Motiver le personnel - Microfinance Gateway

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Motiver le personnel - Microfinance Gateway
Comment améliorer la motivation du personnel ?
Un personnel motivé représente un atout clé pour une organisation. Motiver le personnel doit
être un des objectifs majeurs de la gestion des ressources humaines. Pourtant, la motivation
est un phénomène complexe et étonnamment méconnu par les IMF.
Il existe une grande variété de théories sur la motivation ; il est possible dʼen construire une
synthèse pour tirer des enseignements concrets pour la gestion des ressources humaines
dans les IMF.
Tout dʼabord, contrairement à certaines idées reçues, la rémunération nʼest ni la seule ni
la principale source de motivation. Il semblait donc utile, dans ce dossier, de sʼintéresser
aux théories de la motivation afin de tenter dʼidentifier les leviers dont dispose la direction
des ressources humaines pour développer et maintenir la motivation du personnel. Nous
apportons ici un éclairage théorique très synthétique, en citant les principaux auteurs et
principales théories : Maslow, Herzberg, Vroom et la théorie des attentes, Adams et la
théorie de lʼéquité. Le lecteur pourra se reporter aux nombreuses ressources en ligne pour
approfondir ces théories selon ses souhaits.
La rémunération nʼest ni la seule ni la principale source de motivation
Si lʼon suit la théorie de Maslow, la rémunération est un facteur de motivation pour les
personnes à qui elle permet de satisfaire des besoins physiologiques (sʼalimenter, se vêtir)
quʼelles ne satisfaisaient pas auparavant. Donc, à ce titre, la rémunération nʼest motivante
que pour les bas salaires.
Herzberg classe la rémunération dans les « facteurs dʼhygiène » qui nʼont pas dʼimpact sur la
motivation.
La rémunération devient un facteur de motivation quand elle est liée à dʼautres facteurs de
motivation : la rémunération peut être perçue comme une reconnaissance du travail fourni
(cf. Maslow : estime des autres), comme une réponse à une expectation (cf. théorie des
attentes de Vroom) ou comme un signe dʼun traitement juste et équitable (cf. théorie de
lʼéquité dʼAdams). Dans tous ces cas, le montant de la rémunération nʼest pas important en
soi, mais par rapport à autre chose.
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Les principaux facteurs ou processus de la motivation sont dʼordre
psychologique ; ils sont liés à la relation aux autres et à la relation à soi-même.
La relation aux autres concerne : lʼestime des autres (Maslow), la reconnaissance de
lʼaccomplissement (Herzberg), la justice et lʼéquité par rapport à ses pairs (Adams), le
feedback (théorie de la fixation des objectifs) ;
La relation à soi-même concerne : lʼestime de soi (Maslow), le sentiment dʼaccomplissement,
la progression individuelle et responsabilité (Herzberg), le sentiment dʼautodétermination
(théorie de lʼautodétermination), la perception du résultat atteint grâce à lʼeffort fourni (théorie
des attentes).
En conséquence, pour stimuler la motivation, les processus clés de la gestion des
ressources humaines sont : lʼévaluation, le développement des compétences et la
gestion des carrières.
Lʼévaluation permet de développer lʼestime de soi et de témoigner de lʼestime des autres.
Elle est un outil de feedback.
Le développement des compétences permet à lʼindividu dʼaméliorer sa performance, de
développer ses capacités professionnelles, son expertise et par conséquent son estime de
lui-même ainsi que lʼestime des autres. Ainsi, développer les compétences du personnel est
positif à la fois pour lʼorganisation (amélioration de la compétence et de la performance du
personnel) et pour les individus.
Enfin, la gestion des carrières conduit, par les opportunités professionnelles offertes aux
salariés compétents/ performants, de motiver par lʼestime de soi, par la reconnaissance de
lʼaccomplissement, par lʼaccroissement du sentiment dʼautodétermination, etc.
La motivation dépend largement du management. Le manager fixe les objectifs, évalue le
travail, fournit le feedback, fait parfois évoluer le contenu dʼun poste et joue ainsi un rôle clé
dans la motivation de ses subordonnés. Bien que lié à plusieurs égards à la gestion des
ressources humaines, le management nʼappartient pas à la gestion des ressources
humaines.
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« Trois questions à … » - Servais Kedem, Directeur des Ressources
Humaines au RCPB (Burkina Faso).
Quel est selon vous le facteur clé de succès de la gestion des
ressources humaines ?
SK : le levier de toute la GRH, c'est la motivation. Quand on arrive à motiver le personnel, on
atteint les objectifs. Tout commence par la motivation. Une personne motivée devient un
levier pour booster les résultats. Elle n'attend pas d'être au bureau pour travailler.
Qu'avez-vous mis en place pour développer la motivation du personnel au RCPB ?
SK : nous avons élaboré un plan d'action et de mobilisation qui contient de nombreuses
actions. Parmi ces actions, nous sommes attentifs à favoriser la reconnaissance. Avant,
nous donnions des avantages à certains employés pour le travail réalisé, mais sans que
personne ne soit au courant. Maintenant, par exemple, nous organisons des manifestations
récréatives au cours desquelles nous récompensons les meilleurs, selon des critères bien
définis. On remet le prix devant tout le monde, ça crée une motivation énorme ! On célèbre
ensemble, par exemple en invitant des artistes... C'est un peu comme au cinéma !
Et comment vous assurez-vous que les managers sont sensibles à la motivation du
personnel et mettent en place de bonnes pratiques ?
SK : c'est un vrai sujet pour nous... Nous avons de très bons techniciens, mais qui ne sont
pas formés au management. Or il est inutile de donner tous les trésors du monde au
personnel si on ne traite pas correctement les gens dans ses relations quotidiennes. C'est
souvent au niveau des comportements qu'il y a des problèmes. Donc nous avons inscrit dans
notre planification de former tout le monde au management des ressources humaines.
Depuis le directeur de caisse jusqu'au directeur général. Et en fin d'année nous organisons
des recyclages sur les thèmes qui nous semblent importants".
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Etude de cas
Le cas présenté ci-dessous est purement fictif, mais inspiré de cas réels. Il vise à comparer
deux approches de la gestion des ressources humaines et les conséquences sur la
motivation du personnel.
LʼIMF « Crédit Développement » vient de subir la démission de neuf agents de crédit et trois
directeurs dʼagence, recrutés par une IMF concurrente implantée dans les mêmes régions,
EPC (« Entraide par le crédit »). Le directeur des ressources humaines de « Crédit
Développement », qui a pris sont poste quatre mois auparavant, manque dʼéléments pour
comprendre la cause de ces démissions : les autres directeurs se disent très satisfaits de
leur travail, lʼambiance au sein du siège est assez bonne, les salaires sont élevés. « Crédit
Développement » est une IMF rentable et performante qui jouit dʼune excellente réputation
auprès des autorités de tutelle. Le directeur des ressources humaines décide donc de faire
appel à un cabinet externe pour mener une enquête sur la motivation de son personnel. Il
demande expressément au cabinet de trouver des informations sur EPC qui seraient
susceptibles dʼexpliquer les départs vers cette IMF.
Trois mois plus tard, après de multiples entretiens auprès du personnel de « Crédit
Développement » et des recherches sur EPC, le consultant présente les résultats de lʼétude
au directeur des ressources humaines.
Voici quelques extraits de son rapport :
« Crédit Développement est une IMF relativement récente (5 ans d’ancienneté),
construire avec des professionnels de bon niveau académique qui disposent tous
expérience dans des entreprises privées performantes ».
« Le personnel est compétent et performant, mais le turnover est très important (20%),
surtout parmi le personnel moins performant que la moyenne ».
« Crédit Développement est rentable financièrement et ne dépend plus d’aucun bailleur
de fonds. Les salaires y sont équivalents à ceux du secteur privé local ».
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« Crédit Développement cible des petits commerçants urbains à qui elle propose des
produits de crédit très standardisés inspirés des bonnes pratiques internationales en
microfinance ».
« Les procédures internes sont inspirées d’un cabinet d’audit d’où le directeur général
est issu ».
« EPC (Entraide par le crédit) existe depuis 12 ans. Elle a été construite à partir de
caisses réparties dans des zones urbaines et rurales ».
« Les employés ont en général un niveau de formation intermédiaire (bac) et ont appris
leur métier sur le terrain ».
« Le plan d'affaires prévoit d'atteindre la rentabilité dans deux ans ».
« La petite équipe de direction formée de gens très motivés, qui se remettent souvent
en cause : ainsi, de nombreux projets "transversaux" qui impliquent des employés de
tous les départements sont lancés pour améliorer la qualité des pratiques d’EPC ».
« EPC cible les femmes pauvres exerçant toute activité économique. Les produits de
crédit ont été progressivement adaptés, selon les besoins de la clientèle (identifiés
grâce aux agents de crédit) ».
« Le personnel est moyennement compétent et performant, mais en constante
progression. Le turnover est très faible (2%) ».
Le consultant a construit le tableau suivant qui compare les politiques de GRH des deux IMF.
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Le consultant décrit ainsi la motivation dans chacune des IMF.
« Pour décrire la motivation chez Crédit Développement, il faut distinguer deux catégories de
personnel. D'une part, le personnel dirigeant et les employés considérés comme "hauts
potentiels" qui sont très motivés, d'autre part le reste du personnel (85%) qui nʼest pas
motivé et cherche à changer dʼemployeur.
- Les dirigeants sont satisfaits car ils détiennent le pouvoir ;
- Les hauts potentiels sont motivés car ils évoluent très vite dans l'IMF et sont constamment
félicités et récompensés pour leur travail ;
- En revanche, le reste du personnel se plaint d'une très forte pression, d'une mauvaise
atmosphère de travail (peu d'esprit d'équipe, compétition permanente) et souffre de ne
recevoir aucun signe de reconnaissance. Il se plaint de la routine du travail, de l'agressivité
de la hiérarchie et du manque de perspectives professionnelles ».
Le personnel d'EPC, quant à lui, est très motivé, malgré une rémunération comparativement
basse. Les employés apprécient beaucoup l'esprit d'équipe et l'esprit collectif. Grâce aux
chantiers transversaux, ils sentent que l'on valorise leur connaissance et leur expérience, et
partagent un réel sentiment dʼaccomplissement lorsque ces chantiers aboutissent à des
décisions concrètes qui changent leur travail. Les entretiens dʼévaluation annuels sont très
appréciés, car ils sont vécus comme une occasion dʼéchange et de retour sur leur travail qui
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consolide la relation avec leur supérieur hiérarchique. De plus, la forte implication de chacun
dans la mission sociale dʼEPC, tournée vers les femmes pauvres, valorise le personnel qui
se sent utile au développement de son pays ».
Quelles leçons peuvent être tirées de cette comparaison entre Crédit Développement
et EPC ?
Crédit Développement a choisi de
EPC a fait le choix du collectif.
valoriser la performance individuelle, au
détriment
En conséquence, c'est le groupe entier qui
1. de la performance collective,
progresse en compétence et en
2. de la motivation.
performance, ce qui prend plus de temps à
construire qu'une progression individuelle
Pour les employés non "hauts potentiels",
qui représentent la large majorité du
personnel (85%), le contenu du travail n'est
pas très riche, le niveau d'autonomie est
faible, la reconnaissance du travail fourni est
quasi nulle. Lʼenvironnement de travail est
largement défavorable (compétition,
pression) et le travail nʼa pas beaucoup de
sens.
A court voire à moyen terme, ce choix
permet parfois dʼobtenir de bons résultats en
matière dʼefficacité et de performance.
Cependant, à moyen et long terme, le choix
se retourne contre lʼIMF. Le personnel peu
performant comprend quʼil nʼy a pas de
perspective pour lui. Le turnover sʼélève et
les employés qui ne trouvent pas de travail
ailleurs se désinvestissent de leur travail, ce
qui détériore la qualité du service et de
lʼactivité (ex. : hausse du PAR, insatisfaction
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mais garantit le succès à long terme. Non
seulement le sens du collectif et la
motivation ont un impact positif sur la qualité
du travail quotidien, mais cela permet de
surmonter plus facilement les crises. Une
IMF dont le personnel est soudé et solidaire
sait mieux trouver les solutions quand elle
rencontre des problèmes. Cʼest donc la
pérennité tout entière de lʼIMF qui est en jeu
à travers la gestion des ressources
humaines.
des clients, erreurs dans lʼapplication des
procédures).
Comment former les cadres intermédiaires au management
dʼéquipe ?
Les compétences de management sont critiques pour assurer la pérennité de toute
organisation, et notamment des IMF. Les compétences de management des cadres
intermédiaires posent particulièrement question dans les IMF car ce sont eux qui encadrent
le plus de monde et quʼils ne sont en général pas formés au management.
Le réflexe de nombreuses IMF face à ce problème est dʼenvoyer les cadres intermédiaires
suivre des formations au management à lʼextérieur. Malheureusement, ces formations ont
souvent un impact limité. Elles cherchent à apporter des solutions sous forme dʼoutils et de
recettes, mais cette approche sʼavère dans la pratique insuffisante.
Nous traitons cette question de la formation des cadres intermédiaire au management
dʼéquipe sous forme de schémas, fiches et tableaux synthétiques : un schéma qui présente
les principaux enjeux de la formation en management, une fiche qui liste les thèmes sur
lesquels il est important de former les cadres intermédiaires des IMF et un tableau des deux
approches principales de formation des cadres intermédiaires.
Quels sont les enjeux de la formation au management pour les cadres intermédiaires ?
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