L`expérience des parents d`un enfant d`orientation homosexuelle

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L`expérience des parents d`un enfant d`orientation homosexuelle
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
MODULE 1 – QUELQUES ENJEUX SPÉCIFIQUES RENCONTRÉS PAR LES PERSONNES DE LA DIVERSITÉ SEXUELLE,
LEUR COUPLE ET LEUR FAMILLE À DES ÉTAPES CLÉS DE LEUR CHEMINEMENT DE VIE
1.1
L’EXPÉRIENCE DES PARENTS D’UN ENFANT D’ORIENTATION HOMOSEXUELLE : SAVOIRS ISSUS DES RECHERCHES ET PERSPECTIVES
D’INTERVENTION (K. LAVOIE & I. CÔTÉ), SERVICE SOCIAL, VOL. 60, N° 1, 2014.
1.2 LES STRATÉGIES IDENTITAIRES DES LESBIENNES ET DES GAIS VIVANT DANS DES RÉGIONS NON MÉTROPOLITAINES DU QUÉBEC, L.
CHAMBERLAND ET J.
1.3 VIEILLIR DANS LA COMMUNAUTÉ GAIE ET LESBIENNE, EXTRAIT DE NOUVEAU REGARD SUR L’HOMOPHOBIE ET L’HÉTÉROSEXISME (B.
RYAN), 2003, PAGES 59-60.
1.3.1 CHARTE DE LA BIENTRAITANCE ENVERS LES PERSONNES AÎNÉES LESBIENNES, GAIES, BISEXUELLES ET TRANSIDENTAIRES
1.4 LES ENJEUX DE SANTÉ MENTALE CHEZ LES AINÉS GAIS ET LESBIENNES (J. BEAUCHAMP & L. CHAMBERLAND), SANTÉ MENTALE AU
QUÉBEC, VOL. XL, NO 3, AUT. 2015.
MODULE 2 – LES COMPÉTENCES À DÉVELOPPER POUR MIEUX INTERVENIR AUPRÈS DES PERSONNES DE LA
DIVERSITÉ SEXUELLE, LEUR COUPLE ET LEUR FAMILLE
2.1 PRINCIPAUX PROBLÈMES PSYCHOSOCIAUX RENCONTRÉS PAR LES PERSONNES DES DIVERSITÉS SEXUELLES
2.2 DÉVELOPPER UNE INTERVENTION EXEMPTE DE BIAIS HÉTÉROSEXISTE (I. DEMCZUK & L. PERERS),
2.3 COMMENT ABORDER LA QUESTION DE LA SEXUALITÉ AVEC LES CLIENTÈLES ?
BIBLIOGRAPHIE POUR EN SAVOIR PLUS
MODULE 3 – RÉSILIENCE ET CAPACITÉ D’AGIR CHEZ LES PERSONNES DE LA DIVERSITÉ SEXUELLE
3.1
3.2
3.3
3.4
RÉSILIENCE ET EMPOWERMENT, (D’APRÈS MICHEL DORAIS, LE MÉTIER D’AIDER, VLB ÉDITEUR, 2015)
PARENTALITÉ ET JEUNES TRANSGENRES : UN SURVOL DES ENJEUX VÉCUS ET DES INTERVENTIONS À PRIVILÉGIER POUR LE
DÉVELOPEMENT DE PRATIQUES TRANSAFFIRMATIVES (A. PULLEN-SANSFAÇON), SANTÉ MENTALE AU QUÉBEC, VOL XL, NO 3,
2015
VIVRE AVEC DE MULTIPLES BARRIÈRES, GROUPE METISS/AGIR, 2015 (EXTRAITS).
PROGRAMME NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE 2015-2025
MODULE 4 – PISTES DE PRÉVENTION POUR DIMINUER LES FACTEURS DE RISQUE ET AUGMENTER LES FACTEURS
DE PROTECTION CHEZ LES PERSONNES DE LA DIVERSITÉ SEXUELLE
4.1
4.2
4.3
4.4
4.5
ON NE VA PAS S’ARRÊTER EN SI BON CHEMIN, DE SAINS ET SAUFS, (M. DORAIS & E. VERDIER), VLB, 2005, P. 148-49.
POWER POINT «VERS LA MISE EN ŒUVRE D’ACTIONS CONCERTÉES VISANT L’ÉLIMINATION DE L’HOMOPHOBIE
LES 4 TYPES DE PRÉVENTION DE L’INTIMIDATION HOMOPHOBE SELON DONN SHORT («DON’T BE SO GAY», UBC, 2013).
LA TRANSPHOBIE EN MILIEU SCOLAIRE AU QUÉBEC (L. CHAMBERLAND ET AUTRES), 2011, P. 22-33.
L’INTERVENTION AUPRÈS DES CLIENTÈLES ISSUES DE LA DIVERSITÉ SEXUELLE, RÉSUMÉ D’APRÈS UN TEXTE DE SYLVIE THIBEAULT,
UQO, (RECHERCHES #49)
BIBLIOGRAPHIE POUR EN SAVOIR PLUS
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1.1
Article
« L’expérience des parents d’un enfant d’orientation homosexuelle : savoirs issus des
recherches et perspectives d’intervention »
Kévin Lavoie et Isabel Côté
Service social, vol. 60, n° 1, 2014, p. 15-33.
Pour citer cet article, utiliser l'information suivante :
URI: http://id.erudit.org/iderudit/1025131ar
DOI: 10.7202/1025131ar
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L’expérience des parents d’un enfant d’orientation
homosexuelle : savoirs issus des recherches et
perspectives d’intervention
LAVOIE, Kévin
Étudiant à la maîtrise
Travail social
Université du Québec en Outaouais
CÔTÉ, Isabel
Professeure
Travail social
Université du Québec en Outaouais
RÉSUMÉ
Au cours des trente dernières années, plusieurs chercheurs et intervenants sociaux se sont
intéressés à l’expérience des jeunes de minorités sexuelles, particulièrement en ce qui concerne
le dévoilement de leur orientation sexuelle et ses répercussions sur le plan de la santé physique
et mentale. Or, peu d’études ont exploré le point de vue des parents d’un enfant d’orientation
homosexuelle. L’objectif principal de cet article est de faire l’état des connaissances à propos de
l’expérience singulière de ces parents, au regard de la diversité de leurs réactions à l’annonce
de l’homosexualité de leur enfant et l’émergence de leur nouvelle identité parentale et
conjugale. Cette démarche s’inscrit dans une volonté d’acquérir une compréhension et une
analyse critique de ce phénomène, en plus de documenter les pratiques d’intervention
psychosociale et communautaire développées à l’intention des parents.
Mots-clés : Dévoilement de l’orientation sexuelle, homosexualité, parent, enfant, jeune
ABSTRACT
Over the last thirty years, many researchers and practitioners have focused on the experience of
sexual minorities youth, particularly in regard to the disclosure of their sexual orientation and its
implications for their physical and mental health. However, few studies have explored the
perspective of parents of a gay or lesbian child. The main objective of this article is to review the
state of knowledge about the unique experience of these parents, in terms of the diversity of
their reactions to the coming out of their child’s homosexuality and the emergence of their new
parental and spousal identity. This is part of an effort to gain an understanding and a critical
analysis of this phenomenon, in addition to documenting the psychosocial and community
practices developed for those parents.
Keywords: Coming out, Sexual orientation, Homosexuality, Parent, Child, Youth
Service social – Volume 60, numéro 1, 2014
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L’EXPÉRIENCE DES PARENTS D’UN ENFANT D’ORIENTATION HOMOSEXUELLE
INTRODUCTION
Depuis plus de trente ans, plusieurs spécialistes en recherche sociale et en intervention clinique
se sont intéressés à l’expérience des jeunes des minorités sexuelles, particulièrement en ce qui
concerne le dévoilement de leur orientation sexuelle1 et de ses répercussions sur le plan
individuel (LaSala, 2013). Aujourd’hui, les gais et les lesbiennes divulguent leur réalité affective
à leur entourage plus tôt dans leur vie, comparativement aux générations précédentes (Dube,
2000 ; Schope, 2002). Considérant l’acceptation croissante de la diversité sexuelle et la
présence accrue de modèles positifs dans la société, certains jeunes prennent conscience de
leur attirance envers les personnes de même sexe, cheminent vers l’acceptation de leur
homosexualité et la dévoilent parfois à l’aube de leur adolescence.
Or, malgré les avancées légales survenues au Québec et au Canada mettant fin à toute
discrimination juridique envers les personnes homosexuelles, l’égalité sociale n’est pas encore
pleinement atteinte pour les membres des communautés gaies et lesbiennes. L’homophobie, la
lesbophobie et l’hétérosexisme sont encore présents dans les établissements scolaires
(Chamberland et al., 2011 ; Émond et Bastien Charlebois, 2007 ; Taylor et al., 2010), les milieux
de travail (Chamberland, 2007 ; Dowling et Buxton, 2005) et le réseau de la santé et des
services sociaux (Brotman et al., 2006 ; Robinson, 2009). Exacerbées par le stress lié au statut
minoritaire (Meyer, 2003), les oppressions homophobes et hétérosexistes peuvent engendrer
des effets négatifs sur la santé physique et mentale des personnes homosexuelles (Julien et
Chartrand, 2005). Ces dernières sont plus susceptibles d’avoir une faible estime de soi, de
ressentir de l’anxiété et d’adopter des comportements à risque lorsqu’elles se sentent isolées,
incomprises et rejetées par leurs pairs (Rohner, 2004 ; Ryan, 2003). L’absentéisme et le
décrochage scolaire sont aussi des répercussions négatives associées à la victimisation
(Walton, 2004), de même que la dépression et la détresse suicidaire (Charbonnier et Graziani,
2013 ; Dorais et Lajeunesse, 2000).
Les craintes réelles ou appréhendées liées au dévoilement de leur orientation sexuelle
accentuent considérablement la vulnérabilité des personnes gaies et lesbiennes,
particulièrement à l’adolescence (D’Augelli, 2002 ; Savin-Williams, 2001). Craignant le rejet et
l’ostracisme, ces jeunes sont susceptibles de vivre des moments d’angoisse à l’idée de se
confier à leurs parents, surtout s’ils sont dépendants d’eux sur le plan financier ou émotionnel
(D’Augelli et al., 1998 ; Paul et al., 2002). Ils attendront parfois de quitter le giron familial avant
de révéler leur homosexualité, profitant de points tournants dans leur vie pour le faire, comme la
poursuite d’études postsecondaires dans une autre ville. Malgré ces appréhensions, plusieurs
souhaitent tout de même aller de l’avant dans leur processus de coming out auprès de leurs
parents, afin de cesser de mentir par omission ou pour rendre leurs relations plus authentiques
(Savin-Williams, 2001 ; Strommen, 1990).
1 Cette expression, aussi appelée coming out ou « sortie du placard », réfère au processus par lequel une personne
gaie ou lesbienne dévoile, annonce ou confie son homosexualité à son entourage (les amis et amies, les membres de
la famille, les camarades de classe, les collègues de travail, etc.).
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Lorsqu’ils dévoilent leur orientation sexuelle, les jeunes sont susceptibles de se confier
d’abord à leurs amis, ensuite à leur mère et, finalement, à leur père (Carnelley et al., 2011 ;
Charbonnier et Graziani, 2011 ; Savin-Williams et Ream, 2003). Les recherches démontrent que
l’acceptation et le soutien parental sont des facteurs de protection contre les effets négatifs de la
victimisation sur le bien-être et la santé mentale des jeunes gais et lesbiennes (D’Augelli et al.,
2005 ; Needham et Austin, 2010 ; Padilla et al., 2010). À cet égard, les parents ont un rôle
important à jouer auprès de leur enfant (Goldfried et Goldfried, 2001). Leur réaction initiale est
un facteur déterminant quant à la qualité de la relation qu’ils entretiendront avec leur enfant
après le dévoilement de son orientation sexuelle (Ben-Ari, 1995).
À la lumière de ces différents constats, il apparaît pertinent de s’enquérir du point de vue des
parents d’un enfant gai ou lesbienne. L’objectif principal de cet article est de faire une synthèse
des connaissances sur l’expérience des parents en contexte de dévoilement de l’homosexualité
de leur enfant, à travers une recension de la documentation sur le sujet. Les recherches ont été
analysées de manière à répondre aux questions suivantes : comment réagissent-ils à cette
annonce ? Comment s’adaptent-ils à cette nouvelle facette de leur vie familiale ? Quelles sont
les interventions sociales à favoriser pour le soutenir ? Puisque la vaste majorité des études se
sont penchées presque exclusivement sur le vécu de parents d’enfants d’orientation
homosexuelle et que les expériences des personnes bisexuelles sont peu documentées
(Watson, 2014), nous avons choisi de circonscrire notre démarche et de ne pas généraliser les
résultats aux réalités associées à la bisexualité.
Divisé en quatre parties, cet article marque une volonté d’acquérir une compréhension et une
analyse critique de ce phénomène, en plus d’amorcer une réflexion sur les pratiques sociales
auprès des familles. La première partie propose un survol des réactions des parents en réponse
à la divulgation de l’orientation sexuelle de leur enfant, tandis que la deuxième présente les
défis associés à leur nouvelle identité en tant que parents d’un enfant non hétérosexuel. La
troisième section explore les pratiques psychosociales et communautaires développées à leur
intention. Enfin, la dernière partie expose les limites des études recensées et les prospectives
de recherches sur le sujet.
L’EXPÉRIENCE DES PARENTS D’UN ENFANT D’ORIENTATION HOMOSEXUELLE
Phénomène émergent s’il en est, l’expérience des parents d’un enfant gai ou lesbienne
demeure peu documentée à l’heure actuelle. La majorité des écrits sont d’origine étasunienne et
reposent majoritairement sur des récits anecdotiques ou des témoignages rétrospectifs de
parents (D’Amico et al., 2012). Bien que le Québec se démarque par ses mesures progressistes
en matière de diversité sexuelle et de lutte contre l’homophobie (Audet, 2007 ; Gouvernement du
Québec, 1997 ; Gouvernement du Québec, 2009), peu de recherches se sont attardées à
l’expérience des parents d’un enfant non hétérosexuel (D’Amico, 2010). Longtemps consacrées
aux aspects biologiques et médicaux associés à l’homosexualité, les études occidentales sur les
minorités sexuelles appréhendent depuis une quinzaine d’années seulement l’expérience des
personnes homosexuelles en tenant compte de leurs réalités sociales et familiales (LaSala,
2013 ; Tremblay et al., 2007).
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La démarche documentaire
La méthode utilisée pour effectuer cette recension respecte les normes habituellement
préconisées pour ce genre de démarche (Cooper, 2010 ; Curtis et Curtis, 2011). Elle a pour but
d’identifier les thèmes centraux examinés jusqu’à maintenant par les chercheurs, d’intégrer les
savoirs issus des recherches et d’en dégager les contradictions et les limites. Différentes bases
de données couramment utilisées en sciences sociales ont été consultées pour effectuer la
recension des écrits dont PsycARTICLES, Sage Journals Online, SocINDEX, Social Services
Abstracts, Taylor & Francis, Cairn et Érudit. Les mêmes mots-clés ont été utilisés pour les bases
de données anglophones soit « coming out », « youth », « homosexual* » et « parental
reaction » alors que les mots-clés « homosexu* », « adolescen* » et « parent* » ont été employé
pour les bases de données francophones. Le corpus a été complété par l’ajout d’articles
pertinents référencés dans la bibliographie de ceux repérés dans les bases de données. Seuls
les articles publiés depuis le début des années 1990 ont été considérés.
Pour être retenus, les articles et autres documents devaient traiter de la diversité des
réactions des parents à l’annonce de l’homosexualité d’un enfant, des enjeux et des
considérations associés à l’émergence d’une nouvelle identité parentale et familiale ou, encore,
aborder plus spécifiquement les pratiques d’intervention psychosociale ou communautaire
visant à soutenir les parents. Une quinzaine de ces articles se basent sur le point de vue des
parents eux-mêmes, 19 traitent plutôt de la perception des jeunes quant à la réaction de leurs
parents lors du dévoilement et 15 offrent une perspective croisée. La recension des écrits a
permis de rassembler 49 documents (n = 49) contributifs à l’articulation de cette problématique,
dont 29 études empiriques, 3 recensions, 4 articles ou chapitres de livre de facture théorique,
12 articles ou monographies d’orientation clinique et une thèse de doctorat. Ce matériau
provient majoritairement de recherches en psychologie, mais aussi d’autres disciplines comme
le travail social et la thérapie conjugale. Enfin, les articles publiés dans d’autres langues que le
français ou l’anglais n’ont pas été retenus.
Les réactions des parents à l’annonce de l’homosexualité de leur enfant
« Maman, Papa… j’ai quelque chose d’important à vous dire »
Le dévoilement de l’homosexualité d’un enfant est vécu de différentes façons de la part des
parents. Les réactions oscillent entre le positif et le négatif et peuvent même être contradictoires
(D’Amico et al., 2012). Contrairement à la croyance populaire, ce moment n’est pas toujours le
précurseur d’une crise familiale (Savin-Williams et Dube, 1998). Il est toutefois synonyme de
bouleversements, lesquels varient selon divers facteurs, tels que les croyances religieuses,
l’origine ethnique, l’accessibilité à des ressources de soutien et le niveau de connaissances par
rapport aux réalités homosexuelles des parents (Bertone et Franchi, 2014 ; Goodrich, 2009 ;
Savin-Williams, 1998). Selon Strommen (1989), la moitié des parents réagissent négativement
lors du coming out de leur enfant. Les résultats des recherches plus récentes précisent que les
réactions parentales vont au-delà de la dichotomie rejet/acceptation et qu’elles s’inscrivent plutôt
dans un spectre d’émotions et de comportements, comprenant la honte, la culpabilité, le déni, la
détresse, la tristesse et la colère (Armesto et Weisman, 2001 ; Saltzburg, 2004 ; Willoughby et
al., 2006).
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Dans le cadre d’une étude réalisée auprès de huit parents d’un enfant gai ou lesbienne,
Susan Saltzburg (2004) s’est intéressée à la variabilité des réactions parentales, à travers une
démarche rétrospective et phénoménologique. Ses résultats montrent que les réactions des
parents sont plurielles et diversifiées. Certains d’entre eux se demandent si c’est de leur
« faute » si leur enfant est comme « ça », accentuant leurs sentiments de culpabilité et de blâme
à propos de leurs compétences parentales. D’autres exprimeront des craintes par rapport au
bien-être de leur enfant et de ses perspectives d’avenir, tandis que d’autres refuseront
d’accueillir la nouvelle, croyant qu’il ne s’agit que d’une phase passagère. Certains parents se
sentiront trahis, interprétant le fait de ne pas avoir été mis au courant en premier comme le gage
d’un manque de confiance envers eux. Finalement, quelques-uns réagiront plus violemment en
reniant leur enfant ou en le sommant de quitter la maison familiale.
D’Amico et ses collègues (2012) abondent dans le même sens, mais soulignent également
que le coming out d’un enfant peut aussi avoir des répercussions positives. En effet, certains
parents estiment que cet événement leur a permis de faire preuve de soutien et de sollicitude,
en plus d’être une occasion de conforter leur sentiment d’amour inconditionnel envers leur
enfant. D’autres associent le coming out de leur fille ou de leur fils à une preuve d’audace ou de
courage, ce qui leur procure un sentiment de fierté. La façon dont se déroulera le dévoilement
peut également avoir un impact sur les réactions des parents. Selon Ben-Ari (1995), une façon
positive d’annoncer son homosexualité telle que « je suis gai et heureux » est liée à une plus
grande réceptivité chez les parents, comparativement à une formulation plus neutre (par
exemple : « je suis gai ») ou négative (« mon problème est que je suis gai »).
Plusieurs facteurs peuvent influencer les réactions parentales. L’adhésion à des traditions et
valeurs hétérosexistes et à une vision stéréotypée des rôles de genre semble attiser le rejet des
personnes d’orientations non hétérosexuelles (D’Augelli, 2006 ; Heatherington et Lavner, 2008 ;
Ryan et al., 2009). De même, l’adhésion à une religion qui condamne l’homosexualité peut
exacerber le désespoir des parents ou les tensions entre les membres de la famille (Bertone et
Franchi, 2014). Certaines caractéristiques du système familial sont également à considérer. Les
résultats de la recherche conduite par Willoughby et ses collègues (2006) auprès de 72 jeunes
hommes âgés de 18 à 26 ans montrent que les réactions des parents à l’annonce de
l’homosexualité de leur fils sont liées à la cohésion familiale et à l’exercice de l’autorité
parentale. Les réactions semblent plus positives chez les familles présentant une plus forte
cohésion et dont les parents sont perçus comme impliqués auprès de leurs enfants,
contrairement à celles des parents présentant un style parental autoritaire et dont la cohésion
familiale est moins affirmée. En outre, des éléments de l’environnement familial peuvent
moduler le niveau de cohésion et le degré d’adaptabilité des familles, dont leur niveau de
connaissances avérées sur les réalités gaies et lesbiennes et la fréquence des contacts qu’elles
entretiennent ou non avec des membres de la diversité sexuelle (Darby-Mullins et Murdock,
2007 ; Reeves et al., 2010).
Contrairement aux idées reçues, les réactions parentales lors du dévoilement ne diffèrent pas
en fonction du sexe de l’enfant ou celui du parent (Charbonnier et Graziani, 2011 ; D’Amico et
Julien, 2012 ; Saltzburg, 2004). Toutefois, elles entraînent des répercussions différentes quant à
l’adaptation du jeune à la suite du dévoilement de son orientation sexuelle. L’étude réalisée au
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Québec par D’Amico (2010) auprès de 53 dyades parents/enfant démontre que les réactions de
la mère et celles du père influent différemment sur le processus d’adaptation des jeunes.
Utilisant un devis de recherche mixte, cette recherche a permis d’identifier trois facteurs de
classification des réactions parentales, issus de l’analyse factorielle, soit le soutien apporté à
l’enfant, la détresse exprimée par le parent et les doutes entretenus quant à la stabilité de
l’orientation sexuelle de l’enfant. Les réactions négatives de la mère et un manque de soutien de
sa part sont liés à des difficultés d’affirmation identitaire et de détresse psychologique chez le
jeune, tandis que les réactions négatives du père et les doutes qu’il exprime quant à la stabilité
de l’orientation sexuelle de son enfant sont liés à des épisodes de détresse suicidaire et à des
problèmes de consommation de drogues vécus par ce dernier au cours de la dernière année.
Ces résultats sont concordants avec ceux de l’étude menée en France par Charbonnier et
Graziani (2011) auprès de 33 jeunes lesbiennes et de 49 jeunes gais. Si les réactions
parentales en réponse au dévoilement de l’orientation sexuelle de leur enfant ne diffèrent pas
significativement entre les pères et les mères, il reste néanmoins que les jeunes interrogés
considèrent que l’attitude maternelle évolue plus rapidement vers une plus grande acceptation.
Contrairement à l’étude québécoise de D’Amico (2010), les résultats montrent que, si les
réactions paternelles négatives sont liées aux idéations et à l’agir suicidaires, les attitudes
négatives des mères ne semblent pas avoir d’impacts particuliers.
Vers une nouvelle identité parentale et familiale
« Je suis le parent d’un enfant pas comme les autres »
Apprendre que son enfant est gai ou lesbienne provoque une redéfinition de l’identité parentale
(Goodrich, 2009 ; Grafsky, 2014). La négociation d’un passage vers cette nouvelle identité
s’inscrit dans un processus d’adaptation (D’Augelli, 2005). Certaines études ont comparé ce
processus à celui d’un deuil, évoquant le cadre d’analyse en cinq étapes développé à l’origine
par Kübler-Ross (1969) où le choc, le déni, la colère et la négociation se succèdent pour mener
finalement à l’acceptation. Des études ultérieures ont toutefois précisé que ce processus n’est
pas linéaire, et que son apport conceptuel et clinique est reconnu pour une variété de situations
potentiellement stressantes. En ce sens, l’usage du terme « deuil » pour référer à des
événements autres que la mort, tel le coming out d’une personne, est jugé inadéquat.
Savin-Williams et Dube (1998) estiment qu’une adhésion trop rigide à ce modèle mène à une
vision réductrice de l’expérience des parents et ne rend pas compte de la diversité de leurs
réactions potentielles, ce qui peut avoir pour effet d’accentuer leur détresse et de les
déposséder de leur pouvoir d’agir. Les perceptions qu’entretiennent les parents par rapport à
l’homosexualité en général influenceront grandement ce processus ; par exemple, un parent
craignant que son enfant soit victime d’ostracisme ressentira de la tristesse plutôt que du déni,
tandis qu’un autre éprouvera peut-être de la colère s’il considère que l’homosexualité est un
choix et que son enfant fait fausse route en adoptant un tel « style de vie ». La capacité de
résilience des parents, reflétée entre autres par leurs habiletés de communication et leur
ouverture d’esprit, est considérée comme un atout qui les prédispose à vivre sainement ce
processus (Lee et Lee, 2006). À travers une recension des recherches empiriques,
Heatherington et Lavner (2008) proposent un modèle conceptuel novateur intégrant trois
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dimensions qui influencent le processus d’adaptation des parents, soit les réactions initiales de
la mère, du père et de la fratrie lors du coming out, les interactions entre les membres de la
famille et le bien-être familial. Les variables individuelles (culture, ethnie, religion, etc.) et
relationnelles (cohésion entre les membres, adaptabilité de la famille, etc.) sont également
prises en considération dans ce cadre d’analyse. Les éléments associés aux nouvelles
constellations familiales, par exemple la présence des beaux-parents dans le cas des familles
recomposées ou celle des membres de la famille choisie, ne sont toutefois pas compris dans ce
modèle.
Certains parents amorcent leur processus d’adaptation avant même la sortie du placard de
leur enfant (Aveline, 2006 ; D’Augelli et al., 2008). Les comportements qui dérogent aux
stéréotypes de genre sont alors perçus comme des indices trahissant une orientation
homosexuelle. Les parents qui, par exemple, observent leur enfant jouer avec des jouets
typiques de l’autre sexe (un garçon joue avec des poupées, une fillette s’amuse avec des
camions) sont susceptibles d’entretenir certains doutes quant à son orientation sexuelle. À ce
propos, D’Augelli et ses collègues (2005) ont interrogé 293 jeunes d’orientation homosexuelle
ou bisexuelle au sujet de leur coming out à leur entourage. La majorité d’entre eux (n = 194)
appartenait à un groupe dont les parents présumaient de leur orientation non hétérosexuelle,
tandis qu’un deuxième groupe (n = 99) était constitué de jeunes dont les parents ne le savaient
pas. Les résultats indiquent que les jeunes du premier groupe affirment avoir ressenti moins de
craintes avant de révéler leur homosexualité ou leur bisexualité à leurs parents, et ont bénéficié
d’un plus grand soutien de leur part après le dévoilement. De plus, ils dénotaient une moins
grande homophobie intériorisée, contrairement aux répondants du deuxième groupe. Les
chercheurs émettent l’hypothèse selon laquelle les réactions des parents se sont avérées plus
positives lors du coming out des jeunes du premier groupe, puisqu’ils avaient déjà entamé,
parfois inconsciemment, leur processus d’acceptation.
Outre les réactions initiales présentées dans la section précédente, l’expérience des parents
d’un enfant gai ou lesbienne est façonnée par d’autres éléments, dont celui de leur propre
coming out. En effet, ces parents ont désormais le choix de dévoiler ou non leur statut
minoritaire en tant que mère ou père d’un enfant d’orientation homosexuelle. Dès lors, ils
doivent faire face à des craintes similaires à celles vécues par les personnes gaies et lesbiennes
(Crosbie-Burnett et al., 1996 ; Goodrich, 2009). La peur du rejet et du jugement d’autrui
s’immisce alors dans leur vie (Strommen, 1990). À la question « est-ce que votre fille à un
amoureux ? » ou « comment se prénomme la copine de votre fils ? », les parents sont
soudainement confrontés à la présomption d’hétérosexualité qui marginalise quotidiennement
les membres de la diversité sexuelle. Les moments propices aux échanges et aux discussions,
telles les réunions de famille et les activités de loisirs, sont autant d’occasions qui viennent
exacerber le stress ressenti par les parents, particulièrement lorsque ces derniers ne sont pas à
l’aise avec leur nouvelle identité (LaSala, 2000 ; Phillips et Ancis, 2008). Malgré tout, les
chercheurs estiment que la grande majorité des parents finissent par accepter l’orientation
sexuelle de leur enfant, sans toutefois en tirer un sentiment de fierté (Goodrich et Gilbride,
2010 ; Hunter, 2007).
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de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
L’EXPÉRIENCE DES PARENTS D’UN ENFANT D’ORIENTATION HOMOSEXUELLE
Perspectives d’intervention
Les réponses sociales aux besoins spécifiques des parents d’un enfant d’orientation
homosexuelle ont été documentées à partir de récits de pratique de thérapeutes et de
psychologues cliniciens. Bien que les interventions décrites dans les articles et les livres publiés
à ce sujet aient rarement fait l’objet d’une évaluation empirique, les savoirs d’expérience des
spécialistes de la relation d’aide auprès des minorités sexuelles convergent vers deux objectifs
principaux (Woodward et Willoughby, 2013). D’abord, l’intervention auprès des parents doit viser
à améliorer la cohésion familiale et non pas à changer l’orientation sexuelle du jeune.
L’apprentissage de techniques de communication efficaces et adaptées à leurs réalités et
l’acquisition de nouvelles traditions familiales sont considérés comme les moyens à privilégier
(Hunter, 2007). Ensuite, l’intervention doit favoriser l’acquisition de connaissances générales sur
l’homosexualité. Cela permet de diminuer les peurs liées à l’inconnu, tout en offrant une vision
positive et saine de cette orientation sexuelle (Saltzburg, 2004). Ces pratiques d’intervention
sont décrites dans cette section en tenant compte des structures communautaires existantes au
Québec, de l’accueil de la demande d’aide à l’évaluation des besoins, en passant par
l’accompagnement et le soutien social entre pairs.
Accueil de la demande d’aide
Les personnes gaies et lesbiennes ont cheminé parfois pendant de nombreuses années avant
d’être en mesure de dévoiler leur orientation sexuelle. LaSala (2000) rappelle que les parents
ont eux aussi besoin de temps pour accepter le fait que leur enfant soit attiré par des personnes
du même sexe. Lors du premier contact avec un parent en demande d’aide, plusieurs
intervenants estiment qu’il est judicieux de le laisser « ventiler » ses émotions, sans recadrer
immédiatement l’homophobie ou les préjugés décelés possiblement dans certaines paroles
(Hunter, 2007).
L’expression libre des craintes et des malaises ressentis par le parent est une étape
importante, et ce, pour trois raisons. D’abord, elle favorise l’émergence d’un lien de confiance
entre l’intervenant et le parent en permettant à ce dernier d’aborder, peut-être pour la première
fois, une situation qui le bouleverse. Les techniques d’écoute active, de reformulation et de
validation sont alors privilégiées.
Ensuite, elle procure des informations quant aux perceptions entretenues par le parent à
l’égard des personnes homosexuelles et, de façon plus subtile, son degré d’adhésion aux
stéréotypes de genre. Sous le couvert de commentaires tels que « ça ne me dérange pas que
ma fille soit lesbienne, mais elle est trop butch » ou « mon fils m’a dit qu’il est gai, mais pourquoi
ne peut-il pas se comporter comme un vrai homme ? », le parent évoque son inconfort par
rapport aux comportements et aux attitudes qui transgressent les modèles féminins et masculins
traditionnels (Grossman et al., 2005 ; Kane, 2006).
Finalement, elle laisse entendre au parent que ses réactions sont tout à fait normales et
qu’elles sont le gage de son attachement avec son enfant, et non pas un désaveu à l’égard de
ses capacités parentales. À l’aide d’une simple remarque telle « ce que j’entends à travers ce
que vous me racontez, c’est que vous aimez énormément votre enfant et que vous souhaitez
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son bien-être », la culpabilité ressentie jusqu’alors peut se transformer en sentiment de
compétence. De fait, l’expression de la demande d’aide des parents est une occasion de
normaliser leur situation, en plus de stimuler l’appropriation de leur pouvoir d’agir.
Évaluation des besoins et accompagnement
Par ailleurs, LaSala (2000) suggère aux praticiens sociaux de favoriser le maintien des contacts
réguliers entre l’enfant et ses parents, sans nécessairement aborder de près ou de loin le sujet
de l’orientation sexuelle. Par exemple, lors de conversations téléphoniques, les membres de la
famille sont invités à discuter de sujets neutres susceptibles de ne pas aviver les tensions et
dépourvus de jugements de valeur. L’objectif est de préserver le lien familial, aussi infime soit-il,
tout en laissant le temps aux parents de cheminer à leur rythme et à l’enfant de conserver un
lien avec sa famille d’origine. Une rupture complète des liens risque de compromettre la
possibilité de les rétablir plus tard. Pour sa part, Green (2000) souligne l’apport important, et
souvent négligé par les thérapeutes, de la « famille choisie », c’est-à-dire des individus que la
personne homosexuelle identifiera comme importants dans sa vie, étant donné l’absence ou le
rejet de sa famille d’origine. Bien qu’il n’y ait pas de lien de parenté entre eux, la personne gaie
ou lesbienne entretient des liens significatifs avec les membres de sa famille choisie. Ces liens
ne se substituent pas toujours à ceux qui ont été rompus avec la famille d’origine, mais peuvent
s’additionner à ceux qui existent déjà. Selon Green (2000), la présence et le soutien des
membres de la famille choisie doivent être reconnus, voire encouragés, de la part des
intervenants sociaux. Lors de l’évaluation du fonctionnement social, les relations basées sur les
affinités choisies plutôt que sur le lien de sang doivent être alors considérées afin d’identifier la
richesse du réseau social de la personne et les sources potentielles de soutien.
Tout au long de l’accompagnement des parents, l’intervenant peut leur suggérer diverses
lectures afin de leur procurer des sources d’informations adéquates et vulgarisées. L’acquisition
de connaissances exemptes de préjugés est jugée propice à la déconstruction de conceptions
stéréotypées ou dépréciatives associées à l’homosexualité (Hunter, 2007). Bien que les
ouvrages disponibles sur le sujet proviennent majoritairement des pays anglo-saxons et relèvent
du domaine de la psychologie populaire (Martin et al., 2010), certains sont tout de même
disponibles en français, dépeignent le contexte québécois et sont rédigés à l’intention des
jeunes (Dorais et Verdier, 2005) ou de leurs parents (Giasson, 2007). En outre, Saltzburg (2007)
souligne les mérites d’une intervention thérapeutique basée sur l’approche narrative, au cours
de laquelle les parents sont invités à réfléchir et à réécrire leur histoire familiale en posant un
regard non hétérosexiste. Le but est de se détacher de la situation pour être en mesure d’en
cerner les ramifications et, éventuellement, de recadrer les attentes des parents (Long et al.,
2006). Cette démarche s’accompagne de préoccupations éducatives visant à les sensibiliser
aux réalités gaies et lesbiennes à l’aune des enjeux liés à l’homophobie.
Soutien social et pratiques communautaires
Les besoins exprimés par des parents en demande d’aide ont fait émerger différentes initiatives
communautaires et associatives à travers la francophonie. À titre d’exemple, des outils de
sensibilisation à l’intention des parents ont été développés en France (Association Contact,
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L’EXPÉRIENCE DES PARENTS D’UN ENFANT D’ORIENTATION HOMOSEXUELLE
2007) et en Belgique (Ex æquo et Tels Quels, 2009), principalement sous forme de brochures.
Plus près de nous, au Québec, l’organisme RÉZO a mis en ligne en 2013 un site Internet2 à
l’intention des parents et des proches de jeunes gais. Cette plateforme comprend une panoplie
de vignettes d’informations vulgarisées permettant de répondre directement aux questions que
se posent les parents, ainsi que des capsules vidéos présentant des témoignages de personnes
interpellées de près ou de loin par l’expérience familiale associée au coming out d’un fils. Une
liste exhaustive de ressources est également offerte.
Plusieurs organismes québécois à but non lucratif proposent des services spécialisés pour
les parents d’enfants de minorités sexuelles, dont le programme Jeunesse Idem3 situé à
Gatineau et le groupe montréalais de l’association pancanadienne Parents, Families and
Friends of Lesbians and Gays (PFLAG)4. Ce type d’entraide fournit un espace permettant aux
parents de ventiler leurs émotions, de normaliser leurs réactions et d’atténuer leur sentiment de
honte, en plus de leur offrir l’occasion de briser leur isolement (Broad, 2011 ; Saltzburg, 2009).
Le Groupe régional d’intervention sociale de Québec5 offre depuis 2008 un service de soutien
entre pairs. Après un premier contact téléphonique ou en personne avec un intervenant
professionnel, le parent est invité à rencontrer un autre parent pour pouvoir échanger et discuter
en toute confidentialité. Il pourra alors évoquer les questions qui le préoccupent (par exemple :
« qu’est-ce que j’ai fait pour que mon enfant soit comme ça ? » ou « qu’est-ce que j’aurais dû
faire ? ») sans craindre les jugements d’autrui. Le contact avec des parents ayant intégré leur
nouvelle identité parentale et pouvant raconter leur cheminement avec sérénité procure des
modèles positifs à ceux qui entament leur processus d’adaptation (Hunter, 2007 ; Lee et Lee,
2006).
Limites des recherches et prospectives
Cette synthèse des écrits a permis de mieux comprendre les réactions des parents et leurs
processus d’adaptation suite au dévoilement de l’orientation homosexuelle de leur enfant.
Néanmoins, il importe de souligner certaines limites des études recensées, tant sur le plan
méthodologique que sur l’étendue des connaissances actuelles. D’abord, la majorité des études
sont de nature qualitative et reposent sur des échantillons de petite taille. Leur homogénéité est
déplorée, puisque la plupart des parents interrogés sont des mères d’origine caucasienne
issues de la classe moyenne (Goodrich et Gilbride, 2010; Saltzburg, 2004). Le point de vue des
pères comme celui des parents issus de communautés ethnoculturelles sont peu représentés
dans le cadre des recherches, limitant considérablement la pluralité et la diversité des
2 Visitez le site : « Et si mon fils était homosexuel : un endroit pour apprendre, comprendre, aider et partager » à
l’adresse : [www.monfilsgai.org].
3 Le programme Jeunesse Idem est un service d’information et de soutien pour les jeunes des minorités sexuelles
et leurs proches de la région de l’Outaouais : [www.jeunesseidem.com].
4 PFLAG Canada est un organisme national qui vise à soutenir les parents et les autres membres de la famille de
personnes non hétérosexuelles. Un réseau de sections locales réparties à travers le pays développent des
ressources éducatives en matière d’orientation et d’identité sexuelles, en plus de proposer des services entre pairs de
soutien individuel et de groupe : [www.pflagcanada.ca].
5 Le GRIS-Québec a pour mission de promouvoir une vision positive de l’homosexualité et de la bisexualité en vue
de favoriser une intégration harmonieuse des personnes gaies, lesbiennes et bisexuelles dans la société :
[www.grisquebec.org].
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expériences parentales. Également, peu d’études ont documenté le point de vue des membres
de la fratrie, c’est-à-dire des frères et sœurs de la personne qui s’identifie comme gai ou
lesbienne (Toomey et Richardson, 2009). Pourtant, la fratrie a une influence évidente sur les
interactions familiales (D’Augelli et al., 2010 ; Heatherington et Lavner, 2008 ; Hilton et
Szymanski, 2011). Par exemple, un conflit de loyauté peut survenir lorsqu’un frère ou une sœur
d’orientation homosexuelle sollicite le soutien des membres de sa fratrie. Cette dernière peut
faciliter le processus d’adaptation de parents bouleversés, en leur proposant une nouvelle
perception de la situation.
Par ailleurs, les collectes de données ont souvent été effectuées par l’entremise
d’associations ou de groupes d’entraide réunissant des parents qui souhaitent mieux
comprendre et accepter leurs enfants. L’étude québécoise de D’Amico (2010) présente
également ce biais puisque les dyades parents-enfants ont été recrutées principalement au sein
d’organismes communautaires voués à la diversité sexuelle. Les chercheurs reconnaissent que
les parents recrutés dans le cadre de leurs projets de recherche témoignent d’une plus grande
aisance à parler de leur vécu et acceptent mieux l’orientation sexuelle de leur enfant que les
parents plus isolés, ou ceux aux prises avec certains problèmes d’adaptation (Broad, 2011).
Finalement, la vaste majorité des recherches ont documenté les réactions initiales des parents
peu de temps après l’annonce de l’homosexualité de leur enfant. Peu d’entre elles ont exploré
les répercussions à long terme et le processus d’adaptation parentale et familiale (Goodrich et
Gilbride, 2010 ; Heatherington et Lavner, 2008).
Certaines réalités liées au dévoilement d’une orientation non hétérosexuelle restent
méconnues. C’est le cas de l’expérience des personnes bisexuelles, a fortiori celle de leurs
parents. D’une part, il existe une certaine représentation de la bisexualité voulant qu’elle soit
une phase transitoire entre les catégories dichotomiques et binaires de l’homosexualité et de
l’hétérosexualité (Brewster et Moradi, 2010 ; Russel et Seif, 2010 ; Sheets et Mohr, 2009).
D’autre part, une auto-identification bisexuelle est moins courante compte tenu des préjugés
tenaces qui y sont associés (par exemple, la sexualité débridée des personnes bisexuelles ou
leur incapacité à entretenir des relations conjugales saines et satisfaisantes) et l’invisibilité ou
l’absence d’une communauté bisexuelle (Brewster et Moradi, 2010 ; Sheets et Mohr, 2009).
Conséquemment, les personnes bisexuelles sont plus nombreuses à utiliser d’autres termes
que ceux liés directement à l’orientation sexuelle pour se définir (Diamond, 2008 ; Fortin, 2010).
La plupart des études portant sur les jeunes des minorités sexuelles ne comprennent pas
d’échantillons assez grands pour cerner des différences significatives entre les jeunes gais et
lesbiennes et ceux s’identifiant comme bisexuels. Les chercheurs sont alors enclins à
généraliser les résultats obtenus auprès des gais et des lesbiennes à la population bisexuelle
(Russel et Seif, 2010). Ces considérations expliquent en partie la tendance à englober les
personnes bisexuelles dans l’acronyme « LGB » ou l’expression « minorités sexuelles » sans
qu’il y ait reconnaissance de leurs particularités ou expériences spécifiques, notamment en ce
qui a trait à la biphobie sociale et intériorisée.
Ces limites mettent en lumière le potentiel que recèle cet objet d’étude peu documenté,
particulièrement au Québec. Ce constat invite donc à explorer d’autres pistes de recherche et à
approfondir les travaux précédents. À cet effet, il serait intéressant de constituer des
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L’EXPÉRIENCE DES PARENTS D’UN ENFANT D’ORIENTATION HOMOSEXUELLE
échantillons composés de jeunes gais et lesbiennes et de leurs parents, afin de trianguler les
différents points de vue concernant leur situation familiale et de comparer leurs expériences
respectives. En ce sens, des efforts supplémentaires seraient nécessaires pour inclure le regard
des pères et celui des membres de la fratrie. Il en va de même pour les parents issus de
communautés ethnoculturelles, puisque leur expérience est façonnée par une double
discrimination, soit celle basée sur l’orientation sexuelle de leur enfant et celle liée à leur
appartenance culturelle d’origine (LaSala et Frierson, 2012). Les difficultés pour rejoindre ce
groupe de la population dans le cadre d’études scientifiques font en sorte que les recherches à
ce sujet sont peu nombreuses et s’attardent principalement à l’expérience des jeunes (D’Amico
et al., 2008 ; Potoczniak et al., 2009).
CONCLUSION
L’expérience des parents d’un enfant gai ou lesbienne n’est pas homogène ni
unidimensionnelle. Les recherches montrent qu’elle se conjugue plutôt au pluriel et se vit de
différentes façons, selon une panoplie de facteurs individuels, conjugaux et sociaux. Les
réactions des parents à l’annonce de l’homosexualité de leur enfant revêtent des expressions
diversifiées et parfois même contradictoires, au prisme de bouleversements familiaux. Outre les
sentiments de culpabilité, de honte ou de crainte, ces parents expérimentent une variété
d’émotions qui vont au-delà de la dichotomie du rejet et de l’acceptation. Le dévoilement de
l’homosexualité d’un enfant peut même entraîner des répercussions positives. Cet événement
s’inscrit dans un processus d’adaptation au cours duquel les parents endossent une nouvelle
identité en tant que mère et père d’un enfant d’une autre orientation sexuelle que celle de la
majorité. L’émergence de cette nouvelle identité met en lumière certaines difficultés auxquelles
sont parfois confrontés les parents, dont la remise en question de leurs compétences
parentales, la présomption de l’hétérosexualité de leur enfant et, conséquemment, leur propre
coming out en tant que parent d’un fils gai ou d’une fille lesbienne.
Un long chemin reste néanmoins à parcourir avant de bien cerner l’ensemble des éléments
entourant le coming out d’un jeune et les réactions de ses parents, ainsi que les stratégies
d’adaptation mises en place par chaque membre de la famille pour en surmonter les difficultés.
Les interactions sociales et les dynamiques familiales sont aussi à prendre en considération.
Certaines questions de recherche demeurent en suspens, notamment en ce qui concerne les
familles issues de communautés culturelles et les réalités des personnes bisexuelles et de leurs
parents. Dans un contexte où les questions liées à la diversité sexuelle ont obtenu récemment
une reconnaissance sociale et étatique (Gouvernement du Québec, 2009), mieux comprendre
l’expérience des parents d’enfants de minorités sexuelles permet de développer des réponses
sociales adaptées à leurs besoins spécifiques, tout en favorisant le bien-être des jeunes.
LAVOIE, Kévin
Étudiant à la maîtrise
Travail social
Université du Québec en Outaouais
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CÔTÉ, Isabel
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Travail social
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1.2
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1.3.1 Charte de la bientraitance envers les personnes
Une proposition de la Fondation Émergence
aînées lesbiennes, gaies, bisexuelles
et transidentitaires
Préambule
Attendu que les personnes aînées de minorités sexuelles peuvent présenter un niveau élevé de vulnérabilité;
Attendu que celles et ceux qui œuvrent auprès des personnes aînées lesbiennes, gaies, bisexuelles
et transidentitaires (LGBT) ou les côtoient, doivent contribuer à leur bientraitance;
Attendu que l’homophobie est une forme de discrimination au sens de la Charte des droits et libertés
de la personne du Québec et de la Charte canadienne des droits et libertés;
1. Assurer aux personnes aînées LGBT un traitement égalitaire
exempt de toute manifestation homophobe et transphobe.
Claude Monet, La cabane des douaniers, effet de matinée, (détail), huile sur toile, 1882. Christie’s Images / Getty Images
2. Assurer aux personnes aînées LGBT un environnement exempt
d’homophobie et de transphobie.
3. Prendre les mesures nécessaires pour que les personnes
qui œuvrent auprès des personnes aînées ou les côtoient,
adoptent une attitude positive à l’égard de l’homosexualité
et de la transidentité.
4. Respecter le choix d’une personne aînée de dévoiler ou non
son orientation sexuelle ou sa transidentité.
5. Assurer la confidentialité des informations obtenues relatives
à l’orientation sexuelle ou à la transidentité d’une personne
aînée, à moins d’avoir obtenu son consentement pour les
divulguer.
7. Soutenir dans leurs démarches les personnes aînées victimes
d’homophobie et de transphobie tant de la part des
intervenants que des autres bénéficiaires.
8. Manifester des signes d’ouverture à l’égard des personnes
aînées isolées du fait de leur orientation sexuelle ou de leur
transidentité.
9. Encourager le respect et l’ouverture d’esprit des bénéficiaires
à l’égard des personnes aînées LGBT.
10.Inclure la lutte contre l’homophobie et la transphobie dans les
programmes de formation destinés aux personnes œuvrant
auprès des personnes aînées.
11. S’abstenir de présumer de l’orientation sexuelle d’une
personne et respecter son expression ou son identité
de genre.
6. Prendre les mesures nécessaires pour contrer les
manifestations homophobes et transphobes, qu’elles soient
verbales, psychologiques ou physiques, incluant les gestes,
les moqueries et les insinuations.
Programme
En partenariat avec Gai Écoute
1 888 505-1010 / www.gaiecoute.org
Pour que vieillir soit gai
www.fondationemergence.org
45
Produit avec le soutien du programme Québec ami des aînés (QADA) du ministère de la Santé et des Services sociaux, Secrétariat aux aînés. Amendée en janvier 2015.
Dans ce contexte, la présente charte propose aux personnes qui œuvrent auprès des personnes aînées
ou les côtoient, d’adhérer aux principes suivants :
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de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
1.4
Les enjeux de santé mentale
chez les aînés gais et lesbiennes
Julie Beauchampa
Line Chamberlandb
résumé La plupart des gais et lesbiennes aînés ont été marqués dans leur trajectoire de vie par des expériences de discrimination et de stigmatisation reliées à
leur orientation sexuelle. Ces expériences négatives peuvent avoir eu des impacts
sur leur parcours de vie et sur leur santé mentale. Même si, actuellement, la majorité des aînés gais et lesbiennes ont et maintiennent une bonne santé mentale, il
ressort des études que les personnes non hétérosexuelles sont plus à risque de
développer certains problèmes tels que l’anxiété, la dépression, les idéations suicidaires et la consommation excessive d’alcool et d’autres substances. Cet article
présente les facteurs pouvant fragiliser la santé mentale des aînés gais et lesbiennes, soit la victimisation et l’exposition à diverses formes de préjudices au cours
du parcours de vie, la gestion continue du dévoilement ou de la dissimulation de
l’orientation sexuelle, le degré d’homophobie intériorisée ainsi que la solitude ; et
les facteurs potentiels de protection tels que les capacités de résilience, le réseau
social et le soutien social. Cet article conclut sur les implications quant à la prise
en compte des besoins propres aux aînés gais et lesbiennes. Des recommandations
sont mises de l’avant dans une perspective de reconnaissance des enjeux touchant
les aînés gais et lesbiennes, et d’amélioration des services qui leur sont offerts.
a. Étudiante au doctorat en sexologie, Université du Québec à Montréal (UQAM) ;
ex-boursière du Programme stratégique de formation en recherche transdisciplinaire sur les interventions en santé publique : Promotion, Prévention et
Politiques Publiques (P) des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC)
et du Réseau de recherche en santé des populations du Québec (RRSPQ).
b. Ph. D., professeure, Département de sexologie, Université du Québec à Montréal
(UQAM) – Titulaire de la Chaire de recherche sur l’homophobie.
Santé mentale au Québec, , XL, no , -
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174 ! Santé mentale au Québec, , XL, no 
mots clés homosexualité, gais, lesbiennes, aînés, santé mentale, vieillissement,
stigmatisation, résilience, réseau social, soutien social, homophobie intériorisée
The mental health issues among gay and lesbian elders
abstract Most gay and lesbian elders have experienced discrimination and
stigmatization related to their sexual orientation in their life trajectory. These
negative experiences may have had an impact on their life course and on their
mental health. Even if the majority of gay and lesbian older adults actually have
and maintain good mental health, studies show that non-heterosexual people are
at a greater risk of developing certain difficulties, such as anxiety, depression,
suicidal thoughts and excessive consumption of alcohol and other substances. This
article presents the factors that may weaken the mental health of older gay and
lesbian people, such as victimization and the exposure to various forms of prejudice
in their life course, the continuous management of the disclosure or dissimulation
of their sexual orientation, the degree of internalized homophobia, as well as
loneliness; and also presents the potential protective factors, such as building
resilience, social networks and social support. This article concludes by illustrating
the implications concerning the specific needs of the gay and lesbian elders. Some
recommendations are also formulated with regards to recognizing the issues
affecting gay and lesbian older adults as well as improving the services that are
offered to them.
mots clés homosexuality, gays and lesbians, aging, mental health, stigmatization
Introduction
Les gais et lesbiennes qui font partie de la génération des aînés ont
traversé des périodes historiques caractérisées par des changements
majeurs des attitudes envers l’homosexualité. Avant les années ,
celle-ci était réprouvée de toutes parts, sanctionnée à la fois comme
un crime, une maladie et un péché. Au Canada, les comportements
homosexuels ayant lieu en privé entre adultes consentants ont été
décriminalisés en  (Smith, ). En , l’homosexualité comme
déviance sexuelle fut retirée du Manuel diagnostique et statistique des
troubles mentaux (DSM-II), mais le diagnostic de l’homosexualité
égodystonique, applicable aux personnes éprouvant des malaises ou
perturbées par leur orientation homosexuelle, ne fut éliminé qu’en 
(Drescher, ). Cinq ans plus tard, soit en , l’Organisation mondiale de la santé décidait à son tour de retirer l’homosexualité de la
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de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Les enjeux de santé mentale chez les aînés gais et lesbiennes ! 175
Classification internationale des maladies (Drescher, ). La laïcisation des institutions a affaibli le poids du religieux dans la définition des
normes sexuelles. Au cours des deux dernières décennies, des changements politiques et législatifs ont progressivement mis fin à des années
de discrimination légale, en octroyant l’égalité de droit aux personnes
homosexuelles et en reconnaissant leurs réalités conjugales et familiales,
notamment avec la loi sur l’union civile et les nouvelles règles de filiation
adoptées au Québec en  et la loi canadienne donnant accès au
mariage aux conjoints de même sexe en  (Corriveau, ). De
telles transformations à la fois reflètent et contribuent à l’émergence
d’un discours positif sur l’homosexualité.
La perspective du parcours de vie invite à examiner les expériences
des aînés gais et lesbiennes dans leur globalité, à la fois sous l’angle
individuel, comme un ensemble de trajectoires idiosyncrasiques survenues sur les plans développemental, identitaire, familial, conjugal,
éducationnel, professionnel et résidentiel, et sous l’angle sociétal (Bessin,
 ; Cavalli, ). La plupart des gais et lesbiennes aînés ont été
marqués dans leur trajectoire de vie par des perceptions et des expériences négatives reliées à leur orientation sexuelle. Dans un contexte
hostile, voire menaçant, cacher son homosexualité n’était pas un choix,
mais une façon de se protéger des conséquences dramatiques qui
pouvaient advenir si celle-ci devenait connue (Knauer, ). Aujourd’hui, un enjeu majeur qui concerne cette population est son invisibilité sociale que l’on peut attribuer à une convergence de facteurs (Auger
et Krug,  ; Blando,  ; Shankle, Maxwell, Katzman et Landers,
). La discrimination et la stigmatisation y ont certes contribué en
incitant plusieurs gais et lesbiennes aînés à dissimuler ou taire leur
orientation sexuelle, en particulier hors du cadre de leur vie privée
(Addis, Davies, Greene, McBride-Stewart et Shepherd,  ; Brotman,
Ryan et Cormier,  ; Knauer, ). Pour plusieurs, les appréhensions d’un rejet, d’une subtile mise à distance, d’un traitement inéquitable demeurent présentes. D’autre part, l’hétérosexisme et l’âgisme
entretiennent l’occultation de leurs réalités. L’idéologie hétérosexiste
se traduit au quotidien par la présomption d’hétérosexualité dans les
interactions sociales : une personne est considérée comme hétérosexuelle à moins de dévoiler son homosexualité à chaque nouvelle
occasion, ce qui va à l’encontre des habitudes de prudence et de discrétion acquises au fil des ans par nombre d’aînés gais et lesbiennes
(Chamberland et Petit, ). L’âgisme nourrit des préjugés persistants
quant à l’asexualité des aînés, surtout parmi les cohortes les plus âgées,
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176 ! Santé mentale au Québec, , XL, no 
et entretient le tabou sur les interrogations concernant les formes
d’expression affectives et sexuelles chez les personnes de ce groupe
d’âge (Brotman et al.,  ; Knauer,  ; Price, ).
Une conséquence majeure de l’invisibilité sociale des gais et lesbiennes aînés est la faible prise en compte de leurs trajectoires particulières et de leurs besoins propres dans les services institutionnels et
communautaires s’adressant à la cohorte des aînés, de même que dans
les activités offertes dans les milieux gais et lesbiens, qui ne sont pas,
eux-mêmes, exempts de préjugés âgistes. Cette situation est appelée à
se transformer avec les changements démographiques en cours et avec
l’arrivée d’une cohorte générationnelle ayant participé aux diverses
luttes pour l’égalité, la reconnaissance des droits ou autour du VIHsida. Il est difficile de chiffrer la part de la population aînée non hétérosexuelle dans la population totale : les estimations varient entre  %
et  % selon l’Institute of Medecine (IOM, ) – soit de  à  millions
de personnes gaies, lesbiennes et bisexuelles (GLB) de plus de  ans
aux États-Unis d’ici  (Fredriksen-Goldsen et Muraco, ) – à
 % selon Auger et Krug (). Quoi qu’il en soit, le poids relatif des
aînés gais et lesbiennes va s’accroître avec le vieillissement de la population. La composition de la cohorte des personnes de  ans et plus
sera transformée avec l’avancée en âge d’une génération homosexuelle
plus affirmée sur le plan identitaire et plus revendicatrice sur le plan
politique.
Les études sur la santé et le bien-être des aînés gais et lesbiennes
sont récentes et peu nombreuses. En ce qui concerne le Québec et le
Canada, il n’existe pas de données populationnelles ni d’études se
basant sur des échantillons vastes et diversifiés. L’Enquête sur la santé
dans les collectivités canadiennes menée par Statistique Canada vise
à recueillir des renseignements sur l’état de santé, l’utilisation des
services de santé et les déterminants de santé de la population canadienne. Une mesure de l’orientation sexuelle faisant appel à l’autoidentification y a été ajoutée en , mais elle s’applique seulement
aux répondants et répondantes de  à  ans (Chamberland, BeaulieuPrévost, Julien, N’Bouké et de Pierrepont, ). Cependant, plusieurs
recherches menées principalement en Amérique du Nord, en GrandeBretagne, en Irlande et en Australie se sont intéressées aux inégalités
dans l’état de santé et dans l’accès aux services de santé en défaveur
des aînés gais et lesbiennes, aux impacts de la stigmatisation et des
discriminations vécues tout au long du parcours de vie, mais également
au développement de capacités d’adaptation et de résilience suscep-
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de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Les enjeux de santé mentale chez les aînés gais et lesbiennes ! 177
tibles d’amener cette population à mieux envisager les défis du vieillissement. Le présent article se penche sur les enjeux relatifs à la santé
mentale qui ont émergé de la documentation scientifique sur les aînés
gais et lesbiennes : l’état de santé mentale, les facteurs qui la fragilisent
et ceux qui offrent une protection favorisant le maintien d’une bonne
santé mentale, pour se terminer avec quelques recommandations afin
de mieux répondre aux besoins des aînés gais et lesbiennes.
La santé mentale des aînés gais et lesbiennes : que sait-on ?
Selon les études disponibles, provenant principalement des États-Unis,
la majorité des aînés gais et lesbiennes ont une bonne santé mentale
(D’Augelli, Grossman, Hershberger et O’Connell,  ; FredriksenGoldsen et al.,  ; Jessup et Dibble,  ; Lévy et al.,  ; Lyons,
Pitts et Grierson,  ; McCann, Sharek, Higgins, Sheerin et Glacken,
 ; Orel,  ; Shippy, Cantor et Brennan, ). Le tableau 
présente les caractéristiques des principales études citées dans cet
article ainsi que leurs limites respectives. Dans une recherche menée
par Grossman, D’Augelli et O’Connell () auprès de  personnes
GLB âgées de  à  ans en Amérique du Nord ( sites de recherche
aux États-Unis et  au Canada),  % des participants considèrent avoir
une bonne santé mentale. L’enquête nationale de Fredriksen-Goldsen
et al. () auprès de   personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et
transgenres (LGBT) de  à  ans vivant aux États-Unis révèle que la
perception par les participants de leur état de santé mentale globale
est positive et que  % d’entre eux sont satisfaits de leur vie.
Par ailleurs, des études portant sur des populations d’âge varié
constatent que les personnes GLB sont plus à risque de développer des
problèmes de santé mentale que la population hétérosexuelle en général
(Addis et al.,  ; Fredriksen-Goldsen, Kim, Barkan, Muraco et HoyEllis,  ; Meyer, ). King et al. () concluent de leur revue
systématique et de leur méta-analyse d’études portant sur la santé
mentale des personnes GLB en comparaison des personnes hétérosexuelles (cohortes, cas témoins ou études transversales) que les risques
de dépression, de troubles d’anxiété, de dépendance à l’alcool et à
d’autres substances sont , fois plus élevés dans la population GLB
comparativement à la population hétérosexuelle (tous âges confondus),
alors que le risque de tentative de suicide est deux fois plus élevé. Il
n’est donc pas étonnant de constater qu’une part appréciable des aînés
GLB disent avoir éprouvé des problèmes de santé mentale au cours de
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de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
178 ! Santé mentale au Québec, , XL, no 
leur vie, principalement des épisodes de dépression et des pensées
suicidaires (McCann et al., ). De même, parmi les participants à
l’enquête de Fredriksen-Goldsen et al. (), près du tiers disent avoir
eu des symptômes de dépression et d’anxiété et  % des idéations
suicidaires au cours de leur vie. Dans leur étude, Jenkins Morales, King,
Hiler, Coopwood et Wayland () estiment les proportions de personnes LGBT ayant probablement vécu une dépression à , % parmi
la génération des baby-boomers et , % parmi la génération précédente, qualifiée de silencieuse.
Lorsque des problèmes de santé mentale se manifestent ou persistent avec l’avancée en âge chez les aînés gais et lesbiennes, ils
demeurent similaires à ceux observés à l’âge adulte : dépression, anxiété,
risque suicidaire, consommation excessive d’alcool et de substances,
stress, auxquels s’ajoute le sentiment de solitude (Fredriksen-Goldsen
et al.,  ; Grossman et al.,  ; McCann et al.,  ; Orel,  ;
Reisner et al., ). Dans la recherche de Shippy et al. (),  % des
participants rapportent des sentiments dépressifs alors que  % des
participants à l’étude de Grossman et al. () disent avoir eu des
pensées suicidaires. Enfin, nous disposons d’une étude pancanadienne
menée auprès d’un échantillon d’hommes gais et bisexuels âgés de 
ans et plus. Parmi les  hommes gais et bisexuels, près des trois
quarts qualifient leur santé mentale d’excellente ou de très bonne alors
que  % rapportent au moins un problème de santé mentale. Les
principales préoccupations rapportées en santé mentale touchent
l’anxiété, la solitude et la dépression. Globalement, le portrait de santé
mentale qui en ressort est plus positif chez les  ans et plus comparativement aux - ans (Lévy et al., ).
Dans l’état actuel, les recherches demeurent trop fragmentaires
pour que l’on puisse dresser un portrait précis de l’ampleur des problèmes de santé mentale chez les aînés gais et lesbiennes. Néanmoins,
deux constats semblent se dégager : une majorité d’aînés gais et lesbiennes se perçoivent comme ayant une bonne santé mentale, alors
qu’une minorité non négligeable, mais variable selon les études, rapportent des problèmes ou des préoccupations relatives à leur santé
mentale. Les variations selon les études peuvent être attribuables aux
biais d’échantillonnage ainsi qu’aux différentes catégories d’âges considérées.
52
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Les enjeux de santé mentale chez les aînés gais et lesbiennes ! 179
Tableau 1
Liste des principales études citées
Auteurs,
année de
publication
Pays
D’Augelli et
Grossman
(2001)
États-Unis
(18 sites)
Canada
(1 site)
D’Augelli et
al. (2001)
Grossman et
al. (2001)
Population (âge,
orientation
sexuelle, genre)
Méthodes/
Recrutement
N = 416
Questionnaire/
A = 60-91 ans
Organisations et
(m = 68,5)
groupes sociaux
OS = 92 % gais et
lesbiennes
et 8 % bisexuels
G = 71 % hommes
et 29 % femmes
Principales variables
ou principaux
thèmes
Limites
méthodologiques
Caractéristiques de
santé mentale
(estime de soi,
solitude, homophobie intériorisée,
risque de suicide),
caractéristiques de
santé physique,
utilisation et abus de
substances, réseau
de soutien social,
expériences de
victimisation reliées
à l’orientation
sexuelle et les
expériences avec le
VIH/sida
- Échantillon de
convenance
- Critère de recrutement :
auto-identification selon
l’orientation
sexuelle
- Recrutement
dans les
organisations
identifiées
comme gaies
FredriksenGoldsen et
al. (2011)
États-Unis N = 2 560
Questionnaire/
A = 50-95 ans
Organisations
(m = 66,5 ans)
OS = 61 % gais,
33 % lesbiennes,
5 %, bisexuels,
1 % queers/autres
G = 62,9 %
hommes,
37,2 % femmes,
6,8 % transgenres
Caractéristiques
générales, santé
physique et mentale,
satisfaction de la vie,
qualité de la vie,
conditions de santé,
comportements de
santé, dépistage de
santé, accessibilité
aux services de
santé, divulgation,
victimisation,
discrimination,
stigmatisation,
caractéristiques de la
prestation de soins
et de la réception de
soins et services
nécessaires
- Échantillon de
convenance
- Critère de recrutement :
auto-identification selon
l’orientation
sexuelle
- Enquête de
nature
transversale, ce
qui limite la
possibilité de
mesurer les
relations
temporelles
entre les
variables
Jenkins
Morales et
al. (2014)
États-Unis N = 151
Questionnaire
A = 50-79
en ligne/
(m = 59,2)
Organisations
OS = 49 % gais,
36,4 % lesbiennes,
7,3 % bisexuels,
7,3 % autres
identifications
G = 47,7 %
hommes,
45,7 % femmes,
3,9 % transgenres
(2 à l’extérieur des
catégories)
Barrières dans
l’accessibilité aux
services, divulgation
de l’orientation
sexuelle, expériences
de violence et
victimisation, et
santé mentale
- Échantillon de
convenance
- Critère de recrutement : autoidentification
selon l’orientation sexuelle
- Recrutement
dans les
organisations
LGBT
- Le recrutement
en ligne
53
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
180 ! Santé mentale au Québec, , XL, no 
Auteurs,
année de
publication
Pays
Population (âge,
orientation
sexuelle, genre)
Méthodes/
Recrutement
Principales variables
ou principaux
thèmes
Limites
méthodologiques
Lévy et al.
(2012)
Canada
N = 411 hommes
gais et bisexuels
A = 55-65 +
Questionnaire
en ligne/
Organisations
Variables sociodémographiques,
indicateurs de l’état
de santé, préoccupations relatives à la
santé et aux relations
interpersonnelles
- Le recrutement
en ligne : plus
difficile de
rejoindre les
hommes plus
âgés
- Sousreprésentation
des hommes de
65 ans et plus
Lyons et al.
(2013)
Australie
N = 415 hommes
gais (99 %)
A = 40-60 +
Questionnaire
en ligne/
Organisations et
autres sites
reliés
Variables démographiques, mesures de
santé mentale
positive et variables
psychosociales
- Le recrutement
en ligne ne
rejoint pas les
hommes gais
sans accès à
Internet
- Enquête de
nature
transversale :
impossibilité de
déterminer les
directions de la
causalité
McCann et
al. (2013)
Irlande
Questionnaire
N = 144
A = 55-80 +
(m = 60)
OS = 61 % gais,
20 % lesbiennes,
9 % bisexuels,
6 % ne s’identifient pas,
2 % hétérosexuels,
2 % autres
G = 65 % hommes,
27 % femmes,
7 % transgenres,
1 % autres
Entrevues
N = 36
A = 55-74
OS = 22 gais,
13 lesbiennes,
1 bisexuel
G = 22 hommes,
11 femmes,
2 transgenres,
1 autre
- Questionnaires
par la poste ou
par téléphone
- Entrevues
semi-dirigées/
Organisations
Questionnaire :
variables démographiques, expérience
de vie, orientation
sexuelle et identité
de genre, santé et
bien-être,
expériences dans les
services et enjeux de
santé mentale
Entrevue : questions
sur les expériences
et les perceptions
d’être une personne
aînée LGBT en
Irlande ainsi que sur
la santé mentale
- Échantillon non
probabiliste
- Critère de recrutement :
auto-identification selon
l’orientation
sexuelle
- Sousreprésentation
des femmes et
des personnes
de 70 ans et plus
54
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Les enjeux de santé mentale chez les aînés gais et lesbiennes ! 181
Auteurs,
année de
publication
Pays
Population (âge,
orientation
sexuelle, genre)
Méthodes/
Recrutement
Principales variables
ou principaux
thèmes
Limites
méthodologiques
Orel (2004)
États-Unis N = 26
A = 65-84
(m = 72,3)
G et OS =
10 hommes gais,
13 femmes
lesbiennes,
3 femmes
bisexuelles
Groupes de
discussion et
entrevues/
Organisations
Besoins et
préoccupations en
tant que personnes
aînées GLB et leur
degré de satisfaction
vis-à-vis des
prestataires de
services
- Échantillon de
convenance
- Critère de recrutement :
auto-identification selon
l’orientation
sexuelle
- Faible nombre
de participants
dans les groupes
de discussion
- Autosélection :
souvent
dépendant du
degré d’activité
et de participation dans la
communauté
GLB
Shippy et al.
(2004)
États-Unis N = 233 hommes
gais
A= 50-82
(m = 62)
Questionnaire/
Organisations
Caractéristiques
sociodémographiques, satisfaction
de la vie, santé,
prestation des soins,
besoins personnels
et réseau social et de
soutien social
- Échantillon de
convenance
- Échantillon
constitué
d’hommes gais
relativement
jeunes
(m = 62)
Les facteurs affectant négativement la santé mentale
La théorie du stress découlant d’un statut minoritaire (minority stress),
élaborée par Meyer (, ), propose un cadre d’analyse des écarts
en santé mentale entre les personnes GLB et les personnes hétérosexuelles en identifiant des facteurs pouvant engendrer un stress
chronique chez les personnes dont l’orientation sexuelle ne se conforme
pas aux attentes culturelles hétérosexistes : d’une part, les facteurs
externes, c.-à-d. ceux relatifs à la victimisation et à l’exposition à
diverses formes de préjudices, d’autre part, les facteurs internes, c.-à-d.
ceux référant aux dimensions subjectives telles que l’homophobie
intériorisée et la gestion continue du dévoilement ou de la dissimulation de l’orientation sexuelle dans les différentes sphères de vie. Le
cumul de tels facteurs crée des environnements stressants pour les
personnes GLB et affecte leur bien-être, pouvant ainsi mener au développement de problèmes de santé mentale (Chamberland et Petit,
 ; Fish,  ; IOM, ). Pour sa part, de Vries () propose de
55
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
182 ! Santé mentale au Québec, , XL, no 
distinguer trois formes de stigmatisation : la stigmatisation réelle ou
vécue (enacted stigma) qui se traduit par des comportements et des
manifestations homophobes tels que le rejet, les préjugés ou la violence ;
la stigmatisation ressentie ( felt stigma) correspondant aux effets des
expériences négatives antérieures vécues ou observées reliées à l’orientation sexuelle et qui se reflètent dans l’adoption de comportements de
protection pour prévenir la stigmatisation anticipée ; et la stigmatisation
intériorisée (internalized stigma) qui réfère à l’homophobie intériorisée.
Les recherches démontrent que la majorité des aînés gais et lesbiennes ont connu des expériences de stigmatisation et de discrimination en lien avec leur orientation sexuelle pendant leur parcours de vie.
Les participants à l’étude de Grossman et al. () rapportent avoir
subi diverses formes de violence dans le passé : insultes verbales ( %),
menaces de violence ( %), voies de fait ( %) et avec une arme ( %),
discrimination au travail ( %), menace de dévoilement de leur orientation sexuelle (outing) ( %). Les résultats sont similaires dans l’étude
irlandaise de McCann et al. () qui prend également en compte la
violence conjugale et la violence sexuelle rapportées par respectivement
 % et  % de leurs participants. Ces violences peuvent avoir été répétées. Selon l’enquête de Fredriksen-Goldsen et al. (), les deux tiers
des participants ont été discriminés ou victimisés au moins trois fois
au cours de leur vie. Selon l’étude de Jenkins Morales et al. (), dans
la majorité des cas, les expériences de violence et de discrimination
n’ont pas été rapportées aux autorités. Les personnes ayant dévoilé leur
orientation sexuelle plus tôt dans leur vie sont davantage enclines à
avoir vécu des expériences de discrimination, de stigmatisation et de
harcèlement (D’Augelli et Grossman,  ; Jenkins Morales et al.,
). Il ressort également de l’étude de D’Augelli et Grossman ()
que la santé mentale des aînés GLB ayant été attaqués physiquement
en raison de leur orientation sexuelle est plus fragile. Selon Koh et Ross
(), le développement de symptômes psychiatriques n’est pas lié à
l’orientation sexuelle en soi, mais à la stigmatisation. L’affirmation visà-vis des autres peut être vue comme une mesure indirecte du degré
de confort par rapport à son orientation sexuelle, mais elle expose
également à la stigmatisation. Ces résultats montrant l’ampleur des
expériences de victimisation vécues par les aînés gais et lesbiennes
dans leur parcours de vie appuient la théorie de Meyer selon laquelle
la prévalence de problèmes de santé mentale est attribuable à l’accumulation de stresseurs sociaux liés à l’orientation sexuelle (Meyer,
). Outre celle de D’Augelli et Grossman (), il manque toutefois
56
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Les enjeux de santé mentale chez les aînés gais et lesbiennes ! 183
d’études qui permettraient d’analyser plus en profondeur les effets
persistants au cours de la vieillesse de la stigmatisation vécue dans le
passé, de même que les facteurs pouvant en atténuer les répercussions
négatives. De plus, selon D’Augelli et Grossman (), font aussi défaut
les études explorant à quel âge ou à quel stade de la vie la victimisation
reliée à l’orientation sexuelle a le plus d’impact négatif.
L’acceptation de son orientation sexuelle ainsi que la gestion de son
dévoilement ou de sa dissimulation peuvent également avoir des
impacts sur la santé mentale. Dans l’étude de Lévy et al. () chez
les hommes gais et bisexuels de  ans et plus, l’acceptation de l’orientation sexuelle ainsi que la peur qu’elle soit découverte constituent des
préoccupations de santé importantes pour près de  % des participants. De même, constatent Chamberland et Petit () dans leur
recension des études sur les lesbiennes âgées, ces dernières doivent
composer avec les jugements intériorisés qui réprouvent le lesbianisme
et les craintes d’être étiquetées, ce qui entraîne des difficultés d’ajustement qui se traduisent par des indices de précarité sur le plan de la
santé mentale (faible estime de soi, niveau élevé de détresse psychologique, idées suicidaires) et des comportements à risque, telle la consommation d’alcool ou de drogue. La gestion de la divulgation ou non de
son orientation sexuelle est un processus continu qui perdure tout au
long de la vie. Les répercussions peuvent être dramatiques lors d’un
événement comme la perte d’un conjoint ou d’une conjointe, particulièrement quand la relation n’était pas ouvertement connue (Orel,
). À ce sujet, McCann et al. () ont constaté que certains des
participants ressentaient que leur deuil n’était pas véritablement
reconnu par la famille, les amis et la communauté plus large, et que
cette non-reconnaissance se répercutait sur leur santé mentale.
D’autre part, le sentiment de solitude peut affecter la santé mentale
des aînés gais et lesbiennes et il semble que le degré d’homophobie
intériorisée peut intensifier ce sentiment (Jacobs et Kane, ). La
faible intensité de la vie sociale et la solitude ressentie font partie des
difficultés fréquemment rapportées par les aînés GLB (Grossman et
al., ). Selon l’étude de Jenkins Morales et al. (), la majorité des
baby-boomers (, %) et des aînés de la génération silencieuse (, %)
disent manquer « parfois » ou « souvent » de compagnie, et respectivement , % et , % d’entre eux se sentent « souvent » exclus. La solitude préoccupe plus du quart des répondants de l’enquête canadienne
auprès des hommes gais et bisexuels de  ans et plus (Lévy et al., ).
Le sentiment de solitude et les symptômes dépressifs seraient égale-
57
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
184 ! Santé mentale au Québec, , XL, no 
ment associés au fait d’avoir vécu des expériences de victimisation
antérieurement (Grossman et al.,  ; Jenkins Morales et al., ).
Il faut rappeler que les gais et les lesbiennes vieillissants sont plus
nombreux à vivre seuls que les hommes et les femmes hétérosexuels
(Addis et al., ), qu’un grand nombre n’ont pas eu d’enfants et qu’un
réseau de soutien social restreint pourrait augmenter leur risque de
vivre de la solitude et de l’isolement social (Shippy et al., ). En
somme, concluent Fredriksen-Goldsen et Muraco () dans leur
recension de la documentation scientifique, la solitude, une faible
estime de soi, l’homophobie intériorisée et la victimisation – passée,
actuelle ou anticipée – en raison de l’orientation sexuelle sont des
prédicteurs d’une santé mentale fragile.
Les facteurs de protection : résilience, réseau social
et soutien social
Des études ont suggéré une série de facteurs associés à une bonne santé
mentale chez les gais et lesbiennes aînés et offrant un potentiel de
protection contre les effets négatifs de la stigmatisation, entre autres :
revenus élevés et sécurité financière, occupation d’un emploi à temps
plein, bonne santé physique, bon fonctionnement cognitif, estime
positive de soi, capacités de résilience, vision positive de son orientation
sexuelle (ou faible degré d’homophobie intériorisée), être en couple,
avoir des amis proches, présence d’un réseau social, disponibilité du
soutien social, implication dans la communauté LGBT, vivre peu de
solitude, croire que le public a une opinion positive vis-à-vis des homosexuels et ne pas avoir vécu de discrimination dans la dernière année
(Brown, Alley, Sarosy, Quarto et Cook,  ; D’Augelli et al.,  ;
Grossman et al.,  ; Jones et Nystrom,  ; Lyons et al., ). On
l’aura constaté, cette liste inclut à la fois des facteurs généraux qui ne
sont pas propres aux personnes GLB et des facteurs qui leur sont
propres (p. ex. homophobie intériorisée) ou dont la concrétisation
prend des formes qui leur sont particulières, comme les attitudes de la
population à leur égard. Nous aborderons dans les paragraphes suivants les enjeux relatifs aux capacités d’adaptation et de résilience des
aînés gais et lesbiennes ainsi qu’au maintien d’un réseau social.
En premier lieu, il faut souligner, et de nombreuses études l’ont
démontré, que les aînés gais et lesbiennes ont développé des capacités
d’adaptation et de résilience (crisis competence) relativement aux évènements dramatiques qu’ils peuvent avoir vécus, tels que les expériences
58
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Les enjeux de santé mentale chez les aînés gais et lesbiennes ! 185
de discrimination, et pour réduire les tensions liées au processus du
coming out. C’est sans doute là une des pistes d’explication du constat
de plusieurs études, à savoir qu’une large majorité se disent généralement heureux au cours du vieillissement (Butler,  ; de Vries,  ;
Fredriksen-Goldsen et Muraco,  ; Friend,  ; Metlife,  ;
Morrow, ). Ces capacités acquises au long du parcours de vie
peuvent aider les aînés gais et lesbiennes à maintenir une bonne santé
mentale et à surmonter les difficultés souvent associées au vieillissement, y compris pour les hommes vivant avec le VIH (Butler,  ;
Fredriksen-Goldsen et al.,  ; McCann et al.,  ; Metlife,  ;
Orel,  ; Wallach, ). Des entrevues auprès d’hommes québécois
de  à  ans vivant avec le VIH ont mis en évidence sept dimensions
de cette résilience : la maturité, l’acceptation de soi, l’autonomie, les
épreuves surmontées, l’appréciation de la valeur de la vie, l’attitude
positive et le sentiment d’être chanceux (Wallach, ). Selon l’étude
de King et Orel () auprès de  hommes gais de  à  ans, dont
 vivant avec le VIH, un niveau plus élevé de résilience est associé à
moins de problèmes de santé mentale alors qu’un niveau plus faible est
corrélé à davantage de besoins de santé non satisfaits et à un report
dans la recherche de services de santé physique ou mentale. Encore une
fois, l’analyse montre que la stigmatisation et l’homophobie intériorisée
affectent négativement le niveau de résilience.
Par ailleurs, plusieurs recherches ont déjà démontré l’importance
de la famille de choix, des amis, du réseau social et du soutien social
dans la vie des aînés gais et lesbiennes comme des éléments contribuant
à leur santé et à leur bien-être (de Vries et Megathlin,  ; Grossman
et al.,  ; Lyons et al.,  ; Masini et Barrett,  ; Shippy et al.,
). Fredriksen-Goldsen et al. () avancent que l’étendue du
réseau social et la disponibilité du soutien constituent des facteurs
potentiels de protection pouvant diminuer les symptômes de dépression. Ces constats n’étonnent pas en soi, mais le maintien d’un réseau
familial et social pose des défis uniques pour les aînés gais et lesbiennes
compte tenu des possibles ruptures antérieures de liens sociaux et des
préjugés persistants à leur égard, notamment dans leur propre cohorte
générationnelle. D’autres études font ressortir certaines particularités
du soutien social en rapport avec l’orientation sexuelle. Ainsi, selon
l’étude de Grossman et al. (), la solitude ressentie est à l’inverse
de la grandeur du réseau de soutien social et la connaissance de l’orientation sexuelle par les membres de ce réseau accroît la satisfaction
quant au soutien reçu. D’autre part, les recherches montrent que la
59
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
186 ! Santé mentale au Québec, , XL, no 
présence d’un conjoint ou d’une conjointe engendre des impacts positifs relativement à la solitude, à l’homophobie intériorisée, à l’étendue
du réseau social ainsi qu’à la connaissance de l’orientation sexuelle par
les membres de ce réseau, ce qui rejaillit sur le sentiment de bien-être
et la santé mentale (Chamberland et Petit,  ; Grossman et al.,
). La communauté LGBT pourrait aussi jouer un rôle phare auprès
de la population gaie et lesbienne vieillissante en lui offrant des services
et des programmes adaptés à ses réalités (Fredriksen-Goldsen et
Muraco,  ; Shippy et al., ). Selon l’évaluation d’un programme
d’intervention visant à réduire le risque de transmission du VIH ayant
ciblé des hommes gais vieillissants ( ans et plus) et présentant des
symptômes de dépression, d’anxiété et de solitude, il ressort que le
développement d’un réseau de soutien social contribue à réduire les
symptômes de dépression, d’anxiété sociale et de solitude des participants (Reisner et al., ).
Ce portrait, général et non exhaustif, rend compte de la complexité
des enjeux de santé mentale chez les aînés gais et lesbiennes. Il est
important de souligner que des limites méthodologiques ont été soulevées dans les recherches présentées (voir Tableau ). Une première
limite concerne l’échantillonnage : toutes les études recensées font
appel à des échantillons de convenance, donc non représentatifs de
l’ensemble de la population des aînés gais et lesbiennes. Les modes de
recrutement favorisent l’autosélection des participants et des biais
peuvent en découler. Ainsi, le recrutement à travers des organisations
LGBT rejoint en premier lieu les personnes présentes ou actives dans
ces organisations, donc moins isolées socialement. Quant au recrutement en ligne, il rejoint plus difficilement les personnes aînées, en
particulier les plus âgées, n’ayant pas accès ou peu familières avec
Internet. En second lieu, le critère de recrutement le plus souvent
retenu est celui de l’auto-identification selon l’orientation sexuelle, ce
qui peut exclure des personnes ayant des comportements homosexuels,
mais ne s’identifiant pas comme telles ou n’endossant pas les termes
« gai » ou « lesbienne ». Enfin, l’enquête transversale ne permet pas de
saisir les phénomènes dans leur évolution temporelle. Dans l’ensemble,
le faible nombre d’études empiriques, en particulier au Québec, permet
difficilement d’affiner le portrait offert. Il faut donc insister sur la
diversité des expériences, des parcours de vie et des ressources de ces
aînés.
60
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Les enjeux de santé mentale chez les aînés gais et lesbiennes ! 187
Implications et recommandations
Les différentes formes de discrimination et de stigmatisation sur la
base de l’orientation sexuelle ainsi que le stress lié au processus de
divulgation/dissimulation de l’orientation sexuelle peuvent également
avoir des effets sur l’accès aux services sociaux et de santé par les aînés
gais et lesbiennes, de même que sur la prise en compte de leurs besoins
par le personnel médical et professionnel (Addis et al.,  ; Brotman
et al.,  ; IOM,  ; Jessup et Dibble,  ; Knauer,  ; McCann
et al.,  ; Orel, ). Un constat récurrent dans les recherches sur
l’accessibilité et l’adaptation des services offerts dans divers types de
milieux est celui de l’hétérosexisme qui sévit dans le système de santé
(Fish, ). Que ce soit dans les grandes villes (Brotman et al.,  ;
Brotman et al.,  ; Sussman et al., ) ou dans les communautés
rurales (Knochel, Quam et Croghan, ), il semble que la plupart
des fournisseurs de services aux aînés ne perçoivent pas de différences
entre les clients hétérosexuels et non hétérosexuels, tout en mettant
l’accent sur la nécessité de traiter tout le monde sur le même pied
d’égalité. Cependant, le fait qu’ils soient peu conscientisés par rapport
aux parcours de vie des aînés gais et lesbiennes et qu’ils hésitent à
aborder ouvertement les questions d’identité et de sexualité limite
leur capacité de répondre adéquatement à leurs besoins en tenant
compte de la spécificité de leur réseau familial et social. Les présomptions hétérosexistes ne favorisent guère la divulgation de l’orientation
sexuelle ni la mise en place d’un cadre de communication accueillant
et soutenant. La combinaison de l’âgisme et de l’hétérosexisme peut
compromettre l’accès des aînés gais et lesbiennes à des ressources
adaptées à leurs réalités et à leurs parcours de vie non seulement dans le
système de santé, mais aussi dans leur communauté de vie, ce qui peut
nuire à la prévention, retarder l’établissement d’un diagnostic et d’un
traitement, ou encore entraîner le refus de tout recours à un service
ou de toute demande d’aide (Jessup et Dibble, ). Ces contraintes à
l’accessibilité des services peuvent à leur tour entraîner l’aggravation de
problèmes de santé physique et mentale chez les aînés GLB (Brotman
et al., ). D’autre part, les aînés gais et lesbiennes ont exprimé des
inquiétudes quant à leur acceptation et leur traitement dans les résidences pour aînés (Brotman et al.,  ; Hughes,  ; Orel,  ;
Stein, Beckerman et Sherman, ), et ces craintes peuvent s’amplifier
avec la fragilisation de l’état de santé et la diminution des capacités.
61
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
188 ! Santé mentale au Québec, , XL, no 
Il ressort de recherches américaines que les programmes de formation sur les expériences de vie et les besoins des aînés gais et lesbiennes
offerts dans les organisations publiques de santé ont des impacts positifs sur le développement des compétences culturelles des praticiens,
en favorisant une meilleure compréhension des disparités en matière
de santé, une connaissance des ressources LGBT et l’adoption de comportements préconisant des environnements respectueux et inclusifs
pour les aînés non hétérosexuels (Hardacker, Rubinstein, Hotton et
Houlberg,  ; Porter et Krinsky, ). Jacobs et Kane () proposent plusieurs recommandations pour améliorer la formation des
intervenants auprès des hommes gais et bisexuels aînés. Selon eux,
une meilleure connaissance du contexte sociohistorique dans lequel
ceux-ci ont vécu et des impacts de l’homophobie intériorisée, en particulier chez les hommes vieillissants, leur permettrait de concevoir des
stratégies visant à changer leurs perceptions et leurs attitudes négatives
vis-à-vis de leur orientation sexuelle. Les intervenants formés seraient
également plus aptes à encourager l’acquisition de compétences et le
développement de stratégies d’adaptation permettant de diminuer le
sentiment de solitude des aînés gais. Ces recommandations sont en
cohérence avec celles de King et Orel () qui mettent l’accent sur
une meilleure compréhension par les intervenants et les praticiens des
effets de l’homophobie intériorisée sur l’accessibilité et l’utilisation des
services, mais également sur l’identification de stratégies de résilience
afin d’accroître le recours aux services et d’améliorer l’état de santé.
En dernier lieu, ce portrait général laisse entrevoir que les lacunes
sont nombreuses sur le plan de la connaissance et qu’il importe de
poursuivre des études portant sur les enjeux de santé mentale chez les
aînés gais et lesbiennes afin de mieux comprendre les facteurs de stress
et de protection pouvant affecter leur santé mentale au cours du vieillissement.
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Les enjeux de santé mentale chez les aînés gais et lesbiennes ! 191
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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



Peur du rejet lors des études ou de
l’emploi
Peur d’être discriminé-e ou congédié-e
Peur d’être humilié-e
Anticipation de l’homophobie dûe aux
expériences vécues à l’adolescence
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
 Choix de carrière motivé par
l’anticipation du rejet plutôt que par un
intérêt réel
 Manque d’estime de soi
 Dépendance économique possible
 Manque d’initiative possible
 Manque de persévérance ou de
détermination




Développement de stratégies
d’adaptation au milieu de travail, quel
qu’il soit.
Valoriser les expériences de vie, les
stratégies adaptatives et les
compétences acquises.
Encourager la personne à prendre sa
place dans la société et à connaître
ses droits.
Aider à motiver ou orienter la
personne vers des études ou des
emplois possibles.
 Outiller l la personne à trouver (ou
créer) un emploi et à le conserver.
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Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Activités à risque chez les hommes :

Expérimentation sexuelle sans protection
 Augmentation des risques face aux ITSS

Socialisation limitée à la sexualité

Survalorisation de la sexualité
 Préoccupation excessive relative à l’image
corporelle

Consommation abusive de drogues et
d’alcool
 Manque d’estime de soi
 Anxiété

Consommation de stéroïdes
anabolisants
 Idéations et gestes suicidaires

Troubles alimentaires

Prostitution chez les jeunes




Activités à risque chez les femmes :

Relations hétérosexuelles non-protégées
(grossesse et ITSS)
 Ambivalence face à l’orientation sexuelle

Consommation abusive de drogues et
d’alcool
 Anxiété


Diffuser une information pertinente et
inclusive sur les sexualités gaie et
lesbienne.
Normaliser les relations amicales et
amoureuses entre personnes du même
sexe.
Contribuer à une meilleure image sociale
de l’homosexualité.
Référer aux groupes de soutien ou des
ressources spécialisées existants (ou en
susciter la création).
Démystifier et normaliser la sexualité entre
personnes de même sexe.
 Manque d’estime de soi
Prostitution chez les jeunes
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille

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de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
PATHOLOGISATION ET INDIFFÉRENCIATION DE L’HOMOSEXUALITÉ :
DEUX VISIONS À DÉPASSER
par Lynda Peers
avec la collaboration de Irène Demczuk
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Les minorités sexuelles, concepts, prémisses et structure d’une approche clinique adaptée (K. Igartua & R
Montoro) , Santé mentale au Québec, vol XL, no 3, aut. 2015.
91
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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Cahier de documents d'accompagnement
1
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
B. Cyrulnik, Les Vilains Petits Canards, Paris, Odile Jacob, 2001, p. 19.
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Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
-
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Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
J. Lecomte, Guérir de son enfance, Paris, Odile Jacob, 2010.
G. Garcia Marquez, Vivre pour la raconter, Paris, Grasset, 2003.
4 Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener, L’empowerment, une pratique émancipatrice, Paris, La Découverte, 2013.
2
3
99
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Extrait d’une conférence de Alain Touraine prononcée dans le cadre du colloque «Les professions sociales à l’aube du 3 e
millénaire» et parue dans Informations Sociales, no 5, 1981.
5
100
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
3.2
Parentalité et jeunes transgenres :
un survol des enjeux vécus
et des interventions à privilégier
pour le développement de pratiques
transaffirmatives
Annie Pullen Sansfaçona
résumé Cet article explore les connaissances les plus récentes sur l’expérience
des jeunes trans et de leur famille, et propose des pistes d’intervention pour les
professionnels travaillant directement ou indirectement avec ces populations. La
première partie de l’article étaye le contexte sociopolitique dans lequel grandissent
les jeunes trans. Cette discussion est suivie d’une recension des écrits sur les
connaissances relatives à l’expérience des jeunes trans et de leur famille. Finalement,
l’article propose deux pistes d’intervention à privilégier pour travailler avec ces
populations, et ce, dans une perspective de travail transaffirmative. Notamment,
on y propose de réapprendre le genre et de comprendre la complexité des parcours
et expériences des personnes transgenres, ainsi que de promouvoir l’autodétermination et le soutien des familles vers l’atteinte de leurs besoins.
mots clés parentalité, enfants et jeunes transgenres, intervention auprès des
parents, personne-environnement, oppression
Trans Youth and their Parents: an exploration of experiences
and interventions in a trans-affirming perspective
abstract This article explores the most recent knowledge on the experiences
of trans youth and their parents. The article also explores best practices for professional who work with those families. Finally the article proposes two main principles
of intervention to work with those populations, highlighting the importance of a
a. Professeure agrégée, École de service social, Université de Montréal.
Santé mentale au Québec, , XL, no , -
101
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
94 ! Santé mentale au Québec, , XL, no 
transaffirmative perspective. In particular, it is proposed to challenge the current
way of understanding gender and to appreciate the complexity of the various
trajectories young people may take. Furthermore, we suggest focusing the intervention on promoting self-determination of the young person as well as to support
families so they can better meet their child’s needs.
Objectives To provide comprehensive review of current knowledge on the experience of parenting a transgender youth, and to propose some reflections on directions for working with those families.
Method Written as a theoretical paper, this article employs a systematic literature
review to identify promising interventions with families who support a transgender
youth.
Results Because families of transgender children and youth experience difficulties
both on personal and social levels, many of which are coming from social stigmatization and lack of knowledge about their experience, it is proposed that practitioners work toward interventions that not only facilitate families support, but also
works toward a more just and inclusive society by broadening access to services
and by challenging oppressive structures that contribute to the difficulties experiences by children, youth and their families.
Conclusion The paper proposes that practitioners working with families of transgender children must be guided by an reviewed conception of gender and an understanding of the multiplicity of contexts that may affect the person’s trajectory, as well
as promoting self-determination and supporting families in meeting their needs.
keywords parenting, transgender youth, oppression, interventions, trans affirmative intervention
Introduction
Dans cet article, le terme « jeune trans » fait référence aux mineurs qui
s’identifient en dehors des règles des genres masculin et féminin
conventionnels. Ces jeunes rencontrent de nombreux obstacles, mais
le soutien familial et les interventions transaffirmatives, de manière
plus générale, constituent des pistes de plus en plus reconnues pour
leurs bienfaits auprès de ces populations. Cependant, les familles qui
soutiennent un enfant trans vivent aussi des enjeux, par exemple un
sentiment d’anxiété et des difficultés dans la recherche de services
répondant à leurs besoins et à ceux de leur jeune. À partir d’une recen.
Par interventions transaffirmatives, on entend toute intervention qui soutient
le développement de l’identité affirmée de la personne, plutôt qu’une intervention qui tente de la modifier.
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Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Parentalité et jeunes transgenres : un survol des enjeux vécus ! 95
sion des écrits, cet article a pour but principal de dégager les pistes
d’intervention les plus prometteuses pour travailler avec ces familles,
et ce, dans une perspective transaffirmative. Ainsi, l’article propose
d’explorer le contexte sociopolitique actuel quant aux questions d’identité de genre, les écrits décrivant l’expérience des jeunes trans et ceux
concernant les parents qui les soutiennent. Tout au long de cet article,
les arguments favorisant une intervention transaffirmative se dégagent
et permettent de conclure en discutant deux principes d’intervention,
soit réapprendre le genre et comprendre la complexité des parcours et
expériences des personnes transgenres, ainsi que de promouvoir l’autodétermination et le soutien des familles vers l’atteinte de leurs besoins.
Contexte sociopolitique
La pleine reconnaissance légale et civile des personnes trans n’est pas
atteinte au Canada, et les lois visant l’atteinte de cette égalité explicite
se font toujours attendre dans plusieurs provinces canadiennes, ainsi
qu’au fédéral.
D’une part, au Canada et au Québec, l’identité de genre n’est pas
expressément mentionnée dans les lois interdisant la discrimination.
Dans une certaine mesure, elle peut toutefois être visée par certains
motifs de distinction illicites énoncés dans la Charte québécoise,
comme le « sexe » et l’« état civil ». Qu’à cela ne tienne, même en cette
matière, la situation juridique des personnes trans demeure précaire,
comme le rappelait récemment un juriste (voir Sauvé, à paraître). Sur
la scène fédérale, plusieurs projets ont été proposés pour inclure l’identité de genre au sein de la Charte canadienne, mais ces efforts n’ont
toujours pas porté leurs fruits. La plus récente action dans ce sens est
le projet de loi C, qui visait à modifier la Loi canadienne sur les
droits de la personne et le Code criminel afin d’inclure une protection
explicite de l’identité ou l’expression sexuelle. Cette loi, déposée à la
Chambre des communes en  par Randall Garrison, député NDP
de Esquimalt–Juan de Fuca (Colombie-Britannique), est finalement
morte au Sénat en  après le déclenchement des élections.
D’une autre part, bien que certaines provinces canadiennes permettent aux mineurs le changement de mention de sexe à l’acte de
naissance sans modifications chirurgicales, le Québec se fait attendre.
. C’est le cas notamment de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, du Manitoba,
de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse, qui ont adopté, ou sont sur le point de le
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Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
96 ! Santé mentale au Québec, , XL, no 
Alors que la nouvelle « loi  » permet aux personnes majeures de
changer leur mention de sexe à l’acte de naissance sans subir de modifications chirurgicales préalables, les personnes mineures en sont
exclues. Par conséquent, les personnes mineures doivent continuer de
traverser l’enfance et l’adolescence avec des documents d’identité civile
(notamment acte de naissance et autres cartes d’identité) qui ne correspondent pas à leur identité de genre. Le contexte sociopolitique
demeure donc précaire pour ces jeunes et leur famille.
Jeunes transgenres et expériences d’oppression
Une grande partie des études publiées sur le sujet des jeunes trans
ciblent la question du développement de l’identité (Grossman et al.,
 ; Pollock et Eyre, ), souvent à partir d’un point de vue étiologique (Wren,  ; Zucker,  ; Roen, ), ou concernent essentiellement le traitement médical et l’intervention psychosociale (Zucker,
 ; Zucker,  ; Langer,  ; Roberts et al.,  ; Vries et al.,
 ; Mallon,  ; Grossman et D’Augelli, ). Ce que l’on sait de
ces études, c’est que le développement de l’identité se produit dans la
majorité des cas avant l’âge adulte (Beemyn et Rankin,  ; Olson,
Forbes et Belzer, ), souvent dès  ou  ans (Ehrensaft, ), et que
le sentiment d’incongruence entre l’identité de genre et le sexe assigné
émerge vers l’âge de , ans (intervalle de  à  ans) (Grossman et
Anthony, ). Aussi, l’identité affirmée des jeunes trans serait aussi
ancrée que celle des jeunes cisgenres (Olson, Key et Eaton, ). De
plus, les jeunes trans seraient nombreux, quoique la majorité d’entre
eux resteraient invisibles à leur famille et leur entourage étant donné
la grande pression à se conformer socialement (Schneider,  ; Hellen,
). Selon Schneider (), on cite que  enfant sur  est trans
ou de genre non conforme, mais ces chiffres sont souvent débattus dans
les écrits et demeurent difficiles à estimer (voir Pyne, a). Quoi qu’il
en soit, ces jeunes font partie des populations les plus vulnérables de
la société et font face à des difficultés disproportionnées relativement
aux autres jeunes de leur âge. Par exemple, ils sont plus susceptibles
d’être victimes d’abus et de violence (Nuttbrock et al..  ; Nuttbrock
faire, une loi permettant aux mineurs d’obtenir un changement de mention de
sexe sans intervention médicale.
. Dans ce texte, nous nous référons aux jeunes en tant que mineurs, mais certaines publications incluent des groupes allant jusqu’à  ans.
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Parentalité et jeunes transgenres : un survol des enjeux vécus ! 97
et al.,  ; Roberts et al.. ), de vivre des expériences de cyberintimidation et d’intimidation (Blumenfeld et Cooper, ). Selon
Chamberland et coll. (), plusieurs jeunes transgenres ne se sentent
pas en sécurité à l’école. Ils sont surreprésentés chez les populations
itinérantes (Quintana, Rosenthal et Krehely,  ; Crossley, ) et
sont plus à risque de se faire arrêter ou incarcérer (Garnette et al.,
). Ils sont aussi plus à risque de développer des dépendances à la
drogue ou à l’alcool (Newcomb, Heinz et Mustanski, ) ; de prendre
des risques lorsqu’ils ont des relations sexuelles, ou de compter sur la
prostitution comme source de revenu, surtout lorsqu’ils sont sans
logement (Walls et Bell, ). Ils vivent également plusieurs problèmes
de santé mentale et de la détresse psychologique (Menvielle,  ;
Nuttbrock et al., ), incluant des stress posttraumatiques (Roberts
et coll., ). Le taux de suicide chez les personnes trans est très élevé
(Liu et Mustanski,  ; Goldblum et al., ). Bauer et coll. ()
estiment que  % des personnes trans en Ontario ont eu des pensées
suicidaires et que  % ont fait une tentative de suicide. La même étude
souligne d’ailleurs que  % parmi ces personnes avaient moins de
 ans lorsqu’elles ont fait leur première tentative (Bauer et coll., ).
Plusieurs facteurs ont une incidence sur l’épanouissement du jeune,
tel l’accès ou non à des soins de santé, médicaux et psychosociaux
(Singh,  ; Burgess, ), ou l’accès ou non à des soins respectueux
de leur autodétermination (Minter,  ; Olson et coll., ). L’accès
ou non aux communautés qui soutiennent le genre affirmé (Burgess,
 ; Singh et al., ), et aux médias sociaux (Singh, ) est aussi
reconnu comme un des facteurs ayant une incidence sur le développement du jeune. Finalement, le soutien familial, qu’il s’actualise dans la
sphère privée (à la maison, de la part de la famille restreinte seulement)
ou de manière publique (Ajeto, ), est considéré comme central au
bien-être des jeunes trans (Travers et coll.,  ; Singh et coll., ).
En effet, le niveau de détresse psychologique est moins élevé chez les
jeunes trans recevant le soutien de leurs parents que chez ceux n’en
bénéficiant pas (Travers et coll.,  ; Schneider, ). De plus, une
récente étude sur les jeunes trans en Ontario souligne que le taux
d’idéations suicidaires chez eux diminue de  % et que les jeunes ont
tendance à avoir une meilleure santé mentale, et une bonne estime de
soi, lorsqu’ils vivent dans une famille avec un soutien parental fort
(Travers et al., , dans Pyne, b). En outre, l’ensemble de ces
facteurs peut influencer, d’une manière ou d’une autre, la santé mentale
et le bien-être du jeune ainsi que l’exclusion qui est vécue. Il importe
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
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98 ! Santé mentale au Québec, , XL, no 
de noter que les expériences des jeunes trans sont très diversifiées, et
les parcours qu’ils empruntent souvent uniques, influencés notamment
par leurs conditions de vie et la position sociale qu’ils occupent en
société (genre, « race », classe sociale, orientation sexuelle, habileté
physique ou mentale, etc.). D’ailleurs, certaines recherches montrent
que les jeunes femmes trans racisées vivent des difficultés amplifiées
et qu’elles sont surreprésentées dans les statistiques sur les meurtres
de personnes trans (Transgender Europe et Tansrespect versus
Transpobia, ). De plus, certains contextes complexifient l’intégration des jeunes trans, compte tenu de l’importance de la stigmatisation
présente dans certaines communautés religieuses (Glenn, ) ou
communautés culturelles (Saketopoulou, ). Une attention particulière à l’égard du contexte dans lequel vit le jeune et la famille est donc
essentielle à toute intervention.
Par contre, peu importe le contexte, les jeunes trans ont un important besoin de soutien et de protection dans la société actuelle, mais
les services qui leur sont offerts se font encore rares.
Expérience de parentalité
Si le soutien fort des parents à l’égard de leur jeune est essentiel à son
épanouissement, le processus menant à cette acceptation n’est pas vécu
sans difficulté, et peut être lent (Pullen Sansfaçon et coll.  ; Brill et
Peper, ). Par contre, ce qui semble motiver les parents à soutenir
leur jeune s’articule souvent autour du désir de protéger son enfant de
certaines difficultés, notamment celles décrites plus haut (Pullen
Sansfaçon et coll.,  ; Susset, ). De plus, selon la recherche de
Pullen Sansfaçon et coll. (), dont les données ont été obtenues en
contexte québécois, les parents passent souvent par une période de
choc lorsqu’ils découvrent que leur enfant est trans.
Les soutenir dans le processus d’acceptation est essentiel afin de les
aider à plusieurs niveaux : à repérer des ressources d’aide pertinentes
et actuelles, à composer avec la stigmatisation et à développer des
stratégies visant à mieux défendre les droits de leur enfant (Riley et
coll., ). Par ailleurs, il est important de noter que les parents vivent
souvent, d’une manière indirecte, des expériences de stigmatisation et
d’oppression lorsqu’ils soutiennent leur enfant (Cook-Daniels, ).
Les conflits familiaux émergent parfois au sein des familles (Pullen
Sansfaçon, ). Si l’acceptation n’est pas un processus facile, les pères
démontreraient plus de difficulté à accepter leur enfant que les mères
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
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Parentalité et jeunes transgenres : un survol des enjeux vécus ! 99
à le faire (Landolt et coll., , dans Susset, ). De plus, soutenir
et défendre l’identité affirmée du jeune dans le voisinage ou la famille
étendue, ainsi que décider du moment et de la manière de divulguer
l’identité du jeune dans d’autres sphères tels les écoles ou les centres
de santé s’avèrent une source de tension et de stress importante pour
le parent (Pullen Sansfaçon et coll., ).
La prise de décision, de manière générale, peut être perçue comme
anxiogène (Pullen Sansfaçon et coll.,  ; Wren, ). Notamment,
décider de laisser son enfant aller à l’école vêtu conformément à son
genre affirmé, donner son consentement afin de permettre au jeune
d’amorcer des traitements hormonaux à l’adolescence et soutenir le
changement de nom officiel à l’acte de naissance en sont tous des
exemples. L’anticipation à l’égard d’un regret ou d’une récrimination
future de la part de leur enfant est également vécue comme un lourd
fardeau pour les parents, et plusieurs peuvent se sentir sous pression,
par volonté de vouloir prendre la bonne décision ou adopter la meilleure posture (Wren,  ; Pullen Sansfaçon et coll.,  ; Susset,
).
Trouver des services constitue également un enjeu pour les parents.
Accéder aux ressources non spécialisées, sans vivre de difficultés particulières ou de situations de discrimination, est une première étape,
et trouver des services qui répondent spécifiquement aux besoins des
jeunes et de leur famille en est une deuxième (Pullen Sansfaçon et
coll., ). En effet, il semblerait que les jeunes trans fassent face à de
nombreuses barrières lorsqu’ils veulent accéder aux services sociaux et
de santé, voire se fassent parfois refuser l’accès à des services pourtant
offerts à la population en général (Sing et al., ). De plus, peu d’espaces sécuritaires et de ressources sont disponibles pour ces familles
(Riley et coll., ), et il s’avère souvent difficile pour les parents de
trouver du soutien (Zamboni, ). Cela dit, l’accès aux ressources
est essentiel pour soutenir les parents dans ce processus d’adaptation
et de transition, et les aider à mieux comprendre la situation vécue par
leur enfant (Susset,  ; Grossman et D’Augelli,  ; Wren, ).
Réapprendre le genre et comprendre la complexité
des parcours et expériences
Selon les écrits recensés, nous pouvons dégager que les parcours des
jeunes trans et de leurs familles peuvent différer énormément d’une
personne à l’autre, dépendamment du soutien reçu, et de l’ouverture
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Cahier de documents d'accompagnement
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100 ! Santé mentale au Québec, , XL, no 
de la communauté qui les entoure, notamment. Ainsi, le jeune et sa
famille pourront aller chercher des services ou consulter un professionnel à différents moments de leur parcours. Par conséquent, une
compréhension des genres au-delà du modèle binaire (mâle-femelle)
est essentielle à une intervention affirmative auprès des familles et du
jeune (APA, ) afin de respecter toutes les identités et l’expérience
individuelle de chacun. Ainsi, pour développer des interventions efficaces avec la famille de ces jeunes, les professionnels devraient, comme
le souligne la psychologue américaine Diane Ehrensaft, « réapprendre
le genre en faisant la différence entre le genre et le sexe, et ce, même si
certains programmes de psychologie s’obstinent à enseigner des théories qui ne tiennent pas compte des données empiriques les plus
récentes » ( : -). Ainsi, une intervenante qui a « réappris le
genre » comprendra qu’il existe plusieurs expressions et identités de
genre, et que ces expressions et identités font partie de la diversité
humaine et ne sont pas des problématiques, des déviances ou des
situations causées par le parent, comme l’ont longtemps soutenu certaines études (voir par exemple Zucker et Bradley, ). D’ailleurs, le
World Professional Association in Transgender Health ( : ) a
récemment déclaré que « l’expression du genre, y compris les identités
de genre, n’est pas typiquement associée au sexe assigné à la naissance
et que des expressions et identités de genre sont un phénomène commun de l’humanité, et culturellement diversifié, [qui] ne devrait pas
être jugé comme intrinsèquement pathologique ou négatif » (traduction
libre).
Cette manière différente d’appréhender le genre demande nécessairement un changement de paradigme de la part du professionnel,
mais trouve un soutien grandissant dans les écrits et les associations
professionnelles. Ainsi, il importe de mieux comprendre ce qu’est
l’identité de genre, et de prendre conscience qu’elle peut naturellement
s’exprimer sur un continuum, et non de manière strictement binaire.
D’ailleurs, les « thérapies correctives de genre », qui visaient autrefois
à renforcer les comportements stéréotypés, sont de plus en plus controversées (Tosh, ) et même interdites dans certains endroits, notamment en Ontario depuis juin . Par ailleurs, l’Association canadienne
des travailleurs sociaux (ACTS) et de l’Association canadienne des
écoles de travail social (ACFTS) affirment que les travailleurs sociaux
doivent non seulement travailler selon des pratiques transaffirmatives,
mais aussi qu’intervenir pour changer l’identité de genre chez un jeune
« est considéré comme contraire à l’éthique et constitue un abus de
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Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Parentalité et jeunes transgenres : un survol des enjeux vécus ! 101
pouvoir et d’autorité » (ACFT/ACFTS,  : ). D’autres organisations
professionnelles, telles que l’American Psychological Association
(APA), ont également émis des consignes qui invitent les psychologues
à se distancer des interventions visant la conversion et encouragent le
travail thérapeutique à se faire davantage avec les familles, dans le but
de favoriser une acceptation plus grande de l’enfant (APA,  ; APA,
sans date).
Aussi, on observe depuis plusieurs années un mouvement de dépathologisation, qui s’est surtout concrétisé avec la publication du DSM
(Alessandrin, ). En effet, si le DSM-TR parlait du trouble de
l’identité sexuelle (au sein duquel l’identité trans était diagnostiquée
comme un trouble, comme un problème de santé mentale), la publication du DSM parle maintenant de la dysphorie de genre, lorsqu’il y a
souffrance découlant de la non-concordance entre l’identité de genre
et le sexe assigné à la naissance, et des pressions sociales qui l’accompagnent. Les identités trans, comme telles, ne sont plus diagnostiquées
et l’affirmation de ces identités est de mise.
Par ailleurs, les jeunes ayant accès à des services qui visent à les
soutenir dans leur identité de genre affirmée présenteraient moins de
problèmes de comportement que les jeunes étant suivis selon des
thérapies réparatrices ou de conversion (Hill et coll., , dans Pyne,
b). Ces interventions permettent entre autres d’améliorer la santé,
le sentiment de bien-être et la qualité de vie en général des personnes
trans (Witten, , dans APA, ). Bien que certains débats sur ces
questions perdurent, on observe que les associations professionnelles,
de plus en plus, reconnaissent l’importance des approches transaffirmatives visant l’autodétermination de la personne, d’une part, et le
soutien du jeune et de sa famille dans le processus d’acceptation,
d’autre part.
Promouvoir l’autodétermination et soutenir les familles
dans l’atteinte de leurs besoins
Nous avons souligné plus haut que les interventions visant à soutenir
les familles devraient cibler le soutien du jeune et l’adaptation des
parents à la réalité de leur enfant, compte tenu de leur vulnérabilité
aux sentiments d’anxiété et à l’isolement social. Dans cette logique, il
est important de se préparer à ce qu’une personne se présente avec des
pièces d’identité non conformes à leur identité/expression de genre, et
que cette même personne demande qu’on s’adresse à elle en utilisant
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de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
102 ! Santé mentale au Québec, , XL, no 
certains pronoms/prénoms de son choix. Le respect de l’identité de
genre est essentiel dans l’intervention avec les jeunes et leurs familles.
De plus, les professionnels devraient encourager les familles à utiliser
les pronoms et prénoms qui respectent l’identité affirmée du jeune, et
les aider à trouver des ressources appropriées pour être mieux épaulées
relativement aux possibles difficultés d’adaptation mentionnées plus
haut. De plus, compte tenu du contexte actuel, les professionnels travaillant avec ces familles devraient également les soutenir dans la lutte
pour la défense de leurs droits et dans des interventions stimulant le
changement social. Car si plusieurs familles nécessitent des interventions en vue d’un changement personnel (l’acceptation de l’enfant, par
exemple), d’autres auront besoin d’un soutien visant le changement à
la source des problèmes, c’est-à-dire les conditions de vie opprimantes
– maintenues, par exemple, à travers les structures organisationnelles
ou les lois - qui affectent les jeunes et leur famille sur une base régulière. En effet, la famille des jeunes trans doit aussi faire face à des
situations d’oppression (risques de rejet social et familial, de déni de
reconnaissance civile, non-respect de l’identité à l’école, etc.), situations qui demandent souvent des réponses qui vont au-delà du changement personnel. Ainsi, il importe de repérer les obstacles sur les
plans juridique, social et institutionnel qui nuisent à l’épanouissement
des jeunes trans et de leur famille, et de tenter d’agir sur ces barrières
sociales et structurelles.
Conclusion
Dans cet article, il a été question de l’expérience des jeunes trans, mais
aussi de leur famille. À partir d’une discussion critique des écrits, il a
été possible d’établir que les familles des jeunes trans vivent aussi des
situations difficiles, même si ces situations sont différentes de celles
vécues par les jeunes. Qu’il soit question d’anxiété, d’isolement, de
situations de rejet et de conflit, ou des difficultés d’accès aux services,
les recherches démontrent comment les difficultés se vivent sur plusieurs plans, de l’individu à la structure dans laquelle il vit et interagit.
Ainsi, des interventions ayant pour cible l’individu, mais aussi la
structure dans laquelle il évolue, sont nécessaires afin de créer des
espaces plus inclusifs pour ces familles, mais aussi pour les jeunes
trans. La prise de conscience professionnelle de ces enjeux, et le développement d’interventions visant à soutenir le jeune et sa famille
constituent les interventions les plus prometteuses.
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3.3
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3.4
Vous pouvez consulter le Programme national de santé publique 2015-2025
en visitant l’hyperlien ci-dessous :
http://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2015/15-216-01W.pdf
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On aura compris tout au long de cet ouvrage à quel point il est essentiel de minimiser tes facteurs de
vulnérabilité tout en renforçant tes facteurs de protection devant l’adversité que constituent la
méconnaissance de la diversité sexuelle et les préjugés, les intolérances, parfois les violences qu’elle
rencontre. Autrement dit, ce qui rend plus fort aura toujours avantage à être développé, alors que ce qui
affaiblit moralement ou socialement aura avantage à être amenuisé. Récapitulons quelques-uns de ces
éléments.
FACTEURS DE VULNÉRABILITÉ
FACTEURS DE PROTECTION
A la remorque de ce pensent les autres
Esprit critique face aux préjugés
Honte ou haine de soi
Fierté de soi et de ses réalisations
Isolement
Recherche de soutien et solidarité
Peur des autres
Affirmation de soi
Silence
Prise de parole
Crainte de se révéler à autrui
Risque assumé d’être visible
Accpetation du rejet et de la «tolérance»
Exigence du respect des droits et libertés et
d’une pleine égalité
Objet de ridicule
Sujet humoristique actif
Ignorance de la diversité sexuelle
Partage et développement de
connaissances
Respect des points de vue les plus
intélérants (sous prétexte que «toutes les
idées se valent»)
Respect sans compromis de soi et de ses
pairs
Impossibilité de se défendre
Habiletés d’autodéfense
Posture de victime
Posture d’acteur social
Acceptation passive des étiquettes
Refus des étiquettes imposées
Soumission aux pressions des autres quant
à son style de vie
Choix créatif de son style de vie
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Lutter contre l’intimidation (en grande partie d’après Donn Short, «Don’t Be So Gay», UBC,
2013)
On sait d’après les recherches évaluatives sur ce qui fonctionne ou a fonctionné ailleurs au Canada et dans
le monde que les bons programmes de lutte contre l’intimidation (y compris de nature homophobe) :
 impliquent les parents ;
 assurent une discipline de vie claire dans le milieu scolaire (dans «sanctions» formatives, qui ne
visent pas seulement des «arrêts d’agir» mais surtout l’adoption et le maintien de comportements
différents et socialement acceptables);
 sont à la fois intensifs et étendus dans le temps plutôt que conjoncturels;
 touchent autant les jeunes et leurs parents que leurs professeurs (formation et supervision)6.
Comme le suggère le professeur Donn Dhort dans son ouvrage «Don’t Be So Gay. Queers, Bullying and
Making Schools Safe» ( (UBC, 2013) , on pourrait regrouper en 4 catégories les stratégies possibles de lutte
à l’intimidation. Elles visent respectivement à assurer :




le contrôle des élèves;
la sécurité des élèves;
l’équité entre les élèves;
la promotion de la justice sociale.
Le contrôle (par exemple, pas d’armes à l’école) et la sécurité (par exemple un local où les jeunes peuvent
se réfugier si intimidés ou violentés par des pairs, ou encore une personne aidante à qui se référer en tout
temps) sont à l’évidence très utiles à court terme. Cependant, ces mesures n’exercent aucune action
préventive à moyen et long terme. En plus, de telles mesures sont tendance à «personnaliser» les problèmes
liés à l’intimidation en mettant beaucoup de poids sur le contrôle (ou l’exclusion) des intimidateurs et sur la
faculté des intimidés à se protéger adéquatement ou à dénoncer l’intimidation une fois celle-ci survenue.
Alors que l’intimidation n’est pas seulement ou essentiellement un problème personnel, ni même
relationnel, mais plutôt un problème qui survient suite à la stigmatisation sociale de certaines catégories
d’enfants, qui se distinguent par exemple par leur apparence, leurs intérêts, leurs facultés physiques ou
intellectuelles, leur appartenance ou leur origine familiales, sociales, ethniques, religieuses, leur orientation
sexuelle présumé ou révélée, etc.).
Promouvoir l’équité, c’est établir des mesures concrètes qui font en sorte que tous les jeunes, quelles que
soient leur singularité, leur appartenance ou leur identité, se sentiront compris, protégés et respectés par
l’école. Ce serait un incontournable pour prévenir véritablement l’intimidation dans le moyen et le long
terme. Ce n’est néanmoins pas encore suffisant pour avoir un effet sur les motifs les plus insidieux et
persistants de stigmatisation. Des mesures de rattrapage proactives, pouvant parfois s’apparenter à de la
6
Idem, p. 70.
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«justice réparatrice», sont souvent requises pour faire en sorte que tous les enfants, y compris les plus
stigmatisés se sentent et soient accueillis et protégés par l’école.
C’est pourquoi des mesures de promotion de la justice sociale doivent travailler à «banaliser» et à rendre
légitimes les différences qui sont objets d’étiquetage et de stigmatisation persistantes et répétées. C’est
l’unique façon de «démarginaliser» durablement, à court, moyen et long terme les jeunes qui sont les plus
intimidés. Tant que certains attributs seront sujets à discrédit, dire simplement non à l’intimidation ne
règlera pas le problème Par exemple, tant que ce qui est perçu comme féminin chez un garçon (son
apparence, son poids, ses goûts, ses intérêts, etc.) sera considéré comme un moins, les insultes «fif» et
«tapette» prévaudront dans les cours d’école, comme c’est actuellement souvent le cas.
L’école doit en ce sens lutter contre la double honte chez les jeunes intimidés: honte d’être harcelé-e ou
intimidé-e (et d’en être blâmer éventuellement; les victimes sont encore très souvent les premières
blâmées); honte du motif pour lequel on est harcelé-e (c’est-à-dire sa «différence»). Cela fait en sorte que
les jeunes harcelés ne se plaignent guère ou hésitent beaucoup à le faire, tant auprès de leur famille
qu’auprès des autorités concernées, scolaires ou autres. Or, ce silence aggrave le problème.
Les jeunes stigmatisés ont souvent l’impression, parfois fondée vu l’inaction des autorités dans des cas
similaires au leur, qu’ils n’auront pas la même écoute et la même protection que les autres (d’où la nécessité
de programmes mettant l’accent sur l’équité). L’attribut pour lequel un jeune est harcelé étant perçu par
ses intimidateurs (et parfois par lui-même) comme un défaut ou une tare, une prévention efficace doit agir
sur les perceptions erronées et les préjugés des jeunes. D’où la nécessité de programmes promouvant la
justice sociale pour les groupes historiquement les plus stigmatisés (comme les jeunes LGTB, par exemple).
Lutter contre l’intimidation, c’est agir à sa source, sur les motifs mêmes qui la rendent possible et
l’encouragent. Par exemple, en combattant activement les préjugés sexistes, homophobes, racistes ou
xénophobes, cela à travers des activités qui valorisent (c’est de l’équité) et même célèbrent les différences
(c’est de la justice sociale : on doit en faire un peu plus pour rappeler que certaines différences ont
injustement été stigmatisées et que l’on entend aujourd’hui les reconnaître pleinememt comme partie
intégrante et positive de la diversité humaine).
Les caractéristiques des jeunes à risque d’être stigmatisés et marginalisés, l’école doit, et peut, les rendre
non seulement acceptables mais légitimes aux yeux de tous – y compris à leurs propres yeux, car ces jeunes
en viennent parfois, hélas, aussi à se détester eux-mêmes. Quelles activités favorisent et valorisent
l’inclusion des enfants ou des adolescents «différents» dans nos écoles ou institutions actuellement ? Se
poser la question constitue un premier pas essentiel.
Rendre l’intimidation impopulaire (comme on le fait de plus en plus) est certainement un pas dans la bonne
direction mais n’a pas beaucoup d’effet sur les racines du problème. De surcroît, rejeter le problème
uniquement sur les intimidateurs ne règle guère le problème, a fortiori si on les exclut de la recherche de
solutions. Les jeunes intimidateurs ont autant besoin d’aide que leurs victimes si on veut qu’ils trouvent
d’autres façons, constructives pour eux et pour autrui, de se valoriser et de fonctionner en société.
L’intelligence et l’énergie des intimidateurs peuvent être canalisées autrement. Confronter et refuser, à bon
droit, des conduites inacceptables ne devrait jamais signifier rejeter les personnes qui les posent, a fortiori
si ce sont des jeunes encore en développement.
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Enfin, ce travail d’éducation et de sensibilisation ne peut se faire qu’en impliquant la communauté : parents,
enseignants, professionnels, etc. La recherche montre que seule une mobilisation et une responsabilisation
collective arrive à diminuer sensiblement le problème de l’intimidation.
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4.4
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
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La transphobie en milieu scolaire au Québec
5. Les facteurs de vulnérabilité et de résilience
Si les impacts de la transphobie sont importants, ce ne sont pas tous les jeunes qui en souffriront
également. Ses conséquences dépendent notamment de certains facteurs personnels, tels que le
cheminement parcouru jusqu’à maintenant par le jeune, ses résultats scolaires, sa motivation et ses
aspirations futures. Par exemple, Antonin aime beaucoup l’école et savait déjà, dès le secondaire, qu’il
voulait être enseignant au cégep. Christopher, quant à lui, a de bons résultats scolaires, ce qui se
répercute sur sa motivation. En revanche, Benoît ne se perçoit pas comme un bon élève et rapporte
avoir un caractère conflictuel, ce qui influence son rendement scolaire. Cette section permet de
dénombrer sept facteurs possibles de vulnérabilité ou de résilience pour les jeunes trans dans le
contexte du milieu scolaire, soit : l’attitude de la direction, les attitudes du personnel enseignant, le fait
de parler des transidentités en classe, le rôle du personnel d’intervention, le réseau amical, les
organismes trans, et les parents et la famille.
5.1. L’attitude de la direction
[La direction] m’a dit que j’étais un cas à problèmes. (Christopher, homme trans,
niveau secondaire)
La direction d’une école joue un rôle important quant aux attitudes ou comportements qui seront
tolérés ou non dans l’établissement scolaire. Il semble toutefois qu’en matière de manifestations
transphobes et homophobes, plusieurs directions ne prennent pas concrètement position. Cette
situation est notamment imputable au manque de ressources dans les écoles selon une de nos
informatrices clés, une femme transsexuelle qui enseigne au secondaire et qui mentionne :
La direction a tellement de problèmes dont elle doit s’occuper. Je pense qu’il y a bien
des choses qu’elle néglige, pas juste l’homosexualité. Il y a bien des réalités que les
jeunes vivent et dont les directions se sont désengagées, par manque de ressources.
C’est aux profs qu’il revient de parler de ça.
Cette enseignante n’est pas la seule à penser que la direction ne prend pas assez au sérieux certaines
situations. La majorité des participants, participantes ont témoigné que la direction de leur école ne leur
donnait pas le soutien nécessaire pour faire face à la transphobie et à l’homophobie vécues à l’école.
Christopher note que la direction de son école n’a pas effectué un suivi adéquat suite à des agressions
transphobes :
— Intervieweur : Est-ce que tu dirais que ton secondaire était ouvert à la différence?
— Participant : Pas du tout. Tout au long de mon secondaire, j’ai été une victime
d’attaques à tous les jours presque. Et la situation a été rapportée plusieurs fois à la
direction. Et il n’y a pas grand-chose qui a été fait. Il y a eu plusieurs rencontres avec
ma mère. Ils lui ont dit que si elle n’était pas contente, elle n’avait qu’à me changer
d’école. (Christopher, homme trans, niveau secondaire)
167
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Qu’il s’agisse d’agressions verbales ou physiques, les participants, participantes estiment que la direction
ne sanctionne pas assez sévèrement les coupables pour que cela soit pris au sérieux. Une situation vécue
par Antonin illustre bien la situation. Après qu’il eut écrit deux articles pour le journal de l’école qui
traitaient d’homosexualité et de transsexualité, quelques élèves lui ont envoyé un courriel dans lequel
une fille prétendait être amoureuse de lui. Antonin rapporta cet incident à la direction. Les élèves en
question ont été rencontrés par la direction quelques semaines plus tard, sans qu’aucune sanction soit
appliquée. Pour Antonin, cet événement a été vécu comme un important manque de soutien.
La situation semble un peu différente au cégep. Premièrement, les jeunes ressentent moins le besoin
d’aller voir la direction, car ils ne sont pas aux prises avec des manifestations transphobes aussi violentes
(plusieurs jeunes rapportent même n’avoir vécu aucun problème au cégep). Deuxièmement, d’après les
témoignages recueillis, la direction au collégial est davantage perçue comme une alliée prête à intervenir
en cas de problèmes.
Lorsqu’on demande aux participants, participantes ce que les directions d’établissements scolaires
pourraient faire pour soutenir les jeunes trans, outre le suivi et la sanction d’agressions transphobes, ils
souhaitent que la direction endosse un rôle plus actif pour l’intégration et l’acceptation des jeunes trans.
Les jeunes suggèrent notamment de mettre des affiches de sensibilisation sur les transidentités,
d’inclure les réalités transidentitaires au sein des politiques institutionnelles et de s’assurer que tout le
personnel de l’école soit minimalement sensibilisé à leurs expériences et réalités. Les jeunes trans se
sentiraient ainsi moins isolés et le personnel serait plus outillé pour les aider. Enfin, leurs pairs seraient
mieux informés au sujet des transidentités, ce qui contribuerait selon eux à diminuer les attitudes et
comportements transphobes.
5.2. Les attitudes du personnel enseignant
Les attitudes du personnel enseignant sont un facteur à ne pas négliger. Plusieurs participants,
participantes rapportent que certains enseignants, enseignantes tiennent des propos homophobes :
En FPS [Formation personnelle et sociale], on n’en parlait pas de transsexualité,
c’était exclu. Il y a un de mes profs qui était plutôt transphobe. Il avait même dit que
c’était le choix de la personne d’être lesbienne ou quelque chose comme ça. Par
rapport aux transsexuels, il devait être fermé. Non, ça ne faisait pas partie du
discours. J’avais même un prof de français qui disait que l’homosexualité est une
maladie, mais il avait 58 ou 59 ans. Ce n’est pas terrible quand tu te dis que des profs
ont cette vision-là. (Antonin, homme trans, niveau secondaire)
J’avais un prof d’éducation physique qui lâchait des remarques homophobes à tout
bout de champ. (Christopher, homme trans, niveau secondaire)
Les jeunes trans interviewés soulignent aussi que des membres du personnel enseignant, tout comme la
direction, ne donnent pas de soutien aux élèves qui subissent de la transphobie. Par exemple, ils
n’interviennent pas toujours lorsque des commentaires transphobes sont faits en classe. Françoise
Susset explique que plusieurs enseignants, enseignantes laissent les élèves réguler entre eux les
conduites de genre. Elle souligne aussi que certains pensent de façon erronée que les jeunes trans
attirent le trouble :
168
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
[Les enseignants sont] une mine d’informations intéressantes. « Ah! Il ne s’aide pas,
ce jeune-là! — Comment ça qu’il ne s’aide pas? — Ah! Il s’habille vraiment
flamboyant puis il est très maniéré patati patata… » Je leur dis toujours : « Allez donc
lui demander depuis combien d’années il se fait écœurer ce jeune-là? » C’est presque
garanti que ce jeune-là, ça fait depuis la deuxième année de l’école primaire qu’il se
fait écœurer. Souvent, c’est son moyen de protection. […] Je leur dis : « Allez voir un
petit peu c’est quoi son histoire à ce jeune ! Il n’était pas le petit gars qui passait
inaperçu jusqu’à l’année passée puis que, tout d’un coup, il disait qu’il était
flamboyant. » Et puis, c’est ça. Je le vois chez mes clients transsexuels.
Selon les participants, participantes, le fait que les membres du personnel enseignant soient souvent mal
informés quant aux transidentités constitue une barrière importante au soutien qu’ils peuvent offrir aux
jeunes trans.
Je suis sûr qu’il y a énormément d’enseignants dans les écoles qui ne savent même
pas c’est quoi une personne transsexuelle. Ça ne fait juste pas partie de leur
vocabulaire. (Christopher, homme trans, niveau secondaire)
J’imagine qu’il y en a beaucoup qui ne savent pas du tout c’est quoi, qui ne seraient
pas capables de définir, ou à peine… Et s’ils avaient une idée de ce que c’est d’être
transgenre ou transsexuel, différents genres dans le fond, ça pourrait peut-être les
aider à mieux les intégrer. (Alex, transgenre en questionnement, niveau secondaire)
C’est sûr que si les professeurs au secondaire connaissaient ça, ils pourraient peutêtre remarquer un peu des choses qui clochent ou quelque chose du genre. S’ils
savent c’est quoi, ça serait aussi peut-être plus facile pour les personnes qui feraient
une transition au secondaire […], si elles savent comment intervenir aussi. Même
chose au cégep. (Julie, femme trans, niveau secondaire et collégial)
Par ailleurs, des enseignants, enseignantes peuvent constituer un élément important dans le processus
de résilience pour les jeunes trans en milieu scolaire. Certains jeunes interviewés avaient développé, à
l’école secondaire, un lien de confiance assez fort avec un ou une enseignant, enseignante pour se
confier quant à leur réalité. Benoît mentionne comment certains peuvent démontrer une ouverture
d’esprit :
Sauf le prof de bio. Il avait l’air intéressé. Je me suis dit : « Enfin quelqu’un ». (Benoît,
homme trans, niveau secondaire)
Christopher, de façon similaire, raconte comment cette ouverture a été pour lui très bénéfique :
— Intervieweur : Quand tu allais te confier à la prof de mathématiques, est-ce que ça
aidait un peu?
— Participant : Oui. J’avais quelqu’un à qui en parler dans ces lieux-là. C’est très, très
important pour moi. (Christopher, homme trans, niveau secondaire)
169
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Un ou une enseignant, enseignante peut démontrer son ouverture en parlant de la diversité sexuelle en
classe, en ayant de bons rapports avec le groupe ou encore en mentionnant qu’elle ou il est présent pour
ses élèves. Les enseignants, enseignantes gais et lesbiennes, ou ouverts à l’homosexualité, sont perçus
comme étant plus aptes à comprendre la réalité des jeunes trans :
— Intervieweur : Alors, est-ce que tu dirais que les professeurs étaient ouverts à la
transsexualité ou au transgendérisme?
— Participant : Bien, il y en a plus que d’autres, oui. Je reviens à mon prof de morale.
Je pense que lui, il peut être plus ouvert par rapport à toute la diversité sexuelle parce
que ça, il en parlait un peu. Il ne parlait pas spécifiquement du transgendérisme, mais
il parlait de diversité, d’homosexualité. Ça m’avait l’air de quelqu’un d’ouvert de ce
point de vue là. (Alex, transgenre en questionnement, niveau secondaire)
Dans le même ordre d’idées, Christopher affirme :
Je le sentais juste. Après que je sois allé la voir à quelques reprises, elle m’a dit qu’elle
était homosexuelle puis elle m’a dit qu’elle savait que c’était terrible, que la direction
ne prenait pas de mesures et quand elle était dans la salle des enseignants, elle
entendait les autres profs qui disaient des conneries sur les transsexuels. Elle m’a dit
qu’il y avait des enseignants qui ont dit que ces personnes-là, il fallait leur faire
prendre des médicaments, qu’il fallait les enfermer. (Christopher, homme trans,
niveau secondaire)
5.3. Le fait de parler des transidentités en classe
Il semble que le fait de parler des transidentités en classe pourrait favoriser la résilience chez les jeunes
qui vivent des expériences transphobes difficiles. Selon les participants, participantes, un ou une
enseignant, enseignante bien informé à ce sujet et qui entretient un bon rapport avec son groupe risque
davantage de se préoccuper de la transphobie dans sa classe et dans l’école, et de sensibiliser les élèves
quant à l’importance de respecter les personnes trans. Antonin souligne le rôle capital que peuvent jouer
les enseignants, enseignantes dans leur classe sur ce plan. Il mentionne :
Si le prof en parle n’importe comment, ça ne fonctionnera pas. Mais si le prof est à
l’aise, est ouvert aux questions et est là pour les rassurer en même temps, je pense
que ça pourrait être vraiment positif. Puis, pour la personne qui est FtM ou MtF dans
la classe, ça peut juste être vraiment une expérience positive, même si… Il faut que
l’élève soit conscient qu’il peut avoir toutes sortes de réactions dans la classe. Parce
que s’il n’est pas ouvert au fait qu’il y a peut-être des gens qui vont peut-être mal
réagir, ça risque de vraiment le blesser. En même temps, s’il se rend compte que le
prof a une bonne maîtrise du sujet et une bonne ouverture, peut-être que ça va le
mener à aller vers le prof pour se renseigner. Je pense que ça pourrait être positif.
(Antonin, homme trans, niveau secondaire)
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Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Le témoignage de Claude montre justement comment le silence (ne pas parler des transidentités, ne pas
sanctionner les commentaires transphobes en classe) peut amener des jeunes en questionnement sur
leur identité de genre à se replier sur eux-mêmes :
Peut-être que ça m’aurait permis de comprendre plus tôt qui j’étais. Mettre un mot
sur ce que je ressentais, du pourquoi j’étais différente des autres. Savoir pourquoi je
me cherchais autant. Mais il n’y a jamais personne qui nous en a parlé. (Claude,
homme trans en questionnement, niveau secondaire)
Les discours tenus par le personnel enseignant en classe sont donc d’une grande importance dans le
parcours identitaire et scolaire des jeunes trans.
5.4. Le rôle du personnel d’intervention
Une enseignante au secondaire, faisant partie de nos informateurs clés, croit que les intervenants,
intervenantes devraient, dans toutes les écoles, être minimalement outillés pour aider les jeunes trans.
Dans son école, ça semble être le cas :
Probablement que le jeune [qui questionne son identité de genre] serait référé à un
groupe de gais et lesbiennes. Je pense qu’il y a des efforts pour que les groupes de
gais et lesbiennes puissent plus intervenir ou nous référer. Je pense que oui, le jeune
qui voudrait s’ouvrir au psychoéducateur de l’école finirait par tomber sur de bonnes
ressources. J’ai confiance aux professionnels qui sont dans nos écoles par rapport à
ça. (Femme trans enseignante au secondaire)
Les jeunes trans interviewés ne semblaient pourtant pas partager son point de vue et n’étaient pas
tentés d’aller les consulter. Ils fournissent plusieurs raisons pour expliquer cela. Premièrement, le
personnel d’intervention est peu présent dans l’école. Deuxièmement, certains jeunes ne souhaitent
tout simplement pas le consulter. Troisièmement, les jeunes doutent de sa compétence quant aux
transidentités. Claude déplore ainsi l’insuffisance de ressources psychologiques à l’intérieur des écoles :
À mon école, je savais qu’il y avait une psychologue. Je ne l’avais jamais vue. Je ne
savais pas c’était quoi son nom. Et j’avais entendu dire qu’elle venait une fois par
semaine, sur rendez-vous. En tout cas, elle n’était pas là vraiment pour ceux qui en
avaient besoin. Moi, la psychologue, je ne l’avais jamais vue. (Claude, homme trans
en questionnement, niveau secondaire)
Pour sa part, Françoise Susset, qui reçoit plusieurs jeunes en pratique privée, affirme qu’il est plutôt rare
de voir des jeunes aller consulter par eux-mêmes. L’initiative revient habituellement aux parents, ce qui
peut expliquer en partie la réticence des jeunes à réclamer de l’aide de la part du personnel
d’intervention de leur milieu scolaire.
171
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
C’est très rare que ce soit parce qu’un jeune aurait dit : « Ah maman, il faudrait que
j’aille consulter » ou « J’ai besoin d’aide parce que je suis mélangé par rapport à mon
identité ou mon orientation ». C’est pour ça que l’école primaire m’intéresse plus à la
limite parce que comme ils ne font pas leur job à l’école primaire et que les jeunes
sont exposés à l’homophobie, que ce soit à la première, deuxième, troisième année,
tout ça, c’est intériorisé. Ce n’est pas vrai que c’est à 12 ans qu’un enfant va venir
cogner à la porte d’un psy ou aller parler de ces affaires-là facilement.
Enfin, la compétence des intervenants, intervenantes en milieu scolaire quant aux transidentités est
questionnée. Benoît a vécu des expériences très différentes dans deux écoles. Dans un cas, le
psychologue de l’école l’a référé au CLSC, ce qui montre le manque d’outils de cet intervenant à l’égard
des transidentités d’une part mais, d’autre part, cela indique son professionnalisme alors qu’il a fourni à
l’étudiant les ressources nécessaires pour trouver de l’aide. Dans l’autre cas, Benoît a été confronté à un
psychoéducateur peu ouvert aux questionnements qu’il vivait, ce qui ne l’a pas incité à se confier
davantage à ce dernier :
J’ai vu un psychoéducateur une fois. J’avais une bonne relation avec lui. Je lui ai dit
que je pensais être gars dans ma tête et il m’a dit : « Tu dépasses mon domaine, sors
du bureau! » C’est ridicule. Ça faisait longtemps que je le voyais. Depuis secondaire 2
que je le voyais et je lui ai dit ça vers le milieu de secondaire 3 environ. Spécial.
(Benoît, homme trans, niveau secondaire)
En somme, les raisons évoquées ici par les jeunes interviewés semblent indiquer que la consultation du
personnel d’intervention ne constitue pas, pour eux, un facteur de résilience capital étant donné qu’ils et
elles les consultent peu. Néanmoins, il est possible de penser que la présence d’intervenants,
intervenantes réellement outillés (en travail social, psychologie, psychoéducation ou autre) et
disponibles pour répondre à leurs besoins pourrait s’avérer un facteur de résilience important puisque
certains ont affirmé que dans ce contexte, ils les consulteraient davantage.
5.5. Le réseau amical
Le réseau amical représente un facteur de résilience très important pour les jeunes interviewés. Les
amis, amies peuvent leur venir en aide sur plusieurs plans : soutien et acceptation; protection
psychologique et physique; aide à l’affirmation identitaire.
Premièrement, les amis, amies sont parfois les seuls pairs qui acceptent la différence des jeunes trans, ce
qui peut contribuer à combattre le sentiment d’isolement souvent vécu dans les premières années du
secondaire. Claude, par exemple, parle de ce sentiment de rejet initial et comment, par la suite, les
amitiés qu’il a tissées lui ont permis de se sentir moins seul parce que ses amis, amies acceptaient son
identité.
Deuxièmement, certains jeunes interviewés rapportent se sentir en sécurité avec leurs amis, amies, tant
sur le plan psychologique que physique. Claude soutient que les amis, amies qu’il s’était faits lui offraient
une protection physique. Néanmoins, comme le souligne l’enseignante au secondaire que nous avons
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de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
interrogée à ce sujet, cette protection de la part du réseau amical n’est pas toujours offerte et demeure
limitée :
Il y a des amis qui vont se tenir debout, mais […] quand le Brutus va venir dire un
commentaire con, c’est pas tous les amis qui vont supporter l’élève. Les amis ne
veulent pas nécessairement partager le problème de l’élève parce que s’ils se mettent
à défendre l’élève, Brutus va leur tomber dessus aussi. Je pense que d’avoir un réseau
d’amis, c’est le fun pour l’élève, il n’est pas tout seul, mais ça va pas l’aider
nécessairement à éviter l’homophobie. (Femme trans, enseignante au secondaire)
Troisièmement, le cercle amical peut aider les jeunes trans à développer et consolider leur identité et
l’affirmer fièrement. Plusieurs participants, participantes ont effectué leur premier coming out trans
auprès de leurs amis, amies. À l’exception d’un seul cas, ces derniers ont bien réagi, ce qui ne signifie pas
qu’aucun ajustement ne soit nécessaire par la suite.
Je n’ai eu aucune mauvaise réaction. Ma meilleure amie qui a été la première à le
savoir, elle l’a tellement bien pris qu’elle m’a même attirée dans un magasin et m’a
payé une partie de mes premiers vêtements. C’était la première fois que je
magasinais dans un magasin de femmes. C’est elle qui m’a attirée et qui m’a dit :
« Prends ce que tu veux! » (Julie, femme trans)
Plusieurs jeunes trans racontent que leurs amis, amies les ont aidés à s’épanouir dans leur identité trans,
comme le montrent les citations de Marie-Ève et de Benoît :
[Mes amies] m’offrent de l’aide. En plus, c’est des filles, alors elles comprennent les
problèmes des filles. Elles peuvent me soutenir là-dedans. Il y en a qui ne
comprennent pas, mais je ne leur en veux pas. Elles sont quand même assez jeunes. Il
y en a une de 12 ans que je connais qui me soutient très bien là-dedans. (Marie-Ève,
femme trans en questionnement, niveau secondaire)
[Mes amis] sont fiers de dire à leurs autres amis qu’ils ont un ami transsexuel. (Benoît,
homme trans, niveau secondaire)
5.6. Les organismes trans
Les modèles dans la vie des jeunes sont importants et cela est aussi vrai pour les jeunes trans. Ces jeunes
trouvent parfois du soutien et de la reconnaissance auprès d’autres personnes trans pouvant servir de
modèles. Les liens qui peuvent être établis avec ces personnes trans « modèles » sont possibles grâce à
des connaissances qui fréquentent des organismes trans ou directement auprès de ces organismes
fréquentés par plusieurs personnes trans (ATQ, Projet 10). En ce sens, les organismes centrés sur les
besoins des personnes trans sont des facteurs de résilience importants :
173
Cahier de documents d'accompagnement
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Je trouve ça génial. […] Quand j'ai été aux réunions pour la première fois, je me suis
sentie moins seule. J'ai vu d'autres personnes, d'autres têtes. J'ai vu des personnes à
n'importe quel niveau de leur transition. […] Il y a aussi la ligne d'écoute de l'ATQ
[Association des transsexuels et transsexuelles du Québec] qui m'a très bien aidée
aussi, pas juste simplement pour demander des renseignements. Ils étaient là aussi
pour écouter, pour que je puisse parler de mes questionnements. Même si je
n'attendais pas de réponse, ils étaient là pour écouter. Pendant les premiers mois, j'ai
appelé l'ATQ plusieurs fois. Si l'ATQ n'existait pas, je ne serais pas là. (Julie, femme
trans)
Plusieurs participants, participantes confirment avoir eu recours aux services de ces organismes à un
moment au cours de leur parcours identitaire.
5.7. Les parents et la famille
Un dernier facteur à considérer, qui peut entraver ou faciliter la résilience des jeunes trans en milieu
scolaire, est la qualité des relations familiales. Pour plusieurs raisons, certains jeunes interviewés n’ont
pas fait leur coming out auprès de leur famille. Pour ceux et celles l’ayant fait, trois relatent que leur
famille a initialement mal réagi, avant de tolérer puis d’accepter leur identité trans. Christopher rapporte
néanmoins qu’il ne parle plus ni à sa sœur, ni à son frère à la suite de son coming out. Trois autres
encore soulignent que leur famille a bien réagi dès le départ. À ce propos, Julie mentionne :
Ma famille, à chaque fois que j'évolue, ils trouvent ça génial. Comme cet été, je pars
en vacances et je me suis acheté mes deux premiers costumes de bain. Donc
évidemment, ça va être la première fois que je me baigne en tant que Julie. Quand je
disais ça sur Facebook, tout le monde était comme : « Ah oui, c'est super, ça ! » Tout
le monde aime savoir que j'évolue. (Julie, femme trans)
Notons pour terminer que malgré certaines expériences familiales très positives quant à leur coming out,
les participants, participantes se confient généralement peu à leur famille lorsqu’ils et elles vivent des
difficultés à l’école liées à leur identité ou leur expression de genre. De même, l’implication et
l’acceptation des parents par rapport à leur enfant trans ne conduit pas nécessairement à un soutien de
ce dernier dans son milieu scolaire.
174
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de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
CONCLUSION
Les entretiens menés avec les jeunes trans dans le cadre de cette recherche exploratoire, bien que ne
pouvant pas mener à des conclusions fermes étant donné le nombre limité de participants, participantes
ont tout de même permis de valider des constats rapportés dans la revue de littérature à ce sujet. En
effet, il semble que la majorité des jeunes trans interviewés ont commencé à se questionner sur leur
identité de genre pendant leurs études de niveau secondaire et plusieurs ont amorcé une transition de
sexe ou de genre entre le secondaire et le cégep ou encore durant leurs études collégiales. Il est difficile
d’évaluer le nombre réel de jeunes trans au Québec, mais s’il suit la mouvance internationale, il est
probablement croissant comme le montrent les recherches.
Nous pouvons également soutenir que les jeunes trans ayant participé à notre étude, tout comme ceux
présentés dans les recherches nord-américaines ou françaises, expérimentent diverses formes de
discrimination, de harcèlement et de violence, et ce, particulièrement au niveau secondaire. Les jeunes
trans interviewés en ont rapporté plusieurs : qu’il s’agisse de l’exclusion et du rejet dont ils sont victimes,
du harcèlement verbal et des agressions verbales (injures, insultes, rumeurs, menaces, name calling,
etc.) ou encore du harcèlement et des agressions physiques (se faire suivre, se faire enfermer dans les
casiers, se faire lancer des objets, se faire battre, etc.). Les jeunes trans représentent ainsi un des
groupes les plus vulnérables et les plus visés, notamment par la transphobie, mais aussi par
l’homophobie. En effet, plusieurs de ces jeunes, qu’ils soient homosexuels, lesbiennes ou non, sont
étiquetés comme tels à partir de leur expression de genre atypique et subissent ainsi, comme les jeunes
lesbiennes, gais et bisexuels, bisexuelles, des attitudes et des comportements homophobes venant de
leurs pairs, parfois même du personnel scolaire. Ces jeunes sont aussi confrontés à des difficultés
spécifiques dans le milieu scolaire, telles que changer de prénom au sein de l’école ou se servir des
toilettes et des vestiaires. Pour certains jeunes, le fait d’être victimes de transphobie et d’homophobie
aura une incidence importante sur leur bien-être psychologique (isolement, troubles du sommeil ou
d’appétit, dépression, insécurité) et sur leur cheminement scolaire (absentéisme, baisse de la
motivation, de la concentration et du rendement scolaire, décrochage). D’autres seront plus résilients
par rapport à ces situations.
Cette première exploration dans l’univers des jeunes trans a justement permis de cerner certains
facteurs de vulnérabilité et de résilience. Notons le rôle prépondérant du réseau amical et du personnel
enseignant qui peuvent être d’importants alliés dans le milieu scolaire. Le soutien amical permet parfois
de contrer l’isolement et peut encourager le jeune à s’épanouir dans sa nouvelle identité. Quant aux
enseignants, enseignantes, en discutant de diversité sexuelle et de genre en classe, en sanctionnant les
attitudes transphobes et homophobes, en se montrant ouverts, ils sont tout désignés pour recevoir les
confidences des jeunes trans ainsi mis en confiance et les encourager dans leur cheminement identitaire
et scolaire. En revanche, une attitude inverse de leur part peut être vécue très difficilement par les
jeunes trans, qui ne se sentent pas respectés ou soutenus dans leur identité et les problématiques qu’ils
vivent. D’autres facteurs, comme l’attitude de la direction, la présence d’intervenants, intervenantes
outillés au sujet des transidentités, le contact avec des organismes trans et l’entourage familial ont aussi
été identifiés comme des éléments pouvant favoriser la résilience chez ces jeunes.
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RECOMMANDATIONS
Compte tenu des résultats présentés dans ce rapport, notamment des facteurs de vulnérabilité et de
résilience dénombrés, nous proposons les recommandations suivantes aux institutions québécoises
d’enseignement de niveaux secondaire et collégial 10. La plupart des recherches consultées stipulent par
ailleurs qu’une sensibilisation à ces enjeux devrait être amorcée le plus tôt possible, idéalement au
niveau primaire.
 S’informer sur la diversité sexuelle et les transidentités
Si la direction, le personnel enseignant et de soutien, les intervenants, intervenantes en milieu scolaire
sont mieux informés, ils pourront mieux intervenir auprès des jeunes trans. Des jeunes interviewés
rapportent qu’ils étaient mieux informés que les professionnels, professionnelles de leur école sur les
transidentités.
1. Inviter le personnel de l’école à lire de la documentation disponible sur le sujet.
2. Recevoir une formation par des organismes communautaires qui travaillent auprès des personnes
trans ou encore des témoignages de personnes trans.
3. Consigner de la documentation, des dépliants et des vidéos sur les réalités trans, disponibles pour le
personnel et les élèves.
4. Fournir les ressources nécessaires aux jeunes trans lorsqu’ils demandent de l’aide ou les référer à
des ressources extérieures. À ce sujet, nous vous invitons à consulter l’annexe du présent rapport qui
présente les coordonnées d’organismes et d’associations trans au Québec.
 Favoriser un climat d’ouverture et de respect eu égard à la diversité sexuelle et aux
transidentités
Le fait d’instaurer dans l’institution scolaire un climat d’ouverture et de respect à l’égard de la diversité
sexuelle et des transidentités incitera les jeunes trans à se confier au personnel, à prendre conscience de
leur identité ou à l’exprimer, en plus de sensibiliser les autres élèves à l’importance du respect des
différences.
1. Discuter de diversité sexuelle et de transidentités en classe, et questionner les normes relatives aux
genres et aux orientations sexuelles.
10
Ces recommandations sont inspirées de celles proposées par les auteurs, auteures recensés dans la revue de littérature
présentée, notamment : Lambda Legal et NYAC, 2008; Holman et Golberg, 2006; Beemyn, 2005b; Beemyn et coll., 2005;
Dykstra, 2005; McKinney, 2005; Sausa, 2005; GSA Network, 2004. L’article de Beemyn et coll. (2005) est intéressant en ce qui
concerne les recommandations aux institutions scolaires quant aux transidentités, puisqu’il propose des recommandations de
niveau débutant, intermédiaire et avancé pour rendre les milieux scolaires plus inclusifs dans diverses sphères.
176
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de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
2. Favoriser le développement d’un sens critique chez les élèves sur ces sujets.
3. Placer des affiches d’organismes LGBT dans l’école pour démontrer aux élèves que l’établissement
est ouvert à la diversité sexuelle.
4. Démontrer des signes d’ouverture, de même qu’une certaine disponibilité, lorsque des jeunes
parlent de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle.
5. Indiquer dans l’agenda ou les autres documents remis aux élèves les politiques et les sanctions à
l’égard d’attitudes ou d’actes transphobes ou homophobes.
6. Respecter les jeunes trans en utilisant le prénom choisi et les pronoms adaptés.
 Être proactif dans le traitement des plaintes de transphobie et d’homophobie
Plusieurs participants, participantes de notre recherche ont souligné que peu de mesures étaient mises
en place pour lutter contre la transphobie et l’homophobie à l’école et que, trop souvent, la
responsabilité de trouver une solution pour éviter ces situations difficiles leur incombait. En ce sens, les
écoles devraient être proactives pour protéger leurs élèves contre ces agressions.
1. Adopter des politiques et des règlements antidiscriminatoires basés sur l’expression et l’identité de
genre ainsi que sur l’orientation sexuelle.
2. Mettre en place une procédure officielle pour déposer une plainte concernant des attitudes ou des
actes transphobes ou homophobes.
3. Rendre cette procédure publique et facile à entreprendre pour les élèves victimes de tels préjudices.
4. Ne pas responsabiliser les jeunes victimes des situations qu’ils vivent.
 Adapter les structures administratives nécessaires
La rigidité des structures administratives est parfois la source de nombreuses difficultés rencontrées par
les jeunes trans dans leur parcours identitaire et scolaire. L’adaptation de ces structures afin de les
rendre inclusives et de favoriser l’intégration de ces jeunes s’avère donc nécessaire.
1. Mettre en place une politique pour les changements de prénom et de pronoms à l’interne. Dans la
mesure du possible, le prénom d’un ou une élève trans devrait être modifié dans le système
informatique de l’établissement et donc dans tous les services et correspondances (nouvelle carte
étudiante, etc.). Le personnel de l’école devrait être informé si un ou une élève désire se faire
interpeller par un prénom autre que celui inscrit à son acte de naissance.
2. Modifier les formulaires, au fur et à mesure de leur renouvellement, pour offrir diverses alternatives
quant aux identifications : nom d’usage ajouté au nom officiel, autres options que le masculin et le
féminin pour le sexe, etc.
177
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3. Demander aux enseignants, enseignantes de faire preuve de discrétion et de respect quant au
prénom d’usage et aux pronoms appropriés s’appliquant aux jeunes trans pour éviter de révéler
inutilement leur statut aux autres élèves.
 Aménager les espaces sexués.
Les toilettes et les vestiaires représentent des lieux dans lesquels les jeunes trans sont souvent harcelés
ou agressés. Il est important d’aménager ces espaces ou de trouver une solution satisfaisante pour les
jeunes trans concernés. Il serait pertinent aussi de faire preuve de souplesse quant à certaines activités
sexuées (éducation physique) ou quant au port d’uniformes.
1. Aménager des toilettes mixtes ou neutres de genre dans l’école. À défaut de pouvoir fournir de telles
installations, faciliter la recherche d’une entente individuelle avec l’élève trans, par exemple en lui
permettant d’utiliser les toilettes du personnel.
2. Aménager des cabines privées pour se changer et se doucher à l’intérieur des vestiaires sportifs afin
de fournir l’intimité nécessaire aux jeunes trans.
3. Permettre aux jeunes trans de choisir eux-mêmes les espaces sexués (par exemple, s’il y a une
division des casiers entre garçons et filles) ou les activités sexuées (par exemple, les équipes de
sports) dans lesquels ils désirent s’inscrire.
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4.5
L’intervention auprès des clientèles
issues de la diversité sexuelle
Les réponses des intervenants cliniques et
des travailleurs sociaux et leur
modification suite à l‟avènement du
mouvement de libération gai
Par Sylvie Thibault Ph.D.,t.s.
Note sur l’auteure: Docteure en travail social, est professeure au Département de travail social
et des sciences sociales de l'Université du Québec en Outaouais (UQO). Elle s'intéresse à la
violence conjugale et plus spécifiquement à ses manifestations dans les couples de même sexe
depuis plusieurs années. Elle aborde aussi dans ses travaux les questions soulevées
par l'intervention auprès des clientèles issues de la diversité sexuelle.
CENTRE D’ÉTUDE ET DE RECHERCHE EN INTERVENTION SOCIALE (CÉRIS)
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC EN OUTAOUAIS (UQO)
Série : Recherches, numéro 49
ISBN : 978-2-89251-391-2
Mars 2010
1
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TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION GÉNÉRALE…………………………………………………………..…… 1
INTRODUCTION……...………………………………………………………………………. 2
DES ÉVÉNEMENTS MARQUANTS COMME ÉLÉMENTS DE CHANGEMENT ………... 3
L‟EFFET DE L‟ÉMEUTE DE STONEWALL ………………………………………………... 3
LE RETRAIT DE L‟HOMOSEXUALITÉ DU DSM-III. ……………………………………... 4
UN CHANGEMENT ÉPISTÉMOLOGIQUE MAJEUR ……………………………………… 5
L‟HOMOSEXUALITÉ COMME VARIABLE NORMALE DE LA SEXUALITÉ ………….. 5
MODÈLES ALTERNATIFS D‟INTERVENTION AUPRÈS DES CLIENTÈLES GAIES ….. 6
La thérapie «gay-affirmative ………………………………………………………….. 6
Le service social auprès des clientèles gaies …………………………………………... 6
Le modèle «advocacy », le modèle écologique, et l'approche orientée vers les forces : adaptation aux réalités gaies……………………………………………………… 7
LES CENTRES COMMUNAUTAIRES GAIS : PRATIQUES ET EXPÉRIENCES ALTERNATIVES ………………………………………………………………………………………. 9
Services sociaux spécialisés pour les homosexuels au Québec ………………………. 10
ÉPIDÉMIE DU VIH/SIDA : UNE EXPERTISE SPÉCIFIQUE DANS LE TRAVAIL AUPRÈS DES PERSONNES ATTEINTES……………………………………………………….. 10
Au Québec……………………………………………………………………………….. 11
Nécessaire formation ………………...………………………………………………… 12
EN CONCLUSION …………………………………………………………………………….. 13
BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………………………………... 14
i
180
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Ce document est le deuxième d‟une trilogie
issue d‟un examen de synthèse doctoral qui
portait sur trois aspects de l‟approfondissement
des connaissances nécessaires à la
compréhension du phénomène de la violence
conjugale chez les couples d‟hommes gais.
Chacun de ces aspects fera donc l‟objet d‟une
publication distincte.
Rappelons que la première partie, intitulée
« L‟homosexualité : Du péché à la
reconnaissance sociale. État des origines et du
développement de la réponse de la société
occidentale à l‟homosexualité masculine » était
consacrée à l‟évolution des perceptions sociales
envers l‟homosexualité dans la société
canadienne et plus particulièrement, dans la
société québécoise du 20ème siècle. Pour ce faire,
des outils documentaires et historiques hérités
de la Grande Bretagne, des États Unis, de la
France et bien entendu, du Québec, ont été
utilisés.
Le présent document fait suite au premier texte.
Il fait plus spécifiquement état des questions
liées à l‟intervention auprès des hommes gais et
de l‟influence du mouvement de libération gai
sur celle-ci. Encore ici, nous pourrons
reconnaître certaines influences nordaméricaines. La prise en compte des
caractéristiques du mouvement gai québécois et
du climat politique des trente dernières années,
nous amènera pourtant à distinguer les
particularités propres à la réalité québécoise.
1
181
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
INTRODUCTION
Les théories, système d'idées et d'énoncés qui
expliquent la pratique du service social,
fournissent les éléments nécessaires au
développement de modèles et de principes de
pratique à partir desquels celle-ci peut évoluer.
Plutôt que d'être basé uniquement sur les
normes et les rôles de la profession, le service
social est d‟une part, redevable aux sciences
sociales, comportementales et biologiques,
(Appleby & Anastas, 1998) et d’autre part,
historiquement et socialement déterminé
(Payne, 1991). De son côté, la pratique du
service social auprès des clientèles gaies et
lesbiennes est surtout influencée par l'évolution
des connaissances et des perceptions envers
l'homosexualité, ainsi que par les changements
qui marquent les contextes sociaux et politiques
dans lesquels elle s'applique.
Ce texte a comme objectif d‟examiner les
principaux éléments qui ont influencé la
pratique du service social, tout comme celles
des professionnels en santé mentale, auprès des
clientèles homosexuelles et plus
particulièrement des hommes gais. Nous
remettrons d‟abord en perspective deux
événements majeurs qui ont influencé les
pratiques auprès des homosexuels soit, l'émeute
de Stonewall, aux États-Unis, et le retrait de
l'homosexualité du DSM-III. Nous tenterons
ensuite de décrire brièvement les modèles
d'intervention spécifiques au service social et
adaptés à l'intervention auprès de cette clientèle.
Par la suite, nous situerons le contexte dans
lequel se sont développés les services
communautaires sociaux et de santé spécifiques
aux hommes gais, en s‟attardant à la situation de
ces services au Québec. Nous terminerons cette
partie en abordant l‟expertise développée en
intervention auprès des personnes atteintes du
VIH / Sida et la nécessaire formation des
intervenants.
2
182
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
DES ÉVÉNEMENTS MARQUANTS COMME
ÉLÉMENTS DE CHANGEMENT
l‟histoire des gais nord-américains. Rappelons
rapidement que ce soir du 27 juin 1969, lors
d‟une descente policière, les hommes gais qui
fréquentaient le Stonewall Inn, à New York, ont
spontanément refusé d‟être une fois de plus la
cible de répression et ont résisté farouchement à
« l‟intrusion policière injustifiée ».1
Jusqu‟à ce jour il existait bien un mouvement
homophile, préoccupé par les droits civils de la
population homosexuelle. Mais l‟émeute de
Stonewall provoque l‟organisation d‟un
mouvement de libération gai beaucoup plus
engagé « en soulignant simultanément le
caractère institutionnel de l‟oppression envers
l‟homosexualité et la force collective des
gais »2. Après l‟émeute le mouvement
s‟organise et prend forme. Malgré cet élan, les
militants gais prennent vite la mesure du défi
qui les attend. Ils réalisent bien que le fait
d‟assumer individuellement son orientation
homosexuelle ne garantit pas aux hommes gais
la capacité de prendre conscience de
l‟oppression et de la discrimination dont sont
victimes tous les homosexuels. Comme
plusieurs autres minorités opprimées, les
hommes gais ont souvent intériorisé les
messages critiques et les préjugés destructeurs
de la culture dominante au point de les
reproduire eux-mêmes (Dorais, 1982).
Les années soixante-dix sont incontestablement
marquées par des changements sociaux majeurs.
En ce qui concerne le sujet qui nous intéresse,
plusieurs événements se chevauchent et
s‟influencent mutuellement. Les perceptions
sociales envers les homosexuels, l‟évolution des
recherches scientifiques à leur sujet, la prise de
conscience par les homosexuels de l‟oppression
dont ils sont l‟objet et la radicalisation des
moyens de pressions et des actions politiques
utilisés pour la contrer sont tous des facteurs qui
ont alimenté ces changements. Lorsqu‟arrive le
temps de rendre compte de l‟influence de
chacun de ces éléments sur la pratique auprès
des hommes qui s‟identifient comme gais, on
s‟aperçoit que tous ces facteurs doivent être
situés dans le contexte sociopolitique de
l‟époque et considérés dans leur ensemble.
Toutefois, des événements majeurs marquent
non seulement la façon dont sont perçus les
homosexuels et l‟homosexualité, mais aussi la
façon dont les professionnels de la santé et les
divers praticiens les recevront et les traiteront.
Les événements-clés que sont l‟émeute de
Stonewall Inn, dans la ville de New-York, et le
retrait de l‟homosexualité de la troisième
version du Diagnostic and Statistical Manual of
Mental Disorders (DSM-III) sont deux des
actions politiques les plus importantes mises en
place par le mouvement de libération gaie.
C‟est dans ce contexte que la conscientisation
des hommes gais devint rapidement une priorité
pour l‟organisation de la lutte. On assiste alors à
la mise en place de groupes de soutien et de
solidarité qui « puissent permettre aux gais…de
vaincre leur conditionnement auto-oppressif
d‟une part et de développer des pratiques
individuelles et collectives en accord avec une
vision de l‟homosexualité désormais
débarrassée des préjugés traditionnels d‟autre
part »3.
Avant d‟aborder plus à fond l‟influence du
mouvement de libération gai sur le
développement des connaissances et sur
l‟intervention des divers professionnels de la
santé et de la santé mentale auprès des hommes
gais, nous ferons une parenthèse pour faire un
rapide retour sur les circonstances entourant
l‟émeute de Stonewall, et nous préciserons le
contexte dans lequel s‟est déroulé le retrait de
l‟homosexualité du DSM-III. La prochaine
partie de ce texte sera donc consacrée à ces
jalons importants qui d‟après Mallon (1998) ont
forgé la perception des praticiens et de la société
envers les homosexuels.
1
Dorais, M. (1982). Mouvement social gai et luttes
institutionnelles : des services sociaux pour les
personnes d‟orientation homosexuelle. Revue
internationale d’action communautaire, 47(7) : 132.
2
Idem
3
Dorais, M. (1982). Mouvement social gai et luttes
institutionnelles : des services sociaux pour les
personnes d‟orientation homosexuelle. Revue
internationale d’action communautaire, 47(7) : 132.
L‟EFFET DE L‟ÉMEUTE DE STONEWALL
L‟émeute de Stonewall Inn est à plusieurs
égards un des événements les plus marquants de
3
183
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
Cette étape marque donc le début de services
offerts sous forme d‟entraide qui sont en
opposition complète avec les pratiques
professionnelles moralisatrices et religieuses qui
prévalaient jusqu‟à ce jour. Nous verrons plus
tard comment se sont développés les services de
santé et les services sociaux issus de cette
première initiative. Mais d‟abord, attardonsnous à l‟autre fait marquant qui a influencé les
pratiques professionnelles auprès des clientèles
gaies, soit le retrait de l‟homosexualité du DSM
-III
perturbation afin d‟attirer l‟attention sur leurs
revendications, exigeant que la psychiatrie
développe une attitude « gay-affirmative »
envers l‟homosexualité (Morgan & Nerison,
1993).
Leurs efforts n‟ont pas été vains puisque, dans
le but d‟éviter de nouvelles confrontations,
l‟Association (APA) accepte que les militants
gais puissent avoir leur propre panel à la
convention de 1971 qui doit se tenir à
Washington D.C. Les participants du panel
demandent alors que l‟homosexualité soit retirée
de la nomenclature diagnostique. Ils invitent un
participant, anonyme, qui dénonce l‟oppression
dont il est victime en tant que psychiatre gai et
révèle l'existence d‟un réseau gai clandestin au
sein de l’American Psychiatric Association
(Morgan & Nerison, 1993).
LE RETRAIT DE L‟HOMOSEXUALITÉ DU DSM-III.
Parallèlement au développement des
connaissances médicales et psychiatriques sur
l‟homosexualité, se développent, au début du
XXème siècle, diverses nomenclatures qui
guident les psychiatres, les médecins et autres
praticiens dans son traitement. Au depuis des
années 40, il existe au moins trois
nomenclatures psychiatriques, et aucune d‟entre
elles ne concorde avec l’International Statistical
Classification, liste pré-établie par l’American
Psychiatric Association de tous les diagnostics
et troubles psychiatriques. Cette dernière décide
de mettre fin à la confusion en développant un
outil national standardisé. Ainsi, le Diagnostic
and Statistical Manual of Mental Disorders
(DSM) est publié en 1952. Cette première
édition du DSM présente, parmi sa liste de
troubles mentaux, les déviations sexuelles
comme une sous-catégorie générique du trouble
de personnalité sociopathe. L‟homosexualité y
est mentionnée comme un exemple de déviation
au même titre que le travestisme, la pédophilie
et l‟exhibitionnisme (Krajeski, 1996). Cette liste
devient par la suite l‟outil diagnostique standard
aux États-Unis et un peu plus tard au Canada.
Ce n'est que deux ans plus tard, en 1973, après
de longs jeux politiques de coulisse, que
l'American Psychiatric Association (APA) vote
le retrait de l‟homosexualité du Diagnostic and
Statistical Manual (DSM). Par la suite,
l’Association of Lesbian and Gay Psychologists
(ALGP) est créée et se joint à l’American
Psychological Association (ApA), adoptant les
énoncés d‟une politique affirmative à l‟égard
des hommes gais. La ApA réitère son
orientation, en affirmant, en 1975, que
l‟homosexualité en soi ne suppose aucune
lacune, et en appelant les psychologues à être
les premiers à éliminer la stigmatisation de la
maladie mentale. (Morgan & Nerison, 1993).
Le retrait de l'homosexualité de la troisième
version du Diagnostic and Statistical Manual
(DSM-III) représente une étape décisive dans la
façon dont sera désormais traitée
l‟homosexualité, puisqu‟il créé le statut de
minorité visible pour les homosexuels et
encourage l‟adoption de pratiques non
discriminatoires de la part des professionnels en
santé mentale (Robertson, 2004). Soulignons
que cette réussite est le résultat d'efforts
soutenus de militants gais qui ont contribué de
façon significative à la reconnaissance de
l'homosexualité comme une variation normale
de la sexualité humaine. En influençant les
ordres professionnels afin qu‟ils statuent sur les
pratiques, le militantisme et à certains égards, la
Au début de l‟année 1970, l’American
Psychiatric Association (APA) devient un des
centres d‟intérêt du mouvement de libération
gai. C‟est principalement dû au fait que celle-ci
détient le contrôle de la nomenclature
diagnostique qu‟elle devient la cible d‟efforts
concertés de la part de militants gais afin que
soit retirée l‟homosexualité de la liste officielle.
Des militants gais assistent, cette année là, à la
convention annuelle de l‟association qui a lieu à
San Francisco. Ils emploient des techniques de
4
184
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
radicalisation des groupes de pression, ont
favorisé l‟émergence de pratiques alternatives
pour plusieurs professionnels. La contestation
des pratiques et la contribution des hommes gais
à une nouvelle construction du savoir afin de
documenter leur existence et leur expérience
seront l‟objet de la prochaine partie de ce texte.
discours scientifique dominant « établis à leurs
dépends »6 et commencent à constituer un
savoir qui alimente à son tour la vie politique,
intellectuelle et culturelle des mouvements de
libération gais, sans oublier les pratiques
professionnelles de nombreux domaines
d‟intervention. Avec l‟explosion et la
radicalisation du militantisme, la fin des années
soixante-dix constitue une période importante
pour le développement des connaissances et des
nouvelles pratiques. Des intellectuels
« explorent les implications politiques et
culturelles des mouvements gais et féministes et
élaborent des perspectives théoriques
radicalement nouvelles…plutôt que de
s‟attarder aux causes de l‟homosexualité, leurs
analysent partent d‟un questionnement sur
l‟oppression des personnes homosexuelles, ses
formes, ses origines sociales et historiques, ses
conséquences sur les individus, de même que
sur les liens entre pouvoir et sexualité »7.
UN CHANGEMENT ÉPISTÉMOLOGIQUE
MAJEUR
Rappelons que, le début des années 70 est une
« période caractérisée à la fois par l‟agitation
sociale et la révolution sexuelle »4. On assiste à
un changement épistémologique majeur, entre
autres grâce à l‟émergence d‟un courant critique
du discours scientifique jusqu‟alors monopolisé
par la médecine, la psychiatrie, la psychologie et
la sexologie. Les hommes gais se positionnent
eux-mêmes comme sujet et non plus comme
objet de recherche. Une première génération de
chercheurs entreprend de décrire et de
documenter l‟expérience de l‟homosexualité
(Chamberland, 1997). Portés par le mouvement
de libération gai, et ses actions de plus en plus
politiques, ils affirment les valeurs positives de
l‟homosexualité en la situant comme un
phénomène psychologique et social et en
établissant les racines de son oppression
(Hurteau, 1991). « Diffusé à l’intérieur des
communautés, présenté de manière accessible,
ce savoir alimente la quête d‟une identité
collective à travers la redécouverte de ses
racines et la création de représentations
positives de l‟homosexualité »5. Ce savoir
alimente la conscientisation des groupes gais et
nourrit l‟organisation du mouvement de
libération qui, de plus en plus engagé, souligne
à la fois le caractère institutionnel de
l‟oppression et la force collective du
mouvement (Chamberland, 1997). La suite de
ce texte fera rapidement état de d‟un des
facteurs d‟influence et de contribution à ce
savoir, soit l‟émergence des études gaies.
Les publications issues de ce courant de
réflexion deviennent vite des références pour les
praticiens qui rejètent le modèle médical et
pathologique d‟intervention auprès des
clientèles gaies. Le Journal of Homosexuality
consacre des numéros entiers à la description
d‟approches thérapeutiques spécifiques à ces
groupes (Coleman, 1987, in Silverstein, 1996;
Gonsiorek, 1982, in Silverstein, 1996; Ross,
1988 in Silverstein, 1996). La publication de ces
revues scientifiques et de livres offrant une
approche alternative de traitement pour les
hommes gais a été instrumentale pour la
sensibilisation et l‟éducation de nombreux
intervenants concernant les besoins des
communautés gaies.
Les praticiens ne se concentrent donc plus sur
l'homosexualité en tant que maladie, mais bien
4
Chamberland, L. (1997).Du fléau social au fait social.
L‟étude des homosexualités. Sociologie et sociétés, 29
(1) : 5.
L‟HOMOSEXUALITÉ COMME VARIABLE
NORMALE DE LA SEXUALITÉ
5
Idem : 7
L‟émergence des « études gaies » est
directement liée au contexte politique des
années soixante-dix dans lequel il s‟inscrit. À
cette époque, les hommes gais dénoncent le
6
Chamberland, L. (1997).Du fléau social au fait social.
L‟étude des homosexualités. Sociologie et sociétés, 29
(1) : 5
7
idem :7
5
185
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
sur la façon d'intervenir auprès de personnes
gaies, c‟est-à-dire des hommes menant une vie
saine (Tully, 2000). Mettant l'emphase sur la
santé, l'intérêt de l'intervention thérapeutique
vise davantage l'évaluation de la situation, les
questions générales de santé psychologique, la
monogamie, l'homophobie intériorisée et
d'autres questions liées à la réalité de ces
groupes minoritaires.
homosexual
desire
and
fixed
homosexual
orientations
are
pathological. Gay affirmative therapy
uses traditional psychotherapeutic
methods but proceeds from a nontraditional perspective. This approach
regards homophobia, as opposed to
homosexuality,
as
a
major
pathological
variable
in
the
development of certain symptomatic
conditions among gay men”.8
Parallèlement à l‟évolution des connaissances
spécifiques à l‟expérience gaie, on assiste à
l‟émergence de diverses alternatives
développées autour de l'intervention, dont le
premier modèle appelé «gay affirmative ». Nous
aborderons maintenant les caractéristiques et les
principes sur lesquels sont basés ces divers
modèles d'intervention.
La psychothérapie « gay-affirmative » accepte
donc l‟homosexualité comme un potentiel
humain fixe et tente de soulager les effets
néfastes de l‟homophobie intériorisée
(Silverstein, 1996). Ce modèle est aussi nommé
« gay positive », pour y intégrer les non-gais
qui travaillent auprès des hommes gais, sans y
inclure le volet « revendications sociales » qui
fait partie du modèle « gay affirmative ». Ce
même modèle se transforme de plus en plus en
« GLBT positive », faisant donc référence aux
personnes gaies, lesbiennes, mais aussi aux
personnes bisexuelles et transsexuelles,
reflétant ainsi la diversité évoquée par Dorais
(1999). D'après Mallon (1998), l’utilisation des
approches traditionnelles, qui perçoivent
l‟homosexualité dans une perspective de
développement péjorative, ne soutient ni ne
prépare le praticien à travailler de façon
compétente auprès des personnes gaies
(Mallon, 1998).
MODÈLES
ALTERNATIFS
D‟ INTERVENTION AUPRÈS DES
CLIENTÈLES GAIES
La thérapie « gay-affirmative »
Le but premier du modèle d'intervention
alternatif « gay affirmative » est de présenter
aux intervenants, indifféremment de leur
orientation théorique, un ensemble de principes
et de conditions qui puissent les guider pour
travailler de façon efficace et respectueuse
auprès des clientèles gaies et lesbiennes
(Davies, 1996). Ce modèle, influencé par
nombre de thérapeutes, dévie des pratiques
fondamentales de la plupart des écoles, et de ce
fait, réclame un nom qui lui soit propre.
Krajeski (1986), souligne d‟ailleurs la difficulté
de trouver un nom qui décrive de façon précise
un type de thérapie qui estime l'homosexualité,
au même titre que l'hétérosexualité comme étant
un attribut naturel et normal.
Plusieurs auteurs ont contribué à l'élargissement
des connaissances sur les modèles
thérapeutiques auprès des clientèles gaies, tel
que Garnets et al. (1991), Morin (1991), Slater
(1995, in Mallon 1998), et plus récemment
Davies (1996). Celui-ci propose un modèle de
thérapie qui puisse être utilisé par toutes les
écoles d‟intervention. Il souligne que tous les
outils d'intervention propres à chacune des
écoles peuvent être incorporés. En fait, Davies
suggère de les bonifier avec l'utilisation des
concepts d'affirmation gaie ainsi qu'avec les
connaissances sur la diversité de la sexualité
L‟expression « gay-affirmative », d‟abord
employée par les professionnels gais, est la plus
courante et la plus utilisée dans la littérature
(Davies, 1996). Malyon (1982) la décrit en ces
termes:
“Gay affirmative therapy is not an
independent system of psychotherapy.
Rather it represents a special range of
psychological
knowledge
which
challenges the traditional view that
8
Malyon, A.K. (1982). Psychotherapeutic implications
of internalized homophobia in gay men. Journal of
homosexuality 7 2/3: 69.
6
186
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
humaine. Quoique le modèle «gay affirmative »
puisse être utilisé par des professionnels issus de
toutes écoles de formation, nous nous
intéresserons principalement aux contributions
spécifiques du service social dans le
développement ou l'adaptation de modèles pour
l‟intervention auprès des clientèles gaies et
lesbiennes.
culture à prédominance hétérosexuelle. Berger
souligne que ce modèle ne fait pas la promotion
de l‟homosexualité comme style de vie mais
veut plutôt rendre légitimes des comportements
sexuels individuels, qu‟ils soient hétérosexuels
ou homosexuels, en autant qu‟ils n‟interfèrent
pas sur les droits d‟autres individus. D‟après
Berger, ce modèle d‟intervention reconnaît la
personne gaie comme un membre légitime
d‟une minorité qui, comme toutes les autres
minorités, cherche à faire réparer les torts subis
par une société, en théorie, basée sur des
principes égalitaires.
Le service social auprès des clientèles gaies
Le service social contemporain perçoit les
besoins humains et les problèmes comme étant
générés par les transactions entre la personne et
son environnement. Le but de la pratique du
service social est d'augmenter, ou de restaurer le
fonctionnement psychosocial de la personne, ou
de changer les conditions sociales d'oppression
ou de destruction qui affectent de façon négative
les interactions entre la personne et son
environnement (Appleby & Anastas, 1998). Des
travailleurs sociaux et travailleuses sociales se
sont appliqués à adapter les modèles
d'intervention spécifiques au travail social à la
pratique auprès des clientèles gaies et
lesbiennes. Les modèles proposés reprennent les
principesde base de trois approches utilisées en
travail social soit, le modèle «advocacy », le
modèle écologique, et l'approche orientée vers
les forces.
Mallon (1998) pour sa part, préconise
l'utilisation de la perspective écologique en
l'adaptant aux besoins spécifiques des clientèles
gaies, et plus particulièrement, auprès
d'adolescents en processus d'identification
homosexuelle. Pour Mallon, la perspective de
« la personne dans son environnement », est une
influence centrale sur la base des connaissances
théoriques de la profession du service social.
Elle est aussi utile et pertinente en tant
qu‟approche dans la pratique du service social
auprès des hommes gais.
Appleby et Anastas (1998) décrivent le modèle
écologique comme étant un cadre de référence
composé de cinq domaines, ou niveaux, interreliés. Ces domaines sont : l'historique,
l'environnement structurel, le culturel, le
familial et l'individuel. Pour ces auteurs, les vies
et les conditions sociales des hommes gais
doivent être évaluées en relation avec chacun de
ces domaines. Le modèle de pratique écologique
reconnaît que les transactions entre les individus
et leur environnement sont les produits de tous
ces domaines et qu'ils peuvent être complexes.
Donc, comme le soulignent Appleby & Anastas,
cette approche accentue la perception
d'évolution et d'adaptation de l'être humain dans
toutes ses transactions avec son environnement.
Le modèle «advocacy », le modèle écologique,
et l'approche orientée vers les forces :
adaptation aux réalités gaies
Un des pionniers du service social auprès des
clientèles gaies, Berger, a écrit abondamment
sur le travail social auprès des personnes qui
s‟identifient comme homosexuelles (1977,
1982, 1983, 1990). Il développe, au cours de sa
pratique, deux modèles d‟intervention pour
travailler auprès de cette clientèle, soit le
« advocate model » (1977), que nous décrirons
brièvement dans ce texte, et le « definitional
model » (1983).
Le sentiment d'absence de pouvoir, qui menace
la santé, l'adaptation sociale et la vie de ceux et
celles qui vivent de l'oppression, impose une
énorme tâche d'adaptation aux hommes gais
(Germain et Gitterman, in Mallon 1998). La
compréhension du rapport destructeur qui existe
entre les hommes gais et leur environnement à
prédominance hétérocentrique est intégrale dans
Le modèle d‟intervention « advocacy »,
s‟attarde autant aux besoins de la communauté
gaie qu‟aux individus qui la composent (Berger,
1977). La nature du problème présenté en
intervention est redéfinie à partir du point de
vue du système client qui cherche à maintenir
un mode de vie individuel à l‟intérieur d„une
7
187
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
le processus de développement de la
connaissance de la pratique avec les personnes
gaies (Mallon, 1998). La tâche du praticien peut
être d'assister le client, directement ou
indirectement, dans le processus de
développement d'une identité gaie positive, de
gérer l'information concernant la stigmatisation
de l'identité ou de plaider en faveur
d'environnements non-homophobes et nonhétérosexistes. Avec l'utilisation de ce modèle,
l'attention de l'intervenant est dirigée vers les
problèmes qu'a la personne gaie à «vivre ».
(Appleby & Anastas, 1998).
choix subjectifs, l'individu créé ses propres
circonstances.
Parmi les principes clés autour desquels
s'articule l‟approche orientée vers les forces,
Van Wormer et al. (2000) soulignent
l'importance que prennent certains d'entre eux
dans un contexte d'intervention auprès des
clientèles gaies, soit «présumer la santé plutôt
que la pathologie », «mettre l'accent sur
l'actualisation et la croissance personnelle » et
«reconnaître que le «personnel » est politique et
que le politique est « personnel » ». Parce que
cette approche s'utilise avec les groupes et les
communautés, aussi bien qu'en intervention
individuelle, Van Wormer et ses collègues
soutiennent que la perspective d'intervention
axée sur les forces permet à la fois de
promouvoir l'actualisation du potentiel
personnel, d'aider les clients à trouver leurs
forces, à encadrer leurs choix, à reprendre leur
pouvoir et à supporter les autres à faire la même
chose. Cette approche est aussi enrichie par
l'intégration du paradigme d'un continuum
sexuel comme cadre de référence de
l'orientation sexuelle, plus flexible et plus
adéquat pour refléter la réalité biopsychosociale
d'un individu, que la simple dichotomie
hétérosexuel/homosexuel.
Pour Shernoff (1998), il est essentiel pour le
travailleur social d'incorporer la perspective
écologique dans sa pratique auprès de clients
appartenant à des groupes marginalisés par le
genre, l'ethnie ou par l'orientation sexuelle. C'est
par l'utilisation de cette approche que le
praticien sera en mesure de comprendre, et de
refléter au client, comment les biais et les
préjugés de la culture hétérosexiste l'ont
influencé et ont contribué à sa réalité
psychosociale. Dans l'intervention auprès des
hommes gais, selon l'exemple de Shernoff, cela
signifie que le travailleur social doit être
conscient que l'homophobie, autant intériorisée
que sociale, tout comme les biais hétérosexistes,
affectent le développement, l'estime de soi et le
fonctionnement social et personnel du client.
L‟approche écologique met donc l‟emphase,
non seulement sur l‟individu, mais aussi sur
l‟environnement. Cette approche donne lieu à
l‟entraide et permet donc aux praticiens
d‟intervenir sur les milieux de vie, comme par
exemple en combattant les préjugés.
Pour Van Wormer et al. (2000), ce qu'ont à
vaincre les minorités sexuelles, tout comme
doivent le faire les praticiens, est la longue
conspiration du silence qui a servi à empêcher
des générations de gens de partager la vérité sur
leur vie sociale et amoureuse. Il est donc
important de garder à l'esprit que les histoires
personnelles prennent forme dans un puissant
contexte sociopolitique. En adoptant l'approche
orientée vers les forces, et mettant l'emphase sur
la multitude de façons avec lesquelles les
hommes gais ont réussi à survivre avec grâce,
humour et bonne volonté, Van Wormer et al.
(2000) nous rappellent que nous ne pouvons
toutefois perdre de vue la dure réalité qu'est la
leur, soit de vivre sous les assauts moralistes
constants et les sarcasmes envers la diversité
sexuelle.
L‟approche orientée vers les forces développées
par Saleebey (1992), découle de la perspective
« d'empowerment » (Tully, 2000). Se
détournant de la perspective positiviste, cette
approche soutient que la réalité peut être
interprétée à travers l'expérience individuelle.
Les concepts de relations sociales et d'individus
ne peuvent être appréhendés en dehors du
contexte social dans lesquels ils évoluent. Tully
souligne que l'influence humaniste apporte à la
perspective d'empowerment l'idée qu'il existe
une différence entre le monde des choses et
l'expérience individuelle et qu'en faisant des
L‟intervention auprès des hommes gais reste
encore aujourd‟hui un défi de taille, puisque
comme le mentionne Dorais, « le problème
8
188
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
d‟intériorisation de l‟oppression pose un grand
défi pour l‟intervenant. En effet, ce dernier a
généralement intériorisé les mêmes jugements
de valeurs qui sont précisément à l‟origine des
difficultés personnelles et sociales que vivent
ceux et celles qui ont demandé son aide » 9.
les problèmes d‟alcool, des conférences et de
l‟éducation communautaire (Dorais, 1982).
Certains centres ajoutent des services offerts par
des professionnels gais ainsi que des
consultations légales et médicales. La plupart de
ces organisations à but non-lucratif offrent un
service d‟écoute téléphonique et de référence,
« qui constituent la porte d‟entrée à l‟ensemble
des services offerts »12. Silverstein (1996)
attribue la formation de ces cliniques à deux
éléments historiques importants, soit les
changements apportés par le mouvement de
libération gai, et la montée de la recherche sur la
sexualité comme discipline scientifique.
L‟intervention auprès des hommes gais a donc
subi au cours des années des transformations
majeures. L‟évolution de ces pratiques peut
aussi être attribuable à un autre facteur
déterminant, soit l‟apparition progressive de
nouveaux lieux d‟intervention que sont les
groupes et les centres communautaires
spécifiquement gais.
Ces cliniques dispensent des services à coûts
minimes aux hommes gais et aux femmes
lesbiennes qui vivent de la détresse émotive et
qui ne veulent pas changer leur orientation
sexuelle. Ces services se distinguent donc de
toutes les autres thérapies axées sur la
pathologie, offertes jusqu‟à présent par la
p l u pa r t de s pr of ess i on n el s. A l or s
qu‟antérieurement la communauté
professionnelle était obsédée par l‟étiologie et le
traitement de l‟homosexualité, les centres de
services gais ignorent ces questions et se
concentrent sur les besoins de la personne
(Silverstein, 1996). Au Québec, c’est
principalement à Montréal que l‟on assiste à
l‟émergence de cliniques offrant des services
adaptés aux clientèles gaies et à la mise en place
de centres communautaires gais. Nous
aborderons donc maintenant la mise en place de
La prochaine partie de ce texte abordera
brièvement l'implantation de ces centres
communautaires gais pour ensuite faire état de
la situation du Québec en matière d‟intervention
auprès des clientèles gaies.
LES CENTRES COMMUNAUTAIRES GAIS :
PRATIQUES
ET
EXPÉRIENCES
ALTERNATIVES
La mise en place de centres de consultation ou
de « counseling » spécifiquement gais est une
des étapes les plus significatives dans la volonté
d‟offrir des traitements alternatifs aux
populations gaies. Elle représente une ouverture
importante dans l'accessibilité de soins et de
services adaptés aux réalités gaies et lesbiennes
et constitue un virage significatif dans les
pratiquoixante-dixes des professionnels en santé
physique et mentale.
Dès le début des années s, des centres de
services de consultation sont mis sur pieds dans
plusieurs grandes villes des États-Unis et du
Canada. « Au Canada, presque tous les groupes
gais s‟orientent vers la création de services
sociaux pour les gais et l‟obtention de droits
légaux »10. Les services sont généralement
dispensés par des hommes gais et des femmes
lesbiennes, offrant du soutien entre pairs, ce qui
fit émerger, comme le note Dorais : « le concept
de services communautaires « pour et par » les
gais…eux-mêmes »11 . On y propose
généralement des services de consultation
individuelle, de couple et familiale, du soutien
aux jeunes et à leurs parents, des groupes de
conscientisation, des programmes concernant
9
Dorais, M. (1981). Pour une conception positive de
l‟homosexualité. Revue québécoise de Sexologie, 2
(1) :43
10
Higgins, R. (1998) Identités construites, communautés
essentielles. De la libération gaie à la théorie queer.pp.
109-133, in Lamoureux, D. sous la direction de
(1998).Les limites de l’identité sexuelle. Montréal : les
éditions du remue-ménage :118.
11
Dorais, M. (1982). Mouvement social gai et luttes
institutionnelles : des services sociaux pour les
personnes d‟orientation homosexuelle. Revue
internationale d’action communautaire, 47(7) : 133.
12
Dorais, M. (1982). Mouvement social gai et luttes
institutionnelles : des services sociaux pour les
personnes d‟orientation homosexuelle. Revue
internationale d’action communautaire, 47(7) : 133.
9
189
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
pouvoir professionnel »14. Mais ces initiatives
reflètent la reconnaissance de la spécificité de
certains enjeux de santé qui affectent les gais.
services sociaux spécifiques aux clientèles
gaies.
Services sociaux spécialisés
homosexuels au Québec
pour
les
Ces réussites sont aussi redevables à d‟autres
acteurs qui jouent un rôle important dans
l‟évolution et la mise en place de services
adaptés aux besoins des homosexuels, soit les
professionnels « de l‟univers psychosocial ». En
effet, ces centres de consultation offrent aussi
aux professionnels gais, ou « gay-sensitive », un
lieu où il est possible de faire des apprentissages
sur les problèmes émotionnels des hommes gais
et leur permet de rencontrer d‟autres
professionnels gais (Silverstein, 1996).
Montréal, comme plusieurs autres grandes villes
nord-américaines, compte en 1974-1975, des
centres communautaires et d‟autres types
d‟espaces associatifs (Higgins, 1998). À cette
époque, les services communautaires
anglophones sont très actifs. Une collaboration
étroite entre le Centre de services sociaux VilleMarie, (établissement du ministère des Affaires
sociales qui dessert la population anglophone de
Montréal) et des groupes militants gais permet
la mise en place du « Gay Social Services
Project ». Ce projet est animé et contrôlé par des
représentants de la communauté même et fait
partie intégrante du C.S.S. Ville-Marie. La
réussite de ce projet incite les groupes gais
francophones à mettre sur pied une initiative
semblable (Dorais, 1982)
Comme le soulignent les auteurs recensés,
l‟intervention auprès des hommes gais doit, non
seulement tenir compte des réalités individuelles
et familiales, mais doit nécessairement intégrer
les contextes communautaires, socio-politiques
et historiques dans laquelle elle évolue. C‟est
d‟ailleurs cette spécificité du travail social qui a
permis à ces professionnels de faire face à un
des plus difficiles moments de l‟histoire
moderne des communautés gaies, soit
l‟épidémie du VIH / SIDA.
En 1981, après avoir surmonté plusieurs
difficultés d‟ordre politique, divers groupes gais
francophones, appuyés par de nombreux
organismes de consultation psychologique, de
santé mentale, de groupes populaires et
d‟universitaires, réussissent à convaincre le
Centre de services sociaux du Montréal
métropolitain d‟offrir des services spécialisés
aux clientèles gaies de son territoire. « Ce
faisant, ce dernier acceptait de revoir sa pratique
et de mettre un terme à la pratique traditionnelle
toute imprégnée du vieux schéma psychiatrique
de guérison et de culpabilisation de
l‟homosexuel »13.
ÉPIDÉMIE DU VIH/SIDA : UNE EXPERTISE
SPÉCIFIQUE DANS LE TRAVAIL AUPRÈS
DES PERSONNES ATTEINTES.
Parmi les événements qui ont marqué la
pratique du service social auprès des clientèles
gaies, l'épidémie du VIH-SIDA doit être
considérée comme étant très significative
(Mallon, 1998).
Lorsque les premiers cas d‟infection au VIH ont
été rapportés aux États-Unis, les infections
opportunistes qui lui sont reliées ont d‟abord été
diagnostiquées chez des hommes gais vivant à
San Francisco. Le SIDA est alors une « maladie
gaie » appelée GRID ou « Gay Related Immune
Disease », et assume donc toute la
stigmatisation déjà attachée à l‟homosexualité
(Mallon, 1998). Cette stigmatisation s’intensifie
Il importe ici de souligner la transition entre la
perspective communautaire préconisée au
départ par le mouvement de libération gai, qui
visait la déprofessionnalisation et la
désinstitutionalisation des services, et cette
initiative. La différence est certes liée au fait
que ces projets sont issus de la communauté et
des groupes gais. « Non-professionnels et
professionnels se lient pour développer des
services nouveaux et consolider l‟action
politique…perpétuel dilemme qui oppose
déprofessionnalisation et professionnalisation,
pouvoir communautaire à concrétiser et réel
13
Renaud, G. (1982). Mouvement homosexuel et
modernisation technocratique : l‟exemple des services
sociaux spécialisés pour les homosexuels. Revue
internationale d‟action communautaire, 447(7) : 136.
14
Idem : 138
10
190
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
lorsque les utilisateurs de drogues injectables,
dont un petit pourcentage sont gais, sont
identifiés comme étant un autre groupe à risque
pour cette infection (Appleby & Anastas, 1998).
diversité des milieux de pratique dans lesquels
s‟exerce la profession. Comme le soulignent ces
auteurs, les travailleurs sociaux se sont fait
remarquer par leur engagement militant, par leur
action sociale et par le soutien apporté aux
communautés gaies dans la revendication de
soins et de services appropriés aux personnes
vivant avec le VIH. L‟épidémie n‟a pas épargné
le Québec.
L‟épidémie du VIH touche intimement la vie de
la plupart des hommes gais, de leurs amants,
leurs amis, leurs familles. Le VIH est une des
questions de santé publique les plus émotives
qui confrontent la société, et ce principalement à
cause de l‟homophobie et les attitudes négatives
envers l‟utilisation de drogues qui lui sont liées.
(Altman, 1998 in Appleby & Anastas, 1998).
Peu importe la source d‟infection, le résultat est
la stigmatisation pour le client et la
stigmatisation secondaire pour ceux et celles qui
font partie de son système de soutien social. La
stigmatisation en retour affecte le
développement de politiques liées au VIH, la
distribution des services, et le financement
(Appleby &Anastas, 1995).
Au Québec
Au Québec, la période d‟après la descente au
bar Truxx15 s’est traduite par l’explosion
d‟associations de défense de droits mais aussi de
groupes voués à l‟organisation d‟activités
sportives et culturelles spécifiquement gaies.
D‟autres initiatives se mettent en place,
notamment celles qui offrent des services
adaptés aux clientèles gaies par le biais d‟une
collaboration avec le Centre de services sociaux
de Ville-Marie et le Centre de services sociaux
du Montréal métropolitain. Ces projets auront
été de courte durée puisque des coupures
budgétaires majeures dans le système de santé
au début des années quatre-vingt obligent ces
établissements à abolir ces services adaptés.
Pour contrecarrer cette menace, et répondre à
certaines publications et éditoriaux suggérant
que les pratiques sexuelles des hommes gais
étaient responsables de la propagation du virus
du VIH/Sida, un numéro spécial de American
Psychologist (1988) est exclusivement consacré
au Sida. D‟autres publications spécialisées ont
publié des numéros spéciaux dédiés entièrement
à des questions concernant la réalité gaie
Journal of Counseling and Development,
(1988); The Counseling Psychologist, (1991);
American Psychologist (1991) (Morgan &
Nerison, 1993).
Du reste, lorsque quelques années plus tard se
manifeste l‟épidémie du Sida, les organisations
gaies québécoises ne sont pas « préparées au
point de vue politique à faire face à l‟épidémie
du Sida »16. Rapidement les efforts se sont
concentrés sur l‟urgence d‟agir afin de diminuer
le nombre de nouvelles infections par la
prévention ciblée et offrir les soins et le soutien
nécessaires aux personnes souffrant du sida en
phase terminale ainsi qu‟à leurs proches.
Les écrits sur le sujet sont abondants, nourris
par des professionnels, praticiens et chercheurs,
de toutes les disciplines. Les travailleurs sociaux
ont contribué de façon significative à la
documentation concernant la santé mentale et
les aspects psychosociaux liés à l‟intervention
auprès des personnes vivant avec le VIH
(Appleby & Anastas, 2000).
En outre, le mouvement gai québécois n‟a pas
été en mesure d‟exercer de pressions efficaces
sur le gouvernement pour que les programmes
de prévention du VIH, conçus spécifiquement
Pour Appleby & Anastas (2000), il n‟est pas
surprenant que les travailleurs sociaux aient été
parmi les premiers professionnels à offrir des
services aux personnes infectées et affectées par
le VIH. Ils expliquent cette attitude d‟abord par
la présence significative d‟hommes gais,
engagés dans la profession, mais surtout par la
15
Voir le cahier I de cette série: L‟homosexualité : Du
péché à la reconnaissance sociale. État des origines et
du développement de la réponse de la société
occidentale à l‟homosexualité masculine, CÉRIS.
16
Lavoie, R. (1998). Deux solitudes : les organismes
sida et la communauté gaie in Demczuk, I., & Remiggi,
F. W. (1998). Sortir de l’ombre. Histoires des
communautés lesbienne et gaie de Montréal. :
11
191
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
pour les gais, soient mis en place. Comme
l‟explique Higgins (1998), cette lutte a donc été
mené par d‟autres, en l‟occurrence des
homosexuels touchés par le VIH, mais dont la
plupart n‟avaient pas été impliqués jusqu‟à ce
moment dans les groupes communautaires
existants. Lorsque des or ganismes
communautaires sont finalement créés en 19841985 pour répondre aux énormes besoins
suscités par l‟épidémie, les connaissances
concernant le VIH-sida ont déjà évolué, le profil
des personnes atteintes s‟est transformé et le
portrait de l‟épidémie se modifie notamment
avec l‟avènement des multithérapies. Malgré le
fait que les hommes gais sont ceux qui sont le
plus touchés par l‟épidémie, les groupes de lutte
contre le sida se croient obligés d‟adopter un
profil non gai. On assiste donc, selon Lavoie
(1998), à une « déshomosexualisation » du sida,
ce qui provoque le mécontentement des
militants gais et engendre des tensions
importantes entre les groupes gais d‟une part et
les organismes de lutte contre de sida, d‟autre
part. Se développeront dès lors des réseaux
parallèles que Lavoie appellera « les deux
solitudes »17.
besoin d‟enrichir la base des connaissances et
les principes sur lesquels est basée la profession
dans le but d‟enseigner, de former et de
superviser les futurs praticiens à la réalité de ces
clientèles.
Nécessaire formation
Le service social a une longue tradition dans
l‟intérêt et la défense des droits de nombreuses
minorités et groupes marginalisés (Appleby et
Anastas, 2000). Cultiver une base de
connaissances pour la pratique auprès des
clientèles gaies mais aussi bisexuelles et
transsexuelles, dans le but de préparer les
étudiants et les praticiens à intervenir de façon
efficace et respectueuse, semble de plus en plus
nécessaire (Mallon, 1998).
À cet effet, on remarque, jusqu‟en juin 1998,
l'absence d'accréditation requise au sujet de
l'orientation sexuelle dans les programmes et les
politiques des écoles de service social au
Canada. Les curriculums des écoles de service
social évitaient les questions gaies et lesbiennes
(O'Neill in van Wormer et al.), 2000). En juin
1998, de nouveaux standards pour la formation
en service social ont été introduits par l'ACESS
(Association canadienne des écoles de service
social) dans le but d'aborder de multiples bases
d'oppression, incluant l'orientation sexuelle. Il
s‟agit maintenant d‟une norme très claire pour
l‟Association Canadienne des Écoles de Service
Social, et à défaut, une école peut ne pas être
accréditée. Mentionnons la présence d‟un
caucus GLBT (gai, lesbienne, bisexuel,
transsexuel) au sein de l‟ACESS qui est très
actif, et qui permet de faire avancer la réflexion
de l‟association sur les questions touchant
l‟orientation sexuelle.
Au milieu des années quatre-vingt-dix, on
assiste à un retour des préoccupations plus
larges sur la santé des hommes gais. Le
gouvernement du Québec publie des
orientations ministérielles pour l‟adaptation des
services aux réalités homosexuelles, mais suite
au changement de gouvernement, le dossier
reste lettre morte. On commence alors à penser
à de nouvelles approches préventives pour
contrer la banalisation du VIH mais aussi pour
sensibiliser les hommes gais à d‟autres enjeux
de santé spécifiques aux homosexuels. Une
étude réalisée par l‟organisme communautaire
Séro-Zéro, qui travaille auprès des hommes gais
dans une perspective de prévention du VIH mais
aussi sur la démystification de l‟homosexualité
auprès de jeunes gais, fait aussi état de la
nécessité d‟adapter les services de santé aux
réalités des hommes gais mais aussi de la
nécessité d‟implanter certains services
spécifiques, particulièrement en santé mentale.
Certaines écoles de service social mettent en
place des initiatives tel que le Projet Interaction,
de l‟Université McGill, dédié à la santé et au
bien-être des personnes gaies, lesbiennes,
bisexuelles et transsexuelles, de leurs familles et
de leurs communautés. Pour ce faire, le projet
s'engage à collaborer à l'amélioration de la
conception et de la livraison des services
sociaux pro-gais, et à contribuer à éliminer la
La pratique auprès des clientèles gaies, apporte
donc de nouvelles exigences qui renforcent le
17
Idem
12
192
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
discrimination grâce au développement de
formation spécialisée en intervention clinique, à
des initiatives de recherche, et à de la
mobilisation éducative et communautaire.
préjugés et
oppressives.
des
approches
traditionnelles
L‟épidémie du VIH/Sida ne peut non plus être
passée sous silence. Ce fléau n‟a pas épargné le
Québec et nécessite toujours que soient adaptées
les pratiques des divers intervenants aux
changements qu‟il suscite chez les individus
mais aussi dans les communautés gaies.
Il est clair que les interventions des travailleurs
sociaux, peu importent leurs lieux de pratique,
doivent contribuer à la lutte contre la
discrimination perpétuée à l‟égard des
personnes homosexuelles à l‟intérieur des
services offerts. La reconnaissance de
l‟expertise des groupes communautaires et le
soutien à ces organismes pourraient en partie
contribuer à l‟augmentation des connaissances
des professionnels de la santé face à
l‟homosexualité et aux besoins des hommes
gais, qui en retour ne pourront qu‟améliorer les
interventions faites auprès de ces clientèles.
Malgré la reconnaissance des besoins des
communautés gaies en matière de services et
d‟interventions adaptés, de grandes lacunes
subsistent, principalement en ce qui concerne la
formation des intervenants. Encore trop peu
d‟intervenants des services de santé et des
services sociaux sont formés pour répondre aux
besoins spécifiques des clientèles gaies.
Outre les services spécifiques aux besoins des
personnes qui vivent des problèmes de santé et
de vie liés au VIH, à la consommation de
drogues et d‟alcool ou des difficultés
d‟adaptation à une orientation homosexuelle,
peu de réponses adaptées sont offertes
présentement aux hommes gais qui vivent
d‟autres problématiques. Les pratiques des
intervenants sensibilisés aux réalités des
hommes gaies devront donc, pour les prochaines
années, prendre en compte l‟évolution constante
des besoins de cette clientèle. La reconnaissance
de l‟union entre personnes de même sexe, la
parentalité, les conséquences directes de
l‟efficacité des multithérapies sur les pratiques
sexuelles des hommes gais et surtout sur les
jeunes qui n‟ont pas été touchés par les
premières campagnes de prévention et de
sensibilisation au VIH/Sida, ne sont que
quelques exemples des changements rapides qui
influenceront les pratiques. Souhaitons que les
services puissent réagir à temps, et
efficacement.
EN CONCLUSION
L‟intervention auprès des clientèles gaies a
connu une évolution rapide, tout comme celle
des perceptions sociales envers l‟homosexualité.
Fruit du hasard? Rien n‟est moins sûr.
L‟influence indéniable d‟événements tels que
Stonewall et le retrait de l‟homosexualité du
DSM-II ne peut être ignorée, mais n‟expliquent
pas à eux seuls ces bouleversements majeurs.
La redéfinition de l‟homosexualité à partir de
l‟expérience de ceux qui la vivent est sans
contredit un tournant épistémologique majeur
qui a par la suite influencé non seulement les
champs de connaissances théoriques mais aussi,
de nombreux domaines d‟intervention. En se
positionnant eux-mêmes comme sujet plutôt
qu‟en objet de recherche, les hommes gais se
permettent d‟être entendus.
Des connaissances et des pratiques adaptées
mais aussi des milieux d‟intervention ouverts
sur de nouvelles réalités sont devenus
nécessaires. L‟apparition de centres
communautaires et de groupes de soutien
spécifiquement gais, basés sur l‟intervention
« par et pour » permet à des hommes de prendre
conscience, individuellement mais surtout
collectivement, de l‟oppression dont ils sont
l‟objet. Ces milieux ont aussi contribué de façon
significative au développement de pratiques
individuelles et collectives débarrassées des
13
193
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
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Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
ŝďůŝŽŐƌĂƉŚŝĞĐŽŵƉůĠŵĞŶƚĂŝƌĞ
Les besoins des minorités sexuelles et les services sociaux et de santé: signes d'ouverture
Auteur(s):
Jean Dumas
Chercheur postdoctoral, CSSS Jeanne-Mance
Line Chamberland
Professeure, Département de sexologie, Université du Québec à Montréal
Revue:
Vol. 7 No. 1 - Printemps 2014
Les enjeux de santé des minorités sexuelles sont de plus en plus documentés dans la littérature
scientifique (Institute of Medecine, 2011). D’une part, les recherches montrent que les personnes LGBT
(se définissant comme lesbiennes, gaies, bisexuelles, transsexuelles ou transgenres) sont
particulièrement touchées par certains problèmes de santé physique, mentale et sexuelle (par exemple,
VIH/sida et autres ITSS, anxiété et dépression, idéations suicidaires et tentatives de suicide). D’autre
part, les personnes LGBT peuvent également faire face à de nombreuses difficultés d’origine culturelle,
197
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
structurelle ou psychosociale dans leur accès et leur utilisation des services sociaux et de santé. Dans
l’ensemble du système de santé, les services demeurent hétérocentriques, c’est-à-dire fondés sur des
présupposés hétérosexuels et négligeant les clientèles provenant des minorités sexuelles. Les soins
seraient fréquemment administrés par des intervenants qui ne sont pas au courant des problématiques
de santé de ces populations. Des recherches populationnelles récentes ont par ailleurs démontré que
certaines minorités sexuelles sont plus nombreuses à déclarer des besoins de santé non satisfaits au
Canada (Tjepkema, 2008).
Au Québec, avec la publication du rapport intitulé De l’égalité juridique à l’égalité sociale (CDPDJ, 2007),
plusieurs recommandations ont été adressées au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) en
vue d’offrir des services mieux adaptés aux besoins des minorités sexuelles. Cependant, en raison des
défis relatifs à la coordination et au financement des orientations prévues, leur mise en œuvre demeure
inégale et inachevée dans les divers secteurs de la santé et des services sociaux. Le Plan d’action
gouvernemental de lutte contre l’homophobie a par la suite proposé plusieurs pistes d’action au MSSS,
dont celle de « définir des lignes directrices relatives à l’inclusion des réalités des personnes de minorités
sexuelles […] dans les politiques, les programmes et les recherches relevant du réseau de la santé et des
services sociaux » (Ministère de la Justice, 2011 : 11).
L’adaptation
C’est dans ce contexte qu’une recherche-action participative sur l’adaptation des services a été réalisée
au CSSS Jeanne-Mance entre 2011 et 2013, un établissement dont le territoire comporte une forte
concentration de personnes LGBT1. La recherche avait comme premier objectif de documenter, à l’aide
d’entrevues avec des informateurs clés, les pratiques spécifiques de cet établissement en matière
d’adaptation des services (voir Dumas, 2013). Parmi les pratiques relevées, on peut citer le soutien du
CSSS au Comité sur la santé des minorités sexuelles (CSDMS). Créé en 2005, le comité a été reconnu
officiellement dans le Plan d’action local en santé publique 2010-2015. Cette reconnaissance permet
notamment de dégager du temps pour les intervenants qui participent à des rencontres mensuelles et
d’offrir le soutien nécessaire à la réalisation de leur plan d’action. Depuis 2005, le comité organise des
formations ponctuelles à l’interne, ce qui constitue une seconde pratique spécifique au sein du CSSS.
Ainsi, une formation a été offerte en mai 2012 sur les réalités complexes des personnes transgenres et
transsexuelles en ce qui concerne l’accès et l’utilisation des services sociaux et de santé (traitements
hormonaux et chirurgicaux, suivi du processus de transition, etc.). Une conférence sur le risque suicidaire
chez les personnes LGBT a été présentée par la Chaire de recherche sur l’homophobie en février 2013 et
une formation sur l’homoparentalité a été donnée en mai 2013 par la Coalition des familles
homoparentales du Québec.
D’autres pratiques spécifiques au CSSS sont liées à la lutte aux ITSS, notamment le travail de proximité
qui permet d’offrir des services à des populations vulnérables difficiles à rejoindre autrement. Des
infirmiers du CSSS sont régulièrement présents dans les saunas et dans les locaux de plusieurs
organismes communautaires pour le dépistage et la vaccination. L’équipe ITSS offre également des
groupes de soutien aux personnes atteintes du VIH ou de l’hépatite C. Un autre volet est l’organisation
communautaire, qui a permis de soutenir le développement, l’implantation et le suivi d’une Charte OK,
par laquelle les propriétaires de saunas s’engagent à favoriser la prévention des ITSS dans leurs
établissements.
Ces pratiques illustrent l’éventail des moyens déployés jusqu’à maintenant par le CSSS Jeanne-Mance
pour améliorer l’adéquation des services offerts avec les besoins des personnes LGBT. Les entrevues ont
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
également fait ressortir un certain consensus parmi les professionnels quant aux qualités nécessaires à
l’interaction entre usagers et professionnels : bon accueil, développement d’un lien de confiance et
identification des besoins spécifiques. Des techniques de communication appropriées sont nécessaires
pour développer ce lien de confiance, de même qu’une aisance à aborder les questions de sexualité,
d’orientation sexuelle et d’identités de genre avec ces clientèles variées. Quant à la nécessité d’offrir des
services spécialisés ou des programmes distincts s’adressant spécifiquement aux personnes LGBT, les
opinions des personnes interviewées sont partagées : plusieurs s’y opposent en invoquant des risques
tels que la stigmatisation et la ghettoïsation des minorités sexuelles ainsi que la déresponsabilisation des
autres points de services du réseau de la santé. Toutefois, pour ce qui est des personnes transgenres,
certains sont d’avis qu’une sous-équipe spécialisée interdisciplinaire avec des ressources dédiées
pourrait s’avérer nécessaire pour répondre aux besoins spécifiques de soins et de services autour de la
transition.
L’adéquation
Un second objectif de la recherche visait à mesurer l’adéquation perçue des services sociaux et de santé
par les usagers LGBT du CSSS Jeanne-Mance et des autres établissements de santé au Québec. Ce volet a
été réalisé à l’aide d’un questionnaire en ligne ayant rejoint 736 participants (moyenne d’âge de 36 ans)
comprenant une proportion égale d’hommes et de femmes (49,7 % et 50,3 %), parmi lesquels 8,7 %
s’identifient comme transgenres. Sur le plan des orientations sexuelles, 25,8 % des participants se sont
identifiés comme lesbiennes, 42,8 % gai-es ou homosexuel-les, 14,9 % bisexuel-les et 11,7 % se
définissent autrement (par exemple Queer). Une proportion de 32,3 % réside à l’extérieur de la région de
Montréal. Près de la moitié (44,4 %) déclarent au moins une maladie chronique (santé physique, mentale
ou sexuelle) diagnostiquée par un professionnel de la santé, une proportion similaire aux données de
l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de Statistique Canada (Tjepkema, 2008).
Près de six participants sur dix ont un médecin de famille (61 %) et plus des trois quarts (82 %) ont eu
recours à des services sociaux et de santé au cours des deux dernières années, y compris ceux du
CSSS Jeanne-Mance. Environ la moitié des répondants rapportent avoir déjà discuté de leur orientation
sexuelle ou de leur identité de genre avec un professionnel de la santé ou avec leur médecin de famille.
Près d’un participant sur dix (9%) indique avoir déjà évité de demander un service de santé en raison de
son orientation sexuelle ou de son identité de genre. Cette proportion grimpe à 30 % parmi les
personnes transgenres.
Le questionnaire proposait également une série d’indicateurs de satisfaction, sous forme d’énoncés au
sujet des services reçus et de l’interaction avec les professionnels de la santé et des services sociaux :
évaluation de l’écoute, de l’empathie, du respect, de la compréhension de la situation de l’usager, de la
non-présupposition de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, etc. Les scores de satisfaction sont
élevés pour plusieurs de ces dimensions et le portrait global est somme toute positif, notamment en ce
qui a trait à la perception de la qualité de l’accueil, du respect, de l’écoute et de la compétence des
intervenants par rapport aux réalités LGBT.
Les analyses comparatives révèlent toutefois des différences significatives quant aux scores de
satisfaction selon les sous-groupes : les personnes transgenres et les femmes de minorités sexuelles
accordent des scores moyens moins élevés, par exemple en ce qui concerne la présupposition de
l’orientation sexuelle et les compétences à propos des réalités propres aux femmes lesbiennes ou
bisexuelles, de même qu’aux personnes transgenres. Ces deux groupes sont donc globalement moins
satisfaits des services offerts. Toutefois, en ce qui concerne les services du CSSS Jeanne-Mance, ces
différences entre sous-groupes sont moins prononcées, ce qui semble suggérer que les usagers des
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services de l’établissement sont plus satisfaits que ceux et celles utilisant d’autres points de services au
Québec. Ce moindre écart peut s’expliquer, entre autres, par l’expérience des intervenants du CSSS avec
les minorités sexuelles, étant donné la forte concentration de ces populations sur le territoire, mais aussi
leur aisance à discuter de sexualité avec les minorités sexuelles, notamment au sein de l’équipe ITSS,
comme l’explique un intervenant interviewé dans le cadre du premier volet de la recherche : « Lorsque
tu viens travailler à l’équipe ITSS, à la fois au niveau personnel et professionnel, tu dois être à l’aise
d’accueillir ce genre de clientèle et de parler de toutes sortes d’aspects de la sexualité dont les pratiques
sexuelles ».
Le questionnaire en ligne comprenait aussi des questions ouvertes portant sur les expériences des
répondants avec les services. L’analyse de ce corpus permet d’identifier les éléments constitutifs
d’expériences positives : une attitude de la part de l’intervenant qui soit chaleureuse, positive, sans
jugement et sans discrimination, sans présupposition de l’orientation sexuelle, la possession de bonnes
connaissances sur les enjeux de santé des LGBT, la prise de temps pour développer un lien de
confiance :
« Je me souviens de l'attitude très empathique et chaleureuse de l'infirmière. Elle a été à l'écoute,
ouverte, très positive » (femme queer, 30 ans).
« Ma docteure fut très ouverte et disponible. Elle ne manifeste pas de préjugés ni de propos homophobes
lors de nos rencontres. Une confiance mutuelle est installée » (lesbienne, 34 ans).
« L'infirmière n'a pas présumé de mon hétérosexualité et m'a demandé le sexe de mes partenaires
sexuels » (homme gai, 24 ans).
« Depuis 2005 que je suis avec mon médecin à la clinique [nom de la clinique]. Je suis allé voir ce médecin
à cause de sa connaissance sur la transsexualité. L’accueil était superbe, le respect présent et une
approche humaine, très professionnelle » (lesbienne et transgenre, 55 ans).
À l’opposé, des éléments associés à des expériences plus difficiles ou mixtes sont rapportés :
méconnaissance par les professionnels des réalités liées à la santé des personnes LGBT, notamment au
sujet des personnes transgenres (accès à l’hormonothérapie et au suivi du processus de transition, refus
de prodiguer des soins, entre autres) et des femmes de minorités sexuelles (présupposition d’une
orientation sexuelle hétérosexuelle, connaissance insuffisante des risques de transmission des ITSS entre
femmes, par exemple) :
« Cela a très bien été jusqu'à ce que je lui dise que je voulais une transition sexuelle et que j'avais besoin
d'aide là-dedans. Après, elle m'a dit qu'elle ne pouvait rien faire pour moi. Que je devais trouver par moimême quelqu'un pour m'aider. Ce fut très désagréable » (femme trans, hétérosexuelle, 24 ans).
« La psychoéducatrice du CLSC a été très respectueuse et sa contribution a été utile. Toutefois, pour
obtenir le rendez-vous, il ne fallait pas mentionner que la transidentité faisait partie du contexte (femme
trans et hétérosexuelle, 59 ans)».
« J'ai essayé d'aborder la question avec mon gynécologue. Très mauvaise expérience. Pas ouvert à
prendre le temps de discuter, aucun signe LGBT, le personnel supposait que j'étais hétéro [...]. J'ai attendu
l'année d'après pour aborder le sujet, du bout des lèvres. Encore aujourd'hui, il me demande toujours si
j'ai “un petit chum” à chaque rendez-vous (femme bisexuelle, 24 ans) ».
200
Cahier de documents d'accompagnement
Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
« De manière générale, les médecins ne s'intéressent pas à l'orientation sexuelle d'une personne, et
assument trop souvent que vous êtes hétérosexuelle quand vous êtes une femme. J'ai déjà dit à un
médecin avoir eu une relation avec une autre femme, car elle [la relation] était non protégée et que
j'avais des inquiétudes et les “dangers” potentiels de cette relation ont été complètement banalisés »
(femme queer, 32 ans).
« À aucun moment, on ne m'a expliqué qu'il y avait aussi des moyens de se protéger durant les relations
avec des femmes. À ce jour, je ne suis pas plus éclairée sur le sujet » (lesbienne, 35 ans).
Les participants étaient invités à émettre des suggestions pour l’amélioration des services. Figure au
premier rang une meilleure formation des professionnels de la santé et des services sociaux, tant pour la
formation académique que pour la formation continue. D’autres suggestions portent sur la lutte contre
l’hétérosexisme, encore trop souvent présent dans la prestation des services, la promotion du dialogue
entre les professionnels et les usagers LGBT, par exemple en exposant des signes d’ouverture dans
l’environnement (affiches, dépliants et autres supports d’informations), et la sensibilisation du personnel
aux réalités des familles homoparentales.
Résonance
Le portrait global de la satisfaction des personnes LGBT quant à leurs expériences avec les services
sociaux et de santé en général est positif sur plusieurs dimensions telles que l’accueil, l’ouverture, la
politesse, le respect. Toutefois, les résultats suggèrent que du travail reste à accomplir sur plusieurs
aspects, tels que les connaissances sur les problématiques de santé des personnes LGBT, les signes
d’ouverture dans l’environnement et l’hétérosexisme perçu par les usagers, notamment parmi les
femmes de minorités sexuelles. Les personnes transgenres se heurtent encore à plusieurs obstacles
particuliers dans leur accès et leur utilisation des services.
Ces résultats sont en résonance avec la littérature scientifique, par exemple sur l’hétérosexisme qui est
l’expression d’une des formes d’inégalités sociales en matière de santé auxquelles peuvent être
confrontées les minorités sexuelles. Ces constats seront soulignés, parmi d’autres, dans la proposition de
recommandations pour l’amélioration des services et la formation du personnel non seulement au CSSS
Jeanne-Mance, mais dans l’ensemble du réseau de la santé et des services sociaux au Québec. Le CSSS
Jeanne-Mance, pour sa part, a déjà démontré sa volonté de mieux répondre aux besoins des minorités
sexuelles en introduisant des pratiques spécifiques sur le plan de l’organisation, de la formation et du
travail de proximité. Il est à souhaiter que son exemple soit suivi ailleurs au Québec.
Note
1 : Recherche réalisée par Jean Dumas, boursier du programme 4P (promotion, prévention et politiques
publiques), Réseau de recherche en santé des populations du Québec, sous la supervision de Line
Chamberland.
Références
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) (2007). De l’égalité juridique à
l’égalité sociale : vers une stratégie nationale de lutte contre l’homophobie, Rapport de consultation du
Groupe de travail mixte contre l’homophobie.
Dumas, J. (2013). « L’évaluation des services sociaux et de santé offerts aux minorités sexuelles par le
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Adapter nos interventions aux réalités des personnes
de la diversité sexuelle, de leur coupple et de leur famille
CSSS Jeanne-Mance », Service Social, 59, 1 : 63-80.
Institute of Medecine (2011). The Health of Lesbian, Gay, Bisexual, and Transgender (LGBT) People:
Building a Foundation for Better Understanding, Washington (DC), National Academies Press.
Ministère de la Justice (2011). Plan d’action gouvernemental de lutte contre l’homophobie 2011-2016,
Gouvernement du Québec.
Tjepkema, M. (2008). Utilisation des services de santé par les gais, les lesbiennes et les bisexuels au
Canada, Composante du produit no 82-003-X, Rapports sur la santé au catalogue de Statistique Canada.
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