GUSTAV KLIMT (1862 – 1918) BIBLIOGRAPHIE ANNEXES

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GUSTAV KLIMT (1862 – 1918) BIBLIOGRAPHIE ANNEXES
GUSTAV KLIMT (1862 – 1918)
Par Amel Ferhat, Historienne de l’art
[email protected]
Site Internet : www.leclubdelart.com
Les Belles Soirées de l’Université de Montréal
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES GÉNÉRAUX
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TOBIAS G. NATTER, Gustav Klimt : tout l’œuvre peint. Köln, Taschen 2012.
FRANÇOIS BAUDOT, Vienne 1900 : la sécession viennoise. Paris, Assouline, 2005.
C. SCHORSKE, Vienne fin de siècle. Politique et culture, Seuil, Paris, 1983
ANNEXES
VIENNE
(Source : extrait de l’article VIENNE de l’encyclopédie Universalis)
Capitale de la République fédérale d'Autriche, Vienne est à la fois une commune et l'un des neuf
Länder fédéraux : s'étendant sur 415 kilomètres carrés, elle compte 1 678 000 habitants à la fin
de 2007. Son agglomération (Stadtregion), qui a largement franchi les limites du Land, atteint
2 348 000 habitants à la même date.
Au centre de l'Europe, Vienne s'individualise par une situation tout à fait remarquable. À
proximité du Danube, au contact des grands ensembles topographiques et économiques de
l'Europe centrale – Alpes, massifs hercyniens, Carpates et plaine pannonienne – elle se trouve
aussi au point de rencontre entre les civilisations germanique, slave et magyare. Cette position
lui a valu une histoire très contrastée, succession de périodes difficiles et de phases d'expansion
rapide.
Lorsque ces contacts se transforment en frontières rigides, Vienne devient un bout du monde
proche du front déchirant l'Europe : forteresse de la « Marche de l'Est » au sein de l'empire
carolingien, citadelle de l'Occident lors des conquêtes turques des XVIe et XVIIe siècles, capitale
hypertrophiée et excentrée de l'Autriche de l'entre-deux-guerres, avant-poste de l'Europe
occidentale au temps du rideau de fer.
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À l'inverse, lorsque les frontières économiques s'estompent, Vienne peut pleinement jouer son
rôle de carrefour et de métropole internationale. À partir du XVIIIe siècle, bénéficiant de la
montée en puissance des Habsbourg, elle devient la capitale de l'un des plus vastes États
européens. Sous le long règne de François-Joseph Ier (1848-1916), elle connaît une croissance
extrêmement rapide – en 1910, Vienne est la cinquième ville du monde, avec
2 083 000 habitants – et une restructuration complète de son paysage urbain. Ce dynamisme
caractérise aussi l'époque actuelle : les tours des nouvelles cités d'affaires dominent les rives
du Danube et, après une longue parenthèse, l'évolution démographique est redevenue positive.
Le site primitif de la ville est assez banal : une haute terrasse de la vallée du Danube, à l'écart du
bras principal du fleuve, au pied des collines du Wienerwald. Il facilite cependant l'extension du
tissu urbain vers les vastes horizons du bassin viennois à l'est et au sud, et sur les rives du
Danube une fois le fleuve maîtrisé.
2. Vienne renaissante et baroque
Au XVe siècle, l'esprit de la Renaissance allemande et italienne pénètre à Vienne, ce qui se
traduit par la diffusion de l'humanisme et le renouvellement de l'architecture (améliorations à la
résidence du prince, la vieille Hofburg fortifiée, édification de palais à l'italienne, comme le
palais Porcia). Toutefois, à partir de 1526, les Turcs occupèrent la plus grande partie de
la Hongrie, et, de 1529, date d'un premier siège, à 1683, celle du dernier et plus terrible assaut
contre ses murs, Vienne demeura dans une situation précaire, comme le dernier bastion de la
chrétienté face à l'islam. C'est pourtant au cours de cette période difficile que la ville prit
définitivement son caractère de capitale impériale et de foyer de la civilisation baroque.
En 1617, les Habsbourg, qui jusqu'à la fin du Saint Empire ne devaient plus perdre la couronne
impériale (sauf de 1742 à 1745), fixèrent leur résidence à Vienne. Ils ramenèrent dans
l'obédience catholique la cité souvent récalcitrante – Ferdinand Ier lui avait imposé un nouveau
statut en 1526 – et largement gagnée à la réforme protestante. Ferdinand II (1617-1637) confia
l'Université aux Jésuites, qui bâtirent une église à la façade monumentale, dans le style de la
Contre-Réforme (1627-1631, intérieur remanié en 1702-1705 par le père Pozzo). Les édifices
religieux se multiplièrent (Ursulines, Dominicains, Paulistes). Il est vrai que la guerre de Trente
Ans épargna Vienne. Malgré les difficultés de son long règne, l'empereur Léopold (1654-1705),
excellent musicien, fit appel à des artistes italiens : architectes, décorateurs, peintres et
musiciens. Dans la Hofburg agrandie (aile Léopoldine, théâtre), il donna des fêtes de cour et fit
représenter des opéras, inspirés de Venise. Des colonnes votives s'élevèrent sur les places. Mais
ce fut surtout après les épreuves de la peste (1679) et du siège (1683) que la civilisation baroque
se déploya largement avec des caractères nouveaux, émancipée en partie des modèles italiens.
Bien que personnellement de mœurs simples et économe, Léopold demanda à
l'architecte Johann Bernhard Fischer von Erlach (1656-1723) des plans pour faire
de Schönbrunn un Versailles autrichien. La noblesse se montra plus résolue encore dans ses
entreprises (palais Lobkowitz, Liechtenstein, Caprara, Daun-Kinsky), et, au début du XVIIIe siècle,
le prince Eugène de Savoie, fastueux mécène, fit construire par Lukas von Hildebrandt son palais
de ville et l'incomparable résidence du Belvédère, avec ses deux palais et, les unissant, des
jardins en terrasse.
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Au temps de l'empereur Charles VI (1711-1740), le baroque prit un aspect plus monumental et
somptueux, notamment à la Hofburg, dans l'aile de la chancellerie d'Empire, et surtout à l'église
Saint-Charles Borromée, dont la magnificence s'affirme dans sa coupole ovale et ses colonnes
rostrales autour du portique, œuvre de J. B. Fischer von Erlach. Continuant l'œuvre paternelle,
Josef Emmanuel Fischer von Erlach réalisa l'union délicate de l'élégance et de la majesté à la
façade de la bibliothèque de la Cour (1720). Dès 1705, une Académie des arts avait été fondée à
Vienne par Peter Strudel, élève du Vénitien Loth. Des peintres fresquistes y révélèrent leur
grand talent (Gran, 1694-1757, qui décora le plafond de la Bibliothèque ; Troger, 1698-1762). À
cette époque se trouvaient rassemblées à Vienne les collections d'une extrême richesse qui
provenaient de l'héritage de princes artistes, l'empereur Rodolphe II (mort en 1611) et
l'archiduc Léopold-Guillaume. Les chefs-d'œuvre de l'orfèvrerie, de l'art de la médaille, des
peintres flamands et italiens pouvaient se prêter à l'étude et à la formation des artistes. Plus
qu'un centre de vie intellectuelle (ce que constataient les voyageurs, Montesquieu ou Leibniz),
Vienne était devenue un foyer de la vie artistique sous toutes ses formes : sculpture, peinture et
musique. Dans ce dernier domaine, si la tradition italienne prédominait avec l'œuvre de J. J. Fux
(1660-1741), la production était d'une telle intensité et d'une telle liberté qu'on s'explique
mieux l'éclosion des génies qui allaient renouveler l'art musical après de longs séjours à Vienne :
Haydn et Gluck. C'est que l'aristocratie n'était pas seule à en tirer bénéfice pour son plaisir, le
peuple y gagnait en finesse et en délicatesse de goût, apportant dans toutes ses démarches une
note d'ironie et de gentillesse.
Du temps de l'impératrice Marie-Thérèse (1740-1780), la civilisation viennoise glissa de la
grandeur baroque aux expressions plus souriantes du rococo. À l'architecte Pacassi (1716-1790)
revint l'achèvement harmonieux de Schönbrunn – remanié ensuite avec moins de bonheur –
comme on dut aux préférences de la souveraine le décor intérieur, avec ses bois précieux, ses
lignes souples et légères. L'architecte Jadot de La Ville-Issey prêta l'élégance recherchée du
classicisme français à la Nouvelle Université. Parmi les peintres, Guglielmi et le
génial Maulbertsch (1724-1796), avec la fraîcheur de ses coloris et l'allure frémissante de ses
compositions, avaient une autre puissance que les portraitistes, même le plus robuste d'entre
eux, Kupetzky (1667-1740). À partir de 1750, un nouvel intérêt pour l'antique infléchit le goût
vers plus de régularité dans les volumes et de rigueur dans l'ornementation, et conduit au néoclassicisme.
L'industrie s'était développée (manufacture de porcelaine) ; l'opinion publique prenait plus
d'intérêt aux événements ; on lisait les gazettes dans les cafés. Vienne devenait une grande cité
européenne, celle où les chefs-d'oeuvre étaient déjà révélés à un large public (La Flûte
enchantée de Mozart, en 1791 ; La Création de Haydn, au Burgtheater, en 1799), cependant que
la noblesse y poursuivait son mécénat (Eroica dirigée par Beethoven dans le palais du prince de
Lobkowitz).
3. Vienne du XIXe siècle : Biedermeier et époque François-Joseph
Dans la première moitié du XIXe siècle se succédèrent à Vienne des événements tragiques (la
ville fut deux fois occupée par les armées de Napoléon) ou lourds de conséquences générales
(congrès de 1814) et la détente, au moins apparente, d'une période où la bourgeoisie se plaisait
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à un romantisme attendri, le Biedermeier. Ce fut le temps des succès de Schubert, des paysages
de Waldmüller, du mobilier en bois clairs, incrustés d'ébène, dans les demeures privées.
L'empire d'Autriche (1804) était gouverné par un souverain populaire, Franz Ier (mort en 1835),
mais le régime policier, au service de la lutte de Metternich contre les idées révolutionnaires,
devenait insupportable à la jeunesse, et le prolétariat (27 000 personnes à Vienne vers 1820)
vivait d'une existence misérable. D'où le soulèvement de mars 1848 et la lourde répression des
émeutes par l'armée. Une fois la révolution matée, une autre époque s'ouvrit, qui coïncida avec
le règne de François-Joseph (1848-1916).
Capitale politique de tout l'empire (1848-1867) puis, après le compromis avec la Hongrie, de la
seule Cisleithanie, Vienne accomplit un énorme progrès démographique, passant de
898 855 habitants en 1869 (contre 175 000 en 1754) à 1 162 196 en 1880 et à 2 083 497 en
1910. La prospérité générale est attestée par l'essor de l'industrie (textile, métallurgie, chimie)
et de la banque. Le décor urbain connaît la plus grande transformation de son histoire par la
substitution aux anciens remparts d'un large boulevard circulaire, le Ring (1863), centre d'une
cité qui annexe ses anciens faubourgs. Le long du Ring se suivent les monuments publics (Opéra,
hôtel de ville, Parlement, Université, musées, bâtiments nouveaux de la Hofburg, Burgtheater)
et les somptueux immeubles de la noblesse ou de la riche bourgeoisie. L'architecture est moins
soucieuse de création originale que de recours délibéré au pastiche des grands styles : le
gothique civil ou religieux (la Votivkirche), l'antiquité hellénique, la Renaissance. Cependant la
présence de grands jardins allège l'ensemble et, malgré la solennité de chaque édifice, une
grâce générale y maintient l'agrément. Des fêtes brillantes s'y déroulent (cortège du
décorateur Makart, 1879 ; corso du Prater), la vie intellectuelle est des plus fécondes (Académie
des sciences fondée en 1847 ; à l'Université, renommée des maîtres de la médecine, de la
philosophie et des sciences naturelles ; parmi les écrivains, Grillparzer – mort en 1872 – est
toujours apprécié comme un classique). À la fin du XIXe siècle, un art nouveau s'oppose à
l'éclectisme du Ring comme à toute forme d'académisme (revue Ver Sacrum, peinture
symboliste de Gustav Klimt, palais de la Sécession), et l'architecture plus rigoureuse d'Otto
Wagner et d'Adolf Loos devient modèle pour l'Europe. Une évolution musicale était déjà
annoncée par Anton Bruckner, Mahler, directeur de l'Opéra, Richard Strauss, mais Arnold
Schönberg préparait une véritable mutation de la musique (atonalité). Vienne, accueillante,
semblait conduire sa vie quotidienne au rythme des valses de Strauss et se complaire à
l'opérette. Si le tragique et la grâce se côtoyaient ainsi, c'est qu'elle ressentait l'angoisse de son
propre destin, lié à celui de l'Empire (lutte des nationalités, scènes de violence au Parlement et
dans la rue) et cherchait à l'oublier.
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KLIMT GUSTAV (1862-1918)
(Source : extrait de l’article GUSTAV KLIMT de l’encyclopédie Universalis)
Gustav Klimt constitue un cas particulier parmi les artistes du XXe siècle, qui a très longtemps
dérouté les historiens d'art, tant son parcours, son œuvre et sa réception sont
atypiques. Peintre connu pour ses décorations murales néoclassiques à ses débuts, il se
détourna rapidement du style académique qui faisait son succès pour devenir l'un des
fondateurs de la Sécession viennoise. Bientôt érigé au statut de « mentor » de la modernité
en Autriche, il choqua les conservateurs et fut porté au pinacle par les jeunes artistes avides
d'un renouveau. Sa notoriété était alors si emblématique que le tournant du siècle en Autriche,
cet âge d'or de la créativité et de la culture, aussi bref qu'intense, fut baptisé « l'âge de Klimt ».
1. La redécouverte d'une œuvre
Pourtant l'étoile du peintre ne cessa de pâlir après sa mort. Son œuvre, jugée après guerre
décorative et passéiste, sinon comme l'expression étrange d'un symbolisme au goût douteux,
endura un long purgatoire. La première monographie consacrée au peintre paraît en 1967. La
véritable redécouverte de Klimt se fit cependant à partir des années 1980, dans le sillage des
travaux sur la Vienne du début du XXe siècle et de la réévaluation de l'Art nouveau. Depuis lors,
son prestige n'a cessé de croître et l'enthousiasme que suscite aujourd'hui son œuvre est
proportionnel à l'indifférence ou au dédain qu'elle rencontra cinquante ans durant. Certains de
ses tableaux sont devenus de véritables icônes dont les motifs sont déclinés à satiété sur des
affiches publicitaires, des bijoux et des vêtements à la mode. En 2006, un tableau de Klimt
(Adèle Bloch-Bauer, 1907) a pulvérisé en vente publique le record jamais atteint par une œuvre
d'art. On peut toutefois s'interroger sur cet engouement. Ne serait-il pas dû aux mêmes
mauvaises raisons qui ont si longtemps occasionné son rejet ? L'œuvre de Klimt, clinquante et
superficielle en apparence, est infiniment plus subtile et complexe qu'il n'y paraît. L'éclat de l'or
a fini par obscurcir l'intelligence de l'œuvre, aussi souvent reproduite que peu étudiée, comme
si la puissance de l'image anesthésiait l'analyse. Il reste à découvrir Klimt derrière le décor. Un
artiste qui défie les classifications trop rigides et les interprétations hâtives. Une œuvre à la fois
hédoniste et inquiète, flatteuse et provocatrice, contemporaine et intemporelle, réaliste et
abstraite. Une peinture pétrie de références, qui recourt aux emprunts, aux citations, pour
mieux les détourner et les juxtaposer dans une configuration entièrement nouvelle. Une
peinture composite, allusive, ambiguë, énigmatique même, sous son apparente simplicité, aux
antipodes d'une certaine forme univoque et cohérente de la modernité. Voilà sans doute
pourquoi il fallut attendre si longtemps avant que la peinture de Klimt ne soit redécouverte,
appréciée et comprise.
2. Une jeunesse sous le signe du succès
Gustav Klimt est né à Vienne le 14 juillet 1862. Il est donc le contemporain de Sigmund Freud
(né en 1860), du compositeur Gustav Mahler (né en 1860) et du dramaturge Arthur
Schnitzler (né en 1862), autres piliers de la modernité viennoise. Ses origines sont assez
modestes : son père est artisan-orfèvre et sa mère chanteuse lyrique. Très jeune, il fait
rapidement preuve d'une grande habileté dans le domaine artistique et s'inscrit non pas à
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l'académie des Beaux Arts mais à l'école des Arts appliqués de Vienne, dont il suit
l'enseignement de 1876 à 1883. Avec son frère Ernst et son condisciple Frantz Matsch, il fonde
son propre atelier de décoration. Bientôt, les commandes affluent : de province d'abord
(fresques pour le théâtre de Karlsbad et de Fiume), de Vienne ensuite (villa Hermès, l'escalier
d'honneur du Burgtheater et du Kunsthistorisches Museum). Klimt prend pour modèle Hans
Makart (1840-1884), peintre académique et officiel, considéré en son temps en Autriche comme
le Rubens de l'éclectisme historiciste et dont il apparaît comme le successeur naturel. Il aurait
pu poursuivre dans cette voie, engrangeant les honneurs. Mais après la mort de son frère, en
1892, il dissout l'atelier, cesse de peindre pendant plus de deux ans et se remet en question.
Rien ne le prédestinait à devenir le chef de file de la modernité en Autriche. Klimt n'était ni un
théoricien ni un tourmenté, à l'image de son futur disciple Egon Schiele. Ses contemporains le
décrivent comme un hédoniste, sujet parfois à des phases dépressives, comme un être instinctif
doué d'une formidable énergie, mais non comme un intellectuel. Toutefois, cet artiste ouvert et
intuitif était capable de saisir et d'apprécier les réflexions et les recherches d'autrui pour en faire
son propre miel. Les cafés où se réunissaient régulièrement poètes, écrivains, musiciens,
peintres et architectes (comme le Café Griensteidl ou le Café Central) furent les véritables
laboratoires de la modernité viennoise. Klimt qui s'y lia d'amitié avec, notamment, Arthur
Schnitzler, Hugo von Hofmannsthal, Hermann Bahr ou encore Gustav Mahler, a su y capter les
conceptions et les idées nouvelles qui ont nourri et fécondé son art.
En 1895, le peintre découvre lors d'une exposition à Vienne les œuvres de Max
Liebermann, Arnold Böcklin, Max Klinger, Félicien Rops, Jan Toorop et Auguste Rodin. La même
année, il peint L'Amour (Historisches Museum, Vienne). Un couple romantique s'y étreint sous
des masques grimaçants qui incarnent les âges de la vie. Cette œuvre de transition est aussi son
premier tableau symboliste.
3. La Sécession
Ce mouvement, qui se développe parallèlement à Munich et à Berlin, prend à Vienne tout son
sens. Il implique en effet une rupture radicale dans la peinture autrichienne qui n'a pas connu
l'impressionnisme et qui va subitement passer de l'académisme à la modernité. En 1897, Klimt,
en compagnie de dix-huit autres artistes (Koloman Moser, Carl Moll, Josef Maria Olbrich, entre
autres), quitte la très académique Künstlerhaus (Maison des artistes) pour fonder un nouveau
regroupement d'artistes baptisé Secession, dont il devient président en 1898. L'association se
dote d'une revue, Ver Sacrum (« le printemps sacré ») et décide d'édifier un nouveau bâtiment
d'exposition, véritable temple dédié à l'Art nouveau, dont la construction est confiée à
l'architecte Joseph Maria Olbrich, l'assistant d'Otto Wagner. Le bâtiment, inauguré l'année
suivante, affiche sur son fronton la fière devise : « À toute époque son art, à tout art sa liberté. »
Il ressemble à une basilique byzantine avec ses murs recouverts de plaques de marbre et sa
coupole dorée. Les membres de la Sécession portent un projet global et révolutionnaire : non
seulement introduire la modernité en Autriche, mais aussi esthétiser la vie quotidienne en
supprimant les barrières entre arts majeurs et mineurs. L'idée des Wiener
Werkstätten (« Ateliers viennois »), qui prendra corps quelques années plus tard (1903) sous
l'égide de Josef Hoffmann et de Koloman Moser, est déjà implicitement présente dans le projet
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sécessionniste. Dans l'esprit du mouvement Arts and Crafts développé en Angleterre par William
Morris, il s'agissait de redonner vie à un artisanat d'art en voie de disparition en concevant des
objets utilitaires aux formes modernes et épurées, souvent inspirées par le Japon.
Le tableau intitulé Pallas Athénée (1898, Historisches Museum, Vienne) illustre la nouvelle veine
stylistique de Klimt. Athéna revêt l'allure d'une séductrice viennoise, femme fatale aux yeux
fardés dont la longue chevelure rousse dépasse du casque pour encadrer la plaque pectorale
représentant une gorgone tirant la langue. Elle tient dans sa main droite une sculpture
représentant une femme nue, que l'artiste agrandira l'année suivante pour son allégorie de
la Nuda Veritas (1899, Theatersammluny des nationalbibliothek, Vienne, en dépôt au Muséum
des 20 Jahrhunderts, Vienne). Détournée sur un mode ironique et accolée à la modernité, la
référence à l'Antiquité prend une dimension à la fois étrange et burlesque. On trouve ici déjà en
place tous les ingrédients de l'art du peintre.
Les cycles décoratifs réalisés pour l'université de Vienne (1900-1902) prirent pour Klimt valeur
de manifeste. Ces trois peintures de grand format, aujourd'hui disparues (elles brûlèrent en
1945, dans les derniers jours de la guerre, lors de l'incendie du château où elles étaient
entreposées), avaient été commandées à l'artiste dès 1896 pour orner le plafond du hall
d'honneur de la nouvelle université sur le Ring. Elles représentaient des allégories de la
philosophie, de la médecine et du droit. La querelle suscitée par ces peintures, comparable, par
son ampleur, à la « Bataille d'Hernani », suscita pétitions et contre-pétitions, vint constituer la
ligne de partage entre conservateurs et progressistes et imposa Klimt comme figure de proue de
l'art moderne. Contrairement à une idée reçue, ces peintures choquèrent moins par leur
érotisme que par leur ironie et leur impertinence. On reprocha à la Philosophie son aspect
nébuleux et incertain, où les idées de Nietzsche se mêlaient au relativisme d'Ernst Mach, alors
que les commanditaires attendaient une représentation claire et rigoureuse dans l'esprit
de L'École d'Athènes de Raphaël. Pour la Médecine, Klimt, s'inspirant des Portes de l'enfer de
Rodin, donna à Hygie les traits d'une demi-mondaine, arrogante et blasée, tournant le dos à la
souffrance humaine. Avec la Jurisprudence, le peintre força la provocation : l'accusé apparaît au
premier plan dans un traitement réaliste, décharné, accablé de remords, proie de ses instincts
incarnés par trois furies, tandis qu'à l'arrière-plan des personnages stylisés et dérisoires
représentant la Justice, la Vérité et la Loi sont enchâssés dans une mosaïque byzantine. C'en
était trop. La commande fut annulée et quelque temps après l'artiste racheta à l'État ses
propres œuvres.
Malgré ces déboires, Klimt trouva une consolation avec la Frise Beethoven, exécutée en 1902, et
qui orne toujours les sous-sols du bâtiment de la Sécession. Destinée, à l'origine, à mettre en
valeur une statue monumentale du compositeur sculptée par Max Klinger, elle offrit à Klimt
l'opportunité d'expérimenter un équivalent pictural à la temporalité de la musique (telle qu'elle
s'exprime dans le dernier mouvement de la Neuvième symphonie) et de renouveler l'adaptation
de la fresque au cadre architectural. Elle fut aussi l'occasion pour le peintre de faire la
connaissance et de se lier d'amitié avec Auguste Rodin, en qui il reconnu son alter ego.
4. L'âge d'or
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Le tableau Les Poissons rouges (1902, Musée de Soleure, Suisse), intitulé tout d'abord À mes
détracteurs, où une femme exhibe un postérieur rebondi en lançant au spectateur un regard
narquois, marque le passage de l'inspiration symboliste aux tableaux sur fond d'or, période au
cours de laquelle Klimt peignit ses œuvres les plus célèbres, portraits ou allégories. L'artiste
renonce alors à la provocation pour élaborer un style personnel où l'ornement rapporté n'est
pas simplement décoratif mais fait partie intégrante du sujet. L'emploi de la feuille d'or
contraste, par sa densité et son opacité, avec le traitement réaliste du visage, des épaules et des
mains. L'ornement sophistiqué conjugue différents motifs empruntés aux arts byzantin,
gothique, égyptien et celtique. Élément autonome et abstrait, il participe à la dynamique de la
composition. Propre à Klimt, cette interaction de la figure et du fond, cette juxtaposition ou
recouvrement du sujet par le décor, est à la source de la fascination qu'exerce sa peinture. Ainsi,
dans les célèbres portraits en pied de Frietza Riedler (1906, musée du Belvédère, Vienne) et
de Adèle Bloch-Bauer (1907, Neue Galerie, New York), l'ornement brise le caractère hiératique
et convenu du genre, introduit une ambiguïté de la vision et renvoie, sur le mode subliminal, à
une peinture de Vélasquez et à la sculpture antique égyptienne.
Dans Le Baiser, (1907-1908, musée du Belvédère, Vienne), l'étreinte charnelle revêt le caractère
sacré d'une icône byzantine sur fond d'or. L'ornement abstrait confond les corps en les
dématérialisant, tandis que le parterre floral stylisé rappelle la représentation du paradis dans
l'imagerie gothique.
Klimt reprendra ce thème L'Accomplissement sous une forme plus linéaire, pour la frise,
exécutée en céramique, du palais Stoclet à Bruxelles (1909-1910). Cette « œuvre d'art totale »,
joyau de l'Art nouveau, conçu en collaboration avec l'architecte et décorateur Josef Hoffmann,
clôt le « cycle d'or » de l'artiste.
5. L'art de cultiver son jardin
Nombreux sont les critiques qui estiment que, dans la dernière période de sa vie, à partir de
1909-1910, la peinture de Klimt serait devenue purement hédoniste. Le jugement mérite d'être
nuancé. Si l'artiste quitte la Sécession et abandonne ses illusions concernant la capacité de l'art
à transformer la société, il ne renonce pas pour autant aux recherches picturales. Il peint
essentiellement des paysages et des portraits, dans une palette plus riche et plus éclatante,
jouant de la saturation colorée de l'espace et de la vibration de la touche, ou encore de
l'alignement de la figure et du décor. Parallèlement, il dessine énormément. Ce ne sont plus
simplement des esquisses préparatoires mais des nus d'une grande liberté, saisis dans une pose
rapide, rendus avec un trait fébrile.
Klimt a peint des paysages dès 1901, sur des toiles de format carré et selon un cadrage inusité :
fragment de forêt, surface d'un lac perçu en vision rapprochée, qui donnent au spectateur
l'impression d'être de plain-pied dans le motif. À partir de 1905, et surtout 1909, il subit
l'influence de la peinture française, s'inspirant de Monet, Seurat, Van Gogh et Bonnard. À côté
de paysages plus construits (Attersee, son lieu de résidence estivale, ou les lacs italiens), il
expérimente une nouvelle version du néo-impressionnisme en recourant à une touche
fragmentée, dispersée et rapide afin de restituer le vitalisme de la nature. Cette technique très
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particulière le conduira aux confins de l'abstraction avec Le Parc, (1910, MoMA, New York),
anticipant ainsi sur les recherches menées par les artistes américains du colour field et du all
over.
Si, à la fin de sa vie, Klimt préférait le spectacle de la nature à l'agitation des hommes et des
idées, il n'avait perdu ni son sens de l'humour ni son goût de la dérision. Ainsi, en 1916, en
pleine guerre, il peignit le portrait de Friedericke Maria Beer (Museum of Art, Tel Aviv). Le
modèle, immobile dans un costume bariolé, semble une figurine de porcelaine tandis que, tout
autour, dévorant l'espace de la toile, des soldats chinois (copiés d'une étoffe) se livrent à un
combat burlesque.
L'artiste mourut le 11 février 1918 à l'âge de cinquante-six ans, des suites d'une hémorragie
cérébrale.
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