EVOLUTIONS DE LA SANTE/SECURITE AU TRAVAIL

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EVOLUTIONS DE LA SANTE/SECURITE AU TRAVAIL
INFORMATIONS BREVES
JURISPRUDENCES RECENTES
EN SANTE AU TRAVAIL
Docteur Anne Gillet
Docteur Jacques Darmon
Mardis 1er et 29 mars 2011
Metranep
INTRODUCTION
Une judiciarisation de plus en plus importante des relations
sociales avec interventions d’avocats tant du côté des employeurs
que des salariés.
•
• Des procédures complexes et sources d’un contentieux
important.
• Un poids très important de la jurisprudence de la Cour de
cassation sur la façon dont les juges appréhendent les avis des
médecins du travail et le respect des procédures.
• Nous nous intéresserons à des jurisprudences ayant trait aux avis
d’aptitude/inaptitude (dont la procédure) et aux visites médicales.
Mardis 1er et 29 mars 2011
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GLOSSAIRE
• Licenciement sans cause réelle et sérieuse : licenciement non
justifié et ouvrant droit à une indemnisation.
• Licenciement nul : licenciement pour une raison illégale (état
de santé, invalidité par exemple) et qui ouvre droit à la
réintégration et/ou à une indemnisation.
• Prise d’acte de la rupture : le salarié, du fait de manquements
importants de son employeur, prend acte de la fin de son contrat.
Celui-ci se termine immédiatement. Si les manquements sont
reconnus par les juges, c’est un licenciement sans cause réelle et
sérieuse, sinon c’est une démission.
• Résiliation judiciaire : demande faite au juge de mettre fin au
contrat de travail du fait de manquements d'une des parties. Si des
manquements de l'employeur sont reconnus par le juge, c’est un
licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mardis 1er et 29 mars 2011
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EXTRAITS D'UN JUGEMENT DU CONSEIL
DE PRUD'HOMMES DE PARIS
(prononcé le 3 novembre 2010)
Sur la procédure d’inaptitude
• " Attendu que Mme M. a été en arrêt de travail du 12 au 25 mars
2008; que le médecin du travail a établi le 26 mars 2008 une fiche
d'inaptitude libellée de la façon suivante, « inapte à tous postes dans
l'entreprise; pas de reclassement possible dans l'entreprise (procédure
sur 1 seule visite cf code du travail) » "
• " attendu qu'il est de jurisprudence constante qu'un médecin du
travail ne peut déclarer inapte un salarié après une seule visite
médicale que s'il résulte de l'avis du médecin une situation de danger
immédiat pour le salarié ou qu'il est fait référence expresse à l'article
R. 4624-31 du code du travail) ; "
Mardis 1er et 29 mars 2011
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EXTRAITS D'UN JUGEMENT DU CONSEIL
DE PRUD'HOMMES DE PARIS
(Suite)
• " Attendu que l'avis d'inaptitude délivré le 26 mars 2010 ne faisant
pas état d'une situation de danger immédiat pour la santé de Mme M.
si elle reprenait son poste d'une part et ne visant pas expressément
l'article R. 4624-31 du code du travail d'autre part, c'est donc à bon
droit que la société S. a sollicité du médecin du travail une deuxième
visite médicale pour régulariser la procédure ; qu'en effet il appartient
à l'employeur de solliciter une nouvelle visite lorsque l'avis médical
initial d'inaptitude est irrégulier, une faute pouvant être
reprochée à l'employeur qui s'abstiendrait de la demander; "
• " Attendu que le même médecin du travail a rendu le 8 avril 2008
un deuxième avis formulé de la manière suivante, « confirmation ce
jour de l'avis émis le 26 mars 2008, inapte à tout poste dans
l'entreprise sans possibilité de reclassement »; "
Mardis 1er et 29 mars 2011
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EXTRAITS D'UN JUGEMENT DU CONSEIL
DE PRUD'HOMMES DE PARIS
(Suite)
• " Attendu que cet avis ne visait de nouveau ni une situation de
danger immédiat pour la santé de Mme M. ni les dispositions de
l'article R. 4624-31 du code du travail; que dès lors cet avis devait
s'inscrire dans le cadre de la procédure normale visant à constater une
inaptitude, c'est-à-dire deux examens médicaux du salariés espacés
d'un délai minimum de deux semaines; "
• " Attendu cependant qu'il ne peut être contesté que les visites
médicales des 26 mars et 8 avril 2008 ne sont pas espacées de deux
semaines; que dès lors ces deux avis ne pouvaient fonder une
procédure régulière au regard des dispositions de l'article R. 4624-31
du code du travail; que dès lors c'est encore une fois légitimement que
la société S. a sollicité du médecin du travail une nouvelle visite
médicale; "
Mardis 1er et 29 mars 2011
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EXTRAITS D'UN JUGEMENT DU CONSEIL
DE PRUD'HOMMES DE PARIS
(Suite)
• " qu'en outre il convient de souligner que dans son courrier du 1er
avril 2008 adressé au médecin du travail, la société S. avait pris soin
d'attirer l'attention du praticien sur les dispositions réglementaires et la
jurisprudence applicables à la procédure d'inaptitude, allant jusqu'à
porter à la connaissance du médecin des décisions de justice récentes
rendues en la matière; "
Mardis 1er et 29 mars 2011
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EXTRAITS D'UN JUGEMENT DU CONSEIL
DE PRUD'HOMMES DE PARIS
(Suite)
• " Attendu qu'en l'espèce Mme M. reproche à son employeur de ne
s'être pas contenté de viser deux visites mais d'en avoir visé trois;
attendu toutefois que Mme Marie-Sophie M. ne démontre pas en quoi
le fait de viser les trois visites médicales qu'elle a passées, et non pas
seulement deux d'entre elles, lui ferait grief ou lui causerait un
préjudice; "
• " en conséquence la lettre de licenciement adressée par la société
S. à Mme M. ne souffre d'aucune irrégularité dans sa motivation
relativement aux visites médicales; "
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EXTRAITS D'UN JUGEMENT DU CONSEIL
DE PRUD'HOMMES DE PARIS
(Suite)
Sur les propositions de reclassement
• " Attendu qu'en effet dès le 1er avril 2008, à la suite du premier avis
d'inaptitude du 26 mars 2008, la société S. a demandé expressément
par courrier au médecin du travail quel type de poste pourrait
éventuellement être adapté à l'état de santé de Mme M.; "
• " Attendu que dans son courrier du 28 avril 2008, la société S.
demandait une nouvelle fois au médecin du travail quelle solution de
reclassement pouvait éventuellement être trouvée pour la salariée; que
la société proposait notamment une transformation ou un
aménagement du temps de travail de Mme M.; que la société S.
rappelait que des postes de travail internes ou à l'étranger pouvaient
être proposés à la salariée si le médecin du travail en était d'accord; "
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EXTRAIT D'UN JUGEMENT DU CONSEIL DE
PRUD'HOMMES DE PARIS
(Suite)
•
" Attendu que par courrier du 19 mai 2008 adressé à la société S.,
le médecin du travail répondait qu'aucun reclassement de Mme M.
n'était possible au sein de l'entreprise; "
•
" Attendu qu'il apparaît ainsi que la société S. a parfaitement et
amplement respecté son obligation de reclassement et qu'aucun
reproche ne peut lui être fait à cet égard; "
• " Par ces motifs…Dit que le licenciement de Mme M. notifié par la
société S. est fondé sur une cause réelle et sérieuse. "
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PROCEDURE D’INAPTITUDE
Inaptitude en une seule visite
• Cass. soc. n° 08-45.270 du 20 janvier 2010
• Formulation suivante de l'avis d'inaptitude par le médecin du
travail : " inapte au poste proposé à dater de ce jour en
application de la procédure d'urgence de l'article R. 241-51-1 "
• Nullité du licenciement pour la Cour de cassation car cette
formulation ne répond pas aux critères de validité d'un avis pour une
inaptitude en une seule visite qui sont :
• l'indication du " danger immédiat " ;
• ou " une seule visite avec référence à l'article R. 4624-31 (ex
R. 241-51-1) " depuis un arrêt du 19 janvier 2005 (Cass. soc.
n° 03-40.765).
• Conseil de formulation : " procédure d’urgence en 1 seule visite
pour danger immédiat, art. R. 4624-31 "
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PROCEDURE D’INAPTITUDE
Inaptitude en dehors d'une visite de reprise
• Cass. soc. n° 09-40.975 du 8 avril 2010
• Un salarié est vu, à sa demande, par le MdT au retour d'un arrêt
maladie non professionnel de moins de 21 jours.
• Après un nouvel arrêt maladie, le MdT conclut : " deuxième avis
d'inaptitude en application de l'article R. 241-51-1 du code du
travail "
• Le salarié licencié conteste son licenciement. La cour d'appel
conclut à la nullité du licenciement au motif que la procédure
d'inaptitude a été accomplie en une seule visite.
• La Cour de cassation considère que la première visite d'une
procédure d'inaptitude peut être toute visite effectuée durant
l'exécution du contrat de travail et que la procédure a bien été
respectée.
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PROCEDURE D’INAPTITUDE
Inaptitude en une seule visite et reclassement
• Cass. soc. n° 02-47.458 et n° 02-45.350 du 7 juillet 2004
• Le MdT a déclaré le salarié " inapte, vu danger immédiat, en un
certificat, à tout travail " .
• La Cour de cassation déclare le licenciement sans cause réelle et
sérieuse : " un tel avis ne dispense pas l'employeur de rechercher
une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise et le cas
échéant du groupe auquel elle appartient, au besoin par la mise en
oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou
aménagement du temps de travail ".
• Même en cas de danger immédiat, l'employeur pourrait vous
solliciter pour le reclassement…
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PROCEDURE D’INAPTITUDE
Indication des possibilités de reclassement
• Cass. soc. n° 08-44.177 du 6 janvier 2010
• Suite à des propositions de poste de reclassement faites sur la
base des préconisations de la 1ère visite de la procédure d'inaptitude,
licenciement sans cause réelle et sérieuse reconnu par la cour
d’appel et la Cour de cassation.
• La recherche d’un poste de reclassement s’effectue sur la base de
l’avis du médecin du travail lors de la 2e visite de la procédure
d’inaptitude : " départ de l'obligation [de recherche] de
reclassement à compter de la seconde visite de reprise [= 2e
visite de la procédure d’inaptitude] ".
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VISITE DE REPRISE
Organisation de la visite de reprise
• Cass. soc. n° 08-43.251 du 28 octobre 2009
• Une salariée mise en invalidité de 2e catégorie demande à passer
la visite de reprise.
• L'employeur demande que la salariée reprenne le travail avant
d'organiser la visite de reprise. Elle demande la résiliation
judiciaire de son contrat de travail. La Cour de cassation, à
l'encontre de l'avis de la cour d'appel, considère que la rupture du
contrat est aux torts de l’employeur.
• En cas de refus par l'employeur d'organiser la visite de reprise,
le salarié peut demander au juge de mettre fin au contrat de
travail, ce qui revient juridiquement à un licenciement aux torts de
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l'employeur.
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VISITE DE REPRISE
Elle a lieu dans les 8 jours après la reprise du travail
• Cass. soc. n° 09-66.140 du 6 octobre 2010
• La prise d'acte de la rupture du contrat de travail peut être justifiée
par l'absence de visite de reprise (dans les huit jours après la reprise
du travail) lorsque l'employeur n'allègue pas avoir pris l'initiative de
l'organiser.
• Article R. 4624-22 : " L'examen de reprise a pour objet d'apprécier
l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la
nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une
réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces
mesures.
Cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un
délai de huit jours. "
• Elle pourrait être qualifiée de visite à la demande de l'employeur.
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VISITE DE REPRISE
Modalités d'organisation de la visite de reprise
• Cass. soc. n° 09-68.544 du 26 janvier 2011
• Un salarié annonce à son employeur qu'il a pris RV " à la sécurité
sociale de la médecine du travail ".
• Il est déclaré inapte définitif à tout poste dans l'entreprise avec cet
avis " Procédure en une visite (article R. 241-51-1) ". L'employeur
entame la procédure de licenciement puis la stoppe. Le salarié
demande la rupture de son contrat qui est imputée à l'employeur.
• " La visite de reprise, dont l'initiative appartient normalement à
l'employeur, peut être sollicitée par le salarié auprès du médecin du
travail en avertissant l'employeur de cette demande. "
• L’inaptitude à " tout poste ou tout emploi dans l’entreprise "
ne dispense pas l’employeur de l’obligation de recherche d’un
reclassement.
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VISITE DE REPRISE
Mise en invalidité et visite de reprise
• Cass. soc. n° 09-42.766 du 25 janvier 2011
• Une salariée mise en invalidité 2e catégorie en informe son
employeur qui l'invite à prendre contact avec la médecine du travail.
• Un an plus tard elle le somme d'organiser la visite de reprise et est
déclarée inapte. Elle saisit la justice pour des indemnités dont une
pour le retard à l'organisation de la visite de reprise. Elle a gain de
cause.
• En effet, " dès lors que le salarié informe son employeur de son
classement en invalidité 2e catégorie sans manifester la volonté de
ne pas reprendre le travail, il appartient à celui-ci de prendre
l'initiative de faire procéder à une visite de reprise laquelle met fin à
la suspension du contrat de travail. "
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VISITE DE REPRISE
Visite de reprise et arrêt maladie
• Cass. soc. n° 08-70.060 du 5 janvier 2011
• Un salarié voit à plusieurs reprises le médecin du travail dans le
cadre de visites de reprise avec d'abord 2 inaptitudes temporaires
puis une inaptitude définitive. Il est licencié.
• Il conteste son licenciement car il avait adressé des arrêts maladie
qui étaient en cours au moment des visites de reprise.
• " Peu important que le salarié ait continué à bénéficier d’un
arrêt de travail de son médecin traitant » à partir du moment où
il est demandeur d’une visite de reprise de travail :
• soit auprès de son employeur qui l’organise,
• soit auprès du médecin du travail sous réserve que
l’employeur en soit averti. "
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AVIS DU MEDECIN DU TRAVAIL
Le poids des avis du médecin du travail (1)
• Cass. soc. n° 08-42.629 du 23 septembre 2009
• Le refus du salarié de reprendre un poste de travail non conforme
aux préconisations du MdT ne peut justifier un licenciement. Même si
le salarié est absent sans justificatif.
• Ce fait est lié à l'obligation de sécurité de résultat qui incombe à
l'employeur.
• Art. L. 4121-1 : " L’employeur prend les mesures nécessaires pour
assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des
salariés. "
Mardis 1er et 29 mars 2011
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AVIS DU MEDECIN DU TRAVAIL
Le poids des avis du médecin du travail (2)
•
Cass. soc. n° 08-42.674 du 10 novembre 2009
• L'avis du médecin du travail sur l'aptitude du salarié à occuper un
poste de travail s'impose aux parties.
•
Le juge de fond n'a pas à substituer son appréciation à celle du
médecin du travail, par exemple transformer des restrictions
d'aptitude en inaptitude.
• En cas de difficulté ou de désaccord sur la portée de l'avis
d'inaptitude, le salarié ou l'employeur doit saisir l'inspecteur du
travail dans le cadre de l'art. L. 4624-1.
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CONCLUSION
• A travers cette sélection de jurisprudences, il parait important,
dans des situations qui peuvent mener à des contentieux :
• sur le fond de s’entourer de tous les avis nécessaires à une
prise de décision pertinente ;
• sur la forme de respecter le formalisme des procédures et
de choisir les termes adéquats pour l’avis.
• Une fiche d’aptitude mal formulée peut avoir des conséquences
juridiques très importantes.
Mardis 1er et 29 mars 2011
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