L`avis de l`Union sur la fonction publique locale
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L`avis de l`Union sur la fonction publique locale
Union des Villes et Communes de Wallonie asbl PISTES POUR UNE FONCTION PUBLIQUE LOCALE REVISITEE Louise-Marie BATAILLE, Secrétaire générale UVCW La fonction publique est au cœur de la qualité des services de proximité. Les agents, les services communaux sont les vecteurs essentiels qui transforment quotidiennement en actions et en réalisations concrètes les décisions adoptées par les autorités communales. Avec 100.000 agents dans les pouvoirs locaux, qui représentent 50% des dépenses, que pouvons-nous faire pour dynamiser la gestion des ressources humaines, pour développer l'esprit de service au public, les compétences et la motivation du personnel? L'amélioration des performances de la fonction publique et la nécessité de répondre de manière optimale aux besoins des citoyens, des entreprises et de la société est une thématique centrale du programme du nouveau Gouvernement wallon. Ainsi, la Déclaration de politique régionale énonce: "le Gouvernement propose de moderniser et de simplifier le statut et de tendre vers une gestion des ressources humaines plus souple, plus efficace et plus adaptée aux réalités communales, en conjuguant qualité du service et respect des agents." Et elle précise autre part: "le Gouvernement propose de moderniser le statut des grades légaux – secrétaires et receveurs –, en mettant en œuvre un système d'évaluation, en aménageant le statut disciplinaire et en développant leur fonction managériale. Leur recrutement sur la base d'un examen objectif sera systématisé." Les axes du programme du nouveau Gouvernement wallon sont en la matière tout à fait en phase avec les propositions déjà formulées par notre association: il nous apparaît que pour améliorer la qualité de notre GRH, il faut réduire la dualité des régimes juridiques des agents statutaires et contractuels. D'autre part, la mise en place d'une équipe de management à la tête de l'Administration y introduirait une dynamique nouvelle. Union des Villes et Communes de Wallonie – Page 1 1. LA PROBLEMATIQUE DE LA DUALITE STATUTAIRES-CONTRACTUELS Le pourcentage d'agents contractuels dans la fonction publique locale n'a cessé de croître au cours des dernières années; il est passé (en ETP) de 45% en 1995 à 57% en 2007. On connaît le principe, au moins implicite, de la primauté de la situation statutaire, mais l'autonomie communale joue, et la situation contractuelle est évoquée par le décret communal (CDLD, art. 1215-1), explicitement permise par la loi des CPAS (art. 42), et prévue par la loi sur le contrat de travail (loi du 3.7.1978, art. 1er) qui vise les contractuels dans les communes notamment. Les causes du choix d'occuper les agents sous régime contractuel sont financières mais aussi de gestion; elles peuvent être résumées comme suit: - 1 agent contractuel sur 3 bénéficient d'aides à la promotion de l'emploi (APE, etc.); les pouvoirs locaux peuvent difficilement les nommer, au risque de perdre les subsides et surtout l'exonération de cotisations sociales y afférente. Les pouvoirs locaux n'ont donc pas le choix… - un agent statutaire coûte plus cher qu'un agent contractuel: les cotisations de sécurité sociale d'un statutaire sont inférieures (15,47%; 20-22,09% pour un contractuel), mais les cotisations pensions sont nettement supérieures (20/27% et demain 22,5/29,5%; 8,86% pour un contractuel); l'écart est encore plus important pour les APE (5,73% sécu, 0% pensions); - si l'agent statutaire est plus coûteux, certains aspects de sa carrière posent également des problèmes de gestion; essentiellement: complexité disproportionnée de la procédure disciplinaire (au moins pour les sanctions mineures), cumul des congés de maladie en fin de carrière, impact insuffisant des résultats de l'évaluation sur la rémunération et la carrière. Sur le terrain, les autorités locales sont donc confrontées à 3 problèmes: - un statut qui manque de souplesse, qui doit être rénové et dynamisé pour répondre au besoin de motivation des agents et de prise de responsabilité; Union des Villes et Communes de Wallonie – Page 2 - la difficulté de fidéliser des agents contractuels dont la carrière est sensiblement moins avantageuse que celle de leurs collègues statutaires. Essentiellement, les agents contractuels n'ont pas les mêmes opportunités de promotion et bénéficieront d'une pension privée nettement inférieure à celle dont bénéficieront leurs collègues statutaires. Par ailleurs, ils ont des conditions de recrutement et de licenciement nettement moins encadrées en termes d'égalité, d'objectivité et de motivation; - et la dualité même de la gestion des ressources humaines. Ces réels obstacles à une gestion des ressources humaines de qualité nous amènent à proposer des pistes de solutions pour rapprocher le plus possible (et pourquoi pas tenter d'unifier) les positions juridiques et pécuniaires des statutaires et des contractuels. Pour ce faire, nous devons travailler sur des réglementations fédérales, régionales et locales. Ainsi, la problématique des pensions et la loi sur le contrat de travail relèvent du Fédéral, tandis que le statut des agents locaux relève de la Région et des communes. Le projet est de formuler des propositions pour assouplir le statut et des propositions pour améliorer la situation des agents contractuels, dans l'optique d'harmoniser les 2 régimes juridiques, de réduire au maximum (voire si possible supprimer) la dualité entre la position juridique des statutaires et celle des contractuels. 2. DYNAMISER LE STATUT ET LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES Il faut rendre à la position statutaire son attractivité pour les employeurs locaux. Ensemble, Ministre des Pouvoirs locaux, pouvoirs locaux-employeurs, agents et syndicats, nous devons rénover et dynamiser le statut. Nous devons répondre au besoin de motivation des agents et de prise de responsabilité; nous devons assurer la continuité du service public mais aussi son changement et son efficacité dans une société qui s'est profondément transformée. Union des Villes et Communes de Wallonie – Page 3 Les communes doivent avoir les outils de GRH pour relever les défis de l'évolution des besoins à rencontrer, de l'émergence de nouveaux métiers et du développement de services de qualité. Que proposons-nous pour moderniser le statut? 1) La procédure disciplinaire pour les sanctions mineures de l'avertissement et de la réprimande (CDLD, art. L1215-3 et s.) doit être allégée. C'est ce que vient de faire la Région bruxelloise dans son nouveau décret sur la Gouvernance locale. En confiant au secrétaire communal le pouvoir d'infliger lui-même les sanctions disciplinaires légères, la procédure est de facto allégée, puisqu'elle ne doit plus être menée devant un organe collégial. Mais on pourrait aller plus loin et se rapprocher de la procédure prévue pour les contractuels par la législation sur le règlement de travail, à savoir une simple notification de la sanction mineure suite à la constatation du comportement fautif, tout en laissant la possibilité à l'agent concerné de faire valoir ses éventuels moyens de défense dans un délai de rigueur. 2) Le soi-disant droit au cumul de congés de maladie en fin de carrière doit être limité. On pourrait fixer un quota de jours de maladie maximum; on pourrait optimaliser la procédure auprès du Medex; on pourrait mieux utiliser les mécanismes règlementaires dont on dispose pour lutter contre l'absentéisme: contrôle par le médecin du travail, suspension du droit au traitement en cas d'absence injustifiée, outils GRH pour la motivation du personnel, etc. Mais ne faut-il pas que l'on réfléchisse à une option plus radicale: étendre le régime d'assurance-maladie (indemnités de mutuelle) aux agents statutaires (2,35% de cotisation employeur, 1,15% de cotisation travailleur). 3) La procédure d'évaluation a été tout récemment revue. Nous pensons que cette révision est à moitié réussie et à moitié manquée. Union des Villes et Communes de Wallonie – Page 4 En effet, si à présent, des évaluations successives très défavorables permettent, s'il le faut, d'enclencher une procédure de licenciement pour inaptitude professionnelle, en revanche, l'évaluation ne permet pas que les prestations les plus performantes impactent favorablement la carrière professionnelle (puisque l'évolution de carrière accélérée est possible même avec une mention réservée!). Nous estimons que les résultats de l'évaluation doivent, comme à Bruxelles et en Flandre, avoir plus d'influence sur l'évolution de carrière. Le professionnalisme, la compétence et la prise de responsabilité doivent être mieux récompensés par davantage de souplesse sur la rémunération. 4) Pour dynamiser l'Administration, améliorer sa position sur le marché des talents, et créer une culture du service public, nous devons offrir aux agents locaux de larges possibilités de formation et de développement des compétences. Ici aussi, le Gouvernement wallon est en phase puisqu'il entend soutenir la formation en mettant en place une Ecole d'administration publique qui organisera des formations en management. 3. AMELIORER LA SITUATION CONTRACTUELLE EN ETABLISSANT UN REGIME DES CONTRACTUELS L'objectif est de réduire la tension entre le statut et le contrat en proposant un régime des agents contractuels locaux, calqué au plus près d'un statut rénové. Il s'agirait d'un régime qui vient s'ajouter automatiquement aux garanties du contrat de travail et qui peut être arrêté par – simple, si l'on peut dire – règlement communal (comme l'ont fait, notamment, la Ville de Namur et bien d'autres). Il résulte de la mise en place d'un régime des agents contractuels que le fait d'avoir un contrat dans une administration locale implique automatiquement que toute une série de dispositions et garanties accordées aux agents nommés sont applicables aux agents sous contrat. Que pourrait contenir ce régime administratif et pécuniaire des agents contractuels? Sans prétendre à l'exhaustivité, énumérons-en les axes essentiels: Union des Villes et Communes de Wallonie – Page 5 - Au niveau du recrutement Les règles de recrutement statutaire s'appliquent aux contractuels: - principe d'égal accès aux emplois publics (publicité, etc.); - principe de comparaison des titres et mérites, avec processus et outils GRH de sélection des compétences (job description, sélection sur critères, tests psychotechniques, etc.); on en profitera pour introduire ces outils modernes également pour les statutaires; - règle de motivation (motifs admissibles) – déjà largement en vigueur avec la loi sur la motivation formelle des actes administratifs. - Au niveau de la carrière - Les agents contractuels ont, comme les statutaires, accès à l'évolution de carrière fonctionnelle et à la promotion; - ils sont évalués et formés comme les statutaires; - leur régime de vacances annuelles est uniformisé vers le public; - idem pour le régime d'interruption de carrière; idem pour le régime de congés et absences, à l'exception du congé de maladie, puisque l'on propose (cf. supra) d'harmoniser les statutaires vers le régime des contractuels; - le régime d'absence résultant d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle est déjà identique; - le régime disciplinaire reste soumis à la législation sur le règlement de travail, mais nous proposons d'harmoniser les sanctions légères des statutaires et des contractuels; - enfin, les contractuels bénéficient du même régime pécuniaire que les statutaires. - En ce qui concerne la cessation des fonctions - On pourrait renforcer l'obligation de motiver une décision de licenciement; mais, à l'analyse, cette obligation existe déjà. En effet, sur base de la législation relative à la motivation formelle des actes administratifs, l'évolution de la jurisprudence exige déjà qu'une autorité publique qui procède à un licenciement motive sa décision. Union des Villes et Communes de Wallonie – Page 6 - Enfin, en ce qui concerne les pensions Nous plaidons pour la mise en place d'un second pilier de pension, d'une assurancegroupe pour les agents contractuels. 4. EST-IL POSSIBLE D'AVANCER PLUS AVANT VERS UN STATUT HYBRIDE? Au terme de cette première réflexion, on voit qu'il est à la fois possible d'améliorer la situation contractuelle et de dynamiser le statut, de sorte que les éléments de dualité dans la GRH disparaissent quasiment tous; l'autorité peut ainsi mener une GRH cohérente. En fin de compte, une seule distinction, décisive, subsiste: le statut offre une stabilité d'emploi renforcée qui protège l'agent d'une décision purement politique – et ce, même après amélioration sur ce point de la situation contractuelle en secteur public. Sur le plan juridique, on pourrait alors poursuivre et envisager d'évoluer vers une position juridique unique des agents des pouvoirs locaux: selon l'accent que l'on souhaite marquer, tous sous contrat amélioré par un régime des contractuels dans les administrations locales, ou tous sous statut sui generis, hybride. Hybride parce qu'il pourrait intégrer des éléments de la position contractuelle comme, par exemple, le régime assurance maladie-invalidité pour l'indemnisation des congés de maladie; sui generis parce que plusieurs de ses éléments, comme par exemple un nouveau régime de pension publique, pourraient être sensiblement différents du régime qui régit les agents de la fonction publique. Le contrat n'est alors plus admis qu'en situation très strictement exceptionnelle pour des CDD (contrats de travail à durée déterminée). Mais aujourd'hui l'évolution vers un statut hybride se heurte inexorablement au problème de la perte du bénéfice des aides à la promotion de l'emploi, qui représentent un tiers des emplois contractuels. En effet, la nomination de tous implique de facto la perte de la subvention et des exonérations de cotisations de sécurité sociale. Si la solution pour maintenir le droit aux aides à l'emploi en cas de nomination n'est pas trop complexe à mettre en place – à savoir créer un fonds d'aides à l'emploi, avec droit de tirage, au départ de critères objectifs préétablis –, la solution à la question du maintien, en cas de nomination, des exonérations de cotisations de sécurité sociale, semble plus difficile à résoudre. Union des Villes et Communes de Wallonie – Page 7 5. LES GRADES LEGAUX On l'a rappelé, le Gouvernement propose de moderniser le statut des grades légaux et de développer leur fonction managériale. Ici nous ne pouvons qu'encourager notre Ministre des Pouvoirs locaux à s'inspirer du Plan de Gouvernance locale adopté en mars dernier par la Région bruxelloise (ordonnance RBC 5.3.2009, MB 13.3.2009, Inforum n° 234001). Ainsi, comme en Flandre, l'ordonnance bruxelloise crée à la tête de l'administration communale un comité de direction. Composé des plus hauts fonctionnaires communaux, il comprend le secrétaire communal, le receveur communal, et toute personne responsable de la gestion d'un service de l'administration (en ce compris, le cas échéant, le secrétaire communal adjoint et le DRH). Le comité n'a pas de pouvoir décisionnel, mais son rôle ne peut néanmoins être sous-estimé: il constitue un lien important entre les réunions des organes politiques et le système administratif et entre les différents services de l'administration. Il veille à la communication et à l'organisation, ainsi qu'au fonctionnement entre les différents services communaux. Il doit se réunir régulièrement et au moins une fois par mois. Certes, la taille moyenne des communes wallonnes n'est pas celle des communes bruxelloises, mais la mise en place d'un comité de direction (fut-ce composé seulement du secrétaire et du receveur) met aussi en évidence une manière de fonctionner moins individuelle, plus transversale, plus intégrée. Si une disposition décrétale à ce sujet devait être mise en œuvre en Région wallonne, elle devrait en tout cas tenir de compte des réalités de terrain dans les communes de moins de 5.000 habitants. Les tâches du secrétaire communal sont complétées. Il est l'administrateur de la commune. En outre, comme dit précédemment, il reçoit un pouvoir propre pour les sanctions disciplinaires mineures, ce qui renforce son rôle. Egalement comme en Flandre, afin de dynamiser les rapports entre l'administration et l'autorité politique, le secrétaire communal est chargé de conclure avec le Collège, au moins après chaque approbation du plan triennal, une note d'accord déterminant la manière dont sera exécuté ce plan triennal. Cette note comprendra notamment une répartition claire des tâches entre l'administration communale et le pouvoir politique, les attentes mutuelles et les Union des Villes et Communes de Wallonie – Page 8 échéances à respecter. Il s'agit d'une déclaration d'intention, sans portée contraignante, mais engageant moralement le politique et l'administration quant aux grandes lignes de leur collaboration pour les trois années à venir. Cette note d'accord détermine également la manière dont le secrétaire exerce les pouvoirs qui lui ont été délégués. Le secrétaire communal arrête le système de contrôle interne des activités de la commune, après concertation avec le comité de direction, et en assure l'organisation et le fonctionnement sous l'autorité du Collège. Le cadre général du système de contrôle interne est soumis à l'approbation du Conseil communal. Le système de contrôle interne répond au moins au principe de la séparation des fonctions du secrétaire et du receveur lorsque cela est possible et il est compatible avec la continuité du fonctionnement des services communaux. Le secrétaire communal met le personnel au courant du système de contrôle interne et l'informe des modifications qui y sont apportées. En ce qui concerne le receveur, une distinction est désormais établie entre les missions classiques qu'il accomplit 'seul et sous sa responsabilité', et les nouvelles tâches qui peuvent lui être confiées par le collège, sans que sa responsabilité pécuniaire personnelle ne soit engagée, comme le contrôle interne ou la gestion financière. Le secrétaire et le receveur doivent désormais être évalués. Cette évaluation doit se dérouler conformément aux règles fixées dans la Charte sociale de la fonction publique locale. Une évaluation négative doit être confirmée par le conseil communal et entraîne comme conséquence financière la perte du droit à l'augmentation salariale biennale jusqu'à la prochaine évaluation positive. La décision du conseil communal est susceptible de recours auprès de l'autorité de tutelle et/ou du Conseil d'Etat. Les villes grandes et moyennes enfin pourront retenir que l'ordonnance bruxelloise impose la création dans chaque commune d'une fonction de gestionnaire des ressources humaines. Il forme un tandem avec le secrétaire qui reste le chef du personnel. EN CONCLUSION C'est d'une "révision générale des mentalités" dont nous avons besoin. Générale, ce qui veut dire que tout ce qu'il y a de ressources humaines dans la commune sera impliqué. Aux côtés du personnel, les mandataires en sont. ***LMB/6.10.2009 Union des Villes et Communes de Wallonie – Page 9