facteurs clés de succès pour la création d`une banque postale

Transcription

facteurs clés de succès pour la création d`une banque postale
UPU
UNION
POS TALE
UNIVERSELLE
Etude de cas n°2
Maroc:
Facteurs clés de succès pour la
creation d’une banque postale
Alexandre Berthaud
Février 2013
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Table des matières
Page
Remerciements
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I.
Introduction
4
II.
Prérequis
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1
2
3
Soutien politique
Soutien financier
Cadre légal et règlementaire
4
4
4
III.
Facteurs clés de succès pour la banque postale
4
1
2
3
4
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Le réseau
Le personnel
Les processus
Le système d’information
Les produits
4
5
6
6
6
6
IV.
Conclusions
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Remerciements
Cette étude a été préparée par Alexandre Berthaud, Expert Inclusion financière à l’Union postale
universelle. L’auteur adresse ses sincères remerciements aux équipes de Poste Maroc, et plus
particulièrement à celles de sa banque postale, Al-Barid Bank, qui ont pris le temps de rencontrer
l’Expert pour présenter leur travail, leurs défis et les résultats concrets obtenus ces dernières années,
qui ont fait du Maroc un « success story » de l’inclusion financière au travers des postes.
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I.
Introduction
Dans le domaine de l’inclusion financière par les postes, le Maroc s’est imposé comme un modèle de
réussite parmi les pays en voie de développement. En effet, la filiale bancaire de Poste Maroc, Al-Barid
Bank (ABB), gère aujourd’hui plus de 6 millions de comptes et en ouvre 500,000 par an depuis sa
création en Juin 2010.
Au vu du grand nombre de Pays-membres de l’UPU qui ont affiché l’objectif de développer une banque
postale au cours des prochaines années, nous avons essayé d’extraire du modèle marocain les
éléments clés qui doivent être réunis pour la création et l’établissement d’une banque postale.
II.
Prérequis
1. Soutien politique
-Volonté du gouvernement marocain de collecter la petite épargne rurale et de promouvoir la
bancarisation.
-Banque Centrale comme promoteur du projet dès le départ.
2. Soutien Financier
-Séparation des CCP et de la Trésorerie générale du Royaume en 2007 qui a permis de passer d’un
rendement de 2% à 4% sur les encours CCP. Cette séparation a permis de dégager des bénéfices
suffisants pour financer partiellement la création de la banque.
-Investissement: Appui financier de la Poste Maroc pour la création de la banque postale (15 Millions
d’Euros).
3. Cadre légal et réglementaire
-Modification du statut juridique de Poste Maroc d’une entreprise publique vers une S.A. Ces
changements étaient nécessaires à la création d’une filiale bancaire et à la cession des actifs et passifs
de l’État de la maison mère Poste Maroc vers la filiale ABB constituée elle aussi en S.A.
-Assistance d´un cabinet juridique pour rédiger les propositions de textes de loi et décrets qui
permettent la mise en place d´ABB ainsi que le transfert des actifs.
-Licence bancaire conditionnée. L’agrément de la Banque centrale est conditionné au marché de
clientèle (particuliers, si possible des catégories C et D). L’organe de supervision bancaire a en outre
demandé à ce qu’ABB attende avant de lancer les produits de crédit et commence par offrir ces
produits en partenariats avec d’autres sociétés spécialisées pour acquérir le savoir faire nécessaire à
l’analyse du risque de crédit.
III.
Facteurs clés de succès pour la banque postale
1. Le réseau
- Un réseau connecté : l’ensemble des 950 bureaux de poste gérés directement par ABB sont
connectés à internet. De plus, ABB compte plus de 600 distributeurs de billets à travers le territoire.
Dans le cadre du projet de création de la banque des investissements énormes ont été effectués dans
l’infrastructure de télécommunications, qui permet à son tour la modernisation du système
informatique et sa centralisation. En effet, plus d´une centaine de bureaux n´étaient pas connectés
avant la création de la banque. Il reste cependant à intégrer au réseau plus de 800 agences postales
qui sont encore offline.
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-Modèle de réseau : le réseau appartient à la banque postale qui le loue à la poste pour les opérations
ayant trait aux lettres et colis. Cependant, les murs appartiennent à la Poste qui les loue elle-même à
la banque postale. Ceci nécessite la mise en place de conventions de service croisées. L’avantage de
ce système est double, d’une part les frais fixes du réseau sont pris en charge par la banque qui est la
principale source de revenus du groupe Poste Maroc, d’autre part ABB est l’employeur direct du
personnel de la poste et peut garantir une qualité de service bancaire à ses clients des services
financiers sans mettre en péril le service universel.
2. Le personnel :
-Leadership : Le leadership de M. Alami, DG de Poste Maroc qui a impulsé la création de la banque
postale et en fut le principal promoteur, a été clé pour assurer le succès de l’inclusion financière par
les postes au Maroc.
-Continuité : M. Ben Jelloun, DG actuel du Groupe Poste Maroc a repris le projet de son prédecesseur
sans phase de ralentissement pendant la transition. Au contraire, il y a même eu une accélération du
processus. Le respect des engagements pris est fondamental. Compte tenu de la durée d’un projet de
création de banque postale (entre 5 ans pour le Maroc et 10 ans pour la France), les pays qui
souhaiteraient transposer l’expérience marocaine à leur contexte devront s’assurer de la continuité du
projet, notamment en l’inscrivant dans la vision de développement à long terme du pays.
-Embauche de cadres dirigeants issus du secteur bancaire. Seize cadres de la banque postale ont été
recrutés dans le secteur privé. Ceci a permis d’une part des économies non négligeables si l’on
compare avec le coût potentiel du pilotage de ce projet par un cabinet de conseil. D’autre part,
l’expérience bancaire de ces cadres a facilité l’internalisation des savoir-faire transmis par les différents
cabinets embauchés pour accompagner la poste dans les chantiers les plus sensibles.
-Implication des partenaires sociaux avant la création de la banque dans le processus de changement.
-Travail de communication en interne pour favoriser l´appropriation du projet et l’adhésion des
postiers en les informant et rassurant constamment sur l’impact de ces changements dans la vie de
chacun (réunions, newsletter, activités de renforcement de l’esprit d’équipe).
-Dans un premier temps maintien d´un statut commun pour l’ensemble du personnel du groupe, qu’ils
soient employés de la poste ou de la banque. Ceci a été capital pour contenir les tensions entre les
deux corps de métier.
-Vagues de départ volontaire à la retraite pour délester le personnel moins efficace ou qui ne
correspondait plus aux exigences de qualité de service.
-Mise en place d´une Université postale sous l’égide de Poste Maroc trois ans avant la création
officielle d’ABB et de trois instituts pour accompagner le processus de changement. L’académie
bancaire, l’institut postal spécialisé dans les métiers de la banque, a été rattaché à ABB courant 2012
(22,000 heures de formation en 2011).
-Formation de l´ensemble du personnel de la Poste aux techniques bancaires depuis le guichetier
jusqu’au directeur régional.
-Redéploiement du personnel moins efficace dans des positions de support, notamment avec la
création d’un poste d’arrière-guichet (contrôle) et embauche de personnel plus dynamique pour les
fonctions où le contact client est important.
-Amélioration du cadre et des conditions de travail vérifié au niveau des bureaux de poste.
-Institutionalisation de la fonction de conseiller financier qui n’existait pas dans l’ancienne organisation
des services financiers postaux.
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3. Les processus:
-Organisation en mode projet : en concertation avec la banque centrale, le projet de transition des
services financiers postaux a été divisé en quarante sous-projets distincts qui comptent chacun un
chef de projet, des délais à respecter, des objectifs et des responsabilités clairement définies.
-Priorisation des projets : la direction n’a lancé que les chantiers nécessaires à l’agrément de la
banque centrale et à l’ouverture officielle de la banque postale dans les plus brefs délais. Par exemple
des produits importants mais non indispensables comme le crédit immobilier, le découvert, le dépôt à
terme ou les bons de caisse n’ont été lancés que plus tard.
-Nouvelle organisation et refonte des procédures pour intégrer des mesures de contrôle interne.
-Redimensionnement des agences en terme de volume d’affaires, sur la base d’informations réelles et
non plus sur les informations déclaratives qui peuvent être modifiées par les chefs d’agence.
-Mise en place d’un système d’objectifs au niveau régional, agence et individuel.
-Pilotage commercial et contrôle de gestion avec suivi des objectifs mensuels, trimestriels et
semestriels.
4. Le système d’information:
-Transition d’une architecture système décentralisée vers une architecture centralisée qui permet
d´avoir la position minute des comptes, au lieu d’une position j+1 auparavant, et limite le risque
opérationnel.
-Système d´information développé en interne, et basé sur le modèle un produit/un système qui
permet de ne pas reparamétrer l’ensemble du système lors du lancement de nouveaux produits, tout
en gardant une seule interface usager. Cette décision a été prise après analyse de l’existant et en
prenant en considération le fait que l’ancienne plateforme gérait déjà 4 millions de comptes. La
recommandation pour une poste qui gère peu de comptes serait plutôt de prendre un système
bancaire complet (core banking system).
-Automatisation complète du système, de la quasi totalité des agences et adoption d’une stratégie
multicanal (agence, distributeur de billet, terminaux de paiement électronique, Mobile)
-Mutualisation des systèmes d´information avec la Poste. Le développement et support système sont
basés à Rabat auprès de la Poste et non pas auprès de la banque postale.
5. Les produits:
-Tarification des produits la moins chère du marché.
-Offre très simple et transparente pour le consommateur.
-Communication axée plus sur les produits que sur le nom de la banque. Changement stratégique sur
la façon de communiquer par rapport aux services financiers de la Poste.
Conclusions :
Aujourd’hui, une tendance lourde se dessine dans la plupart des postes qui offrent des services
financiers postaux basés sur les comptes, notamment en Afrique francophone, dans les pays arabes
mais aussi dans des grands pays émergents comme l’Inde ou l’Afrique du Sud, celle de créer une
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banque postale. Cependant, l’étude menée au Maroc permet de dégager quelques enseignements sur
la faisabilité d’une telle entreprise dans ces pays.
Le principal enseignement de la présente étude est qu’il ne suffit pas d’avoir un réseau, des comptes
chèques postaux, une caisse d’épargne postale et l’accord de principe de la banque centrale pour
mettre en place une banque postale. L’établissement d’une banque postale requiert d’une multitude de
facteurs, et en particulier d’investissements considérables (20 millions de USD au Maroc), d’une mise
à niveau du réseau et des systèmes informatiques, d’une formation poussée du personnel, d’un
leadership fort et durable, du soutien du gouvernement et de la banque centrale, et finalement de la
patience pour mener à bien un projet sur un horizon temporel d’au moins 5 ans.
Il est donc important que les gouvernements désireux de se lancer dans cette voie, prennent en
compte ces facteurs dans leurs décisions et évaluent leur capacité de réunir la plupart des prérequis
exposés. Surtout, il faut que les gouvernements commencent par investir dans la mise à niveau de
leurs services financiers postaux comme une étape préalable au lancement d’une banque postale de
plein exercice.