RABELAIS, symboliste

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RABELAIS, symboliste
RABELAIS, symboliste
Jacques Martinent, E.N. Bourg en Bresse
Rabelais symboliste, comment l’ignorer ? Il nous dit lui-même que son
langage est codé : « Supposé que vous trouviez dans le sens littéral une
matière assez joyeuse et correspondant bien au titre, toutefois il ne faut
pas demeurer là, comme au chant des Sirènes, mais il faut interpréter en
un sens plus haut ce que par aventure vous croyiez être dit en gaieté de
cœur ». Ce « sens plus haut » rejoint-il la leçon des « célestes écrits » ?
A nous d’en juger, car Rabelais refuse de nous communiquer le code qui
permettrait de donner une traduction simple et univoque de ses messages.
Il atteste écrire à la fois pour le peuple et pour les savants, pour les plus
vilains et les plus gentilshommes, pour les humanistes austères et les
amateurs frivoles d’histoire de haute graisse. Le public du temps ne s’y
est pas trompé en faisant le succès universel de l’œuvre. Reconnaître que
chaque lecteur choisit sa grille de lecture, c’est faire quelques pas sur la
route du symbolisme et de son déchiffrement. Allons donc un peu plus
loin.
Les premiers mots de Gargantua à sa naissance sont : « A BOIRE,
A BOIRE, A BOIRE !» Ce qui fit dire à son père : « Quel grand tu as
(sous-entendu, le gosier) ». D’où on lui donna un nom reproduisant à peu
près les premiers sons proférés par son père en le voyant.
Pantagruel, à son tour, est ainsi nommé parce que, né au cours d’une
sécheresse torride, où la rosée même était plus mauvaise que la saumure
et plus salée que la mer, « son père lui donna ce nom : car en grec
Panta signifie tout, et Gruel en langue mauresque signifie altéré, - voulant
indiquer qu’à l’heure de sa nativité le monde était tout altéré, et voyant
en esprit prophétique qu’il dominerait un jour les altérés ».
Et le dernier mot du Quart-Livre, le dernier peut-être de Rabelais,
est : « BUVONS ».
Enfin le Cinquième Livre, qui achève le cycle rabelaisien en en délivrant
l’ultime message, se termine par l’Oracle de la Dive Bouteille, qui tient
en un seul mot : « TRINCH », c’est-à-dire en traduction de l’allemand :
BOIS.
Ainsi
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Revue de l’Enseignement Philosophique - 35° Année - N° 3 Février-Mars 1985.
A BOIRE, - BUVONS, - BOIS : quoi de plus évident ? Chacun comprend sans commentaire, et approuve. Mais derrière les mots il y a les
symboles.
A BOIRE : c’est l’énoncé d’une exigence, d’un désir, d’un appel. BOIS :
selon le ton qu’on y met, ce peut être un conseil ou un ordre ; en tout cas
c’est une règle.
Car réclamer à boire, c’est aussi le cri d’un homme neuf naissant
devant un monde ouvert à toutes les explorations de la connaissance.
Boire, c’est évidemment connaître, absorber le suc et l’essence même
des choses. Boire sans retenue, c’est donc connaître sans limites : « Par
sa naissance prodigieuse, rappelant celle de Minerve ou de Dionysos, le
nourrisson de Gargamelle personnifie déjà l’adepte dont les premiers mots
« A boire » trahissent l’avidité inextinguible de savoir », écrit Jean PARIS.
Et si le monde, à la naissance de Pantagruel, est tout salé, c’est parce
que le Sel est la matière absolue, l’énergie, le mouvement qui anime le
Grand Œuvre et permet à la forme contenue dans le Soufre d’organiser la
substance figurée par le Mercure. La gastrolâtrie rabelaisienne confère une
place prépondérante aux salaisons, saumures, viandes séchées ou fumées,
aux venaisons puissantes, précisément parce que ces mets incitent à boire
davantage et raniment la soif. Ainsi le désir de savoir est inextinguible, et
ne se contente que pour pouvoir renaître de plus belle de sa satisfaction
même. Répéter sans cesse « BUVONS », c’est dire que le « Divin Savoir »
n’a d’autre fin que de se renouveler lui-même, en se portant toujours plus
loin, au-delà de toute contenance mesurable. Le savoir rabelaisien est
donc démesure : on y trouve la virtù qui, pour les hommes de ce temps,
est la valeur suprême, l’ambition qu’ont les artistes d’égaler la Création.
Même l’extravagante invention du chapitre 5 de Gargantua, reproduisant les propos débridés des ivrognes, révèle cette interprétation : le
dialogue se laisse mettre en forme de dispute, selon l’usage des écoles
philosophiques du temps :
Question : « Qu’est-ce qui vint en premier lieu ? Soif ou beuverie ? »
Première réponse : « Avoir soif, car qui eût bu sans soif durant le
temps d’Innocence ? »
Seconde réponse : « Beuverie, car la privation présuppose l’habitude,
je suis savant ».
Objection : « Nous autres, innocents, ne buvons que trop sans soif ».
Conclusion provisoire : « Moi, pécheur, je ne bois pas sans soif, sinon
présente, du moins future ; comprenez-vous, je préviens la soif, je bois à
venir. Je bois éternellement C’est pour moi une éternité de beuverie et
une beuverie de toute éternité ».
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Traduisons à notre guise : on retrouve tout le paradoxe platonicien
du savoir et de son acquisition. Pour savoir, il faut apprendre, mais pour
apprendre, il faut que le savoir soit déjà là en quelque sorte. Pour avoir le
désir de connaître, encore faut-il savoir qu’on ignore et même savoir ce
qu’on ignore ; donc, dans tous les cas, savoir, avoir soif, c’est avoir déjà
bu.
En effet qu’est-ce qui est premier dans l’acte de connaître : la quête
ou la trouvaille, la recherche ou la découverte ? Comment savoir qu’on
a trouvé, si on ne sait pas ce qu’on recherche ? Si l’innocence est l’état
d’ignorance, par contre boire sans soif, c’est comme trouver sans avoir
cherché et c’est ne pas savoir ce qu’on trouve et donc le méconnaître.
Ainsi savoir, c’est savoir ce qu’on a appris mais c’est aussi savoir
ce qu’on saura car le Savoir ne retrouve son passé que pour jaillir vers
l’avenir. Ainsi c’est le pécheur qui est dans le vrai : on ne boit jamais
sans soif, car même si nous sommes présentement rassasiés, il nous faut
prévenir la soif qui ne manquera pas de revenir. Bref le savoir court après
lui-même. Boire pour la soif à venir dit bien que connaître aujourd’hui,
c’est ouvrir sans limites les voies du savoir de demain. En effet qu’on n’ait
crainte de parvenir trop vite au bout ! Le monde est assez vaste pour qu’il
y reste toujours de quoi aiguiser à nouveau, et satisfaire à nouveau, la soif
de tout connaître : « Et n’ayez peur que le vin manque, comme il arriva
aux Noces de Cana en Galilée... Le tonneau demeurera ainsi inépuisable...
Tel était le breuvage contenu dans la coupe de Tantale représenté par
allégorie entre les sages brahmanes ; telle était en Ibérie la montagne de
sel tant célébrée par Caton, tel était le rameau d’Or consacré à la déesse
souterraine tant célébré par Virgile ».
L’évocation ici des mythes, qui renvoient eux-mêmes à des expériences
initiatiques, ne saurait plus nous étonner. L’ouverture d’un champ d’avenir
illimité donne à l’homme l’image de sa propre éternité : Boire éternellement.
Avoir aboli toute soif, toute lacune, tout besoin qui naît de la conscience
d’un « manque » ; en effet, à la limite, la durée laborieuse de la recherche et
de l’acquisition progressive s’accomplit dans un présent immuable et plein,
un savoir définitif et total ; une éternité de science et une science d’éternité,
grand rêve commun aux Initiations et à l’Humanisme triomphant d’avoir
un jour maîtrisé tous les secrets de l’Homme et de la Nature. On pense à
Pic de la Mirandole, et on attend Descartes.
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Mais revenons à nous et à nos limites présentes : ce grand rêve symbolique de la connaissance parfaite et achevée garde quelque chose de son
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origine ; ce sont propos d’ivrognerie. La découverte nous soûle, et notre
pas est vacillant. Comment retrouver un peu de mesure et de sagesse dans
ces débordements ? L’Oracle de la Bouteille nous attend.
On y parviendra après de longs et épiques voyages, dont les récits font
la matière des deux derniers Livres du cycle rabelaisien, comme les deux
derniers sommets du pentagramme imaginaire qu’il trace autour de nous.
En ces voyages initiatiques, toutes les pistes géographiques sont
brouillées, de l’Occident à l’Orient, du Midi au Septentrion : c’est tout
le désordre d’un monde brisé, qu’aucune carte ne décrit plus, où aucune
orientation n’est possible. Vestiges des faux savoirs, débris des institutions
désuètes sont le décor qui, à travers guerres et tempêtes, accompagne
les voyageurs dans cette entreprise renouvelée des mythes anciens et des
récits modernes, des Argonautes à Jacques Cartier, en passant par Ulysse,
Saint-Paul et Magellan. Nous ne serons chez nous qu’à la fin, quand sera
découvert le pays de Lanternois, de la lumière.
Curieux pays en vérité que ce pays de la Lanterne, celui d’où provient
la Lumière. Car la lumière vient d’en bas. C’est en s’enfonçant dans les
profondeurs de la Terre que les voyageurs y découvriront la Parole perdue.
Il ne servait donc à rien, en apparence, de parcourir en tous sens la surface
du Monde. La vérité était là, littéralement sous nos pieds, inaccessible et
toute proche. Il faut aller vers le profond, non aller et venir au dehors. La
découverte du vrai Centre rétablit l’ordre et la mesure des choses.
Que dit l’Oracle ? « BOIS ». A la bonne heure, comme si nous avions besoin qu’on nous le répète ! Le commentaire de la Prêtresse BACBUC nous
renvoie à toutes nos incertitudes. En guise d’interprétation de l’Oracle,
elle se borne à faire boire par Panurge une bonne bouteille de vin de
Falerne. Conclusion drôlatique d’un conte piégé. Maître Alcofribas s’est
bien joué de nous, et pourrait nous dire, comme Frère Jean à propos
d’une autre énigme, à la fin de Gargantua : « Trouvez-y des allégories
et des significations aussi graves que vous voudrez, et rêvassez là-dessus,
vous et tout le monde, comme vous voudrez. Pour ma part, je n’y pense
aucun autre sens enfermé ».
Mais quel vin étrange, qui met soudain Panurge et Pantagruel en état
de fureur poétique : ils savaient d’habitude mieux faire face ; d’où leur
vient cet enthousiasme ?
C’est alors que BACBUC nous délivre, en termes moins charnels et
plus philosophiques, le dernier message de Rabelais. L’Art de Prométhée,
dont le mythe renouvelé a inspiré les hommes de la Renaissance, art volé
aux Dieux pour être remis aux humains, art qui divinise l’homme, cet
art est encore à retrouver, en 1984 et toujours le sera. Si savoir, c’est
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découvrir ce qui était caché, alors il n’y aura pas de fin : « Vos philosophes
qui se plaignent que toutes choses ont été écrites par les Anciens, et de ce
qu’on ne leur a rien laissé de nouveau à inventer, ont tort évidemment...
Ce qui vous apparaît du Ciel, et que vous appelez Phénomènes, ce que la
Terre vous exhibe, ce que la mer et les autres fleuves contiennent, n’est
pas comparable à ce qui est caché en la Terre ».
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Qu’il y ait une Symbolique de Rabelais, nous en savons assez pour
en être assurés. Le sens apparent, - la gaudriole, la grande chaire et la
plaisanterie démesurée - cache et révèle à la fois un sens second et secret.
Cette dualité du sens, Rabelais la symbolise à son tour par les deux publics
à qui il s’adresse : « buveurs très Illustres » et « vérolés très précieux »,
voire goutteux des hospices où Rabelais a exercé son art, et où il aurait
inventé ses histoires pour distraire les malades de leurs souffrances, mais
aussi « très illustres et très valeureux champions », « gentilshommes et
autres », « liseurs bénévoles ». Mais encore, qui sont-ils ? Rabelais de
nouveau se joue de nous et brouille les pistes : « L’une partie du monde
se déguisera pour tromper l’autre ». Mais laquelle ? Verra-t-on les gueux
mangés par la vérole se faire passer pour d’honnêtes gens instruits, ou
bien les nobles chevaliers, las peut-être d’autres joutes, iront-ils se rouler
dans la fange des ivrognes ? Rabelais ne nous répond qu’en retournant
contre elle-même, par la dérision, toute interprétation « sérieuse » ou
plutôt tragique.
Mais justement ! Et si tout le sens caché était dans cette puissance
corrosive du RIRE, qui fait s’effondrer toutes les murailles, les conventions
et les codes où le Vieux Monde a inscrit son faux sérieux ?
Mikhaïl BAKHTINE a consacré tout un chapitre à la place de Rabelais
dans l’histoire du rire. On y lit : « Le rire a (à l’époque de la Renaissance)
une profonde valeur de conception du monde, c’est une des formes capitales
par lesquelles s’exprime la vérité sur le monde dans son ensemble, sur
l’histoire, sur l’homme ; c’est un point de vue particulier et universel
sur le monde, qui perçoit ce dernier différemment, mais de manière non
moins importante (sinon plus) que le sérieux ; ... seul le rire, en effet,
peut accéder à certains aspects du monde extrêmement importants ».
(L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au MoyenAge et sous
la Renaissance, p. 75-76).
L’Homme qui Rit, ce beau titre de Victor Hugo, ce pourrait être l’autre
nom de François Rabelais.
Le Rire rabelaisien est libérateur.
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L’Homme qui rit n’a pas peur du monde. il domine toute frayeur devant
ses énigmes. Le lecteur de Rabelais ne partage pas l’effroi grotesque de
Panurge devant la terrible tempête qui assaille les navigateurs : il rit et
se moque de la fureur des éléments. Le rire est courage face au désordre
des choses.
L’Homme qui rit ne respecte pas les faux pouvoirs du Vieil Age.
Professeurs, Prêtres et Juges, il suffit d’un éclat de rire pour mettre
à nu la vanité de leur autorité usurpée. Le rire dissout toute déférence
imposée et contrainte. Il restaure l’égalité de condition entre les hommes.
Le Rire rabelaisien est aussi explosion du corps, qui délivre toutes
ses énergies latentes, après des siècles de mépris et de mortifications
imposées par les religions du salut, par la tristesse, et avant les contritions
qu’imposeront à leur tour les moralismes bourgeois et « prolétarien ».
Enfin le rire ne dénigre pas. Son énormité même en fait une fonction
créatrice et régénératrice. L’homme est homme par le privilège du Rire.
« Mieux est de ris que de larmes écrire,
Pour ce que rire est le propre de l’homme ».
L’Humanisme de Rabelais n’est pas celui de la philosophie pédante
il renoue avec la vie populaire des fêtes, des célébrations joyeuses, que
l’Eglise n’a jamais pu tout à fait confisquer à son avantage, quitte à faire
coïncider les dates de ses propres rites avec celles de festivités venant du
fond des âges, et maintenues dans la mémoire profonde de la collectivité.
Toute une religion de la joie, liée au cycle des saisons, a continué de
sourdre en marge de l’enseignement dogmatique qui prêchait le salut par
le sérieux et la désolation dans la traversée de cette vallée de larmes.
A la tradition populaire, Rabelais ajoute donc la signature de son
humanisme. Selon les mythes anciens, le rire total, inextinguible et démesuré accompagne sur l’Olympe le Banquet des Dieux. Rabelais ouvre
l’Olympe aux hommes : c’est leur vie qui devient divine, en se faisant fête
et banquet scandés par les rires.
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Rabelais naît presque en même temps que Luther, au moment des
premiers voyages de Colomb. L’embarquement de Panurge évoque d’autres
départs vers d’autres navigations. Si l’on y chante, en français, le psaume
« Quand Israël hors d’Egypte sortit », ce peut être pour les mêmes raisons
qui font que Dante l’a choisi pour résumer son propre voyage initiatique ;
mais on n’oubliera pas non plus que les Réformés l’avaient pris pour hymne
dans leur exode au sud de la Loire. Avant que la Réforme ne dégénère
à son tour en intolérance et en dogmatisme, et que Calvin et Luther ne
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fassent allumer de nouveaux bûchers, la sagesse rabelaisienne retrouve un
sens profondément humain de bonté, de fraternité et d’échange, que toute
religion du cœur et de l’esprit contient, mais que certaine Eglise confisque
et caricature par son système de domination des âmes, des corps et des
biens.
Rabelais est en effet contemporain de Copernic qui a rendu visible un
nouvel ordre du Monde et dont le livre Des révolutions des orbes célestes
paraît la même année que celui du médecin Vésale La fabrqiue du corps
humain, qui instaure l’anatomie humaine, en mettant sous le regard les
parties intérieures, cachées, secrètes, tout le dispositif des boyaux, tripes
et viscères, que Rabelais, à sa propre manière, a exalté. Connaissance
du vrai Ciel, connaissance du corps vivant, la science des temps à venir
s’engouffrera dans cette double ouverture, et portera jusqu’à nous, à
travers la Philosophie des Lumières, la confiance de l’homme dans son
pouvoir de pénétrer les secrets du Monde et ainsi de maîtriser la Nature.
Les désarrois et les interrogations de notre époque ne doivent pas nous
faire renoncer, par des réactions superficielles, à cet héritage véritablement
humain.
En ces temps d’invention, qu’invente donc Rabelais lui-même ? Avant
tout, un langage. Premier grand écrivain de la langue française, nul n’a créé
autant de mots nouveaux que lui, en fécondant l’un par l’autre le retour
humaniste aux sources grecques et latines, et la puissance d’invention
verbale du peuple. Et c’est bien ici qu’il nous attend, compagnon fidèle
et solide : il refuse d’avance nos classifications, nos étiquettes et nos
hiérarchies, comme il a refusé celles de son temps. Il nous parle une langue
sans modèle, et qu’aucun imitateur n’a su reproduire.
Pour ma part, je serais tenté de trouver dans cet aspect de son œuvre
la fonction de son vrai symbolisme. Rabelais ne nous laisse pas choisir
entre les deux lectures : d’un côté la farce un peu leste, la blague salace
et gourmande, et de l’autre le sens élevé des « symboles pythagoriques »,
réservé aux savants, qui savent, eux, lire entre les lignes. La langue de
Rabelais est chargée à la fois de sensualité et de spiritualité, elle est corps
et intelligence en même temps, le bonheur intellectuel de comprendre et
savoir y rejoint la jouissance physique. En entérinant la séparation de
l’affectivité et de l’intellect, du cérébral et du sensible, nous avons perdu
cette plénitude.
Jacques MARTINENT,
E.N., Bourg-en-Bresse
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