Récit de vie politique et culturelle dans Journal d`un attaché d

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Récit de vie politique et culturelle dans Journal d`un attaché d
Récit de vie politique et culturelle dans Journal d’un attaché d’ambassade de Paul
Morand
Durant la Grande Guerre, Morand est au Cabinet du ministre des Affaires étrangères. Le
journal qu’il rédige entre mai 1916 et décembre 1917 offre une riche matière documentaire
sur le pouvoir de la troisième république à l’épreuve des décisions militaires. Travaillant aux
côtés de Philippe Berthelot et d’Aristide Briand, le jeune diplomate, qui assiste à toutes les
crises jusqu’au retour du « Tigre », voit les gouvernements se faire et se défaire au rythme des
débats à la chambre des députés. Morand porte un regard juste, quoique discrètement décalé,
sur un régime qui affirmait la toute puissance du parlement : « Les changements de régime à
l’occasion d’un nouveau ministère sont amusants »,1 écrit-il lors de la formation du
gouvernement Clemenceau. Son journal témoigne également de l’évolution d’une Europe
occidentale qui accepte de dépendre des USA et qui se résigne, après bien des atermoiements,
à admettre la réalité de la Russie soviétique.
Le Journal d’un attaché d’ambassade traite de ces événements selon la perspective d’un
temps diplomatique qui réinterprète le temps historique, comme le signale le début de
l’ouvrage :
J’espère qu’on voudra bien trouver quelque intérêt rétrospectif à cette extraordinaire année 1917
qui sera aussi importante que 1789 pour l’histoire de l’Europe.2
Pour décrire cette perspective, Morand invente une structure narrative dont il conviendra de
dégager le rôle et les limites.
De surcroît, l’originalité du Journal d’un attaché d’ambassade est de renforcer la
perception de l’action diplomatique par un récit de vie culturelle et mondaine. Vivant alors
dans la proximité, voire l’intimité, de Proust, Morand juxtapose l’effort de l’homme politique
et du diplomate à celui de l’auteur de la Recherche du temps perdu. Quels sont les enjeux de
cette juxtaposition ? Dans le Paris de la Grande Guerre, diplomates et écrivains partagent-ils
la même responsabilité culturelle ?
Gil Charbonnier
Université d’Aix-Marseille
CIELAM
Notice biographique : Gil Charbonnier, membre du CIELAM, est maître de conférences en
langue et littérature françaises à l’Université d’Aix-Marseille. Il vient de publier la
correspondance Valery Larbaud-Jean Royère (Presses universitaires Blaise Pascal, juin 2012)
et il fera paraître prochainement un ouvrage consacré à Valery Larbaud. Ses travaux récents
traitent du cosmopolitisme et de l’idée de l’Europe chez les écrivains français (1900-1940) :
- « L’esthétisation du savoir dans les récits de voyage de Paul Morand », article à paraître,
Presses universitaires de Poitiers.
- « L’invention d’un nouveau romanesque cosmopolite chez Valery Larbaud et Paul
Morand », revue Rencontre, Classiques Garnier, à paraître.
Journal d’un attaché d’ambassade, nouvelle édition avec un complément établi, présenté et annoté par Michel
Collomb, Gallimard, 1996, p. 425. Première parution du texte en 1947 aux éditions de la Table Ronde, Gallimard
le republia en 1963.
2
Ibid., p. 8.
1

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