuvre. A.R. FAUCON Bernard photographe français (Apt 1950) Entre 1971 et 1974, il étudie la philosophie à la Sorbonne puis se consacre à la photographie à partir de 1975. Les Grandes Vacances, qui sont l’objet d’un ouvrage édité en 1979, présentent des pièces phodownloadModeText.vue.download 204 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 204 tographiques réalisées entre 1976 et 1980. Faucon y décline sa nostalgie pour le monde de l’enfance et de l’adolescence à travers la mise en situation de mannequins : le Repas de fête, le Banquet, le Colin-maillard, la Balançoire (1978). Chaque été dans le Luberon lui permet de parachever cet ensemble d’oeuvres jusqu’en 1981. L’extrême attention que porte Faucon aux couleurs, au tirage – au moyen du procédé Fresson – et la qualité des éléments du décor, dans chaque photographie, définissent une stylistique de l’image qui lui est propre. Des personnages vivants se mêlent peu à peu aux mannequins, redoublant l’étrangeté de cet univers clos : la Sieste, la Première Communion (1979). Avec les séries des Chambres d’amour et des Chambres d’or, qui débutent en 1985, Faucon s’attache à développer une fantasmatique des lieux d’où s’absentent les personnages, tout en perpétuant la part de magie et de grâce inhérente à l’ensemble de son oeuvre. S.C. FAURER Louis photographe américain (Philadelphie 1916) Sous l’influence conjuguée du fantastique social de H. Cartier-Bresson* et du style documentaire de W. Evans*, Faurer abandonne son métier de peintre d’enseigne pour photographier la rue en 1937. Les individus isolés, errant sur fond de ville labyrinthique, sont les images récurrentes et caractéristiques de son oeuvre. Engagé dans un portrait-studio à Philadelphie, il devient photographe de mode dans les années 1940, à New York. Il rencontre R. Frank* en 1947, dans les studios de Harper’s Bazaar* où ils travaillent sous la direction de A. Brodovitch*. Ils se lient d’amitié et partagent le même laboratoire. Leur vision existentielle se retrouve de l’un à l’autre, tout comme on décèle une même économie des moyens et un même usage des métaphores. Happé par les commandes des magazines, les images de Faurer se font plus rares aux environs de 1951. En 1960, celui-ci est engagé comme photographe de plateau à Hollywood. Au cours des années 1960, Faurer, muni d’une caméra 16 mm, filme les rues de New York. Après un séjour en France de six ans, Faurer retourne aux États-Unis en 1975. Sa photographie de rue ne retrouve pas la même pertinence des débuts. Son oeuvre fait l’objet d’une rétrospective en 1981, Louis Faurer, Photographs of Philadelphia and New York, 1937-1973, à l’université de Maryland. The New York School, 19361963, à la Corcoran Gallery de Washington, en 1985, lui redonne sa place dans l’émergence de la street photography. P.O. FEININGER Andreas photographe américain (Paris 1906) Il étudie l’ébénisterie au Bauhaus*, puis l’architecture, qu’il pratique pendant plus de dix ans. En 1928, il construit une chambre* noire et commence la photographie. Il voyage dans le monde entier, travaillant à partir de 1941 pour Life*. Tout l’intéresse, paysages urbains (rues de New York surchargées dans Lunch Hour on Fifth Avenue, 1949) ou ruraux, portraits (parfois étranges : dans Le Photojournalisme, 1955, un appareil photo masque en partie un visage entouré d’ombre, sorte de robot photographique), objets industriels et naturels... Ses très gros plans – écorces, feuilles, plumes, os – révèlent que « tout ce qui est fait par les mains de l’homme et la plus grande part de ce qui est conçu par l’esprit humain a son prototype dans la nature » (Roots of Arts, 1975, recueil de downloadModeText.vue.download 205 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 205 photographies classées : sculpture, dessin, couleur, structure, texture, ornementation). En 1976, l’International Center of Photography, à New York, lui consacre une rétrospective. Ch.B. FELDMAN Hans Peter ar tiste allemand (Düsseldorf 1941) La photographie, définie (après le sociologue français Pierre Bourdieu) comme un « art moyen », est l’un des pôles névralgiques de l’oeuvre de Feldman. Dans les années 1960, celui-ci réalise des collages dans l’esprit pop de l’Anglais E. Paolozzi*. L’image populaire stéréotypée est, depuis ce temps, au coeur de son interrogation sur la banalité de notre environnement imagier. Dans une série d’albums de photos réalisés en 1968-1969 sous le titre générique Bilder, Feldman dresse des répertoires d’images anodines, certains consacrés tout simplement à une série de chaises ou de chaussures, d’autres sensiblement plus chargés d’ambiguïté, comme cette série de genoux de petites filles. La photographie domestique (une photo de mariage, une équipe de football...) est convoquée pour sa capacité à produire de l’exotisme avec du quotidien, tout comme le fait à cette même époque le Français C. Boltanski* dans ses Images modèles ou ses Inventaires. Mais, plus que chez Boltanski, c’est le kitsch de la photographie d’amateur qui est traqué ici, un kitsch exploité de façon démonstrative dans la série de posters (couchers de soleil, images de couples sur fond de lagunes paradisiaques et autres images conventionnelles du bonheur...) qu’il présente sur les cimaises de la Documenta de Kassel de 1976. L’art narratif, qui se développe alors sur la scène artistique internationale, n’est pas absent de son travail dans d’autres séries comme Eine Stadt, Essen (1977) ou Der Überfall (1975), qui relate dans une suite d’images empruntées au genre du photojournalisme l’histoire d’un braquage de banque manqué. Le M.A.M. de la Ville de Paris a présenté en 1992 une rétrospective de l’oeuvre de Feldman. P.L.R. FENOYL Pierre de photographe français (Sainte-Foy-l’Argentière 1945 - Paris 1987) Dès l’âge de l’école buissonnière, Fenoyl se passionne pour la photographie. Il y consacrera sa vie, prématurément arrêtée à l’âge de 42 ans. Il se met d’abord au service de la photographie, accumulant le bénéfice de nombreuses expériences. Il est successivement employé de l’agence Louis-Dalmas (1960), vendeur pour l’agence Holmes Lebel, archiviste de H. Cartier-Bresson* (1969) puis de l’agence Magnum* (1970), créateur avec Charles-Henri Favrod de la galerie Rencontre puis de l’agence Vu. Financièrement déçu, Fenoyl part aux États-Unis, où il découvre D. Michals*, Les Krims*. À son retour, en 1975, il crée, à la demande du secrétaire d’État à la Culture, la Fondation nationale de la photographie, puis devient ensuite responsable de la photographie au Centre Georges-Pompidou. Il épuise son budget en éditant un premier Album photographique (1979) ; il publiera aussi Chefs-d’oeuvre de la photographie anonyme du XIXe siècle (1982). Il se retire alors de ces fonctions administratives et commence sa carrière de photographe. Désormais, il choisit de « regarder le temps passer et non de passer son temps à regarder ». Il s’évade d’abord en Toscane, puis en Égypte. Les grands tirages d’Égypte sont exposés en 1984 à Beaubourg. ParaldownloadModeText.vue.download 206 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 206 lèlement, il ranime un atelier de phototypie selon le procédé de L.-A. Poitevin*. Enfin, c’est l’espace rural du Sud-Ouest qu’il va explorer pour la Mission photographique de la DATAR, en 1984. « J’avais un paysage dans la tête... je l’ai trouvé ici, dans le Tarn », à Cordières, où il s’établit avec sa famille. Il se fait « chronophotographe ». Ces paysages prenant le lointain pour point de vue représentent un parcours initiatique plus que pittoresque vers la mémoire. La mémoire comme image du temps. M.M. FENTON Roger avocat et photographe britannique (Crimble Hall, Lancashire, 1819 - Londres 1869) En 1838, il commence des études en art au University College de Londres, sous la direction du peintre Charles Lucy, puis il poursuit sa formation artistique à Paris dans l’atelier du peintre Paul Delaroche et entreprend, en 1844, des expériences à partir du calotype*. De retour à Londres, il fait des études de droit et, en 1847, se joint aux photographes du Calotype Club. En 1851, lors d’un second séjour à Paris, Fenton s’intéresse à l’organisation de la nouvelle Société héliographique. Le 20 janvier 1853 est créée la Photographic Society de Londres, dont il sera le secrétaire jusqu’en 1856. En 1854, il devient le photographe officiel de la famille royale. Au printemps de la même année, il entreprend de photographier les collections du British Museum. Photographe officiel de la guerre de Crimée, nommé par la reine Victoria, il part pour Balaklava en février 1855 et réalise 360 clichés très soigneusement composés de campements, de fortifications et de portraits d’officiers, où l’horreur de la guerre est sciemment occultée. Ses photographies sont présentées dans de nombreuses expositions, en Grande-Bretagne et en France. Des impératifs commerciaux obligent Thomas Agnew, éditeur de Manchester qui avait proposé à Fenton d’accompagner l’armée britannique en Crimée, à vendre aux enchères les photographies et les négatifs de ce dernier. Directeur et photographe à la Photo-Galvanographic Company, Fenton publie, en 1856, Photographic Art Treasures, un recueil de photographies qui comprend quatre de ses clichés. Des vues stéréoscopiques réalisées entre 1858 et 1859 sont publiées dans le mensuel Stereoscopic Cabinet. À la fin des années 1850, la photographie de paysages et d’architectures constitue l’essentiel de son activité de photographe. L’épreuve à l’albumine* Chapitre et cathédrale de Salisbury, vus du jardin de l’évêque (fin des années 1850), si elle présente une vue conventionnelle du bâtiment, se distingue néanmoins des photographies réalisées à la même époque par sa dimension exceptionnellement grande (34,3 × 44 cm) et par la qualité de son tirage. Au début des années 1860, il se tourne vers la photographie de natures mortes, un genre qui lui apporte beaucoup de succès. Fenton abandonne pourtant la photographie en 1862 et retourne à sa carrière d’avocat. V.L. FERNÁNDEZ Ernesto photographe cubain (La Havane 1939) Ernesto Fernández suit des études pratiques de photographie de 1952 à 1958 avec Carlos Fernandez, directeur artistique de la revue Carteles, et avec les photographes Generoso Funcasta et Raúl Vales. Pendant cette période, il est dessinateur pour Carteles et réalise ses premières photographies en 1956. downloadModeText.vue.download 207 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 207 Pour gagner sa vie, il travaille comme ingénieur de la lumière et scénographe au théâtre Prometeo. En 1958, il entre au Periódico Revolución, alors clandestin, jusqu’en 1964. Il est correspondant de guerre à Girón durant les opérations de « Lucha contra bandidos », au cours des événements de la crise d’octobre, et se fait remarquer par un reportage sur les « Jeunes de la playa Girón » en 1961. De 1961 à 1965, il collabore à la revue Mella, et de 1966 à 1968, il est photographe à la Casa de las Américas. Ses images sur la jeunesse et les paysans adolescents de la canne à sucre sont publiées à Paris (Huracán sobre el azúcar), avec une préface de Jean-Paul Sartre. En 1975, il entre comme chef du département des informations de la revue Cuba Internacional, dont il devient chef de la photographie en 1988. Ses expositions internationales – en Allemagne fédérale, à New York, à Mexico, en Italie – lui valent une reconnaissance dans toute l’Amérique latine. V.E. FERNÁNDEZ Jesse A. photographe cubain (La Havane 1925 - Neuilly-sur-Seine 1986) De parents espagnols, Fernandez passe son enfance en Espagne pendant la guerre civile. De retour à Cuba, il suit des cours à l’académie des beaux-arts de San Alejandro. Il part à Philadelphie pour y étudier la peinture avec Georg Grosz et Dickinson à l’Art Students League. Sa rencontre avec Wilfredo Lam et les surréalistes à New York lui a permis de rester en contact toute sa vie avec la communauté artistique. Peintre de talent, il travaille dans une importante agence de publicité colombienne. En 1954, il découvre la photographie, qui deviendra sa passion, au cours d’un voyage en Amazonie. Il étudie l’archéologie et l’ethnologie, visite les tribus Cuna et vend ses premières photos à Life* à New York en 1956. Il devient alors grand reporter et travaille pour Time Magazine, Esquire, Paris-Match, New York Herald Tribune... Il collabore avec Luis Buñuel comme directeur de la photographie sur le tournage de Nazarin en 1958. Nommé directeur artistique de la revue Visión, il parcourt l’Équateur, le Guatemala, le Mexique. Il couvre la vie artistique à Cuba, où il se réinstalle en 1959 comme responsable du service photo du journal Revolución et photographe attitré de Fidel Castro. Déçu par la révolution, il quitte Cuba en 1961 pour New York. Il enseigne à la School of Visual Arts et, en 1971, part à San Juan de Porto Rico. En 1974, il s’installe à Tolède, et en 1977 à Paris. En 1980, il publie les Momies de Palerme, photographies accompagnées par un texte de Dominique Fernandez, et, en 1984, à Madrid, Retratos, qui rassemble ses portraits d’écrivains et d’artistes comme Hemingway, Buster Keaton, Marlene Dietrich, Cioran, Varèse, Huxley, Miró, Bacon. Ses photographies ont été montrées en France (Rennes) lors d’une exposition itinérante, en 1979. V.E. FERNÁNDEZ ACKERMANN Luis Federico photographe vénézuélien (Eu, France, 1939) Originaire de la ville d’Eu, en France, Fernández Ackermann arrive au Venezuela en 1950. Il réalise comme photographe une oeuvre importante et significative, et participe à de nombreuses expositions dans son pays et à l’étranger. En 1978, il est invité au premier Colloque latino-américain de photographie à Mexico, puis à l’exposition la Photographie latino-américaine au downloadModeText.vue.download 208 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 208 Kunsthaus de Zurich, en 1981, et à la Photographie contemporaine d’Amérique latine au Centre Georges-Pompidou à Paris, en 1982. Ensuite, il participe au troisième Colloque latino-américain de photographie à Cuba, en 1983, et à de nombreuses autres manifestations : Rio de Janeiro (1985), Caracas (1989-1990), la Biennale de Guayana au musée Soto (1991-1992). En 1992, il expose au Salon Michelena, où il reçoit le prix Henrique-Avril, et à la Biennale de Vigo en 1992 comme représentant du Venezuela avec la série d’images Inaugurando. Il participe, lors des deuxièmes Journées d’art national, aux expositions sur le portrait photographique au Venezuela organisées par Maria Teresa Boulton. Le style de Fernández Ackermann peut être défini comme un documentalisme critique. Durant toute sa carrière, il réalise des reportages sur les manifestations dans les musées avec un regard observateur et curieux. Son travail de toute première importance sur l’ère du sandinisme au Nicaragua représente un apport fondamental dans la photographie de reportage latino-américaine. V.E. FERREZ Marc photographe brésilien (Rio de Janeiro 1843 - id. 1923) Son père, Zéférino, arrive au Brésil avec une mission officielle artistique française pour fonder l’Académie des beaux-arts de Rio de Janeiro. Marc Ferrez est le cadet d’une famille de six enfants. Il n’a que sept ans quand ses parents meurent des suites d’une grave infection. Il passe une partie de sa jeunesse à Paris, puis retourne à Rio à l’âge de 16 ans. Il travaille avec un botaniste, Franz Keller, et avec un ingénieur de Mannheim, George Leuzinger, venu au Brésil comme photographe et au contact duquel il apprend les rudiments de la photographie. Ses travaux initiaux portent le tampon de la Firme Leuzinger. En 1865, à 21 ans, il ouvre son premier studio dans la Rua São José, au no 96, sous le nom Marc Ferrez & Cia, et fait une rude concurrence aux autres photographes de la ville. La série de cartes* de visite sur le thème des vendeurs ambulants de Rio ainsi que ses images d’architecture de la ville remportent un vif succès. En 1868, il publie aux États-Unis A Journey in Brazil avec des images du Corcovado et de Petropolis. Photographe indépendant, il fait de la publicité dans l’Almanak Laemmert. À partir de 1875, l’empereur Pedro II lui rend visite régulièrement pour lui faire faire son portrait et ceux des enfants de la princesse Isabel. Spécialiste des paysages documentaires du Brésil et des photographies navales, il est nommé photographe de la flotte de l’empereur. Dans le livre historique de R. Lécuyer* est reproduite une de ses photographies avec la mention « Marc Ferrez – Pallas, frégate française, photographiée dans le port de Rio de Janeiro en 1886. L’opérateur avait obtenu ce cliché – un instantané – en se servant de deux chambres superposées dont l’une faisait office de viseur ». En 1873, son atelier brûle et il perd toutes ses archives. Sa femme l’encourage à reprendre son activité, et ses amis, dont Julio Claudio Chaigneau, lui offrent un nouvel atelier ; il part en Europe acheter des équipements modernes. En 1875, il participe à une expédition dirigée par Charles Frederick Hartt et organisée conjointement par le Commissariat géologique de l’empire du Brésil et la Cornell University. Il est le premier à photographier les Indiens de Botocudo, au sud de Bahia. Il poursuit son voyage jusqu’en Amazonie. En 1876, il réalise plus de 200 photos au downloadModeText.vue.download 209 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 209 sud de Bahia, des portraits et des paysages qu’il présente dans une exposition, Rua dos Ciganos, en 1877. Il participe à de nombreuses expositions internationales – avec des témoignages sur l’industrie, les plantations de café et de canne à sucre de son pays –, dont la première se tient à Philadelphie. En 1881, il introduit au Brésil les plaques des Lumière*, dont son fils Julio Marc Ferrez dirige alors la filiale, et les techniques au bromure d’argent. Décoré de l’ordre Rosenorden de l’empereur, il obtient une médaille d’or à Paris à l’Exposition universelle de 1878. V.E. FERROTYPIE Ensemble d’anciens procédés photographiques. Un premier procédé, employé par les photographes forains, faisait appel à une tôle vernie noire recouverte d’une émulsion au collodion* qui, après traitement, donnait une image positive par réflexion. Un second procédé permettait la reproduction d’une image, généralement sur papier, en utilisant la transformation de sels ferriques en sels ferreux, sous l’action d’un rayonnement visible ou ultravio- let. Le phototype obtenu par ferrotypie est un ferrotype. S.R. FIERLANTS Edmond photographe belge (Bruxelles 1819 - 1869) Fierlants vit à Paris et prend des leçons de photographie auprès de H. Bayard*, qui fait de lui un technicien habile et exigeant. Il est membre fondateur de la Société héliographique en 1851 (qui prend le nom de S.F.P.* en 1854) et un des expérimentateurs, en 1855, du procédé Taupenot au collodion sec, ce qui ne l’empêche pas de revenir parfois au collodion* humide par la suite. Il expose en 1857 à la S.F.P. des reproductions d’oeuvres d’art très remarquées et c’est alors qu’il conçoit le projet de reproduire les chefs-d’oeuvre des musées d’Anvers et de Bruxelles, et, pour ce faire, il se réinstalle en Belgique en 1858, ouvrant un atelier à Bruxelles. Il obtient, après beaucoup de difficultés, l’autorisation de photographier les primitifs flamands de l’hôpital Saint-Jean de Bruges ; l’année suivante, il réalise à la demande de la municipalité d’Anvers 170 vues architecturales, en particulier de monuments ou de maisons anciennes, que la modernisation de la ville va faire disparaître ; en 1863-1864, il obtient le même type de commande de la ville de Bruxelles et, en 1865, de la ville de Louvain. Il participe à l’Exposition universelle de Londres en 1862, où il est le seul photographe belge primé. Sa production est diffusée sous forme d’albums par différents éditeurs, dont lui-même, à partir de 1860, et, en 1865, il publie un catalogue où il propose près de 1 000 reproductions photographiques, tableaux et objets d’art, en quatre formats différents. En 1866 et 1867, il photographie l’oeuvre du peintre belge Antoine Wiertz, mort en 1865 : ces 50 tirages parus en album sont présentés à l’Exposition universelle de 1867 et lui valent une médaille d’argent. Manquant d’autres commandes, Fierlants ouvre un atelier de portraits à Bruxelles en 1868 et meurt subitement l’année suivante. Il laisse une oeuvre pionnière dans la reproduction des monuments et des tableaux, où, grâce au recours systématique aux négatifs de très grandes dimensions et à des systèmes ingénieux pour éviter les aberrations optiques, il obtient des résultats d’une qualité exceptionnelle pour l’époque. Ses photographies sont représentées dans les collections des musées belges, notamment downloadModeText.vue.download 210 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 210 à Bruxelles (Palais royal), ainsi qu’à Paris (Société française de photographie). S.A. FILM Feuille souple de matière plastique (pellicule) recouverte d’une émulsion sensible à la lumière, employée dans les caméras cinématographiques et les appareils photos. Types de films Les films pour la photographie sont fournis en chargeurs, en rouleaux de longueurs diverses ou en feuilles coupées aux formats photographiques. Mis à part les différences de format*, il existe trois principaux types de films : le film achrome*, le négatif couleur* et l’inversible couleur. Dans ces trois catégories, on trouve aussi plusieurs sortes de films instantanés*. Le film achrome est, le plus souvent, un film négatif qui donne des photos en noir et blanc. Avec un film inversible, on obtient des diapositives* à projeter. Le plus commercialisé est le négatif couleur pour les photos couleur sur papier. Émulsions achromes Les plus courantes sont les émulsions négatives qui servent principalement au tirage des épreuves positives sur papier. Les films négatifs les moins sensibles (25/15 à 50/18 ISO) ont un grain* très fin et conviennent pour les sujets bien éclairés dont on souhaite le maximum de détails (paysage, architecture, etc.). Les films de sensibilités moyennes (100/21 à 200/24 ISO) sont les émulsions d’usage courant en extérieur par beau temps. Les films de haute sensibilité (400/27 ISO et plus) conviennent au reportage et aux prises de vue en faible lumière. Des émulsions à grand contraste sont fabriquées pour la reproduction de documents « au trait », c’est-à-dire sans demiteintes (elles sont du type ordinaire ou orthochromatique). Des films spéciaux sont fabriqués pour la radiographie, la photo aérienne et spatiale, la photographie d’images obtenues à l’aide de faisceaux électroniques, etc. À côté des films négatifs, il existe des films inversibles (noir et blanc) qui donnent directement des images positives pouvant être observées par transparence ou pouvant être projetées. Ces émulsions sont identiques aux négatives, mais le traitement est modifié : après le développement par le révélateur, l’image n’est pas fixée, elle est dissoute par élimination de l’argent métallique. Après cette opération, il ne subsiste plus dans la gélatine que les grains d’halogénure d’argent non exposés qui représentent l’image complémentaire de la première, donc l’image positive. Émulsions en couleur La très grande majorité des émulsions couleur utilisées aujourd’hui repose sur les procédés soustractifs* trichromes. Les principaux films créés après la Seconde Guerre mondiale sont : l’Ektachrome (inversible, 1945), l’Ektacolor (négatif, 1947), le Fujicolor (inversible, 1948), l’Ektachrome HS (inversible de haute sensibilité, 1959), le Cibachrome* (procédé de papier couleur par décoloration, 1963), l’Ektachrome infrarouge (film couleur ayant une couche sensible à l’infrarouge, 1965), l’Agfacolor CNS (négatif couleur à 12 couches, 1968), les Kodachrome 25 et 64 et les Ektachrome E6 (versions actuelles des anciens Kodachrome et Ektachrome, 1976). Au fur et à mesure de la réalisation de nouveaux films, l’industrie photochimique a apporté des améliorations aux émulsions. Les premières furent les films négatifs masqués (Ektachrome, 1947) : des coupleurs* donnent naissance dans l’émulsion même à un filtre coloré (jaune ou orangé), le masque*. Celui-ci permet, downloadModeText.vue.download 211 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 211 lors du tirage de l’épreuve, de corriger automatiquement les imperfections d’absorption des colorants des papiers. Tous les films négatifs actuels sont masqués, ce qui leur donne une tonalité orangée ou rougeâtre. Ensuite furent créés les films à couches multiples, qui comportent plusieurs couches d’émulsions. Cette technique est utilisée pour les films à fonctions multiples, films à « latitude d’exposition étendue », par exemple. Les trois couches composant ce film, de sensibilités très différentes, sont séparées des colorants, et c’est au tirage qu’on peut « explorer » chacune d’elles. (La même technique conduit, en noir et blanc, à la fabrication de papiers de tirage ou d’agrandissement à contraste variable remplaçant les cinq ou sept grades traditionnels.) En couleur, les films les plus fins comportent plus d’une douzaine de couches, dont cinq à neuf couches sensibles et des couches-filtres ou de protection. En doublant les couches sensibles au bleu, au rouge et au vert, on augmente la latitude de pose et on réduit la granulation (l’une des couches est à grains fins et peu sensible, l’autre à gros grains et très sensible). Les films en couleur sont équilibrés pour être utilisés avec une lumière de température* de couleur précise : films type lumière du jour (équilibrés pour 5 500 à 6 000 K), films type lumière artificielle A (équilibrés pour 3 400 K) et films type B (pour 3 200 ou 3 150 K). D’autre part, une convention s’est instaurée entre les fabricants, qui ont adopté la terminaison « color » pour les films négatifs (Agfacolor, Kodacolor, Fujicolor, etc.) et la terminaison « chrome » pour les films inversibles (Agfachrome, Ektachrome, Kodachrome, Fujichrome, etc.). S.R. FILM UND FOTO (Stuttgart 1929) L’exposition organisée par le Deutscher Werkbund, bien que n’étant pas la première grande exposition allemande consacrée à la photographie moderne (Neue Wege der Photographie à Iéna, en 1928, et Fotografie der Gegenwart à Essen, en 1929, l’ont précédée), se distingue par son internationalisme et sa volonté d’unir tous les domaines de la photo : l’art, la presse et la publicité. L’instigateur et directeur de la manifestation, Gustaf Stotz, explique dans son texte d’introduction au catalogue que le but de la Fifo, comme on l’appelle communément, est de déterminer le « véritable champ d’action de la photographie », tout en s’opposant vivement « à cette conception toujours répandue selon laquelle on ne pourrait obtenir un effet artistique dans la photographie que par la mollesse, le flou et surtout la retouche manuelle des prises de vue ». Pour accomplir sa tâche, Gustaf Stotz s’entoure de plusieurs personnalités : Hans Hildebrandt (historien d’art), Bernard Pankok (architecte, peintre et graphiste) et Jan Tschichold (typographe) effectuent le choix des oeuvres ; Ernst Schneidler organise l’espace, tandis que des photographes servent d’intermédiaire avec leurs compatriotes : E. Steichen* et E. Weston* s’occupent de la partie américaine, F. T. Gubler et S. Giedon de la partie suisse, P. Zwart* de la partie hollandaise, et K. Teige* se charge des relations avec les Tchèques. Ils réunissent autour d’eux 150 photographes qui exposent individuellement : des Allemands (citons W. Baumeister*, H. Bayer*, Ä. Biermann*, M. Burcharz*, H. Erfurth*, Georg Grosz, H. Höch*, A. Renger-Patzsch*, K. Schwitters*), des Autrichiens (W. Riethoff), des Hollandais (Paul Schuitema), des Français downloadModeText.vue.download 212 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 212 (F. Henri*, A. Kertész*, G. Krull*, E. Lotar*), des Britanniques (C. Beaton*), des Belges (E.L.T. Mesens*), des Tchèques (Eugen Markalous) et des Américains (B. Abbott*, C. Sheeler*, P. Outerbridge*), ainsi que deux groupes, la Russie (M. Alpert*, B. Ignatovitch*) et la Suisse (W. Cyliax, Carl Hubacher), et six établissements techniques allemands, dont le Bauhaus*. L’espace de la manifestation est constitué de treize salles. La première, réalisée par L. Moholy-Nagy*, retrace l’histoire et les différents thèmes abordés par la photographie – le reportage, la science et la technique. La deuxième est consacrée aux travaux de Sasha et Cami Stone ; la troisième à J. Heartfield* ; la quatrième est la salle des Russes, la seule aménagée indépendamment des autres, par El Lissitzky* : cordes et panneaux de bois créent un lieu original, dans lequel est intégré directement le cinéma. Dans la cinquième salle, Moholy-Nagy expose quatre-vingt-seize de ses photographies, photogrammes et photo-plastiques, et dans la salle 6 sont exposés les représentants Américains. L’accrochage de la suite de l’exposition est inconnu, à part la dernière salle qui réunit les photos industrielles du Dr Lossen & Co., les travaux de Willy Riethoff et ceux d’Arvid Gütschow. Parallèlement à l’exposition, et sous la direction de Hans Richter, sont projetés, du 13 au 27 juin, plus de soixante films muets : notons ceux de René Clair (Entr’act), Man Ray* (l’Étoile de mer), Viking Eggeling (Symphonie diagonale), Charlie Chaplin (le Cirque), Fernand Léger (le Ballet mécanique), Walter Ruttmann (Berlin, symphonie d’une grande ville), Robert Wiene (le Cabinet du Dr Caligari), Vsevolod Illarionovitch Poudovkine (la Fin de Saint-Pétersbourg), etc. La Fifo est accompagnée d’un catalogue important. Une centaine de pages réunit cinq textes (par Weston, W. Jemtschuschny, Hans Richter, O.D. Kamenewa et N. Kaufmann) sur la photographie et le cinéma, 23 reproductions d’oeuvres, ainsi qu’une liste, classée par ordre alphabétique, des artistes présents, avec leur adresse et les titres des clichés qu’ils exposent – à l’exception de la première salle et des travaux typographiques. L’exposition est à Stuttgart du 8 mai au 7 juillet 1929, puis elle se déplace en version réduite à Zurich (28 août-22 septembre), Berlin (19 septembre-17 novembre), Dantzig, Vienne (20 février-31 mars 1930), Agram, et s’intègre à l’exposition Das deutsche Lichtbild de Munich, du mois de juin au mois de septembre 1930. Au printemps 1931, elle est même présentée à Tokyo et Osaka. La Fifo suscite le livre de Franz Roh FotoAuge/OEil et Photo/Photo-Eye (1929). Le catalogue de l’exposition Film und Foto de 1929 est réédité en 1979 par le Deutsche Verlags-Anstalt (dva) de Stuttgart, et l’exposition l’Invention d’un art du Centre Georges-Pompidou (1989-1990) reprend une partie de l’exposition originale. E.E. FILONOV Vladimir photographe russe (Tbilissi 1948) Géorgien d’origine, Filonov s’installe définitivement en Ukraine en 1965, après avoir vécu à Bakov et dans la région de la Volga. Il suit jusqu’en 1969 des études supérieures d’ingénieur électromécanicien puis travaille comme ingénieur. Il commence la photographie lors de son arrivée à Zaporojie, en Ukraine. En 1968, il devient membre du photo-club de la ville et, après des recherches plus techniques, s’installe comme photographe d’art. « Je m’absorbe dans les thèmes downloadModeText.vue.download 213 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 213 sociaux, chercheur qui proteste contre le Comité central du Parti communiste et spécialement son politburo souverain », selon ses propres termes. De 1971 à 1983, sa participation à deux cent cinquante salons internationaux lui permet d’obtenir de très nombreuses médailles. Il se recentre à l’heure actuelle sur son travail en Russie et se consacre entièrement à la photographie. Il réalise plusieurs séries : Sur les routes de Russie (1987), où il fait l’inventaire des statues à la gloire de l’Union soviétique dans les parcs ou propriétés de Biélozersk et ceux de la région de Penza, et Long, long Day (1987), sur les travailleurs en usine. Il commence en 1989 la série Voyage au coeur du pays sur les villages de la région de Kostroma qui ont gardé un caractère traditionnel, et, en 1990, Réminiscences des provinces russes, suite de montages utilisant des images de sites détruits (monuments, habitations) avec, en superposition, des portraits du XIXe siècle. Son travail montre l’état actuel de l’industrialisation de la Russie, sans espoir positif pour l’évolution de l’homme. V.E. FILTRE Filtre coloré, feuille de verre, de gélatine ou de matière plastique colorée, destinée à absorber certaines radiations du spectre en laissant passer les autres. Une gamme importante de filtres est utilisée soit à la prise de vue, soit au laboratoire, lors du tirage* des épreuves, pour modifier la qualité de la lumière, le contraste d’un cliché ou le rendu des couleurs. Filtre correcteur, filtre coloré utilisé pour modifier le contraste de l’image lors d’un tirage achrome sur papier, ou pour modifier le rendu des couleurs à la prise de vue lors d’un tirage polychrome. Filtre de sélection, filtre vert, bleu ou rouge per- mettant, en photographie polychrome, d’obtenir les images de ces trois couleurs sur émulsion panchromatique* (images de sélection). S.R. FINK Larry photographe américain (Brooklyn 1941) Il apprend la photographie avec A. Brodovitch* et L. Model* après avoir fait des études à la Nouvelle École de Recherche sociale à New York. À partir de 1964, il commence une longue carrière d’enseignant, notamment à la Parsons School of Design, à la Yale University, à l’International Center of Photography et à la Cooper Union. Ses travaux décrivent le paysage social des classes moyennes américaines, urbaine et rurale, dans la tradition de R. Frank*, D. Arbus* et G. Winogrand*. Fink travaille en noir et blanc pour transcrire la vie nocturne des salons et des boîtes de nuit, en utilisant souvent le flash pour projeter gestes et détails à la lumière et révéler ainsi les caractéristiques inhérentes de ses personnages. Ses oeuvres sont notamment à New York (M.O.M.A.) et à Boston (M.F.A.). M.C. FINSLER Hans photographe suisse (Zurich 1891 - 1972) Il fait des études d’architecture avant de suivre des cours d’histoire de l’art, en Allemagne, avec Heinrich Wölfflin. En 1922, enseignant à l’école des arts et métiers de Halle, il commence à faire ses propres clichés pour illustrer ses cours et, en 1927, donne des cours de photographie. Ce partisan de la Nouvelle* Objectivité utilise le gros plan et devient un des maîtres du downloadModeText.vue.download 214 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 214 produit de consommation, de l’objet industriel (Tubes de céramique, v. 1930, Sander Gallery, New York). Ses travaux sont caractérisés par une composition dépouillée et géométrique. Sa façon originale de saisir les objets, isolés de leur contexte, donne une nouvelle impulsion à l’illustration commerciale. Ses oeuvres sont à l’exposition Film und Foto* de Stuttgart en 1929. En 1932, il retourne à Zurich et enseigne à la Kunstgewerbeschule, premier centre de formation pour photographes professionnels en Suisse. Il a comme élève la plupart des grands photographes suisses de l’après-guerre, ainsi W. Bischof* et R. Burri*. Ses oeuvres sont notamment conservées à la Fondation pour la photographie, à Zurich. M.C. FISCHLI & WEISS ar tistes suisses (Zurich 1952 et id. 1946) Fischli étudie l’art à l’Accademia di Belle Arti d’Urbino de 1975 à 1977 et Weiss s’inscrit successivement à l’école des beaux-arts de Zurich (1963-1964), puis à l’école des beaux-arts de Bâle (1964-1965). Leur collaboration date de 1979. Les deux artistes mettent en oeuvre une méthode d’exploration et d’interprétation du monde à l’aide de photographies, d’objets, de films et de publications. Sur le mode de la série, de la typologie, de la fable, Fischli & Weiss composent les relations de l’homme à son quotidien, à son environnement, à son savoir, non sans humour ni provocation. La série les Saucisses (1979) inaugure leurs premières photographies. Un après-midi tranquille, les Équilibres (1984) sont les images photographiques d’objets usuels, d’ustensiles ménagers notamment ou d’accessoires vestimentaires, qui constituent le thème essentiel de leur film le Cours des choses (1986), relatif aux lois mécanistes et matérialistes du monde contemporain. Fischli & Weiss sont également les auteurs de courts métrages tels que la Moindre résistance (1980), où l’ours et le rat illustrent la fable du succès et du savoir, et de nombreuses sculptures réalisées en gomme noire représentant animaux et objets. À partir de 1988, ils constituent une collection de stéréotypes photographiques à travers les images d’aéroports, de lieux et de monuments touristiques. Ils exposent au musée de Grenoble en 1987, dans les galeries contemporaines du Centre GeorgesPompidou en 1992 et à l’ARC (M.A.M.V.P.) en 1999. S.C. FISH-EYE voir OBJECTIF FIXAGE Opération rendant insensibles à la lumière les substances non exposées et qui subsistent après le développement* du phototype. En photographie argentique, le fixage consiste à rendre insensibles à la lumière les halogénures d’argent restant dans l’émulsion* après développement, en les transformant en sels solubles éliminables. Le fixage des plaques, des films et des papiers photographiques est réalisé au moyen d’une solution d’hyposulfite de sodium, généralement à 20 %. En photographie non argentique, le fixage s’effectue selon des traitements variant avec les procédés. Autrefois, les clichés au collodion* étaient fixés avec du cyanure de potassium ou de sodium. Le bain utilisé pour le fixage s’appelle un fixateur. S.R. downloadModeText.vue.download 215 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 215 FLACHÉRON Jean-FrançoisCharles-André (dit Frédéric ?) photographe français (Lyon 1813 - Paris 1883) À Paris, Flachéron étudie la gravure à l’École royale des beaux-arts (récompensé au Grand Prix de gravure en médailles et pierre fine, 1839). Son mariage avec Caroline Hayard (1842), le lie à la famille de sa femme, propriétaire d’un établissement de fournitures pour artistes sur la place d’Espagne à Rome. Il est un membre du Cercle de Rome, composé notamment du prince Giron des Anglonnes, d’Eugène Constant, de Giacomo Caneva et d’un certain Robinson. Ils se réunissent au Caffé Greco et à la Trattoria del Lepre. Vers 1851, ceuxci aident des photographes de passage comme les Anglais Thomas Sutton et Richard W. Thomas. Tous, ils recensent les richesses monumentales de la Ville éternelle en en valorisant l’impact émotionnel. Flachéron réalise des vues de Rome et de ses environs (1849-1853), qui s’inscrivent parmi les premières démarches réfléchies de la photographie d’architecture, mais il aurait aussi fait des portraits. Il est en contact avec Alfred Bruyas, avec l’opticien parisien Charles Chevalier, dont il utilise le matériel (1851), et participe à Londres à l’Exposition universelle (1851) et à l’exposition de la Société des arts (1852). Si un doute subsiste toujours sur l’identité entre le comte Frédéric et Flachéron, ce travail est cependant mieux connu depuis les années 1980. B.P. FLASH Éclair très bref dont l’intensité est suffisante pour permettre une prise de vue photographique. Appareil produisant les éclairs nécessaires à des prises de vue. Les premiers flashes utilisés par les photographes furent ceux à lampes magnésiques. Celles-ci consistaient en un fil ou une feuille mince d’un alliage d’aluminium et de magnésium enfermé dans une ampoule contenant de l’oxygène. Un dispositif d’amorçage permettait l’allumage de l’alliage, qui brûlait très rapidement en donnant une lumière blanche intense. Ce type de flash était ainsi appelé parce qu’il dérivait de l’ancien procédé où l’on faisait brûler à l’air un peu de magnésium sous forme de ruban, fil ou poudre. Les flashes au magnésium ont été ensuite remplacés par ceux à filament de zirconium et, aujourd’hui, par les flashes électroniques. Le flash électronique consiste essentiellement en une conduction gazeuse de brève durée. Pour cela, on opère généralement au moyen d’un condensateur, dont la décharge est faite ensuite dans un tube à éclats contenant, sous une pression déterminée, du mercure, du krypton ou, le plus souvent pour les prises de vue photographiques, du xénon. Le flash électronique permet, selon certains montages conçus à cet effet, de pratiquer des prises de vue à de très grandes vitesses, par exemple au 1/10 000 ou au 1/100 000 de seconde et même, avec l’appoint de techniques particulières, jusqu’au millionième ou au milliardième de seconde. La photographie au flash nécessite une synchronisation entre la source de lumière et le déclenchement de l’obturateur. C’est celui-ci qui doit commander l’éclair du flash au moment exact de sa pleine ouverture. Cette liaison est assurée par des dispositifs électriques, magnétiques ou mécaniques. L’automatisation des équipements photographiques s’est étendue au flash dans les années 1980. Deux techniques sont utilisées : d’une part, l’incorporation au flash d’une cellule sensible asservie à un microdownloadModeText.vue.download 216 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 216 processeur mesurant l’éclair reçu par le sujet et le coupant dès que l’exposition du film est assurée ; d’autre part, dans les appareils reflex, l’incorporation d’un système similaire, en orientant la cellule vers le film afin que la mesure se fasse sur l’émulsion, durant son exposition. S.R. FLEISCHER Alain ar tiste français (Paris 1944) Personnalité complexe, fuyante, Fleischer, qui a suivi des études de lettres modernes, de linguistique, de sémiologie et d’anthropologie, partage sa vie entre Rome, Paris et Tourcoing, menant de front des pratiques de photographe, de plasticien, mais aussi de cinéaste (Dehors, dedans, 1974 ; Zoo Zéro, 1977-1978, environ 90 courts et moyens métrages), d’écrivain (Là pour ça, 1987 ; Grands Hommes dans un parc, 1989 ; Quelques Obscurcissements, 1991 ; Pris au mot, 1992) et d’enseignant. Son goût pour les dédoublements et expérimentations multiples se retrouve dans son oeuvre photographique, le plus souvent en couleur, où des dispositifs très élaborés mettent en scène jeux de miroirs, illusions et simulacres divers, comme dans les séries des Happy Days (1985-1988) ou les Voyages parallèles (1991). Il aime entremêler les codes : ludique, érotique, artistique (fragments empruntés à la peinture, la sculpture, la littérature, au cinéma...), et faire jouer simultanément plusieurs paramètres : mouvement (traction d’un jouet mécanique, ouverture d’un tiroir, souffle d’un ventilateur...), lumière (éclairages divers, projections de diapositives...). Il réalise aussi des installations utilisant la photographie, comme Diva Navi (1990), le Voyage du brise-glace (1991) ou le Regard des morts (1995). Prix de Rome pour la photographie (1985), il a fait, depuis 1972, de très nombreuses expositions personnelles (M.N.A.M., Paris ; FIAC/galerie Michèle Chomette ; C.N.P., Paris ; Museo d’Arte Moderna, Rio de Janeiro...). Ch.B. FLORENCE Hercule photographe brésilien d’origine française (Nice ? - Campinas, São Paulo, 1879) Né dans le midi de la France, Florence vient avec sa famille s’installer au Brésil, où il vécut pendant cinquante ans. Connu pour son talent de dessinateur, il est invité à accompagner une expédition scientifique du baron Langsdorff en Amazonie. Florence est véritablement le précurseur mondial de la photographie en Amérique. En 1832, il invente une chambre obscure portable avec laquelle il obtient un négatif et un positif. Il crée le mot « photographie », ce qu’atteste l’utilisation de celui-ci dans un journal brésilien en 1840. Modeste, il ajoute : « Je ne suis pas le seul. » V.E. FLOU Manque de netteté de l’image, provenant soit d’une mise au point défectueuse à la projection, soit d’un effet délibéré à la prise de vue (flou artistique). S.R. FOCALE Distance du foyer principal d’un système optique centré au plan principal du système. On dit aussi distance focale. (La distance focale d’une lentille mince est égale à la distance de la lentille au foyer.) La focale, désignée par la lettre f (par ex. f = 50 mm), est l’une des caractéristiques downloadModeText.vue.download 217 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 217 d’un objectif* photographique et permet de les distinguer : un 50 mm, un 135, un zoom 35-200, etc. S.R. FONTANA Franco photographe italien (Modène 1933) Dès 14 ans, il exerce divers petits métiers, puis se lance en 1961 dans la décoration d’intérieur (qu’il pratique pendant quinze ans). La même année il achète un Pentax et photographie des paysages en couleur. Il publie plusieurs livres, dont Terra da leggere (1973) au titre révélateur : sa démarche vise en effet à traduire un « paysage en code », par une extrême simplification des formes, une composition épurée d’espaces colorés. En 1976, il expose trois cents images à l’Institut d’histoire de l’art de Parme et, en 1978, publie Skyline, paysages abstraits, lignes horizontales coupant l’image en deux ou trois zones colorées, ou dégradées entre ciel et mer, ciel et champs, plaines, routes..., livre qui fera sa renommée mondiale. Après un voyage aux États-Unis, il se met à photographier aussi des paysages urbains, isolant quelques éléments essentiels en une construction simple, visant l’harmonie des formes et des couleurs (Paesaggio Urbano 1980). Puis, avec Presenzassenza (1982), l’homme apparaît dans ses compositions urbaines, à l’état d’ombre ou de silhouette. Il inclura ensuite des fragments de corps féminins, main, pied, dos, comme dans sa série Piscine, corps immergés dans une eau bleu vif aux reflets déformants, images qui côtoient celles des villes dans Fullcolor (1983). Il expose dans les galeries du monde entier. Ch.B. FONTCUBERTA Joan photographe espagnol (Barcelone 1955) Durant ses études de journalisme à l’université autonome de Barcelone (19721977), il découvre la photographie et présente ses premiers travaux en 1974 dans la capitale catalane. Journaliste pour de nombreux quotidiens (El Correo Catalán, El País, La Vanguardia...) et magazines (Zoom...), il enseigne à l’Atelier d’art photographique (1975-1976) puis à l’école des beaux-arts de Barcelone depuis 1980. Cofondateur du groupe Alabern (1976), de la revue madrilène Photovision (1981) et éditeur de BCN Fotografía (1977-1979), il apparaît comme l’un des protagonistes du renouveau de la scène photographique espagnole, à laquelle il apporte une réflexion sur l’enjeu proprement plastique du cliché. Marqué à ses débuts (19731976) par l’empreinte surréaliste catalane, il développe depuis une pratique de la manipulation mettant en scène des animaux (Animals, 1977) ou des végétaux, revisitant des zoos, avec pour thème récurrent la curiosité (voire la monstruosité) biologique, et pour définition commune une esthétique anti-documentaire, fondée sur la mise en relation énigmatique des objets avec leur environnement. Il réalise en 1988 une série de Frottogrammes qu’il conçoit comme des formules hybrides associant le frottage (Max Ernst) à l’objectivité photographique (K. Blossfeldt*). En 1993, il présente à Francfort (galerie Lothar Albrecht) la série The Theory of Botany – The Theory of Anatomy, dans laquelle son travail se focalise une nouvelle fois sur l’analyse des couples théoriques fondamentaux nature/artifice et réalité/représentation. Ses oeuvres sont présentes dans de nombreuses collections publiques, notamment à la FondadownloadModeText.vue.download 218 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 218 tion Miró (Barcelone), au M.O.M.A. et au Metropolitan Museum (New York), au musée Réattu d’Arles ainsi qu’au Fonds national d’art contemporain (Paris). P.L.R. FORMAT Dimensions d’une image d’un film* photographique. Les principaux formats des films sont les suivants (exprimés en millimètres) : 13 × 17 ; 18 × 24 ; 24 × 36 ; (exprimés en centimètres) : 4,5 × 6 ; 6 × 6 ; 6 × 9 ; 9 × 12 ; 10 × 15 ; 13 × 18 ; 18 × 24. Dans certains cas, le format est utilisé pour définir le type d’appareil : un 6 × 6, un reflex 24 × 36. Film au format, surface sensible, aux dimensions d’utilisation, produite en plaque ou en film (également appelée plan-film dans ce deuxième cas). S.R. FOUCAULT Jean Bernard Léon physicien français (Paris 1819 - id. 1868) Après ses études au collège Stanislas à Paris, Foucault commence à étudier la médecine. En 1839, il se met à perfectionner les procédés de L.J.M. Daguerre*. Pour ses recherches, il fait ses essais près de chez lui (l’Église des Carmes, 29 mai 1842, coll. particulière et les Toits de Paris, vers 1844, coll. Société française de photographie). Il est préparateur au cours de microscopie du professeur Alfred Donné. En 1844, pour illustrer l’Atlas du cours de microscopie, il fait des vues à l’aide d’un microscope-daguerréotype solaire à court foyer qui lui permet d’obtenir des grossissements de 20 à 400 fois. Le temps de pose varie de 4 à 20 secondes (Globules de ferment de levure de bière, 1844, coll. Société française de photographie). Avec Hippolyte Fizeau, Foucault fait des recherches sur les phénomènes de la lumière, notamment sur sa vitesse et sur les interférences lumineuses, et obtient le premier daguerréotype* du soleil en 1843. En 1851, il fait suspendre à 67 m au sommet du dôme du Panthéon un pendule afin de démontrer le mouvement de la Terre. En 1854, Foucault entre comme physicien à l’Observatoire de Paris ; la même année, il participe à la création de la S.F.P.* En 1855, pour son invention du gyroscope, la Société royale de Londres le récompense avec la médaille Copley. En 1861, il souffre de paralysie progressive et ne pourra achever ses travaux d’astronomie : ce mal l’emporte en février 1868. M.J.M.C. FRANCK (François Marie Louis Alexandre Godinet de Villecholle, dit) photographe français (Voyennes 1816 - Asnières 1906) Après un début de carrière dans les lettres, Franck se met à la photographie et conçoit ses premiers daguerréotypes en 1845. Exilé à Barcelone de 1849 à 1857, il revient en France sous l’Empire et devient membre de la Société* française de photographie. En 1859, il s’installe photographe à Paris sous le pseudonyme de Francle et propose des portraits en noir et blanc et en couleur, des reproductions artistiques et industrielles, des vues de monuments, et se spécialise, en 1861, dans la carte* de visite. En même temps, il est professeur de photographie à l’École polytechnique. En 1880, il cède son établissement à Chalot et se lance dans la fabrication de plaques sèches. De 1882 à 1900, il est membre du conseil de la S.F.P. F.H. downloadModeText.vue.download 219 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 219 FRANCK Martine photographe française (Anvers 1938) Franck grandit aux États-Unis et en Grande-Bretagne, puis commence des études universitaires à Madrid et termine à l’École du Louvre à Paris, en 1963. La même année, elle rapporte d’un voyage en Chine, au Japon et en Inde ses premières photographies. À son retour à Paris, elle « fait véritablement connaissance avec la photographie » lors d’un stage d’un an dans les laboratoires de Time Life. Photographe indépendante, elle débute au Théâtre du Soleil et travaille bientôt pour Life*, Fortune, Sports Illustrated, New York Times, Vogue*. Dès la création en 1970 de l’agence Vu – qui périclite au bout d’un an –, elle en devient membre. En 1972, avec ses anciens collaborateurs, elle fonde l’agence de presse Viva. En 1980, distinction suprême, elle devient membre associé à l’agence Magnum*. L’émotion dominée, la distance prise avec le sujet, la composition contrôlée donnent à son oeuvre un caractère classique. « Mon principal désir, affirme-t-elle, est de présenter des images qui incitent à la réflexion. » Son portrait, le Temps de vieillir (1980), pose le problème de la place de la vieillesse dans notre société. Présentes dans de nombreuses expositions en France, aux États-Unis, ses photographies sont conservées, en France, à la Bibliothèque nationale, au musée Nicéphore-Niépce ; aux États-Unis, au Museum of Art et au Metropolitan Museum of Art de New York. S.Ro. FRANK Robert photographe suisse (Zurich 1924) Après son apprentissage photographique entre 1940 et 1942 à Bâle et à Zurich, Frank commence une carrière de photographe marquée par l’influence de G. Schuh*. Il s’installe en 1947 aux ÉtatsUnis, où il travaille d’abord comme photographe de mode et reporter pour Fortune, Life*, Look et Harper’s Bazaar* auprès de A. Brodovitch*. Des voyages en Bolivie et au Pérou, en 1948, et en Europe entre 1949 et 1951 le confrontent à la réalité sociale, qu’il aborde de manière subjective. Sa rencontre avec W. Evans* en 1953 l’influence profondément alors qu’il commence à fréquenter les peintres et les poètes de la Beat Generation. Grâce à une bourse de la Fondation Guggenheim, il voyage « sur la route » dans tous les États-Unis entre 1955 et 1956 ne s’intéressant qu’à des événements mineurs de la vie américaine. La publication en 1958 par Robert Delpire du livre fondateur du reportage subjectif, les Américains, édité aux États-Unis en 1959 avec une préface de Jack Kerouac, est ressentie comme une remise en cause des fondements du photojournalisme*, tant techniques qu’idéologiques. Mal cadrées, parasitées par les noirs et une lumière salie, les photographies de Frank résultent d’une approche psychologique et mythologique de l’Amérique au travers d’une déambulation ouverte. Frank montre rapidement son intérêt pour le cinéma expérimental (Pull My Daisy, 1959) et il participe en 1962 à la fondation du New American Cinéma et de la FilmMakers Cooperative. La monographie The Lines of My Hand (1971) comporte des montages de photographies, des planchescontacts et des photogrammes de films où downloadModeText.vue.download 220 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 220 la mise en scène de sa vie est mêlée à des thèmes de la culture underground. À partir de 1974, des photomontages réalisés avec un Polaroid, griffés et raturés, recouverts de mots anodins, mettent en scène réalité et imaginaire sur un mode mélancolique. Frank vit en NouvelleÉcosse, au Canada, depuis 1969. Il est revenu récemment à la photographie de mode et au reportage. Une rétrospective (Moving Out) a été présentée à Amsterdam, en 1995 (Stedelijk Museum). F.D. FREIRE Carlos photographe brésilien (Rio de Janeiro 1945) Fils d’immigrés portugais et italiens de la première génération, Freire, photographe indépendant, travaille avec la presse européenne et américaine, fait de nombreux voyages en Inde et en Europe – surtout en Italie. Photographe du noir et blanc, il sait jouer de la lumière, des regards, comme pour cet Homme sur les quais de la gare de Calcutta ou les portraits des personnalités de l’art et de la littérature, telle Marguerite Yourcenar, qu’il présente au Centre Georges-Pompidou en 1989 puis à Boston et à New York en 1991. De nombreux ouvrages rassemblent ses images : Voyage en Italie ; Cinéastes français contemporains ; Lumières de l’Inde ; l’Argot du bistrot et, en 1993, Naples, royaume des gens. Son regard sombre et pénétrant capte le secret des hommes et nous montre souvent les terribles conditions dans lesquelles ils vivent dans le monde. Grâce et gravité constituent sa perception de la vie réelle. De nombreuses expositions consacrent son travail en France – sa patrie d’élection depuis 1968 –, en Europe et aux États-Unis. Il poursuit régulièrement la réalisation de portraits d’artistes dont les derniers ont été présentés à Cassis en 1993. V.E. FREITAS Iole de photographe brésilienne (Belo Horizonte 1945) Photographe indépendante, elle pratique également le cinéma. Sur les traces de certains plasticiens brésiliens des années 1960, comme Lygia Clark et Helio Oiticica, de Freitas fait partie d’un mouvement appelé « Body-Art », l’artiste utilisant son corps comme support de son art. À partir de 1976, ses performances enregistrées deviennent sujets d’exposition. Son travail se présente en séries ou séquences constituées de photogrammes et de photographies agrandies. Après un séjour de huit ans à Milan, elle revient au Brésil, à São Paulo. Dans ses recherches, elle se sert du double filtre de l’appareil photo et du miroir pour refléter un « soi-même » doublement distancié. Elle apparaît sur l’image par fragments, examine son corps en microcosme avant de le reconstruire en tant qu’oeuvre d’art. Son travail de « photo-langage » a été présenté dans de nombreux musées au Brésil, ainsi qu’en Italie, dont une pièce très remarquée Morceaux de verre, tranches de vie, de 1975, qui est exposée au musée d’Art moderne de Paris. En 1978, la galerie Arte Global, à São Paulo, lui a consacré une exposition. V.E. FREUND Gisèle photographe française d’origine allemande (Berlin 1908 - Paris 2000) Freund étudie la sociologie avant de fuir les nazis. Elle s’établit à Paris en 1933. Étudiante à la Sorbonne, elle commence à downloadModeText.vue.download 221 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 221 photographier pour subvenir à ses besoins. Dès 1935, elle travaille avec Life*, Weekly Illustrated, Paris-Match (reportage sur les chômeurs dans le nord de l’Angleterre, 1935). Parallèlement, elle écrit sa thèse sur « La photographie en France au XIXe siècle ». En 1935, Adrienne Monnier lui présente de nombreux écrivains (François Mauriac, Colette, Jean-Paul Sartre, André Gide, Louis Aragon, André Malraux, James Joyce, George Bernard Shaw, Virginia Woolf, etc.). Elle réalise alors leurs portraits en couleur – elle est une pionnière dans l’utilisation de ce procédé –, célèbres pour leur approche réaliste et sensible de la personnalité du sujet. En 1940, elle est obligée de fuir une seconde fois et part en Argentine. Elle se spécialise alors dans le reportage (Chili, Bolivie, Brésil, Équateur). De retour à Paris en 1946, elle fait les portraits de Henri Matisse, P. Bonnard*, etc. Photographe à l’agence Magnum* de 1948 à 1954, elle parcourt les deux Amériques. Ses reportages sont publiés dans la presse du monde entier (notamment celui sur Evita Perón, à Buenos Aires en 1950). Elle habite au Mexique pendant deux ans (1950-1952). Dans les années 1970, elle part au Proche-Orient et au Japon. Elle publie le Monde et ma caméra en 1970, Photographie et Société en 1974, et le musée national d’Art moderne organise une exposition sur son oeuvre en 1991. E.E. FRIDLAND Simon Ossipovitch photographe russe (Kiev 1905 - 1964) Dès l’âge de 14 ans, il travaille comme apprenti chez un cordonnier à Kiev, mais il quitte la condition ouvrière grâce à l’intervention de son cousin Mikhaïl Kolcov, rédacteur en chef de la revue Ogonek. À partir de 1925, il travaille à Moscou pour ce journal, premier hebdomadaire russe illustré, dans un premier temps comme assistant du laboratoire photographique, ensuite comme reporter. Il collabore également à l’U.R.S.S. en construction, où ses images paraissent, et au quotidien la Pravda. Il participe en 1928 à l’Exposition Dix Ans de photographie soviétique, où il fut distingué comme l’un des six meilleurs photo-reporters de l’Union soviétique. Il étudie pendant toute cette période au département photo de l’Institut central du cinéma. En 1930, il devient membre de l’agence Unionfoto (plus tard Soyuzfoto) et, en 1932, réintègre Ogonek en tant que chef du département-photo, puis crée au sein de cette revue les bases d’un système d’organisation de l’information photographique, de l’agitation et de la propagande, système qui sera adopté par la plupart des revues périodiques soviétiques. Fridland développe des concepts originaux sur la mise en page et les montages textesimages. Il est nommé en 1935, président de l’Association des photographes-reporters de Moscou et la Seconde Guerre mondiale le verra occuper le poste de correspondant de guerre. V.E. FRIEDLANDER Lee photographe américain (Aberdeen, Washington, 1934) Il étudie la photographie à l’Art Center de Los Angeles (1953-1955) et, dès 1956, gagne sa vie en photographiant des musiciens de jazz pour des pochettes de disques. Outre ses travaux de commande, il commence, dans l’admiration de E. Atget*, une oeuvre nourrie de références à W. Evans* et R. Frank*. La rue est le lieu privilégié de sa création. Dans chaque image se superposent des éléments et des plans qui se downloadModeText.vue.download 222 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 222 contredisent et envahissent tout l’espace jusqu’à saturation. Cette vision ne loue plus le vide des grands espaces américains. Révélé pour la première fois en 1963 à Rochester, son travail est présenté, avec celui de D. Arbus* et de G. Winogrand* au M.O.M.A. de New York lors de l’exposition New Documents* (1967), qui consacre cette nouvelle école américaine. Commencé au milieu des années 1960, son travail sur les monuments américains se poursuit pendant dix ans et exprime sa filiation avec Evans par l’apparente froideur de sa vision. Le livre American Monument paraît en 1976. Dans Self Portrait (1970), la présence de Evans est plus évoquée que montrée. La même année, il publie les portraits de prostituées de la Nouvelle-Orléans, réalisés par E.J. Bellocq* au début du siècle, travail qu’il s’attache à réhabiliter en tirant les plaques de celui-ci, découvertes en 1958. Pendant les années 1970, il photographie des fleurs et des paysages, images publiées en 1981. S’il travaille sur des thèmes, Friedlander ne définit jamais ses séries à l’avance. L’exposition Portraits, présentée en 1984 à la galerie Zabriskie (Paris), rassemble des photographies prises depuis 1958. Et ses images de femmes nues ne sont révélées qu’en 1991. Dans ses photographies, Friedlander ne choisit pas de mettre en évidence un élément, il accumule des informations dont il ne reste plus que les formes. Son regard nouveau rend visible un monde qui paraissait inconcevable. A.M. FRITH Francis photographe britannique (Chesterfield, Derbyshire, 1822 - Reigate 1898) Frith ouvre la voie à la photographie de paysage à l’époque du collodion* (1850). Il est aussi connu comme éditeur de vues topographiques réalisées en Grande-Bretagne et en Orient, et distribuées sous forme de livres et de portfolios ; les photos (et vues stéréoscopiques) sont vendues en série ou une par une. En 1853, Frith est membre fondateur de la Royal Photographic Society. Entre septembre 1856 et juillet 1857, il voyage en Égypte et en Nubie, terres lointaines et empreintes de références religieuses et d’attraits exotiques lorsque l’Angleterre était victorienne. En 1857-1858, Frith traverse l’Égypte et gagne Jérusalem, la Syrie, le Liban. Un troisième voyage au Caire le mènera cette fois-ci toujours plus au sud. Frith n’est pas le seul à s’être aventuré en Orient (le peintre Horace Vernet réalisa dès 1839 des daguerréotypes* qui seront rassemblés en un recueil de gravures intitulé les Excursions daguerriennes. De même, en 1852, M. Du Camp*, écrivain et journaliste, fera publier par Blanquart Évrard Égypte, Nubie, Palestine et Syrie, qui fait état de son voyage avec Flaubert) ; mais Frith se distingue par une approche systématique du paysage, rendu dans son ensemble mais aussi détaillé, réalisant ainsi de véritables vues topographiques. Le fait même de photographier les monuments sous différents angles mais toujours à la même distance permet de reconstituer mentalement l’espace où s’ordonnent les ruines les unes par rapport aux autres. L’échelle du paysage nous est donnée par un personnage lorsqu’il ne constitue pas un détail pittoresque. La lumière rasante révèle formes et surfaces des monuments et cités qui apparaissent à fleur de terre. Frith utilise un appareil stéréoscopique et une chambre avec trois formats de plaques au collodion ; il est parmi les premiers à utiliser le format 20 × 16 pouces, particulièrement difficile à manier sous le soleil du Proche-Orient À son retour d’Égypte, Frith constate le downloadModeText.vue.download 223 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 223 succès de la publication des épreuves qu’il a réalisées, réunies sous le titre Views of Sinai, Palestine, Egypt and Ethiopia : premier ouvrage représentant l’Égypte et la Terre sainte et concurrençant les dessins lithographies de David Robert (1830). En 1860, Frith est propriétaire de sa propre maison d’éditions photographiques, la Frith and Co., dont l’activité perdurera jusqu’en 1871, faisant ainsi la preuve d’une alliance heureuse entre la photo et la gravure, celle-ci permettant à celle-là d’exister de manière inaltérable et pour un plus grand nombre. Par la suite, Frith s’installe pour mener une vie de famille partagée entre la publication de livres illustrés, son travail d’écriture, où il discute de la photographie de son temps, et ses recherches philosophiques et religieuses. A.Ma. F.64 groupe de photographes américains (États-Unis 1932 - 1935) Les photographes se sont implantés en Californie, dans les années 1860, avec la construction de la ligne de chemin de fer Atlantique-Pacifique. Leur présence est donc très forte dans les années 1920, lorsque quelques jeunes artistes veulent contrer les principes de la photographie pictorialiste*, en vogue depuis une vingtaine d’années (référence à la nature et à la peinture, flou, composition). En 1932 se crée à San Francisco le groupe f.64, autour de Preston Holder et Willard Van Dyke, avec E. Weston*, I. Cunningham*, A. Adams*, Sonya Noskowiak. Il s’agit pour eux de promouvoir un pôle culturel à l’ouest, de s’affranchir de la tutelle de A. Stieglitz*, de donner une spécificité à l’art californien. Une première exposition a lieu au De Young Memorial Museum, et une galerie est ouverte. La dénomination f.64 désigne l’ouverture minimale du diaphragme (disponible sur une chambre grand format), qui permet une grande profondeur de champ et une meilleure précision. Le groupe prône le retour aux seuls principes photographiques portés à leur maximum d’efficacité ; usage des grands formats (le 20 × 25 cm, particulièrement), interdiction de toute manipulation ou retouche sur le négatif ou sur l’épreuve, tirage du positif par contact. Il est également recommandé de ne pas composer des arrangements artificiels, la photographie devant être un constat de nature. Rigueur et beauté vont de pair, confortées par la conscience du travail bien fait ; on retrouve là les idées issues de la photographie germanique et diffusées en particulier par le Bauhaus* (Weston et Cunningham ont participé en 1929 à l’exposition Film und Foto* de Stuttgart). On peut même parler – comme en architecture – d’un style international, qui essaime également en France. On privilégie la vision rapprochée, l’objet et sa matière qui joue dans la lumière, le monumentalisme du sujet, les tirages au bromure d’argent, brillants ; entre nature et industrie se tissent des correspondances dues aussi au mode de cadrage uniforme. Arbre, cheminée d’usine, machine, plante, animal, portrait, objet isolé et empilements d’artefacts participent d’une même louange de la création. Le groupe est pratiquement dissout en 1935, après que A. Adams ait pris contact avec A. Stieglitz (il exposera dans sa galerie de New York en 1936). Le groupe f.64 avait permis à la photographie californienne d’exister comme un médium artistique autonome, de s’émanciper et de participer à une culture spécifique de l’Ouest américain, que Weston et I. Cunningham continueront d’incarner. M.F. downloadModeText.vue.download 224 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 224 FUKASE Masahisa photographe japonais (Bifuka, Hokkaido, 1934) Né dans une famille qui tient un studio de portrait depuis deux générations, Fukase se familiarise avec la photographie en aidant ses parents. Après avoir fait des études de photographie à la Nihon University de Tokyo, il travaille, à partir de 1956, pour des agences de publicité et une maison d’édition. Il devient photographe indépendant en 1968. Dès 1964, dans une H.L.M. de la banlieue de Tokyo, Fukase photographie sa vie quotidienne aux côtés de sa femme Yoko. Leur vie intime est transposée en drame photographique où Yoko, souvent nue, joue le rôle central. En dirigeant les scènes absurdes, Fukase s’identifie au spectateur-voyeur. Cette nudité-absurdité dans le cadre de l’H.L.M. semble fonctionner comme un cri contre l’uniformisation de la vie. Ils jouent tous deux ce drame, parfois drôle, parfois mélancolique, jusqu’à leur divorce en 1976. Ce travail fait l’objet de deux publications, Homo Ludens (Chuokoronsha, Tokyo) en 1971 et Yoko (Asahi Sonorama, Tokyo) en 1978. À partir de 1976, dans la campagne de Hokkaido, sa région natale au nord du Japon, comme dans la ville de Tokyo, Fukase photographie obsessionnellement les corbeaux. Pour lui, ces oiseaux deviennent des métaphores de sa solitude et de son malaise dans la vie. Ces images, tristes, inquiétantes, mais vigoureuses, sont publiées sous le titre Karasu/ Ravens en 1987 (Sokyusha, Tokyo). Parallèlement, il continue à photographier son père photographe avec sa famille et publie, en 1991, Kazoku/Family et Memories of Father (Inter Press Corporation, Tokyo). En Europe, l’oeuvre de Fukase est présentée en 1989 dans l’exposition Europalia 89, Japan-Belgium, au musée de la Photographie de Charleroi, et Photography Now, au Victoria and Albert Museum de Londres. T.O. FULTON Hamish artiste britannique (Londres 1946) Après deux ans d’études à la St Martin School of Art, où il suit les enseignements de John Latham (1966-1968), puis une année au Royal College of Art de Londres, où il étudie la photographie (1969), il entame ses premières pérégrinations dans des paysages du monde entier et devient, avec R. Long*, un des protagonistes du land art*. Contrairement à Long, il ne soustrait pas de matériau à la nature pour les transposer (exposer) dans l’espace de la galerie, mais utilise exclusivement le médium photographique pour rendre compte de son activité mentale et physique dans des paysages sur lesquels il n’intervient pas directement. Il se contente en effet de dresser des constats photographiques qui se présentent comme le journal d’une expé- rience artistique, même s’il considère que « l’oeuvre d’art n’est pas un compte rendu et ne peut pas transmettre l’expérience ». La mise sous verre de la photographie contribue directement à souligner cette distance opposant le vécu émotionnel de l’artiste au regard passif du spectateur. Le commentaire très descriptif que Fulton apporte en légende de ses clichés vient cependant combler cet écart. Dans une oeuvre intitulée Two Paces (1979), le spectateur lit ainsi, en contrebas d’une photographie dont les deux mètres de long rétablissent l’échelle concrète de deux pas : « Une marche qui commence à minuit avec un clair de lune et finit dans la lumière trouble d’un crépuscule d’hiver, Kent, janvier 1979. » Située, datée, rapportée à un contexte déterminé, la photodownloadModeText.vue.download 225 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 225 graphie vient proposer alors une possible expérience par procuration. P.L.R. FUNKE Jaromìr photographe tchèque (Skutec 1896 - Prague 1945) Après des études de médecine et de droit, Funke devient photographe indépendant à Prague en 1922. Il réalise jusqu’en 1927 des portraits, des paysages et des photos d’architecture urbaine dans lesquelles il utilise des perspectives proches de celles de A. Rodtchenko* (« de haut en bas »). Sous l’influence de Man Ray*, il commence à fixer des natures mortes abstraites, où les objets (verres, bouteilles), mis en scène par un éclairage dramatique, deviennent des formes géométriques solides découpées dans des zones d’ombre et de lumière. Mélange savant, interprétation originale du cubisme, du constructivisme et du surréalisme, la photographie de Funke soutient la modernité contre les techniques anciennes : il est cofondateur de la Société tchèque de photographie en 1924. Entre 1927 et 1929, Funke pratique le photogramme*. Durant les années 1930, il s’intéresse particulièrement aux conditions des pauvres (il est membre du groupe Sociofoto). Puis il exécute différentes séries photographiques : le Temps qui dure (1930-1934), Réflexes (1931), le Temps qui continue, proche du surréalisme (19311934), Mykolin (1939-1941), et, enfin, pendant la guerre, Cycle de la terre non rassasiée (1940-1944). Enseignant à l’école d’apprentissage de Bratislava (1931-1934), puis à l’École des arts appliqués de Prague (1935-1944), il publie de nombreux articles (Photographic Horizons, Fotograficki Obzor), ainsi que son livre Fotografie vidi povrch. Sa première exposition personnelle a lieu à Prague en 1931, et il figure à l’exposition les Photographes tchèques du Centre Georges-Pompidou, en 1983. E.E. FURNE Charles Paul photographe et éditeur français (Paris 1824 - Kermingam 1875) Fils du libraire parisien Charles Furne, à qui l’on doit la première édition des oeuvres complètes de Balzac, Furne s’associe en 1857 à son jeune cousin Henri Tournier, pour fonder une maison de photographie spécialisée dans les épreuves stéréoscopiques, sise dans les locaux de l’imprimeur Joseph Lemercier. En moins de quatre ans, les deux hommes éditent quelque deux mille couples stéréoscopiques, parmi lesquels on retiendra un magnifique voyage en Bretagne, un reportage sur les fêtes de Cherbourg de 1858 et un périple à travers les paysages du Paris-Lyon-Méditerranée. Ils publient également plusieurs séries de saynètes composées, où se déploient toute leur créativité et leur sens de la mise en scène. Citons leur célèbre Maison à Paris, l’Alphabet des costumes ou encore les Mésaventures de Jean-Paul Choppart, inspirées du roman de Louis Desnoyers. Soucieux de promouvoir leur production, Furne et Tournier se lancent, en octobre 1858, dans la publication d’un périodique. La Photographie, journal des publications légalement autorisées ne connaît que 8 numéros avant de disparaître au mois de mai 1859. À la mort de son père (juillet 1859), Furne abandonne la photographie pour reprendre, dès 1861, la librairie paternelle, laissant à son associé le soin de continuer l’exploitation de leur fonds. Celle-ci se poursuit jusqu’en décembre 1864, date à laquelle Henri Tournier, acquéreur du journal la Vie à la campagne, cède sa maison de photographie à son ancien employé Armand Varroquier, qui en exploite les cli- downloadModeText.vue.download 226 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 226 chés pendant près de deux ans, l’enrichit de quelques nouvelles séries, mais ne peut éviter la faillite, en août 1866. D.P. FÜRSTENHOFRUNDE groupe autrichien (années 1840) Dès le début de l’année 1839, les milieux scientifiques et industriels de Vienne, en Autriche, ont suivi de près l’annonce de la découverte de L.J.M. Daguerre*. Un groupe de passionnés se retrouve régulièrement au domicile de l’un d’entre eux, à la maison Fürstenhof, d’où leur nom. S’y distinguent les daguerréotypistes Charles Schuh et Charles Reiser, les professeurs de l’Institut de physique Andreas von Ettinghausen (1796-1878), Joseph Petzval (1807-1892) et Joseph Berres (1796-1844), l’opticien Frederick Voigtländer (18121878), A. Martin* (1812-1882), bibliothécaire à l’Institut polytechnique, les frères Jean et Joseph Natterer, Voigt, Waidele, Schultner, Pohl. Ce groupe contribue activement aux progrès de la photographie. D’une part, Kratochwilla révèle, en même temps que d’autres en Europe, le rôle accélérateur de l’association brome/chlore dans la préparation de la plaque daguerrienne, permettant à Martin de prendre des vues d’hiver, sans soleil, en quelques secondes seulement. D’autre part, sur les conseils d’Ettinghausen, Petzval calcule le premier objectif spécialement conçu pour la photographie, construit ensuite et commercialisé avec un succès durable par Voigtländer & fils, sous le nom d’« objectif allemand ». Sa grande luminosité, contrairement aux objectifs de Daguerre ou de Chevalier, permet enfin la prise de vue de portrait. Martin participe à la mise au point de cet objectif, en 1840 (portraits d’Ettinghausen, notamment). D’autres membres, enfin, se penchent sur les procédés d’impression à partir du daguerréotype*. C.K. FUSIL PHOTOGRAPHIQUE Ensemble de prise de vue photographique rappelant par sa forme le fusil de tir et destiné à la photographie de sujets éloignés, notamment des animaux dans la nature. Un fusil photographique comporte essentiellement un objectif de longue focale, un boîtier photographique, un dispositif télescopique entre le boîtier et l’objectif pour commander la mise au point rapide de ce dernier, une crosse supportant l’ensemble et permettant au photographe de lui donner appui contre son épaule. Le premier fusil photographique fut construit par É.J. Marey* en 1881. S.R. FUTURISME ITALIEN Ce mouvement, fondé en 1909 par le poète italien Filippo Marinetti (qui en fait paraître le manifeste en France, dans le Figaro), regroupe peintres et sculpteurs (Balla, Boccioni, Severini...). Inspirés par la philosophie de Bergson, séduits par le progrès – l’automobile entre autres –, ces artistes cherchent à représenter le mouvement, la « sensation dynamique elle-même » (Boccioni) et s’intéressent à la chronophotographie* créée par É.-J. Marey*. Ce n’est qu’en 1913 que des photographes les rejoignent : les frères Bragaglia*, qui, depuis deux ans, élaborent le « photodynamisme », décomposition du mouvement (un geste soudain) dans un champ continu, rendue par un flou de « bougé », une dématérialisation de la forme (alors que les peintres utilisent plutôt des lignes de force géométriques). A.G. Bragaglia publie un essai : PhotodynadownloadModeText.vue.download 227 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 227 misme futuriste (1913). Les rapports avec les autres artistes sont difficiles (Boccioni condamne ces recherches dans la revue futuriste Lacerba), mais, pour la première fois, peintres et photographes ont affronté ensemble un même problème plastique. Une seconde étape de la photographie futuriste (avec Tato*, G. Parisio*, V. Paladini*, I. Pannaggi*...) marque un net élargissement des recherches : anamorphose, photomontage*, surimpression, figuration posée, etc., suivant les tendances de « l’art mécanique » (proche du constructivisme allemand) ou du surréalisme*. En 1930, Marinetti et Tato publient un Manifeste de la photographie futuriste, proposant diverses formes de subversion jouant sur le mouvement, mais aussi sur l’espace, l’échelle, l’ambiguïté entre réalité et artifice. Une exposition au musée d’Art moderne de Paris (1981-1982) a réuni les photographies d’une trentaine de futuristes italiens et a fait l’objet d’une publication. Ch.B. downloadModeText.vue.download 228 sur 634 228 G GALÉRIES DE PHOTOGRAPHIE Les premières expositions de photographies, parfois présentées dans le cadre de manifestations officielles comme l’Exposition universelle de Paris en 1855, ont toujours relevé d’initiatives privées (sociétés savantes ou clubs d’amateurs). La fondation de la première galerie consacrée à la présentation de photographies correspond à l’émergence d’un nouveau courant esthétique, le pictorialisme*, qui place d’emblée la photographie dans le champ des disciplines artistiques. En novembre 1905, A. Stieglitz* ouvre, au 291 de la 5e Avenue, à New York, les little galleries de la PhotoSécession*. Bientôt surnommée « 291 », la galerie expose, jusqu’à sa fermeture en 1917, des oeuvres de photographes mais aussi d’artistes de l’avant-garde européenne encore inconnus aux États-Unis. Dans cette première entreprise, Stieglitz apparaît plus comme un intermédiaire entre le public et les artistes que comme un marchand : il ne prend aucune commission sur les ventes. Ce même courant pictorialiste favorise d’autres initiatives en Europe. La galerie Poulenc Frères ouvre à Paris en 1913 et prétend créer sur la place de Paris un marché de la photographie d’art. Si ces photographies d’auteurs sont présentées comme des objets de collection, on ne peut cependant pas encore parler de marché. Après la guerre, comme Stieglitz l’a an- noncé avec sa dernière exposition consacrée à P. Strand*, la photographie s’engage dans une autre voie, celle de la « photographie pure ». Après un voyage à Paris en 1927, où il découvre l’oeuvre de E. Atget* et les surréalistes, Julien Levy ouvre à New York, en 1931, sa propre galerie avec une rétrospective consacrée à la photographie américaine et, en 1932, révèle le travail de H. Cartier-Bresson*. Mais Levy a surtout vendu des peintures d’artistes surréalistes et collectionné les tirages réalisés pour ses expositions de photographie jusqu’en 1949. À Paris, en 1937, le photographe F. Tuefferd* ouvre un atelier de photographies qui downloadModeText.vue.download 229 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 229 lui permet de créer au même endroit, sans souci de rentabilité, un Centre de propagande pour la photographie. Entre 1937 et 1940, la galerie le Chasseur d’images présente de nombreux photographes de la « nouvelle photographie », mais les ventes restent ponctuelles. Dans les années qui suivent la guerre, ce genre d’entreprise ne se renouvelle pas. C’est l’époque de la grande presse* illustrée. On s’intéresse aux images et le tirage sert d’abord à imprimer. Entre 1954 et 1961, à New York, la Limelight Gallery-Cafe, fondée par Helen Gee, est le seul lieu consacré à la présentation de photographies. Ce n’est qu’avec l’apparition de nombreuses galeries aux États-Unis et en Europe, au début des années 1970, que ce marché va enfin s’organiser. L’initiateur de ce mouvement est Lee D. Witkins, qui, le premier, ouvre en 1969, à New York, une galerie spécialement consacrée à l’exposition et à la vente de tirages : la galerie Witkins. Les initiatives se multiplient : à Londres, la Photographer’s Gallery ouvre en 1971. Créée par Sue Davis, elle procède à la vente de tirages et de livres, tout en bénéficiant de subventions. À Paris, en 1975, Agathe Gaillard ouvre une galerie uniquement destinée à la vente de tirages de photographes contemporains qu’elle défend et représente. La galerie Stephen White a ouvert à Los Angeles la même année. Dans son guide du collectionneur, paru en 1979, Lee D. Witkins peut recenser plusieurs galeries par pays. En Allemagne, la PPS Galerie à Hambourg, la galerie Wilde à Cologne, la galerie Schürmann et Kicken à Aachen prouvent qu’un marché s’est développé dans l’ensemble du pays. À Paris, en plus de la galerie Zabriskie, de la galerie Michèle Chomette, de la Remise du Parc, d’autres comme celle de Gérard Lévy ou la galerie Octant proposent des photographies anciennes. Depuis 1975, François Brauschweig et Hugues Autexier proposent eux aussi des pièces anciennes au marché aux puces, avant d’ouvrir la galerie Texbraun à Paris, en 1981. Avec l’apparition de toutes ces galeries consacrées à la présentation d’oeuvres contemporaines ou à la vente de tirages anciens, un marché s’est progressivement mis en place. En l’espace de vingt ans, il s’est considérablement développé, reflétant de cette façon le changement de statut qu’a connu la photographie lors de cette période. La photographie est devenue sans conteste un objet de collection. A.M. GARANGER Marc photographe français (Ézy-sur-Eure 1935) De 1960 à 1962, Garanger fait son service militaire en Algérie comme photographe ; il réalise sur ordre une série de photographies d’identité : deux mille femmes algériennes photographiées droit dans les yeux, de face. Il écrit : « J’ai reçu leur regard à bout portant, premier témoin de leur protestation muette, violente. » En 1964, il fait un reportage sur les funérailles de Palmiro Togliatti : l’Unità en fait un livre. En 1966, photographe indépendant à Paris, il est lauréat du prix Niépce ; avec la bourse, il part en Tchécoslovaquie. Ensuite, Garanger voyage aux quatre coins du monde, photographiant l’homme au travail dans son environnement. Il gère lui-même sa photothèque de plus de un million d’images. En 1984, il sort un premier Video Laser Disc, Regard sur la Planète, et, dernièrement, un CD Photo, Rêves d’Est-Rêves d’Ouest (Futur Vision). Il publie aussi de nombreux livres : Femmes algériennes 1960 (Contrejour, 1982, réédité en poche en 1989), Regards vers l’Est (SP Métal, 1992), Carnets sibériens (Éditions du Griot, 1993). Les photos de Garanger downloadModeText.vue.download 230 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 230 ont été exposées, entre autres, au palais de Tokyo-C.N.P. en 1986, lors d’une exposition de groupe intitulée Identités, la même année à la galerie municipale du Château d’Eau et, en 1992, à la galerie Picto Bastille avec une exposition intitulée Louisiane. Actuellement, Garanger continue son parcours, passionné par les hommes et leurs traditions ; depuis deux ans, il travaille sur le chamanisme en Sibérie. Il est représenté en France, notamment dans les collections de la Bibliothèque nationale, à Paris et à Chalon-sur-Saône, au musée Nicéphore Niépce. S.B. GARANIN Anatoli photographe russe (Moscou 1912) Étudiant à Moscou de 1919 à 1929, il s’initie en solitaire à la musique et à l’art. Il consacre toute sa carrière au journalisme, fixant les événements politiques et officiels importants en Union soviétique et à l’étranger, travaillant pour de nombreux journaux et magazines avant la Seconde Guerre mondiale. Pendant la guerre, il est photoreporter pour Frontavaïa Illioustratsia et, à 29 ans, il se trouve en permanence sur le front, y prenant des centaines d’images dont certaines sont très connues aujourd’hui, comme Mort d’un soldat, qui montre l’héroïsme du soldat combattant au seuil de la mort. À partir de 1950, correspondant spécial pour le magazine Soviet Union, il est affecté comme photographe personnel de Nikita Khrouchtchev et voyage avec lui à travers le monde. La musique et le théâtre sont deux grandes passions qu’il illustre par des photographies plus personnelles. Il travaille pour tous les théâtres de Moscou et particulièrement les scènes d’avant-garde de Sovremennik et de Na Taganke, directeurs et acteurs l’assimilant totalement à la création des pièces. Cette jeunesse d’esprit le rapproche de la génération actuelle des photographes, qui lui accordent une admiration totale. Ses photographies de musiciens et d’acteurs nous confrontent à des artistes dont le sé- rieux et les tensions intérieures rappellent l’âme russe traditionnelle. Il vit actuellement à Moscou. V.E. GARCÍA Romualdo photographe mexicain (Silao 1852 - Guanajuato 1930) Précurseur du portrait photographique au Mexique, sous l’influence de son maître Don Vincente Fernand, García est d’abord musicien puis peintre et enfin photographe. Sa région d’origine est un des hauts lieux de la photographie naissante dans le pays. Dans son école, professeurs et élèves, passionnés par ce nouvel art, ont même construit leurs propres appareils, outils et matériaux. Au début de sa carrière professionnelle, il reproduit des images pieuses qu’il vend, puis ouvre en 1887 un atelier, principalement fréquenté par une clientèle populaire : mineurs, ouvriers, petits fonctionnaires ou prostituées défilent dans son studio, où ils posent devant un décor Art nouveau. On retrouve dans ses images la tradition des portraits peints : portraits de famille, grands-parents, couples et groupes d’amis. À Paris, en 1889, García reçoit la médaille de bronze à l’Exposition universelle et, en 1900, il est récompensé pour ses paysages. Malheureusement, la plupart de ses images disparaissent en 1905 lors d’une inondation à Guanajuato, et, en 1910, la Révolution lui ôte tout espoir de reprendre les affaires. Par la suite, grâce à ses enfants qui rouvrent son atelier, GardownloadModeText.vue.download 231 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 231 cía se retire pour reprendre la peinture. Il meurt en 1930, en laissant ses plaques de verre originales au musée de l’Alhondiga de Granaditas. V.E. GARCÍA JOYA Mario (dit Mayito) photographe cubain (Santa Maria del Rosario 1938) Après des études de théorie et de solfège au conservatoire de Guanabacoa, à La Havane, il poursuit une formation d’arts plastiques, à l’Académie San Alejandro, et de design graphique avec le peintre Raúl Martínez. À partir de 1963, il étudie l’histoire de la photographie avec le professeur Mario Rodriguez Alemán à l’Institut de cinéma (ICAIC) et est licencié en philologie à l’université de La Havane, spécialisée dans les études cubaines. Dès 1957, il collabore avec plusieurs agences de presse cubaines et au journal Revolución. Il participe au groupe de création de Canal 4 à la télévision cubaine et à la revue Cuba. Il fonde le Conseil latinoaméricain de la photographie, à Mexico, et y organise le premier colloque de photographie. Il s’occupe de trois ateliers à la cinémathèque de Mexico en 1981. La Cooper Union et la School of Visual Art à New York l’invitent pour une série de conférences en 1983. García Joya voyage très régulièrement aux États-Unis à l’invitation des plus grandes institutions : International Center of Photography de New York, Photographic Archives. En 1988, il est nommé professeur titulaire adjoint de l’Institut supérieur d’art à Cuba (UNEAC). Ses expositions personnelles font le tour du monde. Les principales sont montrées au Brésil (1984), à la 41e Biennale de Venise, au Pavillon cubain de Vancouver (Expo 1986), à Chicago et en Argentine pour ses trente ans de photographie (1988). Il reçoit de nombreuses distinctions officielles cubaines. Ses images les plus marquantes réalisées entre 1959 et 1960 sont celles des défilés dans les rues de La Havane des femmes miliciennes, des jeunes brandissant les drapeaux, véritable galerie de portraits des manifestants à la gloire de Fidel Castro, auquel il a été très attaché. V.E. GARCÍA RODERO Cristina photographe espagnole (Puertollano 1949) Vivant à Madrid, elle y enseigne la photographie à l’école des beaux-arts de l’université Complutense. Depuis 1972, elle réalise un travail en noir et blanc sur la survivance des rites et coutumes en Es- pagne, photographiant des pratiques et fêtes populaires, souvent religieuses (où, curieusement, se mêlent rites païens et rites chrétiens), des scènes de rue, mais aussi d’émouvants portraits (La Franqueira, 1977 ; El Gato ciego, Leganés, 1991). Oscillant entre complicité tendre, clin d’oeil amusé (Los Borregos, Villafranca Del Cid, 1981, montre, dans une lumière crépusculaire un troupeau de moutons se pressant devant l’entrée de la « Plaza de Toros ») ou encore troublante étrangeté (dans Jugando a la pasión, des enfants sont accrochés à de grandes croix), elle reçoit de nombreuses distinctions : prix Eugène Smith en 1989, Dr. Erich Solomon et Kodak Fotobuchpreis à Stuttgart en 1990, World Press 1993 (catégorie Arts)... Elle devient membre de l’agence Vu en 1989. Ses travaux ont été publiés sous le titre général d’España Oculta et présentés en 1989 au musée d’Art contemporain de Madrid et aux Rencontres d’Arles, en 1990 au Fotografie Forum de Francfort, downloadModeText.vue.download 232 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 232 en 1992 au Mois de la photographie, à Paris... Ch.B. GARDNER Alexander photographe américain (Paisley, Écosse, 1821 - 1882) Gardner est l’un des principaux photographes de la guerre de Sécession : bon nombre des photographies un temps attribuées à M. Brady* ont en fait été réalisées par lui. Entre 1835 et 1843, il est apprenti joaillier ; son intérêt pour l’optique, l’astronomie et la chimie l’amènera à la photographie après un passage dans le journalisme, pour le Glasgow Sentinel. En 1856, sur l’invitation de Brady, Gardner part à New York. Deux ans plus tard, il semble suffisamment compétent pour se voir attribuer la charge du studio de Brady à Washington. Technicien ingénieux (il excelle dans le maniement des plaques au collodion, tout comme il maîtrise la technique d’agrandissement des épreuves ; il est l’un des premiers à utiliser la lumière électrique pour ses portraits), Gardner est aussi homme d’affaires, et l’atelier prospère. Lorsque la guerre civile éclate, Gardner assiste un temps Brady, mais les deux hommes se fâchent quand ce dernier refuse que les photographes qu’il avait engagés signent de leur nom les épreuves qu’ils ont réalisées, parfois au péril de leur vie. Gardner, suivi de G.N. Barnard* et de Gibson, entre autres, décide donc de travailler en indépendant. En 1862, il est engagé comme photographe officiel par l’armée du Potomac. En 1863, il dirige son propre studio où il travaille principalement à produire des cartes de visite. En 1866, Gardner’s Photographic Book, publié en deux volumes, comprend plus de 100 photos originales réalisées par lui-même et par d’autres praticiens auxquels il accordera la reconnaissance que Brady leur avait refusée. En 1867, Gardner s’engage aux côtés de l’Union Pacific Railroad, Eastern Division, pour laquelle il photographie des scènes de vie familières et de très beaux paysages tout au long des déplacements effectués dans le Kansas et jusqu’en Californie. Le style de Gardner est de chercher à ne pas en avoir, laissant ainsi à la photo seule le pouvoir d’assurer la postérité des sites et des événements auxquels il s’est confronté. Gardner a aussi réalisé de nombreux portraits du président Lincoln. En 1865, alors que les fédéraux ont gagné la guerre, Lincoln est assassiné : Gardner documente la procession funéraire et l’exécution des conspirateurs. Le portrait qu’il fait de Lewis Payne en prison place la photo bien au-delà du simple témoignage historique et pose la question de l’acte photographique comme acte d’agression. A.Ma. GARDUÑO Yañez Flor de María photographe mexicaine (Mexico 1957) Née à Mexico où elle effectue des études de peinture et de photographie à l’Académie San Carlos, ainsi qu’à l’École nationale des arts plastiques de l’université de Mexico, Garduño s’intéresse à la photographie à partir de 1977. Tout en suivant des cours de graphisme, elle devient assistante de M. Alvarez Bravo*, maître de la photographie mexicaine. Avec lui, elle met au point les tirages de plusieurs portfolios. Sa première publication, en 1979, dans Creative Camera lui ouvre la porte de la revue du musée d’Art moderne de Mexico. Elle travaille pour le secrétariat à l’Éducation publique et expose ses oeuvres au Mexique et à l’étranger. En 1981 et 1982, elle part, avec Alvarez Bravo, dans downloadModeText.vue.download 233 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 233 les zones indigènes. En tant que designer et photographe, elle élabore des livres d’alphabétisation et participe à la réalisation d’importantes publications sur l’art mexicain, signées par des auteurs comme Ida Prampolini ou Cardoza y Aragón. À partir de 1982, elle collabore à la direction générale du théâtre de l’université de Mexico. Cuba l’invite en 1984 à la Biennale de graphisme à La Havane, et ses images sont présentées au Mois de la photo 1986, à Paris. Parallèlement, son travail personnel, en constante évolution, fait appel à une recherche intime sur sa position d’auteur dans le milieu de l’art contemporain. De son dernier voyage à travers le Mexique, elle rapporte des images des habitants, des paysages dont est absent tout folklore. Elle capte les situations qui nous renvoient à des souvenirs intemporels comme cette jeune fille qui sort de l’eau, à Oaxaca, en marge de la modernité. V.E. GARNELL Jean-Louis photographe français (Dolo 1954) Après avoir débuté dans la photographie en utilisant le noir et blanc, il recourt depuis 1984 à la couleur qu’il exploite d’abord dans une série de paysages, avant de traiter de façon détournée le genre de la nature morte. Sous le titre générique Désordres, ces travaux représentent des espaces domestiques encombrés de bibelots hétéroclites, le plus souvent très colorés (la Lune, 1987). Malgré leur apparence, ces compositions soigneusement saturées ne font pas l’objet d’une intervention de l’artiste, qui se contente de sélectionner un cadrage sur des sujets empruntés directement à l’environnement quotidien. Documents sur la vie moderne, ces clichés n’exploitent pas le penchant typologique et sociologique de la photographie documentaire : « Mon propos est surtout formel », explique Garnell. Approche formaliste qui trouve une issue plus sensible et plus psychologique dans une série de portraits bougés, en couleur, où l’artiste cultive à la fois le flou de l’image et le reflet lumineux des lampes de prise de vue sur la pupille attentive de ses modèles. Le temps (celui de la décomposition du paysage comme celui de la pause des portraits) se révèle ainsi être l’un des thèmes de prédilection d’une oeuvre qui se penche, à la suite de R. Barthes*, sur le caractère mélancolique de la photographie. P.L.R. GARRIDO Nelsón photographe vénézuélien (Caracas 1952) Garrido étudie dès 1966 en France et aux États-Unis, pays où il réalise ses premières expériences photographiques et audiovisuelles. Il oeuvre comme photographe dans des domaines très divers : théâtre, danse, cinéma, publicité. Son travail s’inscrit entre la photographie et les arts plastiques. Ses assemblages d’esprit baroque, dans lesquels le cadre et les objets qui l’accompagnent font partie intégrante de l’oeuvre, font référence à la culture latinoaméricaine. Garrido offre une perception ironique de son monde visuel, où la religiosité et le mélange des cultures s’entrelacent dans des espaces irrespectueux et magiques. Premier photographe à recevoir le prix national des Arts plastiques vénézuélien, il participe à de nombreuses expositions collectives à Caracas (Troisième Biennale des arts visuels, 1993 ; le Portrait dans la photographie vénézuélienne, galerie nationale d’Art). V.E. downloadModeText.vue.download 234 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 234 GASPARINI Paolo photographe vénézuélien d’origine italienne (Gorizia, Frioul, 1934) Gasparini, né en Italie, émigré en 1955 au Venezuela. D’abord photographe d’architecture, il réalise de nombreux reportages sur les villes et l’urbanisme. De 1961 à 1965, il s’installe à Cuba où il collabore au journal Revolución et au conseil national de la Culture, sous la direction de l’écrivain Alejo Carpentier. En 1966, il voyage en Europe avec P. Strand*. En 1970, l’Unesco lui offre un contrat pour réaliser un travail ambitieux sur les diverses architectures des pays latino-américains. Ce projet lui permet de témoigner, par son aspect documentaire, de la vie quotidienne des régions qu’il parcourt. Ses images d’une grande qualité esthétique et son regard critique sur la réalité lui ont valu de nombreuses distinctions dans plusieurs festivals internationaux. Il a publié plusieurs ouvrages, notamment Panorámica de la Arquitectura latino americana (1977) et Retromundo (1986). Durant sa longue trajectoire artistique, il participe à de nombreuses expositions à travers le monde, et en particulier en Europe (Paris, Centre Georges-Pompidou, 1982) et au Venezuela (le Portrait dans la photographie vénézuélienne, Caracas). Il reçoit en 1993 le prix national de la Photographie du Venezuela. V.E. GAUDIN (frères) éditeurs et photographes français Calculateur au Bureau des longitudes, mais chimiste de formation, Marc Antoine Augustin (Saintes 1804 - Paris 1880) s’intéresse tout naturellement à l’invention de la photographie. Il réalise son premier daguerréotype* le 20 août 1839, à l’aide d’un appareil de petit format de sa fabrication qu’il commercialise quelques années plus tard sous le nom de « Daguerréotype Gaudin ». Avec l’opticien Lerebours, il ouvre un studio de portraits ; il en réalise plus d’un millier. En octobre 1840, il obtient une vue instantanée de la foule qui se presse sur le Pont-Neuf, grâce à une substance accélératrice qu’il met au point sous le nom de « liqueur Gaudin ». De 1843 à 1850, il publie plusieurs ouvrages sur la photographie et aide de ses conseils son frère Alexis Pierre Ignace (Saintes 1818 - Paris 1894) qui ouvre, en 1842, un studio de portraits puis une fabrique de plaques pour daguerréo- type (marque de l’Étoile). Alexis rachète en 1851 le journal la Lumière, fondé quelques mois plus tôt par Bénito de Monfort et menacé de disparition. Avec l’aide de ses frères et du journaliste Ernest Lacan, il en fait un périodique de tout premier ordre et se lance parallèlement dans la promotion du stéréoscope et de la photographie en relief. Alexis et Charles Jacques Emmanuel (Saintes 1825 - Saint-Germain-en-Laye 1905) s’associent en 1855 et se spécialisent dans l’édition d’épreuves stéréoscopiques. Lorsque Marc Antoine remplace Ernest Lacan comme rédacteur en chef de la Lumière, en 1861, le journal prend une orientation plus scientifique. En 1864, Alexis cède sa maison et son journal à son frère Charles et se retire des affaires. Des difficultés financières obligent Charles à interrompre définitivement la publication du journal en mars 1867. Marc Antoine reçoit la même année le prix Trémont pour ses recherches et ses expériences dans le domaine de la chimie. Les affaires de Charles périclitent lentement. La guerre, le siège de Paris puis la Commune achèvent de ruiner la maison Gaudin, qui est déclarée en faillite en 1872. Marc Antoine publie, l’année suidownloadModeText.vue.download 235 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 235 vante, un ouvrage très remarqué sur l’Architecture des atomes. Il meurt en 1880 des suites d’un empoisonnement du sang par des produits chimiques. D.P. GÉLATINE Protéine ayant l’aspect d’une gelée, fondant vers 25 °C, que l’on obtient par action de l’eau chaude sur le collagène des tissus de soutien animaux. La gélatine constitue le liant essentiel de la plupart des couches photographiques. Suivant sa provenance, son mode d’extraction et le processus de purification, ses propriétés varient et sont mises à profit pour la fabrication des différents types d’émulsion* photographique. S.R. GÉLATINO-BROMURE ou GÉLATINO-CHLORURE Gélatino-bromure d’argent, gélatino-chlorure d’argent, noms donnés aux couches photosensibles constituées par une suspension de cristaux microscopiques de sels d’argent (bromure, chlorure) dans la gélatine, coulée sur un support, et que l’on appelle plus généralement « émulsions* photographiques ». S.R. GENTHE Arnold photographe américain (Berlin 1869 - New Milford, Connecticut, 1942) Philologue de formation, passionné de langues mortes, de peinture, de musique et de danse, Genthe arrive aux États-Unis en 1895 (naturalisé en 1918). C’est à San Francisco qu’il installe son premier studio, en 1897, photographiant les drogués et les assassins du quartier chinois. C’est à cette époque qu’il adhère au California Camera Club et devient photographe professionnel spécialisé dans le portrait. En 1911, il installe un studio de portraits à New York, où il demeure jusqu’à sa mort, en 1942, photographiant les personnalités de son époque : Theodore Roosevelt, Greta Garbo... Dans son livre As I remember, publié en 1936, il exprime sa volonté de créer un nouveau genre photographique en prenant les modèles par surprise. Genthe est également un novateur dans le domaine de la technique photographique s’intéressant à la photographie couleurs et réalisant des autochromes* dès 1908. Son oeuvre a fait l’objet de plusieurs expositions, en particulier Theatrical Portraits, Museum of the City of New York, en 1941, Arnold Genthe 1869-1942 au Staten Island Museum à New York, en 1975, et à la Thackrey and Robertson Gallery, à San Francisco en 1978. De nombreux musées collectionnent ses photographies, dont le Metropolitan Museum of Art et l’International Center of Photography à New York. S.B. GENTILI Moreno photographe italien (Côme 1950) Il obtient à deux reprises le premier prix (ex-aequo) de photojournalisme italien (en 1986, le prix Vincenzo Carrese ; en 1991, le prix Franco Pinna). Gentili est présenté dans la sélection L’Insistenza dello sguardo, à Palazzo Fortuny, en 1989. Photographe parmi les plus intéressants de la jeune génération, il se place dans la lignée de la tradition visuelle italienne, tout en montrant, dès ses débuts, un regard personnel : il passe d’un reportage du quotidien urbain, toujours légèrement ironique, à des images toujours plus proches d’un regard visiondownloadModeText.vue.download 236 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 236 naire. Son approche exprime aussi une poésie qui joue sur ses références photographiques et culturelles (R. Frank*, Kafka) en même temps que sur une quête affective. Dans les derniers travaux, il accentue autant les oscillations des axes des prises de vue que les masses sombres, soulignées dans le tirage par le jeu des halos clairs. Dans Rivedute Veneziane (1993), livre qui accompagne une exposition itinérante présentée d’abord à Milan, il a rapproché Venise, sa ville d’élection, de la culture de l’Europe centrale. S.T. GERNSHEIM Helmut photographe et historien de la photographie britannique d’origine allemande (Munich 1913 - 1995) Fils d’un historien de la littérature, il suit, en 1933-1934, des études d’histoire de l’art à l’université de Munich, puis, entre 1934 et 1937, des cours de photographie (procédé couleur) à l’école d’État de Munich. Il devient ensuite photographe indépendant, à Londres. Entre 1942 et 1945, à la demande de l’institut Warburg, il photographie les bâtiments et les monuments historiques de Londres. Sur la suggestion de B. Newhall*, Gernsheim commence, en 1945, une collection de photographies anciennes. À partir de 1947, il abandonne son activité professionnelle pour se consacrer entièrement à la recherche et à l’écriture. Il redécouvre ainsi l’oeuvre de nombreux photographes anglais (L. Carroll*, 1947) et, en 1952, la première photographie au monde, due au Français N. Niépce*, qu’il estime être de 1826-1827. Il réalise en 1951, au sein du Victoria and Albert Museum, une exposition à partir de sa collection, Masterpieces of Victorian Photography. La suivante, Un siècle de photographie (1956), est la première de ce type à être vue dans les musées de l’Europe de l’Est. Parallèlement, il publie de nombreux livres sur la photographie, et notamment, en collaboration avec sa femme Alison, son imposante Histoire de la photographie (1955, 1962, 1983). À la suite de H. Schwarz*, il consacre des études monographiques à des photographes du XIXe siècle (J. M. Cameron, 1948). Depuis 1964, la collection Gernsheim se trouve déposée à l’université du Texas, à Austin. De nationalité anglaise (1946), Gernsheim, qui a reçu de nombreuses récompenses, vit depuis 1965 en Suisse, à Lugano. J.-L.G. GERZ Jochen artiste allemand (Berlin 1940) Il étudie l’art à Düsseldorf en 1951, à Cologne en 1959, puis à Bâle en 1962. Il participe en 1967 à sa première exposition de groupe, organisée à Paris par la galerie Davy. Il vit à Paris depuis 1968. En 1975, le musée d’Art moderne de la Ville de Paris et le musée d’Art et d’Industrie de SaintÉtienne lui consacrent une exposition personnelle. Il a participé à de nombreuses manifestations en Europe, en Amérique du Sud, aux États-Unis, au Japon. Depuis 1969, Gerz associe ses textes à ses photographies. À la fin des années 1960, il est l’auteur de ses performances. Les premières photos y sont étroitement liées dans le processus même de leur création. En 1971, il prend 196 photos d’une même cheminée, forcé de cesser cette action alors que l’appareil ne fonctionne plus. L’image est à la fois un instrument et un produit qui lui permettent de développer un discours critique face à ses usages et à ses effets. L’Arbre et sa reproduction (1971) est une action au cours de laquelle il place sa photographie dans un arbre. Gerz réalise downloadModeText.vue.download 237 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 237 exclusivement des clichés noir et blanc. À partir des années 1980, le rapport entre l’image et le récit devient plus complexe et plus littéraire. Gerz construit des récits et, en cela, introduit dans ses textes des éléments de fiction. Il accorde une large place à l’esthétique de ses tirages et de ses accrochages, exploite le bougé, le flou, l’instantané, dans des images qui questionnent l’identité et la visibilité des sujets et des thèmes traités. S.C. GETTE Paul-Armand ar tiste français (Lyon 1927) Après une activité dans le domaine de la peinture (dès 1948), de la sculpture et de la poésie visuelle, Gette, installé à Paris en 1963, réalise des toiles photographiques, une recherche sur des cadrages d’espace (les Cristaux) avant d’orienter ses travaux, à partir de 1968, autour de l’observation du paysage. Proche de certaines démarches conceptuelles, il participe en 1977 à la Documenta 6 de Cassel. La photographie devient rapidement un médium de représentation du paysage aux côtés d’autres techniques visuelles (photocopie, vidéo, dessin), sonores et écrites. Les méthodes scientifiques qu’il emprunte aux sciences naturelles explorent de nouveaux territoires. La photographie est utilisée sous la forme neutre et sérielle de relevés documentaires du paysage, de minéraux ou de plantes. Un second aspect de son travail sur les jeunes filles, commencé en 1970, repose sur la mise en scène du modèle dans l’esprit de L. Carroll*. Au cours des années 1980, les espaces du bain, des toilettes (Intervention toilettes, M.N.A.M., Paris, 1986), la présentation d’objets ou de vêtements, le « toucher du modèle » révèlent la déconstruction photographique des codes de l’interdit alors que le fragment, le cadrage, les changements d’échelle, créateurs de « lisières » poétiques, rassemblent autour de la métaphore érotique les lieux du corps et de la nature. Le recours à la photographie en couleur et au Polaroid s’est accompagné de leur inclusion dans des installations parfois monumentales, composées de moniteurs vidéo et d’échantillons minéraux devenus sculptures. Le musée de La Roche-sur-Yon a présenté en 1992 une exposition consacrée à Gette, de même que, en 1993, à Calais, le musée des Beaux-Arts et de la Dentelle. F.D. GHIRRI Luigi photographe italien (Scandiano 1943 - Reggio Emilia 1992) Son travail de coloriste sur le paysage est particulier, comme fidèle à une vision enfantine, ludique, entre fascination et dérision. Attiré par les trompe-l’oeil et par les ambiguïtés poétiques, nées de rencontres inattendues dans l’espace, il traque aussi les images stéréotypées où l’Italie semble se parodier elle-même (il recrée même des simulacres de paysages-clichés, plus vrais que nature). Une distanciation ironique se manifeste dans Paesaggi di cartone (1974) ou dans « » (1975), 365 photographies du ciel prises chaque jour de l’année. En 1978, dans Kodachrome (texte et photographies) au titre emblématique, il expose sa quête du « déchiffrement des hiéroglyphes », qui passe par un travail sur l’analogie et/ ou le fragment, pour atteindre « l’identité réelle » des êtres et des choses sous leur apparence. Avec une vingtaine de photographes italiens, il conçoit l’exposition Viaggio in Italia (présentée en 1984 à Bari, à Gênes, à Rome et, par la suite, à l’étranger). En 1985, il photographie parc et châdownloadModeText.vue.download 238 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 238 teau de Versailles, en vastes perspectives géométriques, quasi irréelles, et, en 1989, l’atelier de Morandi à Bologne, restituant l’atmosphère de ses toiles. Exposées dans de nombreuses galeries (Il Diaframma, Milan, 1974 ; Light Gallery, New York, 1980 ; Contre-jour, Paris 1992...), ses photographies figurent dans les collections du M.O.M.A. de New York, du Museo della Fotografia de l’université de Parme, où il enseignait. Ch.B. GHISOLAND Norbert (dit Guisoland) photographe belge (La Bouverie, Borinage, 1878 - Frameries 1939) Fils d’un mineur protestant, il devait être menuisier, mais la mort de son frère aîné, à qui leur père venait d’acheter du matériel, l’amène à la photographie. Après trois ans d’apprentissage à Mons, il ouvre un studio à Frameries, en 1902 ; la population des environs, ouvriers, mineurs, paysans, commerçants, vient poser devant des toiles de fond romantiques : jardin à l’anglaise, hall à colonnades, intérieur d’église... Habillés bourgeoisement ou déguisés (en marins ou en soldats gradés, en religieux de haut rang ou en champions sportifs...), ils sont assortis parfois d’un accessoire (guéridon, bicyclette, instrument de musique, chien...). Enfants et adultes, seuls ou en groupe, souvent debout, raides, fixent l’objectif, d’un air grave et gauche. L’étrange coexistence entre l’allure théâtrale et un peu dérisoire de ces portraits et leur simplicité (renforcée par l’éclairage doux d’une grande verrière) se traduit dans les regards égarés des modèles... Ces photographies ont été présentées au C.N.P., palais de Tokyo, Paris, en 1991. Ch.B. GIACOMELLI Mario photographe italien (Senigallia 1925 - 2000) Né dans une famille modeste à Senigallia, Giacomelli n’a jamais quitté ce petit village des Marches. À treize ans, il entre dans une imprimerie. Fasciné par les caractères typographiques, il assemble des lettres usées et, avec du ciment, crée ses premiers tableaux. Après la guerre, il retravaille à l’imprimerie, dont il est devenu l’un des propriétaires. Il poursuit ses compositions abstraites et écrit ses premiers poèmes. À Noël 1953, il achète un appareil photo, qu’il transforme et adapte aux besoins de son expression poétique. Il photographie essentiellement pendant le week-end et se rend régulièrement à l’hospice de vieillards où sa mère a dû travailler après la mort de son père, en 1934. Il réalise là sa première série qu’il intitule Vie d’hospice. Dans ses premiers tirages déjà très durs, il retrouve les contrastes de la typographie. Il s’échappe un peu de Senigallia, pour Scanno, un petit village des Abruzzes (1957), visite un village des Pouilles et photographie des handicapés à Lourdes (1958). Parallèlement, il construit des paysages où les lignes noires tracent comme des cica- trices. Giacomelli poursuit ses séries en s’inspirant de poèmes. Il photographie des séminaristes de Senigallia jouant dans la neige (1961-1963). En 1963, cet amateur est reconnu comme un maître de la photographie italienne, ses images de Scanno sont achetées par le musée d’Art moderne de New York et exposées l’année suivante. La Buona Terra, un autre cycle d’images entrepris en 1964 en suivant une famille de paysans, parle de la terre et des saisons. Il retourne à l’hospice et donne à cet ensemble le titre d’un recueil de poèmes : La mort viendra qui aura tes yeux. Au début des années 1980, il entreprend une relecdownloadModeText.vue.download 239 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 239 ture de son oeuvre et assemble des images pour former de nouveaux récits. À partir de 1992, il travaille sur le thème du rêve, un récit commencé il y a déjà des années. Ses photographies sont présentes dans les collections de nombreux musées, notamment aux États-Unis, à Rochester (George Eastman House), et en Europe, à Londres (Victoria and Albert Museum) et à Paris (Bibliothèque nationale). A.M. GIBSON Ralph photographe américain (Los Angeles 1939) Gibson apprend la photographie dans la marine américaine de 1956 à 1960 et parfait cet enseignement au San Francisco Art Institute. De 1961 à 1962, il est l’assistant de D. Lange*, puis travaille avec R. Frank* à New York comme cameraman sur le tournage de son film Me and my Brother (1967-1969). Il fait partie de l’agence Magnum* durant une courte période. En 1969, il s’installe à New York, ouvre son studio et crée sa propre maison d’édition, Lustrum Press. Gibson, qui a réalisé des commandes dans la mode, l’édition et la publicité durant les années 1960, abandonne tout travail commercial à partir de 1970 et se consacre à son art. La vision de Gibson est unique, profonde, et les images qu’elle produit sont immédiatement identifiables. Il évolue entre surréalisme* et minimalisme, et c’est l’histoire de l’art, l’oeuvre de Malevitch en particulier, qui joue un rôle décisif sur son travail. Qu’il s’agisse de nu, de portrait, de paysage, d’architecture, de scènes intimes ou de mises en scène, Gibson s’attache aux détails en mettant en évidence le côté abstrait des choses, tout en préservant leur sens. Le cadre est structuré par le rapport des formes entre elles, la tension des lignes, le rendu des matières et l’opposition franche des noirs profonds et des blancs, le contraste. Dans le cas de Gibson, le livre est le support idéal de l’oeuvre. Moyen d’expression autonome, il établit entre les images des doubles pages une correspondance imaginaire. Sans commentaires, sans légendes, avec juste un titre, le livre permet à l’image d’un objet photographié de devenir une image photographique en soi, dans un travail en continuité. En 1990, le musée NicéphoreNiépce, à Chalon-sur-Saône, lui consacre une rétrospective. N.C. GIDAL Tim photographe américain (Munich 1909 - Jérusalem 1996) Gidal fait des études d’économie, d’histoire et de droit international à l’université de Munich, puis à celle de Berlin, de 1928 à 1931. Il reçoit son diplôme de docteur en philosophie à l’université de Bâle en 1935. En 1929, au cours de ses études, il commence la photographie avec un Leica et décide dès lors de sa carrière de photographe indépendant. Gidal a réalisé plus de 190 reportages. En 1936, il émigré en Israël et, de 1938 à 1940, est l’un des principaux reporters du journal Picture Post ; puis, de 1942 à 1945, il dirige l’équipe des reporters du magazine Parade, voyageant à travers l’Afrique, la Méditerranée et l’Asie. En 1947, il émigré aux États-Unis et travaille comme conseiller à l’éditorial de Life Magazine (1959-1964). Depuis 1971, il est chargé de conférences en communication visuelle à l’université hébraïque de Jérusalem. En 1972, il publie Modern Photojournalism : Origin and Evolution 1910-1933, l’un des livres clefs pour l’enseignement du photojournalisme*. En 1975 est organisée une grande exposition de ses travaux au Israel Museum, à Jérusalem. Il qualifie ses downloadModeText.vue.download 240 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 240 photographies de variations sur le thème de la tragi-comédie de la vie. Ses oeuvres sont conservées notamment à Londres (V.A.M.), à Rochester (George Eastman House) et à Munich (Photo Museum). M.C. GILBERT AND GEORGE (Gilbert Proersch et George Passmore, dits) ar tistes britanniques (Dolomites, Italie, 1943, et Devon, GrandeBretagne, 1942) Les deux artistes étudient à la St Martin’s School of Art de Londres jusqu’en 1968, date de leur première exposition personnelle dans un café londonien, réunissant des « objets sculptures » sur des tables recouvertes de nappes blanches. Mais c’est en 1969 qu’ils réalisent les pièces les plus significatives de leur oeuvre : les Living Sculpture, ou Sculptures vivantes, une série de performances dans lesquelles ils se produisent en public, sous les traits stéréotypés de gentlemen anglais, vêtus du même costume de ville et accompagnés d’une bande-son qui diffuse une chanson populaire (Underneath the Arches ; The Singing Sculpture, datées de 1969). Leurs photographies qui ne sont pas le constat, à proprement parler, de leurs performances en sont cependant indissociables. Elles traitent des mêmes situations. En 1971, les premières Photo-Pieces sont des photographies en noir et blanc. Que celles-ci soient encadrées ou non, assemblées selon des formats carrés ou rectangulaires ou encore éclatées sur l’ensemble du mur, leur présentation élabore un mode d’accrochage antitraditionnel de la photographie. Les Nature Photo-Pieces (1971) puisent leur inspiration dans la tradition bucolique du paysage anglais. Dès 1972, les scènes de café et d’ivresse allient l’humour à la provocation. En 1974 apparaît la couleur rouge (« Cherry Blossom » et « Bloody Life »). Les Pictures, qui sont des compositions murales très colorées, de plus en plus monumentales et complexes, vont dominer leur oeuvre. Elles sont proches des arts de propagande où se mêlent habilement les références à la tradition – notamment à l’art du vitrail et à celui de l’affiche – et à l’univers des médias. Les thèmes de la vie, de la mort, de la religion sont confrontés à ceux de la réalité contemporaine : la violence des villes, la question raciale, l’homosexualité et, notamment après 1990, la menace du virus du sida. Depuis 1969, Gilbert and George ont participé à la plupart des grandes expositions internationales d’art contemporain. Exposée en Europe, aux États-Unis, en Asie, en Australie, leur oeuvre est également représentée dans les collections des musées (Guggenheim Museum, New York ; Stedelijk Museum, Amsterdam ; M.N.A.M., Paris). S.C. GIMPEL Léon photographe français (Paris 1878 - id. 1948) Gimpel entre comme reporter photographe au journal l’Illustration en 1904. En contact avec les frères Lumière*, inventeurs de la plaque autochrome*, il est le premier à utiliser ce procédé pour le reportage photographique. Le Portrait des souverains de Danemark, publié dans l’Illustration du 29 juin 1907, première application de l’autochrome à l’actualité, constitue un événement. Convaincu de la supériorité documentaire d’un cliché en couleur sur son équivalent en noir et blanc, il n’aura de cesse d’exploiter, dans toutes ses possibilités, ce nouveau prodownloadModeText.vue.download 241 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 241 cédé qu’il appelle « la huitième merveille du monde ». Fasciné par la technique moderne, il va jusqu’à faire monter l’autochrome en ballon dès 1908 ! Il ne délaisse toutefois pas le noir et blanc, mieux adapté à la prise sur le vif des événements. Il entre en 1908 à la Société* française de photographie et s’y passionne pour les recherches visant à améliorer les capacités de l’autochrome dans le domaine de l’instantané* et de la reproduction. En 1911, il effectue ses premiers essais d’anaglyphes* sur autochrome, qu’il développera après la guerre. Pour son plaisir, il réalise éga- lement de très belles autochromes marquées par un souci artistique proche des productions pictorialistes contemporaines. Le développement des illuminations au néon, au cours des années 1920, lui fournit un nouveau sujet de prédilection. Sa collection est conservée à la Société française de photographie. N.B. GIOLI Paolo ar tiste italien (province de Rovigo 1942) Cherchant sa voie, il travaille la peinture, la sérigraphie, la lithographie, avant de se tourner vers le cinéma et la photographie. Cette dernière lui offre le champ d’expérimentation le plus riche, en lui permettant d’intégrer les acquis d’autres techniques : utilisant souvent le Polaroid couleur, il le transfère aussi bien sur papier à dessin que sur bois ou sur soie, retravaille en épaisseur sur l’image au blanc de zinc, fait de légers ajouts au dessin, etc. Passionné par les débuts de la photographie, il reprend les réflexions et la démarche des premiers photographes, réalisant parfois ses prises de vue au sténopé*, mêlant procédés et matériaux anciens et modernes, en référence aux « inventeurs » : N. Niépce* dans Hommage à Niépce (1982), où il réinterprète en de multiples variantes et détournements la première héliographie, de 1827, le Cardinal d’Amboise, ou la célèbre Table servie ; H. Bayard*, J.M. Cameron* (Cameron obscura), T. Eakins*, É.-J. Marey*. Puis s’intéressant au portrait et au nu, il présente des fragments de corps, que leurs couleurs délavées, leur aspect fané (grattages, taches et coulures, raccords...) semblent faire remonter de l’oubli : Corps et Thorax (M.N.A.M., Paris, 1983), Nature. Volti e Maschere. Dormienti (1987-1990), où des visages endormis, paupières closes, laissent flotter leur mystère. Ch.B. GITMAN Sergueï photographe russe (Moscou 1944) Ayant fait des études de linguistique et de traduction entre 1970 et 1988, il traduit plus de 100 livres et pièces de théâtre du russe en anglais et de l’anglais en russe. Il fait un séjour en Géorgie en 1982, dans le village de Tsasri, d’où il rapporte des images intimistes sur l’intérieur des maisons et sur les objets nostalgiques de la vie quotidienne. Il commence à exposer ses photographies en Union soviétique en 1983. Il est, depuis cette date, photographe à plein temps, reporter pour les journaux et mène des recherches personnelles. Il organise des expositions, des festivals et coordonne la publication de livres. En 1988, il fonde une association indépendante et une agence appelée « PhotoMost » (le Pont Photo) pour promouvoir la photographie soviétique et les échanges d’artistes. En 1989, il organise un festival de photo dans une galerie de Moscou, Na Kashirke, qui dure trois mois et présente 12 expodownloadModeText.vue.download 242 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 242 sitions. En 1991, il devient directeur des relations internationales de l’Union russe des photographes d’art et, en janvier 1993, fonde le premier Festival international de photo de Moscou. Ses images sont publiées dans plusieurs ouvrages dont Seen Differently, 1988, édité en Finlande, et dans The Changing Reality, aux États-Unis, en 1991. Grand amoureux de sa ville natale, il arpente Moscou pour nous faire remarquer avec ironie, dans une série de 1989, les signes de la consommation, Vitrines de la rue Arbat, Réflexions sur les façades de la rue Gorki, avec des premiers plans fugitifs et anonymes. V.E. GLAÇAGE Opération qui consiste à appliquer sur une surface polie (verre ou métal chromé) les épreuves photographiques tirées sur papier brillant et sortant du lavage. Abandonnées au séchage à froid ou à chaud, les épreuves se détachent et présentent alors une surface uniforme et glacée, qui rehausse la qualité des noirs de l’image. S.R. GLACEUSE Machine permettant le glaçage d’une épreuve photographique. La glaceuse comporte un élément chauffant et une ou deux plaques de cuivre chromé et poli. Les épreuves sont placées humides, la face contre le métal. Les plaques sont alors mises au contact de l’élément chauffant. Les épreuves, sèches et glacées, se décollent spontanément du métal après quelques minutes. Les machines industrielles sont des rotatives tournant lentement en continu. S.R. GLEIZDS Janis photographe letton (près de Rezekne, Lettonie, 1924) Gleizds a toujours voulu être photographe. Il débute en amateur en 1951 et, afin de se perfectionner, suit des cours dans un atelier où il fait aussi de la retouche. En 1953, il est photographe à l’Institut de traumatologie de Riga. Sa première exposition, en 1957, le conduit à s’inscrire au photo-club amateur de cette même ville. À partir de 1969, il expose son travail, qui est également publié et présenté dans un documentaire réalisé sur lui par le studio cinématographique de Riga. Il participe à plus de 200 expositions en Union soviétique et en Europe, tout spécialement en France où il est invité à de nombreuses reprises à Mâcon et à Dijon. Il a une préférence pour les natures mortes et les nus féminins, qui figurent parmi ses plus belles réalisations. Vivant et travaillant à Riga, il parcourt le monde pour présenter ses oeuvres, qui font partie de nombreuses collections publiques et privées. V.E. GLOAGUEN Hervé photographe français (Rennes 1937) Après une année d’études aux Beaux-Arts de Rennes, Gloaguen décide de devenir photographe et suit les cours de l’E.T.P. à Paris en 1958, tout en photographiant ses amis, musiciens de jazz et acteurs. 1964 est l’année de sa rencontre avec Gilles Ehrmann, dont il est l’assistant pendant un an et qui l’initie au grand reportage. De 1965 à 1971, il travaille en indépendant pour Réalités, avant de prendre part à la fondation de l’agence Viva, en 1972. Dans le domaine du reportage, Gloaguen a un champ d’investigation très vaste, comme downloadModeText.vue.download 243 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 243 en témoigne son reportage sur l’art moderne et les artistes français, qui donne lieu à la publication d’un livre en 1973, l’Art actuel en France. Ses différents reportages à travers le monde, notamment celui sur la fin de la guerre au Viêt Nam en 1975, font aussi l’objet de nombreuses publications. Depuis 1982, Gloaguen collabore avec l’agence Rapho, qui le représente, et pour le compte de laquelle il effectue de nombreux voyages en France, en Guyane, au Brésil, en Uruguay et en Afrique. Voyages qui donnent lieu à de grands reportages en couleur dans le magazine Géo et à la publication de livres comme Loire angevine, 1979 ; Lyon, 1989. Ses photographies ont fait l’objet de plusieurs expositions, notamment au musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1973, à la Fondation nationale de la photographie à Lyon en 1982, au Festival de Perpignan Visa pour l’image, en 1992, et à la galerie Keller à Paris en 1993. S.B. GLOEDEN baron Wilhelm von photographe allemande (Mecklenbourg 1856 - Taormina 1921) Né au château de Volkashagen en 1856, Gloeden entreprend d’abord des études d’art. En 1878, il est à Weimar dans l’atelier de Karl Gehrts. C’est au cours de l’un de ses nombreux voyages en Italie qu’il s’intéresse à la photographie. Il sera formé par Giovani Crupi en Sicile. Ses voyages, outre sa curiosité artistique, étaient motivés par sa santé fragile, qui lui faisait rechercher le climat méditerranéen. Après un séjour d’un an dans un sanatorium, il décide de s’installer à Taormina, en Sicile. À partir de 1882, il commence à photographier les jeunes éphèbes de Sicile, qui deviennent presque exclusivement les sujets des ses photographies. Parallèlement à son activité, il reçoit de nombreuses personnalités comme Anatole France ou Oscar Wilde et expose dans la plupart des salons photographiques d’Europe. Malgré quelques retours en Allemagne pour donner des conférences sur la photographie, il reste fidèle à la Sicile et à Taormina dont il disait : « ... Ce que j’ai aimé par-dessus tout, c’est le peuple de Taormina. J’aime sa pauvreté volontaire, ses manières seigneuriales, son goût du spectacle, son ironie, ses enthousiasmes, sa gaieté nourrie de chansons... » Il s’éteint le 16 février 1931, et, en 1939, les partisans de Mussolini détruisent la plupart de ses négatifs ; son dernier modèle disparaît en 1977 à l’âge de 87 ans. S.M. GNISYUK Mikola Nikolaï photographe russe (Perekorenzy 1944) Né en Ukraine, Gnisyuk commence des études musicales à Riga de 1958 à 1964. C’est grâce au premier appareil offert par sa mère qu’il veut devenir cameraman et se met à étudier la photographie à Riga, ce qui lui permet de commencer à travailler dans un studio de cinéma dès 1964. Au photo-club de Riga, qu’il fréquente très jeune, il reçoit les conseils du photographe G. Binde*, alors engagé dans des expériences postsurréalistes, pour la réalisation du film les Mains. À partir de 1968, il fait des reportages pour le compte du magazine de cinéma Sovietsky Ekran, à Moscou, pour lequel il réalise les images de nombreuses couvertures. Entre 1974 et 1976, pour se perfectionner, il étudie la photographie à Moscou à l’Institut du journalisme et publie son premier livre Traversée des parallèles. Il collabore aux revues Soviet Photo, Soviet Film, Soviet Woman, et réalise une série de reportages en Roumanie, Pologne et Bulgarie. Il obtient de nombreuses distinctions pour ses downloadModeText.vue.download 244 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 244 portraits du monde cinématographique : stars, réalisateurs, ainsi que pour ses photographies de plateau sur les tournages. Toujours influencé par ses origines ukrainiennes, Gnisyuk garde un esprit joyeux et ironique pour dépeindre le monde exclusif des artistes comme celui des personnages de la littérature russe classique. Il obtient, en 1979, le prix de la meilleure photographie, décerné par le magazine Novinny Kinoekrana de Kiev. Il devient, l’année suivante, membre de l’Union des cinéastes de l’Union soviétique. Il vit et travaille à Moscou, où il réalise des livres, des albums et répond également à des commandes publiques et privées. V.E. GOLDIN Nan photographe américaine (Washington 1953) Elle passe son enfance à Boston et, très marquée par le suicide de sa soeur, commence la photographie à 18 ans, en réalisant un reportage sur les membres de sa famille. Goldin publie en 1986 un album de photographies à New York, Ballade de la dépendance sexuelle, qui est une chronique dont les principaux personnages sont ses amis, ses parents, sa famille. Réalisé en 1992 sous la forme d’un diaporama d’une durée de 45 minutes, cet ensemble de photographies, réunies depuis 1982, induit un rapport au temps et à la réalité, nous plaçant comme spectateurs d’un univers frappé par l’entropie : Goldin y traite de la mort de son amie Cookie, de la disparition de ses familiers, de la vieillesse de ses parents. Dans le sillage de la Beat Generation et de l’expérience de la Factory d’A. Warhol*, l’artiste renoue avec les signes d’une culture américaine libérée de ses tabous mais également soucieuse d’éthique. Représentée lors des rencontres de la photographie à Arles, en 1987, l’oeuvre de Goldin est révélée en France par l’exposition Désordres, organisée par la galerie du Jeu de Paume, en 1992. S.C. GOMEZ Fina photographe vénézuélienne (Maracay 1920 - Las Bordas, Espagne, 1998) Gomez s’initie très jeune à la photographie. Alors qu’elle est une voyageuse infatigable, son oeuvre, paradoxalement, s’attache plutôt à la recréation obsession- nelle et poétique d’éléments immuables de la nature : la mer, les racines qui se cachent dans le sable, les formes des rochers, les visages et les corps humains qu’elle intègre dans ces paysages originels. Son travail la rapproche de toute la génération de photographes vénézuéliens des années 1940, comme A. Boulton*, Riccardo Razzeti et Carlos Herrera, qui ont lutté pour donner un vrai sens artistique à leur photographie. La poésie subtile et l’esthétique soignée des photographies de Gomez ont inspiré des intellectuels, tels Alejo Carpentier qui écrit les textes de son livre Raices ou Pierre Seghers qui, séduit par son travail, compose de nombreux poèmes sur ses images. Son oeuvre couvre principalement deux grands thèmes, intitulés Raices et Las Piedras. Gomez expose à l’Ateneo de Caracas, dans les années 1940, et à la maison de l’Amérique latine à Paris, au début des années 1950. Ses archives ne comptent pas moins de 10 000 négatifs sélectionnés, qui mettent en lumière une création photographique féconde et soutenue. En 1992, elle reçoit le prix national de Photographie du Venezuela. Elle vit actuellement à Paris. V.E. downloadModeText.vue.download 245 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 245 GOMEZ-PULIDO Ignacio photographe colombien (Bogotá 1939) Après des études d’architecture à l’université de Bogotá, Gomez-Pulido commence à s’intéresser sérieusement à la photographie lors d’un voyage à Panamá. De 1963 à 1964, il travaille aux Services d’urbanisme de Bogotá comme architecte et enseigne cette discipline à l’université nationale. Il entreprend, dès 1966, plusieurs voyages en Europe, au cours desquels il photographie la vie urbaine en France, en Espagne, en Finlande, en Suède et en Italie. En 1969, collaborateur de revues colombiennes d’architecture, il abandonne les photos urbaines. À partir de 1971, installé à Paris, il continue son activité d’architecte tout en voyageant périodiquement en Amérique du Sud. De nombreuses commandes de villes comme Paris, Ris-Orangis l’amènent à réaliser des reportages sur la vie quotidienne. En 1979, il commence sa série de vues d’intérieurs avec la lumière, qu’il exposera à Paris, New York, Caracas, Bruxelles. En 1981 et 1982, il photographie le marathon de New York et celui de Paris. À partir de 1984, il s’intéresse aux quartiers de Paris en transformation. Il prépare des livres : García Márquez, avec un texte de Hubert Haddad, illustré de ses images et qui sort en 1993, et un ouvrage qui traite de ses recherches sur la simultanéité et le mouvement. En 1994, il participe à la manifestation Lieux de l’écrit, à Vitré. V.E. GOMME BICHROMATÉE (procédé à la) Méthode de tirage* photographique qui utilise un papier enduit de gomme arabique contenant un peu de bichromate de potassium et une charge convenable de couleur d’aquarelle. Ce procédé s’apparente à ceux connus sous le nom de procédés au charbon, ou ozobromie*. S.R. GONZALES PALMA Luís photographe guatémaltèque (Guatemala 1957) Après des études d’architecture à l’université de San Carlos de Guatemala, Gonzales Palma se lance dans la photographie. Sa première exposition, en 1986, au Museo Ixchel de Guatemala, ainsi que plusieurs Salons auxquels il participe en 1987 font remarquer la qualité exceptionnelle de son travail. Sa vision en profondeur complète ses sensations sur son propre pays. Il trouve l’inspiration dans le concept métaphysique vie-mort qu’il transcrit dans des images au contenu religieux et social très prononcé. Ses compositions et séquences représentent des personnages munis de symboles (crâne, couronne, fleurs, plumes ou masques) comme dans La Lotería de 1991 ou la Fidelidad del dolor, exposée à la galerie d’Art contemporain de Mexico. Les titres très évocateurs des séries le Mythe de l’image, Autoconfession, Le rêve a les yeux ouverts, présentées à Buenos Aires, produisent en nous une sensation d’irrévérence et de rébellion. Les images de Gonzales Palma, réalisées avec des techniques mixtes très élaborées, sont un peu les icônes de la réalité latinoaméricaine, l’histoire des opprimés. Tout récemment, deux grandes expositions à New York et à Paris ont permis à un public international de découvrir « le silence du regard » de ce talentueux représentant du Guatemala. V.E. downloadModeText.vue.download 246 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 246 GORNY Hein ar tiste allemand (Witten 1904 - Hanovre 1967) En 1922, Gorny apprend l’art moderne à Hanovre et complète, de 1924 à 1925, sa formation par des voyages en Italie, en Grèce et en Égypte. En 1927, il rencontre A. Renger-Patzsch* et adhère à ses idées sur la photographie. En 1929, il ouvre un atelier à Hanovre et réalise des portraits, des photographies d’animaux et des images sérielles faites dans des usines (voitures, cols de chemises...). Ses photographies paraissent dans de nombreuses publications dont Arts et Métiers graphiques, à Paris (1932-1939). Après l’ouverture d’un atelier de photographie publicitaire à Saint-Moritz en Suisse, il revient à Berlin et reprend le studio de L. Jacobi*. Il publie des ouvrages de photographies sur les chevaux (1937 et 1941) ou les chiens (1941) et, la même année, Kamera auf Skiern (« Caméra sur skis »). De 1939 à 1945, il est photographe publicitaire aux États-Unis. De retour à Berlin, il photographie la ville et sa destruction, tout en continuant à faire des photographies publicitaires pour des firmes telles que A.J. Byers. Malade, il entre en clinique en 1954 mais poursuit ses activités jusqu’à sa mort. F.H. GOWIN Emmet photographe américain (Danville, Virginie, 1941) Il n’a pas 16 ans quand il fait ses premières photographies. Après des études de pein- ture, il suit les cours de H. Callahan*. Disciple de F. Sommer* et de R.E. Meatyard*, il photographie principalement sa famille : sa femme Edith (vue surtout comme mère) et ses soeurs, ses deux fils Elijah et Isaac, ses neveux et nièces, le plus souvent en extérieur. Mais, au-delà des situations du quotidien, assez banales, transparaît dans ses images une étrangeté presque mystique, parfois portée par l’expression ou la position des personnages (visage aux yeux fermés, mystérieux et épanoui, et bras en torsion de Nancy, Danville, 1969), l’angle de vue (Family, Danville, 1969), l’éclairage... Au début des années 1970, ses images s’organisent dans un cercle (entouré de noir), que l’on peut voir comme symbolique étant donné l’intérêt de Gowin pour le thème de la maternité ; de la femme il passe d’ailleurs à « une mère plus importante que celle des hommes » : la Terre, qu’il voit menacée. De très nombreux voyages le mènent à une démarche écologique, et, outre des paysages, il photographie des lieux dévastés par l’industrie (sites nucléaires abandonnés, lacs pollués...), présentés en des tirages délicatement virés. Il a obtenu plusieurs bourses (Guggenheim, Virginia Museum of Fine Arts...), exposé au M.O.M.A., New York et à la George Eastman House, Rochester en 1971, à la Light Gallery, New York à plusieurs reprises, à l’Espace photographique de Paris en 1992, et publié deux recueils de ses photographies (1976, 1990). Il enseigne à l’université de Princeton. Il est représenté aux États-Unis dans plusieurs collections, à New York (M.O.M.A.), à Providence (Rhode Island School of Design) et à Cambridge (Fogg Art Museum). Ch.B. GRÄFF Werner photographe allemand (Wuppertal 1901 - États-Unis 1978) En 1921, Gräff suit les cours du Bauhaus* à Weimar. Impressionné par les conférences de Theo Van Doesburg, il rejoint le groupe De Stijl l’année suivante. Tout en continuant ses études à l’université technique downloadModeText.vue.download 247 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 247 de Berlin-Charlottenburg, il s’associe au Novembergruppe et participe au Congrès international des artistes progressistes de Düsseldorf puis au Congrès international des constructivistes-dadaïstes de Weimar, en 1922. Au coeur de l’avant-garde, il collabore au groupe et à la revue « G » en 1923, figure à l’exposition du Stijl à Paris en 1925 et publie son premier livre, en 1927, sur W. Baumeister*. Cette année-là, il est aussi le directeur de la presse et de la publicité de l’exposition du Werkbund, Die Wohnung, et participe à la programmation de la fameuse exposition Film und Foto (Stuttgart, 1929). Il pratique lui-même la photographie, tout en se faisant le propagandiste de la Neue Sachlichkeit* avec son livre Es kommt der neue Fotograf ! (1929). Il adhère aux principes de la nouvelle photographie, avec des vues en plongée et en contreplongée, des gros plans et des contrastes d’ombre et de lumière. Passionné par le cinéma, il collabore aux films abstraits de Hans Richter. Il quitte l’Allemagne en 1934 pour n’y retourner qu’en 1951. Il devient alors professeur à la Folkwang-Werkkunstschule de Essen et se consacre à la peinture jusqu’à sa disparition. E.E. GRAHAM Dan ar tiste américain (Urbana, Illinois, 1942) Artiste multimédia, affirmant depuis le milieu des années 1960 « être attiré par des travaux d’essence hybride », Graham recourt d’abord à des clichés photographiques qu’il publie dans des revues d’art et divers magazines. Il s’agit pour lui, alors qu’il sort d’une expérience éphémère de galerie (galerie John Daniels, New York), de court-circuiter le réseau marchand en insérant directement ses oeuvres dans le champ public des revues de grande diffusion. De 1965 à 1977, il livre ainsi sur le mode du photoreportage plusieurs analyses critiques sur l’architecture, les logiques commerciales et la technique publicitaire. Il publie notamment une série de photographies sur des logements résidentiels américains qui, à l’image de Homes for America publié dans la revue Arts Magazine (décembre 1966), propose une critique des retombées du modernisme architectural en reproduisant des prises de vue perspectives de petits pavillons tous identiques, alignés soigneusement selon la logique économe de la répétition. Le texte qui accompagne l’image examine sous un angle sociologique le développement des stratégies pavillonnaires après la Seconde Guerre mondiale. Ce formalisme documentaire est aussi une critique détournée du minimal art, qui tente selon Graham de sublimer dans une abstraction idéaliste les formes sérielles largement présentes dans le champ social et l’environnement des banlieues. Dans Figurative (1968), il s’approprie une page publicitaire du fameux magazine américain Harper’s Bazaar* pour détourner la démarche des artistes pop, qui triomphent à cette période en empruntant à l’univers visuel de la publicité des images qu’ils font basculer dans le champ de l’icône artistique. Ici, l’oeuvre est directement pensée et conçue pour le magazine et non pas à partir de lui. Faisant à nouveau alterner le texte et l’image, Graham associe sur une même page une série de chiffres, un buste de femme et une publicité d’hygiène féminine. Il s’inscrit alors dans le courant de l’analyse sémiotique de la photographie et joue sur le sens des mots (« chiffres » se dit figures en anglais) pour rendre plus perceptible l’utilisation commerciale de l’image du corps de la femme. Depuis le milieu des années 1970, il abandonne peu à peu le médium phodownloadModeText.vue.download 248 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 248 tographique au profit d’installations et de dispositifs spéculaires utilisant la vidéo, le verre et le miroir dans le but de confronter le spectateur à sa propre image publique. Présentée aux Documentas de Cassel de 1972 et 1982, son oeuvre est représentée dans les collections de nombreux musées à travers le monde, notamment à Londres (Tate Gallery), à Chicago (Art Institute), à Eindhoven (Van Abbemuseum) et à Paris (M.N.A.M.). P.L.R. GRAIN Amas microscopique d’argent réduit au sein d’une image photographique. Émulsion à grain fin, surface sensible donnant des images aux amas d’argent particulièrement petits. Ces émulsions se caractérisent généralement par une faible sensibilité. Grain T, grain d’halogénure d’argent très mince, mais de grande surface (ressemblant à une dalle microscopique), ce qui élargit la cible offerte aux photons qui viennent impressionner l’émulsion. En 1983 a été commercialisé un film couleur négatif Kodacolor VR1000, de 1 000/31 ISO, qui, malgré sa haute sensibilité, possède un grain fin. Ce résultat a été obtenu grâce au grain T. Photo ayant du grain, photo dont la granulation est perceptible à l’oeil nu. Tirer avec du grain, réaliser un phototype, généralement par agrandissement, avec un traitement favorisant la formation d’une granulation grossière. S.R. GRAND-ANGLE ou GRAND-ANGULAIRE voir OBJECTIF GREENE John B. photographe américain (1832 - 1856) Le destin de Greene est à l’image des premiers temps de la photographie, et notamment de la technique du calotype* : une floraison étonnante bientôt vouée à l’oubli. Fils d’un banquier américain, vivant à Paris, archéologue précoce (il fut autorisé à effectuer des fouilles à Thèbes et publia une étude de hiéroglyphes de ce site), mort à l’âge de 24 ans en 1856, il laisse une oeuvre photographique d’une centaine d’images. Adepte du papier ciré, il photographie en Égypte lors de séjours en 1853 et 1854, ainsi qu’en Algérie en 1855-1856. Ses photographies d’Égypte sont éditées par L.D. Blanquart-Évrard* en 1854, sous le titre le Nil ; Monuments, Paysages, Explorations photographiques, et sont montrées à l’Exposition universelle de Paris en 1855. Mais Greene fait preuve d’un sens très personnel et marginal de la photographie ; il n’entre jamais dans la convention du tourisme qui est celle de M. Du Camp*, par exemple, et privilégie le point de vue de l’archéologue, montrant un détail, une disposition architecturale, l’intégration de la statuaire. Ses vues sont divisées en trois catégories : monuments, inscriptions et paysages. Les paysages sont particulièrement dépouillés, et les monuments exacerbent l’opposition brutale de l’ombre et de la lumière, ainsi que l’apparition des formes et des signes dans la pénombre. M.F. GRIGNANI Franco photographe italien (Pavie 1908) Sa formation d’architecte et sa profession de designer le poussent à envisager d’autres formes d’expression : il va donc downloadModeText.vue.download 249 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 249 travailler dans la photo et le graphisme, deux domaines dans lesquels il obtiendra une reconnaissance internationale (membre de l’A.G.I. [Alliance graphique internationale] et de la Society of Typographic Arts of Chigago). Bien que sa production initiale le rapproche du travail de L. Veronesi* et des recherches sur les rayographies de Man Ray*, il manifeste très vite une indépendance et une force du regard qui le signalent comme le plus intéressant photographe italien de sa génération travaillant sur les problèmes de la perception. Après la guerre, il se consacre aux recherches sur les phénomènes optiques : les distorsions, le flou comme élément de « subperception » ou la vision latérale, qui l’intéresse énormément. Sa production, très différente au fur et à mesure qu’il évolue dans ses recherches, veut fixer toutes les possibilités du regard et des supports qui sont en mesure de les interpréter. Ce qui ne l’empêche pas de fixer la réalité, surtout architecturale, de manière très personnelle, où se mêlent une légèreté et une ironie qui mettent en scène « la gymnastique de la perception visuelle qui propose dans la création un monde meilleur ». Son oeuvre a été souvent présentée dans des expositions collectives ou personnelles, mais on retiendra toutefois la dernière, car elle semble être la plus représentative : Bauhaus e razionalismo nelle fotografie di L. Feininger, F. Grignani, X. Schawinsky, L. Veronesi (suivie d’un catalogue). S.T. GRINBERG Alexandre photographe russe (Moscou 1885 - 1979) Fils d’un officier subalterne du gouvernement, il étudie les mathématiques et la physique à l’université de Moscou. Il suit également des cours à l’Institut artistique et industriel Stroganov. En 1907, il entre à la Société russe de photographie, puis devient membre du Comité à partir de 1912. Il aime travailler le portrait, la nature morte et le paysage. Il participe en 1908 à l’exposition Photographies de toute la Russie, y recevant la médaille d’argent, et, en 1909, à l’Exposition de Dresde, où la médaille d’or lui revient. Durant les années 1920, il est récompensé à de nombreux Salons internationaux de photographie ; il participe également avec un grand succès aux différentes expositions l’Art du mouvement. Il est arrêté en 1933 et passe plus de vingt années au goulag. V.E. GRINDAT Henriette photographe suisse (Lausanne 1923 - id. 1986) De 1944 à 1948, Grindat apprend les techniques photographiques à Lausanne et à Vevey. Elle travaille ensuite comme photographe indépendante selon une approche directe et subjective du reportage. Elle réalise également des photographies sous l’influence des surréalistes, mais conserve surtout de leur fréquentation le goût du travail partagé avec des écrivains ; elle trouve ainsi sa voie dans l’édition photographique. En 1950, elle publie Postérité du soleil, préfacé par René Char et accompagné d’un texte d’Albert Camus, puis, en 1963, À la rêveuse matière, avec Francis Ponge. Son travail avec les Éditions Claire Fontaine et la Guilde du livre de Lausanne – qui publie, entre autres, son livre consacré au Nil en 1960 – est un des axes fondamentaux de la carrière de Grindat. C’est à Paris qu’elle expose pour la première fois en 1949, à la Hune. De très nombreuses galeries et institutions l’accueillent ensuite, en Europe et aux États-Unis, dont l’Art Institute de Chicago, en 1969, le MassachudownloadModeText.vue.download 250 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 250 setts Institute of Technology de Boston, en 1971, et le Manoir de la Ville de Martigny, en 1987. Ses photographies figurent dans diverses collections publiques et privées, principalement en Europe : Fondation pour la Photographie, Kunsthaus de Zurich ; Bibliothèque nationale, à Paris ; musée Nicéphore-Niépce, à Chalon-surSaône ; musée de l’Élysée, à Lausanne. S.B. GROOVER Jan photographe américaine (Plainfield, New Jersey, 1943) Après avoir étudié la peinture au Pratt Institute de Brooklyn, elle suit les cours de l’Ohio State University de Columbus (1969-1970). C’est alors qu’elle abandonne la pratique picturale au profit de la photographie, qu’elle exploite d’abord en noir et blanc puis, à partir de 1973, en couleur. Ses premiers travaux proposent une approche conceptuelle de la photographie, où le principe de sérialité sert à la fois une composition rigoriste et l’étude du mouvement. À la suite de E. Muybridge*, elle tente de saisir l’imbrication du temps et de l’espace au coeur de la photographie, en introduisant dans cette relation le facteur couleur, qu’elle manipule au gré des artifices recherchés. Elle réalise à cet effet une série de polyptyques reproduisant en séquences le mouvement de voitures et de camions lancés en pleine vitesse sur les autoroutes. Puis elle laisse peu à peu cette recherche sur le mouvement au profit d’une relation plus stable de l’objet à son espace, dans le cadre d’une importante série de natures mortes (1978). Elle abandonne alors le système sériel des images triples, pour se consacrer à des oeuvres « singulières » faisant appel à une scénographie plus sophistiquée, où apparaissent ustensiles de cuisine, plantes et fruits. Construisant savamment des équilibres de couleurs, de formes, de lumière et de reflets, d’accumulation d’objets et de vides calculés, Groover choisit la technique du gros plan pour produire, à partir d’une saisie en finesse des détails, une plus grande abstraction formelle. L’éclairage artificiel du studio est alors préféré aux lumières naturelles, pour mieux maîtriser la qualité picturale de ses compositions où l’on reconnaît l’empreinte de Morandi ou de Chirico. L’oeuvre de l’artiste américaine est représentée dans de nombreuses institutions, notamment au M.O.M.A. et au Metropolitan de New York ainsi qu’au M.N.A.M. à Paris. P.L.R. GROS baron Jean-Baptiste Louis diplomate français (Ivry-sur-Seine 1793 - Paris 1870) Plus d’un amateur de talent s’est adonné à la daguerréotypie : citons au moins Joseph-Philibert Girault de Prangey (18041892), érudit fortuné, dessinateur lithographe, qui rapporta près de 900 plaques d’un voyage effectué dans les pays du bassin méditerranéen entre 1841 et 1845. Le baron Gros, que sa carrière diplomatique, entrecoupée de séjours à Paris, a mené sur tous les continents, en est une figure éminente. Il peint (Salon de 1822) et il dessine beaucoup jusqu’en 1842, mais, recherchant, selon ses dires, « une exactitude mathématique » de la représentation, il voit tout de suite dans la nouvelle invention un moyen plus fidèle et plus précis. De 1842, période d’essais, jusqu’à 1851, année des dernières réalisations, il s’y montre expérimentateur heureux et imagier doué (les sources écrites mentionnent au moins 150 plaques). Cela lui vaut une notoriété enviable : il obtient la présidence de la Société héliographique (1851) et a la qualité de membre fondateur de la S.F.P.* (1854). downloadModeText.vue.download 251 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 251 Son intérêt pour les progrès de la technique se manifeste par des articles, lettres et opuscules, dont les Quelques Notes sur la photographie sur plaques métalliques (Paris, 1850). Une quinzaine de plaques (dites « plaques entières ») ont survécu et sont conservées à la Bibliothèque nationale, au musée d’Orsay, à la George Eastman House, au J.P. Getty Museum : Bogotá (1841 ou 1842), Athènes et l’Acropole (1850), Paris (Une vue de la Seine, la Gare de l’Est et la célèbre composition Chevalet dans son salon), l’Exposition universelle de 1851 (la Tamise, le Crystal Palace). William Thompson a réalisé de lui, en 1844, un beau portrait au daguerréotype (Paris, B.N.). B.M. GROSSMAN Sidney photographe américain (New York 1914 - Provincetown 1955) Fils d’ouvriers émigrés, Grossman grandit dans la Hell’s Kitchen de New York. Il adhère à la Film and Photo-League en 1934 et fonde la nouvelle Photo-League* deux ans plus tard. Il tente de se faire engager par la F.S.A.* mais est refusé par Roy Stryker. Il s’affirme à partir de 1938 comme un enseignant influent : L. Model*, photographe alors confirmée, prend des cours avec lui à la fin des années 1940. Son oeuvre se décline en projets qu’il mène dans les rues de New York mais aussi dans les bidonvilles du Midwest. Engagé de 1945 à 1946 dans l’armée de l’air, Grossman réalise à Panamá sa série Black Christ Festival. De retour aux États-Unis, il continue son travail avec la League. Sa photographie est en rupture avec l’idée d’une perfection. Elle intègre la notion de mouvement et une réalité qui déborde le cadre. Son appartenance au Parti communiste en fait le premier visé lorsque la Photo-League se voit condamnée par le maccarthysme. Il est contraint de se retirer à Provincetown, où il continue d’enseigner la photographie et prend des cours de peinture avec Hans Hoffman. L’énergie remuante de sa photo passe à un état contemplatif sur les paysages du cap Cod. Il meurt d’une crise cardiaque en 1955. Un ouvrage présentant ses dernières photos, A Journey to the Cape, paraît en 1959. Reconsidérées dans les années 1980, ses photos sont exposées dans The New York School 1935-1963, à la Corcoran Gallery de Washington, en 1985. P.O. GRUYAERT Harry photographe belge (Anvers 1941) C’est auprès de son père, professeur de photographie couleur chez Gevaert, que Gruyaert s’initie. Après des études de photographie et de cinéma à Bruxelles (1959-1962), il travaille comme directeur de la photographie pour la télévision et fait parallèlement des photos de mode et de publicité, puis de reportage. Il partage son temps entre les « TV Shots » – procédé qu’il lance en 1972, qui consiste en une suite d’images réalisées sur l’écran télévisé en collaboration avec le tireur Charles Gossens – et des reportages généralement liés aux voyages (É.-U., Inde, Égypte, U.R.S.S., Maroc). Considéré comme un des leaders de la photographie couleur, Gruyaert est un véritable coloriste. Il est membre de l’agence Magnum* depuis 1981, et son travail a donné lieu à de nombreuses expositions, notamment à l’International Center of Photography (New York), à la Photographer’s Gallery de Londres, au Centre national de la photographie et à l’Institut du monde arabe à Paris, à Minneapolis, à Bruxelles, etc. downloadModeText.vue.download 252 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 252 Les images de ses voyages sont publiées dans de nombreux magazines. Des ouvrages comme Lumières blanches, Regards d’acier, Morocco et la Somme présentent un large aperçu de son travail. S.B. GUERRE (photographie de) Pas de guerre sans images. Chacune a les siennes, car les moyens de figuration font partie de la logistique et évoluent avec elle. Au milieu du XIXe siècle, le matériel militaire se renouvelle au moment où la photographie apparaît et fait, en Crimée, son entrée sur le champ de bataille (1855). La photographie est utilisée pendant la guerre de Sécession (1861-1865), la guerre franco-prussienne et la Commune (1871), mais ce n’est pas avant le premier conflit mondial (1914-1918) que la photographie est massivement engagée dans la guerre, notamment avec les vues prises d’avion à usage stratégique. En outre, les portraits de soldats et les reportages sur l’univers des tranchées abondent, sans toutefois rendre vraiment l’horreur des combats et l’angoissante omniprésence de la mort. Seuls quelques rares clichés laissent transparaître cette réalité inouïe, qui émerge parfois des plis de la terre nue, meurtrie, informe, où se lisent l’attente et la peur, le pilonnage incessant de l’artillerie, la neige, la pluie et la boue persistantes, mêlées du sang qui a coulé. Ces photographies, qui ne montrent rien, renvoient souvent plus que d’autres à ce qui, en elles, secrètement, intimement, se joue : la photographie, la mort, la guerre. À l’opposé, c’est parfois l’instantanéité qui permet d’atteindre à l’insondable horreur de la guerre, comme le montrent les reportages de guerre qui ont envahi les journaux illustrés de l’entre-deux-guerres aux années 1960, avant que l’information ne devienne l’affaire de la télévision. C’est encore l’instantanéité, la force d’attestation de la photographie, qui dénonce l’horreur dans ce cliché représentant un tortionnaire nazi qui pose avec ses amis riant aux éclats devant une femme dénudée, écartelée, empalée, victime de leurs sévices. Le cliché témoigne du dérèglement des valeurs morales et humaines sous le règne du fascisme et de l’holocauste, et révèle le plaisir abject des bourreaux, plus inavouable encore que la torture, plus insoutenable que le plaisir de la victime dont Georges Bataille a trouvé une troublante expression dans un cliché du Supplice des cent morceaux. D’un côté la suggestion, de l’autre l’ostentation sans détour de l’horreur et du sang. En photographie comme à la télévision, les figures de la guerre oscillent en fait entre ces deux pôles : en fonction de la technique, des opérateurs et de la réalité de la guerre, mais surtout en fonction des choix stratégiques opérés par les autorités militaires et politiques qui, après le Viêt Nam, ont mesuré les effets – de leur point de vue défavorables – sur les opinions publiques d’une liberté totale de photographier. Aussi, depuis la guerre des Malouines, et surtout depuis la guerre du Golfe, est-ce la rétention des images qui prévaut, la mise à l’écart des photographes et caméramans indépendants, au profit d’un monopole des images accordé aux militaires. A.R. GUIBERT Hervé écrivain et photographe français (Paris 1955 - Clamart 1991) Les photographies de Guibert accom- pagnent sa carrière littéraire, inaugurée en 1977 avec la Mort propagande. Il débute comme amateur, avec un Rollei 35 offert downloadModeText.vue.download 253 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 253 par son père. Mais au cours du temps, ses images, toujours en noir et blanc, rejoignent l’histoire de la photographie. Par ailleurs, il assure de 1977 à 1985 la rubrique photo du quotidien le Monde. Image et texte restent étroitement liés. Ils se répondent dans l’ouvrage qui met en scène les grands-tantes de l’auteur, Suzanne et Louise, sous-titré roman-photo (Éditions Libres/Hallier, 1980). En 1981, la galerie Agathe Gaillard expose ses travaux, qu’il publie aux éditions de Minuit dans le Seul Visage. La photo se glisse entre ses livres pour garder les souvenirs de ses amitiés, de son séjour à la villa Médicis, de voyages, d’intérieurs..., et s’il lui arrive de manquer une photo – absence ou défaillance technique –, il la raconte, le récit se substituant à l’image. Son appareil tient la chronique de ses sentiments. La photo dessine la géométrie de ses désirs, elle fixe le visage qui attire, le moment d’une particulière intensité. Elle est plus liée à leur signification qu’à leur valeur formelle. La photo est le miroir où il s’analyse (plusieurs autoportraits) ; il y contemple les choses ou les êtres. Il y a du narcissisme mais aussi la volonté de déjouer le piège qu’il lui tend. Atteint du sida, il réalise un film vidéo sur sa maladie, où il prouve sa maîtrise de l’image. P.A. GUIGI Guido photographe italien (Cesena 1941) Guigi est un des photographes italiens les plus connus parmi ceux qui opèrent depuis plusieurs années sur la photographie topographique. Architecte et designer de formation, il devient photographe dans la lignée des opérations conceptuelles des années 1970, pour ensuite concentrer son travail sur le paysage. Il enseigne la photographie aux Beaux-Arts de Ravenne et continue de travailler sur le paysage de sa région. Son regard construit des images qui posent surtout la question de ce qu’est le paysage aujourd’hui. Connaissant comme peu d’autres le questionnement visuel de l’espace contemporain (ce n’est pas un hasard s’il demande la collaboration de L. Baltz*, de Michael Schmidt ou de Stephen Shore à un laboratoire qu’il anime depuis quelques années avec Paolo Costantini), il remet en cause la tradition photographique sur le paysage, tout en ayant recours au savoir sur le sujet : c’est ainsi qu’on retrouve, revisitées, les positions de R. Adams*, de G. Winogrand*, de L. Friedlander*, mais aussi une partie de la tradition italienne (P. Monti*, G. Berengo Gardin* photographiant le village déjà photographié par P. Strand*...). Il a participé à de nombreuses expositions collectives. S.T. GUILLUMET Jordi artiste espagnol (Barcelone 1953) Après avoir étudié le dessin industriel et la photographie à Barcelone, il se consacre d’abord à la réalisation de décors pour le théâtre (1969-1978), qu’il abandonne peu à peu pour la pratique et l’enseignement de la photographie. Professeur à l’Institut d’études photographiques de Catalogne, il enseigne à partir de 1982 à la faculté des beaux-arts de Barcelone. Son travail photographique, qui commence véritablement à partir de 1979, se trouve d’emblée marqué par son expérience de la scénographie. Guillumet se met ainsi en scène dans des décors artificieux et sous divers travestissements. Cette oeuvre, que l’on pourrait volontiers qualifier de « néobaroque », se nourrit ainsi d’antithèses où s’opposent downloadModeText.vue.download 254 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 254 notamment l’artifice d’une composition soigneusement élaborée en studio et le naturel des produits récoltés pour être utilisés dans le processus photographique (résine de pin pour le durcissement, colle de maïs pour les émulsions, carton recyclé comme support...). Les travaux récents de Guillumet sont ainsi réalisés à partir de gommes bichromatées, qui donnent au cliché une atmosphère intemporelle, figée dans une temporalité de l’archéologie et du simulacre. P.L.R. GURSKY Andreas photographe allemand (Leipzig 1955) Étudiant à la Kunstakademie de Düsseldorf entre 1981 et 1987, Gursky y bénéficie de l’enseignement de B. et H. Becher*. Inscrit dans la filiation de ce mouvement de la Nouvelle* Objectivité, particulièrement important en Allemagne à partir des années 1920, Gursky s’engage dans la voie du réalisme. La plupart des photographies qu’il réalise à partir du milieu des années 1980 sont des grands tirages couleur dans lesquels se définissent les relations de l’homme à son milieu. Ces images exploitent la banalité des espaces publics, de loisirs ou de travail – piscines et usines –, ou de lieux plus isolés et désertés – halls d’immeubles, terrains vagues, pistes d’aéroports. D’autres photographies présentent des paysages naturels, qui atteignent une dimension encore plus abstraite et plus symbolique. L’artiste est représenté à Paris par la galerie Ghislaine Hussenot. Le Museum Haus Lange de Krefeld a organisé, en 1989, une exposition de ses photographies. S.C. downloadModeText.vue.download 255 sur 634 downloadModeText.vue.download 256 sur 634 256 H HAAS Ernst photographe autrichien (Vienne 1921 - New York 1986) Il étudie la médecine, puis la peinture et commence la photographie en 1945. Voyant son reportage (1947) sur le retour de Russie des prisonniers autrichiens – dont l’image d’une femme tendant aux arrivants la photographie de son fils –, R. Capa* le fait entrer à l’agence Magnum* (où il occupe diverses responsabilités jusqu’en 1966). Haas collabore avec Life* (qui publie, sur 24 pages, ses Magic Images of New York en couleur, qui le font connaître), Esquire, Paris-Match, Stern, Géo... et s’installe à New York en 1960. Il va photographier les Indiens d’Amérique, puis les hauts lieux du tourisme : Venise, le Colorado, l’Himalaya, Angkor, Bali... Il tente de capter les variations de mouvements et de couleurs des paysages, allant parfois jusqu’à l’abstraction. Il travaille à un projet sur la Genèse, les beautés naturelles : éléments, végétaux, animaux... (The Creation, 1971). Il reçoit différents prix, travaille pour la télévision (série d’émissions The Art of Seeing) et le cinéma. Ch.B. HACHETTE André photographe français (actif entre 1903 et 1945) On est encore peu renseigné sur la vie de Hachette, mais sa carrière d’amateur photographe l’inscrit parfaitement dans le mouvement pictorialiste français. Membre du Photo-Club* de Paris en 1903, il en devient l’archiviste et le bibliothécaire en 1907, date à laquelle il intègre le conseil d’administration. En 1910, il devient membre de la Société d’excursions des amateurs photographes alors même qu’il rejoint la Société* française de photographie, dont il devient, trois ans plus tard, le secrétaire général adjoint. Mobilisé en 1916, il revient en 1919 au secrétariat de la vénérable société. Formé à l’école des maîtres du pictorialisme*, Hachette s’intéresse au procédé à la gomme bichromatée*. Il réalise des épreuves polychromes, à downloadModeText.vue.download 257 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 257 la suite des expérimentations de C. Puyo*, mais se consacre plus encore à la technique du report qui, vers 1910, mène l’art des pictorialistes sur le terrain de la gravure. C’est grâce au procédé couleur des frères Lumière*, l’autochrome*, apparu en 1907, qu’il trouve un médium adapté à sa sensibilité. Ses portraits de jeunes femmes, les vues de la Seine ou de l’Italie, telle Florence, soir d’orage sur l’Arno (1913, S.F.P), appartiennent à l’iconographie pictorialiste mais expriment une sensibilité exceptionnelle. Présent aux Salons du Photo-Club chaque année, ainsi que dans les manifestations des capitales étrangères, il voit ses épreuves publiées régulièrement dans la Revue de photographie entre 1905 et 1908. M.P. HAHN Betty photographe américaine (Chicago 1940) Cette élève de Henry Holmes Smith à l’université de l’Indiana, à Bloomington (19631966), puis de Nathan Lyons, à Rochester (1967-1968), fait partie des photographes qui, depuis les années 1960, s’intéressent aux associations d’images photographiques et aux procédés d’impression mécaniques ou électroniques – résultant de l’influence du pop’art*. De 1969 à 1976, elle enseigne au Rochester Institute of Technology et, depuis 1976, à l’University of New Mexico (Albuquerque). Hahn crée un lien entre les images mécaniques et l’artisanat traditionnel. Elle prouve que l’expression photographique n’est pas obligée de se limiter au tirage argentique : ainsi, suivant le procédé de la gomme bichromatée*, elle réalise à partir de ses négatifs un tirage positif sur de la mousseline ornée de broderies (1970-1974), ou encore retravaille à la main des cyanotypes*. À la fois photographe de familles, de natures mortes et de héros américains, elle réalise, par ce procédé, des images étonnantes et décoratives. Plus récemment, elle a produit une série de « clichés policiers » où le photographe devient le détective et les photographies des indices pour des crimes fictifs. Elle est notamment représentée à Chicago (Art Inst.), à Rochester (George Eastman House) et à Paris (B.N.). M.C. HAJEK Karel photographe tchèque (Lazenice, Bohême, 1900 - Prague 1978) Hajek arrive à Prague au lendemain de la Première Guerre mondiale. Apprenti serrurier avant le conflit, il y travaille comme ouvrier métallurgiste jusqu’en 1926, puis est employé dans les transports urbains. Membre du Club tchèque des photographes-amateurs depuis 1928, il participe aux expositions de l’association, collabore aux almanachs de la photographie tchécoslovaque et apporte sa contribution à la presse* illustrée de l’époque. En 1932, Hajek est embauché comme reporter-photographe par le groupe de presse Melantrich, qui publie l’hebdomadaire populaire Ahoj na nedeli. À peine quatre ans plus tard, l’exposition individuelle qui lui est consacrée à la bibliothèque publique de Prague attire 30 000 visiteurs. Ses images sont connues audelà des frontières de la Tchécoslovaquie ; elles sont notamment commercialisées en France et en Allemagne par l’agent photographique Pawel Barchan. Après la Seconde Guerre mondiale, Hajek reprend son activité de photojournaliste, dirigeant l’Union des journalistes tchécoslovaques. Ses photographies sont exposées dans plusieurs grandes villes européennes : Prague, Bratislava, La Haye, downloadModeText.vue.download 258 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 258 Berlin, Moscou, Cologne, Budapest, et au Salon mondial de la photographie à Chicago, en 1959. Il publie trois livres d’images : Nuremberg, le crime et le jugement, les Beautés de la chasse, et la Symphonie de Leningrad. Inventif et éloquent, son travail révèle sa sensibilité à la condition humaine ainsi que sa grande culture photographique, visible dans les compositions, cadrages et angles de prise de vue qu’il pratique. Un recueil de ses photographies de 1929 à 1962, édité par Vladimir Rypar, est publié à Prague en 1963. T.M.G. HAJEK-HALKE Heinz photographe allemand (Berlin 1898 - id. 1983) Né à Berlin, Hajek-Halke passe son enfance en Argentine, où sa famille séjourne avant de revenir s’installer dans la capitale allemande en 1910. Étudiant à la Königlischule de Berlin en 1915, il complète après la guerre sa formation en arts plastiques. Il réalise ses premières photographies en 1924 et, dès 1925, entre chez Press-Photo à Berlin. Sa production ne se limite pas au photojournalisme*, mais couvre tous les domaines expérimentaux qui permettent aux avant-gardes de falsifier le réalisme photographique : photomontages*, photogrammes*, graphismes, publicité*. En 1933, suite à son refus de collaborer avec le ministère de la Propagande nazi, il s’installe sur les bords du lac de Constance et se spécialise dans la photographie scientifique, réalisant des macrophotographies* dans le domaine de la biologie. En 1937, il séjourne au Brésil, où il fait un reportage sur une ferme d’élevage de serpents. Après la guerre, il crée sa propre ferme afin de vendre le venin à l’industrie pharmaceutique pour financer l’installation d’un nouveau laboratoire photographique. Il reprend alors ses recherches expérimentales, créant des Lichtgrafiken, photogrammes dans la tradition de Man Ray*, de C. Schad* et de L. Moholy-Nagy*. En 1955, il est nommé professeur de photographie et de graphisme à la Hochschule für Bildende Künste de Berlin-Est. M.L. HALIP Jakob photographe russe (Saint-Pétersbourg 1908 - 1979) Né dans une famille d’artistes de théâtre, Halip vient s’installer à Moscou, en 1921, où il fréquente l’Institut supérieur pour le cinéma (VGIK). Il étudie à l’Académie des beaux-arts et se passionne pour la photographie, vouant une grande admiration à A. Rodtchenko*, M. Alpert* et A. Shaikhet*. Il publie ses photos dès 1926 dans Sovietski Ecran et Sovietskoye Foto. À partir de 1927, il travaille comme cameraman et photographe de plateau avec le réalisateur Vsevolod Pudovkin et collabore aussi aux journaux la Pravda, les Izvestia, Krasnaïa Niva. À partir de 1931, il montre les changements sociaux qui surviennent dans le pays ainsi que les développements militaires de l’Armée rouge, de la marine et de l’aéronautique, spécialement les dirigeables. En 1938, il prend part à une expédition polaire sur la banquise pour sauver quatre chercheurs de l’équipe de l’explorateur Papanin. Ses photographies, développées sur place et acheminées par avion, paraissent dans la presse le lendemain. Rodtchenko et Varvara Stepanova lui commandent à plusieurs reprises des photos pour l’album l’Armée rouge et pour leur revue l’U.R.S.S. en construction, de 1938 à 1941, ainsi que pour leur ouvrage consacré à la conquête downloadModeText.vue.download 259 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 259 du pôle Nord, dont Halip assure la partie centrale. Rodtchenko dessine pour lui les cadrages nécessaires à ses maquettes et Halip exécute les photographies selon l’esquisse. Halip réunit les différents plans des images et les relie par leur contenu au sujet comme dans la fameuse série sur la garde et les bouches de canons, sur la flotte balte (1937), l’atterrissage du dirigeable SSSR B6 à Moscou (1938). Il est l’un des photographes les plus aventureux de l’Union soviétique et reçoit une médaille d’honneur de l’État en 1938. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est correspondant de guerre pour Krasnaïa Zvezda sur le front. Il travaille ensuite pour Ogonek et Smena, puis, à partir de 1954, pour Sovietski Soïouz. V.E. HALSMAN Philippe photographe américain (Riga, Lettonie, 1906 - New York 1979) Après des études d’ingénieur électricien, Halsman s’initie à la photographie. En 1931, il travaille comme photographe indépendant à Paris et réalise ses premiers « portraits de célébrités » : Gide, Giraudoux... Dix ans plus tard, il quitte la France pour les États-Unis avec une réputation déjà établie. À New York, où il prend la nationalité américaine en 1949, il travaille pour l’agence Black Star. Ses portraits de célébrités font la couverture de nombreux journaux, en particulier celle de Time et de Life*, réalisant pour ce dernier plus de 100 couvertures. Outre la célébrité de ses modèles (Winston Churchill, John Kennedy, Marilyn Monroe, André Malraux, Ingrid Bergman, Einstein, Dali...), c’est sa technique particulière qui impose le succès de Halsman : le jumping ; il photographie ses modèles en train de sauter et saisit ainsi « l’essence de l’être humain », selon ses propres termes. Dès 1951, ses photographies ont été montrées au M.O.M.A. de New York, à l’occasion d’une exposition de groupe. C’est peu avant sa mort, à New York en 1979, qu’une rétrospective lui est consacrée à l’ICP (International Center of Photography de New York), une autre suivra en 1981 à la Foto Galerij Paule Pia en Belgique. Plusieurs livres témoignent de son travail dont The Frenchman ; A Photographic Interview with Fernandel (1949), Dali’s Mustache (1953), Philippe, Halsman’s Jumpbook (1959) et Halsman on the Creation of Photographic Ideas (1961). S.B. HAMAYA Hiroshi photographe japonais (Tokyo 1915) Photographe représentatif du photojournalisme japonais des années 1940 et 1950, Hamaya aborde la photographie vers 1931 et travaille comme photoreporter depuis 1936. Au début des années 1940, il s’intéresse aux traditions culturelles et commence à photographier la vie traditionnelle d’un village isolé de Niigata, région couverte de neige un tiers de l’année. Cette recherche est publiée en 1956 sous le titre Yukiguni (« le pays de la neige ») puis en 1957, Ura-Nihon (la Côte de la Mer du Japon). Ce deuxième livre, dans lequel il développe son thème de manière plus approfondie, est considéré comme un des meilleurs travaux documentaires des années 1950. Son approche du reportage tente de mettre en évidence les relations entre le cadre historique et géographique d’un lieu, et la façon dont la vie y est organisée. Depuis 1960, Hamaya parcourt le Japon et le monde entier pour photographier l’environnement natudownloadModeText.vue.download 260 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 260 rel, le plus souvent à l’aide de la photographie aérienne, et collabore à l’agence Magnum*. Il publie en 1981 l’anthologie de son travail dans un album intitulé Hiroshi Hamaya : 50 Years of Photography - Aspects of Nature & Aspects of Life (2 volumes, Iwa- nami-shoten, Tokyo). Une exposition personnelle a lieu à Paris, en 1987, au S.I.T.I. (La Défense). En 1989, une rétrospective est organisée au Kawasaki City Museum, où se trouve une collection importante de ses oeuvres. T.O. HAMILTON David photographe britannique (Londres 1933) Autodidacte, il se fait connaître, dès la fin des années 1960, par la publication de photographies de nus de jeunes filles pubères, lascives, installées dans une atmosphère vaporeuse qui caractérise, depuis, son érotisme suave. Très proches des ambiances feutrées des peintures de Balthus, ses clichés sont chaque fois un hymne à la sensualité adolescente, avec pour figure de prédilection la jeune fille blonde, nordique ou scandinave. Sa technique demeure élémentaire et jamais une source de lumière artificielle n’intervient dans ses mises en scène bucoliques et pastorales, où le contact avec une nature innocente est toujours cultivé. Depuis son premier album, accompagné d’un texte d’Alain RobbeGrillet, Hamilton a édité de nombreux ouvrages sur ce thème et réalisé plusieurs courts et longs métrages qui participent de la même esthétique charnelle et vaporeuse, héritée des plus sensuelles toiles de Boucher. P.L.R. HAMILTON Richard artiste britannique (Londres 1922) Après avoir suivi les cours du soir de la St Martin’s School of Art de Londres (1936), il travaille dans plusieurs studios de publicité puis enseigne les arts graphiques à la Central School of Arts and Crafts (1952), où il retrouve E. Paolizzi*. Cette même année, il fonde avec ce dernier et Lawrence Alloway l’Independent Group, et apparaît dans cette mouvance comme l’un des premiers protagonistes du pop’art* anglais, auquel il offre une des oeuvres emblématiques, un collage intitulé Just what is it that makes today’s home so different, so appealing, qui servira d’affiche à l’exposition-manifeste This is Tomorrow (1956). De l’utilisation initiale des collages aux nombreux rehaussages de photographies, Hamilton fait des images médiatiques (celles des magazines de coeur ou des catalogues de vente par correspondance...) une source iconique inépuisable qu’il détourne pour mieux en analyser les impacts réels. Dans My Marylin (collection Ludwig, 1965), il retravaille à l’huile des photographies annotées de la main de la star américaine, récoltées dans des magazines de grande diffusion. Cette interrogation portée sur les qualités propres de la photographie médiatique débouchera, quatre ans plus tard, sur un article que l’artiste publie dans la revue Studio International sous le titre : « Photography and Painting » (1969), où il démontre les liens qu’il tente d’établir entre peinture et photographie dans leur rapport respectif à l’imagerie et à la culture populaires. Les clichés de la photographie courante, de la carte postale (Whitley Bay, 1965) au photojournalisme* (série des Swinging London, 1968-1969), sont déclinés dans des oeuvres associant l’huile à des motifs photographiques imprimés sur la toile. Plus downloadModeText.vue.download 261 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 261 récemment, Hamilton tente d’exploiter les transferts électroniques de l’image photo (Northend II, 1991). La profusion des images « pop » du début fait alors progressivement place à des travaux plus dépouillés, où images digitales et émulsion photographique se croisent pour rendre l’hybridation des oeuvres moins iconographique que technologique (Countdown, 1989). P.L.R. HANFSTAENGL Franz photographe allemand (Baiernrain bei Tölz 1804 - Munich 1877) Né en 1804 dans une petite ville proche de la capitale bavaroise, Hanfstaengl suit les cours de l’Académie des beaux-arts de Munich entre l’âge de 14 et de 21 ans. À sa sortie de l’école, en 1825, et pendant 10 ans, il réalise une série de portraits en lithographie, technique inventée en cette même ville par Senefelder, en 1796. Cette galerie de portraits, qui préfigure le contenu de son travail photographique, était censée représenter des personnalités bavaroises. Son goût pour le portrait trouva sa plénitude d’expression avec la photographie, mais son atelier de lithographie perdura jusqu’en 1853. Entre 1835 et 1845 Hanfstaengl s’installe à Dresde et il semble que c’est à son retour à Munich qu’il fut initié à la photographie par A. Löcherer. En 1852, il ouvre un atelier et acquiert rapidement une réputation de portraitiste sans égal. A. AdamSalomon fut un de ses nombreux élèves. Hommes politiques, industriels ou artistes défilent dans son studio et il publie, entre 1861 et 1865, un album en plusieurs livraisons de plus de 200 personnalités munichoises. Il constitue aussi une galerie de portraits imaginaires de personnages de la Renaissance. En 1868, il « passe la main » à son fils Edgar, non sans avoir participé à de nombreuses expositions, depuis 1853 jusqu’à une rétrospective au musée d’Art moderne de New York, en 1939. S.M. HANNON Édouard photographe belge (1853 - 1931) Issu de la bourgeoisie bruxelloise, Hannon étudie à Gand et devient ingénieur en 1876. Ses fonctions d’administrateur de la firme Solvay lui offrent l’occasion de voyager en France, en Espagne, en Russie et aux États-Unis. Amateur éclairé, il est un des membres fondateurs de l’Association belge de photographie (1874), et c’est vers 1890 qu’il s’implique dans le mouvement pictorialiste*. Présentes dès les premiers Salons d’art photographique, en Belgique mais également dans les capitales européennes, ses épreuves sont remarquées pour leur facture originale. Grâce à l’usage de papier aux trames grossières, aux manipulations les plus diverses au moment du tirage et à l’emploi de trames, ses photographies prennent l’allure de gravures et de crayonnés. L’iconographie de Hannon se résume à des vues de bois, de campagnes et de jardins, dont l’expression des noirs profonds et la composition rappellent les dessins de Seurat ou de Millet. Ses images connaissent une bonne publicité dans les revues pictorialistes, notamment dans le luxueux Die Kunst in der Photographie, qui propose, en 1902, « In Moor », image significative de son talent et où sa technique n’est pas trahie par la qualité de la photogravure. Toutefois, Hannon ne s’interdit pas la pratique d’une photographie documentaire et ramène de ses voyages une production dont downloadModeText.vue.download 262 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 262 l’originalité fait de lui un des précurseurs du reportage moderne. M.P. HARBUTT Charles photographe américain (Camden, New Jersey, 1935) Harbutt quitte l’université de Marquette, près de Milwaukee, en 1956, avec un diplôme de journaliste. Il abandonne rapidement l’écriture, car il se devait d’« être là ». Il travaille d’abord comme reporter pour différents journaux : Jubilee, Look, Life*, Saturday Evening Post, Stern, ParisMatch. En 1959, il photographie la révolution à Cuba. En 1963, il entre à l’agence Magnum*, dont il sera le président de 1970 à 1972, puis de 1976 à 1978. Il enseigne parallèlement la photographie. Militant par les images contre la guerre au Viêt Nam, il produit, en 1969, un livre, America in Crisis, et un film d’animation, America (prix du Festival du film d’Atlanta). Son oeuvre évolue alors de l’engagement politique vers une réflexion sur la relativité du médium photographique. Harbutt rompt avec les règles de la composition, jouant de la distorsion du grand angle, du plan coupé qui tronque les corps, pour nous livrer une vision froide et étrangère du monde. En 1974, Travelog est désigné comme meilleur livre de l’année aux Rencontres d’Arles : il témoigne des aspects triviaux du quotidien. En 1986, Progreso, petit port du Yucatán, misérable et pourtant d’une beauté poignante, donne lieu à un magnifique ouvrage. Reporter des idées et reporter des formes, Harbutt a défini luimême son sujet : des « superbanalités ». Il est représenté dans de nombreux musées américains. M.M. HARCOURT (studio) (Paris 1934 - 1979) Jacques et Jean Lacroix, fils de modestes artisans parisiens, se lancent en 1922 dans la presse professionnelle : la Quincaillerie nouvelle est suivie de bien d’autres titres, la Couverture, Plomberie, Électricité et Radio, et surtout Guérir, en 1930, qui permet à la Société des éditions Lacroix-Frères, créée en 1927, de passer de la presse professionnelle à faible tirage aux magazines grand public qui jalonnent leur carrière : Vedette, Scooter, la Vie des bêtes, Tout savoir, Mon jardin, Archéologie. En 1933, sur les conseils du fils de Nina Ricci, Robert, ils ouvrent une agence de publicité. Cette même année, Jacques rencontre une jeune photographe, Cosette Harcourt, de son vrai nom Germaine Hirschfeld (1900-1976). La photographie prenant une grande place dans leurs activités, les deux frères ouvrent, avec Robert Ricci, le studio Pro-Photo pour la photographie publicitaire et un studio pour la photographie d’art, au 11 bis, rue Christophe-Colomb, auquel Cosette Harcourt – qui a des parts dans la société – donne son nom. La jeune femme avait appris l’organisation commerciale d’un grand studio chez ManuelFrères, où le Tout-Paris posait. En 1938, les activités des frères Lacroix sont regroupées dans un hôtel particulier au 49, avenue de Iéna. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Cosette Harcourt doit quitter la France, l’activité du studio est placée sous le contrôle d’un ancien photographe de chez Manuel-Frères, Henri Bierley-Lalune. L’immédiat après-guerre correspond à une période de très grande activité : hommes politiques, écrivains, acteurs et chanteurs, tous se pressent pour avoir leur portrait. Cette vogue durera jusqu’à la mort de son inspiratrice : le travail de retouche et les éclairages de cinéma créent des visages downloadModeText.vue.download 263 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 263 épargnés par le temps. Les archives du studio ont été rachetées par l’État français, en 1989 et 1991. Après un dépôt de bilan (1989), le studio a réouvert ses portes, rue des Acacias. H.P. HARPER’S BAZAAR Harper’s Bazaar est édité à New York et appartient aux éditions Hearst. Cette publication, dont la première parution date de 1867, connaît ses plus belles heures du début des années 1930 à la fin des années 1950 et devient le principal rival de Vogue*. Durant cette période, la revue est principalement animée par la rédactrice en chef Carmel Snow, le directeur artistique A. Brodovitch* et la rédactrice de mode Diana Vreeland. À la fin de 1932, après avoir contribué au succès de Vogue, Carmel Snow rejoint Harper’s Bazaar. Forte de son expérience, elle constitue son équipe. En 1933, elle engage M. Munkacsi*, qui introduit dans la photo de mode le mouvement et le naturel photographié en extérieur, et Brodovitch, qui crée une mise en page dynamique. C’est donc dans les doubles pages de Harper’s Bazaar que prend forme la nouvelle photo de mode. Brodovitch, qui est également professeur de photographie, va systématiser cette nouvelle approche en exhortant ses élèves et collaborateurs à travailler dans cette direction : Herman Landshoff, Toni Frissel, Lillian Bassman, R. Avedon*. Brodovitch invite également des photographes de presse comme R. Frank*, L. Faurer* ou L. Model* à s’essayer à la photo de mode : l’appétit du magazine pour les nouveaux talents est insatiable. De 1946 à 1947, la parution de Junior Bazaar, destiné aux jeunes lectrices, sert de champ d’expérience aux nouveautés, appliquées par la suite à son aîné. Revue d’avant-garde en matière de photo de mode et de graphisme, Harper’s Bazaar devient également une vitrine de l’art européen. Man Ray*, Dali, H. Bayer*, H. Matter* et Cassandre y signent de nombreux travaux et on peut aussi y voir les oeuvres de Picasso, Matisse, Braque, Giacometti et de B. Brandt*, H. Cartier-Bresson*, Brassaï* et A. Kertéz*. Snow, Brodovitch et Vreeland quittent le journal respectivement en 1957, 1958 et 1962. En avril 1965, Avedon, autre figure emblématique de Harper’s Bazaar, est le rédacteur en chef du numéro dont il signe toutes les photos avant de s’en aller chez Vogue. Cependant, durant les années 1960, des directeurs artistiques de talent formés par Brodovitch (Henri Woolf dès 1959, suivi de Marvin Israël en 1961 puis de Bea Feitler et de Ruth Ansel de 1963 à 1971) maintiennent la revue à un très haut niveau de créativité. Mais, dès le début des années 1970, Harper’s Bazaar rejoint les revues de mode prisonnières des exigences des annonceurs publicitaires. N.C. HASENPFLUG Hans photographe australien (Allemagne 1907 - Melbourne 1977) Immigré en Australie en 1927, Hasenpflug commence comme photographe pour Leica Photo Service en 1932, mais débute réellement sa carrière en 1935 chez Russell Robert Pty Ltd, qu’il quitte en 1937. En 1938, il expose au Salon qui commémore le 150e anniversaire de la fondation de l’Australie, travaillant à cette époque pour l’atelier de A. Shmith* à Melbourne. Ses photographies de mode de cette période sont proches des travaux de M. Munkasci*. Plus tard, il entre dans d’autres ateliers, dont ceux de Austin-Murcott et Ritter-Jeppersen (1942-1945). Pendant la guerre, il se tourne vers le portrait d’enfant downloadModeText.vue.download 264 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 264 et, naturalisé à la fin de la guerre, installe son propre atelier, spécialisé dans l’illustration commerciale. Il aura notamment des contrats avec la chaîne de magasins Myer. La maladie l’oblige à cesser ses activités de photographe. Son oeuvre est notamment représentée à Canberra (N.G.). M.C. HAUSMANN Raoul ar tiste autrichien (Vienne 1886 - Limoges 1971) Hausmann est à la fois peintre, sculpteur, typographe, poète, théoricien et photographe. Même s’il écrit « je ne suis pas photographe », sous forme de manifeste en 1921, il produit durant sa vie plus de deux mille photos. Après avoir assimilé l’expressionnisme (il collabore à Der Sturm), il est cofondateur du Club Dada à Berlin, en 1918. Il imagine alors le photomontage*, qui devient l’outil favori de la révolte dadaïste (Tatlin at home, 1920). Créateur de la revue Der Dada en 1919, il déclame ses poèmes phonétiques au café Austria et, en 1920, il organise, avec G. Grosz et J. Heartfield*, la Foire internationale Dada. Celle-ci marque l’apogée et la fin de Dada-Berlin, le « dernier cri » dadaïste de Hausmann étant son photomontage ABCD (1923). Il commence réellement à photographier à la fin des années 1920, notamment en travaillant à son roman Hyle (qu’il achève seulement en 1954 à Limoges). Il fixe le vent sur les dunes, les végétaux, les places du Vieux-Berlin, étudie la torsion des corps, les visages, les reflets. En 1931, il transforme la perception de l’objet grâce aux effets d’ombre et de lumière. Utilisant le motif d’une chaise cannée, il réalise une série de clichés qu’il intitule d’abord ombres, ou « moulins à lumière », pour finalement les nommer « mélanographies » (melanos signifiant « noir » en grec). En 1933, Hausmann fuit le régime nazi pour Ibiza (Baléares), photographie l’architecture et les habitants de l’île et écrit des articles ethnologiques qu’il complète avec ses photos. Après un bref séjour à Paris en 1934 et un autre à Zurich en 1937, il part vivre en Tchécoslovaquie. La photo infrarouge est alors sa principale préoccupation (1938). À l’automne 1939, il se réfugie en Haute-Vienne. Installé définitivement à Limoges en 1944, il reprend la peinture, le collage et la photographie. Il réalise alors des photogrammes originaux : les « photopictogrammes » (il dessine des lignes dans la sciure de bois répandue sur le papier photosensible) et des photomontages, dans lesquels il introduit ses anciennes photographies. Progressivement, il s’arrête de travailler, car sa vue baisse et il est démuni de tout matériel. Hausmann publie entre 1934 et 1948 de nombreux articles pédagogiques sur la composition photographique, la question de la couleur, la relation entre la photographie et la peinture. En 1967, le musée de Stockholm organise une rétrospective de son oeuvre, puis le musée national d’Art moderne de Paris fait de même en 1975. Le livre Je ne suis pas un photographe est publié par les Editions du Chêne en 1976. Une exposition Hausmann a été présentée en 1994 au musée d’Art moderne de Saint-Étienne, puis au musée départemental de Rochechouart. E.E. HAVILAND Burty Paul industriel américain (Paris 1880 - 1950) Il est le fils de Charles Haviland (Haviland & Co, manufacture de Limoges) et de Madeleine Burty, fille du célèbre critique d’art Philippe Burty. Après ses études en downloadModeText.vue.download 265 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 265 France et son diplôme à l’université d’Harvard en 1901, il représente la maison Haviland aux États-Unis. Dès 1898, il pratique la photographie. En 1908, il rencontre A. Stieglitz*. Il lui offre de financer la galerie 291 sur la Fifth Avenue, lieu où il fait exposer des artistes peintres et sculpteurs français d’avant-garde. Il rédige des articles pour Camera Work* et certaines de ses photographies y sont publiées : le Châle espagnol (Rose Cohen), Miss Doris Keane, The Japanase Lantern reproduits dans le no 39 (juillet 1912, Paris, musée d’Orsay). Ses personnages féminins, empreints de japonisme, portent le kimono près d’accessoires venant de la collection Burty. Dans l’esprit japonais, le modèle est décentré par souci d’asymétrie. Comme E. Steichen*, dont il fait le portrait (mars-avril 1910, Paris, musée d’Orsay), Haviland devient membre du groupe Photo-Sécession*, appelé en France mouvement pictorialiste. Ce mouvement refuse la pratique commerciale du sujet-document, mais, par contre, privilégie le flou de l’épreuve créant une atmosphère de mystère, dans l’esprit symboliste. Haviland excelle dans le portrait (Portrait de femme, vers 1911, Paris, musée d’Orsay), merveilleux contraste d’ombre sur la chevelure, vêtement qui se fonde dans le noir, lumière sur le long cou tendu ainsi que sur la main, appuyée sur le dos d’une chaise. Il est aussi l’auteur d’un très beau portrait du peintre Armand Guillaumin (1841-1927) peignant à Croizant (1910, Paris, musée d’Orsay). De son séjour à New York, il reste de nombreuses photographies dont New York at Night, paru dans Camera work no 46 (avril 1914). En 1916, il rentre en France pour travailler à la manufacture de Limoges. Il épouse Suzanne Lalique, peintre et décorateur, fille du verrier créateur, René Lalique. Son oeuvre photographique est peu connue. M.J.M.C. HAWARDEN lady Clementina photographe britannique (Cumbernauld, près de Glasgow, 1822 - Londres 1865) À partir de 1856, lady Hawarden pratique la photographie en amateur à Dundrum, en Irlande, dans la propriété de son époux. Elle maîtrise rapidement la technique en lisant un manuel et réalise des vues stéréoscopiques de sa maison. L. Carroll* découvre ses oeuvres à une vente de charité. Lui, le photographe amateur, achète cinq photos, dont la Toilette et la Fenêtre (Austin, University of Texas). En 1863, lady Hawarden participe à la 9e exposition de la Photographic Society de Londres. Pour sa première exposition, elle remporte la médaille d’argent et est élue membre de la Society. L’année suivante, elle expose avec autant de succès mais pour la dernière fois, car elle est emportée par une pneumonie à 42 ans. L’oeuvre de lady Hawarden se développe dans un univers familial de 1859 à 1864. Sa résidence de South Kensington à Londres sert de cadre à ses images, qu’elle qualifie d’« études photographiques » et d’« études d’après nature ». Peu de décors, quelques tentures, une fenêtre près de laquelle ses filles posent : Florence Maude and her Sister Posed beside a Window, vers 1864 (Paris, musée d’Orsay), ou dans des attitudes quotidiennes, Isabella Grace en robe de mousseline à pois, assise à une coiffeuse et Clementina Maude debout de dos, vers 1862-1863 (Londres, Victoria and Albert Museum). De ces « études » aux tonalités chaudes, représentatives de la société victorienne, se dégagent calme, grâce et féminité. M.J.M.C. downloadModeText.vue.download 266 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 266 HAWES Josiah Johnson et SOUTHWORTH Albert Sands photographes américains (East Sudbur y, Massachusetts, 1808 - Boston 1901 et West Fairlee 1811 - Boston 1894) Dès l’annonce de la diffusion publique du procédé de L.J.M. Daguerre*, en août 1839, François Gouraud s’embarque pour les États-Unis afin de diffuser cette nouvelle technique. À Boston, en 1840, Hawes et Southworth assistent séparément aux conférences-ventes de Gouraud. Hawes voit le jour en 1808. Après avoir appris le métier de métreur, il exerce la profession de peintre-portraitiste itinérant. Southworth, pharmacien, a fait ses études à l’académie Philips d’Andover dans le Massachusetts. Il se rend à New York en 1840 pour parfaire ses connaissances sur l’utilisation du daguerréotype*. Il va ensuite chez S. Morse* avec Pennel puis ouvre un atelier, avec ce dernier, d’abord à Cabottville, en 1840, puis à Boston, en 1841. En 1843, il quitte Pennel pour s’associer avec Hawes ; leur raison sociale de Southworth & Hawes. En 1849, Southworth quitte momentanément l’atelier de Boston pour participer à la ruée vers l’or en Californie. Faute d’or, il réalise des daguerréotypes de San Francisco. Lorsqu’il regagne Boston, en 1851, il développe avec Hawes le portrait au daguerréotype et leur atelier devient un des plus importants des États-Unis. L’activité du studio dure jusqu’au départ de Southworth, en 1861. Hawes continue seul, mais l’association a « livré la quintessence du daguerréotype par les moyens d’une technique accomplie, d’une intuition rare de l’instant, d’un emploi dynamique de la lumière... ». Après vingt ans d’activité, le catalogue de la firme mentionne plus de 10 000 daguerréotypes, dont 95 % sont des portraits. Southworth était considéré comme le technicien et Hawes comme l’artiste. Grâce à cette complémentarité, les portraits de l’élite culturelle de Boston et du monde de l’Ouest ont été pérennisés – du président des États-Unis à Lola Montez. Leurs photographies sont conservées dans des collections américaines, à Boston (M.F.A.), à New York (M.O.M.A. et Metropolitan Museum of Art), à Rochester (George Eastman House), etc. S.M. HEARTFIELD John (Helmut Herzfeld, dit) artiste allemand (Berlin 1891 - id. 1968) Photomonteur plus que photographe, Heartfield est probablement l’artiste de la première moitié du XXe siècle le plus engagé politiquement. Parce qu’il veut devenir peintre, Helmut Herzfeld fait ses études à la Kunstgewerbeschule de Munich, de 1907 à 1910, puis à la Kunst und Handwerkschule de Berlin, de 1912 à 1914. C’est pendant la Grande Guerre qu’il décide d’angliciser son nom pour protester contre le nationalisme allemand. En 1916, il milite avec G. Grosz dans les cercles révolutionnaires de Berlin ; ses collages, alors satiriques, dévoilent déjà un intérêt pour les problèmes sociaux. En 1918, il s’inscrit au Parti communiste et, en 1919, il est cofondateur de Dada-Berlin. Il développe et donne ses lettres de noblesse à une technique nouvelle, le photomontage, dont la paternité est cependant revendiquée par Hausmann. Il est surnommé le Monteur-Dada, et ses photomontages, comme ceux de R. Hausmann*, de H. Höch* et de G. Grosz, organisent la destruction de l’art bourgeois. Dès 1920, Heartfield downloadModeText.vue.download 267 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 267 affiche délibérément ses convictions politiques et sociales. Réalisant des couvertures de journaux ou de livres (avec son frère, il crée la maison d’édition MalikVerlag en 1917), il travaille notamment pour Der Knüppel de 1923 à 1927, et pour l’Arbeiter Illustrierte Zeitung (A-I-Z*) de 1924 à 1933. Il ne photographie jamais, mais utilise des images recyclées. Son art, fait de symboles et de mots clefs, est efficace. Entre ses mains, le photomontage devient une arme redoutable contre tout ce qui lui paraît injuste, du point de vue social ou politique. Artiste combattant le nazisme avec audace – Der Sinn von Genf (la si- gnification de Genève, 1931), Göring der Henker des Dritten Reichs (Göring, le bourreau du IIIe Reich, 1933), Adolf, der Übermensch (Adolf le Surhomme, 1932) –, il est contraint de fuir l’Allemagne et sa Gestapo en 1933. Il s’installe à Prague, où il continue de travailler pour la branche tchèque de l’A-I-Z. Il réalise toujours des photomontages contre le IIIe Reich tels que Blut und Eisen (Sang et Acier, 1934), et son exposition personnelle à Prague en 1937 est en partie escamotée par l’ambassadeur d’Allemagne. Juste avant l’invasion de la Tchécoslovaquie, il part à Londres, où il expose la Guerre d’un homme contre Hitler, en 1939. Graphiste, photomonteur, designer théâtral et professeur, il collabore à différents journaux et maisons d’éditions à Londres jusqu’en 1950, à Leipzig jusqu’en 1956, et enfin à Berlin-Est jusqu’à sa mort. L’I.C.A. de Londres organise une exposition sur ses photomontages en 1969, le M.O.M.A. de New York en 1993 ; son frère publie une biographie sur lui, John Heartfield : Leben und Werk en 1962. E.E. HEILMANN Jean-Jacques photographe français (Mulhouse 1822 - id. 1859) Trois photographes, membres de la S.F.P.*, travaillent dans la même région des Pyrénées, parfois côte à côte, déposant ensemble leurs épreuves soit directement (1854), soit par l’intermédiaire de l’éditeur Marx (1860) : John Stewart (1814-1887), établi à Pau vers 1846 ; Farnham Maxwell Lyte (1828-1906), installé à Pau puis à Bagnères-de-Bigorre en 1856 ; enfin Heilmann, qui arrive à Pau en 1852 après avoir débuté en Alsace. Leurs travaux retiennent l’attention des revues spécialisées à partir de 1853. Cette annéelà précisément, Heilmann propose des « instantanés » pris dans les rues de Pau, scènes captées sur des glaces préparées avec le collodion rapide de A. Bertsch*. La même année, il dépose à l’Académie des sciences un pli cacheté relatif à un appareil permettant l’agrandissement ou la réduction de l’image négative originale. En 1854, il ouvre une imprimerie photographique et participe à la fondation de la Société scientifique, artistique et photographique des Basses-Pyrénées. C’est aussi un paysagiste apprécié que la Lumière, en 1857, loue une nouvelle fois pour la finesse du détail, le rendu de l’atmosphère de ses vues au collodion. B.M. HEINECKEN Robert photographe et graveur américain (Denver 1931) Il reçoit une formation de dessinateur et de graveur avant de commencer la downloadModeText.vue.download 268 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 268 photographie en 1960. Parallèlement, il enseigne au département artistique de l’université de Californie (Los Angeles). Heinecken définit tout de suite son style en prenant des images dans la presse populaire, en utilisant des procédés de collage et de montage et, dès 1964, la photolithographie. Cette même année, sa première exposition personnelle a lieu au Mount St Mary College of Fine Arts (Los Angeles). De 1966 à 1967, Heinecken réalise une série de photogrammes, Are you Rea, où il assemble images et textes contradictoires. Il a été instructeur dans de nombreux ateliers, dont celui de la George Eastman House, 1967 ; à l’université de l’État de New York (Buffalo), 1969 ; au San Francisco Art Inst. et au School of the Art Inst. (Chicago), 1970 ; à l’université Harvard (Cambridge), 1971. De 1970 à 1972, il est président du bureau de la direction de la Society for Photographic Education. Les procédés qu’il utilise vont du photogramme gélatino-argentique jusqu’à l’instantané monté sur papier avec du texte, au photogramme Polaroid*, Cibachrome*, transfert d’encre, transparents noir et blanc sur un collage de magazine, émulsion photographique sur toile, pour n’en nommer que quelquesuns. Pratiquement, tous ses travaux utilisent des images de magazines, son principal sujet étant l’utilisation de la sexualité féminine comme support de vente de produits de consommation (Cliché Vary/Autoeroticism, 1974, coll. William & Andrea Turnage). Il met en évidence le contenu pornographique d’images qui se veulent erotiques en y dénonçant la falsification de la réalité. Le photographe est représenté dans de nombreuses collections dont celles du M.O.M.A., New York, et du San Francisco Museum of Art. M.C. HEINRICH Anne-Marie photographe argentine (Darmstadt 1912) Née en Allemagne, elle part, dès l’âge de 14 ans, s’établir avec sa famille en Argentine. Souhaitant devenir photographe, elle fait son apprentissage dans des laboratoires et ateliers divers à Buenos Aires, où elle installe son propre atelier en 1930. Très influencée par A. Sander*, elle réalise des images qui écartent du contexte tout ce qui n’est pas strictement intime. Pas de voile ni de décor, seulement l’aura de la personnalité. Ses portraits de Jorge Luis Borges et de Elias Castelnuovo ont fait le tour du monde. Dès 1937, elle participe à des Salons internationaux. Liée au cinéma argentin, elle invente l’image idéale de la star admirée alors dans toute l’Amérique latine. Les visages s’illuminent sous les lumières artificielles dans l’illusion et la fantaisie des codes du charme sophistiqué « glamour ». Ses images, publiées dans les revues américaines, lui apportent la célébrité et les honneurs comme membre du Foto Club Bandeirante (Brésil), du Foto Club de Medellín (Colombie), de l’Académie argentine des Sciences et Arts photographiques. En 1953, cofondatrice du groupe photo « La carpeta de los Diez », à Buenos Aires, elle crée des séminaires et des expositions. Elle reçoit de 1960 à 1965 le premier prix de la sélection internationale du Foto Club de Buenos Aires. En 1975, elle est nommée académicienne de la Commission nationale de la Culture en Argentine. Elle est cofondatrice en 1979, avec six autres photographes, du Conseil argentin de la Photographie. Sa première downloadModeText.vue.download 269 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 269 monographie paraît en 1982 et rassemble son travail sur la danse et les ballets internationaux depuis 1938. V.E. HENNEBERG Hugo photographe autrichien (Vienne 1863 - id. 1918) Né à Vienne en 1863, Henneberg étudie la physique, la chimie, l’astronomie et les mathématiques à l’université de Vienne et à celle de Iéna, de 1882 à 1887. C’est à cette date qu’il « rencontre » la photographie et sa formation scientifique lui permet d’en résoudre les problèmes techniques. Après un voyage aux États-Unis, il entretient avec A. Stieglitz* une correspondance assidue entre 1890 et 1909. En 1893, au retour d’un périple en Égypte et en Grèce, il expose pour la première fois à Salzbourg. Membre du Camera* Club de Vienne avec H. Kühn* et H. Watzek*, il fonde avec eux « Das Kleeblatt » et il est élu, en 1894, au très fermé Linked Ring* londonien. Watzek fut son compagnon de voyage au cours de différentes excursions en Italie et en Hollande. Attiré par le procédé à la gomme bichromatée*, il le manie très vite avec dextérité, grâce à ses connaissances en chimie. La plupart des paysages, qui sont le sujet principal de son oeuvre, sont réalisés avec ce procédé qui autorise des effets de lumière et de matière particuliers. En 1897, Henneberg expose avec Kühn et Watzek à Vienne sous le titre de « Trofolium ». Après 1903, il se consacre progressivement, mais avec moins de talent, à la gravure sur bois et à l’eau-forte. En 1909, il expose ses photographies à la Photo-Secession Galery de Stieglitz, à New York, après avoir publié ses images dans la luxueuse revue Camera Work. Henneberg meurt à Vienne en 1918. S.M. HENRI Florence artiste suisse d’origine franco-allemande (New York 1893 - Laboissière-en-Thelle, Oise, 1982) Élevée dans différentes capitales européennes, Florence Henri étudie le piano de 1902 à 1914. Pendant la Première Guerre mondiale, elle habite Berlin, où elle abandonne l’idée d’une carrière musicale pour commencer à dessiner et à peindre. En 1923, elle quitte l’Allemagne et visite l’Italie. L’année suivante, elle obtient la nationalité suisse par mariage, puis s’installe à Paris pour étudier la peinture. Influencée par le travail de Fernand Léger et d’André Lhote, elle crée des oeuvres d’inspiration cubiste, constructiviste et futuriste. En 1927, elle s’inscrit au cours d’été du Bauhaus*, à Dessau, où, sous l’égide des Moholy-Nagy*, elle découvre les possibilités artistiques de la photographie. De retour à Paris, elle loue un atelier à Montparnasse, qu’elle partage avec Enrico Prampolini, et se consacre presque exclusivement à ce nouveau moyen d’expression. En se servant des effets de miroir et de perspective, elle accentue les formes géométriques des natures mortes qu’elle photographie pour en faire des compositions abstraites. En 1928, L. Moholy-Nagy commente son récent travail dans la revue néerlandaise i10. L’année suivante, les photographies d’Henri figurent dans les expositions historiques Fotografie der Gegenwart et Film und Foto*. Dans le studio photographique qu’elle ouvre à Paris, elle fait aussi des portraits et de la publicité. À la même époque, elle se lie d’amitié avec Michel Seuphor et participe aux activités du groupe Cercle et Carré. Dans les années 1930, elle participe aux importantes manifestations photographiques à Paris, à New York, à Londres, à Amsterdam, à Essen, etc. Ses images sont publiées dans les grandes revues de l’entredownloadModeText.vue.download 270 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 270 deux-guerres : Variétés, Arts et métiers graphiques, Advertising Display, Modern Photography, Lilliput, Stile Futurista, Tezca, Gebrauchsgraphik, etc. Elle crée des photomontages* à partir de ses propres photographies de Rome et complète ses études de visages par une série de nus. La Seconde Guerre mondiale interrompt son activité photographique. Après le conflit, elle retourne à la peinture – cette fois de style figuratif – avant de créer des compositions et des collages abstraits. À la fin des années 1960, on redécouvre son travail photographique, de nouveau reconnu comme l’oeuvre d’une grande artiste. T.M.G. HENRY Paul et Prosper astronomes et photographes français (Nancy 1848 - Montrouge 1905 et Nancy 1849 - Pralognan-la-Vanoise 1903) Ouvriers opticiens à Nancy, Paul et Prosper Henry entrent à l’Observatoire de Paris en 1864 et 1865 et y travaillent jusqu’à la fin de leur vie comme astronomes. Grâce à la réalisation d’objectifs de grande taille, leurs premiers essais de photographie céleste aboutissent en 1884 (carte des Pléiades, 2 326 étoiles, 1885). Ces résultats incitent le directeur de l’Observatoire, l’amiral E. Mouchez, à proposer un regroupement d’observations internationales pour exécuter une carte photographique du ciel (Ier Congrès astrophotographique à Paris, 1887). Les clichés (22 054 entre 18 observatoires) doivent être faits avec des instruments identiques à ceux des frères Henry. Ceux-ci se chargent de la zone de l’espace comprise entre +18° et +24° de déclinaison. En 1902, les observations sont achevées, les mesures des clichés sont avancées et la publication du Catalogue photographique relatif à la région du ciel dévolue à l’Observatoire de Paris commence. Le dénombrement, le classement de toutes les étoiles visibles avec les grands instruments sont ainsi devenus possibles. Mais la photographie astronomique, qui a déjà intéressé Faye, de La Rue, Fizeau et Cornu, Draper, Common, Janssen, peut désormais également s’appliquer à la découverte des astéroïdes, à l’étude du mouvement des satellites autour de leur planète ou encore améliorer les mesures photométriques. B.P. HENSCHEL Alberto photographe brésilien (actif de 1870 à 1880) D’origine allemande, Henschel arrive au Brésil en 1870 et travaille à Rio de Janeiro, à Salvador et à Recife. En 1871, il ouvre son studio, « Alberto Henschel & Co », à Rio de Janeiro. Il réalise des centaines de portraits qui font vivre son entreprise. L’empereur Pedro II et sa famille sont de très bons clients. Mais sa véritable passion se porte sur le paysage, avec une prédilection pour les sites grandioses. Le fleuve Rio, ses affluents et tous les territoires avoisinants ont été documentés par ses soins ainsi que les régions de Pernambouc et de Bahia. En 1875, il sort un album, Souvenirs de Nova Friburgo, avec quelques images de la montagne Itatiaia et réalise, l’année suivante, un grand panorama de la ville de Rio, qui se trouve à l’Institut historique et géographique brésilien de cette ville. Il exploite aussi un autre atelier sous l’appellation « Henschel & Benque », au 40, rua dos Ourives. En 1875, il expose à l’Académie impériale des beaux-arts, à Rio, et reçoit le titre de photographe de la maison impériale. V.E. downloadModeText.vue.download 271 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 271 HENSON Bill photographe australien (Melbourne 1955) Henson voyage fréquemment en Europe et aux États-Unis où ses oeuvres sont largement représentées et exposées. Il a d’abord photographié des situations erotiques, regroupées dans la série Untitled Sequence 1977. Il a aussi représenté des détails d’architecture de palais baroques, des peintures de vieux maîtres accrochées aux murs des musées d’Europe, le visage de la femme au repos. Aux cimaises de la galerie d’exposition de la Bibliothèque nationale à Paris, en 1990, ou dans la publication Bill Henson Photographs (1988), les images sont regroupées en diptyques ou en triptyques : un portrait empreint de tristesse ou de pitié enserré dans un univers de délire baroque. La poésie des photographies de Henson est reconnaissable entre toutes : une tonalité subtile, ombreuse, des personnages fragiles, hors du temps, figés et isolés dans un espace obscur et mystérieux, un univers solennel et hanté. Cette résonance dramatique, intense, résulte d’étranges distorsions ou d’angles de vue bizarres, de prises de vue à longue focale qui écrase l’espace, d’un manque de défi- nition qui raréfie toute présence tactile. La tristesse des grands tirages de Henson est d’une beauté achevée. Henson est représenté notamment à Paris (Bibliothèque nationale). M.M. HERS François photographe belge (Bruxelles 1943) Après une formation d’architecte, Hers opte pour la photographie en 1968 et s’installe à Paris. Cofondateur de l’agence de reportage Viva, en 1972, il y poursuit ses recherches d’émotions dans des « situations limites ». De là découle un travail mené conjointement avec la police en 1975 et 1981. Boursier de la Fondation nationale de la photographie en 1976, il l’est également du ministère de la Culture belge en 1978. L’année suivante, une commande officielle le charge d’une étude sur le logement social dans la partie wallonne de la Belgique. Il délaisse les façades pour les Intérieurs. Ils sont exposés au Centre Georges-Pompidou en 1981, à Zurich en 1982, à Rome et Bruxelles en 1983, et regroupés dans un livre paru aux éditions A.A.M. Ses intérieurs, aux couleurs criardes et à la surcharge décorative, sans personnages, sont d’une vision hyperréaliste d’où ne ressort, néanmoins, aucune froideur. En 1983, il organise avec Bernard Latarjet la Mission photographique de la D.A.T.A.R. Il expose Récit au palais des Expositions de Rome et à la galerie Samia Saouma de Paris, son livre publié aux éditions Herscher. Pour cet ouvrage, il obtient le prix Nadar. Depuis 1980, un travail sur les images de martyrs de la Résistance, prises par des soldats allemands, lui permet de mettre en évidence la fonction religieuse et éthique de la photographie. Hers a participé à de nombreuses expositions collectives, tant en France qu’à l’étranger. C.C. HILLIARD John photographe britannique (Lancaster 1945) Étudiant à la fameuse St Martin’s School of Art de Londres (1964-1967), il utilise la photographie depuis 1967 comme support visuel de sa pratique artistique. D’abord utilisée pour sa capacité documentaire, notamment comme relevé de ses oeuvres sculpturales, la photographie downloadModeText.vue.download 272 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 272 fait rapidement l’objet de recherches plus autonomes. C’est le cas dans la série Sixty Seconds of Light, amorcée au début des années 1970, où Hilliard analyse la variation des effets photochimiques sur une douzaine de clichés affectés d’une durée d’exposition progressivement croissante, comme s’il s’agissait pour l’artiste d’établir une interrogation moderniste sur le processus d’émergence de son oeuvre (l’exposition) et les propriétés proprement matérielles de son médium (la lumière). Cette approche « chimique » sera abandonnée dès 1974 au profit d’une recherche plus sémiotique sur les sources d’informations échangées entre le texte et la photographie. Avec la série des Elemental Conditioning (1974), il intègre ainsi à ses photographies un commentaire (phrase ou simple mot) qui oriente la lecture, détourne ou augmente la lisibilité de l’oeuvre. À la fin des années 1970, il introduit le flou, la vitesse et le mouvement dans des pièces qui combinent souvent deux clichés dans un même cadre-diptyque (Sycamore Exposure, 1977). Hilliard est représenté dans de très nombreuses collections publiques internationales à Londres (Tate Gallery), Paris (M.N.A.M.), Zurich (Kunsthaus) ou Lodz (musée des Beaux-Arts). P.L.R. HILSDORF Jacob photographe allemand (Bingen 1872 - 1916) Il apprend la photographie chez son père Jean-Baptiste, qui avait ouvert en 1861 le premier atelier de Bingen, puis travaille chez Nicola Perscheid à Leipzig, avant de reprendre, en 1894, l’atelier paternel. Spécialisé dans le portrait, il se fait remarquer par ses participations à d’importants Salons d’art photographique, et n’hésite pas à utiliser, sans en abuser, certains procédés de l’école pictorialiste*. D’une grande profondeur psychologique, ses portraits sont de pénétrantes études de caractère, figeant l’instant où la pose se relâche, où l’âme se dévoile. Ami des arts, musicien lui-même, il fixe de son objectif de nombreuses personnalités des milieux littéraires et musicaux. On retiendra plus particulièrement les portraits des poètes Stefan George et Richard Dehmel, du peintre Adolph von Menzel, de Cosima Wagner ou de la chanteuse Anna Muthesius. Sa renommée le fait appeler dans l’Europe entière et l’amène à travailler souvent dans le cadre naturel de ses clients prestigieux (familles Krupp, Rothschild, Siemens, Thyssen), où sa science exceptionnelle de la lumière lui permet de tirer parti de toute situation. Ses éclairages, tantôt violents, tantôt doux et diaphanes, ou en de somptueux contrejours, accentuent et modèlent harmonieusement la personnalité du sujet. Après sa mort, ses clichés sont pendant plusieurs années encore diffusés par son frère Theodor, photographe installé à Munich (cf. cat. Jacob Hilsdorf, Photograph im Jugenstil, F. Toth, Bingen, 1989). C.K. HINE Lewis W. photographe américain (Oshkosh 1874 - Hastings-on-Hudson, New York, 1940) D’origine modeste, Hine s’est formé à l’art par des cours du soir de dessin, puis il a suivi des cours de sociologie à l’université de Chicago. Il enseigne ensuite dans son village natal et à New York, à partir de 1901. Les nécessités immédiates de l’éducation et de l’information sont à la base de son engagement social, dans des conditions de vie très dégradées. En 1903, muni d’un appareil photographique comme outil d’enseignement, il découvre, peu après, downloadModeText.vue.download 273 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 273 Ellis Island, l’îlot de débarquement des immigrés européens, qui viennent innocemment grossir la masse des travailleurs exploités. Il les photographie pendant plusieurs années, avec une vision attendrie qui doit beaucoup à la peinture ; en 1907, il participe au Pittsburgh Survey et, devenu indépendant en 1908, il est asso- cié au National Child Labour Committee, qui dénonce le travail des enfants. Il photographie les vendeurs de journaux, les cireurs de chaussures, les cueilleurs de coton, et déjoue la méfiance des patrons pour avoir accès dans les fabriques et les usines. Par les publications du Comité, par les expositions (dont il est le responsable) et par ses conférences, Hine favorise l’adoption, en 1916, de nouvelles lois (qui seront abolies en 1918). Il travaille ensuite pour la Croix-Rouge en France, en Belgique et dans les Balkans. À son retour, sa vision progressiste a changé : il est plutôt favorable à une collaboration positive entre l’homme et la machine, qu’il loue par un style plus épique dans ses photographies de corps de métiers (à partir de 1920), puis dans son reportage sur la construction de l’Empire State Building (1930-1931) ; l’ensemble constitue la matière de Men at Work (1932). Écarté de la Farm* Security Administration, il est engagé par la Work Progress Administration (1936), mais il termine sa vie dans la misère qu’il n’avait cessé de dénoncer, seulement reconnu par les jeunes photographes de la Photo League*, à laquelle il lègue ses archives. Une exposition rétrospective, organisée en 1939 au Riverside Museum de New York, marque le début de reconnaissance tardive d’un photographe qui avait trop tôt prôné l’impact de la photographie sur l’information sociale. M.F. HINTON Alfred Horsley photographe britannique (1863 - Woodford, Essex, 1908) Après une formation de peintre, Hinton est employé en 1888 dans une entreprise de matériel photographique à Londres. Il réalise ses premières épreuves, pour lesquelles il reçoit de nombreux encouragements, notamment de la part du vénérable H.P. Robinson*, et travaille dans le studio de son fils Ralph Robinson de 1891 à 1893. Hinton participe activement à la fondation du Linked Ring* (1892), collabore à la revue Photographic Art Journal (1888-1891) puis devient le rédacteur de The Amateur Photographer jusqu’à sa mort. Son activité de journaliste en fait un des principaux diffuseurs du pictorialisme* en Europe dans les années 1890. Hinton est le correspondant à Londres du Bulletin du Photo-Club de Paris puis de la Revue de Photographie. Son traité intitulé l’Art photographique dans le paysage (1894) influence les pictorialistes français et renouvelle les théories esthétiques de Robinson. En 1898, il rédige également un ouvrage technique consacré à la platinotypie et un manuel en deux volumes : Practical Pictorial Photography. Son rôle en Amérique n’est pas négligeable non plus : Hinton y organise la section britannique du Salon de Philadelphie en 1899, puis, en 1904, il supervise l’installation de la collection britannique à l’Exposition universelle de Saint Louis. Son oeuvre se compose essentiellement de paysages montrant les landes britanniques sous des ciels tourmentés. Ses tirages au platine utilisent parfois des clichés multiples, combinés pour obtenir l’image finale. Ses épreuves atteignent de grands formats qui accentuent un univers quelque peu dramatisé, comme dans Day’s decline (1895, R.P.S., Bath). M.P. downloadModeText.vue.download 274 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 274 HIRO (Yasuhiro Wakabayashi, dit) photographe japonais (Shanghai 1930) Quand Hiro s’installe à New York, il a tout juste 23 ans. Le temps de l’apprentissage est bref (1954-1957) : il étudie la photo à la School of Modern Photography, puis avec A. Brodovitch* à la New School for Social Research, assiste Rouben Sanberg tandis qu’il partage le studio de Lester Bookbinder (deux photographes spécialisés dans la nature morte) et, en janvier 1957, devient l’assistant de R. Avedon*. Brodovitch et Avedon vont profondément influencer Hiro. Selon Avedon, Hiro possède les qualités qui font un grand photographe : le mystère, les formules, le perfectionnisme. Ils partagent, en associés, le même studio d’octobre 1957 à juin 1971. En janvier 1958, Brodovitch engage Hiro au sein de Harper’s Bazaar* (dont il obtient un contrat d’exclusivité de 1966 à 1974). Dès lors, Hiro travaille principalement pour la publicité et la presse. Ses images, pour les plus connues, sont des vues rapprochées et en couleurs d’accessoires de mode, des icônes monumentales où clarté et précision dominent. Elles tirent leur puissance d’attraction d’une composition rigoureuse et d’une grande simplicité. À l’instar de Brodovitch, Hiro est un homme du futur. Il utilise des thèmes qui font référence à la conquête spatiale. La démarche de Hiro, entre logique et intuition, est celle d’un scientifique et d’un expérimentateur, à la suite de Man Ray* et de E. Blumenfeld*, particulièrement avec la couleur et la lumière : effets stroboscopiques, lumière blanche ou néon. N.C. HISTOIRES DE LA PHOTOGRAPHIE Depuis ses origines, la pratique photographique entretient un rapport privilégié à l’histoire. Inscrite sous le sceau de l’événement public dès sa présentation à la Chambre par F. Arago*, en 1839, offrant au regard rétrospectif un site bien délimité, manifestation explicite du progrès technique comme de la modernité esthétique, exemplaire par ses effets sur les pratiques sociales, la photographie forme un précieux témoignage des évolutions, des modes et des visées de la perspective historienne. Articulé entre un historique et un programme, le Discours d’Arago impose d’emblée trois traits qui vont déterminer jusqu’au début du XXe siècle l’usage de l’histoire envers de la photographie. Premièrement, l’identité de la pratique photographique est construite à partir d’une lecture du passé. Mais, deuxième point, il s’agit d’une lecture ambiguë, tout entière tournée vers le progrès, le futur. Privilégiant L.J.M. Daguerre* au détriment de N. Niépce*, Arago inscrit la photographie dans une forme de secondarité originaire : peu importe le brouillard des origines, le moment essentiel est celui d’un perfectionnement décisif. Ce mode historique, qui impose un choix téléologique dans la description du passé, autorise l’oubli ou la dépréciation des recherches des devanciers. Enfin, cet usage de l’histoire avoue clairement ses visées stratégiques. Bien loin d’une histoire objective, la photographie se sert d’abord d’une histoire orientée à des fins militantes. Les premières histoires de la photographie se partagent en deux catégories, également partisanes : celles qui, formant souvent la première partie d’un manuel d’initiation, sont l’oeuvre d’acteurs du champ photogradownloadModeText.vue.download 275 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 275 phique et ont pour vocation de défendre l’identité du nouveau médium face aux critiques venues du monde de l’art : celles qui, comme la Vérité sur l’invention de la photographie (1867) de Victor Fouque, sont l’oeuvre de témoins directs, ayant pour but principal la réhabilitation d’un inventeur injustement oublié (Niépce*, H. Bayard*, Herschel, etc.). Au-delà des ouvrages publiés, cette conception militante de l’histoire se manifeste à travers le travail de fondation du premier Congrès international de photographie (1889) qui, à l’occasion du centenaire de la Révolution française et de l’Exposition internationale de Paris, désigne pour la première fois l’année 1839 comme origine intangible. Ce qui permet de célébrer à ce moment le cinquantenaire de la photographie et d’inscrire cette discipline sous l’héritage scientifique d’Arago. C’est à partir de 1889 qu’apparaissent les premiers véritables travaux historiques, basés sur des archives et des collections dont on commence à percevoir la valeur patrimoniale. L’Autrichien Carl Schiendl publie en 1891 sa Geschichte der Photographie, suivie en 1905 par celle de son compatriote Joseph-Maria Eder, monumental ouvrage qui conserve aujourd’hui encore une indiscutable utilité documentaire. Pendant plusieurs décennies, l’essentiel du travail historique se concentre sur la généalogie des perfectionnements techniques. Dérivant en droite ligne des manuels de pratique photographique, cette vision techniciste se manifeste encore pleinement dans l’Histoire de la découverte de la photographie (1925) de l’archiviste Georges Potonniée. Mais la modification du paysage photographique des années 1920, marqué par les débuts de la photographie de masse et du photoreportage, amène à considérer la dimension de l’image photographique, en premier lieu dans sa dimension sociologique. En 1931 paraît la Petite Histoire de la photographie de W. Benjamin*, suivie en 1936 par la Photographie en France au XIXe siècle, de G. Freund*, qui privilégient tous deux une approche sociohistorique inspirée de l’école de Francfort. La photographie y est décrite comme une rupture majeure ouvrant, grâce à la technique, le domaine autrefois réservé de la représentation de soi et du monde. Interprétation aujourd’hui largement partagée, qui alimente la branche la plus vivace de l’histoire de la photographie (voir notamment : André Rouillé, l’Empire de la photographie, 1982). Il faut attendre la fin des années 1930 pour voir prise en compte la dimension esthétique de l’image photographique. L’Histoire de la photographie de R. Lécuyer* (1945), tout comme The History of Photography de H. Gernsheim* (1955) témoignent d’un meilleur équilibre entre question technique et attention iconographique. Pourtant, ce sont toujours les inventions des différents procédés, aux yeux de ces auteurs, qui rythment la description : « Elles seules sont capables de mettre l’histoire en mouvement » (J.-C. Lemagny). En 1937, B. Newhall* publie la première version de son History of Photography, sous la forme du catalogue d’une exposition du musée d’Art moderne de New York. Pour la première fois, la préoccupation esthétique fournit le guide majeur. C’est désormais l’optique suivie par la plupart des histoires de la photographie récentes (voir notamment : Naomi Rosenblum, A World History of Photography, 1984 ; J.-C. Lemagny et André Rouillé, Histoire de la photographie, 1986). Les années 1970-1980 marquent une nette intensification des travaux historiques et leur diversification. De nouveaux outils font leur apparition : dictionnaires de photographes, bibliographies, anthologies de downloadModeText.vue.download 276 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 276 textes, etc. La revue History of Photography est fondée à Londres en 1976, suivie en 1981 par la revue Fotogeschichte. En 1989, une bibliographie des travaux historiques consacrés à la photographie recense plus de 11 000 ouvrages. De nouvelles approches de la pratique photographique sont proposées par des historiens de l’art, notamment R. Krauss* (The Originality of the Avant-garde, 1986) ou Jonathan Crary (Techniques of the Observer, 1990), qui réévaluent l’influence de celle-ci sur l’art contemporain et Michel Frizot (Nouvelle Histoire de la photographie, 1994) tente de faire évoluer le genre. A.G. HÖCH Hannah ar tiste allemande (Gotha 1889 - Berlin 1978) Hannah Höch met au point la technique du photomontage* en 1918, avec R. Hausmann*. Elle utilisera ce moyen d’expression toute sa vie. Après des études aux Arts décoratifs de Berlin, entre 1912 et 1915, Höch rencontre Hausmann, réalise sa première peinture abstraite en 1916 et son premier collage en 1917. Dès 1918, le photomontage devient son moyen d’expression favori. Seule femme membre du mouvement Dada-Berlin, elle participe à tous les manifestes, soirées, expositions (première exposition dada dans le Cabinet graphique de J.B. Neumann, à Berlin en 1919) et Salons (chez Otto Burchard, à Berlin en 1920). Elle part en « tournée dada » avec Hausmann et le couple Schwitters à Prague, en 1921. Ses photomontages sont réalisés au moyen d’extraits de magazines, de prospectus, de photos originales et de papiers de couleur accompagnés de lettres ou de textes contrastant avec l’image (Coupe au couteau de cuisine, 1919). Sous un apparent désordre s’organise en fait une composition qui met en valeur une signification précise, souvent satirique, du moins humoristique. Maltraitant les « conventions bourgeoises », elle n’en appelle pas pour autant à la mort de l’art, mais plutôt – comme K. Schwitters* – à la transformation de l’action artistique. Höch réalise également des « poupées dadaïstes » entre 1916 et 1918, ainsi que de nombreuses huiles sur toile dans les années 1920, parfois abstraites, parfois reproduisant, en trompe-l’oeil, l’effet du photomontage (les Journalistes et Roma en 1925). Elle participe à l’exposition Film und Foto* de Stuttgart, en 1929, et expose à Brünn (Tchécoslovaquie) une quaran- taine de collages en 1934. Elle s’isole en 1939 dans le nord de Berlin, et continue de réaliser des photomontages – en couleur dès 1947 – jusqu’à sa disparition. Le musée d’Art moderne de la Ville de Paris organise une exposition sur son oeuvre en 1976. E.E. HOCKNEY David peintre et photographe américain (Bradford, Yorshire, 1937) Après des études au Royal College of Art de Londres (1959-1962), où il rencontre les acteurs londoniens du pop’art (Kitaj, Jones), il apparaît rapidement comme l’un des protagonistes du courant figuratif anglais. Plus connu pour ses peintures et ses dessins, Hockney utilise depuis toujours la photographie, dont sont tirés nombre de ses sujets picturaux. Dès 1968, il rassemble dans des albums un nombre important de clichés biographiques où le portrait domine largement. Sa rencontre avec C. Beaton se révèle à ce titre déterminante. Il utilise alors alternativement le Rolleiflex et le Polaroid*. Ses premiers ensembles composites sont encore construits sur la base d’un point de vue unique (Ian et downloadModeText.vue.download 277 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 277 moi regardant Fred Astaire à la télévision, Los Angeles, 6 mars 1982) puis, progressivement, l’artiste introduit un regard binoculaire, sans point fixe, qui tourne autour d’un objet ou d’une composition comme pouvaient le faire les cubistes – qu’il cite d’ailleurs ouvertement dans des natures mortes éclatées. La juxtaposition de très nombreux Polaroids donne parfois lieu à d’imposants panoramas narratifs comme le Pearblossom Highway (1982-1986) rassemblant plus de 700 tirages. « Je ne suis pas photographe, il m’arrive simplement de prendre des photos. Je pense plutôt en dessinateur », reconnaît l’artiste. Cette approche très graphique de la photographie (« Dessiner avec l’objectif ») sera formalisée explicitement lors d’une exposition new-yorkaise de 1982, intitulée Drawing with Camera. La Maison européenne de la photographie (Paris) lui a consacré une exposition en 1999. P.L.R. HOFMEISTER Theodor et Oscar photographes allemands (Hambourg 1868 - id. 1943 et id. 1871 - id. 1937) Personnalités dominantes de la photographie pictorialiste* allemande, Theodor et Oscar Hofmeister ouvrent un atelier à Hambourg en 1893. Fils d’un négociant, ils ont su concilier rentabilité professionnelle et création artistique. Sous l’impulsion et la protection d’Ernst Juhl et d’Alfred Lichtwark, ils ont fait évoluer l’art photographique au point de créer un style appelé « école de Hambourg ». Au Salon de Hambourg de 1895, organisé par la Société de promotion de la photographie d’amateur, Theodor et Oscar Hofmeister présentent leurs premières oeuvres, qui sont surtout des portraits et des paysages. C’est Oscar qui réalise les prises de vue et Theodor qui exécute les tirages essentiellement au charbon* puis à la gomme bichromatée*, après 1895. La plupart des photographies de paysage ont été faites dans la région d’Altona, dans un paysage de lande et de tourbières où les ciels très bas se prêtent remarquablement aux perspectives linéaires. Ils sont photographes, artistes mais aussi auteurs d’articles et enseignants, et leurs portraits font référence. Dès 1898, ils rédigent un traité ayant pour titre Das Figuren in der Kunst Photographie. Présents dans les principaux Salons de photographie comme ceux de Paris, Londres, ou Bruxelles, ils font partie de l’histoire du pictorialisme en étant les porte-parole d’un des plus importants courants de l’école allemande. Les photographies des Hofmeister sont conservées dans les collections de musées allemands, notamment à Hambourg (Kunsthalle), à Dresde (Kupferstichkabinette), à Krefeld (Kaiser Wilhelm Museum), etc. S.M. HOLLYER Frederick photographe britannique (1837 - 1933) Surtout connu comme photographe de reproduction d’oeuvre d’art, il se spécialise dans la peinture préraphaélite, notamment celle d’Edward Burne-Jones, qu’il rencontre en 1870 (il a laissé une série de 72 photographies d’après les dessins de Burne-Jones). À l’Exposition universelle de 1889, Hollyer obtient une médaille dans la catégorie reproduction de peinture et de dessin. Il illustre l’oeuvre de Burne-Jones, de Watts et de Rossetti., tout en photographiant ces artistes et leur famille (portraits de Burne-Jones et de sa famille dans sa maison, The Grange, ainsi qu’une série de cartes* de visite des membres de downloadModeText.vue.download 278 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 278 la famille de Burne-Jones). Hollyer fait des épreuves de la grande rétrospective de l’oeuvre de Burne-Jones, qui a lieu à la New Gallery (1898-1899, collection George Howard). En 1894, à Paris il participe à la première Exposition d’art photographique avec les photographes du mouvement pictorialiste. C’est un excellent portraitiste, bien qu’il ne se consacre à cet art qu’une fois par semaine, dans son studio, situé 9 Pembroke Square Kensington. Le reste du temps, il peint des compositions de vases à fleurs et d’études botaniques. Il fait une série de représentations de Herbert Charles Jerome Pollitt en 1894 (en danseuse, exécutant la danse serpentine à la mode), le portrait de W. Graham Robertson (18671948), illustrateur de livres et auteur de théâtre (représenté de trois quarts avec le perroquet Matthews sur l’épaule), vers 1890. En 1893, il réalise le portrait préféré du dessinateur britannique Aubrey Beardsley (accoudé à son bureau, raie au milieu, noeud papillon) qu’il distribua à ses amis artistes. Il est également l’auteur de nombreux portraits du sociologue et critique d’art britannique John Ruskin, qui soutient le mouvement préraphaélite (Deux Portraits de John Ruskin, 1894, Victoria and Albert Museum Londres ; 1896, Royal Photographic Society, Bath). En 1920, il rassemble en album les portraits qu’il a fait de sa fille Eleanour. Les portraits de Hollyer captent l’émotivité du sujet, les impressions fugitives de ses personnages, par exemple cette jeune femme en robe blanche, la main sur la porte ouverte, prise à contre-jour (The White Frock, présenté au Salon photographique, 1893). Ses photographies sont principalement conservées à Bath (Royal Photographic Society). M.J.M.C. HOLOGRAMME Image photographique transparente ayant enregistré un phénomène de diffraction de la lumière au contact d’un objet à trois dimensions, et qui, illuminée sous un certain angle par un faisceau de lumière, restitue le relief de l’objet photographié. Principes Le principe de l’hologramme a été posé en 1947 par D. Gabor. Toutefois, il a fallu attendre la découverte du laser, source de lumière cohérente, pour pouvoir, à partir de 1963, passer aux réalisations pratiques, avec les travaux de E.N. Leith, J. Upatnieks et C.W. Stroke. Un hologramme est constitué par une plaque photographique qui a enregistré les interférences dues à la superposition d’une onde transmise ou diffusée par un objet et d’une onde indépendante de l’objet, appelée « onde de référence ». Il est nécessaire que ces deux ondes interfèrent, ce qui exige qu’elles proviennent de la même source ponctuelle et que cette source soit le plus monochromatique possible. C’est pourquoi le laser, du fait de sa monochromaticité et de sa luminance* élevée, a permis de faire rapidement progresser cette technique. Réalisation d’un hologramme Pour obtenir un hologramme, on divise, à l’aide d’un miroir semi-transparent, un faisceau laser en deux parties : la partie réfléchie par le miroir illumine un cliché photographique, tandis que la partie qui a traversé le miroir frappe l’objet à photographier. L’objet diffracte une certaine quantité de lumière, qui illumine également le cliché photographique. Les deux faisceaux incidents sont de phases différentes, et le cliché enregistre un réseau de franges d’interférences. Celles-ci ne sont pas visibles lorsque le cliché est examiné à l’oeil nu. En revanche, le microscope révèle les franges plus ou moins régulièrement disposées, downloadModeText.vue.download 279 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 279 car leur répartition dépend de la configuration de l’objet. Ce sont ces franges qui en permettent la reconstitution en illuminant l’hologramme par l’onde de référence qui a été utilisée lors de la prise de vue. On peut, alors, observer par transparence une image occupant exactement la même position que l’objet lors de la prise de vue. Pour cela, on éclaire l’hologramme par la partie réfléchie d’un faisceau laser frappant un miroir semi-transparent. En regardant à travers l’hologramme, on aperçoit une image virtuelle restituant le relief de l’objet par interférence des rayons diffractés et de ceux qui proviennent du laser à travers le miroir semi-transparent. Il s’agit d’un relief véritable, car l’observateur constate, en déplaçant légèrement la tête, des effets de parallaxe : l’objet paraît se déplacer sur le fond, comme cela se produit lors de la vision directe de l’objet ; on pourra même voir d’éventuels objets dissimulés par le premier... Autres techniques On peut aussi produire des hologrammes à l’aide de rayonnements ultrasonores (de fréquence de l’ordre du mégahertz) qu’on enregistre dans ce cas sur des couches sensibles spéciales. Enfin, en combinant la technique holographique avec le procédé Lippmann – interférentiel* lui aussi – de photographie en couleur, on réalise des hologrammes donnant des images non seulement en relief, mais aussi en couleur. S.R. HORSFIELD Craigie photographe britannique (Grande-Bretagne 1949) Étudiant à la St Martin School de Londres en 1968, Horsfield part à Cracovie pour y étudier les arts graphiques. En 1979, il retourne à Londres. Ses premières expositions de photos datent de 1989 à Londres (Showroom), de 1990 à Paris (galerie Giovanna Minelli) et de 1991 à New York (galerie Barbara Gladstone). Ses références sont cinématographiques. Il se consacre exclusivement au noir et blanc. On ne peut constater, dans ses photos, un choix de sujets ou de thèmes spécifiques. L’oeuvre implique une dimension ontologique, autour de laquelle s’articulent ensemble le discours et l’image. Horsfield photographie ses proches, ses amis, sa famille, à l’intérieur de lieux qui lui sont connus. Les espaces demeurent souvent clos. Son travail de la lumière s’apparente avec celui des éclairages de scène. Par conséquent, certaines photos sont très contrastées, tout en développant des variations subtiles de valeurs, entre ombre et lumière. L’artiste livre une expérience de ses sujets qu’il qualifie de directe, d’immédiate. Celleci ne s’implique pas dans la réalisation technique mais dans le rapport entretenu vis-à-vis des modèles. Une importante exposition de Horsfield a été organisée par différents musées européens : en 1991 par l’I.C.A. de Londres, en 1992 par le Stedelijk Museum d’Amsterdam, le musée d’Art moderne de Saint-Étienne et par la Kunsthalle de Zurich. Horsfield est notamment représenté en France dans les collections du musée d’Art moderne de Saint-Étienne. S.C. HORST Horst Paul (Borhmann Horst, dit) photographe américain (Weissenfels, Allemagne, 1906) Après des études d’art à Hambourg et chez Le Corbusier en 1929 à Paris, Horst devient le modèle puis l’assistant du photographe G. Hoyningen-Huene*, chef des studios parisiens de Vogue*, dont il sera l’ami intime durant toute sa vie. Avec les encouragements de ce dernier et du direcdownloadModeText.vue.download 280 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 280 teur de Vogue, Horst se met à la photographie. En 1932 débute une longue collaboration avec le groupe Condé Nast. À partir de 1935, il remplace Hoyningen-Huene, débauché par Harper’s Bazaar. Avec un raffinement inné, Horst évolue dans les cercles très privés de la mode, des arts et de la littérature. Ses photos de mode et ses portraits évoquent fidèlement l’esprit des années 1930. En 1939, il s’installe définitivement aux États-Unis. Les images de Horst, qui est influencé par E. Steichen* et proche du classicisme de Hoyningen-Huene sans en avoir l’extrême rigueur, se distinguent toutefois par un côté théâtral (constructions architectoniques ; éclairages plus dramatiques et clair-obscur ; poses plus complexes induites par une observation attentive de la danse), un humour certain et des références éclectiques à l’histoire de l’art, de sorte que, chez Horst, « l’ordre néoclassique vit en parfaite harmonie avec l’imagination baroque ». L’image qu’il donne de la femme est pleine de sensibilité et de grâce. Horst complète son oeuvre par des nus, des natures mortes, des intérieurs et des commandes publicitaires. En 1984, l’International Center of Photography de New York organise une rétrospective itinérante de son oeuvre. Ses photographies sont notamment présentes à New York (Metropolitan Museum) et à Paris (M.N.A.M.). N.C. HORVAT Frank photographe italien (Abbazia 1928) Horvat est né dans une petite ville de la côte adriatique, italienne à l’époque, qui deviendra yougoslave en 1945 et est aujourd’hui croate. Cosmopolite par son expérience personnelle, intellectuelle et artistique, il vit aujourd’hui en France. De 1952 à 1956, il travaille pour Life*, Picture Post, Paris-Match. Il se tourne vers la mode en 1956 et travaille pour le Jardin des modes. Cela ne l’empêche cependant pas de participer en 1955 à la grande exposition The Family of Man*, au M.O.M.A. de New York. Il fait évoluer la façon de concevoir la photographie de mode en l’allégeant de toutes les précautions d’habillage, de maquillage, de décor, et en la bousculant surtout dans sa structure d’image figée. Il est ainsi à l’origine de la grande vogue de la photographie de mode spontanée. Elle, Vogue*, Harper’s Bazaar* lui demandent de leur apporter ce souffle d’élégance et de légèreté qui caractérise son travail, remarquable par ses mises en scène. De 1958 à 1961, il est membre associé à l’agence Magnum*. En 1988, l’exposition et le livre Côté moda sont, selon ses mots mêmes « à la fois une petite consécration et la conclusion d’un chapitre ». Depuis, il se consacre tout autant à l’innovation par les moyens informatiques qu’à l’écriture sur la photographie. Son dernier travail sur l’image numérique révolutionne l’idée d’image et d’écriture photographiques, proposant une oeuvre qui se situe dans la lignée du paysage « naturaliste », tout en révélant son appartenance au paysage mental. En 1990, il participe à Fotofest à Houston avec une exposition, Vraisemblances. Le livre Entre vues (Paris, 1990), organisé autour d’interviews de quelques grands noms de la photographie (M. Giacomelli*, R. Doisneau*, M. Riboud*, S. Moon*, etc.), est l’une des plus intéressantes mises au point sur les questions centrales de la pratique photographique. Il publie son travail photographique exhaustif sur la sculpture de Degas (les Sculptures de Degas, Paris, 1991) et Arbres (Paris, 1994). S.T. downloadModeText.vue.download 281 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 281 HOSOE Eikoh photographe japonais (Yonezawa, Yamagata, 1933) Après des études au Tokyo College of Photography, Hosoe fait ses débuts en 1956 avec l’exposition personnelle American Girls in Tokyo (Konishiroku Photo Gallery, Tokyo). Entre 1957 et 1959, il participe tous les ans à l’exposition-manifeste de la nouvelle conception photographique Juninno-Me (« les Yeux des Dix »), dont font partie les photographes I. Narahara*, S. Tomatsu*, Y. Ishimito* et le critique Tatsuo Fukushima. En 1959, six membres de ce groupe (dont Hosoe, Tomatsu, Narahara) fondent l’agence Vivo, qui fait date dans la création photographique japonaise. Hosoe établit son style avec la série Man and Woman, exposée en 1960 à la Konishiroku Photo Gallery (publication en 1961, Camera Art, Tokyo). Les photographies vigoureuses des corps de danseurs révèlent leur énergie profonde. Cette tentative de dépasser l’esthétique et l’érotisme du nu conventionnel s’affirme dans la série Embrace publiée en 1971 (Shashin-hyoronsha, Tokyo). Hosoe publie en 1963, avec l’écrivain Yukio Mishima pour modèle, Ordeal by Roses (Shueisha, Tokyo), dans lequel il déroule un univers baroque, voire même grotesque. Dans Kamaitachi, une série narrative publiée en 1969 (Gendai-shichosha, Tokyo) et inspirée d’un conte folklorique et de sa propre mémoire, il collabore avec le danseur Tatsumi Hijikata (fondateur du buto, danse contemporaine japonaise). Depuis les années 1970, il poursuit un travail consacré aux architectures de Gaudí. En France, l’oeuvre de Hosoe est exposée en 1982 au musée d’Art moderne de la Ville de Paris (Eikoh Hosoe 1960-1980), et en 1986 au Centre Georges-Pompidou (Japon des avantgardes 1910-1970, catalogue édité par le M.N.A.M.). T.O. HOYNINGEN-HUENE George photographe américain d’origine russe (Saint-Pétersbourg 1900 - Los Angeles 1968) Le style des photographies de mode de Hoyningen-Huene, particulièrement la série des vêtements de sport et costumes de bains, sans doute la plus remarquable, représente « la quintessence de l’élégance fonctionnelle du début des années 1930 ». Son oeuvre est profondément révélatrice de son éducation d’aristocrate russe, de son séjour parisien (1920-1935) et de son admiration pour les images de E. Steichen*. Après des études de peinture chez André Lhote et quelques petits métiers, dont celui de figurant pour le cinéma, Hoyningen-Huene est engagé comme illustrateur par le Vogue* français en 1925. Il devient rapidement photographe puis chef des studios parisiens dès 1926. En 1935 débute une collaboration de dix années avec Harper’s Bazaar*. En symbiose avec l’esprit de Grès ou de Vionnet, les images d’Hoyningen-Huene célèbrent la beauté selon l’idéal classique antique et le culte des corps bronzés en vogue dans l’entre-deux-guerres. Dans ses prises de vue, il opte le plus souvent pour un éclairage naturel et un nombre réduit d’accessoires. La composition très étudiée de ses clichés révèle une parfaite assimilation des conceptions plastiques de l’avant-garde, reconsidérées par les Arts déco. À partir de 1946, il se désintéresse de la photographie de mode, s’établit à Los Angeles et enseigne la photographie à l’Art Center School. Une rétrospective de son oeuvre, organisée en 1980 par l’In- ternational Center of Photography à New downloadModeText.vue.download 282 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 282 York, voyage à travers les États-Unis et l’Europe. N.C. HUBERT architecte et photographe français (? - 1839) Architecte de formation, il joue un rôle dans les premiers temps de la photographie auprès de L.J.M. Daguerre*, dont il est l’assistant. Il l’aide dans le franchissement d’étapes techniques. Il s’intéresse particulièrement à la photographie sur papier, qu’il compare à celle sur plaque de métal, évaluant dans sa publication posthume, éditée chez Giroux et Lerebours (le Daguerréotype considéré sous un point de vue artistique, mécanique et pittoresque, par un amateur, 1840), les particularités de chacune des techniques. Il livre ses observations sur les conséquences des irrégularités que provoquent les fibres du papier. Parmi les images qu’il laisse, il en est une, Cabinet de curiosités, un daguerréotype* montré par F. Arago* à l’Académie des sciences le 28 octobre 1839, qui révèle une préoccupation esthétique marquée. C.B. HUEBLER Douglas ar tiste américain (Ann Arbor, Michigan, 1924) Après avoir suivi une brève formation picturale à l’Académie Julian (Paris, 1948), puis les cours de la Cleveland School of Art et de l’université de Michigan, Huebler abandonne dès 1962 la peinture, puis la sculpture vers 1966 pour se rallier au courant conceptuel aux côtés de J. Kosuth* et de Lawrence Wiener. Il adopte alors la cartographie comme modèle conceptuel où la photographie prend une place documentaire prépondérante. « Parce que mon travail se situe au-delà de l’expérience perceptive, nous dit l’artiste, sa connaissance dépend d’un système de documentation. » À partir de 1968, Huebler entame une triple série de travaux traitant d’une action anodine dans un lieu spécifique (Location Pieces), d’une mesure arbitraire du temps (Duration Pieces) ou d’un enregistrement pseudo-sociologique d’une expérience relationnelle (Variable Pieces). Ainsi, dans Variable Piece no 39 (1969), il réalise une série de 21 photographies prises devant l’écran d’une télévision lors d’une retransmission du film King Kong, puis mélangées à d’autres clichés, sélectionnés a posteriori pour leur lien avec un concept commençant par la lettre « k ». L’artiste introduit ainsi dans chacune de ses oeuvres une règle arbitraire venant suppléer à l’insuffisance descriptive et signifiante de la photographie séquentielle. Il se refuse cependant à intégrer à ce programme tout parti pris formaliste dans la présentation de ses photographies en s’imposant un ensemble de procédures qui nient toute détermination esthétisante du cliché. Dans Location Piece no 13, Huebler réalise dans les colonnes d’un journal local, The Haverhill Gazette, un photoreportage sur un grand défilé pacifiste (la « Horde de Haverhill »). Le caractère documentaire de la photographie revêt alors un caractère littéral. Plus récemment, avec la série des Crocodiles Tiers, l’artiste associe, sous forme de triptyques, photographie, bande dessinée et peinture. Ces différents registres culturels s’entrecroisent pour donner sens à une histoire que le spectateur peut reconstituer au gré de sa fantaisie personnelle. Les oeuvres de Huebler sont présentes dans de nombreuses collections publiques, notamment au M.O.M.A. de downloadModeText.vue.download 283 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 283 New York, à la Tate Gallery de Londres et au M.N.A.M. de Paris. P.L.R. HUGO Charles-Victor et Victor, et VACQUERIE Auguste journaliste et écrivains français (Paris 1826 - Bordeaux 1871, Besançon 1802 - Paris 1885 et Villequier 1819 - ? 1895) À la suite du coup d’État de Napoléon III le 2 décembre 1851, Victor Hugo, qui exprime publiquement son opposition, est contraint à l’exil, d’abord à Bruxelles puis sur l’île de Jersey, où il reste de 1852 à 1855. Ses enfants, dont Charles-Victor (sorti récemment de la Conciergerie, où il était emprisonné à la suite d’un article contre la peine de mort), sa femme et Auguste Vacquerie, son ami depuis 1836, s’y retrouvent avec lui. C’est là qu’ils vont élaborer le projet d’un album sur les îles Anglo-Normandes, comportant textes (vers de Victor, prose de ses deux fils et de Vacquerie), dessins de Victor et photographies de Charles. Celui-ci va passer deux semaines chez un ami photographe (E. Bacot*) à Caen pour apprendre la technique, qu’il enseigne à son tour à Vacquerie. Installés dans la maison Marine-Terrace, ils aménagent un laboratoire dans une serre. Charles commence à photographier son père, qui prend visiblement plaisir à poser et à choisir des lieux grandioses où se mettre en scène : Victor Hugo sur le rocher des Proscrits (1853), où le poète, petite silhouette assise au sommet de la masse sombre du roc, se détache sur le ciel, est une parfaite illustration du sentiment du sublime si en vogue à l’époque, et que lui-même cherchait à provoquer dans ses textes. Une autre photographie montre Vacquerie et le même rocher, mais lui est assis tout en bas, dans un creux de la pierre, se fondant à elle au point d’être presque invisible... Il a la main posée sur le front, dans l’attitude grave du penseur soucieux, que l’on retrouve aussi chez Victor Hugo dans certains clichés, mais toujours associée à une expression déterminée. Ce dernier, de toute évidence, s’il n’opérait pas lui-même de prise de vue, dirigeait les opérations, allant probablement jusqu’à vérifier les cadrages. De même, c’est à son esprit inventif que l’on doit l’étonnant montage qui mêle une photographie le représentant dans le rocher des Proscrits à des dessins photogéniques de feuilles et de lettres formant son nom et « Jersey 1853 ». Lui qui aimait l’intensité des bruns et des noirs de l’encre travaillait très souvent les clairs-obscurs et s’intéressait à cette époque-là au pochoir (autre forme de négatif/positif...) et ne pouvait qu’être séduit par la photographie. Il s’inspire d’ailleurs d’un des clichés (représentant une chapelle en ruine, l’Abbaye du château Sainte-Éli- sabeth) pour réaliser un pochoir. CharlesVictor, en revanche, n’est guère satisfait des résultats qu’il obtient et ne réalise qu’une partie du travail documentaire prévu : des paysages de côte et de rochers dont certaines vues sont assez impressionnantes, comme le Dicq (rangée de troncs de bois mort plantés pour arrêter la mer). Vacquerie, lui aussi, semble plus à l’aise dans les portraits que dans les paysages, dont il produit cependant de petites épreuves sous forme de vignettes. Il fait surtout des clichés de la famille Hugo (dont quelques groupes) et d’amis en visite. Parmi ses nombreuses photographies représentant Adèle, la femme de Victor, une la montre debout devant une porte-fenêtre, enveloppée d’un grand drapé, dans une ambiance nocturne, un livre ouvert à la main. Malheureusement, l’ouvrage prévu, Jersey et les îles de la Manche, annoncé dans la revue la Lumière, ne voit pas le jour, et les photographies (une centaine au total, downloadModeText.vue.download 284 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 284 négatifs verre au collodion* [parfois à l’albumine*], quelques négatifs papier de Vacquerie, tirages au papier salé pour la plupart) sont disséminées dans divers albums. En 1905, P. Gruyer publie Victor Hugo photographe et, en 1985, l’exposition Victor Hugo et la photographie est organisée au musée d’Orsay, à Paris. Ch.B. HUMANISME ET PHOTOGRAPHIE (1930-1960) Image des hommes et de la trace qu’ils laissent, la photographie dite « humaniste » est l’oeuvre de photographes qui croient en la dignité inaliénable de la personne et veulent témoigner en sa faveur partout où menacent la misère et la mort. Certes, la démarche humaniste, sous des formes variées, est l’un des aspects, permanent, de la photographie ; mais dans la période 1930-1960 elle se fait dominante, au point de désigner habituellement ce moment de l’histoire. Vers 1930, le pictorialisme* marque encore la photographie courante d’un « flou » artificiel. Après les audacieuses manipulations des avantgardes surréalistes, la photographie est revenue au réel, retrouvant sa spécificité : la précision. Elle épouse alors l’esprit du temps : elle se tourne vers l’homme. Tandis que la Grande Crise s’abat sur les classes laborieuses, un immense élan de générosité entraîne les élites intellectuelles, littéraires, artistiques aux côtés de ceux qui mènent le combat, social et politique, pour une société plus juste. Les photographes se donnent pour mission de témoigner pour les plus démunis. Un support s’offre à eux : la presse et l’édition qui, vers 1930, s’ouvrent massivement à la photographie. L’essor des magazines, né en Allemagne, s’étend à l’Europe, triomphe aux ÉtatsUnis avec Life* (1936). Une profession se crée : reporter illustrateur. Désormais, les appareils maniables – Leica, Rolleiflex... – peuvent fixer la vie. L’intention politique est précise aux ÉtatsUnis, où les photographes, mandatés officiellement par la Farm Security Administration, présentent les ravages de la crise sur une société rurale où chacun porte dignement sa misère. En Europe, l’engagement social fait place à un « réalisme poétique » qui montre les personnes dans leur vie quotidienne. A. Kertész*, le premier, donne de telles images à la presse. F. Kollar*, dans sa grande enquête La France travaille, présente les Français dans le geste noble de leur métier (1931-1934). L’intérêt humain caractérise encore B. Brandt* en Grande-Bretagne, Brassai* en France et certains photographes de l’Est, qui, tel R. Vishniac, échappent à la pure idéologie. La guerre meurtrière, suivie de l’angoisse atomique, n’est pas une rupture. Mais l’attention portée à l’homme prend une dimension plus internationale. Les grands reporters d’avant-guerre, R. Capa*, Chim*, G. Rodger*, H. Cartier-Bresson*, rejoints par W. Bishof*, E. Boubat*, M. Riboud* et surtout E. Smith*, dont l’oeuvre est un symbole, partent à travers le monde pour Life*, Réalités*, Paris-Match, etc. Une sympathie profonde les anime pour chaque représentant du genre humain. D’autres continuent de photographier leurs semblables à leur porte, sur les lieux de la vie populaire, dans les rues de la ville en une marche inlassable. En France, ce sont R. Doisneau*, W. Ronis*, Izis*, Séeberger*, L. Stettner* et tant d’autres, souvent membres du groupe des XV. Le sujet – l’homme –, l’émotion qu’il inspire sont ici premiers. Instrument, devenu instinctif, l’art est pourtant présent dans la composition. Souvent, un cadrage large, parfois en plongée, présente les êtres dans downloadModeText.vue.download 285 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 285 leur environnement, gage d’authenticité. Parfois aussi, dans un plan rapproché, les personnes sont saisies au naturel, à hauteur de regard, reflet de l’âme. Les tirages sont doux, faits pour l’édition. Le marché de l’épreuve n’existant pas, les livres d’auteurs sont des symboles : Paris la nuit de Brassaï (1936), la Cité nue de Weegee (1936), Images à la sauvette de CartierBresson, etc. Destinée à la page imprimée, la photographie humaniste, concurrente de l’écrit, tend à se faire langage, à la portée de tous, propre à instaurer une fraternité universelle. Elle triomphe en 1955 dans la grande exposition internationale présentée à New York par E. Steichen*, The Family of Man*. En 1992, la photographie humaniste en France a fait l’objet d’une exposition à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris et d’un livre. M.T. HUMBERT DE MOLARD Louis Adolphe photographe français (Paris 1800 - id. 1874) Parisien d’origine, Molard fait des études de droit puis aide son oncle L.M.A. Robillard d’Argentelle au Carporama (reproduction en cire colorée, grandeur nature, de fruits et de fleurs rapportés de l’île Maurice), qu’il acquiert et conserve à partir de 1828 puis vend en 1853 au Jardin des Plantes de Paris. Est-ce chez H. Bayard*, vers 1840, qu’il s’initie à la photographie ? En 1843, il s’y adonne à Lagny et pratique alors couramment la calotypie*, sans cesser la daguerréotypie*. Il construit en 1845 une coulisse qui permet à la plaque de se substituer à l’écran et la présente à l’opticien Chevalier. Vers 1848, il commence à utiliser l’albumine* sur verre et le procédé à l’albumine rapide. Il invente un nouveau type de soufflet pour la chambre noire, qu’il présente à la Société d’encouragement. En 1850, il fait connaître son procédé à l’argent liquide et collabore avec Niépce* de Saint-Victor à l’élaboration de la photographie à l’albumine sur verre. Membre fondateur de la Société* française de photographie en 1854, il tient une place active, exposant et publiant beaucoup, rédigeant des critiques des manifestations internationales de photographie. Il assiste aux premiers pas du négatif au collodion et, en 1856, réalise des essais d’instantanés avec Dubois de Néhaut. En 1859, il construit de nouveaux systèmes de soufflets pour chambre noire et, en 1861, travaille à la construction d’un stéréoscope. Il présente des exemples de vernis colorés réalisés avec Briois en 1864. Technicien de grande valeur, il est un jalon important dans les premiers temps de la photographie et compte parmi les inventeurs de la photographie de genre. Ses mises en scène rustiques, conçues comme des tableaux vivants, sont inspirées des scènes de genre hollandaises ou flamandes peintes au XVIIe siècle. Il est à rattacher, comme son confrère et ami A. de Brebisson*, au groupe des primitifs de la photographie de l’école normande. C.B. HURLEY James Francis photographe australien (Sydney 1890 - 1965) Ouvrier dans une fonderie, Hurley apprend la photographie en autodidacte. En 1906, il rejoint l’atelier de son père, spécialisé dans l’impression de cartes postales. En 1910, il fonde, avec Norman Deck et Henri Mallard, le Ashfield District Camera Club et s’installe dans son propre atelier. En 1911, Hurley est membre de la Photographic Society of New South Wales. downloadModeText.vue.download 286 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 286 Engagé comme photographe pour les chemins de fer, il est le premier à saisir des trains en pleine vitesse. En 1911, nommé photographe officiel de l’expédition de sir Douglas Mawson – la première expédition australienne en Antarctique –, il accomplit son rêve d’aventure. Ses travaux sont publiés dans The Home of the Blizzard (1913). Sa notoriété de photographe est alors établie, et il l’alimente par de nombreuses conférences. De retour à Sydney, Hurley participe à une expédition en voiture dans le Queensland et le Territoiredu-Nord avec Francis Birtles. Ce dernier l’envoie ensuite en Amérique du Sud rejoindre l’expédition en Antarctique de sir Ernest Shackleton. De retour à Londres en 1916, le photographe rejoint les forces d’infanterie australiennes, où il réalise de nombreux clichés de guerre. Il participe à bien d’autres expéditions en Antarctique. En 1934, il retourne en Australie et travaille comme éditeur pour le journal The Sun. Hurley mène également une activité de réalisateur de films documentaires. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est photographe de guerre dans le MoyenOrient. Son style est influencé par le pictorialisme*. Son oeuvre est représentée dans de nombreuses collections, notamment à Canberra (National Gallery). M.C. HURREL George photographe américain (Cincinnati 1904 - Hollywood 1992) En quittant sa ville natale, Hurrel suit des cours d’arts graphiques à Chicago. Puis il exerce la profession d’assistant photographe portraitiste, avant de s’installer à Los Angeles en 1927. Introduit dans le milieu du cinéma, il en devient vite le photographe fétiche. D’abord sous contrat avec la Metro Goldwin Meyer, il photographie les stars comme Greta Garbo, Joan Crawford, Robert Taylor ou Clark Gable. En 1932, il ouvre un studio sur Sunsetstrip et se fait engager par la Twentieth Century Fox avant de rejoindre la Warner. Après la Seconde Guerre mondiale, c’est la Columbia qui fait appel à son talent jusqu’en 1954. En près de trente ans, il a vu défiler dans son studio toutes les stars du cinéma américain. Toutes ses photographies véhiculent une image « glamour » de la société hollywoodienne ; Bette Davis disait de lui : « Il embellit ses modèles, les magnifie... il les prend tous au piège de ses éclairages irréalistes, il les transforme en mythes. » En 1965, il participe à l’exposition Glamour Poses au M.O.M.A. de New York. En 1977, la publication de The Hurrel Style puis, en 1979, d’un portfolio de tirages originaux attire une nouvelle génération dans son studio, comme Grace Jones, Brook Shields ou David Bowie. Son style n’a pratiquement pas varié tout au long de sa carrière. Ses prises de vue sont toujours effectuées en musique sur fond noir et les négatifs sont fortement retouchés. S.M. HYDE Scott photographe américain (Montevideo 1926) De 1947 à 1949, tout en étudiant à l’Art Students League à New York, il travaille pour Condé Nast Publications, qu’il quitte pour s’installer en indépendant en 1950. Son travail explore la relation entre un sujet et son image photographique : ainsi, Hyde réalise un montage d’une carte postale datant de 1917, superposée au même paysage en 1968 (1917 Penny Bridge and County Road, Stony Point, 1968, New York, Witkin Gallery). Il fait de la photolithographie pour travailler en couleur sans avoir downloadModeText.vue.download 287 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 287 recours au film couleur. Partant de photographies en noir et blanc, Hyde transfère les images sur du film trait et les imprime en couleur à partir de plaques d’aluminium destinées à la lithographie en offset. Il est d’ailleurs considéré comme l’un des pionniers de cette technique. Il est notamment représenté à New York (M.O.M.A. et au M.E.T.), à Rochester (George Eastman House), à Paris (B.N.). M.C. downloadModeText.vue.download 288 sur 634 288 I ICHAC Pierre photographe français (Paris 1901 - id. 1978) Ingénieur diplômé de l’Institut national agronomique, Ichac est à la fois écrivain, cinéaste, chroniqueur et critique. En 19301931, son reportage sur le Hoggar, publié dans Vu*, le révèle au public. Il voyage alors dans de nombreux pays d’Afrique. En 1935, il est cinéaste et photographe de l’expédition française du Hoggar. De 1935 à 1940, engagé par le journal l’Illustration, il réalise de nombreux reportages. Dès 1939-1940, il est correspondant de guerre. À partir de 1945, il est engagé au Monde illustré et journaliste à la Radio française. Ses photographies sont alors publiées dans de nombreux magazines, en Europe et aux États-Unis. En 1952, il entre au groupe des XV et obtient le prix Maurice Bourdet en 1958, ainsi que le prix Pierre Mille en 1961. En 1973, il réalise encore des missions scientifiques pour le C.N.R.S. en Afrique. Il meurt à Paris en 1978. Son oeuvre a été montrée en 1982 lors d’une exposition sur le groupe des XV à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. S.B. IGNATOVITCH Boris Vsevolodovitch photographe russe (Loutzk 1899 - Moscou 1976) Après des études secondaires à Loutzk, en Ukraine, Ignatovitch travaille en 1918 comme journaliste à Severo Donetszki Kommunist et à la Krasnaïa Svezda. Il dirige, de 1922 à 1925, la rédaction de journaux humoristiques à Leningrad et travaille en collaboration avec Maiakovski et Boulgakov. Il découvre la photographie en 1923 sous l’influence de son maître A. Rodtchenko* qui lui transmet les bases de son art : la contre-plongée, le cadrage dynamique, le grand plan. Il s’installe en 1926 à Moscou, où il dirige l’Association des photoreporters à la Maison de downloadModeText.vue.download 289 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 289 la presse, et devient rédacteur en chef du journal Bednota. Il organise avec Rodtchenko le premier groupe de photographes Oktiabr, dont il prend la tête en 1928, mais qui sera dissous en avril 1932 par décret gouvernemental. Il collabore aux journaux Ogonek, Prozhektor, Krasnaïa Niva. En 1929 et 1930, il réalise des séries de clichés consacrées aux nouvelles constructions et destinées aux revues Dajes et l’U.R.S.S. en construction. Parallèlement, il tourne des documentaires dont Aujourd’hui (d’après le scénario d’Esfir Choub). De 1933 à 1941, il dirige l’illustration du journal Vetchemaïa Moskva. Les qualités esthétiques de ses photographies, leur précision graphique et rythmique sont le reflet d’une époque d’industrialisation qu’il exalte à travers l’image de l’homme allié à la technique. Il est aussi le premier photographe à réaliser des vues aériennes. De 1937 à 1941, il collabore à la revue Moscou en reconstruction et, pendant la guerre, il est reporter au journal de la 30e armée, Boïevoïe znamia. Il travaille ensuite à l’agence Soyuzfoto, devenant le pionnier de la théorie du « collectivisme » en photojournalisme*. Il forme la « brigade Ignatovitch », avec sa femme et sa soeur. L’individu y est supprimé au profit du groupe, et les photographes signent « brigade Ignatovitch ». Après la guerre, il se consacre au paysage et au portrait, et s’intéresse tout particulièrement à la photographie couleur. L’oeuvre d’Ignatovitch est représentée dans les collections de musées américains (Austin, University of Texas) et à Moscou (musée des Beaux-Arts Pouchkine). V.E. IGNATOVITCH Elisabeth Alexandrovna photographe russe (active dans les années 1930) Épouse de Boris Ignatovitch, Elisabeth travaille avec son mari et sa belle-soeur, Olga Vsevolodovna Ignatovitch, dans le groupe de photographes dirigés par Boris. En accord avec les règles de l’époque, qui tendaient à supprimer tout signe d’individualisme, les photographes du groupe signent leur travail de la mention « brigade Ignatovitch ». Le groupe d’Ignatovitch travaille particulièrement pour l’agence Soyuzfoto. Ses photographes présentent et publient collectivement leurs oeuvres lors de la première exposition ukrainienne de 1936. À cette occasion, A. Rodtchenko* critique violemment la manifestation et accuse surtout Elisabeth de soumission au chef de cette entreprise collective. Portraitiste de talent, subissant l’influence de Rodtchenko, elle utilise l’agrandissement, cadre les visages sur toute la surface de l’image, mettant ainsi en valeur expression et émotion des sujets. Abandonnant la composition traditionnelle, Ignatovitch transmet dynamisme et symbolisme, et renouvelle ainsi le contenu des photographies reproduites dans la presse. V.E. IMAGE NUMÉRIQUE ET PHOTOGRAPHIE La technologie numérique peut être appliquée à deux phases du processus photographique : la prise de vue et la retouche. En fait, il s’agit de technologies distinctes, employant des appareils différents, dans des buts différents. L’une peut être utilisée sans l’autre. downloadModeText.vue.download 290 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 290 Prise de vue Une image, captée par un système optique traditionnel, est enregistrée sur un support numérique, au lieu de l’argentique (photographie traditionnelle) ou du magnétique (vidéo). De tels appareils sont déjà commercialisés, mais ils donnent encore des sensibilités et des résolutions inférieures à l’argentique. Ils peuvent servir à des reporters ou à des photographes publicitaires, pour transmettre leurs images « en temps réel », c’est-à-dire au fur et à mesure qu’elles sont produites. Les supports numériques à venir seront sans doute plus résolvants et plus sensibles. On peut imaginer des appareils de prise de vue miniaturisés, avec des objectifs grands-angulaires fixes, utilisables avec peu d’éclairage et donnant des images nettes à toute distance et dont n’importe quelle partie pourrait être recadrée pour des effets de téléobjectif. Ce serait la fin de beaucoup de contraintes actuelles, mais aussi la fin de la photographie que nous connaissons. Retouche numérique Une image numérique (ou une image argentique numérisée par un scanner) est constituée par des points (pixels), définis par leur position sur des axes orthogonaux et par un paramètre de luminosité, compris entre 0 (noir) et 255 (blanc). Pour une image couleur, les paramètres sont trois, respectivement pour le rouge, le vert et le bleu. La retouche numérique est le traitement de ces informations par un ordinateur, à l’aide d’un logiciel de retouche qui traduit les desiderata d’un opérateur (par ex. : « densité 10 p. 100 plus clair ») en calculs numériques. L’image apparaît modifiée sur l’écran et peut être mise en mémoire ou reproduite sur un support opaque (par imprimante) ou transparent (par imageur). En fait, le mot « retouche », utilisé par analogie avec les pratiques traditionnelles, ne traduit pas l’ampleur des possibilités informatiques : – modifications de densité et de contraste ; – modifications de la balance et de la saturation des couleurs ; – transformations géométriques (inversion, rotation, homothétie, accentuation de perspective, etc.) ; – filtrage informatique (plus net, plus flou, effet de « bougé », etc.) ; – déplacement d’éléments à l’intérieur de l’image, ou d’une image à l’autre. Ces manipulations peuvent être pratiquées sur les trois couleurs ou sur une seule, sur toute la surface de l’image ou sur une partie. (Dans ce dernier cas, le périmètre « sélectionné » peut être délimité au pixel près, avec un dégradé plus ou moins progressif.) En théorie, toutes ces opérations pour- raient aussi bien être réalisées par des procédés optiques, chimiques ou manuels. L’ordinateur n’invente aucune information photographique. Aucun logiciel ne saurait montrer le profil d’un personnage vu de face, ni même changer la direction d’un éclairage (sauf pour des objets simples, qui sont susceptibles d’une description mathématique). Pourtant, il est certain que, dans la pratique, l’ordinateur transformera l’exercice de la photographie. Il permet des manipulations rapides, précises et réversibles, encourageant les photographes à des expériences qu’ils n’auraient pas tentées avec les techniques traditionnelles. Conséquences des technologies numériques Déontologie : la possibilité de retouches numériques met en question la crédibilité de la photographie en tant que témoignage, et cela préoccupe particulièrement les photojournalistes. On pourrait leur répondre que le témoignage photographique downloadModeText.vue.download 291 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 291 a toujours été subjectif, ne fut-ce que par le choix d’un « instant décisif » et d’un angle de prise de vue (sans parler des manipulations ultérieures) ; que la crédibilité d’un témoignage vient moins de la technique que de la fiabilité du témoin ; qu’un photomontage peut être aussi fidèle à la réalité qu’un texte écrit qui « télescoperait » plusieurs épisodes. (À condition, bien sûr, que le public soit conscient du procédé et apprenne à regarder les images avec une saine méfiance – ce qui paraît désirable de toute manière.) Esthétique : les retouches « classiques » (correction de densité, de contraste, de balance de couleur, élimination de détails gênants, recadrage) ne posent pas de problèmes nouveaux : les photographes les ont pratiquées depuis les débuts de la photographie et certains puristes les ont toujours questionnées. Il en va autrement pour les déplacements d’éléments, soit à l’intérieur d’une image, soit d’une image à l’autre. Contrairement au photomon- tage « classique », facilement reconnaissable comme tel, un montage informatique, réalisé par un opérateur expert, ne peut pas toujours être distingué d’une « vraie photo ». C’est ce qui conduit de nombreux photographes à se demander : « Est-ce encore de la photographie ? » Si l’on s’en tient à la thèse de l’« instant décisif » de H. Cartier-Bresson*, ou à la définition de R. Barthes*, « le noème de la photographie est : ça a été », la réponse sera négative. D’autre part, il faut reconnaître que les définitions des arts ont évolué avec les cultures et les techniques : Léonard de Vinci n’aurait pas reconnu les Demoiselles d’Avignon comme de la peinture. L’arrivée du numérique pourrait nous amener à élargir le concept de « photographie », pour y inclure des images relevant de plusieurs « instants décisifs », dont le plus décisif serait celui où l’auteur réunit les différentes composantes sur son écran. Jurisprudence : on peut aujourd’hui saisir une partie d’image à partir d’un écran de télévision, d’un livre ou d’un magazine, la modifier et l’insérer dans une autre image. Les problèmes juridiques sont évidents – mais pas nouveaux : les musiciens en connaissent d’équivalents depuis quelques décennies. On semble s’orienter vers la constitution de sociétés d’auteurs qui contrôleraient les publications et percevraient les droits. Il faut espérer que l’informatique, qui a contribué à créer ces difficultés, contribuera aussi à les aplanir. Industrie, commerce et publicité : non seulement les produits, mais aussi les professions liées à la photographie se trouveront modifiées. Par exemple : – certaines prises de vue de mode* et de publicité*, impliquant l’utilisation de modèles, d’accessoires et de décors, pourront être réalisées partiellement par des montages ; – les « tirages d’auteur », comportant des corrections et des retouches plus ou moins complexes, seront réalisés une fois pour toutes, par le photographe ou sous sa direction, et mis en mémoire ; – le fichier informatique pourra être livré directement à l’imprimerie, sans intervention du photograveur ; – etc. Archivage : pour le moment, les CD constituent la méthode d’archivage la plus sûre et la plus économique. Ils sont néanmoins périssables, et seront sans doute remplacés par des technologies encore plus efficaces. Mais, quoi qu’il en soit, la série de chiffres représentant l’image pourra être reproduite sur des supports différents, entreposés en des lieux éloignés les uns des autres et régénérée périodiquement. En somme, une photographie pourra être conservée aussi longtemps que des hommes en auront le désir et les moyens – exactement downloadModeText.vue.download 292 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 292 comme un texte littéraire ou une partition de musique. Accessoirement, cela pose le problème de la valeur d’une photographie en tant qu’objet de collection : il est probable qu’une reproduction informatique – même de bonne qualité – n’aura pas plus de valeur vénale qu’un livre. Les collectionneurs s’intéressent de préférence aux tirages préinformatiques, aux éditions originales, etc. Le musée informatique : dans un avenir assez proche, les photothèques seront reliées au réseau des télécommunications et ouvertes à la consultation à distance. La richesse de possibilités que cela représente ne sera limitée que par des embouteillages éventuels – et par les capacités réceptives des utilisateurs. Limites de la photographie numérique : il existe certainement des formes de photographie auxquelles l’informatique ne peut contribuer (par exemple, le portrait instantané). On peut imaginer que, parallèlement à l’expansion de la photographie numérique, ces formes se dégageront comme « pure photographie », un peu comme la peinture du XIXe siècle, remplacée par la photographie dans ses servitudes utilitaires, a pu trouver un nouvel élan dans les recherches des impressionnistes. F.Ho. IMAGERIE MÉDICALE voir PHOTOGRAPHIE MÉDICALE INACTINIQUE Se dit d’un rayonnement ou d’un éclairage qui n’agit pas sur un récepteur. L’éclai- rage inactinique d’un laboratoire photographique n’impressionne pas les films sensibles. Filtre inactinique, filtre utilisé pour l’éclairage du laboratoire pendant les manipulations des surfaces sensibles, afin d’arrêter les radiations actiniques qui les voileraient. La couleur ou l’absorption du filtre dépendent de la sensibilité spectrale de la couche sensible à manipuler. S.R. INSOLATION Exposition à la lumière d’une préparation sensible, en particulier dans le cas de tirages sur papier très lent (ferrotypie* ou diazotypie). S.R. INSTANTANÉ D’une façon générale, la photographie instantanée s’oppose à la photographie mise en scène, qui, elle, est construite, composée. Mais sa définition n’est pas pour autant univoque. La notion d’« instantané » s’élabore tout au long de l’histoire de la photographie en même temps et en fonction des progrès de la technique : elle désigne davantage une pratique et un processus qu’un thème ou un genre. Dès 1841, A. Gaudin* parle de « vue instantanée », terme désignant une photographie qui capte en une fraction de seconde un sujet en action. Ici, l’instantané photographique se définit par rapport au temps de pose et à sa réduction ; celle-ci permettant de saisir des personnes en mouvement. Mais il faut attendre l’avènement du procédé négatif sur verre au collodion* (1851) pour que la notion d’instantané entre véritablement dans le champ de la photographie : c’est l’époque des scènes de rues (C. Nègre*, F.J. Petiot-Groffier), des choses en mouvement, comme l’eau (G. Le Gray*, R. MacPherson*), et des premiers reportages « sur le vif » (Le Gray au camp militaire de Châlons-sur-Marne). Ces images, parce que non construites (les personnages photographiés ne posent downloadModeText.vue.download 293 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 293 pas), sont considérées, à l’époque, comme de véritables « épreuves instantanées ». Les années 1860 voient, avec les vues stéréoscopiques, l’essor de l’instantané. De petit format, nécessitant un temps de pose plus court, ces images donnent accès à l’instantanéité proprement dite, c’està-dire à l’immobilité apparente de choses en mouvement. Avec les émulsions photographiques rapides à base de gélatinobromure, l’instantané comme véritable sujet d’étude photographique apparaît à la fin des années 1970 avec E.-J. Marey*, E. Muybridge* et la chronophotographie*. Dès lors, l’instantané se doit d’être tel qu’un sujet en mouvement apparaisse avec netteté sur l’épreuve ; cette netteté étant conditionnée par le temps d’ouverture de l’objectif (obturateur*). Enfin, avec le premier Kodak commercialisé en 1888, la photographie instantanée est à la portée de tous et ouvre un nouveau registre en représentant des sujets dans des postures inédites. L’instantané fin de siècle s’attache au domaine du cocasse, de l’inédit et de l’humour (J.-H. Lartigue*, J. Link...). Les années 1920 marquent une rupture dans le concept d’instantanéité en élaborant une nouvelle définition. L’instantané photographique n’est plus la capture d’un sujet en mouvement mais une image produite en un instant qui établit une nouvelle relation opérateur/sujet visé. Ce n’est plus l’instantané au niveau de la vitesse et de l’espace mais du point de vue du cadre, de la saisie dans le temps. Il ne s’agit plus de décomposer l’instant mais plutôt de rendre la « vie » sous sa forme permanente qu’est la continuité. Avec l’apparition d’appareils de petit format très maniables (Ermanox, Rolleiflex, Leica), l’instantané devient synonyme de temps suspendu, d’actualité, et l’image photographique se définit comme trace de l’instant fugitif. C’est surtout en Europe (Allemagne, Espagne, France) que se développe au départ la nouvelle « esthétique ». Le photographe se veut témoin de son temps et cherche « l’instant décisif », qu’il soit historique – les réunions interministérielles de E. Salomon*, les images de guerre de R. Capa* et de H. Cartier-Bresson*... – futile ou quotidien – la société allemande photographiée par F.H. Man* et F. Seidenstücker*, la vie parisienne de R. Doisneau*... Dans le prolongement de cette nouvelle acception, et en réaction à l’instantané « dix-neuviémiste », se forme aux États-Unis dans les années 1950 une pratique plus proche des sujets photographiés et qui utilise les « accidents » de la technique (flou, bougé, grain du papier...) comme nouveaux moyens d’expression. Après R. Frank* et W. Evans*, W. Klein* est l’un des pères de la nouvelle photographie instantanée en cherchant à faire apparaître le mouvement – du sujet, du photographe, de l’appareil – dans l’image. C’est la photographie « en train de se faire », l’image en direct qui accepte les données brutes de l’instantané. Le flou confirme l’aspect d’« image prise sur le vif » et prouve son caractère d’événement, d’image-témoin, attachée à l’instant qui passe. Aujourd’hui, avec le Polaroid*, c’est le processus complet de développement qui est instantané. Et le terme ajoute au regard du photographe dans le viseur celui du spectateur devant l’épreuve : c’est l’époque du « regard instantané ». F.He. INSTANTANÉE (photographie) Procédé de photographie utilisant un film comportant les produits de traitement et qui se développe automatiquement dès sa sortie de l’appareil de prise de vue. Les procédés de photographie instantanée donnent des images achromes ou polychromes obtenues par inversion-transfert. downloadModeText.vue.download 294 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 294 Premiers procédés En 1943, Edwin H. Land, fondateur de la société Polaroid* aux États-Unis, étudia un procédé de photographie donnant une épreuve quelques minutes après la prise de vue. Le principe du procédé, transfert de l’image de l’émulsion négative sur un support récepteur, avait été breveté dès 1940 en Belgique et en Allemagne. Les premiers films furent commercialisés en 1948 par Polaroid. Ils comportaient, et comportent toujours aujourd’hui, le négatif, le papier positif et les produits de développement. Dans l’appareil de prise de vue, le négatif est impressionné, comme pour n’importe quelle photographie. L’opérateur tire alors une languette, ce qui a pour effet d’entraî- ner, de la longueur d’une vue, le négatif et le papier. Ceux-ci sont ainsi assemblés en passant entre deux rouleaux de caoutchouc qui écrasent en même temps les sachets de produits de développement répartis en une mince pellicule entre le film et le papier. Le développement commence aussitôt avec formation de l’image négative et migration de l’image positive vers le papier. Au bout d’une dizaine de secondes, le processus est achevé et il ne reste qu’à séparer l’épreuve positive du négatif (film dit « à séparation du négatif »). En 1963 a été créé le Polacolor, premier procédé de photo instantanée en couleur par migration des colorants du négatif sur le positif. Procédés récents En 1972, Polaroid lançait le premier procédé de photo instantanée sans déchet, le SX70, où l’épreuve et le négatif restent scellés (film dit « intégral »). Le format le plus courant de ces films est de 76 × 76 mm. À la même époque, Kodak proposait un procédé similaire. En 1981 était commercialisé le Polaroid 600 utilisant un film couleur haute sensibilité de 600/29 ISO. La même année, Kodak annonçait le procédé Ektaflex, appliquant la photo instantanée aux tirages d’épreuves en laboratoire. (Le développement instantané élimine le traitement en cuvettes.) À la fin de 1982, Polaroid réalisait le Polachrome, premier procédé de diapositive instantanée pour appareils 24 × 36. Il existe un choix de cinq films (achromes ou polychromes) à développement instantané. Une fois le film retiré de l’appareil, il est chargé, en même temps que le kit de développement qui lui est associé, dans un petit développeur portatif manuel ou automatique. S.R. INTERFÉRENTIELLE (photographie) Procédé de photographie des couleurs, créé en 1891 par le physicien français G. Lippmann (1845-1921), qui restitue les couleurs à partir des plans d’interférence inscrits au sein d’une émulsion placée au contact du miroir formé par la surface d’un bain de mercure. La photographie interférentielle est considérée comme l’une des plus belles réalisations scientifiques en la matière, mais elle n’a débouché sur aucun procédé pratique. S.R. INVERSION Suite d’opérations permettant d’obtenir directement une image positive sur la couche sensible employée à la prise de vue. La vue étant prise, on développe dans un révélateur approprié, qui donne l’image négative, mais, au lieu de passer dans un bain de fixage, on élimine l’image négative par dissolution de l’argent réduit. Après rinçage, on expose la couche à la lumière blanche et on développe les sels d’argent restés intacts. Dans le cas de certains films en couleur, l’inversion est obtenue chimidownloadModeText.vue.download 295 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 295 quement lors du second développement, sans exposition à la lumière. Une émulsion destinée à donner une diapositive après inversion est dite « inversible » ; on la désigne aussi comme un inversible. S.R. IONESCO Irina photographe française (Paris 1935) Après une enfance vécue en Roumanie, Ionesco s’installe à Paris en 1946. À partir de 1951, elle est danseuse puis tombe malade en 1958 et se met à peindre. En 1965, on lui offre un boîtier reflex 24 × 36 pourvu d’un objectif 50 mm et, seule, elle apprend la photographie. Depuis 1970, elle expose régulièrement ses oeuvres ; en 1978, ses premières photos de mode paraissent dans Mode International. Influencée par la poésie décadente, les peintres symbolistes, André Breton, le cinéma hollywoodien et les tragédies grecques, elle met en scène son théâtre intérieur. Chez elle, dans un décor constitué d’objets trouvés aux puces, elle photographie des femmes, exclusivement, et sa fille Eva. Ainsi, dans un monde clos, Ionesco crée des images sophistiquées, érotiques et baroques qui célèbrent la féminité à la manière d’un objet de culte. Depuis 1979, elle réalise également des compositions d’objets qu’elle vient rapidement à traiter en couleur. En 1990, l’Espace photographique de la Ville de Paris lui consacre une exposition. N.C. ISHIMOTO Yasuhiro photographe japonais (San Francisco 1921) Né de parents japonais immigrés aux États-Unis, Ishimoto vient vivre au Japon en 1924 et retourne aux États-Unis en 1939. Après avoir été enfermé dans un camp d’internement dans le Colorado pendant la guerre, il étudie l’architecture à la North-Western University de Chicago (1946-1948), puis la photographie, avec H. Callahan* et A. Siskind*, au Chicago Institute of Design (1948-1952). En 1953, sa première exposition personnelle a lieu au Museum of Modern Art de New York, et il retourne au Japon pour photographier le Katsura Palace à Kyoto, où il découvre l’essence esthétique du design traditionnel japonais. Ce travail est publié en 1960 sous le titre Katsura (Yale University, Zohkeisha). Ishimoto s’intéresse à la ville, à son aspect formel et à ses mutations. Depuis les années 1950, il photographie Chicago en pleine transformation urbaine. Dans les séries publiées en 1958, Someday, Somewhere (Geibi-shuppansha, Tokyo), et en 1969, Chicago, Chicago (Bijutsu-shuppansha, Tokyo), les fragments de la vie quotidienne sont saisis avec un détachement objectif et une sensibilité plastique. Ses images, qui se distinguent dans la photographie japonaise par leur style fondé sur la tradition allemande, ont une grande influence. À partir de 1981, il photographie la ville de Tokyo à l’aide d’une chambre 8 × 10 inches. En Europe, l’oeuvre d’Ishimoto est présentée en 1989 dans l’exposition Europalia 89, Japan-Belgium au musée de la photographie de Charleroi (édition d’un catalogue). La même année, sa rétrospective a lieu au Seibu Art Museum de Tokyo. T.O. ISO (échelle) Échelle des sensibilités des émulsions photographiques adoptée comme standard international en remplacement des échelles ASA et DIN. downloadModeText.vue.download 296 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 296 La sensibilité* en degrés ISO (International Organization for Standardization) réunit les anciens indices ASA (American Standards Association) et les degrés DIN (Deutsche Industrie Norm). Les indices ASA suivent une progression arithmétique : une émulsion de 200 ASA est deux fois plus sensible qu’une de 100 ASA. En revanche, l’échelle DIN utilise une progression logarithmique : une augmentation de 3 DIN double la sensibilité. À présent, un film dont la sensibilité était de 100 ASA ou de 21 DIN devient un film de 100/21 ISO. S.R. ISSERMAN Dominique photographe française (Paris 1947) Alors qu’elle suit des études de lettres à l’École normale supérieure depuis 1964, Isserman aborde la photographie en amateur. À partir de 1968, elle pratique plus sérieusement cet exercice bien qu’elle hésite entre photographie et cinéma. Engagée par Zoom, elle réalise une série sur des actrices et des photos de tournage de films, rencontre R. Depardon* et de Decker, remporte un concours de photo de mode et commence la photographie de manière professionnelle en 1975. Sa collaboration avec Sonia Rykiel débute en 1979, celle avec Maud Frizon en 1983. Elle publie régulièrement dans Vogue* et dans Elle, et fait partie de l’agence Sygma. Isserman réalise principalement des portraits et des photos de mode et de publicité. Ses images stylisées et sophistiquées sont reconnues et très appréciées de ces clients, qui lui ont toujours donné carte blanche. En 1987, elle expose ses oeuvres dans le cadre des Rencontres internationales de la photographie à Arles. N.C. ITURBIDE Graciela photographe mexicaine (Mexico 1942) Iturbide est née dans une famille bourgeoise de Mexico. Elle poursuit des études de cinéma de 1962 à 1972. Mais, dès 1970, elle se tourne vers la photographie. Elle est l’élève puis l’assistante de M. Alvarez Bravo*. De 1972 à 1975, elle séjourne au Panamá et réalise des portraits du président Torrijos : c’est le début de sa notoriété. Iturbide appartient, avec Diego Rivera, Frida Kahlo et Alvarez Bravo, à la lignée de la renaissance artistique mexicaine. Elle conjugue les approches de l’art moderne avec la richesse des idées et des images de la culture indigène mexicaine. Ces gens humbles, de culture métissée indienne, hispanique et nord-américaine, suscitent sa fascination et son respect. Sa série essentielle, Juchitán (1979), a été réalisée dans cette petite ville de l’État d’Oaxaca dont les structures sociales reposent sur le matriarcat. Iturbide compose aussi une série sur les Chullos, mexicains émigrés à San Francisco. Elle photographie les aspects rituels de la vie quotidienne, la fête, la mort toujours sous-jacente, dans des scènes à forte charge symbolique. Elle oeuvre en anthropologue et en poète, approchant ses sujets avec force, mais aussi élégance et tendresse féminines. Photographe indépendante, elle a participé à de nombreuses expositions – à Mexico, à Paris (Centre Georges-Pompidou, 1982), aux États-Unis – et a obtenu en 1987 le prix W. Eugène Smith pour sa série sur Juchitán, le prix du Mois de la photo à Paris en 1988, et le prix de la Fondation Guggenheim en 1989. Elle est représentée notamment à Paris (M.N.A.M.). M.M. downloadModeText.vue.download 297 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 297 IVANOV-ALLIOULEV Sergueï photographe russe (Saint-Pétersbourg 1891 - 1979) Issu d’une famille d’instituteurs, il étudie à l’université de mathématiques et de physique de Saint-Pétersbourg. Il s’initie à la photographie et prend ses premières images dès l’âge de 12 ans. Sa passion se porte sur les possibilités qu’offre la couleur. Il gagne un premier prix en 1913, lors d’une exposition de photographies couleur à Nijni Novgorod, et devient photographe professionnel en 1921. Utilisant un objectif à effet de flou, il se consacre aux paysages, et plus particulièrement aux parcs et jardins animés de sculptures. Virtuose de la couleur, il participe dans les années 1920 à de très nombreuses expositions à l’étranger. En 1930, accusé de formalisme, il se convertit au métier de cameraman et « d’artiste photographe » officiel pour Mosfilm. Après la guerre, il collabore à l’agence Tass. Ses images les plus significatives sont publiées dans le livre Photoshots of the Landscape, paru en 1950. V.E. IZIS (Israëlis Bidermanas, dit) photographe français (Mariampolé, Lituanie, 1911 - Paris 1980) Dès l’âge de 13 ans, il devient apprenti photographe. En 1930, il arrive en France, s’installe à Paris et ouvre son propre studio. Jusqu’à la guerre, il fait des portraits de mariages, de communions. Pendant l’Occupation, il adopte le nom d’Izis et se réfugie dans le Limousin. Au moment de la Libération, il saisit des visages de maquisards dans un cadrage serré et frontal. Ces portraits d’hommes non idéalisés auxquels il donne une très forte présence marquent un tournant dans sa vie de photographe. En 1945, il retourne à Paris et devient photographe indépendant. Il est naturalisé en 1946. Près de la Seine, en promeneur un peu rêveur, il explore cette ville qui le fascine. Son premier livre, Paris des rêves, propose sa propre vision de la ville, mais ne trouve pas immédiatement d’éditeur. En 1949, il entre dans le staff de Paris-Match, récemment relancé par Jean Prouvost. Pendant près de 20 ans, libre dans le choix de ses sujets, il devient « le spécialiste de l’endroit où il ne se passe rien » et resserre de plus en plus ses cadrages sur les Parisiens des quartiers populaires. Entre deux reportages, il travaille pour d’autres publications personnelles ; son oeuvre est tout entière dans des livres merveilleusement imprimés et composés. Lui-même choisit la mise en page ; des textes de Prévert accompagnent souvent ses images. Depuis Paris des rêves (1950), ses nombreux livres invitent toujours à de nouvelles promenades : le Grand Bal du Printemps (1951), les Charmes de Londres (1952), le Paradis Terrestre (1953), Israël (1956) jusqu’au Paris des poètes (1978). A.M. downloadModeText.vue.download 298 sur 634 298 AJ JACKSON William Henry photographe américain (Keesville, New York, 1843 - New York 1942) Jackson est né de père photographe et écrivain. En 1858, il travaille comme coloriste et retouche les épreuves faites par le studio de portrait C.C. Schoonmaker, à Troy. En 1861, il est employé par le studio Mowrey. Après avoir servi dans l’infanterie pendant la guerre de Sécession, il part à Saint Louis en 1866. Ouvrier agricole puis cow-boy, il conduira des boeufs et des moutons à travers le vaste État de l’Ouest avant de réaliser, en 1869, ses premières photographies le long de l’Union Pacific Railroad, aux côtés de A.C. Hull. Entre 1870 et 1879, Jackson devient officiellement photographe pour le US Geological and Topographical Survey of the Territories, commissionné par le professeur F.V. Hayden. Il parcourt les montagnes Uintas, puis le Grand Canyon et la région de la rivière Yellowstone, en compagnie du peintre paysagiste Thomas Moran, qui va le conduire à affiner sa conception du paysage. En 1872, il photographie un lac, auquel il donne son nom. Le travail que Jackson réalisa (publié dans les albums Yellowstone Scenic Wonders) fut aussi décisif pour la reconnaissance par le Congrès de Yellowstone comme parc national. Entre 1873 et 1875, Jackson, accompagné par un botaniste et un entomologiste, gagne les montagnes du Colorado et le Mesa Verde. En 1875, Jackson possède environ 2 000 négatifs au collodion, exécutés lors de ses différents voyages. Les photographies de Jackson appellent un regard pur et contemplatif. Ses grands formats mais aussi le temps nécessaire à l’impression des plaques concourent à rendre plus intense le simple fait de regarder. En 1876, Jackson participe à la réalisation d’une maquette représentant les troglodytes de l’Arizona. En 1877, il photographie les villages amérindiens du Nouveau-Mexique. En 1879, downloadModeText.vue.download 299 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 299 Jackson ouvre à Denver un studio pour le compte duquel il vend les clichés qu’il a réalisés lors de ses précédents voyages. La Compagnie des chemins de fer de l’Ouest achète nombre de ses anciens négatifs à des fins publicitaires. De 1898 à 1902, il est propriétaire de la Detroit Publishing Co. Il exécute, à l’âge de 93 ans, une série de peintures murales pour des immeubles neufs. Jackson meurt à New York le 30 juin 1942. A.Ma. JACOBI Lotte Johanna photographe américaine (Torun 1896 - New Hampshire 1991) Jacobi est née à Torun, en Prusse orientale, dans une famille de photographes. Vers 1840, son arrière-grand-père avait appris la photographie avec L. J. M. Daguerre*. Elle étudie l’histoire de l’art et la littérature à l’académie de Posen et à l’université de Munich, et la photographie à l’académie bavaroise de photographie de la même ville. De 1927 à 1935, elle dirige l’atelier de son père à Berlin, le studio Jacobi, et travaille dans le milieu artistique. Elle réalise une série de portraits qui constitue en soi un portrait de la culture allemande d’après la Première Guerre mondiale : Lil Dagover, Sonia Heinie, Peter Lorre, Lotte Lenya, Max Reinhardt, Kurt Weill, Käthe Kollwitz, Theodore Dreiser, Max Liebermann, L. Moholy-Nagy*. En 1927, elle commence une série de portraits d’Albert Einstein. Elle participe à l’exposition de groupe Das Lichbild à Munich, en 1930, et obtient la médaille d’argent au Salon royal de photographie à Tokyo, en 1931. Elle quitte l’Allemagne pour les États-Unis en 1935 et ouvre le studio Jacobi à New York, avec sa soeur, tout en continuant son travail sur le portrait : Benjamin Britten, Pablo Casals, E. Steichen*, etc. Elle travaille pour Life Magazine* et reçoit un premier prix lors de la British War Relief Photography Competition (New York, 1941). Elle expose ses photographies au studio Jacobi (1937 et 1941), à la Norlyst Gallery (1948), à l’Ohio University College (1952) et à l’University College of Education de New Paltz (1953). Elle participe également à des expositions collectives, Dance Photographs (New York, Brooklyn Museum, 1937), In and Out of Focus (id., M.O.M.A., 1948) et Subjective Fotografie 2 (Sarrebruck, École nationale des arts, 1955). C’est à cette date qu’elle quitte New York pour Deering, dans l’État du New Hampshire. Elle étudie alors les arts graphiques, l’histoire de l’art, le français et la littérature à l’université de Durham en 1961-1962, puis, l’année suivante, séjourne à Paris où elle s’initie aux techniques de la gravure à L’Atelier 17, avec S.W. Hayter. De retour à Deering en 1963, elle ouvre une galerie. Entre 1957 et 1981, le travail de Jacobi fait l’objet de dix-sept expositions personnelles aux États-Unis et de trois en Europe (Hambourg et Munich). Elle participe à des expositions de groupe dans les musées américains, qui achètent ses oeuvres. Tout en continuant son travail sur le portrait « Je photographie ce que je vois ; mon style est le style de ceux que je photographie », elle réalise des séries de paysages et des Photogenics, photographies sans appareil où elle se sert des oppositions de lumière et de texture. La technique, qu’elle décrit ellemême, consiste à dessiner sur un papier photosensible avec une source de lumière en mouvement, dont elle saisit les multiples nuances à l’aide de miroirs ou de cellophanes. Elle vit et travaille à Deering, dans le New Hampshire, jusqu’à sa mort en 1991. M.B. downloadModeText.vue.download 300 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 300 JAMES Geoffrey photographe canadien (Saint-Asaph, pays de Galles, 1942) Autodidacte, il amorce sa carrière de photographe en 1966 et devient l’année suivante reporter et rédacteur à Time Canada. Depuis 1970, les jardins français et italiens sont ses sujets de prédilection. Il photographie, à l’aide d’un appareil panoramique couvrant un angle de 120°, les effets de perspective, les alternances d’ombre et de lumière, les jeux d’eau et les ornements propres aux jardins. Ses épreuves, qui se présentent sous la forme de bandes horizontales, contiennent des distorsions, imputables à la technique employée, qui brisent la régularité formelle des sites représentés. Parfois, les effets optiques inhérents à l’appareil panoramique s’harmonisent aux formes du sujet photographié. C’est le cas de Saint-Cloud (1981), où les déformations de l’image épousent les courbes du plan d’eau. Il réalise également des photographies de palais et de châteaux du XVIe siècle (Villa Brenzone, 1984) et du XVIIIe siècle (Villa Pisani, 1984). D’une impressionnante qualité descriptive, ses images traduisent la tension issue de la rencontre entre un dispositif d’enregistrement et la nature, et transposent sur un plan visuel l’expérience esthétique du promeneur dans le jardin. V.L. JODICE Mimmo photographe italien (Naples 1934) La formation de Jodice relève d’expériences diverses, dont on perçoit immédiatement la complexité en regardant ses images. De ses débuts consacrés à la réalité sociale et culturelle du sud de l’Italie, il glisse ensuite vers le domaine de l’art où il se situe d’emblée comme dans son territoire d’élection. Au début des années 1970, professeur à l’école des beaux-arts de Naples, il opère côte à côte avec les avant-gardes artistiques. Là, il construit son identité : « une méthodologie froide, antiexpressive, antirhétorique, qui doit beaucoup aux expériences de l’art minimal, proche parfois de l’art métaphysique de De Chirico, justement dans le sens où l’Arte povera italien doit beaucoup à De Chirico », dit très pertinemment le critique Bertelli, situant ainsi le travail de Jodice dans sa juste mesure. C’est de ces années que datent les premières expositions importantes de Jodice : en 1970 à la galerie Il Diaframma de Milan, en 1975 à la galerie Lucio Amelio de Naples. À la fin des années 1970, il commence à s’intéresser de plus en plus au paysage et à l’architecture, tout en continuant sa réflexion sur l’impact du passé artistique dans le quotidien. Il participe à la Biennale de Venise en 1982 et en 1988, expose au musée Réattu d’Arles et au Mois de la photo à Paris. On reconnaît le travail de Jodice, la stratification d’une culture visuelle et intellectuelle, et la sensualité des matières que son regard cherche dans l’amoncellement des signes. Ce qui rend ses images symboliques de cette concrétion inextricable de vie et de mort, de beauté et de déjection qui constitue la réalité contemporaine d’une grande partie de l’Italie, en particulier, mais aussi des pays de la Méditerranée en général. Jodice travaille de plus en plus à une épuration de son style qui l’amène à une élégance très personnelle, allant non pas vers l’abstraction, mais vers une approche visionnaire de la réalité. Il regarde le réel à une distance séculaire, comme si son regard surgissait à son tour du savoir que l’on devine dans les yeux des statues qu’il aime photogradownloadModeText.vue.download 301 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 301 phier. Ses images se chargent alors d’un mouvement qui l’éloigné aujourd’hui de la métaphysique de De Chirico pour lui conférer l’inquiétude d’une modernité qui porte en elle, dans la plus pure tradition napolitaine, le sens d’une perte lointaine et d’une énergie toujours renouvelée. En 1993, Jodice était présent à la Biennale de Venise, à Cahors, à Coimbra et à Paris (galerie Contrejour). Il vit et travaille à Naples. S.T. JOHNSTON France Benjamin photographe américaine (Grafton, Virginie, 1864 - La Nouvelle-Orléans 1952) Johnston est connue comme l’une des premières femmes reporters. Elle étudie à l’académie Julian, puis à Paris et à Washington. Elle apprend la photographie auprès de Thomas T. Smilie puis retourne en Europe, en 1890, pour étudier les expositions de photographies. Elle ouvre un atelier à Washington et se fait rapidement un nom. Elle a photographié de nombreux personnages influents, dont les présidents des États-Unis, de G. Cleveland à W.H. Taft. Johnston travaille pour des ouvrages, inspirés par les idéaux réformistes, évoquant les problèmes sociaux. Elle réalise de nombreux reportages sur le monde ouvrier : houillères du Mesabi Randge ; ouvrières des filatures de Nouvelle-Angleterre, etc. Parallèlement, en 1899, elle mène une enquête à la demande du Hampton Institute, College of Virginia, qui souhaite enrayer la misère des Indiens, des Noirs et des paysans en leur offrant des formations techniques (Apprentis ébénistes, 1899-1900, Library of Congress, Washington). Elle fut membre de Photo-Sécession*, et certaines de ses oeuvres sont dans le style pictorialiste*. Elle est représentée au M.O.M.A. à New York et à la Library of Congress à Washington. M.C. JOHNSTON John Dudley photographe britannique (Liverpool 1868 - Londres 1955) Johnston mène parallèlement deux carrières, celle de photographe et celle d’historien de la photographie. Il réalise ses premières photographies en 1880, son thème de prédilection étant déjà la ville. S’il est reconnu comme pictorialiste*, sa notoriété est établie en tant que membre actif de la Royal Photographic Society. Il en est notamment président de 1923 à 1931 et est à l’origine de la constitution de la collection permanente. Ses photographies sont conservées dans des collections particulières ainsi qu’à la Royal Photographic Society, à Bath. S.B. JONES Calvert Richard photographe britannique (Swansea, pays de Galles, 1802 - Bath 1877) Le révérend Jones n’est pas seulement un homme d’Église de formation scientifique et un peintre, il est aussi un défenseur passionné de la photographie. Avec Kit Rice Mansell Talbot, Emma et John Dillwyn Llewelyn, il expérimente les inventions de W.H.F. Talbot* (1839). Correspondant avec ce dernier, il s’engage en faveur de l’amélioration et de la commercialisation de ce nouveau mode de représentation : vernis pour protéger les épreuves dans les devantures, proposition de couvrir le voyage de la reine Victoria et du prince Albert en Allemagne pour une publication (automne 1845). La même année, il fait une excurdownloadModeText.vue.download 302 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 302 sion photographique à York avec Talbot et le renseigne sur le procédé de positif direct mis au point par H. Bayard*, qu’il a rencontré à Paris (1845). Il embarque pour un voyage vers l’île de Malte, la Sicile et l’Italie (1845-1846 ou 1847). À Malte, il aide le révérend G. Bridges* et rapportera luimême de nombreux négatifs, dont il a déjà envoyé des spécimens à l’établissement de tirage de Talbot (Reading). Jones reste surtout fidèle au calotype* et au tirage sur papier salé, colorie des épreuves et accolle des images en panoramas. Swansea et ses environs, des marines, des études de genre et d’architecture sont ses sujets préférés. Membre du conseil de la Photographic Society of London, il y présente un projet d’appareil binoculaire pour obtenir des vues d’ensemble (1853). Son travail est présenté à la Glynn Vivian Art Gallery (Swansea) en 1973 et en 1987. Depuis, son importance est sans cesse confirmée par une meilleure connaissance de la diversité de son oeuvre graphique. B.P. JOSEPHSON Kenneth photographe américain (Detroit 1932) Josephson étudie à la Eastern High School (Detroit) de 1948 à 1950, puis au Rochester Institute of Technology, où il est élève de M. White*, de 1951 à 1953 puis de 1955 à 1957. En 1958, il travaille pour la Chrysler Corporation et fait également des travaux en indépendant. La même année, il reprend des études avec A. Siskind* et H. Callahan* à l’Institute of Design de Chicago. À partir de 1960, il enseigne à la School of the Art of Chicago et, en 1981, à l’U.C.L.A. En 1973, Josephson publie un livre de ses photographies : The Breadbook. Photographe conceptualiste, Josephson explore dans son travail la différence entre la photographie et la réalité, pose la question du rapport du réel à sa représentation. Il crée des illusions en faussant la réalité, en jouant sur la taille, sur le positionnement dans l’espace de son sujet (Drottningholm, Suède, 1967, coll. de l’artiste). Ses oeuvres sont notamment conservées à New York (M.O.M.A.), à Chicago (Art Inst.), à Paris (B.N.) et à Tucson (Center for Creative Photography). M.C. JOUKOV Pavel Sémionovitch photographe russe (Simbirsk 1870 - Leningrad 1942) Après des études secondaires à Simbirsk, Joukov part apprendre la photographie à Saint-Pétersbourg dans l’atelier de Konstantine Shapiro où il se familiarise avec l’art du portrait. Grâce à l’appui de l’Académie des arts de Saint-Pétersbourg, il installe son propre atelier après un séjour d’étude à Rome. Passionné par le monde de l’art, il réalise de très beaux portraits – Anton Tchekhov, Léon Tolstoï, Tchaïkovski, Kuprin, Rubinstein. En 1917, après la révolution d’Octobre, il se spécialise dans les portraits d’hommes politiques et devient photographe en chef du district de Petrograd. Il est connu pour ses qualités artistiques, et Moscou fait appel à lui dès 1920 pour photographier Lénine, Kalinine, Tschitscherine, Lounatscharski, les personnalités de l’Armée rouge, ainsi que le chef de la direction du soviet militaire de la République, Ovseïenko. Il n’a photographié Lénine qu’une seule fois, assis sur une chaise : deux variantes existent, l’une s’arrêtant à la taille, l’autre aux genoux. C’est là un exemple caractéristique du peu de profondeur de champ dont on disposait à l’époque. Dans les années 1930, Joukov devient reporter et s’intéresse aux construcdownloadModeText.vue.download 303 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 303 tions industrielles nouvelles récemment mises en place tels les hauts-fourneaux, le chantier naval de Leningrad et les clubs de travailleurs. Il est tué au cours du blocus de Leningrad, en 1942, par un obus qui détruit sa maison et une partie de ses négatifs. Cependant, les Archives d’État ont conservé une grande partie de sa production. V.E. JOUVIN Hippolyte photographe français (Mesnil-Clinchamps 1825 - après 1887) On se sait rien de l’enfance ni des études de ce fils de serrurier dont le nom apparaît pour la première fois en 1862 dans la rubrique « Photographes-artistes » de l’Almanach du commerce et de l’industrie. Ce photographe, spécialisé dans la prise de vues stéréoscopiques, est surtout connu pour avoir, en 1863, réalisé pour le stéréoscope une série d’environ 200 épreuves instantanées de Paris, qui sont parmi les premières à montrer l’animation des boulevards, ainsi que les fêtes de Montmartre, de Saint-Cloud et du carnaval. En 1864, il fait enregistrer au dépôt légal des scènes composées qui sont, malgré l’immobilité imposée aux modèles, d’un naturel rarement égalé à l’époque. Il excelle tout particulièrement dans la photographie de groupes d’enfants. On lui doit également des voyages en Allemagne et en Suisse, ainsi qu’une série sur les statues du musée du Louvre. Il réalise en 1871 un dernier reportage sur la Commune et sur les dommages occasionnés à la ville de Paris. Il exploite ensuite son fonds jusqu’en 1887, date à laquelle son nom disparaît des colonnes du registre du commerce. Les liens qui pourraient exister entre Hippolyte et Louis Jouvin – photographe également spécialisé dans les vues stéréoscopiques et actif de 1858 à 1863 – n’ont pas encore été clairement établis. D.P. JUNIOR Christiano photographe argentin (actif entre 1868 et 1878) En 1868, Junior installe son studio de photographie au centre de Buenos Aires, Avenida Florida no 160. Dans son atelier défilent tous les hommes politiques de l’époque, ainsi que les personnalités de l’aristocratie et de la société la plus élégante. Il photographie aussi régulièrement la ville de Buenos Aires, l’architecture des bâtiments et l’évolution urbaine de cette cité. Ses images sont exposées en 1871 à la Primera Exposición nacional à Córdoba et il y obtient une médaille d’or. Il réalise aussi la première publication d’oeuvres photographiques à Buenos Aires et utilise ses photographies dans deux très beaux albums sur la ville en 1876 et 1877. Les Archives graphiques de la nation ont répertorié et conservent ses clichés. Son studio de l’Avenida Florida, racheté en 1878 par Alejandro S. Witcom et Pedro F. Mackern, fonctionnera jusqu’en 1939. V.E. downloadModeText.vue.download 304 sur 634 304 K KALVELIS Jonas photographe lituanien (Kikoniai 1925) Né dans le district de Kupiskio dans une famille paysanne, Kalvelis étudie l’organisation rurale au collège agricole de Kaunas et travaille comme assistant forestier. Autodidacte en photographie, il est de 1948 à 1954 technicien pour l’Institut des forêts de Lituanie. Il publie ses premières photos dans Nos Forêts et travaille comme chef du laboratoire photographique du département de l’Institut de ressources des eaux. Il participe à l’exposition Notre nature organisée par le Comité de protection de la nature et rejoint le photo-club de Kaunas. La série de ses oeuvres intitulée Dunes à Neringa lui apporte la célébrité. L’environnement inhabité est le sujet de prédilection de ce photographe de la nature (forêts, arbres, vallées enneigées). Ses images sont étudiées dans le détail et composées avec soin. Kalvelis n’est pas seulement un témoin de la beauté des formes simples de la nature, il nous en fait également découvrir les secrets. Il obtient des médailles d’argent en Suisse (à Photeurop), en Belgique, en Grande-Bretagne, et un diplôme de « Ciudad de Soria » en Espagne. Il fait partie de la Société d’art photographique de Lituanie et vit à Vilnius. V.E. KARELINE Andreï photographe russe (1837 - 1906) Apprenti dans sa jeunesse chez un peintre d’icônes, il fréquente de 1857 à 1864 l’Académie impériale des arts à Saint-Pétersbourg, où il obtient deux médailles d’argent. Kareline réalise ses premières images en 1860. Il travaille dans le studio de Mikhaïl Nastivkov, à Kostroma, puis ouvre en 1869 son propre studio de portraits, auquel il rattache une école d’art. Il se spécialise dans les portraits de commande, mais consacre également ses recherches au paysage et à la photographie de genre. En 1870, il rassemble un certain nombre de sites et de photographies de persondownloadModeText.vue.download 305 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 305 nages typiques dans un album intitulé Nijni Novgorod et, en 1880, les plus belles images de genre dans l’Album artistique de photographies d’après nature. Ces recueils de très grande qualité regroupent les membres d’une même famille : parents et enfants vêtus de costumes contemporains posant dans des intérieurs typiques (maison bourgeoise, décorée de tableaux et de sculptures), un couple de jeunes autour d’une table garnie, un autre préparant un repas. Ces éléments exceptionnels par leur iconographie détaillée et pittoresque permettent d’appréhender les aspects de la vie quotidienne russe des années 1880. Kareline participe à de nombreuses expositions internationales où il remporte des prix : Vienne (1873), Paris (1876 et 1878), Édimbourg (1882 et 1896), l’exposition jubilée de Photographie de Russie (1889). Le titre de Photographe de l’Académie impériale des arts lui est décerné pour l’excellence de ses services. Il est alors membre du 5e département de la Société technique russe, de la Société photographique russe et de l’Académie française des arts. V.E. KARSH Yousuf photographe canadien (Mardin 1908) Il fait son apprentissage en 1925 dans l’atelier de son oncle, le photographe George Nakash. Il part pour Boston et, dans le studio de John H. Garo, apprend les techniques alors employées par les photographes d’art : tirage au platine, procédés pigmentaires ou à la gomme arabique, carbro* ou oléobromie*. En 1932, il quitte l’atelier de Garo et se rend à Ottawa, où il ouvre son propre studio. Il découvre les possibilités de l’éclairage artificiel alors qu’il photographie les comédiens du Ottawa Little Theatre. Il est réputé pour ses portraits d’hommes d’État ; son cliché de Winston Churchill, qui paraît en couverture de Life* en 1941, lui assure une renommée internationale. Il exécute également de nombreux portraits d’artistes, d’écrivains, d’acteurs et de savants. Karsh fit sienne la conception du portrait selon laquelle la pose, les gestes et les mimiques révèlent l’individualité du modèle. La relation intersubjective qui s’installe entre le photographe et le modèle est, selon lui, capitale. Par un entretien qui peut durer plusieurs heures, il amène le modèle à projeter une image de lui-même qu’il croit conforme à sa propre individualité. Parfois, il suggère au modèle de tenir dans sa main un attribut, généralement un objet d’usage de sa profession ou de son métier, de manière à lui donner une contenance et à éliminer la rigidité des poses conventionnelles. La posture et l’expression des mains le préoccupent au plus haut degré, car elles constituent un pôle d’expression complémentaire à celui du visage. V.L. KÄSEBIER Gertrude photographe américaine (Des Moines, Iowa, 1852 - New York 1934) Née dans une famille de quakers, Käsebier s’installe à New York où elle se marie et fonde une famille. À 36 ans, elle décide de développer son talent pour les arts plastiques et étudie la peinture au Pratt Institute de Brooklyn. En 1894, elle entreprend un voyage en Europe pour perfectionner son art et séjourne brièvement à Paris puis en Allemagne. De retour à New York, elle installe son studio sur la 5e Avenue et se forge une solide réputation de portraitiste. En 1899, elle expose au Camera Club de New York et est admise au Linked Ring* l’année suivante. Proche de A. Stieglitz*, downloadModeText.vue.download 306 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 306 elle participe à la fondation de la Photo-Sécession* et publie dans le premier numéro de Camera Work* (1903). Ses images, souvent tirées au platine, associent le portrait féminin et des scènes d’intérieur teintées de symbolisme comme The Magic Crystal (v. 1905, R.P.S., Bath). En 1901, Käsebier retourne en Europe ; elle se lie à Paris avec R. Demachy* et rencontre E. Steichen*, alors dans l’entourage de Rodin. Son succès est international et sa production figure dans tous les Salons photographiques. Un troisième voyage en Europe (1905) lui permet de rencontrer Rodin et de le photographier. Après l’exposition de Buffalo (1910), elle s’éloigne de Stieglitz et, en 1915, fonde aux côtés de C.H. White* et de A.L. Coburn* les Pictorial Photographers of America. M.P. KAUFFMANN John photographe australien (Adelaïde 1865 - Melbourne ? 1942) Kauffmann commence en Grande-Bretagne une formation commerciale, mais, en 1887, l’abandonne pour la photographie. Il n’apparaît pas qu’il ait exposé dans les salons du Linked Ring* et pourtant, à son retour à Adélaïde, en 1897, il est considéré comme médaillé. Son travail a une large reconnaissance de la presse, et il obtient de nombreuses médailles aux Salons annuels de la South Australian Photographic Society et des autres associations du Victoria et de la Nouvelle-Galles du Sud. En 1902, sa réputation est telle qu’il est invité comme membre du jury au même Salon. Il est l’importateur et le principal représentant du pictorialisme* australien (The Butterfly, 1920-1930, Canberra, N.G.). En 1909, il déménage à Melbourne, et y installe son studio en 1914. Il fait essentiellement de l’illustration commerciale et travaille notamment pour le magazine The Home. Dans les années 1930, Kauffmann se consacre à des études florales. Son oeuvre est représentée en particulier à Canberra (N.G.) et à Melbourne (N.G. of Victoria). M.C. KEIGHLEY Alexander photographe britannique (Keighley, Yorkshire, 1861 - id. 1947) De formation scientifique (biologie, zoologie, botanique), Keighley s’intéresse à la photographie dès 1883 et voyage en Égypte et dans le sud de l’Afrique à la recherche de « paysages romantiques ». Photographe pictorialiste*, il pratique la retouche sur négatif à partir de 1892. En 1900, il adopte le pseudonyme de Forrester et se situe alors dans la mouvance des photographes proches de l’esthétique impressionniste. La Royal Photographic Society de Londres lui consacre une exposition en 1910 ; deux autres suivront en 1943 et en 1947, l’année de sa mort. En 1978, ses photographies sont exposées à la Hayward Gallery à Londres. Ses photographies sont dans les collections de la Royal Photographic Society de Londres, à la George Eastman House de Rochester ainsi qu’au National Museum of History and Technology de Washington. S.B. KEPES György artiste hongrois (Selyp 1906 - 1989) Après des études à l’Académie des arts de Budapest et une activité proche des avantgardes dans les domaines de la photographie, de la peinture et du film, Kepes s’installe entre 1930 et 1936 comme designer à Berlin, où il devient un des collaborateurs downloadModeText.vue.download 307 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 307 de Laszlo Moholy-Nagy. Il se rapproche des milieux scientifiques à Londres en 1935 et 1936, puis il devient en 1937 un des membres fondateurs de la Nouvelle École du Bauhaus de Chicago, où Moholy-Nagy lui propose de diriger le département de couleur et de lumière. En 1935, il devient professeur d’art visuel à l’Institut de technologie du Massachusetts. Ses activités dans le domaine de la photographie expérimentale sont parallèles à ses recherches sur la peinture et la lumière ainsi qu’à ses installations d’expositions. Ses photographies instituent une relation entre l’objet et l’espace dans le domaine du photogramme, de l’abstraction, du paysage urbain, et elles créent l’illusion du mouvement au travers de structures spatiales. Il est l’auteur de publications fondamentales sur l’art et la science, dont Langage et vision (1944) et The New Landscape in Art and Science (1956). F.D. KERN Pascal ar tiste français (Paris 1952) Après une formation en arts plastiques et en histoire de l’art, Kern se consacre à la photographie en utilisant ce médium afin de réaliser des images spéculatives. Sa première fiction, l’Usine à Bastos, commencée en 1975, est suivie par plusieurs séries déclinées autour de Fictions colorées (1983), Icônes (1986), Sculptures (1983), Culture nature (1991). Kern a figuré en 1983 dans l’exposition Images fabriquées (musée national d’Art moderne, Paris). Ses « tableaux photographiques » résultent de la mise en scène et du classement d’objets récupérés, le plus souvent des matrices usagées ou des moulages renvoyant à l’histoire de la sculpture et à la fabrication industrielle. Ils intègrent des problématiques telles que l’icône, la nature morte ou la rhétorique de l’allégorie. La reproductivité photographique est aussi analysée dans son rapport à la peinture et à la sculpture sous la forme de diptyques ou de triptyques, où la mise en scène photographiée à la chambre et à l’échelle réelle s’articule selon des procédures systématiques de retournement et de frontalité. Il en résulte une tension entre la surface lumineuse colorée du cibachrome et l’espace suggéré des pleins et des creux du volume. F.D. KERTÉSZ André photographe américain d’origine hongroise (Budapest 1894 - New York 1985) Employé de banque à Budapest, Kertész est déjà, dans sa jeunesse, un amateur photographe connu pour son talent. Mais c’est lorsqu’il arrive à Paris, en 1925, qu’il fait de la photographie son moyen de subsistance. Habitué de quelques groupes d’artistes à Montparnasse (Atelier de Mondrian, 1926), il commence à travailler pour les magazines allemands et français, alors en pleine expansion ; il n’est pas attaché à une agence mais travaille en indépendant, soit sur commande d’un sujet (les Halles, la Bretagne, la tour Eiffel), soit en proposant des clichés réalisés au hasard de ses péré- grinations. Ses photographies paraissent, entre autres, dans l’hebdomadaire Vu* dans Art et Médecine, dans Bifur et dans Minotaure. Le style de Kertész se situe entre le reportage sur le vif issu de l’instantané et les recherches spatiales du constructivisme représentées par son compatriote L. Moholy-Nagy*. Les critères avant-gardistes se retrouvent dans la vue en plongée, et surtout dans la série des Distorsions (entreprise pour le magazine le Sourire, 1933) : downloadModeText.vue.download 308 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 308 il s’agit de nus féminins photographiés par réflexion dans des miroirs déformants. Kertész est un des plus actifs dans la publication de livres : Enfants (1933), Paris vu par André Kertész (1934), Nos amies les bêtes (1936), Day of Paris (1945). Il quitte Paris en 1936, lorsqu’il lui devient plus difficile de commercialiser ses photos, et s’installe à New York, où il continuera à travailler pour les magazines et où il vivra jusqu’à sa mort. Il aura été ainsi le photographe de deux métropoles modernes, dont il ne montre d’ailleurs pas les inconvénients ; il traque au contraire des signes d’humanité dans des événements formels, des rencontres fortuites de lignes, d’objets, des simultanéités poétiques. Cela suppose une certaine lecture de l’image, une signification particulière accordée à la photographie comme indice de l’insaisissable et de l’évanescence. Après avoir été, dans l’ombre, un modèle de stylistique, Kertész est reconnu, rétrospectivement, comme le grand maître d’une esthétique qui innerve la photographie sur un demi-siècle, et qui peut se définir par le terme de « regard » : furtivité, reconnaissance d’un message ténu, langage de signes, recherche silencieuse d’une présence. L’exposition André Kertész, le double d’une vie a été présentée à Paris (Pavillon des Arts, 1994-1995). M.F. KESTING Edmund photographe allemand (Dresde 1898 - Birkenwerder 1970) De 1911 à 1916, Kesting étudie à l’Akademie der Künste à Dresde. Après l’armée (1917-1918), il suit des cours avec les peintres Richard Müller et Otto Gussmann. En 1920, il se tourne vers la photographie tout en continuant ses collages. Ses expérimentations photographiques (exposition multiple, solarisation partielle, techniques d’impressions multiples, photogrammes) ainsi que sa connaissance des nouvelles perceptions de l’espace développées par les cubistes et les constructivistes le placent au centre de l’avant-garde allemande des années 1920. Dans ses nombreuses séries de portraits pris de près, il fait un usage important de l’image multiple par des techniques de montage et une utilisation originale de la lumière et de l’ombre (Frau G. Kesting, 1930, San Francisco, Museum of Modern Art). Ses nus et ses paysages expriment le même sens de liberté en combinant différentes approches. Ces images le rattachent à l’esthétique de la « nouvelle vision », équivalent européen de la « photographie pure » américaine. Les reflets, les lignes de construction de l’image expriment, à travers une nouvelle conception de l’espace, un regard nouveau sur la réalité. Sa seconde exposition personnelle, à la galerie Der Sturm, donne lieu à une publication dans le magazine littéraire et artistique d’avant-garde du même nom (publié par Herwarth Waiden). En 1926, Kesting expose à New York et à Moscou et, l’année suivante, participe à la grande exposition d’art de Berlin. En 1927, il fonde à Berlin, avec Lothar Schreyer, une école privée d’art qui sera fermée en 1933 par les nazis à cause de son association avec « l’art dégénéré ». Le travail de Kesting est interdit en Allemagne jusqu’à la fin de la guerre. En 1946, il organise avec Will Grohmann la Erste Deutsche Kunstausstellung à Dresde, qui inclut des exemples de l’art d’avant-garde précédant la guerre. En 1948, il enseigne à la Kunsthochschule à Berlin. Nommé professeur en 1953 à la Hochschule für Film und Fernsehen à Potsdam-Babelsberg, il y reste jusqu’en 1967. M.C. downloadModeText.vue.download 309 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 309 KIMURA Ihee photographe japonais (Tokyo 1901 - id. 1974) Passionné de photographie dès l’âge de 13 ans, Kimura pratique la photo de studio vers 1920, après ses études de commerce. Il ouvre son propre studio à Tokyo en 1924 et participe à plusieurs clubs de photographie d’amateur. En 1929, il découvre le Leica lors d’une tournée du dirigeable Zeppelin au Japon. Ce petit appareil joue désormais un rôle important dans son activité photographique. Avec le Leica, il s’oriente vers le photojournalisme, qui commence à s’imposer dans la société japonaise. En 1932, il participe à la publication de la revue photographique Koga et, en 1933, à la création de Nippon-Kobo, l’agence pionnière dans le domaine du photojournalisme au Japon. La même année, sa première exposition, Portraits des écrivains japonais, à Kinokuniya Gallery de Tokyo, a un grand retentissement. Kimura bâtit sa réputation en décrivant les instants intimes de la vie quotidienne dans le centre-ville de Tokyo. Sa manière de donner une valeur à la quotidienneté a ouvert une voie nouvelle : le réalisme par l’instantané. Il photographie en 1952 et 1953 la vie rurale de la région du nord du Japon, Akita. Ce reportage, publié en 1978 sous le titre Akita, est considéré comme un de ses travaux les plus représentatifs. À partir de 1954, il visite Paris plusieurs fois et photographie des scènes de rue. En France, l’oeuvre de Kimura fait l’objet de l’exposition Beautés du Japon en 1986, à la mairie du IXe arrondissement à Paris. En 1984 paraît l’édition de The Complete Works of Ihee Kimura (4 volumes, Chihuma-shobo, Tokyo), et, en 1992, le Metropolitan Museum of Photography de Tokyo organise une rétrospective Kimura. T.O. KITAJIMA Keizo photographe japonais (1954) Après des études de photographie avec D. Moriyama* à l’école Workshop, Kitajima commence à photographier la ville de Tokyo, notamment ses habitants. En 1976, il participe à la fondation de la galerie CAMP, qui devient l’organe des jeunes photographes influencés par Moriyama. À cette galerie, il expose, chaque mois de l’année 1979, ses photographies intitulées Tokyo No 1 - No 12, des images noir et blanc de gens de la métropole violemment figés par un coup de flash. Celles-ci sont publiées en 1980 sous le titre Tokyo (Parorusha, Tokyo). En 1982, après un séjour de plusieurs mois à New York, il développe sa méthode et publie New York (Byakuyashobo, Tokyo), qui est décrit comme « le bruit de la ville écouté dans un casque en plein volume » par l’écrivain Kobo Abe. Entre 1983 et 1987, il voyage et séjourne à Berlin-Ouest, à New York et à Séoul. Le style de Kitajima connaît un grand changement vers 1989. Il photographie, en couleur et à l’aide d’une chambre 8 × 10 inches, les gratte-ciel des grandes villes comme New York, Tokyo, Londres, Hongkong, Paris. Ses images baignent dans une lumière froide et plate, les hommes n’y sont plus, et une impression de retenue domine. Privée des signes historiques et mythologiques, la spécificité de chaque ville disparaît, et toutes deviennent semblables, scènes du désir et du pouvoir des hommes. Ce travail est publié en 1991 sous le titre A.D. 1991 (Kawade-shoboshinsha, Tokyo). L’oeuvre de Kitajima fait l’objet d’expositions en 1992, à l’Interform Gallery d’Osaka, et, en 1993, au Tokyo Metropolitan Museum of Photography (Critical Landscapes). T.O. downloadModeText.vue.download 310 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 310 KLEIN William photographe américain (New York 1928) Né à New York dans une famille d’origine hongroise, Klein fait toute sa carrière à Paris, où il arrive en 1948 ; il fait de la peinture et, en 1953-1954, utilise les techniques photographiques pour engendrer des formes géométriques et concevoir des panneaux de verre. De retour à New York en 1954, il y réalise un journal de bord photographique qui paraît en livre en 1956. Engagé par Fellini comme assistant, il prépare l’album Rome (1958) ; suivront Moscou et Tokyo (1964). L’activité de Klein est ainsi ponctuée de réussites à contrecourant de « ce qui se fait ». Il photographie dans la rue, à bout portant, fait des tirages que l’on trouve trop contrastés, opère dans le métro de Moscou, produit des clichés bougés, des cadrages instables, guette avec attention le moment propice où l’appareil agit comme un regard naturel. Il voit les choses « autrement », à l’opposé de ce que l’on attend, et le dit, clairement, dans un style-limite plus proche des libertés de l’art contemporain que des stéréotypes photographiques. Photographe de mode tout aussi inventif, réalisateur de films (Cassius le Grand, 1965 ; Qui êtes-vous Polly Maggoo ?, 1966 ; le Couple témoin, 1976), de reportages filmés, de publicités, concepteur de ses propres livres, Klein revient toujours au coeur du problème : une histoire à raconter, de la manière la plus concise et la plus adéquate possible. M.F. KLÉPIKOV Piotr photographe russe (1884 - 1960) Issu d’une famille de paysans de la province d’Arkhangel, Klépikov s’engage comme militaire en 1905 et suit, à partir de 1912, les cours de l’école d’aviation, servant comme pilote dans les forces aériennes de l’empire jusqu’en 1917. Après la révolution, il se spécialise dans la photographie aérienne*. Dès 1918, il est attiré par les différents procédés de tirage et se met à les étudier avec passion. Membre de l’Union des photographes de toute la Russie, il est également nommé au conseil éditorial de la revue Fotograf, où il travaille de 1926 à 1929. Auteur de plusieurs ouvrages (Procédés de tirages ; Tirages aux sels de chrome), Klépikov transmet ainsi le fruit de ses expériences et son grand savoir-faire en matière de tirage. Ses oeuvres sont exposées de 1920 à 1930 en Grande-Bretagne, en France, en Italie, aux États-Unis, au Japon, en Pologne, et remportent de nombreuses récompenses. Comme beaucoup d’autres artistes, il est accusé en 1930 de formalisme, mais il n’en continue pas moins son oeuvre, dont les plus fortes images sont certainement celles des arbres et sous-bois de sa région. Ce travail sentimental ne réfléchit pas la nouvelle vision de la société soviétique, mais témoigne plutôt d’un engagement dans une recherche purement personnelle. La collection de ses images est conservée dans un institut de Moscou. V.E. KLUTSIS Gustave photographe russe (Volmar, Lettonie, 1895 - 1944) Klutsis étudie de 1913 à 1915 à l’Institut d’art de Riga, puis à l’école d’art de la Société d’encouragement pour les arts de Pétrograd jusqu’en 1917. En 1918, il part à Moscou pour s’engager dans l’Armée rouge, dans le 9e régiment d’infanterie letton. Il travaille alors pour le compte des studios privés de Mashkov et de Meshkov, downloadModeText.vue.download 311 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 311 et sous la direction du peintre Kazimir Malevitch à Svomas. Très attiré par l’art contemporain, il participe aux ateliers de Konstantin Korovin et Antoine Pevsner en 1919 et 1920. Il devient membre de l’Institut de culture artistique Inkhuk de 1921 à 1923, puis professeur aux Vkhujemas. L’Institut de polygraphie l’accueille comme professeur adjoint, et il se spécialise alors dans la conception d’affiches. Avec El Lissitsky*, il organise à Moscou, en 1927, l’Exposition polygraphique de toute la Russie et crée le projet de la section la Journée de travail de sept heures pour l’Exposition de la presse internationale de 1928. Membre de la section des travailleurs scientifiques de l’Institut de littérature, d’art et des langues de l’Académie communiste, il est « président-député » de la Société des travailleurs des affiches révolutionnaires. Organisateur du groupe Oktiabr, il participe à l’exposition Unovis en 1921, présente son travail à la première manifestation d’art russe à Berlin (1922), à l’Exposition internationale des arts décoratifs à Paris (1925), à l’exposition l’Art du livre à Paris (1931), à l’exposition de photomontage à Berlin (1931), ainsi qu’à de nombreuses manifestations consa- crées aux affiches à travers l’Europe, en Belgique, en Italie et en Grande-Bretagne, les années suivantes. En 1937, la ville de Paris le sollicite comme consultant artistique pour l’Exposition universelle. Il est arrêté en 1938 et envoyé dans le Kazakhstan, où il meurt en déportation. Klutsis travaille comme un artiste d’avant-garde déclarant dans les années 1920 la mort de l’art et la naissance d’une nouvelle culture, la construction du socialisme. V.E. KNAPP Peter artiste suisse (Zurich 1931) Après des études de peinture, d’arts graphiques et de photo à la Kunstgewerbeschule de Zurich de 1946 à 1950, Knapp s’installe définitivement à Paris, en 1953. Peintre, graphiste et scénographe, il débute la photographie au début des années 1950, mais n’est publié qu’à partir de 1960. Il est alors, depuis 1959, le jeune et brillant directeur artistique de Elle. Faute de photographes parvenant à réaliser les idées qu’il propose, la rédaction du journal le convainc de s’en charger. Parallèlement, il peint et expose régulièrement, mais, en 1965, il arrête cette activité et quitte le journal pour devenir photographe de mode et entamer une recherche personnelle en photographie. Knapp, qui ne prend pas des photos mais fabrique des images, a, par-dessous tout, le souci de la ligne et de la forme, contrairement à la plupart des photographes, pour qui la lumière est la préoccupation première. Il clarifie notre vision, allège l’espace et le décompose pour mieux le recomposer. Sous le vêtement, il traque le corps de la femme et lui renvoie une image plus libre, plus jeune, plus érotique. Dans les années 1960, ses photos de mode comme la réalisation de courts-métrages pour l’émission télévisée Dim Dam Dom ont contribué à créer une photo de mode beaucoup moins chic et plus adaptée à son temps. N.C. KOISHI Kiyoshi photographe japonais (Osaka 1908 - Fukuoka 1957) Photographe représentatif des avantgardes japonaises des années 1930, Koishi devient, à l’âge de 20 ans, membre d’un des downloadModeText.vue.download 312 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 312 plus grands groupes d’amateurs de la photographie pictorialiste, le Naniwa Shashin Club d’Osaka. Inspiré par la nouvelle photographie allemande (Nouvelle Objectivité*, Bauhaus*, etc.), il transforme radicalement l’orientation du groupe, rejetant l’esthétique du pictorialisme, et devient un des moteurs du mouvement avantgardiste de la région d’Osaka, aux côtés d’autres photographes, tels I. Nakayama*, du Ashiya Camera Club, et N. Yasui*, du Tampei Shashin Club. Parallèlement, il pratique dès 1931 la photographie publicitaire. Koishi est connu pour être un excellent technicien qui maîtrise les diverses techniques nouvelles : le photogramme, la solarisation, le photomontage, l’infrarouge, etc. L’ouvrage Shoka Shinkei (Sensibilité en début d’été), publié en 1933, avec une couverture en aluminium, est à ce titre exemplaire. Il y exploite un univers fantaisiste à travers des images fragmentaires d’objets mécaniques, de liquides et de corps. En 1936, il publie Satsuei – sakuga no shin-gihoh (Nouvelles Techniques pour la réalisation photographique), un livre théorique illustré dans lequel il développe sa pensée et sa méthode. Dès 1938, il accompagne l’armée pour réaliser des reportages. La série Hansekai (la Moitié du monde) est exposée en 1940 après sa mission en Chine. Composé de dix images, l’ensemble évoque, en complicité avec les légendes, un esprit antimilitariste. L’oeuvre de Koishi est présentée à Paris dans l’exposition Japon des Avant-Gardes 1910-1970. T.O. KOLLAR François photographe français d’origine hongroise (Szenc, Hongrie, 1904 - Créteil 1979) Exilé à Paris en 1924, pendant le régime de Horthy, Kollar travaille d’abord chez Renault comme tourneur sur métaux. Passionné de photographie, il parvient à trou- ver un poste de chef de studio (Draeger Frères) en 1927. Il maîtrise rapidement toutes les nouveautés techniques et esthétiques de l’époque : vues en plongée et en contre-plongée, cadrage inventif, surimpression, solarisation, etc., et ses photos paraissent dans l’Illustration (Magic Phono, 1929). Dès 1930, il est engagé par l’agence Lecram. Il réalise alors de nombreuses publicités pour des produits de luxe (briquets Dunhill, parfum Worth...). En 1931, Horizons de France lui commande un reportage sur le monde du travail. Plus de 10000 clichés exécutés en l’espace de quatre ans sont édités sous le titre La France travaille. À la fois humaniste et moderne dans son traitement – il s’attache à la personnalité des hommes et des femmes qui travaillent, et les photographie dans le style de la Nouvelle Vision –, cette enquête est la première, et la seule, jamais tentée en France dans ce domaine. Parallèlement, Kollar crée pour la publicité, réalise des portraits de célébrités (Coco Chanel, Jean Cocteau, Édith Piaf) et photographie les collections des plus grands couturiers (Lanvin, Balanciaga, Balmain). Il joue avec l’éclairage et use parfois de la surimpression ou de la solarisation. Spécialiste des effets de reflet, de transparence et de translucidité, il vante les bijoux Van Cleef et Arpels ou le champagne Moët et Chandon. Il connaît alors un grand succès, expose à la galerie de la Pléiade et publie son ouvrage intitulé 25 photos de Kollar (avril 1934). La guerre interrompt brutalement son travail. Une exposition sur La France travaille à la bibliothèque Forney (1985), puis une rétrospective au palais de Tokyo en 1989 (qui a ensuite été présentée à Lyon, en 1990, à la Fondation nationale de la photographie ; à Madrid, en 1991, à la Sala des downloadModeText.vue.download 313 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 313 Exposiciones del Canal Isabel II) rendent à l’artiste son rôle déterminant dans la photographie française des années 1920-1930. En 1987, l’État français a reçu en donation 15 000 négatifs et 3 000 tirages originaux de Kollar. E.E. KOONS Jeff ar tiste américain (York, Pennsylvanie, 1955) Étudiant en art à Baltimore et à Chicago de 1972 à 1976, Koons traite à partir de 1984-1985 de la relation de l’art à la société de consommation. Il réactive le débat en plaçant explicitement l’objet d’art comme marchandise dans la stratégie renforcée d’une économie du désir. Avec Koons, le langage publicitaire ainsi que les conditions de démonstration de l’objet, à travers la valorisation de sa couleur, de sa forme et de sa texture, sont les éléments majeurs à partir desquels se développe son propos. La présentation monumentale dans des vitrines en plexiglas d’aspirateurs neufs, sous la lumière de néons, datée de 1981, la reproduction d’affiches de publicité pour des marques de whisky ou de cognac, réalisées en 1984-1985, sont les premières pièces de l’artiste dont l’Europe prend connaissance à partir de 1988. Koons fabrique un univers d’objets dominés par une esthétique kitsch, typique du goût des classes moyennes : petites statuettes, jouets... Il exploite et renforce les confusions entre les arts majeurs et mineurs. Peu à peu, Koons inclut sa propre image dans des oeuvres photographiques. Il figure au centre d’une série de publicités parues dans des revues d’art américaines, comme annonces de ses expositions de l’année. Il expose à la Biennale de Venise de 1991 un ensemble de photographies de ses ébats avec Ilona Ciccolina, star italienne de films pornographiques, qu’il épouse un an plus tard. Par leurs couleurs volontairement suaves, leur caractère naïf, ces images diffèrent radicalement de celles que diffuse habituellement la presse du genre. Provocateur et cynique, ou bien critique des valeurs sociales, ou bien encore simplement amuseur, Koons n’en finit pas de superposer les masques, renforçant à la fois l’ambiguïté de son oeuvre et de son personnage, mêlant son art à sa vie, sous le signe de l’exhibitionnisme médiatique. S.C. KOPPITZ Rudolph photographe autrichien (Schreiberseifen 1884 - Vienne 1936) Koppitz fut à la fois et successivement étudiant et enseignant à la Graphische Lehr und Versuchsanstalt de Vienne. Après un apprentissage de photographe, il poursuit sa formation dans cette école où il est nommé assistant en 1913, puis professeur après la Première Guerre mondiale. Tout en restant un photographe traditionnel par les thèmes abordés, il se rattache d’une manière complexe au mouvement artistique viennois si riche entre 1900 et 1930. Adepte des thèses pictorialistes, il en garde les techniques de tirage – comme la gomme bichromatée qui lui permet des effets de lumière et de matière qu’il exploite sur des grands formats ressemblant à des panneaux décoratifs. Il complète cette technique par un sens très rigoureux de la composition, quelles que soient les conditions de prise de vue, en studio ou à l’extérieur. Cette rigueur engendre une certaine expression symbolique. En complément de son activité d’enseignant et d’artiste, il participe à de nombreuses conférences dans toute l’Autriche et commente les collections de la downloadModeText.vue.download 314 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 314 Société photographique de Vienne, créée en 1861. Parmi les nombreux thèmes abordés par Koppitz, les plus importants sont les nus, la danse et la vie des paysans, ce dernier emprunt d’un certain « romantisme agraire » proche de celui des photographies des frères Hofmeister*. Koppitz disparaît en 1936 alors qu’une exposition Land und Leute présente à Vienne 500 de ses oeuvres sur ce thème. S.M. KOSUTH Joseph ar tiste américain (Toledo 1945) Kosuth est étudiant à la School of Visual Art lorsqu’il cherche un art* conceptuel sans objet ni esthétique. En 1965, pour rendre ses préinvestigations visibles et non pas visuelles, il juxtapose une chaise, la photographie noir et blanc de cette chaise agrandie à l’échelle réelle et sa définition tirée du dictionnaire (One and Three Chairs). Une stricte équivalence égalise ces trois éléments qui ne représentent qu’une seule et même idée. Le degré zéro de la photo correspond à la neutralité de l’objet choisi et à la qualité abstraite de la définition. Dans ce système, l’évidence tautologique se situe en-deçà de la matérialité des objets. Au cours de la même année, Kosuth répète la même présentation à travers divers objets. Constatant que l’on prend ses agrandissements photographiques pour des tableaux, il cesse de l’utiliser. Il répète la même idée tout au long de son travail : la structure linguistique détermine l’art dans sa nature générale. Il modifie par la suite ses champs d’investigation avec les journaux, les panneaux d’affichage, la télévision. P.O. KOUDELKA Josef photographe français d’origine tchèque (Boskovice, Moravie, 1938) Après des études d’ingénieur à l’université de Prague (1956-1961), Koudelka commence à se consacrer à la photographie en travaillant pour le magazine de théâtre Diradlo. Sa première publication personnelle est préfacée par Anna Favora. Dès 1961, il entreprend de photographier les gitans en Tchécoslovaquie. Lors de l’invasion soviétique de Prague en 1968, il réalise un reportage pour lequel il reçoit anonymement la médaille d’or du Robert Capa Overseas Press Club. Il quitte définitivement la Tchécoslovaquie pour s’installer, en 1970, en Grande-Bretagne puis à Paris. Il entre à l’agence Magnum* en 1971. Le musée d’Art moderne de New York lui consacre une exposition personnelle en 1975, et ses photographies sont publiées la même année par Robert Delpire (les Gitans : la fin d’un voyage). Il mène, en effet, autour des gitans une entreprise exclusive dans différents pays européens. Il la poursuit encore aujourd’hui comme l’élément central de son oeuvre, en rompant avec une conception ethnologique ou sociologique du reportage pour rejoindre une forme de représentation, à la fois théâtrale et introspective, où les actions s’enchevêtrent, sans communiquer entre elles, dans le rituel du voyage, des traditions et des fêtes. L’archaïsme des visages, les signes de l’exil, l’accentuation des contrastes du noir et du blanc expriment le sentiment d’un monde habité par la mélancolie. Une importante exposition a été consacrée à Koudelka par la Hayward Gallery de Londres (1984) puis par le Centre national de la photographie de Paris (1988). Il a collaboré à la commande lancée par la Datar sur le paysage urbain et rural en downloadModeText.vue.download 315 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 315 France. Au cours de son évolution récente, il a réalisé des panoramas tandis que sa conception du reportage continue à s’organiser avec rigueur autour de l’exil et du nomadisme. F.D. KOULEBIAKINE Nikolaï photographe russe (Friazino 1959) Né dans la région de Moscou, il suit les cours d’un établissement technique de photographie dont il obtient un diplôme en 1981. Il s’oriente vers une carrière professionnelle et, de 1984 à 1986, participe à trois grandes expositions à Moscou, y recevant deux médailles de bronze. Il appartient au Garkom (Comité de ville des artistes graphistes) à partir de mai 1988. Sa première exposition personnelle à Moscou (1988) présente des natures mortes dans la lignée des oeuvres de J. Sudek*. Il travaille avec des appareils de fabrication occidentale, en petit et moyen format. Il marque sa préférence pour les portraits qu’il réalise de ses amis artistes moscovites ; il en montre une collection au Mois de la photo 1992, au Grand Écran à Paris, dans le cadre de l’exposition Expériences photographiques russes, images aux magnifiques jeux d’ombre et de lumière, de vérité et de virtualité poétique. Koulebiakine expose régulièrement depuis 1988 dans de nombreux pays. V.E. KRANZ Kurt ar tiste allemand (Emmerich 1910) Après un apprentissage comme litho- graphe, Kranz entre au Bauhaus* en 1930 et suit les cours de Wassily Kandinsky et de Paul Klee (département peinture), de W. Peterhans* (département photographie) et de Joost Schmidt (département publicité). De 1932 à 1938, il collabore avec H. Bayer* pour de nombreux travaux publicitaires ou typographiques, des pages de titre et des montages photographiques. De tendance surréaliste, les photomontages de Kranz révèlent un univers utopique et sont en même temps influencés par les idées puristes du Bauhaus. Les images qu’il utilise sont des photographies découpées dans des illustrés. Sorties de leur contexte, elles s’ordonnent dans la page blanche, isolées en une scène large et libérées de toute pesanteur. Les titres que Kranz donne à ses réalisations en sont d’ailleurs révélateurs : Séparation nette (1930), Isolement (1931), Absence de pesanteur (1932). F.H. KRAUSE George photographe américain (Philadelphie 1937) Krause suit une formation de peintre et de graveur au Philadelphia College of Art, puis travaille comme photographe publicitaire pour divers journaux, dont Harper’s Bazaar* et Horizon. Dans les années 1970, il abandonne ce travail pour se consacrer à ses recherches et enseigner la photographie – il est professeur au département d’art de l’université de Houston depuis 1975. En 1976, il est le premier photographe à recevoir le prix de Rome. Son travail se caractérise par l’exploration de fantasmes au travers d’images qui paraissent surnaturelles. Il est fasciné par le rapport de la vie et de la mort et leurs médiums, telles la passion et la compassion. Parmi ses séries, les plus renommées sont Qui Riposta, photographies de pierres tombales dans les cimetières italiens aux États-Unis, et Saints and Martyrs, clichés de sculptures religieuses italiennes downloadModeText.vue.download 316 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 316 et mexicaines (v. 1964). Il a également fait des scènes de rues, des paysages et des portraits, ainsi que des études de nus originaux qui explorent le champ du fantasme érotique (v. 1970). Krause est représenté dans de nombreuses collections, notamment à Rochester (George Eastman House), à Boston (M.F.A.) et à Paris (B.N.). M.C. KRAUSS Rosalind historienne américaine (États-Unis) Professeur à l’université de Columbia de New York, Krauss est historienne et critique d’art moderne. Rompue à la tradition du formalisme américain, elle s’en dégagea – sans jamais en renier les acquis critiques – pour fonder en 1976 la revue October, rapidement devenue l’organe d’un dialogue transatlantique. Venue de la critique des arts plastiques, elle aborde la photographie par le biais d’une série d’articles (rassemblés et traduits en français dans le Photographique, éd. Macula) dans lesquels elle s’oppose à la pratique courante consistant à penser la photographie à partir des critères historiques et taxinomiques issus de la peinture. Comprendre E. Atget* suppose en effet d’abord de reconnaître que l’univers de la photographie est celui de l’archive et non celui du musée. Deuxième moment logique : la constitution de la photographie en tant que champ spécifique. La réfutation de la catégorie fluctuante de style par l’intervention de la notion d’écriture permet un redécoupage stratégique et fonctionnel de la production photographique de ce siècle, la Nouvelle* Objectivité du Bauhaus* et la « beauté convulsive » du surréalisme* prenant désormais sens l’une par rapport à l’autre. Le troisième moment logique, sans doute le plus important, permet un retour critique sur certains mouvements de ce siècle dont l’analyse picturale s’était révélée stérile, par exemple le surréalisme : la photographie devenue modèle théorique et grille de lecture s’abolit en tant que domaine empirique. A.R. KRAVTCHOUK Vassili photographe russe (1956) Né dans la région de Moscou, Kravtchouk suit dans la capitale, dès l’âge de 18 ans, une formation supérieure d’éducateur culturel à l’Institut d’État de la culture. En 1980, après son service militaire, il entre comme employé à l’Institut de recherche scientifique puis, en 1983, à la Maison centrale du peintre. Alors photographe, il se spécialise, pour gagner sa vie, dans la reproduction d’oeuvres pour les éditions du Peintre soviétique. Il fait partie depuis 1984 du Garkom (Comité de ville des artistes graphistes). Il voyage au Daghestan en 1985 et réalise un véritable journal de bord, chronique de ses déplacements. Passionné par le reportage social, il s’engage totalement dans la photographie et revendique son statut d’indépendant. Tout comme d’autres photographes, par exemple son ami Lev Melihov, il puise son inspiration dans la vie des communautés : petites villes, zones rurales, associations civiles et religieuses. Ces différents cercles d’artistes sont animés d’un grand dynamisme et jouent un rôle de pivot en générant un dialogue nouveau avec le spectateur. Les images de Kravtchouk sont retravaillées avec des pigments et sont assemblées en grands formats. V.E. downloadModeText.vue.download 317 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 317 KRIMS Les (Leslie Robert, dit) photographe américain (New York 1943) Tout en étudiant la peinture et la gravure à New York (1960-1967), il commence à faire des photographies. Il expose dès 1966 et devient en 1969 professeur à la State University à Buffalo, où il vit depuis. Précurseur avec D. Michals* de la photographie mise* en scène, il joue sur la dérision, représentant, à partir de croquis, les stéréotypes de la société américaine, osant toutes les outrances. Il s’attaque aux tabous de la religion et du sexe, à la société de consommation et aux loisirs populaires, comme dans cette photographie de 1969, en noir et blanc, où une jeune femme nue pose, le visage recouvert d’un masque de Mickey Mouse, devant une grande croix formée par d’autres têtes de Mickey, en ballons gonflables. Il réalise en 1971-1972 deux séries documentaires satiriques : The Little People of America, sur des rassemblements de nains, et The Deerslayers, sur les chasseurs de daims, puis revient à la mise en scène avec The Incredible Case of the Stack O’Wheat Murders, reconstitution imaginaire de meurtres. Dans Chicken Soup, il photographie sa mère nue. Puis, en 1975, il crée les Fictcryptokrimsographs, Polaroids retravaillés pendant leur séchage. Après la série Seven Miracles (1976), ses photographies sont de plus en plus élaborées et baroques ; une prolifération d’objets et d’images envahissent une pièce au décor surchargé, comme dans ses 24 Idiosyncratic Pictures de 19791980, prises à la chambre grand format, où des êtres souvent nus – dont parfois lui-même – sont figés dans une activité incompréhensible. Ses images récentes, qui parodient le reportage, plus ouvertement politiques mais d’interprétation ambiguë, sont accompagnées de courts textes contradictoires. Krims a participé à de très nombreuses expositions, aux ÉtatsUnis comme à l’étranger, et ses images figurent dans les collections de la plupart des musées. Ch.B. KRIZ Vilem photographe américain d’origine tchèque (Prague 1921) De Prague à Paris, de Paris aux ÉtatsUnis, Kriz donne vie aux objets inanimés en approchant l’étrange, le fantastique de leur présence ou de leur juxtaposition. Par cette démarche, il est l’un des maîtres de la photographie surréaliste. C’est à Prague, très jeune, aux côtés de J. Funke*, de Josef Ehm et F. Drtikol* qu’il commence ses expériences photographiques. En 1946, il vient à Paris, y côtoie le milieu artistique et se lie d’amitié avec Cocteau. Il photographie la rue, les monuments, comme les Gargouilles de Notre-Dame (1949). En 1952, il s’installe aux États-Unis, à New York puis à Berkeley, en Californie, et devient citoyen américain en 1958. De 1960 à 1964, il travaille au département de photographie du Museum of Modern Art de New York puis, à partir de 1964, enseigne la photographie. Il publie Sirague City (1975), Seance (1979). Il importe sur le continent américain l’inquiétude et l’esprit de recherche des artistes tchèques d’avant-guerre comme des surréalistes français. Dans ses compositions, comme OEil au fond d’une boîte de sardines (1970), Kriz montre les choses à la fois dans leur matérialité brute et dans leur rêve secret. Les tirages, parfois solarisés, prennent des tonalités chaudes, jaune-brun ou gris-vert. Les objets sont souvent décrépits. Leur juxtaposition insolite accentue leur mystère. Ces images sont hantées par la vie. Il est représenté à Paris, dans les collections downloadModeText.vue.download 318 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 318 de la Bibliothèque nationale, et aux ÉtatsUnis, dans de nombreux musées. M.M. KRONE Hermann photographe allemand (Breslau 1827 - Laubegast 1916) Krone est issu d’une très ancienne famille d’imprimeurs ; son père est l’un des tout premiers utilisateurs de la technique de la lithographie en Allemagne, procédé qu’il enseigne à son fils. À 16 ans, en 1842, Hermann acquiert son premier appareil photographique après s’être vivement intéressé à la découverte de L.J.M. Daguerre*. L’année suivante, il réalise ses premières photographies, des calotypes*. Cinq ans plus tard, il réussit avec la daguerréotypie* des vues prises au microscope, mais aussi une image d’étoile filante. De 1848 à 1850, il travaille à l’observatoire de Breslau. Photographe, mais aussi scientifique, il essaie toute sa vie de perfectionner les procédés et de résoudre le problème de la photographie des couleurs en utilisant le procédé mis au point par Lippmann. En 1852, Krone ouvre un studio à Dresde en même temps qu’une école de portrait photographique et, l’année suivante, il voyage en Suisse pour réaliser un album photographique. Il aborde tous les champs de la photographie, de la microphotographie à la photographie au télescope en passant par la stéréo, mais aussi la photographie de paysage, le nu, les scènes de genre et, bien sûr, le portrait. Fondateur de l’Union des photographes de Dresde, du journal Hélios, il est aussi enseignant au polytechnickum de Dresde. Tout au long de sa carrière, il participe à de nombreuses expéditions astronomiques. Photographe prolifique et scientifique reconnu, il est nommé docteur honoris causa et conseiller à la cour. Il s’éteint le 27 septembre 1916 à Laubegast, près de Dresde. S.M. KRUGER Barbara artiste américaine (Newark, New Jersey, 1945) Elle reçoit une formation de graphiste, profession qu’elle exerce au début des années 1970. Parallèlement, elle crée des photomontages*, alliant textes et photographies dans l’héritage de la photo de propagande* allemande et soviétique des années 1920. Ses formats sont monumentaux et exploitent exclusivement le noir et blanc. Kruger se livre à la déconstruction systématique du langage publicitaire. Son oeuvre traite du rapport entre image et pouvoir. Le texte et l’image créent des jeux d’association d’idées qui trouvent écho dans l’inconscient du spectateur. Sa démarche se place sous le signe de l’interactivité avec le spectateur, auquel le message s’adresse toujours sur le mode autoritaire de l’interjection, de l’interpellation et de l’avertissement. L’une des premières interventions publiques de l’artiste date de 1983, lorsqu’elle place à Times Square, à New York, cette annonce : « Je n’essaie pas de vous vendre quelque chose. » Bien que Kruger s’approprie les codes des médias, son message opère toujours une prise de conscience de leur pouvoir de manipulation. Parallèlement, son oeuvre témoigne d’une véritable culture visuelle et iconographique qui trouve ses sources dans l’histoire des arts occidentaux, de la peinture religieuse du Moyen Âge au cinéma de ce siècle. Kruger expose ses oeuvres photographiques depuis 1973. Elle participe en 1982 à la Biennale de Venise ainsi qu’à la Documenta de Kassel. Sa première exposition personnelle a lieu en France en 1983 (galerie Chantal Crousel, Paris). En downloadModeText.vue.download 319 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 319 1984, son travail a été présenté au Nouveau Musée de Villeurbanne et, en 1989, au château de Rivoli. S.C. KRULL Germaine photographe allemande (Wilda-Poznan, Pologne, 1897 - 1985) Sa carrière de photographe débute par l’ouverture de studios de portraits à Munich et à Berlin, et par la publication d’un livre sur le nu, mais commence réellement à son arrivée à Paris, en 1924 (après un séjour en Hollande en 1921-1924). Elle est alors l’un de ces nombreux photographes immigrés venus de l’Est, fréquente le milieu cinématographique par l’intermédiaire de son mari, Joris Ivens, et participe à l’embellie des médias illustrés en publiant en grand nombre des photographies dans des magazines aussi variés que Vu*, Voilà, Détective, Jazz, la France à table, Variété, Die Dame, ou dans des livres de photographie, et en faisant des publicités. Son livre Métal, en 1927, la place aussitôt parmi les photographes d’avant-garde liés aux courants artistiques : c’est avec ses vues en plongée ou en contre-plongée, décentrées, de construction massive et contrastée, aux sujets récurrents peu identifiables, consacrées à des architectures métalliques modernistes, que Krull peut apparaître comme le principal représentant en France de la Nouvelle Vision allemande (celle de L. Moholy-Nagy*, propagée par le Bauhaus*) : « L’acier transforme nos paysages. Des forêts de pylônes remplacent des arbres séculaires. Les hauts-fourneaux se substituent aux collines » (Florent Fels, préface de Métal). Ses photographies du pont transbordeur de Marseille, qui apparaissent dans le livre Marseille (1935), ne font qu’accentuer cette tendance stylistique, ainsi que 100 x Paris (1929), où elle se livre toutefois à un état des lieux plus social (les métiers, les marchés, les magasins). L’esthétique fétichiste de l’industrie et des chantiers, l’apologie de la ville, caractéristiques d’une épopée progressiste des années 1920, font place autour de 1930 (comme chez les autres photographes de l’époque) à une plus grande attention portée aux événements, aux visions fortuites, à l’atmosphère des lieux, en acceptant au besoin les clichés flous (la Route Paris-Mé- diterranée, 1931 ; le Valois, 1930). Pendant les années 1930, elle s’installe dans le Midi et voyage en Europe, discrète militante de gauche, amie de Malraux ; elle s’engage en 1940 dans la Résistance (comme photographe de la France libre) et, après la guerre, s’installe à Bangkok, puis en Inde, où elle continue à photographier. Elle reviendra mourir en Allemagne en 1985, sans avoir vraiment reçu la consécration que lui déniait la perte de ses négatifs anciens et la dispersion de sa production (malgré deux expositions rétrospectives, à Paris en 1967, à Bonn en 1977). Elle est représentée à Paris dans les collections de la Bibliothèque nationale et du M.N.A.M. M.F. KÜHN Heinrich photographe autrichien (Dresde 1866 - Birgitz 1944) Né en Allemagne, Kühn fait ses études de médecine à Berlin puis à Innsbruck. Après avoir soutenu sa thèse, il décide de s’installer dans cette région et se consacre à la photographie à partir de 1888. Son aisance financière lui permet d’employer toute son activité et son énergie à l’étude de la restitution de la vision. À Innsbruck, il se fait construire une somptueuse maison, sur le fronton de laquelle est gravé : « Vive le soleil, vive la lumière. » Avec H. Watzek* et H. HennedownloadModeText.vue.download 320 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 320 berg*, tous membres du Wiener* Camera Club, il fonde la Feuille de trèfle qui devient un lieu d’initiation et un creuset de l’école pictorialiste de Vienne. Kühn trouve son support technique d’expression en utilisant la gomme bichromatée*. Les possibilités d’interprétation du procédé, qu’il utilise avec une remarquable maîtrise, lui permettent de réaliser de nombreux portraits et natures mortes d’une grande vigueur ; il les présente dans la plupart des Salons photographiques entre 1895 et 1920. Outre le procédé à la gomme et à l’huile, il utilise l’autochrome* dès son apparition, en 1907. Après des revers de fortune consécutifs à la crise de 1929, il est obligé de vendre sa maison et de s’installer dans un village proche : Birgitz. Pour vivre, il devient journaliste au Photographische Rundschau und Mitteilungen. Artiste, mais aussi théoricien du mouvement pictorialiste*, cet ami intime de A. Stieglitz* laisse de nombreux articles, dont certains ont été source de polémique avec C. Puyo*. S.M. KUWABARA Kineo photographe japonais (Tokyo 1913) Influencé par H. Hamaya*, photographe et ami d’enfance, Kuwabara commence la photographie en autodidacte et saisit depuis 1934 au Leica les scènes de la vie quotidienne des quartiers populaires de Tokyo. Il réalise, toujours en amateur, 20 000 clichés jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, il dirige, en tant que rédacteur en chef, plusieurs magazines de photographie comme Camera, Shashin-Eizoh (l’Image photographique), etc. Parallèlement, il mène son activité critique en publiant de nombreux articles et continue à photographier la ville de Tokyo, alors en pleine mutation. Le travail photographique de Kuwabara est redécouvert par un jeune photographe, N. Araki*, et révélé au public en 1973 par l’exposition Tokyo 1930-1940 au Ginza Nikon Salon de Tokyo. L’année suivante, Kuwabara publie son premier livre, Tokyo 1936 (Shobunsha, Tokyo), qui connaît un grand retentissement. Ses images sereines et presque banales traduisent subtilement l’atmosphère, à la fois intime et chaotique, du Tokyo de l’époque. Depuis lors, il publie régulièrement ses photographies dans des recueils comme Tokyo-Sengo (Tokyo, après guerre), Tokyo-Rekijitsu (les Journées à Tokyo), Gogo-no-Bisho (le Sourire d’aprèsmidi) en tant que témoin-observateur de cette ville. L’oeuvre de Kuwabara est présentée à Paris en 1986 dans l’exposition Japon des Avant-Gardes (1910-1970) au M.N.A.M. En 1993, sa première rétrospective (avec N. Araki) a lieu au Setagaya Art Museum de Tokyo. T.O. downloadModeText.vue.download 321 sur 634 downloadModeText.vue.download 322 sur 634 322 L LAFONT Suzanne photographe française (Nîmes 1949) De formation littéraire et philosophique, Lafont réalise en 1984 des photographies de paysages et de ruines industrielles. Elle aborde, par la suite, la figure humaine, cherchant à traiter les personnages en dehors de tout naturalisme, de tout réalisme. Sa photographie participe d’une théorie spéculative de l’image, empruntée aux sophistes grecs, dont la pensée repose sur le paradoxe. L’image n’est jamais une mais diversifiée, et se constitue dans la mobilité et le mouvement, en référence au cinéma de Dreyer, Jean-Luc Godard, Bresson, Straub et Huillet. Elle est également une réflexion sur la symbolique de la gestuelle, des attitudes et des comportements. La notion de présence entre théâtralité, abstraction et réalisme est particulièrement traitée dans la représentation du visage que l’artiste considère comme « un lieu contradictoire et ambigu entre l’attitude et l’Être ». Ces questions sont synthétisées dans une série de photographies de grands formats, datées de 1992 : le Bruit ; l’Argent ; la Chute ; les Souffleurs ; le Choeur des grimaces. L’espace photographique, comme la scène du théâtre grec tel que Nietzsche le conçoit dans la Naissance de la tragédie, est le lieu de la dynamique des énergies vitales et contradictoires. Lafont a participé depuis 1986 à différentes expositions de groupe : Paris, C.N.A.P., 1989 (Une autre objectivité) ; Prato, Centro per l’arte contemporanea Luigi Pecci, 1990 ; Kassel, Dokumenta, 1992. Sa première exposition personnelle a été organisée par le Centre de la Vieille-Charité, à Marseille, en 1989. La galerie nationale du Jeu de paume a exposé son travail en 1991. S.C. LAGUARDE Céline photographe française (active de 1901 à 1914) Originaire du Pays basque et installée à Aix-en-Provence, Laguarde est une figure marquante de la seconde génération du downloadModeText.vue.download 323 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 323 pictorialisme* français après 1900. Élue membre correspondant du Photo-Club* de Paris en 1902, elle appartient de droit au corpus des femmes photographes engagées dans l’aventure pictorialiste, au même titre que ses consoeurs parisiennes Mme Huguet ou Mme Binder-Mestro. Attirée par les techniques d’intervention sur le tirage, et principalement par le procédé à la gomme bichromatée*, Laguarde est considérée, grâce à la maîtrise dont elle fait preuve en ce domaine, comme un équivalent féminin du célèbre R. Demachy*. La critique lui est toujours favorable, que ce soit lors de ses participations régulières aux Salons du Photo-Club de Paris ou lors des expositions à l’étranger. Le PhotoClub de Nice, comme la Société photographique de Marseille lui font une place de choix lors de leurs expositions annuelles, et Laguarde jouit en 1911 d’une grande exposition personnelle au Casino de Nice. Par ailleurs, ses images connaissent une publicité extraordinaire dans les revues photographiques. Son oeuvre se divise en deux périodes distinctes : jusqu’en 1909, la critique reconnaît en elle une iconographe mystique ouverte aux influences symbolistes, alors qu’elle se consacre ensuite aux portraits, comme par exemple celui d’une Mlle S. de M. (vers 1905, Paris, B.N.) et ceux de nombreuses célébrités, tels Maurice Ravel, Darius Milhaud, Francis Jammes, Maurice Barrès, etc. Mariée en 1913, elle s’installe l’année suivante à Paris, mais ne réapparaît pas dans le monde photographique d’après-guerre. M.P. LAND ART ET PHOTOGRAPHIE Les artistes du land art, mouvement apparu aux États-Unis puis en Grande-Bretagne à la fin des années 1960 en réaction au formalisme de la sculpture minimaliste, décident de sortir de l’espace de la galerie pour intervenir directement dans le milieu naturel. La photographie fournit alors un outil de documentation à des interventions de plein air parfois difficiles d’accès et souvent éphémères. Cette fonction documentaire n’épuise cependant pas la nature complexe et multiple des rapports qu’entretiennent les artistes du land art avec le médium photographique. Pour certains d’entre eux, comme Nancy Holt, la photographie est un pis-aller qui ne peut en aucun cas servir de substitut à l’oeuvre mais seulement inciter le spectateur à aller lui-même découvrir l’oeuvre sur place. Pour d’autres, comme Michael Heizer, connu pour ses gigantesques interventions dans les grands déserts américains (Double Negative, 1969-1970, réalisé dans le désert du Nevada), le cliché photographique est un aide-mémoire, voire parfois un lieu de découverte de l’oeuvre à part entière. C’est le cas notamment lorsqu’en 1968 il photographie des reconstitutions de certaines de ses premières oeuvres disparues. Pour Heizer, la photo est aussi en amont un outil d’élaboration de l’oeuvre au même titre que les esquisses et dessins préparatoires. Elle est enfin, parfois, une déclinaison possible de l’oeuvre, un regard singulier sur une intervention in situ, comme dans le cas des panoramas photographiques que l’artiste américain réalise à partir d’une séquence de clichés prise en suspension sur un câble le long des flans rocheux de son Double Negative. Dans l’ensemble, les présentations photographiques d’oeuvres land art se retrouvent en fait autour d’une même remise en cause de l’espace perspectif construit par l’image. R. Smithson*, l’un des principaux protagonistes de ce mouvement, nous le montre clairement dans une oeuvre de 1968 intitulée A Nonsite, Franklin, New Jersey, où downloadModeText.vue.download 324 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 324 il dispose au mur de la galerie une série de photos aériennes installées sous la forme d’un trapèze dont les bords convergent vers un point de fuite invisible qui pourrait correspondre au lieu où l’artiste a récolté les pierres qu’il présente aussi dans l’espace de la galerie. Entre support indiciel pour une lecture diversifiée d’un lieu, outil d’interrogation sur notre propre perception et oeuvre d’art en soi, la photographie est au sein des recherches land art un médium de prédilection pour travailler sur les limites de notre champ visuel. P.L.R. LANDAU Ergy photographe française d’origine hongroise (Budapest 1896 - Paris 1967) Landau débute en 1918 chez Franz Xaver Setzer, à Vienne, puis travaille chez Rudolf Dührkoop, à Berlin, en 1919. La même année, elle retourne en Hongrie où elle ouvre son propre studio de portraits (elle photographie Thomas Mann et L. Moholy-Nagy*). Ses clichés de style pictorialiste* connaissent alors un grand succès. Sous la pression du régime de Horthy, elle part pour Paris en 1923. Impressionnée par les nouvelles techniques industrielles, elle photographie des machines ou des objets à l’aide de son Rolleiflex. Caractéristique de la Nouvelle Vision, la photographie de Landau est dynamique et utilise le cadrage serré, les contrastes de formes, d’ombre et de lumière – l’Arrosoir ; Chaise et ombre (avant 1928) en témoignent. Mais c’est dans la photographie de nu qu’elle excelle. Elle appréhende le corps comme s’il s’agissait d’un objet (Femme se lavant ; Enfant nu de dos dans un tub, avant 1928). Landau participe à toutes les grandes expositions de photographie (Film und Foto* à Stuttgart en 1929, Das Lichtbild à Munich en 1930), et publie régulièrement dans Arts et Métiers graphiques, Art et Médecine et Paris Magazine. Elle figure à l’exposition la Nouvelle Photographie en France (Poitiers, 1986), et le musée Niépce de Chalon-sur-Saône lui consacre une exposition en 1988. E.E. LANFRANCO Nanda photographe italienne (Gênes 1935) Après l’exposition qui lui a été consacrée par le musée de l’Élysée de Lausanne en 1992, le public qui fréquente les lieux de la photographie l’a découverte, alors que jusqu’à ce moment elle était connue plutôt dans le milieu des plasticiens. Et pourtant, Lanfranco travaille depuis plusieurs années de manière rigoureuse. Que ce soit des natures mortes ou des sculptures, qu’elle repère dans le cimetière de Staglieno de Gênes (endroit qui a suscité l’intérêt de nombreux photographes), des corps ou des portraits d’artistes, ses images sont toujours « le défi suprême de l’obscurité » (C.H. Favrod), à la limite du visible. En 1985, elle obtient le prix Florenzi pour Des corps et Ils sont. S.T. LANGE Dorothea photographe américaine (Hoboken, New Jersey, 1895 - San Francisco 1965) Décidant brusquement à l’âge de 18 ans de devenir photographe, elle travaille dans un studio, puis suit les cours de C.H. White* à l’université de Columbia. Inscrite au Camera Club de San Francisco, elle ouvre à 24 ans son propre studio, qu’elle gardera douze ans. En 1920, downloadModeText.vue.download 325 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 325 elle épouse le peintre Maynard Dixon, avec qui elle aura deux fils. Marquée par la crise de 1929 et ses profondes répercussions, elle se consacre au reportage social, photographiant les grévistes du port, les manifestants du 1er mai 1933, les soupes populaires : sa célèbre Soupe populaire de l’Ange blanc, montrant un homme accoudé à une balustrade, les mains serrées, une gamelle de métal vide devant lui, transmet toute la détresse des victimes de la Grande Dépression. Ses personnages, toujours nobles, regardent rarement l’objectif : le visage ou les yeux baissés, ils sont concentrés sur eux-mêmes, pensifs ou désespérés. En 1934, Lange rencontre Paul Taylor, son second mari, et commence à travailler pour le gouvernement sur les ouvriers agricoles migrants, puis, à partir de 1935, dans le cadre de la Farm* Security Administration. Elle privilégie la relation humaine, réalisant des images qui pourront émouvoir et accélérer ainsi la résolution des problèmes sociaux : Migrant Mother (Californie, 1936), image d’une jeune mère entourée de trois de ses enfants, devient l’« icône des années 1930 ». En 1939 paraît un recueil de ses photographies de cette époque : An American Exodus : A Record of Human Erosion. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle photographie les camps où sont internés les Américains d’origine japonaise (on n’autorise la diffusion de ces images qu’en 1972), puis la naissance de l’O.N.U. Malade, Lange interrompt son travail quelques années, puis voyage avec son mari en Europe, en Asie et en Amérique du Sud. Une grande rétrospective de son oeuvre est préparée au M.O.M.A. de New York, mais ne sera exposée qu’en 1966, après sa mort. Ch.B. LANGLOIS Jean-Charles photographe français (Beaumont-en-Auge 1789 - Paris 1870) Polytechnicien et militaire de carrière, Langlois est aussi peintre de panoramas à partir des années 1830 : depuis le centre d’un édifice circulaire, un spectateur découvre une ville ou un haut fait d’armes peint sur tout le pourtour intérieur de la construction. Avec huit projets aboutis jusqu’en 1865, parmi lesquels la Bataille de La Moskowa (1835) ou encore la Bataille de Solférino (1865), il perpétue ce genre de divertissement public, qui tombera en désuétude avec l’apparition du cinéma, au tournant du XIXe siècle. Dès sa première réalisation sur la bataille de Navarin de 1827, ouverte en 1831 à Paris, Langlois intensifie l’illusion visuelle en ajoutant des objets réels entre la représentation et les spectateurs. Avec la Prise de Sébastopol, ouverte seulement en 1860, il substitue à une part des relevés habituels sur le terrain, inspirés des arts du dessin et de la topographie, un enregistrement photographique qui, en 14 épreuves accolées, rend compte du site choisi suivant un angle de 360°. Avec des portraits des personnages importants à faire figurer et des informations sur les couleurs à restituer, les matériaux sont réunis pour l’exécution finale du tableau historique à Paris. Lorsqu’il part en mission officielle à Sébastopol en octobre 1855, Langlois est accompagné de L.-E. Méhédin* comme assistant opérateur pour réaliser les prises de vue qu’il choisit. Sur place, il apprend cette nouvelle discipline et, jusqu’en mai 1856, ils bravent tous deux de nombreuses difficultés techniques, dues notamment à l’inadaptation des procédés aux conditions climatiques difficiles de cette région, comme l’écrit Langlois à sa femme. Parmi les premières photographies de guerre, downloadModeText.vue.download 326 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 326 ces productions occultent le spectacle des cadavres et des souffrances physiques et permettent de mesurer l’importance de la destination des images sur les options techniques et esthétiques adoptées par les photographes. De l’historique au pittoresque, elles se font documents de travail ou représentations à vocation artistique, à étudier froidement ou à contempler avec émotion. B.P. LANGMAN Éléazar photographe russe (1895 - 1940) En 1928 se forment en Union soviétique des groupes de représentants des différentes orientations artistiques et créatrices de la photographie. Langman, avec ses amis B. Ignatovitch*, O. Ignatovitch* et D. Debakov*, participe au premier groupe Oktiabr, dont le leader est A. Rodtchenko*. Suivi par d’autres disciples, il engage le combat contre les mises en scène et la déformation de la réalité dans les photoreportages. L’influence de Rodtchenko sur son travail résulte non seulement de ses réalisations formelles mais aussi de ses innovations quant au contenu social. En réaction contre les procédés picturaux du passé, de la photographie de salon, Langman crée des images pour exprimer à travers une nouvelle réalité les faits soviétiques majeurs. Un détail sobre en gros plan, un cadrage osé dictent le choix de ses compositions dynamiques. Sa volonté de sortir du cadre des formes traditionnelles va de pair avec le contenu novateur de l’image. Ce point de vue sur la manière de traiter le sujet le rapproche de ses amis de Oktiabr. Son groupe ne tarde pas à engager une polémique avec les grands reporters photographes de journaux comme M. Alpert* et A. Shaikhet*, qui s’associent de leur côté au sein de l’Union des photographes prolétariens de Russie (R.O.P.F.). En réalité, ils pratiquent tous la même mission sociale pour présenter au peuple les succès de l’industrialisation, de la science et de la nouvelle culture socialiste. V.E. LANTERNE MAGIQUE Appareil au moyen duquel on projette, en les amplifiant, sur une surface blanche, des images reproduites sur un support transparent. La lanterne magique est un ancêtre, qui connut une grande vogue, de l’appareil de projection de diapositives. C’est de la lanterne magique d’Athanasius Kircher (1602-1680) que dérivèrent le Praxinoscope, ou « Théâtre optique », d’Émile Reynaud (1876), le cinéma lui-même, et aussi la « Laterna magica » de Prague, qui est un intéressant essai de spectacle intégré, combinant les projections de vues fixes ou de décors, le cinéma et le jeu d’acteurs réels. S.R. LARRAIN Sergio photographe chilien (Santiago 1931) Ses débuts en photographie coïncident avec ses études à l’université de Berkeley en Californie dans le département eaux et forêts. Étudiant ensuite à l’université de Michigan à Ann Arbor, il parcourt, dans le même temps, l’Europe et le Moyen-Orient. De retour au Chili en 1954, il devient photographe indépendant. Employé par le magazine brésilien O Cruzeiro en 1953, il part vivre quelque temps à Londres grâce à une bourse du British Council. Membre associé de l’agence Magnum* l’année de son arrivée à Paris (1959), il en devient membre à part entière en 1961, à son retour au Chili. downloadModeText.vue.download 327 sur 634 Dictionnaire mondial de la Photographie 327 Passionné par la discipline du yoga, qu’il apprend avec Oscar Ichazo de 1968 à 1970, il démissionne de l’agence Magnum pour devenir simple collaborateur. De nombreux livres témoignent de son travail, comme El rectangulo en la mano (1963), La casa en la arena (avec Pablo Neruda ; 1966), Chili (1968), Valparaíso (1991). Une grande exposition (Masters of Street Photography) à San Diego ainsi que On the Line, the New Color Photojournalism au Laguna Art Museum et au Walker Art Center de Minneapolis permettent en 1987 de voir une sélection importante des images qu’il prend régulièrement dans les rues des villes, au Chili ou dans les pays qu’il visite. Personnages énigmatiques, silhouettes fugitives d’enfants, le dédale des rues inondées de soleil, les citadins en marche sont les sujets de sa recherche en couleur. Un de ses reportages significatifs publié au Chili s’intitule Images d’un après-midi d’été dans le Nord. Larrain a également réalisé un film 16 mm couleur de 8 minutes, Vagabond Children. V.E. LARSEN Gunnar photographe danois (Copenhague 1930 - Paris 1990) Après des études classiques, il s’initie dès 1946 à la photographie. Lors de son service militaire, dans les années 1951-1952, il affine sa technique de prise de vue et de laboratoire, et acquiert son premier Rolleiflex. L’année suivante, il voyage en Europe et photographie Hambourg, Paris, Vienne. Photographe de presse à partir de 1956, il est publié dans de nombreux journaux et magazines Scandinaves. Dès 1956, il commence à travailler pour la mode. Il s’installe à Paris en 1960 et photographie Bardot, Cardin, Deneuve,