En mémoire de Raymond Burger

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En mémoire de Raymond Burger
En mémoire de Raymond Burger
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LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS
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BURGER
LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS
Rédaction Anne Argyriou
Ava n t- p r o p o s
Installée dans la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines depuis le début
du XVIIIe siècle, la famille Burger fait partie de celles, rares, qui sont
parvenues à pérenniser leur entreprise sur plus de cinq générations,
jalonnant ainsi l’aventure industrielle de la ville.
Lié à une spécialisation historique dans la fabrication de pièces en bois
pour l’industrie textile depuis 1847, son héritage est resté bien vivant.
Mais ce qui fait davantage la réputation des établissements Burger,
c’est leur capacité à se renouveler sur leur territoire d’origine, sans
jamais perdre de vue leur héritage séculaire.
Une aventure qui n’est pas terminée, et, si ce livre est un livre de
mémoire, il est aussi une porte ouverte sur l’avenir !
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« De la Mine d’argent de Leberthal », gravure de
Sébastien Münster, extraite de la Cosmographie
universelle, livre III, 1544.
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« Le travail à la mine », gravure de Sébastien
Münster, extraite de la Cosmographie universelle,
livre III, 1544.
Le textile… moteur d’industrie
1
Dès
le début du XVIe siècle,
l’exploitation des gisements
argentifères fait du petit bourg
de Sainte-Marie-aux-Mines une
cité florissante. Centre industriel
et commercial de la vallée, la
ville abrite de nombreux corps de
métiers : draperies, coutelleries,
tanneries, bonneteries, fabriques
de cobalt, galons d’or et d’argent
font le renom de la cité.
2
Au début du XIXe siècle, l’exploitation des mines
d’argent, qui a fait de Sainte-Marie-aux-Mines une
cité florissante dès le début du XVIe siècle, a pratiquement disparu. La vallée trouve pourtant bientôt
une compensation plus que suffisante dans l’industrie cotonnière qui lui succède. Le tissage y est
déjà bien présent, et, au XVIIe siècle, de nombreux
artisans, passementiers, faiseurs de bas, bonnetiers
et tisserands de draps exercent leur métier à SainteMarie-aux-Mines et dans la vallée. Mais c’est en 1755
que la filature de coton est introduite dans la ville et
les vallées environnantes par un industriel mulhousien, Jean-Georges Reber, qui y adjoint une fabrique
de toile de lin, de coton et de chanvre. Les premiers
tissages portent le nom de « siamoises », imitations
assez grossières des étoffes importées à la cour du
roi par l’ambassadeur du Siam. J.-G. Reber devient
bientôt le manufacturier le plus important de la vallée. Son fils, Jean-Georges, et ses gendres, Jean
Blech et Daniel Risler, continuent avec succès l’entreprise. Mais déjà leurs affaires prospères attirent
d’autres entrepreneurs. L’apparition, en 1830, des
premières machines à filer, venues remplacer le traditionnel filage au rouet, pratiqué le plus souvent à
domicile, permet l’élaboration de nouveaux tissus,
plus fins et de meilleure qualité.
Puis l’introduction par Jacques Blech, vers 1840, de
la fabrication de tissus mélangés en soie, coton et
laine achève d’établir Sainte-Marie-aux-Mines comme la capitale incontestée du tissu de haute qualité.
L’« article de Sainte-Marie », remarqué et primé dans
Registre des gains par jour et par mois » tenu par Rodolphe Burger en
« 
1844. Entre les pages de ce cahier, Rodolphe a consigné des croquis de pièces à
réaliser mais aussi des dictons et même un remède contre les maux de tête…
maintes grandes foires parisiennes, gagne une réputation nationale et
remporte de beaux succès à l’exportation, vers l’Europe et les États-Unis.
Dès lors, l’industrie textile connaît une expansion telle qu’elle absorbe peu
à peu la draperie, la bonneterie et une grande partie du travail artisanal du
coton. De toutes parts s’égrènent d’importants établissements de tissage,
de blanchiment et de teinture sur les traces laissées par les premières implantations et aux dépens des anciennes fabriques.
L’industrie textile se développe tant et si bien qu’elle entraîne à sa suite
toutes sortes de débouchés nouveaux et de véritables aubaines pour les
hommes entreprenants.
1847 : Rodolphe Ier, le pionnier
Chez les Burger, depuis plusieurs générations, on travaille le bois. Sans
doute cette activité n’est-elle encore qu’un complément de ressources lorsque, à la mauvaise saison, le travail manque aux champs. C’est qu’il y a de
nombreuses bouches à nourrir à la ferme de la Petite-Lièpvre, celle-là même
où se sont installés les aïeuls, venus de Suisse un siècle plus tôt. Aussi, dès
son plus jeune âge, Rodolphe apprend-il à la manière de son père, JeanNicolas, qui la tient lui-même de son grand-père, Rodolphe, l’art de fabriquer
cuves, baquets et pièces de bois nécessaires à la vie simple et rude des
paysans de la vallée.
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3
Exemple de baquet utilisé par les teinturiers.
« Teinturier, atelier et outils », gravure extraite
de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert,
Ed. de Genève, XVIII e siècle.
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Extrait de l’acte de vente du moulin de la
Petite-Lièpvre, signé le 1er mai 1847.
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Extrait de l’acte de naissance de Rodolphe,
deuxième du nom, le 22 février 1861.
© Archives municipales de Sainte-Marieaux-Mines.
Déjà trois générations de Burger ont vécu à la Petite-
C’est à Sainte-Marie-aux-Mines que Rodolphe épouse, le
Lièpvre avant la naissance de Rodolphe. Le premier à s’éta-
27 juillet 1744, Jeanne Christine Jackin, une jeune fille
blir en Alsace, dans la première moitié du XVIII siècle, por-
originaire du même canton. De leur union naissent quatre
te ce même prénom, transmis de génération en génération.
enfants. Leur aîné, Rodolphe, voit le jour à Lunéville en 1752.
Il est originaire d’un village du canton de Berne, en Suisse,
Il est le premier Burger né sur le territoire français. Devenu
comme nombre de réfugiés anabaptistes, qui forment en
tisseur de lin, il se marie en 1775 avec Marie Wenger. Leur fils,
Alsace les premières communautés mennonites.
Jean-Nicolas, n’a que quatre ans lorsqu’il perd sa mère, en
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1782. L’année suivante, Rodolphe épouse en secondes noces
Suzanne Wasser, dont il aura six autres enfants.
Jean-Nicolas, qui exerce le métier de cuvelier, épouse Rosine
Offolder le 5 janvier 1804. Leur fils, Rodolphe, né le 11 avril
1818 à Sainte-Marie-aux-Mines, est l’avant-dernier des huit
enfants du couple, une fille et sept garçons. Il est le fondateur d’une
longue lignée qui depuis associe le bois au nom de Burger.
2
© Fonds J. Horter.
Le
moulin à farine a été édifié
semble-t-il sur l’emplacement d’une
ancienne installation de traitement
du minerai qui comprenait une fonde1
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rie et une laverie. Ce bocard-laverie
dit du Treyer aurait été exploité dans
la deuxième moitié du XVIe siècle.
C’est là que commence notre histoire, à la Petite-Lièpvre, lorsque Rodolphe
apprend que le meunier Ancel veut se défaire du moulin à farine qu’il
exploite au bord de la Lièpvrette, non loin de l’endroit où celle-ci prend
sa source. À presque trente ans, il décide de quitter le giron familial et de
s’établir à son compte avec sa future épouse, Marie-Barbe Dellenbach,
fille d’un cultivateur de la Petite-Lièpvre.
Du canal d’alimentation en énergie
hydraulique utilisé par le moulin, ne
restent que des vestiges archéologiques
Le moulin est précieux : grâce à la roue à aubes dont il est pourvu, il
fournirait la force motrice nécessaire à la scie mécanique qui débiterait
ses planches. La forêt communale, située à pied d’œuvre, lui procurerait
amplement sa matière première. Rodolphe n’hésite pas davantage et paraphe, le 1er mai 1847, l’acte de vente qui le rend propriétaire « d’un moulin
à farine, canal et prise d’eau, cour, jardin, droits et dépendances, un pré et
deux champs » pour la somme de 9 000 francs.
visibles parallèlement à la rive gauche
de la Lièpvrette. Du moulin, il subsiste
encore les deux meules qui ornent
l’entrée de la maison familiale de
Sainte-Marie-aux-Mines.
© Fonds J. Horter.
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« Département du Haut-Rhin », extrait de : Victor
Levasseur, Atlas national illustré des 86 départements et des possessions de la France, Paris,
1876.
Le travail de cartographie de Victor Levasseur,
ingénieur géographe du milieu du XIXe siècle, est
un témoignage sur la vie des régions françaises.
Ses cartes aquarellées sont encadrées par de
précieuses statistiques et notes historiques. De
très belles illustrations représentent les principales activités économiques, curiosités, spécialités
locales et même certains hommes célèbres de
chaque département français de l’époque.
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« Sainte-Marie-aux-Mines », héliotypie, extrait de : 
À travers l’Alsace, Imprimerie Alsacienne, non daté.
2
Atelier de tissage à la « Manufacture de tissus
Nouveautés Kling & Cie », rue Saint-Louis à SainteMarie-aux-Mines, 1898. © Fonds J. Horter.
Entre 1842 et 1880, plus de 23 000 kilomètres de nouvelles lignes ferroviaires voient
le jour en France, favorisant la circulation
des marchandises. Pour la seule année
Sainte-Marie-aux-Mines change de visage
En quelques années, l’industrie textile se déploie de manière quasi
impérieuse. En effet, les manufacturiers tirent rapidement parti du potentiel
hydraulique de la vallée… C’est ainsi que tout un chapelet de petites
fabriques faisant appel à la force motrice de l’eau s’étire le long des deux
cours d’eau : au nord, le long du Liversel, et au sud, entre la Petite-Lièpvre
et Sainte-Marie-aux-Mines ainsi que le long des canaux aménagés. Moulins
à farine mais aussi à huile et à écorce, foulons, papeteries, scieries et taillanderies séculaires se voient peu à peu réutilisés au profit de l’industrie textile
et autres établissements d’impression, de blanchiment ou de teinture.
Plus de trente fabricants de tissus, une dizaine de teintureries,
des manufactures d’apprêts… : près de huit mille personnes, soit
les trois quarts de la population, sont occupées dans cette activité
en 1836. Dans les hameaux, les tisserands, qui ont toujours travaillé en
famille, colportant eux-mêmes leurs marchandises, se convertissent peu
à peu, travaillant à domicile pour le compte des fabriques. Attirée par cet
élan économique, la population emboîte rapidement le pas de l’industrie.
Le petit bourg de 6 300 habitants en 1801 devient une petite ville de 11 500
habitants en 1846 !
1860, les Chemins de Fer de l’Est acheminent de Paris en Alsace 43 916 tonnes de
coton pour une valeur de 1 689 216 francs.
À Sainte-Marie-aux-Mines, l’inauguration,
le 29 décembre 1864, de la ligne reliant la
ville à Sélestat donne une nouvelle impulsion à la croissance de l’industrie locale.
On a coutume de dire que « le textile
francisa Sainte-Marie-aux-Mines plus que
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ne l’avait fait le traité de Westphalie ».
Sainte-Marie-aux-Mines s’est taillé une
place incontournable pour l’approvision­­
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Sainte-Marie-aux-Mines a bel et bien revêtu les allures d’une cité usinière.
Les Blech, Lacour, Baumgartner, Koenig, Dietsch et d’autres encore forment un patronat puissant et déploient une activité remarquable dans
tous les domaines de la vie économique et sociale. La ville se dote de tous
les équipements urbains de l’époque : halle, abattoirs, bureau de poste,
télégraphe, banque et, dès 1858, éclairage public au gaz des rues et des
places. Sainte-Marie-aux-Mines forme le centre de tout un réseau sillonné
par les commissionnaires et négociants, voué à la seule production du
tissu de coton teint puis des tissus mélangés.
En effet, le succès obtenu par les nouvelles étoffes, croisé mi-laine,
jacquard, mousseline, est fulgurant. Les récompenses obtenues aux
expositions nationales et internationales confirment d’ailleurs la réussite
de cette industrie. Ces produits « haut de gamme » permettent aux entreprises sainte-mariennes de développer une production originale capable de
concurrencer les centres de tissage fortement mécanisés de Mulhouse.
nement en tissus de haute qualité. Très
tôt, les grandes maisons de haute couture
parisiennes ont étroitement associé les
fabriques de la ville au marché de la capitale,
et les étoffes de chez Blech, Koenig, Kayser,
s’illustreront durablement dans les grandes
expositions commerciales.
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« Métier de camelot et à la petite navette »,
extrait de l’ Encyclopédie de Diderot et
d’Alembert, Ed. de Genève, XVIII e siècle.
2
« Métier à drap », extrait de l’Encyclopédie
de Diderot et d’Alembert, Ed. de Genève,
XVIII e siècle.
3
« Tisserand du Val de Lièpvre », dessin de
Lix, extrait de Charles Grad, L’Alsace, 1889.
4
« Métier de tisserand », extrait de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Ed. de
Genève, XVIII e siècle.
5
« Métier de toile et de toilerie », extrait de
l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert,
Ed. de Genève, XVIII e siècle.
La vallée vit au rythme du textile. Les conditions sont donc très favorables
au jeune Rodolphe Burger, qui ne tarde pas à se spécialiser dans la fabrication d’accessoires en bois pour l’industrie textile. Une industrie qui fait
encore la part belle aux métiers à bras, dans les fabriques mais aussi dans
les campagnes, où plusieurs milliers de tisserands travaillent à domicile
pour les manufacturiers.
Le travail ne manque pas. À part la scie de long qui fonctionne grâce à
l’énergie hydraulique et quelques bielles, aucune machine ne rythme encore
la marche de l’atelier. Tout est fonction du tour de main, du coup d’œil de
l’artisan pour distinguer telle ou telle courbe qu’il ne faut pas manquer.
Rodolphe Burger est bientôt épaulé par son fils Rodolphe, deuxième du
nom, né en 1861. Celui-ci travaille très tôt aux côtés de son père, se familiarisant progressivement avec tous les aspects du métier de tourneur. Ce
n’est qu’après avoir complété son apprentissage chez un ébéniste qu’il est
associé étroitement à la marche de la fabrique. Rodolphe II a développé de
solides compétences techniques et montre vite une extrême ingéniosité en
perfectionnant les outils pour les adapter aux besoins de plus en plus variés
de l’industrie textile : battants de métiers, chasse-navettes, ensouples, bobines, font désormais partie de la production de Burger père et fils.
Le métier à tisser est un assemblage de pièces
de bois, sans vis ni clous métalliques. Il peut
aisément être démonté lorsque le travail vient à
manquer pendant quelques mois consécutifs. Le
métier est fabriqué par un menuisier, mais certaines pièces nécessitent l’intervention du tourneur. Il existe des métiers à tisser de différentes
tailles, l’élément variable étant sa largeur. Ici, le
tisserand est encore assis, actionnant ses pédales avec les pieds. Le métier à tisser « à bras »
sera constamment amélioré au cours des XVIIIe et
XIXe siècles, notamment par un système de commande du harnais, permettant la réalisation de
textures plus complexes.
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Ce sont eux les pionniers de l’entreprise… une poignée d’hommes, ici avec leurs épouses, qui posent
devant l’objectif. Il n’était pas rare, en ce temps-là,
que les ouvriers soient aussi des paysans, possèdent une vache ou cultivent un lopin de terre.
© Fonds J. Horter.
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Vue de l’intérieur de l’atelier à la Petite-Lièpvre,
vers 1895. On travaille chaussé de lourds sabots…
autre métier du bois couramment répandu jusqu’à
la Seconde Guerre mondiale et l’arrivée, avec les
Américains, de la botte en caoutchouc.
© Fonds J. Horter.
2
Cahier daté de 1871. Rodolphe II, âgé de 10 ans,
y fait des exercices de calligraphie.
Alors que les cours sont en chute, de nombreux tissages ont recours au
chômage partiel. Seule solution, la pénétration sur le marché allemand,
qui impose rapidement la fabrication de produits de moindre qualité et
moins coûteux, notamment la laine. Malgré la concurrence allemande, les
industriels s’adaptent sans trop de difficultés à ces nouvelles conditions
d’existence. Les drapeaux français sont soigneusement pliés et rangés…
en attendant le retour à la France.
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L’annexion allemande de 1870 : un équilibre
fragile
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Les semaines qui précèdent la déclaration de guerre, le 19 juillet 1870,
sont agitées. Sainte-Marie-aux-Mines est devenue une place forte de premier choix et fait face aux problèmes posés par la guerre : mobilisation,
réquisition. L’annexion de l’Alsace au Reich allemand, aux termes du traité
de Francfort, provoque un véritable traumatisme pour l’immense majorité de la population. Rebaptisée « Markirch », Sainte-Marie-aux-Mines
devient ville d’Empire et ses habitants des ressortissants allemands, à
moins d’opter pour l’exil. La frontière franco-allemande est rétablie sur la
ligne de crête du massif vosgien.
L’annexion place les industriels sainte-mariens dans une situation économique difficile. L’intégration de l’Alsace à l’espace douanier allemand
rend le marché français inaccessible aux produits régionaux, grevés d’importants droits de douane. Pour les fabricants qui écoulent leurs étoffes
sur le marché parisien, il est vital de retrouver rapidement de nouveaux
débouchés.
la Société Industrielle et Commerciale de Sainte-Marie-aux-Mines
La fondation de la Société Industrielle et Commerciale répond aux attentes des industriels saintemariens, inquiets pour leur avenir au sein de l’Empire allemand. Quelques hommes, dont Jacques
Weber, Jacques Dietsch, Léon Baumgartner et Émile Degermann, prennent l’initiative de la première
réunion, le 6 mars 1871. Aujourd’hui, la société continue à œuvrer pour la promotion de l’industrie
locale. La disparition progressive de l’industrie textile en a cependant changé la composition et le
relais est pris par des représentants d’industries plus diversifiées. En 1996, la présidence de la Société
Industrielle a été confiée à Bertrand Burger, fonction qu’il occupe encore en 2010.
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1896 : Burger s’installe à Sainte-Marie-aux-Mines
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L’acte de vente de la propriété de Sainte-Marieaux-Mines, signé le 19 août 1896.
2
La maison d’habitation, acquise par Rodolphe II en
1896, au n° 1 rue Reber et n° 7 place de la Fleur,
avait été bâtie en 1598 autour d’un vaste jardin et
abritait échoppes et petits ateliers : un chaisier,
un boulanger, un orfèvre…
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La boissellerie Burger s’étend peu à peu sur l’ensemble des bâtiments situés de part et d’autre du
renfoncement que l’on distingue à l’arrière-plan
à gauche.
Si, avec beaucoup de timidité, le père avait commencé à s’aventurer sur
les sentiers de l’innovation, c’est à son fils, Rodolphe II, qu’il revient d’avoir
donné un nouvel élan à l’outil de production.
Malgré les hauts et les bas que connaît régulièrement le textile depuis
l’installation de Rodolphe père au moulin de la Petite-Lièpvre en 1848, les
affaires des établissements Burger ne se portent pas mal. Son fils suit de
près l’évolution du machinisme. Il sait tirer parti de sa capacité à maîtriser
de nouveaux procédés et transforme peu à peu son métier en petite industrie spécialisée. Commercial intuitif, Rodolphe II n’ignore pas que l’avenir
se trouve en ville, au plus près des affaires.
Il décide avec sa jeune épouse, Émilie Arnold, fille d’un garde forestier
originaire d’Ostheim, et le petit Rodolphe, troisième du nom et âgé d’à
peine un an, de se rapprocher de la ville et d’installer son atelier près du
centre de l’activité textile.
Une opportunité se présente à l’été 1896. Les successeurs de Charles
Trimbach, teinturier, mettent en vente leur propriété située le long du
canal des Moulins à Sainte-Marie-aux-Mines. Ce canal de dérivation, alimenté en amont de la ville par la Lièpvrette, est à cette époque la colonne
vertébrale de l’activité économique de la vallée. Deux autres moulins s’y
trouvent déjà… Or les terrains situés près des courants d’eau, en plein
cœur de la ville, sont rares et les fabricants jouent des coudes pour s’en
rendre propriétaires. Confinés dans les anciennes fabriques, ils occupent
déjà chaque parcelle de jardin, chaque arrière-cour, pour y installer des
ateliers, utilisant progressivement tout l’espace disponible.
Le 19 août 1896, Rodolphe II se porte acquéreur de la propriété pour un
montant de 40 000 marks, une somme considérable pour l’époque, grâce
à l’appui et au prêt sans intérêt consenti par Jean-Baptiste Lacour, industriel influent et prospère, propriétaire d’une manufacture d’apprêts, en
lisière de la ville.
Sur ce vaste terrain situé au numéro 1 de la rue Reber et au numéro 7 de la
place de la Fleur, se trouve l’ancien moulin Trimbach, une maison d’habitation et une cour, occupée partiellement par un chaisier, un boulanger et un
orfèvre. La fabrique de boissellerie Burger se voit implantée au cœur d’un
incroyable réseau de fabriques qui remplit plus des trois quarts du bâti.
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4
Présentation des Ets Koenig et C ie. Extrait de :
Handel, Industrie und Gewerbefleiss in ElsassLothringen, Strasbourg, non daté, (vers 1912).
5
Une des entreprises les plus prospères de la vallée,
la manufacture d’apprêt J.B. Lacour. Extrait de :
Handel, Industrie und Gewerbefleiss in ElsassLothringen, Strasbourg, non daté, (vers 1912).
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Le Mulhousien Jean-Georges Reber est le beaupère de Jacques Blech. Il introduit en 1755 à
Sainte-Marie-aux-Mines l’industrie du coton, qui
fait la réputation de la ville sur le marché mondial.
Sa demeure, édifiée en 1787, devient propriété des
frères Blech, qui y installent un tissage dès 1818.
La maison Blech est l’un des établissements les plus
anciens et les plus en vue de la ville.
Ci-contre, les Établissements Blech Frères, 1898.
© Fonds J. Horter.
Dans la seule rue Reber, on peut alors trouver le tissage des frères Blech,
le dévidage mécanique Gimpel Frères, la manufacture Matheus, le tissage
Dreyfus-Werth et, à quelques pas, les tissages Koenig, l’ourdissage Schiffmann, et bien d’autres encore. Une véritable aubaine pour Rodolphe, plongé dans ce milieu stimulant et ouvert sur de larges possibilités d’action.
L’acquisition de cette propriété n’est pas sans conséquences. Elle impose
que Rodolphe prenne à sa charge, avec les autres utilisateurs, l’entretien
du canal et de la vanne située sur la rivière. Non sans heurts, si l’on en
croit l’imposant mémoire rédigé par Rodolphe Burger en 1904, qui détaille,
par le menu et preuves à l’appui, la question du droit d’usage de l’eau du
canal. Il y décrit d’ailleurs comment, au cours de travaux d’entretien de la
vanne, on découvre fortuitement cette année-là la fraude d’un riverain : il
a creusé une percée dans le canal afin d’en détourner l’eau et d’alimenter
une pompe réservée à son seul usage…
Ci-dessus, le plan du canal. Copie conforme du plan de 1702, effectuée en 1904 à la demande de R. Burger par les archives du district à Colmar.
Bâti en 1589, vraisemblablement pour l’industrie minière, le
d’eau. En 1826, soucieux de préserver leurs intérêts, les trois
canal des Moulins prend naissance du côté Lorraine, avant la réu-
manufacturiers s’entendent sous seing privé pour se partager le
nification de la ville, longe la rivière puis la traverse pour entrer
lit du canal et ses francs bords, le long de leurs propriétés. Dès
du côté Alsace.
lors, tous les propriétaires successifs auront à charge, à parts
Les fabricants Schoubart & Cie, Joly & Osmont et Auguste Hepner
égales, les travaux de curage, d’entretien et de réparation du
& C y ont installé leurs établissements de « rouge d’Andrino-
canal. C’est de cette charge qu’hérite Rodolphe en reprenant le
ple » et lavent leurs cotons dans les eaux du canal, provoquant
moulin, en 1896.
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ainsi la contestation des meuniers et autres usagers du courant
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1896-1927 : la construction progressive d’une
entreprise industrielle
Portrait de Rodolphe II
vers 1900.
Pendant vingt-cinq ans, avec l’aide d’une dizaine de compagnons, Rodolphe II exerce son métier dans le bâtiment coiffé d’un toit à sheds, situé au
cœur de la propriété et autrefois occupé par un teinturier. Les sheds, en
dents de scie, caractéristiques de l’architecture industrielle de cette époque, procurent la lumière zénithale nécessaire à l’atelier.
Le bâtiment, long de onze mètres sur douze, abrite l’atelier des tours ou de
boissellerie, et héberge en 1899 une scie à ruban, une scie circulaire, deux
raboteuses et deux bancs à tours. À l’arrière, on entrepose les grumes. Le
hangar à bois, suspendu au-dessus du passage, permet le stockage de la
matière première. S’y adosse la maison d’habitation de la famille Burger,
assemblage composite de plusieurs bâtiments, dont un four de boulanger
et le logement de ce dernier.
L’entreprise reste fidèle aux produits qui ont fait son succès initial, et la
fabrique s’adapte continuellement aux progrès techniques qui perfectionnent, plus qu’ils ne révolutionnent, l’industrie textile. En effet, en dépit de
la mécanisation graduelle de la production, les bons vieux métiers à bras
conservent un rôle très important. Au fil des années, la notoriété acquise
par Rodolphe Burger lui permet de diversifier sa production et de fournir
également des cuves pour les teintureries. En homme avisé, il suit de près
les progrès techniques proposés par l’évolution des industries mécaniques
et chimiques dans les grands centres textiles de Thann et de Mulhouse. À
Sainte-Marie-aux-Mines, seules les machines à vapeur, qui viennent peu
à peu suppléer puis remplacer l’énergie hydraulique, sont désormais de
mise dans l’ensemble des fabriques, au cours des premières décennies du
XXe siècle. Pour le reste, la mécanisation tarde un peu à se généraliser. Aussi
Rodolphe est-il fréquemment sollicité pour des « réparations » sur les métiers de tous âges, objets d’incessantes modifications, qui coexistent alors
Pièces pour machines à tisser réalisées à l’époque par l’entreprise Burger pour la
SACM. Il s’agit là d’une bobine et de pièces de nettoyage pour machines à tisser.
dans les usines. Son ingéniosité et sa polyvalence sont en effet des atouts
majeurs, car l’appel au matériel d’occasion et la pratique systématique de
la transformation des machines sont monnaie courante.
Les établissements Burger profitent très largement de cette dynamique
qui leur donne un avantage décisif sur la concurrence locale. Pourtant, il
subsiste une ombre au tableau : l’irrégularité du débit, les nombreuses
réparations qui incombent aux riverains et usagers du canal…, la cohabitation s’avère vite être une source d’ennuis.
La multiplicité des nouveaux procédés proposés par l’industrie chimique va conduire certains
établissements de blanchiment, tels Lacour ou
Baumgartner, à opérer une refonte complète de
leurs usines. Teinturiers et apprêteurs saintemariens jouissaient d’une très grande réputation
pour l’ennoblissement des étoffes haut de gamme,
quelles que soient les exigences imposées par les
modes successives.
Photographie de l’entreprise Baumgartner. Extrait de :
Handel, Industrie und Gewerbefleiss in Elsass-Lothringen,
Strasbourg, non daté, (vers 1912).
En 1906, constatant que le canal n’est plus
entretenu, faute d’être utilisé, la municipalité décide d’en racheter aux propriétaires
les droits d’usage et de procéder à son
remblayage. Chaque riverain obtiendra une
compensation financière qui a fait l’objet de
calculs très complexes…
Avant le comblement du canal, les factures pour les
réparations et l’entretien du canal se succèdent…
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Plan et coupe de la chaudière Wolf. © Archives
municipales de Sainte-Marie-aux-Mines.
Une installation alors unique en son genre à SainteMarie-aux-Mines. Rodolphe peut alors s’affranchir du
débit du canal et abandonne complètement la roue.
Dans la foulée, il réalise également une scie alternative de 80 centimètres de passage grâce à laquelle il est
en mesure d’acheter ses bois sous forme de grumes
sélectionnées dans les forêts environnantes.
Bientôt, face au développement de l’entreprise, l’exiguïté des locaux se fait sentir. Rodolphe fait l’acquisition, en 1922, de la propriété voisine appartenant à
la famille Trimbach. Il démolit la vaste demeure très
vétuste qui s’y trouve et double ainsi la surface de
sa propriété. La fabrique dispose désormais d’une
surface d’un hectare et son accès se voit considérablement facilité.
Illustration de Théophile Schuler,
extraite de : A. Gruen, Th. Schuler,
Die Schlitter und Holzhauer aus der
Vogesen, pl. 36, Ed. Simon, Strasbourg,
1854.
1
Avant 1870, douze entreprises seulement
dans le Val de Lièpvre sont équipées de
machines à vapeur. C’est peu et tard, vu
le nombre d’entreprises. Longtemps après
Mulhouse, l’innovation technique semble
avoir bien du mal à s’infiltrer dans la vallée.
Un « retard » lié à la spécificité saintemarienne du travail à domicile en milieu
rural, à la recherche de la très haute qualité
dans les produits manufacturés et au nombre important de très petites entreprises.
Les grumes provenant des cou-
1909 : de la roue à la machine à vapeur
Tirant parti de sa capacité à maîtriser les nouveaux procédés, Rodolphe
Burger passe à la vitesse supérieure. Les perspectives de déploiement sont
telles que la nécessité pour l’entreprise de se doter d’une machine à vapeur
devient primordiale. Elle permettrait de fournir à la fois l’énergie motrice, mais
aussi l’éclairage et le chauffage des locaux. La machine à vapeur flambant
neuve dont Rodolphe s’équipe judicieusement est l’un des engins les plus
performants de l’époque, tout droit sortie des ateliers Wolf à Magdebourg.
Munie d’un surchauffeur et d’un avant-foyer permettant d’utiliser tous les
déchets du bois, elle procure à bon compte l’énergie nécessaire à la bonne
marche de son entreprise. Elle assure également le chauffage de tous
les locaux par l’emploi de la vapeur de détente, et lui permet d’éclairer
l’ensemble de sa propriété. Une cheminée en tôle de 17,70 mètres permet
l’évacuation à distance des fumées, chargées de suie… Rodolphe ajoute à
sa machine à vapeur un ingénieux système d’accumulateurs alimenté par
une génératrice fonctionnant grâce à la vapeur produite.
pes sont acheminées depuis le
lieu de dépôt au moyen d’attelages de bœufs ou de chevaux.
2
2
La propriété voisine, appartenant à la famille
Trimbach, acquise par Rodolphe II en 1922. Une
demeure chargée d’histoire, mais très vétuste et
insalubre, qu’il démolit, doublant ainsi la superficie de son établissement.
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Cette revue, parue vraisemblablement vers 1912,
se veut un annuaire économique des grandes
entreprises de la région. Les principales manufactures de tissage et d’apprêts du Haut-Rhin y
présentent leurs produits ainsi que leurs dernières innovations technologiques.
2
Moyeux de brouette, marteau de tailleur de
pierre, lattes, billes de bois d’orme, jantes
de roues et moyeux de charrette à bras…
Cette note, établie en 1912, pour un charpentier,
donne un aperçu des fabrications des Ets Burger.
On note au passage la richesse de l’ornementation du papier à lettres et la mention d’une
adresse télégraphique : Burger Markirch.
© Fonds J. Horter.
Un regard nouveau sur la forêt. Le développement
des réseaux de chemin de fer met d’un coup à la portée du plus grand nombre les espaces forestiers de la
vallée. Nombreux sont les randonneurs qui prennent le
train jusqu’à Sainte-Marie, avant de partir marcher sur
les innombrables sentiers balisés par le Club Vosgien
depuis 1870. Dès le printemps, les fermes d’altitude,
transformées peu à peu, entre les deux guerres, en
« fermes-restaurants », attirent massivement les promeneurs dominicaux. Un rapport nouveau naît entre le
citadin et la forêt.
« … Une parfaite égalité, une entière liberté, une
franche fraternité ne cessait de régner parmi nous.
Frais et dépenses, jouissances et aventures, tout à
parts égales… »
F. Kirschleger, Flore d’Alsace, Strasbourg, 1862.
3
3
Lever du jour en forêt, carte postale.
4
Carte postale éditée à l’occasion du centenaire de la
ligne du chemin de fer Strasbourg-Bâle, 1846-1946.
2
1
Ce déploiement des locaux ainsi que les nouvelles possibilités offertes
par la machine à vapeur ne tardent pas à porter leurs fruits et contribuent
largement à l’essor de l’entreprise. L’affaire est prospère.
Rodolphe peut alors adapter son entreprise aux exigences d’un marché
en pleine expansion.
En définitive, la plupart des industriels ont su profiter de la dynamique
de croissance du Reich. Sainte-Marie-aux-Mines offre alors l’image d’une
ville fortement industrialisée, où se dressent les étages des ateliers, où se
pressent les cheminées des usines et les tours de séchage.
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Une ville prospère et une nouvelle bourgeoisie industrielle. Rue Narbey, à SainteMarie-aux-Mines, carte postale.
Le 4 novembre 1903, le « Messager
des Vosges » annonce l’ouverture au
public de la première piscine couverte
et chauffée d’Alsace. Sa construction
a donné lieu à d’âpres discussions
au sein de la commission chargée
de ce projet. Celle-ci, composée de
MM. Blech, Holzschuh, Edler et Lacour,
a même été dépêchée en Allemagne,
Les quatre enfants Burger,
du côté de Fribourg, pour y visiter des
établissements de bains.
1
vers 1904. Rodolphe III, l’aîné,
La piscine municipale, carte postale.
né en 1895, Marguerite, née en
1896, Alfred, né en 1897, et
C’est ainsi que les Sainte-Mariens peuvent
Émilie, née en 1898.
goûter aux plaisirs aquatiques ailleurs que
L’amélioration des voies de communication facilite la
circulation des marchandises et donne une nouvelle
impulsion à la croissance de l’industrie textile. La ville
compte 12 352 habitants, elle est alors la troisième
ville du Haut-Rhin. Son industrie fait travailler plus
de 25 000 ouvriers, à Sainte-Marie et dans la vallée.
Pour autant, les manufactures ne renoncent pas aux
travailleurs à domicile et continuent de s’appuyer sur
un important réseau de tisserands installés dans tous
les villages de la vallée et au-delà.
Élan économique qui s’accompagne de nombreux
chantiers. L’administration allemande a en effet le
souci de modeler Sainte-Marie-aux-Mines à l’image
de toutes les villes de l’Empire. Elle lance un vaste
programme de construction d’édifices publics et
d’équipements sportifs ou culturels, qui témoignent
de l’urbanisation germanique et des grandes avancées technologiques de l’époque. Ainsi, la nouvelle
poste, en 1889, de style néo-Renaissance allemand,
qui est équipée d’une dépêche télégraphique et d’une
première cabine téléphonique publique en 1899.
dans la Lièpvrette…
Le 22 janvier 1908, a lieu l’inauguration du
nouveau théâtre. Il est le lieu de prédilection
pour les soirées des sociétés en tous genres,
qui sont légion à Sainte-Marie.
Le théâtre.
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Entre 1914 et 1918, le cantonnement du génie
s’est installé dans la cour des Ets Burger. Il est
signalé, côté place de la Fleur, par une enseigne
« Pionierpark Markirch ». Au fond de la cour, un
enchevêtrement de pneus et de divers matériels
à usage militaire. © Fonds J. Horter.
Atteint par les obus, le moulin de la Petite-Lièpvre,
berceau de la boissellerie Burger, est complètement détruit. Sur les décombres, pose un soldat
allemand. © Fonds J. Horter.
D’une guerre à l’autre…
Les deux fils Burger sont appelés au combat sous l’uniforme allemand.
Mobilisé en mai 1915, Rodolphe, troisième du nom, a tout juste vingt ans.
Comme la plupart des soldats d’origine alsacienne, il est envoyé pendant
deux ans sur le front russe, pour revenir dans les tranchées de la Somme,
puis de la Meuse, à la fin de la guerre. Dès le début du conflit, le secteur
sainte-marien du front des Vosges est l’enjeu d’offensives et contre-offensives sanglantes, les Français essayant d’atteindre la plaine d’Alsace, les
Allemands tâchant de contenir leur poussée.
2
1
2
1
Les usines textiles cessent peu à peu toute activité. Réquisitionnées, de
même que les écoles, elles hébergent en permanence la troupe. Y sont
installés des infirmeries, cantines, magasins, dépôts et même un cinéma
de campagne. Le théâtre sert longtemps d’hôpital et son toit, marqué de
la croix rouge sur fond blanc, est visible de toute part.
Place de la Fleur, le cantonnement du génie voit un défilé incessant
de soldats, d’ouvriers et de badauds. Près des cantines roulantes, les
« Feldküche », des gamins affamés tendent leur gamelle. La cour des
établissements Burger, réquisitionnée elle aussi pour les besoins de
l’armée, est jonchée de pneus et de matériel militaire.
La ligne de front toute proche. Extrait de
Paasche’s Frontenkarte, Stuttgart, non
daté.
Après quatre décennies d’annexion,
la déclaration de guerre d’août 1914
est accueillie à Sainte-Marie-auxMines, comme partout en Alsace,
avec consternation. L’état de siège
est affiché le vendredi 31 juillet 1914
à 16 h 30 et proclamé « à son de
caisse » à 20 heures.
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Rodolphe et Émilie, entourés de leurs enfants,
Émilie, Marguerite et Rodolphe III. La photographie
a été prise à l’occasion d’une permission. Alfred,
lui, n’est pas présent.
Les difficultés de communication
ne facilitent pas la bonne marche
Sur la place de la Fleur, on a érigé un monument
aux morts provisoire. En 1919, pour la première fois
depuis 48 ans, le 14 juillet est célébré avec faste.
de l’entreprise. La nouvelle de la
faillite des établissements Cordola,
Lorsque l’armistice est signé le 11 novembre 1918, le maire Dreyfuss
ceint une vieille écharpe tricolore d’avant 1870 et prononce devant les
Sainte-Mariens un vibrant discours patriotique. Les festivités se poursuivent
plusieurs jours dans la liesse générale. Rodolphe et son frère Alfred sont
parmi les derniers à être libérés. Rodolphe est indemne mais très éprouvé
par quatre années d’une guerre terrible. Alfred, atteint par les gaz de combat,
succombe en 1928, quelques mois seulement après le décès de leur père
Rodolphe II, le 30 décembre 1927, à l’âge de 66 ans.
constructeur de métiers à tisser en
région parisienne, avec qui Burger
est en affaires, a tardé à parvenir à
Sainte-Marie-aux-Mines.
Dès son plus jeune âge, Rodolphe III est élevé dans un esprit où famille
et entreprise forment un tout. Ses parents prennent soin de lui donner
une bonne instruction. Premier à poursuivre des études secondaires au
collège de Sainte-Marie-aux-Mines, il entre ensuite en apprentissage chez
un confrère de son père, entrepreneur à Montbéliard, spécialisé dans la
fabrication d’accessoires en bois pour le textile. C’est dire que toutes les
machines lui sont familières et n’ont aucun secret pour lui : de l’affûtage
des outils à l’entretien, en passant par les réglages, il aime intervenir à
toutes les étapes de la production.
Au décès de son époux, Émilie procède
au partage anticipé de tous ses biens,
conservant pour elle l’usufruit de sa maison d’habitation. Rodolphe III a à charge
de rembourser ses frère et sœurs, Émilie,
Marguerite et Alfred.
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Le centre de Sainte-Marie-aux-Mines vers 1900.
2
Le jeune Rodolphe III reprend le flambeau en
1928.
3
Les jumeaux Raymond et Annette Burger.
trois départements, mesure la complexité de sa tâche et annonce même
que « Pendant quarante-huit ans, l’Alsace et la Lorraine ont vécu sous un
statut particulier. L’Allemagne a introduit dans le système français d’avant
1870 des réformes administratives, sociales, économiques et politiques
profondes. Ce qui avait été si lentement, si minutieusement organisé pendant près d’un demi-siècle ne se modifie pas sans une attitude attentive et
raisonnée. Ce n’est pas du jour au lendemain que les effets de quarantehuit ans de vie différente peuvent être effacés ».
Dans tous les secteurs d’activité, les entreprises se relèvent à peine des
changements de nationalité et autres ruptures politiques, qu’elles doivent
surmonter la crise dont la France subit le plein effet en 1933. Les travaux
se raréfient, le coût des matériaux a plus que doublé, le chômage fait rage.
L’Alsace est très durement touchée car s’ajoute aux difficultés la fermeture des marchés allemands et sarrois.
3
1
1928-1945 : Rodolphe III, l’artisan de l’adaptation
Le père disparu, la famille se resserre autour d’Émilie, son épouse. Femme
courageuse et énergique, elle avait toujours secondé son mari et règne
alors sur la famille avec le souci d’assurer la pérennité de l’entreprise.
Rodolphe III s’est préparé de longue date à reprendre le flambeau et c’est tout
naturellement qu’il prend, à trente-deux ans, la succession de l’entreprise
familiale. Marié à Marcelle Meiss, ils s’installent avec leurs deux jumeaux,
Annette et Raymond, nés le 1er septembre 1925, dans la maison que leur
grand-père a construit au fond de la propriété, un an avant leur naissance.
2
C’est dans un contexte économique peu favorable que Rodolphe III fait
ses premières armes à la tête de la fabrique. En effet, après quarante-huit
années de vie dans l’espace culturel et économique du Reich allemand,
le retour des Alsaciens-Lorrains dans le giron de la nation française n’est
pas sans poser de problèmes. Alexandre Millerand, commissaire général
chargé de résoudre les questions administratives liées à l’intégration des
Rodolphe et son épouse Marcelle, le jour du carnaval
des paysans (vers 1925). La tradition veut que l’on revête ce jour-là l’habit de fête des cultivateurs : pantalon
blanc, blouse bleue, foulard rouge fixé avec un couvercle
de boîte d’allumettes, bonnet blanc et sabots.
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En 1927, les E ts Burger fabriquent des palissades
pour les « maisons à bon marché » de la ville de
Sainte-Marie-aux-Mines. © Fonds J. Horter.
2
Les années 1930 et, sur les factures des Ets Burger,
une en-tête d’inspiration Art Nouveau, très en
vogue à cette époque. © Fonds J. Horter.
3
L’atelier de boissellerie dans les années 1930.
Le petit Raymond Burger, au centre, en compagnie de son cousin Jean.
4
Quelques années plus tard, Raymond, à gauche,
toujours en compagnie de son cousin Jean.
Le tunnel
ferroviaire
1
Élargissement de la galerie de base.
© Archives municipales de Sainte-Marie-aux-Mines.
2
Le cortège des officiels lors des cérémonie de
l’inauguration. © Fonds J. Horter.
3
Le tunnel en chocolat © Fonds J. Horter.
1
À Sainte-Marie-aux-Mines comme ailleurs, on fait appel au vieux principe
des grands travaux comme outil de relance économique et de résorption
du chômage. En 1933, le grand projet qui a occupé les édiles locaux depuis
1841 entre enfin dans sa phase de réalisation : la percée des Vosges. L’événement occupera la région pendant plusieurs mois. Les travaux débutent
le 13 mai 1933, de chaque côté du versant vosgien. Les deux galeries se
rencontreront trois ans plus tard, le 12 novembre 1936. Ce bel ouvrage se
classe alors par sa longueur, 10,5 kilomètres, au deuxième rang français
des tunnels ferroviaires. La ligne de chemin de fer est mise en service le
3 août 1937. Elle met en relation directe la vallée de la Lièpvrette, Sélestat
et Colmar avec Lunéville, Nancy et finalement Paris.
2
2
1
L’inauguration du tunnel ferroviaire de SainteMarie-aux-Mines a lieu le dimanche 8 août 1937 à
11 h 15. Le président de la République, A. Lebrun,
qu’entoure un aréopage de personnalités civiles et
militaires, arrive à la nouvelle gare de Sainte-Marie
dans la Micheline officielle. Il donne un coup de pioche dans un impressionnant tunnel en chocolat dont
3
4
3
on distribue ensuite les morceaux aux enfants…
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Les forêts autour de Sainte-Marie produisent du bois de chauffage et du bois
d’œuvre à profusion, principalement des épicéas. Introduits à partir de 1860
pour reboiser les pâturages d’altitude, ils sont employés massivement après
Cette première opération de diversification permet aux établissements
Burger de traverser la crise économique de 1933 et de développer peu à
peu le chiffre d’affaires.
Dans ces années-là, il n’est pas rare de croiser, sur la route nationale 59
en direction de Sélestat, une automobile équipée d’une remorque à deux
roues chargée d’énormes rouleaux de six mètres de long, destinés à enrouler les toiles métalliques. Une manœuvre difficile à l’évidence, qui
faillit bien un jour coûter la vie à son malheureux chauffeur, enseveli sous
son chargement.
La fabrication de ces différents produits, répondant à des exigences très précises, nécessite un grand professionnalisme dans le choix des bois. Une tâche
qui occupe Rodolphe presque tous les dimanches, par beau temps. En effet,
avant l’annonce de la mise en marché des bois d’œuvre, il est indispensable
de prospecter et de repérer les plantations adaptées à ses fabrications. Toute
la famille est alors embarquée pour de joyeux pique-niques dans les forêts
d’épicéas environnantes, de préférence sur les coupes proposées !
1920 pour reconstituer les parcelles ravagées par la Première Guerre mondiale (plus de 150 hectares de forêt sur la ligne de front). La gestion des forêts
communales est alors assurée par des fonctionnaires d’État encadrant des
équipes de bûcherons. L’organisation de l’abattage s’effectue au moyen d’un
parcellaire. Abattus, écimés, ébranchés, les troncs deviennent des grumes.
Pour faire face aux répercussions de la crise et au ralentissement des affaires
qui ne manquent pas de l’affecter, Rodolphe III consacre son énergie à trouver de nouveaux débouchés. En 1927, il réalise une commande de palissades
installées devant les « Habitations à Bon Marché », premières cités ouvrières
construites par la municipalité. Il usine également, sur un tour de sa conception, une très grande pièce conique destinée à un constructeur de manèges…
Cela ne l’empêche pas de livrer bois de chauffage et charbonnette… Il faut
bien occuper tous ses employés.
En 1932, Rodolphe Burger lance la fabrication de supports en bois parfaitement cylindriques et rectilignes pour l’expédition des toiles
métalliques sans fin, utilisées dans l’industrie
papetière.
Rapidement, Rodolphe se tourne vers des produits spécifiques destinés
aux nouvelles industries et prospecte l’industrie papetière. Il met au point
un procédé qui lui permet de fournir, dans des délais très brefs, les supports en bois, parfaitement cylindriques et rectilignes, destinés à l’expédition dans le monde entier des toiles métalliques sans fin qui équipent à
cette époque toutes les machines à papier.
En peu de temps, la collaboration entamée avec les établissements MartelCatala, important fabricant de tissage métallique, alors en pleine expansion,
prend de l’ampleur. Les résultats sont à la hauteur et l’entreprise de Sélestat
devient l’un de ses clients les plus importants.
1
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3
1
Embarqués pour de joyeux pique-niques sur les
lieux de coupes.
2
À l’entrée de Sainte-Croix-aux-Mines, le chauffeur,
surpris par l’écran de fumée provenant d’un feu de
feuilles mortes, est gravement blessé, écrasé par le
poids de son chargement.
3
Le repérage des belles plantations, une étape
décisive pour la fabrication de produits de qualité
irréprochable.
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Chef
d’entreprise avisé et intuitif,
Rodolphe est aussi un homme de terrain,
strict et rude, exigeant à l’égard des autres
mais surtout envers lui-même. On dit qu’il a
du tempérament et qu’il impose le respect
par sa prestance. Il est toujours le premier
à accueillir ses employés à la porte de
l’usine et le dernier à la quitter, épaulé
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Très tôt, Rodolphe III s’engage pleinement
dans la vie musicale de la cité en s’impliquant
dans divers orchestres et sociétés musicales.
Rodolphe réserve au moins un soir par semaine à
la fanfare d’amateurs dans laquelle il est contrebassiste.
La fanfare d’amateurs de Sainte-Marie-aux-Mines.
On reconnaît ici Rodolphe III, au premier rang, le 4e en
partant de la droite.
par son épouse dévouée. Marcelle et lui
ont conservé le mode de vie simple des
générations précédentes. Si l’entreprise est
le centre de sa vie, Rodolphe n’en est pas
moins un homme très social, engagé dans
la vie de sa commune, il est d’ailleurs viceprésident du Temple Réformé. Il a surtout
une grande passion, la musique. Entré très
jeune comme contrebassiste dans la fanfare
municipale, il ne manque aucun concert
en cinquante ans… Il préside à la fin de sa
vie la Fédération des Sociétés de Musique
d’Alsace et se voit nommé chevalier de
l’ordre des Palmes académiques pour son
1
1
Même avec la Renault torpédo familiale, les déplacements sont limités aux départements voisins.
engagement en faveur de la musique.
En semaine, Rodolphe Burger consacre une journée à
la visite de ses clients. Il apprécie ces contacts, mais,
même au volant de sa torpédo Renault, les déplacements ne sont pas encore très faciles et son rayon
d’action est limité à l’Alsace et aux départements
voisins. Ces voyages élargissent toutefois la clientèle
de Burger, en région et même au-delà puisqu’il est en
affaires avec les établissements Cordola, important
fabricant de métiers à tisser en région parisienne.
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Travaux pratiques à la scierie pour le jeune
Raymond, sous l’œil attentif de son père.
2
En 1939, en cas de mobilisation, le sergent
Rodolphe Burger est affecté au centre militaire
du bois de guerre à Oberhaslach.
3
En 1943, près de 2 000 prisonniers travaillent dans
l’usine souterraine installée dans le tunnel par les
Allemands pour produire des pièces détachées destinées aux moteurs d’avions. © Archives municipales
de Sainte-Marie-aux-Mines.
4
Facture de 1943, allemand obligatoire !
5
En juillet 1940, Rodolphe Burger adresse un courrier
à l’administration évaluant à 12 500 F le préjudice
matériel causé sur sa propriété, lors des tirs d’artillerie échangés les 19 et 20 juin à Sainte-Marie-auxMines. © Fonds J. Horter.
1939-1945 : dans la tourmente de la guerre
Alors que la politique internationale s’assombrit et que la menace
allemande s’accentue, l’exode des entreprises s’accélère. Rodolphe est
mobilisé en 1938 dans une compagnie territoriale, mais autorisé à réintégrer
son foyer au bout de quelques mois en raison de ses responsabilités de
chef d’entreprise. Le 20 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans
Sainte-Marie-aux-Mines. Commencent alors quatre années d’occupation
pendant lesquelles la population est mise en demeure d’adhérer au nouveau régime. Les entreprises industrielles, bancaires ou commerciales de
quelque importance sont mises sous séquestre, les patrons remplacés par
des administrateurs allemands. Les activités de textile sont arrêtées ou se
plient à l’économie planifiée de l’occupant. De nombreux bâtiments sont
réquisitionnés par les autorités militaires allemandes.
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2-53
En ce temps-là, une vingtaine d’hommes s’activent dans l’atelier, les uns à
la fabrication des rouleaux et bouchons pour les industries papetières, les
autres à la confection des bobines, fouets de chasse, sabres pour le textile. Dans un hangar sont stockés les bois sciés qui sèchent naturellement
avant leur usinage. Le bâtiment central de l’entreprise abrite maintenant
la scierie et la machine à vapeur qui y a été déménagée et rééquipée.
Celle-ci alimente, au moyen de transmissions et de courroies reliées à une
dynamo, plusieurs dégauchisseuses, des raboteuses, une scie circulaire,
une scie à ruban et plusieurs tours spécifiques à chaque produit.
2
3
Raymond n’est alors qu’un collégien dans une ville passée sous le joug
nazi. L’épuration et la re-germanisation vont de pair avec la mise au pas
idéologique de la population. Du haut de ses quinze ans, Raymond se rebiffe contre cet embrigadement forcé et participe depuis son collège à divers
petits actes de résistance passive. Cueilli par la gestapo, il est envoyé à la
prison des Augustins à Colmar. Il ne doit son salut qu’à son jeune âge et est
libéré après une magistrale correction et quelques semaines de cellule.
Dès l’obtention de son « Abitur », le baccalauréat allemand, Raymond
est envoyé au « Reichsarbeitsdienst », ou service de travail obligatoire, à
proximité de Trèves. Il faut bien s’y résigner, par crainte des représailles,
et espérer ne jamais avoir à servir sous les drapeaux… Par chance, fin
1943, le vent tourne pour les troupes allemandes. Raymond échappe à
l’enrôlement et part rejoindre les troupes américaines avant l’offensive
dans les Ardennes. Très éprouvé par les conditions climatiques de l’hiver
1944-1945, il retrouve le foyer familial en février 1945. En mars, l’Alsace est
la dernière province à être libérée.
5
En 1943, les autorités allemandes
souhaitent transplanter l’entreprise à
l’extérieur de la ville, pour des raisons
de sécurité. Rodolphe Burger refuse
toute discussion avec l’occupant.
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Raymond a de grandes ambitions pour l’avenir et le développement de
l’entreprise familiale. Pourtant, il lui faudra encore patienter avant de mettre en œuvre théories et méthodes de travail, inspirées de l’expérience plus
large d’une industrie en pleine mutation. Le conflit est inévitable. La petite
histoire raconte que la découverte du premier « planning de travail », fixé
par Raymond sur la porte de l’atelier, mit son père dans une telle colère
qu’il en fit des confettis. Il n’est pas rare alors que les employés soient
contraints d’attendre que « les patrons » aient accordé leurs violons…
3
3
Le bois... déjà une source de curiosité
pour le petit Bertrand Burger.
1
En ce début des années 1950, la structure de
2
1
Vue générale de Sainte-Marie-aux-Mines,
carte postale.
2
Raymond Burger dans les années 1950.
Une adaptation difficile à un monde nouveau
l’économie alsacienne héritée du passé paraît
Après l’euphorie de la Libération, la vie reprend son cours. On fait le bilan.
Il faut reconstruire. Bon gré, mal gré, et en dépit d’un ralentissement
considérable des affaires, Rodolphe III est parvenu à faire tourner la
boutique. Il faut maintenant redémarrer l’activité, mise en sommeil par
quatre années de guerre, et réorganiser le travail.
vétuste, voire « vermoulue », selon les mots
Raymond, représentant la quatrième génération Burger, va bientôt endosser les responsabilités de la fabrique. Pour l’heure, il peut encore satisfaire son goût pour les études et passe quelques mois à l’université de
Strasbourg, repliée à Clermont-Ferrand. Puis il rejoint l’École Supérieure
du Bois à Paris et y prépare son diplôme d’ingénieur. Malgré les restrictions qui sévissent encore dans la capitale, Raymond y reçoit le meilleur
enseignement alors possible sur le bois et tous ses aspects : sylviculture,
usinage, organisation et Code du travail.
À son retour à Sainte-Marie-aux-Mines en 1947, son cartable à peine rangé,
Raymond prend conscience de la dure réalité de l’entreprise, sous la direction de son père, homme d’expérience certes mais peu enclin à admettre
le point de vue d’autrui…
toujours intacte, alors qu’elle est largement
employés par Pierre Pflimlin au lendemain de
En
1955, Raymond épouse Lily Utzmann, originaire d’Ostheim,
comme l’était sa grand-mère Émilie. Partageant avec son mari les responsabilités de l’entreprise, elle le seconde avec dynamisme et entrain,
solidaire dans les épreuves les plus difficiles. Généreuse et amicale, elle a
su, par son exemple, forger un esprit de famille qui a largement contribué
au succès de l’entreprise. Les quatre enfants du couple, une fille, Florine,
et trois garçons, Rodolphe, Bertrand et Jean-Marc, grandissent en même
temps que l’entreprise familiale se développe. Si, comme leurs ascendants paternels, ils vivent au contact permanent de l’atelier, le contexte
culturel est, lui, profondément modifié. Du reste, chacun peut s’y épanouir
en mettant à profit sa propre curiosité intellectuelle pour les arts et les
techniques, transmise par ses parents et les générations passées.
la guerre. Inadaptées aux conditions nouvelles de la compétition économique, plusieurs
entreprises centenaires et surtout les entreprises alsaciennes du textile ferment leurs
portes pendant les Trente Glorieuses. Aux
sinistrés de l’industrie textile, s’ajoutent peu
à peu ceux des usines chimiques, des usines
métallurgiques et de plusieurs fleurons de
l’économie alsacienne : les Usines chimiques
de Bouxwiller ferment en 1958, Lang à Sélestat en 1959, les Pétroles de Pechelbronn en
1963, Herrenschmidt à Strasbourg en 1968…
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Place de la Fleur, en 1961. Situés en plein cœur de
la ville, en face de l’hôtel de ville, les E ts Burger
figurent sur toutes les cartes postales…
2
À l’arrière de la maison, on devine le premier pont
roulant installé dans la scierie.
3
Le point de vue est le même, quelques années
plus tard. à une différence près, le nouveau hall
de la boissellerie construit par Raymond Burger.
Les années 1950 : reconstruire… sans défaire
En ce début des années 1950, l’entreprise est encore largement artisanale
mais compte tout de même vingt-trois salariés. Depuis 1948, elle n’est plus
une entreprise individuelle mais une société à responsabilité limitée.
La principale activité de la boissellerie Burger est toujours la fabrication
de bobines et de pièces pour l’industrie textile, de bouchons et de cylindres de différents diamètres destinés au tissage de toiles métalliques pour
l’industrie papetière. Toutes les machines sont encore alimentées en énergie par la machine à vapeur Wolf. La scie pour débiter les grumes, mise au
point par Rodolphe II dans les années 1920, a fonctionné jusqu’en 1986.
Elle est maintenant exposée à l’entrée de l’usine de Lièpvre.
2
1
Les épreuves ont rendu Rodolphe prudent et peu
enclin au changement. Évitant les dépenses qu’il
juge inutiles, il se fait un point d’honneur à ne pas
être tributaire des autres et encore moins des banques. Pourtant, malgré quelques divergences et
conflits de générations, Raymond parvient peu à
peu à mettre en œuvre quelques idées et développer son goût pour la construction et la mécanique
dans la scierie familiale. Il va pouvoir donner libre
cours, ou presque, à son ingéniosité pour utiliser les
« moyens du bord » et éviter ainsi de recourir à des
entreprises extérieures !
En tout premier lieu, il faut perfectionner les outils.
Il est également très soucieux de faciliter le travail,
souvent rude et pénible, des employés. Il a aussi
à cœur la sécurité des hommes, lui-même victime
d’une double fracture des talons en tombant d’un
hangar à bois.
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Mécanique, chimie, construction :
Raymond Burger, l’ingénieur, a une foi
optimiste dans les possibilités ouvertes par l’avancée des techniques. S’il
Plus de 400 paniers de copeaux de bois
se consacre en permanence au per-
sont nécessaires pour l’alimentation
fectionnement des machines dans son
de la machine à vapeur de 5 heures à
entreprise, il se passionne également
19 heures. Un travail quotidien très dur,
pour toutes sortes d’innovations. Sa
longtemps effectué manuellement.
curiosité le porte vers les domaines
les plus divers. Il met au point, entre
autres, la Roburite, assemblage de
petites lamelles de bois compressées
et collées dont on fait des sabres et
des fouets de chasse très solides pour
les fabricants de machines textiles.
Il est aussi le concepteur d’une impressionnante machine réunisseuse
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d’ensouples présentée en 1975 à
l’Internationale Textil-Maschinen Ausstellung (ITMA), exposition phare du
matériel textile. Enfin, en 1990, il
imagine et réalise une presse destinée à la déshydratation des boues
résiduelles pour le traitement des
déchets, aboutissement d’un travail
de plus de trente ans sur la compression en continu du bois. Quand
il ne s’occupe pas de son entreprise,
de ses projets ou de ses prototypes,
Raymond partage ses quelques moments de loisir entre sa famille, ses
amis, la lecture et la musique.
Avec l’aide d’un mécanicien-ajusteur de talent, Yvan Bertola, recruté en 1952,
qui sera pendant de longues années le complice de toutes ses expériences
et innovations techniques, Raymond commence à électrifier les machines,
encore animées par de dangereuses transmissions aériennes, et installe dans
la foulée le premier système automatique de dépoussiérage.
Pour développer la production, il automatise également le tour pour
cylindres en bois, destiné à un nouveau marché : la fabrication de bancs
publics, en partenariat avec la fonderie Graff de Kogenheim. Ces bancs
robustes, en fonte et rondins de bois, fleurissent bientôt dans tous les
coins de France, et il n’est pas rare d’en rencontrer encore aujourd’hui…
Ils équipent même le pont du cuirassé Richelieu, qui, au début des années
1960, sert de ponton-école.
Enfin, pour améliorer le rendement des bouchons, il conçoit une machine
à forer et installe un premier pont roulant pour la scierie d’une puissance
de levage de cinq tonnes.
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1
Lily Burger assise sur un banc de fonte et de
rondins de bois, fabriqués par l’entreprise, sur
le pont du Richelieu.
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Les différentes étapes de l’installation de la nouvelle
machine à vapeur mobilisent toutes les énergies.
2
Machine à tourner les cylindres en bois.
La vieille machine à vapeur Wolf finit par rendre les armes, incapable de
fournir l’énergie suffisante aux nouveaux besoins de l’entreprise. Elle est
remplacée par une machine Lanz de 150 chevaux acquise d’occasion dans
la vallée de Schirmeck. Munie d’un alternateur, elle permet de produire
l’électricité nécessaire à l’atelier. Le combustible est constitué de chutes
de bois et de copeaux, la vapeur de détente sert au chauffage des séchoirs
et de l’atelier.
Démontage, transport, construction des fondations et du bâtiment de la
chaufferie, cet important chantier est entièrement conduit par Raymond et
son équipe, sans aide extérieure.
1
1
À l’atelier, l’automatisation de la machine à tourner les cylindres employés
pour l’emballage des toiles métalliques permet de multiplier la production
par trois et améliore nettement la qualité du produit. « En 1952, nous
fabriquions, en 10 heures, 18 rouleaux de 4 mètres de long, en 1960 nous
en sortions 65 dans le même temps ! »
J
«  ’ai été embauché en 1952 chez Burger. Mon
1
père était bûcheron et y transportait régulière1
ment des grumes. Il m’avait poussé à m’y présenter lorsque l’établissement qui m’employait
comme mécanicien avait fermé. J’y suis entré en
tant qu’ajusteur-tourneur. Au début, mon travail
était lié aux besoins de l’entreprise en matière
de machines et d’outillages spéciaux. Puis, j’ai
proposé à M. Burger qu’on s’achète un tour, une
fraiseuse et qu’on se lance dans l’exécution et
l’entretien des machines pour les autres usines
de la vallée. À partir de là, nous avons développé
de nombreuses machines textiles et réparé toutes
1
sortes de machines industrielles. »
2
Yvan Bertola
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Dans la cour s’empilent grumes d’un côté, bois
sciés de l’autre. Au fond, le silo construit en 1952.
2
La construction d’un hangar près de la gare
augmente la surface de stockage du bois et facilite
l’approvisionnement.
3
L’exiguïté des locaux rend les manutentions
difficiles.
4
Vue intérieure de l’atelier, vers 1950.
2
3
Mais les locaux s’avèrent vite bien trop exigus. Ils ne permettent plus d’y
loger les machines modernes, imposent la répartition des unités et rendent pénible la manutention de la matière première et des produits finis.
Raymond décide d’installer un chantier à l’extérieur de la ville, sur un terrain proche de la gare, et bâtit avec l’aide de deux ou trois compagnons
un hangar de 800 m2 destiné au stockage du bois pour la fabrication de
cylindres. Quelques années plus tard, s’y ajoute un second hall muni d’un
pont roulant de cinq tonnes, doublant ainsi la surface disponible.
Diversification et expérimentation
1
Exode rural massif, progrès technologiques, industrialisation, urbanisation, augmentation du niveau de vie : tout converge au cours des décennies qui suivent l’après-guerre pour modifier la société en profondeur.
L’Alsace s’inscrit dans le mouvement et connaît une importante mutation.
La mise en valeur de l’espace rhénan par les perspectives du Marché commun donne un nouvel élan à l’économie régionale qui, à partir de 1957,
connaît une période de prospérité quasi ininterrompue jusqu’en 1974.
Pourtant, ce que deux guerres et une crise mondiale n’ont pas réussi à
entamer, les Trente Glorieuses et les années suivantes y parviendront. En
effet, dès 1954, l’industrie textile commence à connaître des difficultés sérieuses dans l’ensemble du département. Dès lors, le recours aux licenciements et au chômage partiel va affecter toutes les entreprises de la vallée
et tourner peu à peu toute une page de l’histoire industrielle.
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Le 1er avril 1967, les E ts Burger sont la proie des
flammes.
2
La presse continue conçue par Raymond Burger
en 1959 pour la fabrication de bois lamellé collé.
3
En visite aux Ets Burger, les jeunes apprentis
bûcherons sont particulièrement intéressés par la
presse continue.
C’est dans ce contexte que les établissements Burger abordent les années
1960 : une entreprise familiale travaillant presque exclusivement pour une
mono-industrie dont le lent déclin est bel et bien amorcé. L’entreprise est
en outre confrontée à la concurrence des matériaux plastiques techniques
qui gagnent du terrain dans la conception des machines nouvelles, tant
dans le textile que dans la papeterie. Le ralentissement de l’activité est
inquiétant, et le chiffre d’affaires en baisse. Le bilan présenté par Raymond
au conseil d’administration du 15 octobre 1966 fait état de ces difficultés. « L’affaire souffre toujours du malaise existant dans la branche textile.
C’est pourquoi le conseil s’efforce de trouver des fabrications nouvelles
dans d’autres branches industrielles : construction de chalets, coffrage
de réemploi pour le bâtiment. Le blocage des prix de nos fabrications
traditionnelles rend ces fabrications de moins en moins rentables. »
2
Les années d’après-guerre voient le déclin du
textile et la fermeture progressive de nombreux
établissements dans la vallée : en 1951, le tissage
Koenig (244 personnes), repris ensuite par Blech ;
Un moment difficile pour l’entreprise et pour Raymond Burger, désormais
seul maître à bord depuis le décès de son père Rodolphe III, en 1966.
Pleinement conscient de la nécessité d’adapter ses fabrications à la
nouvelle donne du marché et contrebalancer ainsi l’effondrement de
la demande dans l’industrie textile, il se consacre à la recherche de
produits innovants. Pour cela, il lui faut investir dans de nouvelles
machines, augmenter la productivité et la rentabilité de l’entreprise,
embaucher des ouvriers qualifiés.
en 1956, Dietsch (100 personnes) ; en 1962, les
tissages Felme (52 personnes) et Guimpel (158
personnes) ; en 1965, Rissler (168 personnes)
et les apprêts Diehl (108 personnes) ; en 1968,
la filature Schoubart (108 personnes), puis Blech
en 1973 et bien d’autres entreprises de plus petite taille, avec pour conséquence une véritable
hémorragie de la jeunesse. Pour les responsables locaux, priorité est donnée à l’implantation
d’industries nouvelles, créatrices d’emplois.
1
Le 1er avril 1967, l’atelier acquis par Rodolphe Burger, deuxième du nom, est
la proie des flammes. Un court-circuit dans la salle des machines a provoqué
l’incendie qui s’est rapidement propagé à l’ensemble des ateliers. Les dégâts
sont très importants, l’ancienne charpente en sheds, entièrement détruite,
est remplacée par une charpente clouée moderne, construite et installée par
l’entreprise. Le pire a été évité mais le sinistre a porté un rude coup à la bonne
marche des affaires. Les projets de construction sont remis à plus tard…
En 1970, l’entreprise est à nouveau confrontée au manque d’espace pour
loger les machines et permettre aux trente employés qu’elle compte
désormais de travailler dans de bonnes conditions. Il s’agit de tirer le
meilleur parti des locaux existant à Sainte-Marie-aux-Mines en améliorant
notamment les conditions de manutention.
Le remplacement de la machine Lanz par une machine à vapeur dix fois plus
puissante, une Wolf d’occasion dénichée à Offenburg, est l’occasion de couvrir
la dernière surface disponible sur la propriété familiale. Raymond y construit
un bâtiment en lamellé-collé au moyen d’une presse continue, conçue et réalisée dans l’entreprise, et le dote d’un pont roulant de cinq tonnes circulant
sur des poutres en bois. Il dispose maintenant d’une superficie de 2 500 m2.
Il remédie, pour un temps, à l’exiguïté des lieux, mais la nécessité de s’installer à l’extérieur de la ville devient une évidence. Difficile en effet d’imaginer une croissance des activités en plein cœur de Sainte-Marie-aux-Mines.
De plus, Raymond Burger doit s’engager à réduire les retombées de suie
qui menacent d’encombrer l’égout municipal et qui suscitent des plaintes
de la part des riverains…
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Inquiétude et transition
Au milieu des années 1970, la société française se fige devant l’ampleur de la crise qui s’annonce et marque la fin des Trente Glorieuses.
Si Burger a la chance de bénéficier d’une clientèle fidèle depuis plus d’un
demi-siècle et assure toujours, grâce à l’atelier mécanique, l’entretien de
bon nombre d’usines voisines, l’équilibre est fragile, très sensible aux
fluctuations de la crise textile.
La
société Burcklé, équipementier du
tissage à Bourbach-le-Bas, la SACM à
Mulhouse, constructeur, entre autres,
Les tentatives de diversification relèvent parfois de l’anecdote, telle la
réalisation d’un des premiers prototypes de mobile-home, entièrement
équipé, qui sera exposé en 1968 à la foire de Paris. Est-ce à cause des
événements de mai ? Toujours est-il que l’espoir mis dans cet équipement ne se réalisera pas.
Les visiteurs de la foire de Paris en septembre 1968 ont
tout de même le plaisir d’admirer le prototype fabriqué chez
Burger. Au lendemain du salon, il regagne les réserves du
caravaniste. En France, la fascination pour la « résidence mobile » s’est concrétisée dans les années 1960 par le boom de
la caravane (100 000 unités vendues chaque année).
Il est encore trop tôt pour le mobile-home !
Aux E ts Burger, la fabrication du « mobile-home »
fait appel à la polyvalence de l’équipe !
de métiers à tisser, les établissements
Franck et Martel-Catala, à Sélestat, fabricants de toile métallique pour l’industrie
papetière, Rossmann, papetier à SainteCroix-aux-Mines, Soprema à Strasbourg,
fabricant de produits d’étanchéité, Rhénalu, fabricant de feuilles d’aluminium,
et bien d’autres entreprises historiques
comptent parmi les principaux clients de
Burger, pendant plusieurs années.
Signe des temps, le papier à entête des établissements Burger de 1973
ne mentionne plus ses « spécialités pour l’industrie textile et papetière »,
encore présentes en 1968. En revanche, y figurent les compétences suivantes : scierie-tournerie, atelier mécanique, usinage bois-métaux-plastiques,
constructions mécaniques.
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édition 1975 de l’ITMA : Burger S.A. présente une
réunisseuse d’ensouples.
2
Visite de chantier sur ce qui deviendra la zone
industrielle de Bois-l’Abbesse. Les Ets Burger y
installeront leur département « scierie, emballage
et charpente industrialisée ». Dernières Nouvelles
d’Alsace , 15 novembre 1976.
1
Mais Raymond ne compte pas s’arrêter là ! Il prospecte le marché de l’emballage à l’étranger et compte désormais une entreprise allemande parmi
ses clients pour les cylindres en bois. Il se lance également dans la fabrication de palettes, de caisses et d’éléments de coffrage pour le bâtiment.
Avec l’équipe de l’atelier mécanique, Raymond Burger n’a de cesse de
concevoir et développer des matériels innovants destinés à l’industrie
textile. Certains gagnent une réputation internationale, telle cette impressionnante machine réunisseuse d’ensouples, mise au point en 1975, qui
connaît un franc succès à l’ITMA (Internationale Textil-Maschinen Ausstellung), exposition phare du matériel textile à Milan.
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Pourtant, d’année en année, le manque d’espace rend impossible tout projet de déploiement et compromet notamment l’exploitation d’un nouveau
débouché : la fabrication de charpentes industrialisées. Nouvelles productions, nouvelles machines, stockage des grumes en hiver, stockage des
produits finis : force est de constater que les locaux de Sainte-Marie-aux-Mines
ne suffisent plus. La société se voit incapable de répondre à la demande du
marché. La pérennité de l’entreprise et le maintien de l’emploi de ses trente
salariés passent par le transfert de Burger vers un autre site.
Dès 1967, Raymond informe la municipalité de son souhait de déménager son entreprise sur un terrain plus vaste et mieux adapté à son activité. Lorsque la ville de Sainte-Marie-aux-Mines se porte acquéreur d’un
terrain industriel en 1973, il réitère sa demande et espère trouver enfin
une solution qui lui permettra de se développer. Deux ans passent, études, expertises et contre-expertises se multiplient de part et d’autre. Les
décisions politiques se conjuguent aux arbitrages économiques. Les élus,
confrontés aux sérieux problèmes économiques d’une municipalité qui vit
au rythme des fermetures d’usines et des reconversions, invoquent des
critères de rentabilité et de création d’emplois.
En définitive, aucune proposition sérieuse n’est faite à Sainte-Marie-auxMines pour l’entreprise Burger.
Un « mauvais coup » pour Raymond, très affecté mais soutenu massivement par l’ensemble du personnel qui installe, en novembre 1974, un piquet
de grève devant l’usine, berceau de l’entreprise depuis 1896…
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En quelques mois, le premier hall sort
de terre. Quiconque emprunte la RN 59
entre Châtenois et Lièpvre ne peut
manquer l’ossature de métal qui s’élève
en pleine campagne.
1976 : le défi de Bois-l’Abbesse
«
J’ai commencé chez Burger comme
apprenti en 1972, après mon service militaire au Portugal. Mon père y travaillait
déjà depuis deux ans comme menuisier. La France connaissait une pénurie
Ces deux années auront permis à l’entreprise de mûrir l’idée d’une « délocalisation ». La situation est au demeurant préoccupante, aggravée
par la conjoncture économique du moment. Lorsque la rencontre se fait
avec les élus de la municipalité voisine de Lièpvre, la décision est rapide :
Raymond fait le choix d’y installer son entreprise, au cœur de la nouvelle
zone industrielle de Bois-l’Abbesse, créée sous l’impulsion du maire de
Lièpvre, Guy Naudo, et de la Chambre de Commerce de Colmar.
d’ouvriers qualifiés et avait fait appel aux
travailleurs étrangers. Arrivé à Hendaye,
mon père avait été directement envoyé à
Sainte-Marie-aux-Mines ! J’ai appris le métier sur le tas à la menuiserie, en m’exerçant tout seul sur les machines et auprès
des anciens de l’entreprise. C’était dur…,
les anciens n’étaient pas des tendres ».
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L’inauguration a lieu le 13 novembre 1976 en
présence de M. Gilly, préfet du Haut-Rhin. Des
débuts modestes mais beaucoup d’optimisme.
Au programme, entre autres, une démonstration
de tissage sur les petits métiers fabriqués par
Burger.
Pour la première fois de son histoire, Burger se lance dans une construction « ex nihilo ». Pour assurer le transfert des locaux sans nuire à la production, l’ensemble du personnel déménage en une nuit les principales
machines. Il est décidé que, dans un premier temps, la menuiserie restera
à Sainte-Marie-aux-Mines. Les livraisons continuent presque sans interruption. Un premier bâtiment équipé de deux ponts roulants de six tonnes
est inauguré le 13 novembre 1976 devant bon nombre de personnalités.
1
Une page est tournée. L’importance de l’investissement réalisé, une année
de chiffre d’affaires, est la preuve d’une belle confiance en l’avenir et en la
qualité de son savoir-faire.
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Remise des médailles du travail
par M. Gilly, préfet du Haut-Rhin,
et par Raymond Burger.
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Burger lance la charpente industrialisée en bois,
assemblée au moyen de connecteurs métalliques. Le bureau d’études Burger est relié par
téléscripteur au bureau d’études de Twinaplate
en Grande-Bretagne.
1
2
Publicité pour les chalets « Clarines ».
3
Métier à tisser à bras... Déjà une pièce de collection ?
L’Alsace, juillet 1975.
4
Le métier à tisser « Florine » voit le jour alors que
la vague hippie apporte ses étoffes artisanales et
ses motifs ethniques. Ce métier à tisser porte le
prénom de la fille de Raymond et de Lily Burger.
1
2
Dans ses locaux désormais adaptés, Raymond
Burger s’oriente vers les professionnels du
bâtiment et lance la fabrication de charpentes
industrialisées, un créneau porté par une forte
demande de pavillons individuels et la création des lotissements en périphérie des villes.
En 1975, en effet, trois Français sur quatre sont
urbains, contre un sur deux à la fin de la guerre.
Or, l’échec des politiques de préfabrication lourde et le rejet des grands ensembles conduisent à
un regain d’intérêt pour la maison individuelle.
Malgré une situation fragile, les perspectives industrielles et commerciales
sont dès le départ ambitieuses. Maints produits sont imaginés en l’espace
de quelques années, destinés à compenser la perte liée au déclin du textile
et à assurer du travail sur les différents secteurs d’activité de l’entreprise : la
menuiserie, à Sainte-Marie-aux-Mines, et la scierie avec la charpente, l’emballage et la caisserie, installés dorénavant à Bois-l’Abbesse.
Raymond propose alors en exclusivité un nouveau procédé, mis au point
aux États-Unis et utilisé avec succès outre-Atlantique, qui assemble les
éléments standards de charpentes au moyen de connecteurs métalliques.
Un succès en demi-teinte car, si ce produit se développe bien partout en
France, l’Alsace reste très attachée à la charpente traditionnelle…
Une nouvelle expérience le porte vers la fabrication de petits chalets
en bois, clé en main, dont il présente les premiers prototypes, nommés
« Clarines », sur les foires-expositions de Mulhouse et de Strasbourg.
Enfin, clin d’œil à un métier presque disparu, Burger fabrique une série de
petits métiers à tisser à bras qui permettent, entre autres, d’initier les jeunes Sainte-Mariens à cet artisanat à l’occasion de stages d’été organisés
par l’office du tourisme.
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En 1979, Raymond Burger conçoit et fabrique
dans l’atelier mécanique une presse continue
pour la fabrication de poutres droites en bois collé.
Sur ce cliché, on reconnaît, au centre, le jeune
Robert Dolder, alors mécanicien, reconverti maintenant au bois et devenu depuis responsable du
département menuiserie. Yvan Bertola, à droite,
responsable de l’atelier mécanique, est aussi une
figure emblématique de l’entreprise Burger.
Communiquer !
Burger S.A. a désormais deux adresses
et se lance dans la communication !
Si elle participe traditionnellement
aux expositions régionales et aux
foires spécialisées, l’entreprise prend
du retard dans ce domaine. Désormais, il s’agit d’informer et de se faire
connaître. Publicité, rencontres avec
la presse, sponsoring, se mettent peu
machine..., tout le monde se retrouve
à peu en place.
dans une ambiance festive. Convivialité,
En interne, en revanche, la fête a tou-
camaraderie et solidarité envahissent
jours animé la vie de l’entreprise : fête
les souvenirs des anciens et sont tou-
de Noël, remise de médailles, inaugu-
jours présents dans le vocabulaire des
ration d’un bâtiment ou d’une nouvelle
plus jeunes et des nouveaux venus.
1
Parallèlement, l’entreprise renforce sa présence sur le marché des emballages spéciaux et tire profit de son savoir-faire dans l’usinage « sur mesure »
du bois pour remporter des marchés. Grâce à l’atelier mécanique, la société
conçoit et fabrique en interne les machines nécessaires à la fabrication de ces
nouveaux produits. Elle produit ainsi des milliers d’accoudoirs de chaises de
plein air pour un industriel spécialisé en matériel de camping.
1
De nombreuses pistes explorées, des produits créés au gré des opportunités :
une diversification justifiée par une accélération sans précédent des mutations
touchant le monde industriel dans un marché de plus en plus ouvert.
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Une diversification pour l’ingénieur Raymond Burger,
à l’origine de cette « invention sainte-marienne »
à l’honneur dans la presse locale.
Premier produit conçu par Bertrand Burger : le
métier à tisser « Céline ».
Pas facile d’être « le fils de » ! Il faut travailler dur, peut-être plus que les autres.
Et pourtant, il a passé tous ses étés dans
l’entreprise depuis son plus jeune âge.
« À 10-12 ans, c’était le chef d’atelier qui
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B
venait nous sortir du lit, mon frère et moi...
On a grandi avec les gars. » Pourtant,
contrairement à son père, son grand-père
Accompagner le changement
Trois ans après l’implantation de l’usine dans la zone industrielle de Boisl’Abbesse, c’est toujours un « Burger » qui pilote l’entreprise.
Bertrand, second fils de Raymond et Lily, rejoint en effet l’entreprise créée
par son arrière-arrière-grand-père dès sa sortie de l’École du Bois, en 1979.
Il termine sa formation auprès de son père et élargit peu à peu ses responsabilités au sein de l’entreprise.
et son arrière-grand-père, il ne se sentait
en rien prédestiné à diriger l’entreprise familiale. C’est donc sans pression aucune
et en toute liberté qu’il décide, son diplôme de l’École du Bois en poche, d’intégrer
pour de bon l’entreprise familiale.
Mais, pour hériter d’un tel outil à 20 ans,
il faut d’abord faire ses preuves et trouver
« J’ai commencé par créer des produits nouveaux pour trouver mes marques et comprendre le processus d’un bout à l’autre de la chaîne : concevoir, dessiner, chiffrer, adapter, réadapter et enfin vendre… » Il met ainsi
au point un tout premier objet en kit pour un client parisien : un métier
à tisser de table, qui équipe quelques foyers au début des années 1980.
Ensuite, il conçoit une gamme de jeux en bois destinée aux aires de plein
air des collectivités. Enfin, Bertrand Burger développe des produits en kit
pour les magasins de bricolage. Il modernise également l’outillage de la
menuiserie avec l’acquisition d’une première moulurière, qui effectue sept
opérations traditionnelles en une !
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1
En 1985, Raymond décide de se retirer tout en restant PDG de l’entreprise
jusqu’en 1995. En s’effaçant, il laisse en toute confiance son fils développer sa propre stratégie. Il peut désormais se consacrer à temps plein à
ses nombreuses passions, notamment scientifiques. Depuis plusieurs années, il mène en effet des recherches sur les procédés de compression qui
aboutiront, en 1990, à la mise au point d’une très innovante presse à déshydrater les boues résiduelles, utilisée dans le traitement des déchets.
L’effectif de la société est alors de soixante personnes. Burger SA est installé sur une surface de plus de trois hectares et ne devrait plus rencontrer
de problèmes de place…
La page est tournée. Burger change de dimension et, sous la direction de
Bertrand, se prépare un nouvel avenir.
sa place. Il commence par s’essayer à
la création de nouveaux produits, leur
fabrication, puis la vente, la comptabilité et porte ses efforts sur la modernisation des outils industriels mais aussi
de gestion. Il apprend vite et surtout sait
s’entourer de compétences nouvelles. Et
si l’histoire familiale n’est pas et ne doit
pas constituer un fardeau, le lien affectif
de l’actuel président avec les générations
précédentes reste très présent…
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Raymond Hestin, président du district du Val d’Argent,
aux côtés de Raymond et Bertrand Burger, lors d’une
remise de médailles du travail. L’Alsace , 2 avril 1993.
Comme de nombreuses fêtes marquant les étapes de
l’entreprise, celle-ci s’est déroulée à l’hôtel-restaurant
Au Nid des Cigognes à Ostheim, appartenant au frère de
Liliane Burger.
2
Les premières documentations commerciales des produits
Burger réalisées à la fin des années 1980. À cette époque,
ce sont les membres du personnel qui se prêtent au jeu
des mises en situation pour les prises de vues !
3
En permanence, on travaille à la valorisation des produits
en rayon dans les grandes enseignes de bricolage.
1
Burger fait sa « révolution culturelle »
Importance nouvelle prise par le logement, augmentation du pouvoir
d’achat, allongement du temps libre, les pratiques sociales ont beaucoup
évolué en ce début des années 1980… Effet des changements qui affectent les Français : ils passent plus de temps chez eux et sont soucieux de
leur cadre de vie. Une transformation profonde du mode de vie dont le
secteur de la grande distribution est le premier à tirer parti. Avec l’arrivée
des premières grandes surfaces de bricolage au début des années 1980,
chacun peut désormais embellir, rénover, remplacer… et, surtout, y prendre plaisir. En quelques années, bricoler est devenu le loisir préféré des
Français !
Arrivé dans l’entreprise en plein dans la vague du « do it yourself » (à
faire soi-même), Bertrand Burger est confronté d’emblée à tous les
acteurs d’un marché naissant : le bricolage. Il pressent une opportunité à
saisir dans ce domaine. Pour rester aux avant-postes de la modernité, le
savoir-faire centenaire de l’entreprise se révèle précieux. En se tournant
Le secteur du bricolage connaît, depuis une tren-
vers les produits menuisés « industrialisables »,
Bertrand Burger a l’idée de proposer des pièces en
kit. Il fait alors le lien entre la balustrade de balcon,
une idée approchée par son père quelques années
auparavant, et le marché du produit en kit. L’outil
qu’avait conçu Raymond Burger à cet effet, « à partir
d’une machine qui servait à faire des chanfreins sur
les pieds de palettes », n’avait pas servi, faute de marché. Il permet, après quelques adaptations, de réaliser les premiers modèles de balustrades en kit. Les
débuts sont encourageants, les balustres se vendent
bien en Alsace et créent petit à petit leur marché.
taine d’années, une croissance spectaculaire.
67 % des Français bricolent, soit 13 millions de
personnes, contre seulement 3 millions au début
des années 1960. Malgré un ralentissement en
2008-2009, le bricolage représente aujourd’hui
un marché très important, estimé à 17 milliards
d’euros, avec une croissance annuelle moyenne
de 4 %, et ce, depuis plus de dix ans. Cette réalité statistique masque une concurrence acharnée
dans ce secteur, il faut en effet sans cesse jouer
des coudes et faire preuve d’une grande vigilance
pour ne pas être distancé…
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Balustres. Document commercial, années 1990.
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La machine mise au point par Raymond Burger, à
l’origine de la fabrication des balustres.
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Sur les salons professionnels, Burger déploie sa
gamme de balustres, marquises, auvents et escaliers. Ici, le salon Batimat à Paris, en 1995.
2
La société se dote d’outils industriels de plus
en plus performants. à chaque fois, les équipes
s’adaptent…
S’ouvrir au marché du bricolage grand public
L’entreprise se lance alors dans ce créneau jusqu’à le maîtriser complètement, avec le souci d’une qualité irréprochable. Elle étoffe son réseau de
vente, composé en grande partie de commerciaux multicartes, élabore sa
communication produits et remporte des contrats. Fort de ces premiers
succès, Burger continue d’innover et propose bientôt aux grandes surfaces de bricolage différents modèles de clôtures, rampes et auvents à
monter soi-même.
2
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Nous avons d’abord travaillé avec des agents commerciaux indépendants qui proposaient nos
« 
produits dans les négoces et les premières centrales d’achat. Nous étions présents dans les premiers salons professionnels, comme le Quojem. Nous avions des acheteurs, mais en magasin, nos
produits ne se vendaient pas… Dès qu’on allait dans le Sud ou l’Ouest, on ne savait plus à quoi
servaient les balustres ! Nous avons compris alors que nous devions maîtriser les techniques du
marketing et de la communication, créer de nouveaux concepts et soutenir nous-mêmes notre
marque. À partir de là, nous avons développé notre chiffre. » Sabine Maurer
Si les premiers résultats sont encourageants, l’industrialisation
de ces produits exige plus de productivité et d’automatisation
pour monter en puissance.
« Ces nouvelles orientations ont beaucoup modifié notre
façon de travailler », affirme Bertrand Burger. « Être compétitifs, réactifs, rechercher sans cesse de nouveaux produits,
travailler pour le public et la grande distribution, nous ont
obligés à développer des solutions à chaque étape. En même
temps, nous nous sommes équipés de nouveaux outils informatiques de gestion, de conception et, bien sûr, de fabrication. »
Porté par la forte croissance des grandes surfaces de bricolage, Burger résiste à la crise qui frappe le secteur du bois. Pour
autant, le choix de porter le développement de la société vers ce
marché n’est pas sans conséquences et nécessite de repenser la
stratégie de l’entreprise. Les anciennes habitudes, inadaptées à
ce nouvel objectif, sont totalement abandonnées. La dimension
d’entreprise familiale ne suffit plus, une évolution acceptée par
tous avec intelligence et qui permet ainsi à Burger d’accéder à la
vitesse supérieure.
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Machine pour réaliser les charpentes industrielles.
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Les bureaux de l’entreprise Burger en 1986.
À Sainte-Marie-aux-Mines, les bâtiments
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Vue aérienne de l’usine de Bois-l’Abbesse installée
sur plus de 2 ha en 1986.
industriels construits et reconstruits par
trois générations de Burger sont peu
à peu démolis. La demeure familiale
retrouve son authenticité. Elle y gagne,
aussi, un très beau jardin !
1
Le transfert de la menuiserie à Bois-l’Abbesse
4
En 1986, la menuiserie est transférée de Sainte-Marie-aux-Mines à Boisl’Abbesse, et s’installe dans deux nouveaux bâtiments de 3 000 m2. Une
étape qui met fin à l’éparpillement géographique des unités de production.
La modernisation de l’outil industriel est indispensable. Il faut investir, automatiser, standardiser, réduire les délais et imaginer de nouveaux procédés
d’assemblage, de finition. Il faut aussi faire évoluer un savoir-faire encore
très largement artisanal pour l’adapter aux nouvelles technologies. Petit à
petit, l’entreprise amorce avec succès les mutations technologiques et assure la reconversion complète de son personnel.
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Avant
Derrière l’enchevêtrement des hangars et du silo, on distingue à l’arrièreplan l’ancienne maison de Rodolphe III
et d’émilie où sont nés les jumeaux,
Raymond et Annette.
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L’usine de Sainte-Marie-aux-Mines en
cours de démolition.
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L’ancien silo.
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L’ancienne usine a laissé la place à un
très beau jardin paysager.
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Après
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L’atelier de menuiserie a déménagé à Bois-l’Abbesse.
Dernières Nouvelles d’Alsace, 4 février 1995.
2
Livraison de la première ligne Hundegger en 1991.
3
La nouvelle ligne automatisée de fabrication de charpente traditionnelle, la première installée en France.
4
Charpentes type fermette à connecteurs métalliques dont la production a été abandonnée au
profit de la charpente traditionnelle, plus adaptée
au marché régional.
La reconversion de l’activité
1
«
Quand la menuiserie a déménagé
à Bois-l’Abbesse en 1986, nous étions
inquiets parce que c’était nouveau.
Mais les conditions de travail se sont
beaucoup améliorées et je suis passé
contremaître ! »
Aires Marta
2
Une mutation sans précédent, étalée sur une dizaine d’années pendant
lesquelles Bertrand Burger renouvelle 90 % de la production de l’usine,
construisant le développement de la société sur des secteurs et des produits judicieusement choisis, où elle a une vocation de leader.
La croissance est au rendez-vous. En 1988, la société met en place une
politique d’intéressement du personnel. En 1990, le chiffre d’affaires passe
à 5,18 millions d’euros, contre 1,14 en 1980.
« Avec très peu de moyens financiers », estime l’un des acteurs de cette
période, « plus qu’une reconversion, c’était la poursuite d’une culture de
pionniers dans les domaines novateurs. » L’informatisation du bureau
d’études et de la production est engagée. On apprend sur le tas et souvent
grâce aux connaissances de l’un ou l’autre passionné d’informatique dans
l’équipe ! Composer avec les compétences de chacun, une autre grande
force de l’entreprise qui a su faire la démonstration, au cours de cette période, d’un véritable esprit d’équipe…
La société abandonne la scierie des débuts, se dote d’un outil industriel
performant, construit de nouveaux bâtiments et prend soin de ne pas
se délester de son précieux savoir-faire artisanal. Alors que le bricolage
représente plus de 70 % de la production, Burger renforce son activité en
direction des professionnels du bâtiment en proposant la réalisation de
charpentes sur mesure.
3
4
Un retour aux sources qui s’explique par une vraie
demande locale car « si la charpente industrialisée
avait bien marché ailleurs en France, l’Alsace était restée
jalousement attachée à la charpente traditionnelle »,
commente Bertrand Burger.
Un produit traditionnel et des pièces uniques, entièrement conçus par ordinateur, sont produits sur une
ligne à commandes numériques acquise en 1991.
« Nous avons bataillé ferme pour obtenir cet équipement qui n’existait pas encore en France. Nous
l’avions repéré dans un salon professionnel à Bâle, sur
une vidéo de démonstration. J’ai d’abord dû convaincre le
commercial pour qu’il me permette de voir la machine
chez le fabricant en Allemagne. On ne me prenait pas au
sérieux… Ensuite, pour pouvoir acheter la machine, il a
fallu la faire homologuer par des ingénieurs français et
faire les modifications demandées. Deux camions ont
été nécessaires pour la rapatrier et, pour couronner le
tout, elle a été mise sous scellés à la douane, parce que
nous l’avions déclarée comme… machine combinée.
Évidemment il y avait une différence… de taille, mais
aucune nomenclature ne correspondait ! »
L’abandon de la scierie n’est pas une décision facile.
« J’ai fait le tour de toutes les possibilités, j’avais tout
envisagé, sauf l’arrêt », se souvient Bertrand Burger.
« Et puis, en un week-end, la solution s’est imposée.
Le lundi matin, j’ai appelé mon père, je lui ai dit qu’il
fallait arrêter la scierie, il m’a répondu spontanément :
“D’accord”. J’ai su après qu’il n’était pas tout à fait
réveillé et n’avait pas vraiment réalisé ! Puis, j’ai convoqué tout le monde et j’ai expliqué mon plan pour les six
mois à venir. Le personnel de la scierie a été formé sur
d’autres postes et nous avons trouvé un emploi similaire
ailleurs à notre acheteur de bois. J’ai très vite mesuré les
bénéfices de cette décision. Nous avons gagné de la place
pour installer de nouvelles activités et dégager la trésorerie immobilisée pour l’achat et le stockage de grumes. »
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1990-1995 : à la conquête des marchés
Le catalogue produits de Burger s’enrichit. Il peut désormais proposer aux
grandes surfaces de bricolage différents modèles de clôtures, balustrades,
rampes, abris, marquises, appentis, vérandas… prêts à monter. Puis s’ajouteront les poutres Clip’s, les escaliers escamotables… Bientôt, l’entreprise
obtient ses premiers référencements internationaux dans les enseignes de
bricolage et de négoce de matériaux. Burger devient un fournisseur de référence pour de nombreux éléments de construction et d’aménagement de la
maison.
Pour marquer son ouverture sur l’international,
Burger arbore une nouvelle identité visuelle.
« En France on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ! » Tout le monde
se souvient de ce fameux slogan martelé dans les années 1980 sur les
ondes et à la télévision. À la suite du second choc pétrolier, puis avec la
perspective du marché unique européen, impossible de vivoter dans les
limites étroites du seul marché français. Le secteur du bricolage doit faire
face à une concurrence grandissante.
Pour s’adapter à cette nouvelle économie de marché, l’entreprise étoffe
son service commercial et repense sa politique à l’exportation. Priorité
est donnée à la recherche de partenariats dans les pays limitrophes, en
tête desquels figurent l’Allemagne et la Belgique, puis le Luxembourg, la
Suisse et l’Espagne. Pour prospecter ces marchés, l’entreprise fait le choix
d’utiliser les services de commerciaux locaux, au fait des tendances et des
modes de consommation locaux, ou de travailler avec les grandes enseignes françaises de bricolage qui commencent elles aussi à s’implanter à
l’étranger.
En 1991, Burger investit plus de 2 millions d’euros pour construire un nouveau bâtiment de 2 000 m2 et acquérir de nouvelles lignes de production
entièrement automatisées.
Aménager son espace de vie est à la
portée de tous… même de Lucien ! Le
sympathique rocker à la banane semble
avoir trouvé un sens à son légendaire
désordre ! Publicité d’Éric Sembach
Dès 1991, la société s’internationalise et crée une filiale de vente en Italie,
Burger Italia. Une première étape dans le développement international,
qui sera grandement facilité par l’ouverture des frontières européennes et
la signature du traité de Maastricht en 1992.
illustrée par Frank Margerin.
L a charpente
Un centre d’usinage à commandes numériques, mais devant un écran, c’est un compagnon charpentier
qui conjugue son expérience d’artisan chevronné à une passion pour l’informatique et la conception de
produits en trois dimensions. Une fois les réglages effectués sur son ordinateur, il n’a plus à intervenir et
contrôle sur son écran la fabrication des différentes pièces de la charpente. Faîtière, pannes et chevrons
sont découpés et profilés avec une perfection que le grand-père Rodolphe III n’aurait pu imaginer, même à
travers ses rêves les plus fous ! Pourtant, au final, finition, ponçage, traitement et contrôle qualité appellent la main de l’homme, qui fait la différence avec le même souci de qualité qu’il y a cent ans.
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Documentation commerciale, années 1990. Burger
étend sa gamme dans le secteur en plein essor du
bricolage.
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Burger regroupe tous ses produits de balustrade sur
mesure, pour le marché professionnel, sous la marque « Bois Saint-Guérin ».
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Exemple de balustrade traditionnelle fabriquée par
l’entreprise Bois Saint-Guérin.
« Un grand pas vers l’inconnu », se souvient
Christian Grandgeorge à propos de cette
aventure qui ne manquait pas de « panache ». « Nous allions pour la première fois
nous lancer dans la distribution d’un produit que nous ne fabriquions pas nous-mêmes. » Burger fait ses premières armes dans
un nouveau métier, celui de distributeur, et
donne le coup d’envoi à une belle collaboration avec l’entreprise danoise Dolle, dirigée par François Grimal et détenue par la
famille Dolle.
La reprise en 1994 de la scierie Peter à
Munster, revendue en 2002, permet à
Burger d’assurer pour un temps la maîtrise de ses approvisionnements.
La croissance externe
Pour renforcer ses capacités de production et acquérir une taille suffisante
afin de résister à la concurrence, Burger décide d’élargir son périmètre
géographique et son marché. Ainsi, la reprise en 1992 de l’entreprise Bois
Saint-Guérin, implantée entre Thonon et Morzine, spécialisée dans la fabrication de balustrades en bois sur mesure de type savoyard, marque
une première étape de croissance externe. Dès lors, la société regroupe
tous ses produits de balustrade sur mesure au sein d’une seule marque :
« Bois Saint-Guérin », pour le marché professionnel.
À peine un an plus tard, la pénétration de Burger sur le secteur bricolage est amplifiée par l’absorption, en 1993, d’une division de Macc SA,
spécialisée dans les escaliers escamotables.
Pour répondre aux exigences d’homogénéisation de la production, les industries de première transformation doivent de plus
en plus être en mesure de fournir des produits semi-finis aux
caractéristiques parfaitement standardisées, et d’adapter leur
1
propre approvisionnement en forêt. Les pays scandinaves, les
pays de l’Est et le Canada ont développé une industrie concentrée et performante qui domine le marché mondial et concurrence la filière bois en France. Ce
contexte difficile, nécessitant des
investissements très lourds pour
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La société Bois Saint Guérin au moment de son rachat par Burger en 1992.
rester compétitif, contraint l’en-
Un an plus tard, en 1993, quelques jours à peine avant la signature
treprise Burger à se séparer de
de l’achat de la société Macc, l’usine Bois Saint-Guérin est ravagée par
de la scierie Peter en 2002.
sa propre scierie en 1988, puis
un incendie. Une perte importante et un coût financier non moindre.
Bertrand Burger hésite à annuler l’achat. Au dernier moment, pourtant,
il décide de proposer un prix d’achat divisé par deux ! « Ça passe…
ou ça casse », pense-t-il alors. Et c’est passé !
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Cher Président et ami Jacques Santer,
En 1976, La première pierre fut posée sur une prairie
nue,et je formulais l’espoir de voir ici se développer
mon entreprise.
Cette terre est fertile, regardez autour de vous.
D’autres entreprises se sont jointes à la mienne et
prospèrent.
Que ce chêne grandisse et vive longtemps avec notre
Petite entorse au calendrier, le centenaire de
société. Qu’il soit le symbole pour ceux qui nous sui-
l’entreprise est célébré le 1 septembre 1995,
vent de l’œuvre d’une société familiale, qui, par son
de manière à fêter simultanément les 70 ans
action, aura contribué, même si c’est modestement, à
de Raymond Burger.
l’édification de l’Europe, dans laquelle vous êtes amené
er
Jacques Santer, alors président de la Commission
européenne et grand ami de Raymond et Lily, a
L’Alsace du 2 septembre 1995.
répondu à l’invitation comme bon nombre de personnalités, à l’exemple de Martin Gray, auteur de
romans à succès. Les discours s’enchaînent, une
vidéo retrace les grands moments des établissements Burger, les visites des locaux s’organisent
autour des installations. Toute la journée, la fête
bat son plein, entre émotion et bonne humeur.
Alors que l’entreprise s’apprête à célébrer son centième anniversaire, en septembre 1995, Bertrand Burger est nommé PDG de l’entreprise. La société est
installée sur plus de deux hectares, emploie une cinquantaine de salariés et
réalise un chiffre d’affaires de 48 millions de francs contre 38 en 1993…
Au prix d’une petite révolution industrielle et commerciale, « sans casse
sociale », souligne alors Bertrand Burger, l’entreprise s’est hissée au rang
de leader national de la balustrade et autres produits menuisés en kit,
lancés par l’entreprise dans le secteur du bricolage.
Révolution technologique aussi car la société mise sur des techniques de
pointe et investit en permanence dans l’achat de nouveaux matériels.
à jouer un grand rôle, et à laquelle , je le sais, vous
Raymond Burger et Jacques Santer ont pris
pelle et bêche pour planter un jeune chêne.
Un symbole de force et de solidité qui a atteint
aujourd’hui les 6 mètres de haut.
vous attachez avec courage. »
Extrait du discours de Raymond Burger
lors de la plantation du chêne
en présence de Jacques Santer,
Président de la Commission européenne
L’entreprise Burger, c’est aussi l’histoire du couple formé par Raymond et Lily. Entièrement investie aux côtés de Raymond, Lily l’accompagne dans ses déplacements,
ses choix, soutient ses inventions. Unis, complémentaires, ils ont assumé ensemble
la plupart des décisions liées à l’entreprise. Un tandem qui a su remarquablement
transmettre les valeurs et la culture dont ils étaient eux-mêmes les héritiers.
Moment de complicité entre Raymond et Lily Burger durant le repas du centenaire qui s’est
déroulé à la salle des fêtes de Lièpvre.
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Ma génération a sans doute connu l’un des
plus grands bouleversements technologiques
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Les enfants de Bertrand et d’Annick Burger, Paul et
Lou, participent à la fête.
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L’assistance attentive aux discours de Raymond
et Bertrand Burger.
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Accolade suite aux discours officiels et à la passation de pouvoirs.
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Les forces vives de l’entreprise en 1995.
de tous les temps, contraignant les hommes
à s’adapter mais apportant parallèlement une
libération fantastique des tâches répétitives,
souvent épuisantes et peu valorisantes. » Ces
mots, prononcés par Raymond Burger lors du
centenaire en 1995, résument à eux seuls le
formidable défi économique, technologique et
humain relevé par l’entreprise Burger en une
courte décennie.
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Plaquette commerciale, années 2000.
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Pour améliorer l’échange de l’information à tous
les stades et ainsi s’adapter au plus près des
demandes et des réactions du marché, de nouveaux bureaux open space ont été conçus et réalisés par Florine Burger, architecte DPLG, en 2002.
3
Modélisation et simulation de plus en plus performantes, de plus en plus souples.
En kit ou sur mesure pour épouser les évolutions
L’histoire va se poursuivre et s’accélérer. En 2002, l’euro enterre le franc
et bouleverse les habitudes. En Alsace, région frontalière, l’événement a
un retentissement particulier, même si le fait européen s’est déjà imposé
depuis quelque temps dans les entreprises.
L’élargissement de la famille européenne en 2004, puis en 2007, suscite
des craintes mais présente aussi des avantages pour les industriels : alignement des normes, accroissement des échanges et, à plus long terme,
hausse du niveau de vie dans les pays nouvellement intégrés.
2
3
Internationalisation, mouvement de concentration des activités industrielles et commerciales, ouverture et croissance du marché, l’heure est aux
stratégies de développement. L’enjeu est de taille, mais la dimension humaine de l’entreprise est aussi un atout.
En effet, face à ces évolutions, Bertrand Burger mise sur la capacité de
l’entreprise à réaliser et proposer des produits innovants, et oriente ses
efforts vers la recherche, le développement et la promotion de sa marque.
Faire évoluer les produits, les adapter et en créer d’autres est un passage
obligé. Burger l’a bien compris et lance deux ou trois fois par an de nouveaux produits sur le marché du bricolage.
Aussi, la démarche « recherche et développement » s’inscrit-elle comme
une fonction clé dans l’entreprise. Ingénieurs et designers planchent sur
des gammes de produits déclinés en plusieurs modèles. S’ils doivent être
esthétiques et fonctionnels, ils sont également conçus de manière à minimiser les coûts, optimiser l’outil de production, rationaliser l’emballage
et le transport.
1
Des commerciaux sur le terrain, au bureau d’études, de la fabrication à
l’expédition, la réactivité au marché est le mot-clé de la réussite. Avec une
préoccupation constante pour l’ensemble des collaborateurs, le partage
immédiat des informations. Elle permet à Burger de gérer les mouvances du marché, les à-coups de consommation qui perturbent la gestion
des carnets de commande car, de leur côté, les distributeurs stockent de
moins en moins et gèrent en flux tendu.
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Équipements de pointe, informatisation,
pilotage centralisé, contrôle qualité,
distribution : cette savante organisation
est parfaitement orchestrée. Malgré le
ballet incessant des robots, le geste du
menuisier reste toujours présent.
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Profileuse automatique Bacci à 8 têtes pilotée par
commandes numériques pour la fabrication de balustres.
4
Tenonneuse double Bacci pilotée par commandes
numériques et alimentée par un chargeur automatique.
5
Pilotage et réglage d’un robot 7 axes.
6
Réglages d’une moulurière Weinig 8 arbres pilotée
par commandes numériques.
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1
Centre d’usinage Bacci 5 axes équipé de 2 têtes
doubles avec 4 broches, alimenté par un chargeur automatique, pour l’usinage des pièces en
hêtre massif (tenonnage, mortaisage, fraisage,
perçage…).
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Ligne automatique de mise en longueur et
profilage avec moulurière Wadkin 11 arbres.
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Atelier doté de 3 lignes automatisées de
taillage de charpente Hundegger.
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Défonceuse à commandes numériques dotée
de 4 têtes d’usinage avec 4 magasins d’outils.
3
Atelier d’emballage.
4
Atelier de débit, de rabotage et d’usinage.
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Burgerom, une entreprise roumaine spécialisée
dans la fabrication des moules pour fonderies.
2
La société Vabudo à Berezne, en Ukraine.
L’implantation en Europe de l’Est
1
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2
Pour développer ses capacités de production et son rayon d’action, Burger
s’implante en 2006 en Roumanie, à cent kilomètres de Timisoara, dans
la ville de Resita. En partenariat avec Adrian Chebetiu, chef d’entreprise
roumain, Burger y reprend une entreprise, disposant d’un vrai savoir-faire
dans l’usinage du bois résineux et particulièrement dans la fabrication des
moules pour fonderies. « Nos méthodes étaient très différentes », confie,
amusé, le directeur de la production de Burger, Goulven Ledru, dépêché
sur place pour veiller au bon déroulement des opérations. Cette nouvelle
entité nommée Burgerom permet aussi de fabriquer des produits à faible
valeur ajoutée, comme par exemple des échelles de meunier.
En 2008, pour s’établir en Ukraine, à
Berezne, petite ville située à 150 kilomètres
de Lviv, Burger s’associe à Dolle, partenaire
industriel depuis la reprise de Macc en 1993, et
à Vasil Simochko, propriétaire d’une scierieboissellerie spécialisée dans le feuillu et
employant 175 personnes. Une association
à trois, qui prend le nom de Vabudo et qui
représente pour Burger un double intérêt : la
maîtrise et l’élargissement de son offre produits, et, à terme, un premier pas vers les
marchés russes et baltes…
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Une des premières documentations commerciales
de Mister bois datant du début des années 2000.
2
La documentation commerciale des années 2010.
3
Le magasin Mister Bois de Languidic, dans le
Morbihan.
2
1
Des produits sur mesure pour le particulier…
et le professionnel
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3
Présent sur tous les segments de distribution de bricolage et de négoce,
Burger veille depuis les années 1990 à satisfaire également sa clientèle
professionnelle, épousant scrupuleusement les besoins de ses deux marchés, le produit standard et le produit sur mesure. Une manière d’équilibrer et diversifier la clientèle, mais aussi de contourner les ralentissements d’activité de l’un ou l’autre secteur.
Pour déployer son offre de fabrication sur mesure d’équipements pour la
maison, Burger lance, dès 1997, avec Gilles Toranelli un nouveau réseau
commercial s’adressant aux professionnels comme aux particuliers. Une
première enseigne « Mister Bois » ouvre ses portes à Sainte-Croix-aux-Mines, non loin de l’usine. Depuis, Mister Bois est devenu un réseau intégré
d’« agenceurs d’habitat », implanté en Alsace, près de Mulhouse, Strasbourg et Sélestat, mais aussi en Côte-d’Or, dans l’Yonne et le Morbihan.
Professionnels partenaires de Burger, ils interviennent dans la mise en
œuvre de toutes sortes de solutions individuelles d’aménagement de la
maison : abris, terrasses, vérandas ou auvents.
La reprise, en 2003, de la société Boivin, leader dans la fabrication de gardecorps en Haute-Savoie, vient compléter cette offre de produits sur mesure
haut de gamme, qui allient tradition et innovation. Sa direction est assurée
par Didier Christin, qui dirigeait déjà Bois Saint-Guérin en 1992.
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L a BALUSTRADE
Une fois n’est pas coutume, c’est l’outil qui fait naître le produit…
Lorsque, en 1976, Raymond Burger entrevoit un débouché industriel, il conçoit une machine adaptée à la fabrication de balustres.
La commande ne se présente plus, et c’est Bertrand Burger qui
sortira la machine de l’oubli où elle se trouve. « J’ai fait le lien
entre la balustrade et le bricolage au bon moment. On a très vite
réussi à en vendre en Alsace, mais ailleurs le client savait à peine
de quoi il s’agissait… » La balustrade du début, traditionnelle et
en bois, figure toujours au catalogue. À l’origine d’une vaste gamme de produits, elle illustre parfaitement l’adéquation du produit à
la tendance. Aujourd’hui, elle change de matière et s’habille tour
à tour de métal, de verre et bientôt de lumière…
Pour innover… surveiller les tendances
Face au consommateur qui fait des arbitrages nouveaux, Burger doit
plus que jamais s’adapter et faire évoluer ses domaines de compétence.
Conséquence de l’évolution des tendances, la coexistence du bois avec
d’autres matériaux au sein d’une même gamme de produits : garde-corps,
escaliers ou mains courantes. Une évolution qui apparaît aujourd’hui
comme irréversible : « C’est vrai de longue date dans le meuble, c’est
vrai aujourd’hui pour tous les équipements de la maison. » Au bois, on a
adjoint de l’aluminium, de l’inox, du métal laqué, du verre, du composite
et, bientôt, de la lumière.
L’arrivée chez Burger en 2007 de Jean Bleu, directeur général issu du secteur
de la métallurgie, et d’ingénieurs issus tant de la plasturgie que du bois, traduit cette volonté d’ouverture en marge du cœur d’activité traditionnel de
l’entreprise. En marge… mais pas étrangère. En effet, l’entreprise avait déjà
une vraie culture industrielle en mécanique incarnée par Raymond Burger,
qui, pour mettre en application ses brevets et donc construire ses machines,
avait doté l’entreprise d’un atelier mécanique dirigé par Yvan Bertola.
En 1986, avec le déménagement à Bois-l’Abbesse, Bertrand Burger, ne
maîtrisant pas suffisamment cette branche d’activité, a proposé aux deux
mécaniciens spécialisés de l’époque de se reconvertir au bois en venant
rejoindre l’équipe de Lièpvre.
Ces deux personnes, Robert Dolder et Guy Fréchard, ont su expoiter leur
expérience en usinage mécanique au profit de nouvelles commandes numériques pour travailler le bois, et ont activement œuvré à la maîtrise de la
commande numérique dans tous les services de production de l’entreprise.
Ils sont aujourd’hui responsables de fabrication des ateliers bois.
Aujourd’hui, les designers réinventent
des produits de plus en plus personnalisés, dans un esprit de « collection »,
à l’aide de logiciels de création en trois
dimensions.
Pour maintenir sa dynamique commerciale,
Burger apporte un soin particulier à l’élaboration
de ses supports de communication et de soutien
marketing aux points de vente. Tout ou presque est
réalisé sur place et les bonnes idées fourmillent
aussi en interne : catalogues, outils d’aide à la vente,
« pagivole », étiquettes et fiches produits, packaging,
notices…, le tout traduit en sept langues, et parfois
douze. « C’est le feu tout le temps ! », confie avec
enthousiasme Emmanuelle Hoffmann, chargée de
communication chez Burger.
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Vue aérienne de la plateforme de produits de jardin.
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Avec « Jardipolys », Burger se taille une place de
choix sur le secteur du jardin.
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Le catalogue Burger 2010.
Une longueur d’avance…
Les conséquences sur l’organisation industrielle sont parfois difficiles à
gérer, elles bousculent les habitudes. Il faut affronter de nouveaux concurrents, parfois plus spécialisés sur une ligne de produits. Une nouvelle
fois, l’équipe fait la preuve de sa capacité à suivre les évolutions rendues
nécessaires par les contraintes de la compétitivité.
À l’heure où l’entreprise se voit décerner le 1er prix de l‘Entrepreneur dans
la catégorie Innovation par le cabinet Ernst & Young, il est bon de rappeler
que chez Burger, l’innovation ne se cantonne pas aux produits ou à l’investissement technologique. Elle se décline aussi dans la démarche commerciale, l’évolution des secteurs d’activités, les ressources humaines.
Si l’entreprise, Bertrand Burger en tête, se lance souvent de manière audacieuse sur des terrains inconnus, c’est parce qu’elle se sait appuyée par
les compétences, l’expérience et le dynamisme de toute une équipe. C’est
cette confiance réciproque qui est un élément clé de sa capacité à innover
et à anticiper. Car, pour exister aujourd’hui, il faut continuer d’être pionnier.
Un leitmotiv familial toujours d’actualité.
L’ouverture sur le jardin
Si des disparités existent, des enquêtes récentes font apparaître l’importance donnée dans de nombreux pays européens au cadre de vie et à la
maison. Ressentis comme des lieux de refuge et de protection en réponse
à une vie quotidienne de plus en plus cadencée, la maison, le jardin ou la
terrasse sont perçus comme le centre d’une nouvelle convivialité, où l’on
peut se retrouver en famille ou entre amis.
Et, pour cela, plus question de ressembler à son voisin. Chacun souhaite
personnaliser son univers, affirmer sa différence, comme le reflet de sa façon de vivre. Presse spécialisée, émissions de télévision, programmes de
télé-réalité, sites Internet, catalogues d’enseignes…, les sources d’inspiration se multiplient pour les consommateurs et interpellent les industriels.
1
Au tournant des années 2000, Burger mesure l’importance de cette tendance. Jardin, terrasse et véranda sont devenus les nouvelles pièces à
équiper. Un objectif ambitieux de croissance pour Burger, qui s’offre une
place sur ce marché en pleine expansion de l’aménagement extérieur
avec l’absorption de « Jardi Ouest », dont les produits sont fabriqués par
des partenaires polonais.
Avec cette intégration de produits pour le jardin qui viennent compléter
la gamme des articles fabriqués par l’entreprise de Bois-l’Abbesse, Burger
doit intégrer et maîtriser un nouveau métier : la logistique.
C’est Christian Grandgeorge, entré dans le service production en 1979, qui
a su dompter les nouveaux process informatiques et doter ainsi l’entreprise d’une gestion logistique de pointe.
Emballage, forme et poids des colis, tout doit être adapté afin d’optimiser stockage
et transport. Sur le site de Lièpvre, 40 000 commandes sont enregistrées par an,
soit en moyenne 170 par jour… et autant de bulletins de livraison, suivis de palettes, de colis. Au final, ce sont 30 000 tonnes de produits en kit expédiées par an.
Depuis peu, une partie des produits jardin est expédiée dans toute
l’Europe depuis une plate-forme logistique située à Slubice, en Pologne,
et pilotée depuis Lièpvre. « J’ai pris moi-même les commandes d’un
élévateur pour montrer aux manutentionnaires que les produits n’étaient
pas fragiles et qu’on pouvait par conséquent charger les camions en
prenant moins de précautions, donc plus rapidement ! », rapporte Christian
Grandgeorge.
L’impulsion est donnée. En janvier 2009, Burger renforce sa présence sur
ce secteur et élargit ses circuits de distribution par la reprise de la société
« Jardipolys », alors propriété du groupe Dubois Jardins.
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Pour quatre Français sur cinq, le jardin est un
critère de choix important lors de l’achat d’une
nouvelle maison. Un chiffre élevé qui s’explique
par la valeur que le jardin confère au bâti mais
aussi par l’espace de vie supplémentaire qu’il
procure. En dehors de son entretien, il est vécu
comme une « pièce à vivre », tour à tour cuisine,
salon d’extérieur, salle de jeux ou de repos…
Un important levier de développement pour Burger qui décide ainsi de
« réagir offensivement » face à la crise qui touche tous les secteurs depuis
2008. Alors même que le marché du bricolage, « pour la première fois de
son histoire », selon la Fédération des magasins de bricolage et d’aménagement de la maison (FMB), présente en 2008 des résultats en baisse,
Burger augmente son chiffre d’affaires de 17 % en 2008 et de 37 % en 2009.
Le catalogue s’enrichit d’une gamme de produits parfaitement complémentaires : bordures, mobilier de jardin, abris pour les animaux, structures de
jeux, distribués essentiellement auprès des jardineries. Burger diversifie sa
clientèle et se voit du même coup mieux armé pour lutter contre les variations et fluctuations saisonnières qui affectent le marché du bricolage.
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Différents modèles de maisons à ossature bois.
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Extension de maison en bois.
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Abri de voitures avec un toit en persiennes de
bois recouvert de plaques de verre.
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Nouveaux enjeux, nouveaux défis
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Depuis près d’une décennie, de nombreux modèles de systèmes économiques et sociaux s’essoufflent et entraînent une transformation profonde
de la société de consommation. Finie, la surenchère dans le gigantisme
de la grande distribution ; au cœur des débats, la proximité, l’humain, le
spécifique, le durable.
Dans cet environnement, en mutation permanente, l’industriel ne peut négliger aucune piste. Aujourd’hui, sans sacrifier au style et à l’esthétique,
les Européens se tournent de plus en plus vers des produits respectueux
des hommes et de l’environnement.
La montée en puissance des thèmes de l’écologie et du développement
durable profite au bois, qui bénéficie d’une meilleure image dans l’opinion publique. Dans un passé récent, il n’avait pas une si bonne image :
difficultés d’entretien, matériau non durable, matériau du passé voire
matériau du pauvre. Mais cette image a évolué pour maintenant s’inverser. Le bois est un matériau vivant et chaud ; un matériau naturel dont
on redécouvre les qualités exceptionnelles de régulation hygrométrique,
thermique et acoustique. Enfin, le respect de l’environnement fait son
chemin tandis que se développent la réglementation, la normalisation et
la labellisation des critères d’éco-certification qui garantissent la bonne
gestion des forêts.
Produire mais pas à n’importe quel prix, tel a toujours été le cheval de
bataille de Burger qui privilégie un approvisionnement en bois responsable,
qu’il s’agisse de résineux, de feuillus ou de bois exotiques. 98 % des matières
premières sont ainsi issues de forêts gérées durablement, d’où l’écocertification PEFC-FSC des produits. Une vigilance qui s’applique également lors du choix des bois composites. L’entreprise privilégie le Japon,
seul pays proposant des bois recyclés et recyclables. Aujourd’hui, tous les
fournisseurs de Burger doivent désormais assurer la totale traçabilité de
leur bois. Dans la même logique, Burger imprime tous ses documents sur
des papiers éco-certifiés, provenant d’une filière maîtrisée.
Le souci de préserver l’environnement ne s’arrête pas là puisque l’entreprise s’organise autour d’une politique écologique touchant tous les services. Le transport maritime et fluvial des matières premières est privilégié
afin de diminuer l’empreinte carbone, et l’on veille à optimiser au maximum
les flux routiers incontournables, grâce à une logistique pointue.
Par ailleurs, les locaux de Bois-l’Abbesse sont, comme autrefois, entièrement chauffés au bois avec les sciures issues de l’usinage des produits.
Les copeaux non brûlés sont utilisés par une société fabriquant des panneaux
de particules. Le recyclage des déchets est bel et bien assuré à tous les
niveaux.
3
Aujourd’hui, chez Burger,
98 % des bois sont certifiés,
« même le bois composite,
nous l’achetons au Japon où
il est éco-certifié… ».
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Maison bio climatique
réalisation octobre 2010
Parc des expositions de Colmar (68)
1847-1894
1895-1931
façade sud
© L’Alsace, 21 octobre 2010
Un nouveau chantier pour Burger :
une maison d’allure très contemporaine qui allie matériau bois,
éco-construction et haute qualité
environnementale, et qui pourra
être montée en une semaine.
Après avoir fait le tour de l’ensemble des produits de la maison, il est
naturel que Burger en arrive à la maison elle-même. En 2007, l’entreprise
intègre une petite équipe maîtrisant parfaitement le savoir-faire de la maison à ossature bois. Aujourd’hui, l’entreprise Burger fait un pas de plus
dans la réponse au défi écologique et s’apprête à lancer sur le marché une
maison à ossature bois respectueuse de l’environnement, tout en restant
accessible en termes de coût. « À nous d’éviter les excès », dit Bertrand
Burger, « on peut aller très loin, au détriment du coût, mais nous ferons
le nécessaire pour qu’elle réponde aux normes de Haute Qualité Environnementale », assure-t-il. Ce projet emploie pour le moment une équipe de
quatre personnes mais devrait rapidement se développer.
1932-1946
espace de vie
chambre
1947-1978
salle de bain
vue de la cuisine
En octobre 2010, lancement d’une
nouvelle marque et d’un nouveau
logo pour la commercialisation
des maisons « booa ».
Dès leur origine, les établissements Burger ont soigné
leur identité visuelle. De la grande époque du textile
1979-1985
1986-1995
florissant, à l’activité industrielle de portée internationale, les logotypes ont accompagné, au fil des ans, les
grandes mutations de l’entreprise. Sans changer d’esprit depuis le début des années 1950, le « bloc marque »
est régulièrement redessiné, simplifié et dynamisé.
1996- 2006
Aujourd’hui, le nom de Burger, à la fois patronyme et
marque commerciale, identifie la société en France,
comme dans bon nombre de pays européens.
Depuis 2007
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Une belle réussite architecturale que ce bâtiment de trois niveaux, conçu et réalisé par Florine
Burger, architecte DPLG. Entièrement réalisé en
ossature bois par Burger, sa silhouette se détache
sur le paysage. Il est représentatif d’une industrie
performante et innovante, qui s’appuie sur une
connaissance approfondie des matériaux et des
procédés.
Le nouveau siège de Burger est à l’image d’une
passerelle pluridisciplinaire entre art et industrie.
Sur le site de Bois-l’Abbesse, l’entreprise couvre désormais une surface
couverte de 25 000 m2 sur 8 hectares de terrain. Elle a connu plusieurs
phases d’extension pour faire face au développement accru de ses activités.
Elle réunit également au sein d’un même bâtiment de 1 000 m2, les bureaux,
jusque-là dispersés, de ses services commerciaux, de la comptabilité, de
la direction et les bureaux d’études.
Des locaux bien pensés qui facilitent davantage encore les échanges entre
tous les acteurs de l’entreprise. Le personnel y gagne au passage une
magnifique salle à manger qui offre, tel un écran boisé, une vue imprenable sur le massif vosgien. Les repas sont fournis par une entreprise
voisine. Ici, point d’horaires imposés pour la pause, chacun gère son emploi du temps. Et même si l’ambiance et le cadre les y invitent, rares sont
ceux qui s’attardent plus que de raison pour profiter du paysage !
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Cinq générations… une philosophie
L’avenir vient de loin
(aphorisme)
Plus engagé, plus impliqué, plus responsable qu’un autre ? Sans doute.
Donner son nom à son entreprise et à la marque de ses produits est une
responsabilité. Elle se traduit par un fort attachement aux métiers du
bois, à la performance industrielle, commerciale et stratégique.
Chez Burger, l’équipe illustre à elle seule la combinaison d’éléments qui
ne sont pas si souvent réunis au sein d’une entreprise : un ancrage dans
les valeurs, des références, une philosophie commune. Si l’entreprise
est plus que centenaire, c’est parce qu’elle a été capable d’innover, de
prendre des tournants et de faire évoluer son savoir-faire initial. Elle a su
s’emparer des technologies nouvelles, se renouveler en restant attentive
à l’air du temps : une croissance tout en souplesse permettant à chacun
de s’adapter.
Au début, il y avait la simple mais intelligente opportunité commerciale
de miser sur l’industrie textile en plein développement, et à présent,
les produits industrialisés pour le bricolage et le jardin. Burger est
aujourd’hui une formidable concentration d’énergies et de compétences
qui allie la modernité de ses technologies et de ses produits à la tradition
de ses racines centenaires.
Elle n’a pas encore dit son dernier mot et il reste bien des terrains à
défricher…
Le cœur de l’entreprise en 2010.
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Mohamed
Marco
Daniel
Nathalie
Stéphane
Nicolas
Emmanuel
Antonio
Isabelle
Jérémy
Blandine
Guy
Christelle
Jean-Paul
Marc
Jean-Frédéric
Joseph
Hasen
Nicolas
Claude
Laurent
Jean
Nicolas
Philippe
Postface
Rachel
Arnaud
Élodie
Étienne
Philippe
Goulven
Fatima
Jean-Marc
Roxane
Olivier
Nathalie
Denis
Jean-Claude
Sonia
Aires
Daniel
Denis
François
Christophe
Emmanuel
Emmanuelle
Jorge
Franck
Frédérique
Clarisse
Ansbert-Willy
Pascale
David
Sylwia
Thierry
Patrick
Pierre-Jean
Denis
Théodore
Stéphanie
Gilles
Antonio
Aurélie
Patrick
Diamantino
Robert
David
Christophe
Elisabeth
Julie
Bernard
Laïd
Colette
Christian
Richard
Sona
Jean-Claude
Mario
Éric
Claude
Sébastien
Franck
Denis
Philippe
Anne-Sophie
Patrick
Agnieszka
David
Marie
Arnaud
Noël
Christian
Jérémy
Michèle
Benjamin
Jean-Marc
Sonia
Lorsque nous avons choisi de célébrer le centenaire de l’entreprise le 1er septembre 1995, jour du
70e anniversaire de mon père, Raymond, nous savions tous deux que nous prenions alors une
liberté sur la vérité historique... En réalité, pour marquer un centenaire, il faut être prêt. Prêt à
regarder derrière soi. Bien plus qu’une date sur un calendrier, cet anniversaire, au moment même
où mon père me passait le relais, fut pour moi un point d’appui.
Quinze ans plus tard, mon assistante Stéphanie, contactée par Laurent Aznar, directeur de l’agence
Carré Blanc, me suggérait la réalisation d’un ouvrage sur l’histoire des établissements Burger. Il
aurait été dommage, en effet, que celle-ci reste confinée dans les cartons d’archives. Mais surtout,
il m’a paru important de restituer cette mémoire à l’ensemble de ses artisans. C’est ainsi qu’Anne
Argyriou, historienne, par un travail minutieux, a su déterminer l’origine exacte de l’entreprise, le
1er mai 1847, date de l’achat du moulin de la Petite-Lièpvre par Rodolphe Ier du nom.
En collaborant à son remarquable travail d’investigation, je mesure l’importance de ces histoires
modestes qui viennent croiser la grande et donner toute sa dimension à cette formidable aventure
humaine. J’y retrouve l’héritage spirituel de mon père et de ses prédécesseurs. Dans leur passion,
leur ténacité, leur ingéniosité, leur audace mais aussi dans leurs doutes et leurs tâtonnements,
j’y reconnais certains traits de mes frères Rodolphe et Jean-Marc, de ma sœur Florine, et de moimême. J’y retrouve aussi la force de caractère de ces femmes, mon arrière-grand-mère Émilie, ma
mère Liliane, toutes deux originaires d’Ostheim, qui ont apporté aux hommes de la vallée l’ouverture
de la plaine. Elles ont inscrit leur propre destinée dans celle de l’entreprise et sont le maillon solide
dans la succession des générations. J’ai moi-même épousé une fille de la plaine, Annick Froehly,
avec qui j’ai eu la chance d’avoir deux enfants exceptionnels, Lou et Paul. Je forme le vœu qu’ils
puissent à leur tour devenir témoins et, pourquoi pas, acteurs de cette histoire.
Savoir d’où l’on vient et qui l’on est, est essentiel. Regarder devant soi l’est tout autant. Cet ouvrage en témoigne. Des générations d’hommes et de femmes s’y sont engagés, apportant leur travail, leur détermination, leurs compétences. Cet engagement et leur confiance ont, au fil des
années, assuré le succès et le développement de l’entreprise.
Je tiens à rendre un hommage particulier à tous ces collaborateurs, ceux que je n’ai pas connu,
ceux qui m’ont accompagnés par le passé et ceux qui m’accompagnent encore aujourd’hui.
C’est grâce à leur soutien que tout cela a été possible et que tout reste possible.
Bertrand Burger
Christine
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Tiziana
BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS
Sabine
Ramiro
Michèle
Carlos
Ludovic
Cédric
Alain
Pascal
Denis
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Bibliographie
- Sembach Éric, Burger SA, 1895-1996, brochure éditée à l’occasion du
centenaire de l’entreprise, Strasbourg, Haubtmann & Associés, août
1995.
- Bohly Bernard, Fluck Pierre, « Sainte-Marie-aux-Mines : fouille de
sauvetage d’une laverie », Pierres et terre n° 34, mai 1990, p. 105-106.
- Centenaire de la chambre de commerce et d’industrie de Colmar,
1870-1970, Colmar, Alsatia, 1970.
- Fluck Pierre, « La vallée aux cents fabriques », Cahier de la Société
d’Histoire du Val de Lièpvre (SHVL), n° 22, 2000, p. 21-54.
- Fluck Pierre, « Diagnostic des sites du patrimoine industriel du
Val d’Argent », Cresat/UHA, 2007.
- Fohlen Claude, « L’industrie textile au temps du Second Empire », Paris,
Plon, 1956.
Table des matières
Chap. 1
1847-1896 Pionniers d’une industrie nouvelle
p. 9
- Guerre R., « Le canal et les moulins de Sainte-Marie-aux-Mines,
1589-1909 », Cahier de la SHVL, n° 21, 1999.
- Guerre R., « Le front à Sainte-Marie-aux-Mines durant la Grande
Guerre », Cahier de la SHVL, n° 12, 1987, p. 21-32.
Chap. 2
1896-1945 Le chemin du succès
p. 25
Chap. 3 1946-1980 Mutation et modernisation
p. 53
Chap. 4
1980-1995 Une nouvelle logique industrielle
p. 79
- Klethi J.R., « Concentration et mécanisation industrielles à
Sainte-Marie-aux-Mines », Saisons d’Alsace, n° 94, 1986, p. 95-103.
Chap. 5
1995-2010 Le tournant de la mondialisation
p. 99
- Mercier Roland, « Les maires de Sainte-Marie-aux-Mines, 1870-1919 »,
Cahier de la SHVL, n° 23, 2001.
- Hau Michel, Stoskopf Nicolas, Les dynasties alsaciennes
du XIIe siècle à nos jours, Perrin, 2005.
- Jung Georges, « La société industrielle de Sainte-Marie-aux-Mines »,
Cahier de la SHVL, n° 20, 1998, p. 115-122.
- Patris J.-P., Horter J., Jung G., La carte postale, miroir du
val de Lièpvre, Do Bentzinger, 1997.
Remerciements
Merci à Lily Burger, Bertrand Burger, l’ensemble du personnel de
l’entreprise et particulièrement Stéphanie Klinger, Sabine Maurer,
Emmanuelle Hoffmann, Jean Bleu, Christian Grandgeorge, Aires
Marta ainsi qu’Yvan Bertola pour leurs témoignages (les citations
faites dans le texte et ne comportant aucune mention spéciale sont
extraites des entretiens réalisés avec les personnes citées ci-dessus),
Ariane Chottin-Burger pour ses relectures, David Bouvier, archiviste
du district, François Haubtmann, photographe, Georges Jung pour
ses éclairages sur le textile, Jacques Horter, Élie Levy et Michel
André pour le prêt de documents iconographiques, Charles Ruff
pour la lecture des manuscrits en allemand.
- Stoskopf Nicolas, Les patrons du Second Empire - Alsace,
Paris, Picard, 1994.
Sources
Archives Burger.
Archives municipales de Sainte-Marie-aux-Mines.
Journal « L’Alsace ».
Journal les « Dernières Nouvelles d’Alsace ».
Crédit photographique
- François Haubtmann : p. 94, p. 95, p. 96, p. 97
- Vincent Leperre : p. 98-99, p. 101, p. 102-103, p. 104-105, p. 116-117
- Dorian Rollin : p. 114 et 115.
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BURGER
LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS
Collection Mémoire d’entreprises®
Directeur de collection : Laurent Aznar
Rédaction/Iconographie : Anne Argyriou
Coordination/Iconographie : Valérie Saos
Direction artistique : Hervé Mairelle
Maquette/Mise en page : Corinne Lory
Gravure/Impression : Valblor, Strasbourg
© Carré Blanc Éditions – 10b rue Cerf Berr – 67200 Strasbourg – France
Tél. : 03 88 10 48 00 – E-mail : [email protected] - Internet : www.carreblanc.fr
Burger
Z.I. Bois l’Abbesse – 68660 Lièpvre – France
Tél. : 03 89 58 91 21 – Fax : 03 89 58 43 44
www.burger.fr
Dépôt légal : 4e trimestre 2010
ISBN : 2-84488-132-7
© Tous droits de reproduction réservés pour tous pays.
Photographie de couverture : Shutterstock.

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