Le Passe-Muraille de Marcel Aymé - Fiche de lecture
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Le Passe-Muraille de Marcel Aymé - Fiche de lecture
2. ÉTUDE DES PERSONNAGES Dutilleul alias Garou-Garou Dutilleul est au début de la nouvelle l’archétype du petit fonctionnaire et l’incarnation parfaite du anti-héros. Portant binocle et petite barbiche noire, c’est un « employé de troisième classe » (p. 7) au ministère de l’Enregistrement qui remplit consciencieusement son office et n’attend rien de spécial dans la vie. Quand il découvre son don – pouvoir passer à travers les murs – cela le laisse de marbre, voire l’indispose. Il se rend de suite chez son médecin pour éviter que cela ne perturbe ses habitudes. Ce sont en fait les circonstances, et non sa personnalité, qui l’amènent à utiliser ce don. Il suffit qu’un seul élément de son quotidien ne change – le remplacement de son sous-chef par un autre – pour que l’action se mette en marche. « Modeste, mais fier » (p. 10), pour se venger de ce sous-chef qui l’humilie, il n’hésite pas à le rendre fou en jouant à faire apparaitre sa tête dans son bureau. À partir de ce moment, il ressent l’envie irrépressible de se servir de son pouvoir magique. C’est donc par une sorte d’insouciance ludique que le récit prend vie, que Dutilleul devient un véritable héros. Il joue, s’amuse (cambriolages rocambolesques, arrestations volontaires, il ridiculise le directeur de prison, etc.) et, en prenant le surnom comique et ubuesque de Garou-Garou, incarne finalement le rôle-titre, celui du Passe-Muraille. Son don réveille en lui sa nature enfantine, enfouie derrière sa vie rangée et plate de petit fonctionnaire modèle. Son pouvoir extraordinaire le fait effectivement sortir de l’ordinaire, mais c’est surtout l’usage qu’il en fait qui le révèle à lui-même. Pour échapper à la police, il se rase la barbiche, remplace son lorgnon par des lunettes en écaille et porte un pantalon de golf à la mode. La mue est accomplie, la transformation est complète : le personnage de Dutilleul s’efface complètement au profit de celui de Garou-Garou. Et, après l’insouciance du jeu, vient l’insouciance de l’amour lorsqu’il rencontre par hasard une « beauté blonde ». Par contraste avec l’employé effacé, à la vie morne et répétitive, sans intérêt en soi, il devient alors réellement un individu à part entière, vivant, et surtout éminemment romanesque. Héros romanesque, il l’est triplement : il a un pouvoir magique, il combat et ridiculise les autorités (son sous-chef, le ministre, le chef de la prison et la police), et il séduit une belle jeune femme. La postérité, le succès public et le lecteur achèvent la métamorphose : Garou-Garou devient le Passe-Muraille, dernier avatar qui le consacre comme personnage littéraire. Aujourd’hui, à Montmartre, à l’endroit même où le personnage est resté emmuré – mais aussi là où Marcel Aymé a vécu –, il existe une statue représentant le Passe-Muraille qui, en un sens, s’est fiché dans la pierre comme dans l’imaginaire collectif. Cette statue, où l’on voit juste les membres et la tête dépasser d’un mur, a été réalisée par l’acteur Jean Marais, qui a donné au personnage les traits de l’auteur lui-même. L’administration Elle apparait en toile de fond de la nouvelle et est incarnée principalement par deux personnages : a) M. Lécuyer On ignore son prénom : c’est une manière ironique de souligner la fausse importance du personnage. En effet, il est sous-chef de bureau au ministère de l’Enregistrement, ministère inventé par Aymé dont on ne sait absolument pas l’utilité. M. Lécuyer prétend réformer son service, mais le seul changement dont on ait connaissance concerne la formule d’introduction des lettres de Dutilleul. Il représente en définitive le prototype du chefaillon qui abuse de son petit pouvoir pour tyranniser son inférieur hiérarchique. Marcel Aymé n’hésite pas à le faire interner, rendu fou par le mauvais tour de Dutilleul. C’est la vengeance de l’obscur fonctionnaire sur son bourreau administratif, plus largement du faible sur le fort. 6 b) Le directeur de prison Il est humilié par Garou-Garou, qui lui vole sa montre en or et Les Trois Mousquetaires, et qui lui envoie une lettre pour l’informer de l’heure précise de son évasion. De nouveau arrêté, Dutilleul va jusqu’à coucher chez lui et à faire sonner sa bonne pour obtenir son petit déjeuner. Dernier affront, il l’appelle d’un restaurant pour qu’il vienne payer la note à sa place. Le personnage du directeur, dont on ne connait pas l’identité, importe donc principalement par sa seule fonction, qui se retrouve vide de sens et inutile, étant donné que Dutilleul ne peut être enfermé. Il n’a plus de directeur que le nom. Montmartre Véritable village dans la ville, Montmartre offre à Marcel Aymé un cadre idéal pour développer son intrigue, une scène comme spécialement conçue pour les déambulations du Passe-Muraille, de par son dédale de rues et de ruelles. On peut ainsi se représenter le parcours de Dutilleul, de la rue d’Orchampt où il loge à la rue Norvins où il finit emmuré. Ce quartier était d’autant mieux connu de l’écrivain qu’il y a vécu près de quarante ans. Sorte de décor vivant qu’Aymé a souvent évoqué dans ses écrits, le quartier de Montmartre est incarné dans « Le Passe-Muraille » par le personnage de Gen Paul. Ami intime de l’auteur, ce personnage a réellement existé. Dans la nouvelle, Aymé le met en scène pour donner une touche pittoresque à son récit et lui faire un clin d’œil facétieux. Il se sert de lui pour faire valoir son amour de la langue et pasticher le langage argotique montmartrois. 7