maladies hépatobiliaires

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maladies hépatobiliaires
Les maladies hépatobiliaires félines
Lyanne Fifle, Diplomée ACVIM (médecine interne)
Centre DMV
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INTRODUCTION
Les maladies hépatiques sont des conditions fréquemment rencontrées chez le chat.
Ces maladies sont aussi souvent accompagnées de pathologies pancréatiques et/ou
intestinales. Les signes cliniques associés aux maladies hépatobiliaires sont
malheureusement très peu spécifiques et ne permettent habituellement pas de
différencier entre une atteinte hépatique, pancréatique et/ou intestinale. L’ictère est
une trouvaille fréquente, mais son absence n’exclue pas la possibilité d’une telle
condition.
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CLASSIFICATION DES MALADIES HÉPATOBILIAIRES FÉLINES
1- Lipidose hépatique (25%)
La lipidose hépatique fait référence à l’accumulation de lipides dans le foie. Cette
maladie peut être primaire (ie idopathique) ou secondaire à une maladie entraînant des
insultes métaboliques, toxiques et/ou nutritionnelles au foie. La plupart des maladies
entrainant de l’anorexie et de la perte de poids peuvent entraîner une accumulation
lipidique au foie. Parmi les plus fréquente on note le diabète mellitus, la pancréatite et
les maladies inflammatoires intestinales (IBD).
2- Cholangite (cholangiohépatite) (25%)
Dans cette catégorie, nous regroupons les différentes maladies inflammatoires
hépatobiliaires, mais étant donné la présence de cellules inflammatoires principalement
au pourtour des canaux biliaires et des régions périportales, nous qualifions davantage
ce type de maladie sous le terme de cholangite. L’inflammation peut être décrites plus
spécifiquement selon le type d’infiltrat cellulaire (neutrophilique ou lymphocytaire), la
chronicité de la pathologie et l’association aux douves hépatiques. Les appellations
maintenant reconnues sont: la cholangite suppurative, la cholangite suppurative
chronique, la cholangite lymphocytaire et la cholangite associée aux douves
hépatiques)
3- Néoplasie (20%)
Contrairement au chien, les tumeurs hépatiques sont plus souvent de nature bénigne
(cystadénome). Parmi les tumeurs malignes les plus fréquemment rencontrées, on
retrouve le lymphome en première place, suivi de l’adenocarcinome des canaux
biliaires (cystadénocarcinome).
4- Hépatopathie réactive secondaire (15%)
Cette terminologie fait référence à une atteinte hépatique secondaire à une maladie
primaire non-hépatique tel que les maladies inflammatoires intestinales,
l’hyperthyroïdie, les maladies cardiaques et les inflammations systémiques graves.
5- Autres (15%)
-Maladies entraînant une cholestase extra-hépatique.
Les calculs biliaires (cholélithiases), l’inflammation de la vésicule biliaire (cholécystite),
les néoplasmes du pancréas et du duodénum ainsi que les pancréatites sont les
pathologies les plus fréquemment décrites dans cette catégorie.
-Amyloïdose chez les races Siamois et Orientales.
-Maladies infectieuses tel que la péritonite infectieuse féline (PIF) et la toxoplasmose.
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TESTS DE LABORATOIRE
1- Biochimie
Les premiers indices de maladies hépatobiliaires consistent en une élévation des
enzymes hépatiques et des bilirubines.
L’ALP (ALkaline Phosphatase) lorsqu’élevée indique habituellement la présence d’une
stase biliaire. La durée de vie de l’ALP féline est cependant beaucoup plus courte que
celle du chien (demie-vie d’environ 6 heures vs 72 heures) et sa concentration
hépatique est plus faible chez le chat que chez le chien (environ 1:3). Ceci explique en
partie pourquoi on observe habituellement un degré d’élévation plus faible de l’ALP en
présence de cholestase chez les félins comparativement aux canins. L’absence
d’induction enzymatique stéroïdienne de l’ALP chez le chat contribue aussi à cette
différence.
La GGT (Gamma Glutamyl Transferase) à un comportement similaire à l’ALP, c’est-àdire qu’elle tend à l’élévation lors de cholestase. Elle est cependant davantage
spécifique à une cholestase faisant suite à une atteinte du tractus biliaire (ex:
cholangite), contrairement à une stase biliaire secondaire à une atteinte hépatique (ex:
lipidose hépatique). Cette observation s’explique par une concentration supérieure de
la GGT dans le cellules bordants les canaux biliaires comparativement à celle des
hépatocytes, là où la concentration en ALP y est plus grande.
Une élévation de l’ALT (ALanine Transferase) et/ou de l’AST (ASpartate
aminoTransferase) reflète habituellement la présence d’un dommage hépatocellulaire,
soit secondaire à une perte d’intégrité ou à une de nécrose cellulaire. Chez les chats,
l’élévation de ces deux enzymes lors de maladies hépatiques inflammatoires semble
moins prévisible (moins sensible) en comparaison à une hausse de l’ALP et GGT. La
raison principale de cette observation s’explique d’abord par la nature plutôt
cholestasique qu’hépatocellulaire des maladies hépatobiliaires félines. Tout comme
l’ALP, l’ALT et l’AST félines ont des demies-vies très courtes (6 heures pour l’ALT et 77
minutes pour l’AST). L’AST se retrouve aussi au niveau des cellules musculaires, donc
une élévation de l’AST sans élévation des autres enzymes hépatiques, devrait orienter le
clinicien vers la possibilité d’une atteinte musculaire et une évaluation de la créatinine
kinase (CK), une autre enzyme fréquemment augmentée lors de dommage musculaire.
Toutefois, lors de maladies hépatobiliaires, certains dérangements électrolytiques
(hypokaliémie, hypophosphatémie) peuvent entraîner une lyse des cellules musculaires
et par conséquent une élévation de la CK.
Les bilirubines totales sont fréquemment augmentées lors de maladies hépatobiliaires
et au dessus d’une certaine élévation (autour de 50 µmol/L), l’animal manifestera de
l’ictère cliniquement visible. L’hyperbilirubinémie n’est cependant pas spécifique à une
maladie hépatobiliaire. Une hémolyse intravasculaire importante (hématocrite<15%),
une endotoxémie, un processus inflammatoire très important ou un état de catabolisme
sévère peuvent être associés à une hausse des bilirubines totales sans évidence de
maladies hépatiques primaires. Chez le chat, le métabolisme normal des bilirubines
implique plusieurs étapes à l’intérieur des hépatocytes avant d’être excrété dans la bile.
Ce métabolisme peut être perturbé par différents facteurs (cytokines inflammatoires,
endotoxines, mobilisation d’acide gras libres, déficience protéique...). Une des
enzymes requises pour l’hydrosolubilisation des bilirubines, la glucuronyl transférase,
se retrouve aussi en très faible concentration chez le chat. Lors d’hépatopathies
secondaires réactives, l’augmentation des bilirubines demeure habituellement légère à
modérée (<50 µmol\L). Une élévation marquée des bilirubines (> 200 µmol\L) est la
plupart du temps associée à une obstruction biliaire extra-hépatique ou une lipidose
hépatique. En règle générale, plus l’hyperbilirubunémie est marquée (>100 µmol\L),
plus il y a d’inquiétudes pour la présence d’une obstruction biliaire, et plus l’évaluation
échographique de l’appareil biliaire devient critique.
D’importants dérangements électrolytiques sont présents chez les félins souffrant de
maladies hépatobiliaires. Les principaux sont l’hypokaliémie, l’hypophosphatémie et
l’hypomagnesémie. Ces changements contribuent de façon importante à la mortalité et
la morbidité (hémolyse, faiblesse musculaire/myopathie, iléus,
hépatoencéphalopathie…) de ces maladies. La ré-alimentation des patients
anorexiques, suite à une relâche d’insuline, exacerbe les déficits électrolytiques.
2- Hématologie
Une anémie légère à modérée, mais parfois pouvant nécessiter l’utilisation de
transfusion sanguine, est fréquemment observée lors du diagnostic, ou en court
d’hospitalisation, une fois la déshydratation corrigée. Cette anémie est habituellement
de causes multiples et peu spécifique aux différentes maladies hépatobiliaires. Les
pertes sanguines favorisées par les coagulopathies, les venoponctions répétées et
l’hémolyse secondaire aux dommages oxidatifs (corps de Heinz) ainsi qu’a
l’hypophosphatemie sont les causes principales de l’anémie chez ces patients.
La formule leucocytaire reflète habituellement la nature de la maladie sous-jacente.
3- Profil de coagulation
Lors de perte de fonction hépatique importante ou en présence d’une stase biliaire, la
coagulation peut être déficiente. Chez le chat, les maladies hépatobiliaires étant
d’abord et avant tout de nature cholestasique, les coagulopathies associées à un déficit
de la vitamine K prédominent et sont fréquentes (jusqu’à 50% des cas). Les acides
biliaires facilitent la formation de micelles lipidiques, relativement essentiels à
l’absorption des vitamines liposolubles tel que la vitamine K. Une évaluation des temps
de coagulation (PIVKA, PT, PTT) est fortement recommandée en présence d’ictère, ainsi
qu’une utilisation précoce et routinière de vitamine K1 chez ces patients.
4- Autres
Les acides biliaires sont habituellement dosées lorsque la fonction hépatique veut être
évaluée. En présence d’ictère, les acides biliaires seront élevées secondairement à la
cholestase. Dans ce contexte, elles n’apportent aucune information supplémentaire
valable. Chez le chat, elles sont surtout utilisées comme test de dépistage pour les
shunts portosystémiques.
Il est fréquent que la cobalamine (vitamine B12) soit déficiente lors de maladies
hépatobiliaires et/ou intestinales. Étant donné la présence concomitante fréquente d’une atteinte pancréatique, il est
aussi possible d’observer une élévation de PLI féline.
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AUTRES OUTILS DIAGNOSTIQUES Lors de maladies hépatiques, l’échographie abdominale demeure un outil essentiel à
l’approche diagnostique de ces maladies. Elle permet une évaluation du parenchyme
hépatique et nous donne la capacité de visualiser les autres organes abdominaux, tout
particulièrement le pancréas et les intestins, des organes fréquemment atteints lors de
maladies hépatobiliaires félines. L’examen échographique nous permet aussi d’infirmer
ou de confirmer la possibilité d’une obstruction biliaire extrahépatique, une exclusion
essentielle à faire lors d’ictère important.
Au même moment, une ponction à l’aiguille fine et une analyse cytologique du foie
peuvent être effectuées. Malgré que la technique soit facile et habituellement
sécuritaire (sauf en présence de coagulopathie), la sensibilité diagnostique en
comparaison avec l’analyse histolopathologique demeure faible, et ce tout
particulièrement pour les maladies inflammatoires. Un prélèvement de bile
(cholécystocenthèse) peut aussi être effectué pour culture bactériologique. Pour les maladies hépatobiliaires inflammatoires, l’examen histopathologique du foie
constitue la méthode diagnostique de choix. Il existe différentes méthodes à
l’obtention d’un échantillon hépatique: biopsie à l’aiguille, laparoscopie et via une
chirurgie abdominale. Malgré la simplicité opérationnelle et le faible le coût associé à
cette technique, la biopsie à l’aiguille demeure une procédure comportant des risques
non-négligeables chez le chat (vu sa petite taille). Avec l’accès grandissant à la
laparoscopie, cette procédure gagne en popularité vu la possibilité d’une évaluation
macroscopique des organes, tout en réduisant la nature invasive de la procédure.
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LES MALADIES 1-La lipidose hépatique
La lipidose hépatique demeure une des maladies hépatobiliaires la plus fréquemment
rencontrée en médecine féline, cependant l’incidence de la forme idiopathique reste
faible, car dans un bon nombre de cas, il existe une condition sous-jacente responsable
de l’inappétence (66%).
Le métabolisme du félin domestique semble unique en sa capacité de former des
vacuoles lipidiques au niveau de foie. Malgré que ce phénomène soit observé
fréquemment chez les chats anorexiques et malades, l’étendu de l’accumulation
lipidique lors de lipidose hépatique reste nettement supérieure. Effectivement, lors de
lipidose, plus de 80% des hépatocytes peuvent être affectés, aussi les lipides peuvent
contribuer jusqu’à 50% du poids hépatique et la taille du foie peut doubler avec la
présence de vacuoles de triglycéride au niveau des hépatocytes. Cette maladie peut affecter les chats de tout âge, cependant, vu la présence habituelle
d’une autre maladie, les chats d’âge moyen sont statistiquement plus souvent atteints.
L’historique des patients peut révéler un score corporel augmenté (4/5 et plus), de
l’inappétence (en moyenne de 2-7 jours) et une perte de poids corporel d’environ 25%
(score corporel et déshydratation). La perte de poids corporel est habituellement relié
à la perte de gras périphérique, tandis que que les gras abdominaux semblent
préservés. À part la présence de signes digestifs peu spécifiques, une grande majorité
des chats (environ 70%) démontrent de l’ictère clinique et une hépatomégalie lisse et
non-douloureuse à la palpation abdominale. La léthargie, pouvant dans certains cas
être très sévère, accompagne souvent le portrait clinique de ces patients. Cette
faiblesse peut s’expliquer par les débalancements électrolytiques, l’hypophosphatémie,
une défiance en thiamine, la présence hépatoencéphalopathie ou tout simplement par
la maladie primaire sous-jacente. L’échographie abdominale révèle habituellement la présence d’une hépatomégalie
diffusément hyperéchogène, toutefois ces observations pourraient être différentes si
une maladie inflammatoire ou une infiltration néoplasique hépatique sous-jacente
existait. Vu l’élévation souvent marquée des bilirubines lors de lipidose hépatique, il
est primordial d’éliminer la présence d’une obstruction biliaire extra-hépatique. La cytologie hépatique, est habituellement suffisante pour le diagnostic de la lipidose
hépatique. La biopsie est donc principalement réservée pour le diagnostic d’une
maladie sous-jacente ou lorsqu’un traitement intensif et rigoureux n’ait pas apporté
une amélioration significative des paramètres clinico-pathologiques.
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2- La cholangite suppurative
Cette pathologie semble être le résultat d’une infection bactérienne du tractus biliaire.
Cette infection peut éventuellement se répandre au parenchyme hépatique et
permettre la formation d’abcès hépatiques (cholangiohépatite). La présentation du patient est habituellement aigüe, mais une forme plus chronique
existe, où le propriétaire peut noter des signes vagues d’anorexie, de vomissements, de
perte de poids et de léthargie. On observe habituellement une élévation modérée des
enzymes hépatiques et des bilirubines. L’animal peut être fiévreux et une neutrophilie
avec un virage à gauche peut être observée à l’hématologie.
L’aspiration à l’aiguille fine du foie et la cholécystocenthèse permettent d’obtenir de
façon non-invasive un échantillon pour analyse cytologique et culture bactérienne. Le
diagnostic définitif nécessite toutefois l’évaluation histopathologique du foie. Cette
pathologie est principalement caractérisée par la présence de neutrophiles dans la
lumière et/ou l’épithélium des cellules bordants les canaux biliaires. On retrouve aussi
de l’oedème et des neutrophiles dans les régions portales. Dans la forme plus
chroniques, l’infiltrat cellulaire portal est mixte et consiste de neutrophiles, de
lymphocytes et de plasmocytes. On parle alors de cholangite suppurative chronique.
L’utilisation d’antibiotiques est central au traitement de la cholangite suppurative.
L’amoxicilline-acide clavulanique ou une combinaison de métronidazole avec
quinolone (enrofloxacin, marbofloxacin) sont les antibiothérapies les plus fréquemment
utilisées en première ligne. Le céfovecin peut aussi être utilisé, surtout lorsque l’animal
est réfractaire à la médication par voie orale ou lorsque des effets secondaires
indésirables (anorexie, nausée, vomissements et diarrhée) suite à l’antibiothérapie sont
suspectés. Un traitement de 6 à 8 semaines est préconisé. Dans la forme chronique,
lorsque les antibiotiques seuls ne semblent pas engendrer une réponse satisfaisante, de
la prednisolone (1-2 mg/kg/jour à dose décroissante) est ajoutée.
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3- La cholangite lymphocytaire
Elle se distingue très peu des autres conditions hépatiques chroniques, bien que la
moyenne d’âge des chats affectés semble supérieure. Avec cette forme de cholangite,
on peut noter de l’épanchement abdominal, une hyperglobulinémie, ainsi qu’une
lymphocytose. En présence de ces observations, il devient important de distinguer la
cholangite lymphocytaire, d’une péritonite infectieuse féline, d’une pancréatite sévère
ou d’un lymphome. Le diagnostic de cette condition demande une analyse histopathologique du foie. La
cholangite lymphocytaire est caractérisée par une infiltration de petits lymphocytes
principalement au niveau des régions portales, la présence d’un certain degré de
fibrose et une prolifération des canaux biliaires. Il est possible qu’il soit difficile de
différencier la cholangite lymphocytaire d’un lymphome bien différencié (ie à petites
cellules). Des tests de clonalité lymphocytaire (immunophénotypage) pourraient
s’avérer nécessaires. Le traitement consiste principalement à administrer de la prednisolone (2 mg/kg/jour)
à dose décroissante jusqu’à ce qu’une dose minimale efficace soit suffisante pour
maintenir la rémission clinique. Lors d’échec thérapeutique du chlorambucil peut être
tenté. Un suivi régulier et à long terme est habituellement nécessaire chez ces patients.
La présence d’une destruction importante des canaux biliaires et/ou l’évolution vers
une cholangite sclérosante affecte négativement le pronostic.
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4- La triade féline
Le terme triade fait référence à la présence simultanée d’une inflammation au
pancréatiques et/ou intestinale, chez les chats souffrant de cholangite. Selon une
étude, 83% des chats souffrant de cholangite avaient aussi une maladie intestinale
inflammatoire (IBD) et 50% souffraient également de pancréatite. La proximité
anatomique du canal cholédoque et du canal pancréatique au niveau de la papille
duodénale pouvant favoriser une colonisation bactérienne ascendante est mise en
cause. Toutefois, une récente étude démontre la présence de bactéries dans le
parenchyme pancréatique dans près d’un tiers des chats souffrant de pancréatite
chronique. Il est fortement suspecté, qu’une translocation bactérienne de l’intestin plus
perméable lors de maladie inflammatoire puisse aussi contribuer au phénomène de la
triade féline (surtout en lien avec la cholangite suppurative). De façon physiologique,
les chats ont un comptage bactérien au niveau du tractus digestif proximal supérieur
au chien, et leurs intestins semblent davantage perméables. Une inflammation à
médiation immunitaire via la formation de complexes immuns est aussi incriminée
(surtout en lien avec la cholangite lymphocytaire)
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5- Les complications
Lors d’inflammation, les acides biliaires conjuguées (solubles), via l’activité enzymatique
de certaines bactéries et/ou les cytokines inflammatoires peuvent être déconjuguées
(non-solubles) en grand nombre, par conséquent augmenter la viscosité de la bile
(boue biliaire) et éventuellement contribuer à la formation de calculs biliaires
(cholélithiases). Ces complications peuvent éventuellement mener à une obstruction
biliaire extra-hépatique et nécessiter une intervention chirurgicale (cholécystotomie,
cholécystectomie, cholécystoduodénostomie…).
La cholangite chronique peut malgré des traitements appropriés progresser vers une
cirrhose biliaire qui éventuellement s’accompagne d’une défaillance hépatique (ascite,
hépatoencéphalopathie…). Tout comme la cholangite chronique, les insultes
chroniques et répétés au niveau du pancréas peuvent mener à une insuffisance du
pancréas exocrine, et accroître les risques de diabète mellitus.
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LES TRAITEMENTS NON SPÉCIFIQUES
Puisqu’un grand nombre des patients souffrant de maladies hépatobiliaires manifestent
de l’anorexie, des vomissements et de la diarrhée, une hospitalisation avec des
traitements de support s’avère habituellement nécessaire. Ces traitements permettent
de soutenir les patients en attente de résultats et de les stabiliser en vue de procédures
plus invasives ultérieures.
Il est essentiel de corriger la déshydratation et les débalancements électrolytiques
de ces patients avant de considérer l’utilisation d’une sédation ou d’une anesthésie pour
de plus amples tests diagnostiques. L’hypokaliémie étant fréquente, l’ajout de chlorure
de potassium à la perfusion intraveineuse est plutôt routinier. Il est habituellement
adapté en fonction de la sévérité de l’hypokaliémie à la biochimie, mais il peut être
sécuritaire d’ajouter 10 à 20 mEq de KCl par litre de fluide, lorsque cette information
n’est pas immédiatement disponible. Les fluides dextrosés et le lactate sont à éviter.
Les chats souffrant de lipidoses hépatiques, surtout lorsque réalimentés, peuvent
manifester de l’hypophosphatémie importante, qui peut éventuellement entraîner de
l’hémolyse. Un suivi serré de ce paramètre et une supplémentation (habituellement
phosphate de potassium) adaptée sont fortement conseillés. Des suivis sanguins
(électrolytes, phosphore,magnésium et microhématocrite) fréquents (1-3 fois par jour)
lors de l’hospitalisation initiale et un ajustement continuel des différentes perfusions
intraveineuses sont habituels.
En présence d’un ictère visible, une supplémentation de vitamine K1 (0.5-1.5 mg/kg
SQ aux 12 heures pour 3 doses), peu importe le résultat des tests de coagulation, est
recommandée avant toutes procédures plus invasives (catéthérisation jugulaire ou
urinaire, aspiration à l’aiguille fine, biopsie, pose d’un tube de gavage…). Idéalement,
une normalisation des temps de coagulation devrait être observée avant de procéder à
ce type d’intervention.
Des antiémétiques sont aussi fréquemment utilisés lors du traitement initial. Le
maropitant (1mg/kg SQ q24h pour 5 jours) et le métoclopramide (perfusion continue
1-2 mg/kg/jour) sont les drogues les plus souvent utilisées. L’effet prokinétique du
métoclopramide peut s’avérer avantageux lors de la réintroduction initiale de
l’alimentation. En présence de dysfonction hépatique notable (hépatoencéphalopathie,
diminution de l’albumine et de l’urée), il est nécessaire de réduire de moitié la dose du
maropitant, puisque cette molécule est métabolisée et éliminée par le foie.
Étant donné l’anorexie fréquente chez ces patients, la réalimentation est partie
intégrante du traitement des maladies hépatobiliaires. La majorité des patients
sévèrement ictériques ne sont pas initialement de bon candidat à subir une anesthésie.
La pose d’un tube nasogastrique avec infusion de CliniCare est préconisée par l’auteur,
si aucune urgence chirurgicale existe (ie obstruction biliaire extra-hépatique). Par la
suite, si toujours indiqué, la pose sous anesthésie d’un tube davantage adapté à
l’utilisation à plus long terme (tube oesophagien ou gastrique) peut être considéré.
Chez les patients critiques, une diète réduite en protéine est habituellement à éviter,
sauf si le patient souffre d’hépatoencéphalopathie. Lors de la réalimentation, un
exercice léger peut favoriser la motilité intestinale.
La cholestase est une caractéristique importante des maladies hépatobiliaires, d’où
l’utilisation fréquente de l’ursodiol (10-15 mg/kg PO q24hrs), une fois les
vomissements contrôlés et la réalimentation entamée. En plus de ses propriétés
cholérétiques, l’ursodiol a potentiellement des effets immunomodulateurs, antioxydants
et possiblement antifibrotiques (intéressant lors de cholangite sclérosante ou de
fibrose biliaire).
D’autres médicaments hépatoprotecteurs peuvent être ajoutés au plan de traitement.
Les plus communément utilisés sont la s-adenosylmethionine (SAMe) (20 mg/kg PO
q24hrs) et la vitamine E (10 U/kg PO q24hrs). Le chardon-marie (milk thistle) est
connu pour ses propriétés hépatoprotectrice. Il existe sur le marché vétérinaire des
formules contenant du SAMe complexé à la silybine (l’ingrédient actif du chardonmarie). Afin d’obtenir une meilleure biodisponibilité de la silybine, il est préférable
qu’elle soit complexée à la phosphatidylcholine. La douleur abdominale peut contribuer à la morbidité des maladies hépatobiliaires. Si
de la douleur abdominale est présente ou si une cholangite suppurative et/ou une
pancréatite est suspectée, il est souhaitable de fournir un traitement analgésique à ce
patient. La buprénorphine (0.01 mg/kg sublingual ou IV lentement q8hrs) est
relativement facile à utiliser et sécuritaire.
De la vitamine B12 (250 mcv SQ 1 fois semaine pour 4-6 semaines et au besoin par la
suite) doit être administrée lorsqu’une hypocobalaminémie est mise en évidence.
Une fois le patient stabilisé, la réalimentation effectuée avec succès et les traitements
spécifiques débutés, des stimulants d’appétit peuvent être utilisés pour graduellement
amener le patient à se nourrir de façon autonome. Ils peuvent aussi être utilisés au
début de la condition, lorsque la consommation de nourriture demeure présente mais
est diminuée. La cyproheptadine (2 mg/chat PO BID) ou la mirtazapine (1.88 mg/chat
PO q48hrs ou 3.75mg/chat PO q72 hrs) sont disponibles à cet effet. La mirtazapine
aurait potentiellement aussi un effet antiémétique chez le chat.

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