Discours pour le bicentenaire de la police

Transcription

Discours pour le bicentenaire de la police
Face aux nouvelles menaces, les bases de la
sécurité
Discours pour le bicentenaire de la police valaisanne
à la foire de Martigny, le 1er octobre 2015
Chers amis,
Cherchant à souligner l’importance du travail de notre
police, j’ai d’abord voulu lister les menaces auxquelles
elle doit faire face. La liste n’en finissant pas, j’ai décidé
d’inverser les choses et d’énumérer les domaines
sécurisés.
L’école ? Tu parles !
La santé ? Passons !
La politique peut-être ? Tu peux carrément oublier.
Résultat : la liste des domaines sécurisés est la plus
courte au monde puisqu’elle n’existe tout simplement
pas !
Eh oui: c’est le propre de notre époque, hélas, que de
vivre dans la menace. Du temps de notre jeunesse, on
laissait la porte ouverte en quittant la maison, le boguet
n’avait pas de cadenas et la clef était toujours sur le
contact de la 2CV.
Là, j’ai mis 2CV plutôt que coccinelle, car il vaut mieux
citer Citroën que Volkswagen par les temps qui courent.
Par rapport à cette époque bénie, le 21e siècle apparaît
comme une forêt des frères Grimm peuplée d’embûches
et de brigands. Dans cette évolution, la chute du mur de
Berlin en 1989 me paraît une étape charnière. Avec la
démolition du rideau de fer, on a cru un bref moment
que l’ère des confrontations était terminée. Plus de mur,
plus de confrontation ! On allait tous êtres frères. Mais
voilà, lorsque les allemands de l’Est ont proclamé :
« nous sommes un peuple ! », ceux de l’ouest ont
rétorqué : « Nous aussi ! » Bref, ce n’était pas gagné.
Un temps, au niveau des blocs et des grandes
puissances, la confrontation a certes diminué. Mais ça
n’a pas duré. Le monde est de nouveau secoué de
drames et de rivalités, et tous ces événements, à l'ère
des flux d'idées, des images virtuelles et des
populations, se répercuteront inévitablement sur le pays
de Heidi, des coucous et des vaches Milka.
Au niveau plus proche du sol et du quotidien, l’aprèsguerre froide a été marquée par l’abaissement de toutes
les barrières. En abattant les frontières physiques,
financières, économiques, on a également cru pouvoir
baisser la garde. Il en est résulté une criminalité
galopante, liée certes aux mouvements de population,
mais également à une perte de repères qui nous a fait
confondre des notions clefs. Des notions qui, de tout
temps, ont été bien distinctes dans la tête des gens et
surtout des dirigeants. Je vous prie donc d'avance de
m'excuser si je vais enfoncer des portes ouvertes. Mais
il est des évidences qu'il est important de rappeler sans
cesse.
Pour caractériser notre époque, on peut parler de
«bobocratie». Les bourgeois-bohèmes sont la queue de
cette comète qui a chamboulé l’Europe au mois de mai
1968. Ils sont la concrétisation sociétale de l’utopie au
pouvoir. Les bobos, qui professent le plus grand
altruisme tout en veillant férocement à la défense de
leurs prérogatives et de leur confort, vivent et pensent la
contradiction permanente et se délectent de leur propre
schizophrénie qu’ils appellent conception différentiée de
la complexité du monde. Le règne des bobos, en un
mot, c’est la cohabitation heureuse de la chèvre et du
chou, du loup et de l’agneau, du pot de terre et du pot de
fer. C’est la conviction que les médailles n’ont qu’une
face puisqu’on n’en voit qu’une à la fois. Or, lorsque les
médailles n’ont plus de revers, tout le monde il est beau,
tout le monde il est gentil. C’est évidemment une vaste
utopie! Une de ses conséquences est la confusion
funeste qu’on a infusée dans la tête des gens entre la
force et la violence.
L’Etat de droit a pour attribut essentiel le monopole de la
force. La délégation de la défense des faibles à l’Etat est
même un signe élémentaire de civilisation. Sans cela,
c’est le Far West. Il n’y a pas plus de trois semaines, les
turcs et les kurdes nous ont d’ailleurs fait un remake de
« duel à OK corral » à Berne. Avec la bande originale
d’Ennio Bourricone intitulée « Sonate pour batte de
baseball et cran d’arrêt ! »
Pour que leur mission civilisatrice puisse s’accomplir, il
faut que les organes de l’Etat disposent effectivement du
monopole de la force. Et pour qu’elle s’accomplisse à la
satisfaction de tous, il faudrait aussi, idéalement, que
l’Etat n’en fasse jamais usage. Que son autorité suffise à
écarter tout recours à la force, le recours à la force
témoignant, en somme, d’un échec de l’autorité.
Or, depuis que la force est assimilée à la violence, l’Etat
a été désarmé aux yeux de beaucoup dans cette
attribution régalienne qui est la sienne. Plutôt que de
mesurer et cadrer l’action du pouvoir, les idéologues du
chaos sympathique ont préféré la déclarer illégitime. En
conséquence, ils militent pour rendre juridiquement et
moralement acceptables toutes sortes de déviances qui
sont tout simplement criminelles: commerce de la
drogue, criminalité immigrée, pédophilie, etc. Plutôt que
de combattre le Mal, ils nous persuadent qu’il vaut mieux
nous en accommoder! Ce faisant, ils discréditent les
garants de l'ordre dans leur fonctionnement quotidien.
Or lorsque l'autorité est ébranlée c'est la force qui de
plus en plus prend sa place. Et la force, n'est-ce pas,
c'est à peu près la même chose que la violence. Dès
lors, gendarmes ou voleurs, c'est du kif-kif pour certains
milieux qui confondent laisser-faire et liberté!
La Suisse est un pays de compromis, je le sais bien.
Mais nous, ici en Valais, disons NON à ces compromislà. Il est des cas où le calumet de la paix ne sert qu’à
nous étourdir et à nous occuper les mains. Surtout si ce
sont des fumeurs de kéké qui l’ont bourré.
Criminalité transfrontalière, marché de la drogue,
insécurité et incivilité sont le pain quotidien de notre
police qui sait que les choses ne se passent pas de la
manière idyllique que dépeignent certaines autorités
morales et médiatiques.
En dehors de sa mission ordinaire et de plus en plus
complexe, la police doit aussi composer avec ce grand
écart qui sépare les discours de la réalité. Pour cette
raison, sa formation doit être de plus en plus affinée et
subtile, sur tous les plans: opérationnel bien entendu,
mais aussi psychologique et humain. De ce côté-là,
nous disposons à Savatan, j'en suis convaincu, d'une
école de premier ordre, n’en déplaise à certains qui
veulent transformer les policiers en bisounours.
Ces derniers jours, au milieu du tumulte qui entoure la
crise syrienne, notre ministre des affaires étrangères M.
Burkhalter a su préserver le langage de la raison: la
priorité, a-t-il rappelé, c'est de combattre le terrorisme,
par-delà les alliances et les aprioris idéologiques.
Sur le plan de notre sécurité intérieure, il en va de
même. Notre priorité, c'est de combattre le crime,
d'identifier et de maîtriser les menaces, non de nous en
accommoder. C'est de faire régner la loi, et non de la
plier aux circonstances. C'est évident pour moi et je
présume que ça l’est également pour vous. Mais c'est
encore une évidence qu'il vaut mieux répéter haut et fort
à l'attention de ceux que l'excès de spéculation
intellectuelle et morale a rendus sourds et aveugles!
Bien sûr, certains milieux vous diront que lorsqu’on vous
frappe sur une joue, il faut tendre l’autre.
La police valaisanne préfère prévenir le premier coup
sur la joue.
Ça évite de devoir tendre l’autre.
Je vous souhaite une belle journée à la foire en toute
sécurité, puisque la police fait la foire avec vous !
Oskar Freysinger