Industrie Minière En Europe Médiévale Approche

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Industrie Minière En Europe Médiévale Approche
L'INDUSTRIE MINIÈRE ET MÉTALLURGIQUE DANS L'EUROPE MÉDIÉVALE:
APPROCHE HISTORIQUE ET APPROCHE ARCHÉOLOGIQUE
Dans la conscience collective de la vieille Europe, l'entreprise industrielle est associée
à l'image de la ville ou de ses fauLourgs, aux emprises portuaires ou ferroviaires, ou aux
chapelets d'usines qui s'étirent le long des rivières et des canaux. Il faut faire un effort
d'imagination historique pour rétablir une vérité antérieure du paysage industriel, qui,
depuis la protohistoire, anime et transforme à des degrés et des rythmes divers les solitudes
des campagnes, des forets et des zones montagnenses. Par industrie ou entreprise
industrielle, on entend ici, selon les suggestions de P. L. Pelet (1), toute production de
masse répandant des objets fabriqués à une écelle qui suppose commercialisation, qu'il
s'agisse des ateliers de production de silex taillés de haute-Egypte (2), ou des milliers de
fourneaux qui font rayonner, au début de notre ère, les produits sidérurgiques du massif de
Sainte-Croix en Pologne méridionale (3). Cette industrie coexiste, à toute époque, avec des
formes de production qui relèvent de l'artisanat, une archéologie des oblets “ nombreux ”
éclairant la portée d'inscriptions antiques ou de textes médiévaux, les sources écrites aldant
d'autre part l'archéologue à placer dans leur juste éclairage les vestiges d'une activité de
transformation.
De toutes les industries anciennes, ce sont les entreprises d'extraction et de
transformation des produits du sol et du sous-sol qui ont laissé le plus de traces dans les
paysages depuis l'époque la plus reculée; non seulement les restes de l'exploitation minière
et de l'activité métallurgique, mais encore les aménagements plus ou moins importants qui
ont permis le dénoyement des travaux souterrains ou l'adduction d'eau nécessaire aux
étapes successives de la transformation des minerals.
Ces premières remarques font apparaitre un des problèmes les plus difficiles à
résoudre que pose l'étude des sociétés anciennes, à savoir celui du niveau de l'entreprise, de
son importance relative et de sa durée dans un milieu économique et social défini. Les
traces et aménagements de l'espace, objets d'analyse prioritaires des archéologues de
terrain, doivent etre observés dans la longue durée. En effet, dans les phases primaire et
secondaire de la production métallurgique—à la différence d'autres secteurs industriels,
comme le textile—ce sont les données naturelles (géologiques, minéralogiques,
stratigraphiques) qui ont durablement fondé, parfois jusqu'à nos jours et jusqu'aux
déchirantes révisions que vivent depuis les années 70 les vieux bassins miniers de l'Europe,
les bases de l'économie locale ou régionale.
Mals dans la longue durée, l'extraction et la transformation des minerais ont connu
sur de nombreux sites des phases alternées d'intense activité et d'abandon. C'est-à-dire que
la reprise des travaux, le remploi des installations ont sonvent fait disparaitre les traces
anciennes sous les nouveaux aménagements. Les sites les plus continuement exploités pour
leurs richesses polymétalliques sont donc aussi ccux pour lesquels la recherche historique
risque d'éprouver des difficultés à s'appuyer sur une étude archéologique: les profondes
transformations apportoes en particulier par l'usage souterrain de la poudre ont bouleversé
le paysage minier à partir de la seconde moitié du 17° siècle; mais c'est surtout le
développement technologique du 18° siècle qui a définitivement brouillé les pistes
anciennes et fermé la voie aux investigations sur les terrains les plus riches. C'est un
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problème majeur de l'archéologique minière que de se doter des moyens intellectuels et
techniques de travail sur des zones anciennes préservées, presque fossilisées, par l'abandon
partiel ou définitif de l'exploitation, avec les risques inhérents à l'interprétation de données
salsies sur des chantiers abandonnés, lorsque des sources écrites ne viennent pas corroborer
des hypothèses techniques, économiques, démographiques, voire politiques, sur
l'interruption des travaux, et situer les vestiges conservés et datés dans un cadre qui déborde
largement l'étude monographique.
Parmi les entreprises d'exploitation minière et de traitement métallurgique, la plus
répandue en Europe, très présente aussi dans le reste du monde, de l'Afrique à l'Asie, est
fondée sur le minerai de fer. Or les gisements les plus couramment exploités aujourd'hui ne
doivent pas faire oublier les ressources superficielles en minerais limoniques et
sidérolithiques, aujourd'hui disparues, qui furent systématiquement mises en muvre avec
des moyens techniques médiocres; les formes d'exploitation du minerai qui s'apparentent à
la coeillette et à la production domestique et entrent dans le calendrier des travaux
agricoles, n'ont laissé au sol que des traces ténues et sans age. Ainsi, dans tous les pays
d'Europe où le travail sidérurgique est attesté depuis l'époque de la Tène, la difficulté la
plus commune que pose l'analyse des traces est bien celle de la datation.
L'archélogie minière est nèe de la pratique des ingénieurs—le terme a été inventée en
1908 par un ingénieur allemand (4)—avant d'etre investie par des spéléologues, pnis
d'acquérir ses titres à l'érudition méthodique aux confins de plusieurs disciplines. Il est
évident que les ingénieurs qui depuis la fin du 18° siècle, mais surtout le milieu du 19°
siècle, se sont intéressés aux vestiges des exploitations anciennes dans le but d'une reprise
éventuelle des travaux, ont souvent baptisé de galloromain en France, de romain dans
l'ensemble du monde méditerranéen tout ce qui ne relevait pas très clairement de l'époque
moderne. Une histoire de l'archéologie minière et métallurgique s'est d'abord fondée sur les
vestiges négatifs de l'industrie, c'est-à-dire les vides et les déblais, définissant le travail en
creux et en rejets (travaux souterrains, excavations, scories); depuis un quart de siècle, ce
sont les progrès de la connalssance des arts du feu (poterie, verrerie, métallurgie) qui ont
contribué, en mulpliant les témoignages in situ, à faire émerger une archéologie proprement
médiévale, utilisant à la fois les sources écrites, très rares pour les périodes antérieures au
13° siècle, et les analyses de laboratoire. Ce sont alors les vestiges positifs qui ont permis
de marquer à la fois la continuité des sites (pardelà les phases d'interruption) et les
frontières de production entre le romain ou le gallo-romain, meme tardif, et les dix siècles
qui s'ensuivent.
Il demeure que les mines médiévales livrent peu de repères pour une chronologie
précise des travaux. La céramique, excellent témoin, est loin d'etre toujours présente; les
matériaux de base, bois et cuir, ont générale ment dispatu, à part quelques boisements et
planchers de roulage exceptionnellement conservés; rete souvent l'outillage des mineurs;
quant aux postes de travail, ils demeurent particulièrement visibles sur les fronts de taille.
Mais les conditions de vie et de travail et les techniques n'ont pas sensiblement changé
pendant des siècles, alors que l'innovation qui caractérise les 14° et 15° siècles se marque
essentiellement dans l'organisation générale de l'entreprise, dont témolgne le système
cohérent des pnits et galeries, et dans l'utilisation de machines de plus en plus
perfectionées, que l'on connait essentiellement à travers l'iconographie des traités du 16°
siècle (Agricola et Biringuccio). En revanche, lorsque des sites miniers peuvent etre mis en
relation avec des vestiges métallurgiques, l'analyse des aires de feu et des scories en place
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permet, par les techniques de laboratoire, de proposer des jalons chronologiques dans une
histoire obscure.
Cette revue des traces et des témolgnages a privilégié l'approche de terrain par une
démarche inverse et complémentaire de celle qui a jusqu'à présent prévalu dans
l'historiographie minière et métallurgique européenne. On est en effet généralement parti
des sources écrites, et de deux manières:
—ou bien d'un type de sources normatives que l'on retrouve dans toute l'Europe au
niveau d'un district, voire d'un espace de domination politique; ce sont les statut et
règlements relatifs à l'administration des mines, qui s'inscrivent dans la logique de l'Etat,
c'est-à-dire du controle et du prélèvement, depnis l'Antiquité orientale, grecque et romaine.
—ou bien de sources relatives à un site précis, et qui aident à comprendre la logique
d'un système productif, qutil s'agisse d'une comptabilité d'entreprise ou d'une comptabilité
générale de revenus domaniaux, où la mine, la forge, la fonderie apparaissent à l'instar
d'autres unités de production.
Ces sources écrites sont dispersées, lacuna tres difficiles à interpreter; elles sont à peu
près inexistantes avant le milieu du 13° siècle, où le droit romain et l'affirmation des
ponvoirs dotés d'une ébanche de burancratie commencent à les multiplier. Mals il faut
revenir sur une distinction fondamentale entre mines de fer, d'une part, mines
polymétalliques, d'autre part.
En effet, sans parler de l'or, c'est la recherche de l'argent à partir des minerais de
plomb et de cuivre argentifère qui a, de tout temps, suscité un vif intéret des pouvoirs
publics, et, par conséquent, les sources qui s'y rapportent sont relativement abondantes:
outre statuts et règlements, les concessions individuelles ou collectives, les privilèges, et les
enquetes et procédures, qui contribuent à éclairer les aspects techniques et les niveaux de la
production. La plus célèbre de ces procédures dans le domaine fran,cals est relative aux
mines de cuivre argentifère des monts du Lyonnais, sur le site de Pampailly, mines dites de
Jacques Cc~:ur fort bien connues pour les années 1455-1457 à la suite de la salsie des biens
de l'homme d'affaires et de la gestion directe de l'entreprise par le procureur du roi:
comptabilités, inventaires, descriptions techniques peuvent etre confrontées sur le site avec
les vestiges négatifs et positifs laissées par ce complexe industriel du 15° siècle,
passagèrement repris sans profondes modifications de structure au milieu du lo°° siècle (5).
Le document demoure exceptionnel en ralson de la disparition de la plupart des
comptabilités royales ou princières, qu'il s'agisse d'exploitation ou de prélèvement, avant le
milieu du 16° siècle. Rien de comparable aux admirables séries de rouleaux anglais pour
une histoire industrielle de l'étain ou du plomb, aux registres de la Couronne d'Aragon
récemment mis en aeuvre pour l'histoire des mines d'argent de Sardaigne (6), ou aux
comptes d'affinage de la monnaie de Hall au Tirol au temps de l'apogée de la production de
Falkenstein à Schwaz (7)
Les sources pour l'histoire du fer sont généralement plus dispersées, plus allusives. Le
minerai de fer, présent dans les massifs anciens comme dans les bassins sédimentaires à
travers toute l'Europe, a été l'objet d'une exploitation intensive, commune, souvent à un
niveau modeste de l'entreprise eu égard à la modestie des gites; il a lalssé moins de traces
que les métaux monétaires pour la reconstruction historique d'un système productif: des
allusions indirectes, des mentions incidentes abondent dans la documentation domaniale,
souvent monastique, avant le milieu du 13° siècle, lorsqu'on a appris à décrypter les actes
d'administration ou de concession des eaux, des bois et des patures. Et meme lorsque ces
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actes, publics ou privés, se multiplient, le fer demoure moins observable que l'argent, l'or et
le cuivre. Quelques règlements, des enregistrements comptables, des baux de forge pour les
14° et 15° siècles: c'est l'unité de transformation qui est au centre du processus décrit, et
l'on ignore presque tout de l'extraction et de la première élaboration à partir des sources
écrites. On a en revanche plus d'informations sur la métallurgie différenciée ou le
commerce des objets de fer à partir du 13° siècle, sans qu'il soit possible d'établir avec
précision à partir de ces sources, qui sont loin d'etre toutes rassemblées, phases d'activité,
volume de la production, aire de diffusion des produits.
Dans l'ensemble, l'approche archéologique et archéométrique est donc parfaitement
nécessaire: indispensable avant le 13° siècle, où l'histoire minière et métallurgique est une
province de l'histoTre du peuplement et des pouvoirs, éclairante à partir de cette date,
lorsque les sources écrites retrouvent grace à son concours, la vigueur que le vocaLulaTre
latin et juridique a souvent atténuée; ainsi, des sources normatives ou administrative, lues
dans la prespective archéologique de l'histoire d'un site, peuvent apporter des confirmations
décisives à l'enquete de terrain, voire la susciter. C'est ce qu'ont démontré les études
magistrales de C1. Domergue sur les tables d'Aljustrel ou la récente analyse du Codex
Wangianus, conduite avec une attention particulière à l'histoire des techniques (8).
Quelle que soit la méthode d'approche, il n'est pas d'histoire d'un site minier ou
métallurgique qui ne renvoie à une histoire générale de l'innovation et des filières
productives, ou à une histoire économique de l'entreprise, ou à une histoire sociale du
travail. La fécondité des recherches pluri-disciplinaTres pour une enquete européenne sur
l'histoire des mines et de la métallurgie au Moyen Age peut etre démontrée à partir
d'exemples précis, et sur les deux objectifs suivants:
—viser une cartographie évolutive des localisations
— déterminer une histoire de la production et de la productivité; c'est-à-dire, à partir
de sites et de districts-témoins, tenter d'établir des niveaux d'entreprise en fonction de la
conjoncture, et en fonction, sur chaque site, des conditions démographiques, politiques,
juridiques et tecEniques de l'exploitation. Il est bien évident que dès que l'on aborde les
problèmes de l'innovation, de la diffusion des connaissances, de la mobilité des techniciens,
la documentation écrire et, dans une certaine mesure, iconographique, apportent, à la fin du
Moyen Age, un indispensable complément à toute observation de terrain.
I. Une cartographie évolutive
La trame géologique fournissant une première mise en place, toponymie et pointage
des références provenant des sources écrites permettent d'affirmer—meme si la mémoire
collective et la tradition historique l'ont totalement oublié—qu'on a extrait ou affiné des
minerals en un lieu-dit. La densité des toponymes n'est pas un indicatour proportionnel à
l'importance réelle d'une sidérurgie ancienne, mals elle est souvent corroborée par la
concentration de ferriers de toute taille, conservés par la protection d'un revetement
forestier. La représentation cartographique fait apparaitre au premier coop d'aeil les zones
boisées résiduelles—dont on sait combien les limites ont pu varier et le réseau
hydrographique: dans le cas du Palatinat bavarois, la descente des forges vers les rivières
est à la fin du 14° siècle une évidence établie, meme si le pointage des installations
appartenant à l'Union des forges de 1387 est noyé dans un ensemble d'informations étalées
jusqu'à la fin du 18° siècle (9).
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Sites de minières et de forges révèlent un paysage industriel organisé d'abord sur la
base d'un déterminisme géographique, pnis modulé en fonction de l'organisation du
territoire par le peuplement, les pouvoirs, les voies de communication et l'onverture sur le
marché, affecté enfin par les répercussions directes ou indirectes de la conjoncture, qu'il
s'agisse de la Peste NoTre ou d'autres épidémies, ou de la guerre (épisodes de la guerre
aragonaise en Sardaigne, de la guerre de Cent ans en Normandie. . .). Il serait donc
essentiel, après repérage des sites, de mesurer l'ampleur et la durée des phases de
production, avec les arrets et les reprises, sans que l'on pnisse jamais espérer aboutir au
maillage fin que la micro-histoire d'entreprises a construit pour plusieurs zones industrielles
de l'époque moderne.
Trois exemples vont illustrer la diversité des situations. Que certains sites aient connu
une existence fugace, on l'explique alsément par l'époisement définitif de minerais de
surface. Mais que les organismes urbains, au sens territorial et politique du terme, nés de
l'exploitation minière, aient prospéré, puis dispatu sans que les sources écrites permettent
de retracer leur histoire, voilà qui met en lumière l'irrémédiable insuffisance de toute
reconstruction du passé. Prinzbach en Foret Noire, Blankenrode en Westphalie (10)
accumulent les indices de leur prospérité minière et métallurgique: botanique, toponymie,
traces d'exploitation (“ pingen ”, haldes, cours d'eau aménagés) ont l'éloquence des vestiges
muets.
Cités-fantomes, avec lcurs batiments et leur église, et les 18 hectares qu'enserrent
encore en pleine foret les remparts de terre et les fossés de Blankenrode, les deux
agglomérations eurent au 14° siècle des consuls et des bougeois, portes et sceau de ville. Et
pourtant, ancun lien n'est établi par les sources écrites au temps de la prospérité entre le fait
minier et le fait urbain: la première mention des mines d'argent de Prinzbach est antérieure
à la fondation urbaine, et c'est par déduction logique que l'on peut retrouver dans un
privilège impérial de 1192 les plus anciennes traces d'orpaillage à Blankenrode. C'est à la
fin du 15° siècle, dans un climat de prospection systématique des anciens sites, que
Blankenrode et Prinzbach accèdent au statut de monuments de la mémoire minière.
Dans le cas des mines d'argent de Brandes en Oisans (11), les sources écrites
couvrent, en mentions dispersées, la dernière phase d'exploitation d'un site d'altitude
développé au long d'un filon minéralisé qui serpente de 1800 à 2800 m., contenant
principalement du plomb argentifère, du cuivre gris et un peu de pyrite. La première
mention de la production d'argent se tronve en effet dans le testament du Dauphin Guigues
en 1236, au moment d'apogée, qui fixe un habitat permanent et une paroisse d'environ 150
feux au milieu du 13° siècle. Mals l'enquete delphinale de 1250 et les comptes de
chatellenie qui s'échelonnent jusqu'au milieu du 14° siècle mettent en évidence la falblesse
croissante et l'irrégularité de la production jusqu'à l'abandon du site et des zones de
traitement. Si des travaux d'extraction sont attestés à l'extreme-fin du 15° siècle, le site
complexe, avec ses aménagements hydrauliques, ses chantiers et son village déserté, offre à
l'archéologue un terrain relativement bien daté, antérieur à la Peste Noire.
Voici enfin un établissement isolé, la “ fusine ” d'Arvieux dans la haute vallée de la
Durance (12), dont les comptes de chatellenies de Chateau-Queyras attestent l'activité
pendant plus d'un siècle à travers des mentions dispersées, sans que l'on pnisse affirmer que
les silences intermédiaires soient sculement documentaires. Crée en 1311, cette usine à fer,
qui traite les minerais de Bellin, est dite “ ruinée ” en 1423 par épuisement des filons
locaux. Vers 1460, de nonveaux travaux miniers ne raniment pas l'usine, les minerais étant
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transportés vers Saluces. Vingt cinq ans plus tard, l'usine est à nouveau active, mais ne
traite plus de minerals de fer: elle est équipée pour l'affinage de minerals de plomb
argentifère provenant de l'autre versant de la vallée.
Dans tous les cas, il est fort difficile de déterminer les raisons de l'abandon; elles
peuvent etre liées à l'épuisement d'un gite; elles sont souvent techniques et financières, les
venues d'eau dans la mine nécessitant travaux d'équipement, machines et main d'~uvre, la
teneur insuffisante des minerals ou la nécessité d'atteindre des températures plus élevées
imposant aussi des choix. Inversement, les débuts d'une entreprise ou la reprise
d'exploitation sont déterminés par une politique d'investissement, dont les mobiles sont
parfois clairement exprimés: lorsque la comtesse de Flandre crée en 1371 en Champagne
méridionale trois grosses forges, son administrateur mentionne expressément la volonté de
mettre en valeur ses forets (13). La comptabilité permettant de suivre l'évolution de la
production de fer, presque intégralement mise sur le marché des foires pendant trente ans,
on constate que le plan de valorisation s'est appliqué jusqu'à l'épuisement total des gites.
L'exploitation se traduit par un mouvement qui part du sommet d'une courbe tendant, par
paliers d'effondrement, vers zero.
De fa,con plus générale, E. Westermann a proposé un schéma d'examen qui prenne en
compte l'évolution d'un site ou d'un district minier de la prospection ou de la reprise jusqu'à
la fin, temporaire ou définitive, de l'exploitation (14); modèle qu'il conviendrait de moduler
en fonction des connalssances sur chaque secteur considéré, et dont la courbe serait
différente selon qutil s'agit de minerai de fer ou de minerais polymétalliques, ou que l'on
passe, dans la meme zone minéralisée, comme par exemple la Pologne méridionale, de la
galène argentifère à la pyrite.
II. Une histoire de la production
Ce second oblectif est étroitement lié au premier, qui lui offre un territoire d'analyse.
Il rencontre aussitot le problème du niveau de l'entreprise, tel qu'on le poserait pour une
périod où la documentation écrite serait abondante. Ici, l'observation de terrain révèle, pour
toute époque, d'abord la coexistence de petites unités isolées et d'une industrie concentrée,
attestée par d'énormes amas de scories ferreuses, dont le plus spectaculaire en France est le
ferrier des Martys (Aude), daté de la fin de l'époque romaine; mals tout les massifs
forestiers, de la Bretagne à la Lorraine, en ont conservé d'imposants vestiges, liés à une
sidérurgie seigneuriale pendant des siècles. Cependant, dans le domaine des non-ferreux,
les exploitations de petite taille, à ciel ouvert, parfois prolongées par des galeries dans l'axe
filonien, et dont on repère les vestiges antérieurs au 14° siècle à Brandes en Oisans, à Ste.
Marie aux Mines ou dans les monts du Lyonnals, ont été relayées, après la grande
dépression du milieu du 14° siècle, par une reprise de l'extraction et du traitement avec des
moyens nouveaux: galeries plus longues et régulières, liaisons souterraines propices à
l'organisation du travail, intégrant dans un système d'ensemble le transport par roulage,
l'exhaure, l'aérage et l'extraction par des machines (15).
On peut opposer de ce point de vue deux formes d'organisation sociale de l'entreprise;
I'une laisse aux individus, concessionnaires dans le cadre de la communauté rurale, toutes
leurs chances, juxtapose des unités artisanales, refuse d'envisager des travaux
d'infrastructure incompatibles avec la falble valeur intrinsèque du produit. Ce sont les
mines ariégeoises de Rancié, telles que les décrit à l'aube du 19° siècle un rapport
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d'ingénieur: comme on “ y jardine toutes les couches ”, c'est “ une immense masse
d'éboulis, où la nécessité de vivre porte 400 mineurs à s'ouvrir de petits chantiers, la mort
en équilibre sur leur tete ” (16): production de subsistance, totalement coupée du processus
de transformation du minerai.
L'autre forme d'organisation suppose au contraire une société de capitaux, décidée à
investir dans des équipements d'intéret collectif, et dont les membres ne travaillent plus
eux-memes. L'un des plus anciens exemples connus est celui des entrepreneurs urbains de
la mine d'argent du Monte Calisio, près de Trente, qui, à la fin du 12° siècle, ont construit à
frais communs une galerie d'exhaure desservant l'ensemble du site exploité (17); l'une des
plus belles illustrations médiévales d'une entreprise minière colloctive est fournie par
l'ensemble des dessins de Heiorich Gross, qui, dans les premières années du 16° siècle,
consacre une planche à chacun des aspects du travail minier et métallurgique sur le versant
lorrain des mines d'argent de Ste. Marie, puis rcunit symboliquement toutes les phases du
travail par une coupe de la Ronge Myne de St. Nicolas (18). La disposition orthogonale des
puits et galeries est la plus parfaite démonstration d'une exigence de rationalité, qui impose
ce modèle à travers l'Europe, et que diffusent à la fois l'espoTr suscité par des découvertes
exceptionnelles et le souci de rentabilité et de productivité. Le développement du
machinisme pour maitriser l'eau et en utiliser la force suppose des calculs prévisionnels qui
ont fait renoncer de puissantes entreprises à s'équiper; mals aucune n'a pu se dispenser
d'investir des sommes importantes dans la prospection, avec la part d'échecs couteux que
l'on a récemment tenté de chiffrer.
Au terme de cette exigence de rationalité, les encyclopédies minières et
métallurgiques du 16° sièle proposent pour la première fois à un public qui dépasse le
cercle des spécialistes une archéologie du savoir technique par le texte et l'image,
s'efforc~ant de décrire dans lcur logique d'enchainement toutes les étapes du travail, de la
prospection au produit fini. A chaque étape, on pourrait s'attacher à confronter les
processus, les outils, les gestes avec les observations de terrain et les analyses qui les
prolongent: les puits et galeries de mine, les halues, les vestiges de fours de fusion et d'aires
de transformation traduisent en effet à la fois un niveau de production, un niveau financier
et technique de l'entreprise, un niveau du savoirfaire. Mals comment conclure de
l'observation d'un site à la reconstruction intellectuelle d'un système s'il est vrai qu'on ne
cherche que ce que l'on connait? L'archéologie est une procédure de reconnaissance,
obligée parfois d'inclure l'inconnu ou l'improbable dans ses conclusions provisoires.
Afin d'illustrer les difficultés de l'analyse de vestiges industriels et les résultats les
plus probants oLtenus sur le terrain pour une histoTre de la sidérurgie européenne avant
l'adoption du procédé indirect, on s'attachera à deux oblets d'étude, les ferriers, c'est-à-dire
les dépots de scories de réduction, et les fours ou lcurs éléments identifiables.
Sur la plupart des sites décrits, aujourd'hui déserts, des habitats inégalement retrouvés
et fouillés ont été associés avec intermittences au travail métallurgique. Les ferriers ont fait
l'objet, étant donné la forte teneur en fer des scories, d'un réemploi au 19° siècle; en France,
les dépots du Centre (Berry, Yonne, Nivernais, Bourgogne) ont été utilisés comme fondants
par la siérurgie lorraine ou allemande. Ils ont d'autre part été attaqués, dans le cadre
communal ou départemental, pour l'empierement des routes et la construction de talus; les
plus intacts sont aussi les plus isolés par la végétation forestière.
L'exploitation archéologique des ferriers pose des problèmes de méthode, ne serait-ce
quten ralson de l'ampleur des vestiges, des incertitudes d'une stratigraphie, et du peu
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d'information que l'analyse physicochimique peut donner sur leur histoire. En Pologne
méridionale, dans le massif de Sainte-Croix (19), les traces d'une intense activité
sidérugique stétendent sur 800 km2. On a dénombré 1800 ferriers et identifié des milliers
de fours exploitant simultanément ou successivement—les fours se recouvrant
partiellement—des fosses de mineral. La période d'activité la plus intense semble avotr été
la seconde moitié du 2° siècle de notre ère, et la question demeure posée: dans quel cadre a
été organisée cette production massive, et à destination de quels consommateurs? Une
réponse indirecte a été esquissée, lorsqu'on a rapproché de cette capacité de production les
effectifs d'une légion romaine, soit 5600 hommes, et établi qu'une batterie de trois ou quatre
fours pouvait équiper une légion en épées. On n'en saura sans doute jamals plus.
Une autre zone (le bas Languedoc), a été l'objet de recherches approfondies, qui se
sont déplacées maintenant vers la Montagne Noire (20) C1. Domergue et son équipe ont
relevé l'extreme concentration des ferriers et l'intensité du travail entre le début de notre ère
et la fin du 3° siècle. Le seul ferrier des Martys (Aude) représente un million et demi de
tonnes de scories, entassées jusqu'à 10 metres de hauteur, et comportant 26 couches
stratigraphiques. Dans la zone considérée, sept à huit millions de tonnes de scories se sont
accumulées en trois siècles, soit huit à dix millions de tonnes de minerai de fer extrait,
ayant produit entre 400.000 tonnes et un million de tonnes de métal. Comme en
Pologne—avec cette différence que l'on ne se tronve pas hors du limes—, se pose la
question de la consommation de “ produits nombreux ”, et l'on ne peut manquer d'envisager
une métallurgie à fins militaires.
On pourrait développer un troisième exemple régional, celui du Jura vaudois,
puisqu'il a été l'oblet de réflexions méthodologiques et le point de départ d'une typologie
des fours présentée par P. L. Pelet (21): ici, l'éparpillement des ressources minières a
conduit à un fractionnement des exploitations; les ferriers, de taille très inégale (de 100 à
1100 m2) s'égrènent sur les contreforts duJura; certains sites, comme BellaTres, avec ses
dix ateliers entre le 4° siècle avant notre ère et le 6° siècle après J.C., ont été constamment
réoccupés. Cette zone industrielle, comportant une soiantaine de ferriers, n'a connu qu'un
rayonnement limité; mais elle est marquée par une évolution cohérente, autonome, du
travail métallorgique dans le sens d'un perfectionnement des méthodes de production.
Qu'a-t'on retronvé sur tous ces sites à travers l'Europe, et quelles observations de
portoe générale peut-on faire sur l'histoTre des techniques métallurgiques, l'organisation de
la production, en vue d'une meilleure connaissance des consommations?
—Les ferriers
Ces amoncellements de déchets de transformation du minerai sont par définition
proches topographiquement des fours de réduction, et sonvent, par nécessité, d'un habitat
plus ou moins stable. Les sites où on les retrouve ne sont pas indifférents à l'exposition aux
vents dominants et comportent sonvent des ruisseaux ou des étangs utilisés pour le lavage
du minerai. Que l'on ait ou non retrouvé les fours, de structure fragile, les ferriers apportent
plusieurs types de vestiges: les scories elles-memes, résidus de transformation par le feu,
dont l'aspect, la texture permettent de déduire les conditions techniques du travail
(mélanges, température, ventilation); les parois et fonds de four, détruits par l'opération
meme de réduction; des fragments de tuyères d'aérage; des éléments réfractaTres, des
tronc~ons de conlées, des restes de minerai inclus et non fondu, des restes de charbon de
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bois; enfin, des traces de vie domestique, qu'il s'agisse de débris animaux, de fragments de
céramique ou de monnaies.
Parmi tous ces éléments, ce sont les scories qui ont fait l'objet des analyses les plus
précises pour reconstituer les phases opératoires, la recherche étant parfois secondée par la
découverte au sol, in situ et non plus dans le ferrier, des vestiges de fonds de four (Pologne,
Suède, Sauerland).
—Les scories et fonds de four
Sur les sites polonals, les fonds de four se présentent sous la forme de culots, blocs
cylindriques de 40 cm. de diamètre et 40 cm. de hauteur, pesant une centaine de kg.; dans la
Montagne NoTre, les fragments de four recueillis donnent les dimension du crenset soit 40
x 30 x 15 cm., dont ils épousent les formes: le creux d'origine, revetu de terre réfractaire,
sur laquelle se distingue une couche de 3 à 5 cm. de scorie noire compacte, puis la masse de
scorie encore riche en fer, nettement plus bulleuse. A partir de ces indications et
d'expérimentations de terrain, on a pu se livrer à des calculs établissant qu'un bloc de 100
kg. de scories correspondait à 200 kg. de minerai d'hématite et à une loupe de 35 kg., soit,
après travail de forge, à 15-20 kg. de fer, chiffre qu'il faut rapprocher des 1,8 kg. de fer
contenus dans une époe du début de notre ère, ou des 1,5 kg. d'un soc de charrue.
Indépendamment de ces conclusions qu'il serait imprudent d'étendre à tous les sites et
à toutes les époques, l'analyse des scories contribue à fortifier une approche technologique
du travail de réduction. La typologie des scories (22), fondée sur une description physique
et affinée par l'analyser de laboratoire (microscope électronique à balayage), permet
d'opérer un classement correspondant à la position des fragments étudiés dans le four, à la
température à laquelle ils furent scumis, et naturellement à la nature des minerais.
Spongienses, bullcuses, vitreuses, les scories conservent en outre en crcux, ou en
impression, la forme du four disparu, lorsqu'elles incorporent des morceaux de paroi ou de
tuyre, ou, si elles se sont moulées dans la forme semi-circulaire du canal extérieur,
l'empreinte du sable tapissant le fond du canal et les traces successives de coulées
solidifiées. Cette analyse minutieuse conduit à formuler des hypothèses sur les capacités de
production, sur les modalités d'évacuation des scories et de la loupe de fer, ainsi que sur la
ventilation du four.
Eléments physiques et chimiques autorisent des tentatives de reconstitution du
diamètre et de la hauteur de cuve des fours disparus, voire sur les memes sites, d'étude des
évolutions: c'est ce qui a été fait en Norvège méridionale, où les plus anciens fours sont
enfoncés sur une dalle de base, alors qu'à parti~du 4° siècle de notre ère, ils s'élèvent de 30
à 50 cm. audessus du sol. L'évolution technique accompagne un accroissement de la
production, qui culmine, semble-t'il, au 9° siècle, au moment de l'expansion viking (23).
Dans le Sauerland (24), où l'enquete a inventorié 1116 sites de réduction, deux types de
foyers médiévaux à procédé direct ont été décrits, l'un et l'autre ventilés par une soufflerie à
pied et une tuyère de céramique débouchant à 15 cm. au-dessus du fond du creuset, mais
dont l'un comporte une hauteur de cove de 70 cm. et l'autre, de 1,50 m. Ce qui est fort
intéressant, c'est qu'on ait retrouvé sur place des objets de fer forgés à partir de la loope,
barres de 32 à 35 cm. de longueur et de 1,5 à 2 cm. d'éapisseur, comportant encore des
impuretés que l'on pouvait confronter aux scories trouvées sur place: argile et oxyde de
manganèse provenant des parois du four, calcaire venant du charbon de bois.
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Ces barres apportent un témoignage précieux par lcur résistance et leur élasticité sur
la qualité, sonlignée par les sources écrites, de la tole et du fil de fer de Breckerfeld et
d'Iserlohn que Cologne redistribuait à la fin du Moyen Age dans l'Europe du Nord-Ouest
(25).
Ce dernier exemple illustre la nécessité de recherches interdisciplinaires ur l'histoire
de la métallurgie, et l'espoir que l'on peut mettre dans les techniques de laboratoire pour
faire progresser des connaissances générales.
Si l'on se bornait à enregistrer des résultats globaux sur l'étude des scories, portant sur
l'abondance de l'oxyde de fer, les résidus siliceux, la présence de chaux et de quelques
éléments-traces utiles pour préciser la provenance du minerai, on constaterait sans doute
que le minerai fondu au bois a donné des scories de meme type, de l'époque la plus
ancienne jusqu'à la fin de la métallurie directe, c'est-à-dire parfois jusqu'au 20° siècle. Mals
la température atteinte, la ventilation, la structure des fours, la forme de la cuve, sont autant
de variables qui justifient l'étude de cas: toute typologie comparative doit prendre en
compte ces paramètres et tenter de les insérer dans une histoire.
On con,coit qu'on en soit venu à reconstituer des opérations de fusion. La
reconstitution, inspirée par les vestiges refroidis de la sidérurgie ancienne, permet-elle de
mieux comprendre ces vestiges? Elle a le mérite de tester le temps d'activité des fours et la
production de masses de fer plus ou moins importantes. Elle suppose que l'on utilise des
minerals de meme nature que les fours anciens, plus ou moins riches, plus ou moins
fusibles; que l'on fabrique du charbon de bois selon des procédures artisanales; que l'on
fasse varier empiriquement les additifs carbonatés ou silicatés, l'emplacement et la hautour
des parois du four, la forme et la disposition des évents. Cette approche technicienne de
phénomènes naturels et techniques ne fait que développer le constat lapidaire de Pline
l'Ancien: Et fornacium magna differentia est (26), qui traduit la volonté d'éclairer par la
typologie l'opacité qui recouvre les processus. Longtemps impuissants à pénétrer les
mystères de la transformation physique et chimique, les métallorgistes se sont dotés d'outils
conceptuels et scientifiques pour maitriser la diversité des pratiques qu'imposent les études
de cas. Mais la compréhension de la matière est-elle matière pour l'historien?
Pour que se développe une véritable archéologie du savoir métallorgique, il faut que
l'approche technicienne et comparatiste s'inscrive dans le temps long et se double d'une
approche historique des phénomènes industriels. Or, sur quelques sites métallurgiques, dont
le nombre est susceptible de s'accroitre à l'avenir, on a retronvé non seulement des ferriers
ou des scories, votre des restes de fours en batterie, mais encore tous les éléments d'une
organisation spatiale du travail. Ainsi, sur le site de l'Altenberg à Musen (Westphalie) (27)
ou sur celui de Lapphyt tan (district de Norberg, Suède) (28), l'observation de terrain a
inventorié les haldes ou ferriers, les emplacements de lavage et de grillage, les dépots de
minerai et de charbon de bois, les fours et fonderies, des vestiges d'installation et
d'habitation, comme les maisons et ateliers qui, sur l'Altenberg, se sont construits parfois
directement sur les pnits de mine. Ces informations peuvent etre intégrées dans une analyse
du paysage et de sa transformation par l'homme, adductions d'eau et retenues, chemins
d'accès et de charrois, coupes forestières. . . De la description géologique d'un gite à la
restitution des phases et des formes du travail intégré en un meme lieu, on dispose alors
d'une grille de visibilité et de lecture, qui permet de poser les problèmes économiques et
sociaux de l'entreprise. Mais quelle part faire à l'histoire des processus techniques, si l'on se
borne à s'en rapporter —lorsqu'ils existent—aux textes rédigés par des administrateurs, des
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juges et des notaires (29)? Et encore, avant l'époque moderne et les premières
encyclopédies, la sidérurgie demeure-t'elle enfermée dans une infra-histoire, la coutume et
le savoir-faire échappant à l'écriture et à l'observation des contemporains.
C'est ici que l'archéologie, grace aux connalssances techniques sur lesquelles elle
s'appnie, profère le discours le plus moderniste sur les choses anciennes, reconstruit ce
qu'elle ignore à partir de ce qu'elle sait et que lui soufflent à la fois l'histoire des sites et
l'analyse de laboratoire.
PH. BRAUNSTE1N
(1) P L. PELET, L'archéologie industrielle, science ou fiction? Une question de
définition, “ Revue Suisse d'Histoire ”, 32, 1982, pp. 324-337.
(2) G. WEISGERBER, Altagyptischer Hornsteinbergau im Wadi-el-Sheikh, “ Der
Anschnitt ”, 34, 1982, pp. 186~210.
(3) K. BIELENIN, Ulbersicht der Typen von altertumlichen Rennufen anf dem
Geljiet Polens, Archaologische Eisenforschang in Europa (Symposion Eisenstadt 1975),
Eisenstadt 1977, pp. 127-145.
(4) Cf. R. SLOTTA, Einfàhrung in die Industriearchaologie, Darmstadt 1982, p. 147
et suiv; F. FREISE, Geschichte der Bergbau und Hàttentechnik, Berlin 1908.
(5) Sur ce site, qui fait l'objet d'une enquete de longue durée, cf. Ies sources écrites:
M. MOLLAT, Les affaires de Jacques Coeur. Journal du procureur Dauvet, Paris 1952, et
A. TH. RENDU, Comptes d'exploitation des mines de Pampailly et de Jonx en Lyonnais.
Les comptes de Pierre Granier (1454-1457), thèse de 1'Université de Paris I, à paraitre; un
premier bilan des fouilles: P. BENOTT, J. GRANDEMANGE, Archéologie minière à
Pampailly, Les ressources minérales et l'histoire de leur exploitation, “ Colloques du
C.T.H.S. ”, 2, 1986 Paris, pp. 195-218.
(6) M. TANGHERONI, La città dell'argento. Iglesias dalle origini alla fine del
Medioevo, Naples 1985.
(7) B. WESTERMANN, Uber Beobachtungen und Erfabrungen bei der Vorbereitung
der Edition einer vorindustriellen Produktionsstatistik. Zur Brandsilberproduktion des
Falbenstein bei Schwaz/Tirol von 1470-1623, Quantifizierungsprob1eme bei der
ErforscLung der europàischen Montanwirtschaitdes 15. bis 18. Jatrbunderts, éd. par. E.
Westermann, Scripta Mercaturae Verlag, 1988, pp. 27-42.
(8) CL. DOMERGUE, La mine.antique d'Aljustrel (Portugal) et les tab1es de bronze
de Vipasca, “ PuLlications du Centre Pierre Paris ”, 9, Bordeaux 1983, D. HAGERMANNK. H LUDWIG, Europaisches Montanwasen im Hochmittelater, Cologne-Vienne 1986.
(9) D. GOTSCHMANN, Das mittelalterliche und fruhnenzeitliche Eisengewerbe der
Oberpialz als ForscLungsgegenstand und -prob1em, “ Verhandlungen des historischen
Vereins fur Oberpfalz und Regensburg ”, 125, 1985, PP. 327-348; W. VON STROMER,
Die grosse Hammereinigung vom 7. Januar 1387. Kartell und Innovation als Antwort auf
eine Krise, Die 06erpialz, ein europnisches Eisenzentrum, “ Schriftenreihe des
Bergau—und Industrie— museums Ostbayerns ”12/1, 1986, PP. 147-189.
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(10) H. AMMANN, R. METZ, Die Bergstadt Prinzbach im Schwarzwald, “
Alemannisches Jahrbuch ”, 1956, p. 283-313; B. U. HUCKER, Die untergegangene
Bergstadt Blanbenrode im Diemel-Eder Kupiererzrevier. Beobachtungen zum Prob1em
akgegangener Bergstadte, “ Montanwirtschaft Mitteleuropas vom 12. bis 17. Jahrhundert.
Forschungsprobleme, Der Anschnitt, Beiheft 2 ”, Bochum 1984, pp. 103-110.
(11) M. CH. BAILLY—MAFTRE, J. BRUNO, Le village minier de Brandes (Huez)
in P. BENOIT, PH. BRAUNSTEIN, Mines, carrières et métallargie dans la France
médiévale, Paris 1983, pp. 289-301.
(12) TH. SCLAFERT, Le haut-Dauphiné au Moyen Age, Grenoble 1926, P. 538 et
suiv. (13) PH. BRAUNSTEIN, Les forges champenoises de la comtesse de Flandre (13721404), “ Annales E.S.C. ”, 1987, pp. 747-777.
(14) E. WESTERMANN, Auigaben kunitiger Forsctung: aus den Disbussionen der
Ettlinger Tagung, in Montanwirtschait Mitteleuropas..., p. 205 et suiv.
(15) Sur l'organisation spatiale de la mine, cf. P. BENOIT, Les techniques minières
en France et dans l'Empire aux 15° et 16° siècle, “ Journal des Savants ”, 1988, pp. 75-118,
particulièrement, pp. 92-94.
(16) Sur les mines de Rancié (Ariège) cf. R. BARBE, Recueil des titres authentiques
concernant la mine de fer de Rancié (Ariège), Toulouse 1865; H. ROUZAUD, La mine de
Rancié depnis le Moyen Age jusqu'à la Révolution, Tonlouse 1908. A comparer, par exem"
ple, avec la situation dans les Alpes de Brosso, au Nord-Ouest d'Ivrea, telle qu'elle est
décrite en 1785 par un expert: “ les particuliers ont chacun leur endroit pour travailler, et ils
vont meme quelquefois dans des excavations dont l'entrée est commune; ce qui fait qu'en
travaillant ainsi sans aucune règle ils forment dans la montagne des vides immenses, qui
peuvent de jour en jour occasionner quelque écronlement, comme il est arrivé plus d'une
fois. . . ”, cité par M. CIMA, Maestriferrai in Terra Canavesana, Florence 1985, p. 9.
(17) D. HAGERMANN, K. H. LUDWIG, Europaisches Montanwesen, p. 16
interpretent comme galerie d'exhaure l'énigmatique actufus.
(18) Les dessins conservées à l'Ecole des Beaux-Arts à Paris ont été publiés en
facsimilés par A. GIRODIÉ, Les mines d'argent de la Croix-aux-Mines en Lorraine, Nancy
1909 pnis par H. WINCKELMANN, Berghau im Lehertal, Westfalia, Lunen 1956. Cf.
aussi P. BENOIT, Histeire des techniques et iconographie: la place du manuscrit de
Heiurich Gross dans l'iconographie minière germanique, “ L'art et les mines dans les
Vosges, Pierres et Terre ”, 25-26, 1982, pp. 67-83.
(19) Cf. K. BIELENIN, Uloersicht der Typen. . .
(20) CL. DOMERGUE, T. MARTIN, P. SILLTÈRES, L’activité de la fonderie galloromaine des Martys (Aude). Recherche stratigraphique et chronologique, Actes du 98°
Congrès des Sociétés Savantes (St. Etienne 1973), Archéologie, pp. 115-142; R.
SABLAYROLLES, Intéretet problèmes de l'étude des ferriers antiques: l'exemple de la
Montagne Noire, in Mines et fonderies antiques de la Gaule, Toulouse 1980, PP. 183-190;
ID., Etat de la recherche sur les mines et la métallurgie antiques dans le Sud de la France,
Les ressources minérales et l'histoire de leur exploitation ..., pp. 69-76; CH. CAMBON, R.
DE FILIPPO, Y. GARCIA, X. PE1XOTO, CH. SAUVAGE, Un example d'inventaire de
mines antiques: l'Est de la Montagne Noire (1982), Iljid., PP. 77-89.
(21) P. L. PELET, L'architecture des fourneaux à fer primitifs: évolutions autonomes
et tendances générales, Archaologische EisenforscLung ..., PP. 173-180.
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(22) G. SPERL, Ulber die Typologie urzeitlicher, frnhgeschichtlicher und
mittelalterlicher Eisentuttensclacken, “ Studien zur Industrie-Archaologie ”, VII,
Osterreichische Akademie der Wissenschaften, Vienne 1980.
(23) I. A1ARTENS, Vor-und fruhgeschicchliche Eisenverbuttung in
sudnorwegischen Gebirgsgegenden, in Archaologische Eisenforsclung ..., pp. 147-155.
(24) N. SONNECKEN, Die mittelalterliche RennfeureveYhuttung im marbischen
Sanerland, “ Siedlung und Landschaft in Westphalen ”, 7, Mùnster 1971.
(25) Cf. F. IRSIGLER, Die wirtschaltliche Stellung der Stadt Koln im 14. und 15.
Jabrbundert, ViertellahYschriltfurSozial—und Wirtschaltsgeschichte, a “ Beiheft 65 ”,
Wiesbaden 1979 p. 182 st suiv. (commerce du fer, de 1'acier et du fil de fer).
(26) “ Histoire Naturelle ”, XXXIV, 14. La typologie doit prendre en compte
l'indifférence des métallurgistes à des modèles minutieux: cf. C. A. NAPIONE, Description
rninéralogique des montagnes du Canavois, “ Memorie dell'Accademia Reale delle Scienze
di Torino ”, 1784-1785, p. 350: “ Comme ces fourneaux sont faits grossièrement et sans
règle en sorte qu'il n'y a pas deux semblables, je crois inutile d'en donner le plan et les
dimensions ”. Cité par M. CIMA, Maestri ..., p. 40.
(27) CL. DAHM, Die mittelalterliche Bergbausiedlung Altenlerg, “ Siegerland ”, 1-2
1973, Siegen; G. WEISGERBER, Ausgrabungen des Deutschen Bergbaumuseums
Boctum anf dem Altenberg, “ Der Anschnitt ”, 27-33 (compte-rendus de fouilles).
(28) G. MAGNUSSON, Lapphyttan. An example of medieval iron production,
Medieval Iron in Society, 'Norherg Symposium', Jernkontoret, 1985, pp. 21-57.
(29) P. L. PELET évoque “ I'énigme des allusions techniques ” dans les sources
anciennes, in L'histaire des techniques avant la révolution industrielle, “ Revue Suisse
d'Historie ”, 32, 1982, p. 325.
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