Mes chemins de traverse - Les Amis de saint Benoit Labre
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Mes chemins de traverse - Les Amis de saint Benoit Labre
Mes chemins de Traverse avec Saint-Benoît-Joseph Labre SUZE-LA-ROUSSE INTRODUCTION Benoît-Joseph Labre allait pieds nus, vêtu d’un pauvre manteau rapiécé. Il portait sur l’épaule une besace, une main accrochée à un crucifix, et de l’autre il égrenait son chapelet. Ses cheveux et sa barbe étaient incultes, et son visage imprégné d’une étrange lumière. C’est ainsi que se présenta le vagabond et pèlerin de Dieu aux habitants de Suze la Rousse, en l’an 1772. « Loués soient Jésus et Marie », disait-il à ces bonnes âmes qui l’accueillaient avec générosité. Avec le Père Raymond Martel et par l’intermédiaire du site des Amis de Saint Benoît Labre sur le Web, il y a cinq mois environ, a commencé pour moi une nouvelle aventure sur les chemins de traverse, cette fois dans la Drôme Provençale. À Suze la Rousse, une petite ville bâtie sur le flanc d’une colline, dans une région de soleil et de ciel bleu où pousse dans la campagne environnante, la vigne et la lavande. Façonné par la main des hommes, le Pays Suzien renferme de nombreux joyaux d'architecture. Les maisons concilient à la foi l’art de vivre à la Provençale et la richesse de ses petites habitations recouvertes de tuiles romaines, aux murs en pierres, laisse entrevoir l’histoire des hommes d’antan. Suze la Rousse m’accueille, 237 ans après le passage du Saint mendiant BenoîtJoseph Labre. Curieusement je ne connaissais pas cette ville de la Drôme, et nous nous étions convenu, Madame Josette Vincent et moi-même de nous donner rendez-vous près de l’église de Suze la Rousse. En arrivant sous la pluie le vendredi 11 juin vers 19 heures, un détail de la providence, que me révéla par la suite Josette Vincent, a voulu que j’attende sa venue sur la petite place qui sert aujourd’hui de parking au restaurant le Garlaban. Or ce bâtiment se trouve être l’ancien relais de poste de Suze. Sans l'avoir prévu, nous nous sommes rencontrés à cet endroit à peu près à la même heure où notre Saint Ami, après une longue marche, s’était désaltéré 237 années avant ma venue en ce lieu. Du temps de Benoît-Joseph en 1772, sur la petite place, où j’ai attendu, se trouvait une fontaine qui servait au relais de poste d’abreuvoir pour les chevaux. Avec la reproduction d’un tableau ancien de Suze représentant le relais et sa fontaine que m’a confiée Josette Vincent, vous apercevrez ce à quoi ressemblait la ville à l’arrivée de Benoît-Joseph. Après ce troublant détail de la providence, il me revient cette parole apprise dans l’enfance : « Je me manifesterai à toi : mon esprit à ton esprit, ma volonté à ton âme, et mon cœur à ton cœur ». Nul doute que notre ami Benoît-Joseph Labre était présent ce soirlà à Suze la Rousse … Et c’est lui qui m’accueillait… C’est le 13 juin que s’est déroulée une exposition retraçant les visites et pérégrinations du Saint venu du Pays d’Artois ayant pour thème « Chemin des Hommes, Chemins de Dieu ». Les âmes Suziennes, qui ont organisé ce superbe travail, et qui avec beaucoup de générosité m’ont permis d’assister à ce magnifique itinéraire, seront heureuses, je n'en doute pas, d'avoir un compte rendu fidèle de mes impressions lors de ces instants partagés. Je dois donc me faire l'interprète de ces récits en publiant ici, amis du Saint, les faits admirables, des étapes qui se rattachent à l’histoire des hommes et du Pèlerin de Dieu en Provence. Avec les sentiments qui ont guidé mon cœur et celui des organisateurs de cette exposition, madame Josette Vincent et mademoiselle Françoise Pradelle rappellent que le chemin des hommes dans le quotidien est sillonné d’événements, de lieux, de rencontres et de départs. Ils s’inscrivent dans notre âme avec tendresse à chacun de nos pas sur les chemins de Dieu et marquent notre vie, comme les histoires merveilleuses des écrits évangéliques du Nouveau Testament. Benoît-Joseph Labre est là sur le sentier, appuyé sur son bâton, désireux de nous rencontrer et de nous accompagner tout au long de notre pèlerinage sur la terre à la suite du Christ ressuscité. De nos jours, la Provence a gardé un touchant souvenir religieux des visites du Pèlerin d’Amettes. Chapelle, oratoire, statue, etc., tous témoigne aujourd’hui encore de la ferveur de ses habitants, pour cet homme de Dieu, charitable et pieux. Je vous propose, chers Amis du Saint, de vous laisser guider, au fil de ces pages sur les lieux historiques où ce compagnon de route a marché, prié et a ému parfois jusqu’aux larmes ceux qui, comme moi, le connaissent et l’admirent. Chacune de ses étapes sera l’occasion d’une rencontre sur notre route humaine trop souvent construite de nos souvenirs, de nos détresses, de notre chagrin, comme de nos plus grandes joies. En cheminant à ses côtés, vous ne pourrez ignorer en lui ce grand Amour pour le prochain, tant au spirituel, par sa foi et sa prière vers Dieu, qu’au temporel par la charité qu’il a exercée et les encouragements qu’il a donnés dans ses rencontres. Vous découvrirez alors un pauvre qui a aimé Dieu dans son cœur et un Saint qui a aimé Dieu dans le cœur de tous ceux qu’il a croisés sur sa route. Benoît-Joseph nous interpelle et nous demande « d’oser croire » que l’Amour est capable de transformer ce monde qui est le nôtre. Ce monde qui a longtemps cru qu’il s’était tu mais il a en fait beaucoup parlé en peu de paroles, il n’a rien écrit ou presque, mais toute sa vie est prière. Il l’a fait en apôtre du Christ doué de bonté, de tendresse, animé d’une foi lumineuse qui pénétrait les cœurs. Je vous dédie ce travail en témoignage de mon profond respect et de ma gratitude pour toutes les personnes qui ont contribué, de près ou de loin, à la réalisation de ce livret ; Aux Amis, Le Père Raymond Martel, Josette Vincent, Françoise Pradelle, Yvette Sannino et sans oublier mon Ami Saint Benoît-Joseph Labre, l’inspirateur de toutes nos aventures sur les chemins de traverse. Didier Noël, de Boulogne-sur-Mer, le 11 juillet 2010 La fontaine qui servait au relais de poste d’abreuvoir pour les chevaux à l’époque du passage de Saint Benoît-Joseph à Suze la Rousse. (1) « Je me manifesterai à toi : mon esprit à ton esprit, ma volonté à ton âme, et mon cœur à ton cœur » Carte de Suze la Rousse et des environs en 1770 EXPOSITION DE SUZE LA ROUSSE (13 Juin 2010) Statue de l’église de Suze la Rousse (Texte de Josette Vincent) Benoît-Joseph Labre (Un saint sur les chemins de Provence) Il faut savoir tout d’abord que notre choix a été influencé par la décision de l’Eglise de consacrer l’année 2010 au pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle. 2010 est donc une « Année Jacquaire ». Et nous avons dans notre église, une statue d’un grand pèlerin, celle de BenoîtJoseph Labre qui a passé sa vie à cheminer sur les sentiers d’Europe, là où le guidaient sa foi et son amour de la solitude et de la pauvreté. Un jour, c’était en 1772, il passa à Suze… Il eut été ambitieux de le suivre dans tous ses déplacements qui le menèrent à Santiago, et nous avons choisi de l’accompagner dans le sud de la France, dans notre Provence qu’il semblait affectionner car riche en lieux saints, en sites antiques et en sanctuaires. Benoît Labre est natif du Pas-de-Calais. D’une famille de quinze enfants, c’est un enfant sage, très calme, aimant la solitude et surtout très pieux. Son oncle, François Joseph Labre, prêtre, le baptise dès sa naissance. Remarquant le caractère de l’enfant, il le prend avec lui dans son presbytère d’Erin, pensant qui sait ? En faire un prêtre. Une épidémie de peste ravage la contrée ; on évite que Benoît approche les malades mais il travaille et aide sans compter et déjà, on l’appelle « le petit saint ». Son oncle décède et il retourne chez ses parents à qui il parle de son désir d’être moine. On le confie à un autre oncle, Vincent, vicaire de Conteville. Le garçon est de santé fragile et cet oncle, qui connaît son désir, avec l’accord des parents, conseille la règle moins dure de la Chartreuse de Longuenesse. Il est refusé car le monastère ne prend pas de novice. Nouveau retour chez ses parents puis nouvel essai à la Chartreuse de Montreuil-sur-Mer en 1767, où on le trouve trop jeune et n’ayant pas fini ses études. Nouvelle déception aussi à la trappe de Soligny où sa santé délicate ne supporte pas la règle… « Dieu vous veut ailleurs » C’est à Sept-Fonts, chez les trappistes, qu’il réussira à prendre l’habit des novices le 11 novembre 1770 sous le nom de frère Urbain. Un habit qu’il ne quittera plus de sa vie… À Sept-Fons, il tombe malade et après sa guérison, il quitte la trappe pour prendre la route vers Rome, la ville où ont souffert tant de martyrs. Il s’arrête pour prier devant tous les sanctuaires rencontrés, ayant une dévotion particulière pour la Vierge. Enfin arrivé à Rome, il visite toutes les églises et trouve refuge dans un recoin sombre du Colisée. Il se rendra chaque année à Notre Dame de Lorette pour vénérer la « Santa Casa ». Au printemps 1771, il entreprend son grand périple en Europe. On le décrit « coiffé à la nazaréenne », avec son habit de moine, son tricorne décoloré par les intempéries, ses attributs de pèlerin ; bourdon, écuelle, gourde, papiers officiels, chapelet et livres pieux. Il ne changera jamais, hirsute, sale, couvert de vermines et de plaies, le plus pauvre des pauvres… « Objet de mépris, rebut de l’humanité Homme de douleur, familier de la souffrance, Comme ceux devant qui on se voile les yeux » (Isaïe 52,2-3) Il finira ses jours à Rome où il s’était fixé, usé, épuisé par tant de privations, de solitude, de lieues parcourues sur « les chemins de traverse » en communion avec Dieu, de partage avec les plus démunis que lui. On dut le soigner à l’Hospice St Martin des Monts où on accueillait les sans logis, mais il allait, selon ses forces, aux offices de Ste Marie des Monts où on exposait le Saint Sacrement pour quarante heures de prières. C’est là, en sortant d’un office, qu’il s’effondra sur les marches de l’église. On le porta chez un boucher, ami, du nom de Zacarelli où il mourut dans la sérénité, le 16 Avril 1783. Et les enfants dans les rues de Rome, de s’écrier : « le saint est mort » car pour le peuple, il était déjà saint… Un homme qui avait semé sur son passage des bienfaits, fait des prédictions, fait naître des conversions, ce grand sujet d’admiration pour sa ténacité, son courage, sa grande foi, son humilité, sa discrétion, ses connaissances et ses propos sages et réconfortants. Il avait trente cinq ans. Ses funérailles à Rome furent comme un triomphe ! Son procès apostolique débute en 1792. Béatifié en 1860, il sera canonisé en 1881. C’est le seul saint français qui repose dans la ville éternelle. Au « Siècle des Lumières » Cette vie si particulière s’est déroulée au « Siècle des Lumières », celui de « l’émancipation et de la contestation intellectuelle » … Benoît Labre a dérangé à son époque par son choix de vie. Même Napoléon III aurait dit de lui : « Pourquoi tant d’honneurs rendus à un maniaque ? ». Et pourtant… « Ce voyageur infatigable, ne contestant rien … n’exerçant aucun métier, résolu à vivre dans la plus austère pauvreté alors qu’on commence à vanter partout les vertus du capitalisme et de l’argent », se retrouve, si on se penche un peu sur sa vie, être à notre époque tout à fait d’actualité. L’homme n’est pas devenu plus sage et son exemple devrait nous ouvrir les yeux. Aujourd’hui Il semble normal que l’on parle de lui en 2010. Ses prédictions se sont avérées, des miracles se produisent encore à la suite de neuvaines, prières ou messes faites à son intention, son aura dépasse les frontières … Reconnu comme prophète pour certains, il fut chanté par les poètes, remarqué par les peintres qui, de son vivant, le prenaient comme modèle pour représenter le Christ. Saint Benoît-Joseph Labre est devenu le saint patron des SDF en France. Il a donné naissance au premier syndicat chrétien. Il est vénéré dans plusieurs pays du monde, en particulier au Canada où des villes portent son nom. Des centres d’accueil, des O.N.G. ont emprunté son patronyme. Sa ville natale Amettes est devenue un lieu de pèlerinage ainsi que certains de ses oratoires. De nombreuses églises ont sa statue, voire un autel qui lui est consacré, et il est associé à Paris aux œuvres de l’Abbé Pierre. S’il a secoué un peu les consciences du XVIIIe siècle, il serait utile aujourd’hui de le prier pour rendre plus humaine notre société et freiner l’inconscience des hommes sur notre monde que nous sommes en train de dénaturer, qu’il s’agisse de notre environnement comme de notre comportement avec notre prochain. Josette Vincent Suze la Rousse, juin 2010. Madame Josette Vincent une Amie de Saint Benoît-Joseph Labre (Texte de Didier NOËL) LOUÉS SOIENT JÉSUS ET MARIE « Loués soient Jésus et Marie », c’est par ces mots jadis, que notre Ami le saint vagabond a salué toutes les personnes qui l’ont reçu avec générosité chez eux, que ce fut pour le couvert ou tout simplement pour passer la nuit. Chers Amis de Suze la Rousse, bonjour et merci de votre chaleureux accueil. Je me présente pour ceux et celles qui ne me connaissent pas encore, mon nom est Didier Noël, l’ami du Père Raymond Martel que je représente ici même, aujourd’hui pour les Amis de Saint Benoît Labre sur le Web. Je suis très heureux d’être parmi vous, et ceci presque 237 ans après la visite de mon illustre compatriote, un ch’ti du Pas-de-Calais (ce mot est bien à la mode en ce moment). Dans ce village, où brille sous un ciel bleu, le soleil de la Drôme provençale, il y a maintenant plusieurs semaines, dans un courriel envoyé du Canada, le Père Raymond, m’écrivit « tu ne voyages pas en vain Didier, sur les chemins de traverse avec Saint Benoît-Joseph Labre ». En effet, il m’a demandé de me mettre en rapport avec une charmante dame répondant au nom de Josette Vincent, qui désirait avoir des renseignements sur les pérégrinations de Labre le mendiant dans les nombreuses villes du sud de la France pour une exposition ayant pour thème « Chemins des Hommes, Chemins de Dieu ». J’ai donc essayé de répondre à sa sollicitation avec les maigres éléments dont je disposais et avec les courriels échangés au cours des semaines. J’ai décidé de rendre honneur à tant de générosité et de volonté afin d’assister à l’exposition. C’est à sa demande que je vous présente un peu plus en détail ce qui rassemble de nos jours des gens d’horizons différents, qui de par le monde aujourd’hui, parcourent un chemin vers eux-mêmes, dans une nouvelle forme de spiritualité. Avec l’outil Internet, le site devient à cette occasion, petit à petit, un relais entre les Amis de ce grand saint et un Prêtre. Le Père Raymond Martel, il y a 10 ans, au début de l’année 2000, a mis en ligne sur le Web un site au nom évocateur « les Amis de Saint Benoît Labre sur le Web ». Les courriels qu’il recevait, lui ont permis de constater le nombre croissant d’Amis de par le monde et surtout en France évidemment. Les Amis de saint Benoît Labre sur le web ne sont qu'une infime partie des Amis de ce saint. Il y a les Amis qui se font connaître, il y a ceux qui se rendent en pèlerinage, soit à Amettes, son village natal, soit dans d'autres lieux fréquentés par Benoît. Il y a aussi la foule anonyme de ceux pour qui ce saint est inspirant dans leur vie. Le Père Raymond est arrivé très rapidement à la conclusion, avec beaucoup de joie combien Benoît-Joseph continue de nos jours d’être le compagnon de route d’un nombre important de nos contemporains. D'ailleurs, si vous avez consulté les pages du site, vous pourrez vous en faire une certaine idée. C’est avec un Ami prêtre comme lui, le Père Hilaire Dostie, aujourd’hui décédé, qu’il a mis sur pied au diocèse d’Amos l’association des Amis de Benoît Labre. Le Père Raymond Martel, au sein des Amis et dans sa fonction de prêtre, nous amène tous à partager et à nous interroger sur nos parcours de vie, tous différents et uniques. Il montre à l’exemple de Benoît qu’il y a quelqu’un qui est là pour nous parler, pour nous dire qui nous sommes. Tout au long de notre existence, Dieu, au travers de ses Saints, nous propose son amitié. En priant les uns pour les autres, nous entrons dans cette intimité qui a conduit petit à petit Benoît-Joseph vers Dieu. Pour nous disciples du saint, l’amitié est une réponse à l'amour de Dieu. Nous voyons et aimons Dieu à travers nos prochains. Le charisme labrien nous apprend à aimer le pauvre sans haïr le riche, avec un cœur tendre et fraternel envers le prochain, nous sommes les enfants de Dieu, riches ou pauvres. « Caritas », la charité, ce mot désigne à lui seul notre appartenance à cette chaîne d’amitié, les Amis de Saint Benoît-Joseph Labre. C’est grâce à elle qu’il nous pousse à simplement désirer le bien de l’autre, notre ami. Le Père nous a si souvent écrit le fait que Saint Benoît Labre est une figure toujours actuelle au sein de notre Église. Il continue de nos jours, à inspirer de nombreuses personnes. Nous pouvons ainsi constater que, partout dans le monde, se trouvent des Instituts de vie consacrée, des Œuvres caritatives, des Lieux de dévotion, oratoires, paroisses, villages, etc. dédiés au saint Pèlerin. Ainsi voit-on en France se créer des communautés religieuses de frères et de sœurs de Saint Benoît Labre, et de nombreuses associations qui évaluent à 30 000 le nombre de personnes qui visitent chaque année la maison natale du Saint. Mais aussi aux États-Unis d’Amérique à Ashland dans le sud-est du Montana dans une réserve indienne, il existe une école qui dispense l’éducation primaire et secondaire aux Amérindiens Cheyenne et Crow du nord, et ce, sans distinction d’allégeance religieuse : « L’école indienne Saint Benoît Labre ». (2) Il existe en Italie l’Institut des Sœurs Oblates de Saint Benoît-Joseph Labre, en Allemagne, à Munich, une famille spirituelle sous le vocable des Frères et Sœurs de Saint-Benoît Labre, au Canada dans la région de la Beauce Appalaches (au diocèse de Québec) la municipalité Saint Labre, au Canada toujours dans la région du Manitoba, le village Saint Labre (au Diocèse de Saint Boniface) sans compter les très nombreuses paroisses de par le monde, placées sous son vocable, etc., etc. Devenir un Ami du Saint aujourd’hui ne demande que trois étapes : découvrir la vie de Benoît-Joseph Labre à l’aide d’une de ses biographies, le faire connaître autour de soi et prier pour ses amis. À la suite de cette lecture, répondre à la question suivante : « En quoi la vie de Benoît Labre m’inspire-t-elle aujourd’hui dans ma vie de baptisé ? ». L’histoire de Benoît-Joseph est notre histoire à tous ses bien-aimés et Amis … Il fut le véritable enfant de Dieu, le témoin de l’amour et l’apôtre de la charité. À sa suite les Amis du Saint, ne demandent à leurs faiblesses que la simplicité du cœur, jusqu’à ce que nous soyons devenus le chemin sur lequel l’amour miséricordieux rayonnera sur le monde. Le Saint Pèlerin « Morì il vagabondo santo di Dio » Rome, l'an 1783, mercredi saint 16 avril au moment où les églises entonnent le Salve Regina, un mendiant de trente-cinq ans, dans l’arrière-boutique d’un boucher remet son Âme à Dieu. À peine eut-il rendu le dernier soupir, qu'on entend retentir dans toutes les places publiques de Rome ce cri : « Le Saint est mort. », « Il Santo è mort ». Cet homme n’est autre que le pèlerin français Benoît-Joseph Labre. Son corps, exposé pendant cinq jours, fut visité par le cortège immense de personnes issues de tout milieu social. Inhumé près du maître autel de l'église de Notre-Dame-des-Monts, son tombeau deviendra l’un des pèlerinages les plus fréquentés de cette époque. À Rome, ses miracles si nombreux sont la démonstration évidente de la sainteté du vagabond de Dieu et en considérant les miracles opérés par son intercession, l'on est en droit de conclure qu'il était conduit par l'Esprit saint. Benoît-Joseph Labre dans sa vocation particulière, a prouvé que l'on peut dans toute situation, observer, les chemins, les conseils, la générosité, du message d’amour de l'Évangile. Benoît-Joseph était le fils du cultivateur Jean-Baptiste Labre et d’Anne Barbe Grandsire. Il naquit, le 26 mars 1748, à Amettes dans le Pas-de-Calais, paroisse de l'ancien diocèse de Boulogne-sur-Mer, aujourd'hui faisant partie du diocèse d'Arras. Il fut baptisé le lendemain de sa naissance par un de ses oncles paternels qui était vicaire d’Amettes, et qui deviendrait un peu plus tard le brave curé de la paroisse d’Érin. Il prit soin de son éducation. Ses parents, remplis d’attention, lui ont enseigné de bonne heure la piété chrétienne et le formèrent à la pratique du bien. Benoît-Joseph avait l'esprit et le jugement solide, doté d’un caractère naturellement, vif, doux et souple ; aussi se montra-t-il constamment docile à l’apprentissage dispensé par son père et sa mère. D’une nature gaie et toujours souriante, il fut envoyé de bonne heure à l'école et placé sous la direction d'un bon prêtre de sa paroisse d'Amettes. Le petit enfant montra une grande ardeur pour l'étude et surtout pour celle de la religion. Ses belles dispositions engagèrent ses parents, lorsqu'il eut atteint l'âge de douze ans, à le confier à son oncle, François-Joseph Labre, curé d'Erin. C'était un prêtre rempli de bonté et de générosité qui découvrit rapidement les inclinaisons de la grâce dans son jeune neveu. Avec lui il fit sa première communion et s’y prépara avec un soin extrême. Il fit une confession générale et reçut l’Eucharistie avec une ferveur digne d’un ange. Ayant accompli ce devoir de religion, il se livra de nouveau à l'étude avec la même ardeur. Son oncle lui enseigna la langue latine et l'envoya à l'école de sa paroisse. La sagesse, la modestie et le recueillement du jeune écolier lui ouvrirent l'estime de ses petits camarades, qui le respectaient même plus que leur maître. C'est alors surtout que commença cette vie de prière, de solitude et de détachement qui l’accompagna jusqu'à la fin de ses jours. La lecture des sermons du révérend Père Lejeune, célèbre prédicateur de la congrégation de l'Oratoire, connu sous le nom de Père aveugle, fit sur son esprit une impression profonde. À quinze ans, Benoît-Joseph résolut de se retirer à la Trappe et sollicita le consentement de son oncle, ainsi que celui de ses parents. Le premier ne désapprouva pas ce projet mais en laissa l’entière décision aux parents du jeune enfant qui s'opposèrent de toute leur autorité à ce choix. Benoît-Joseph, soumis à la volonté de ses parents, resta près de son oncle, le curé d'Erin. Mais au bout de quelque temps une épidémie de peste, maladie très contagieuse, se manifesta dans la paroisse, c’est alors qu’il montra pour le prochain la plus grande charité. Cette maladie le priva bientôt de son oncle, ce bon pasteur, qui après avoir employé ses revenus et son patrimoine au soulagement de ses paroissiens, se sacrifia lui-même. En leur portant le secours de son ministère, il contracta la maladie qui les affligeait et en mourut. Benoît-Joseph ressentit vivement cette perte qui lui fournit un nouveau sujet de réflexions sur l'instabilité des choses de la terre. Revenu dans la maison paternelle à Amettes, il renouvela sa demande à ses parents, afin d'obtenir la permission de partir pour la Trappe ; cette permission lui ayant été accordée, il se mit en route pour cette abbaye. « Nous sommes en 1766, Benoît-Joseph n’a pas encore seize ans ». Son âge trop jeune le fit refuser et il fut forcé de revenir sur ses pas. Affligé de cette contradiction, Benoît-Joseph alla chez M. Vincent, son oncle maternel et vicaire de Conteville dans la région du Ternois, en qui il retrouva un nouveau guide. Il profita des leçons et des exemples de son maître, avec les leçons de langue latine et il continua ses études avec sérénité. Mais son attrait pour la vie religieuse continuait à tarauder son esprit. Un jour, il fit chez les Chartreux des essais qui ne furent pas heureux car il éprouva dans ce monastère des « peines intérieures très grandes » et fut obligé d'en sortir. De retour chez son oncle, il conserva les pratiques de mortification en usage dans les maisons qu'il venait de quitter : ses jeûnes étaient rigoureux, le plancher lui servait de lit, pendant le peu de temps qu'il dérobait à la prière pour le donner au sommeil. Sa mère, qui l'aimait tendrement, s'aperçut de ses austérités, en fut alarmée et lui fit de vifs reproches. Benoît-Joseph, sans être ému, lui répondit que Dieu l'appelait à une vie austère et pénitente car il commençait à entrevoir son existence dans les voies de Dieu. Benoît-Joseph fit, à l'âge de vingt-et-un ans, de nouveaux efforts pour entrer à la Trappe, sans pouvoir réussir à s'y fixer ; de là il se rendit à l'abbaye de Sept Fonts, maison rendue célèbre par la sévérité de la règle qu'on y observait. « Nous sommes le 6 octobre 1767, Benoît-Joseph a 19 ans » Après huit mois de séjour, pendant lesquels il avait été admis au noviciat, sous le nom de frère Urbain, il en sortit à nouveau. Sa santé, altérée par une maladie grave, détermina ses supérieurs à le renvoyer avec un certificat honorable, puisqu’il s'y était toujours bien comporté. Son départ de Sept Fonts marque un tournant décisif dans son existence, il ne reviendra pas sur ses pas cette fois. Benoît-Joseph quitte définitivement le domicile de ses parents. « Nous sommes en 1770, Benoît-Joseph a 21 ans ». Il prend alors le chemin de l'Italie ; songeant alors à entrer dans quelque maison religieuse de ce pays. La Providence avait sur lui d'autres desseins et le destinait à un chemin de vie extraordinaire. Après être passé en Italie, il n’a pas cherché à se fixer dans des monastères ; au contraire, il se rendit à Rome en passant par la sainte maison de Lorette et par Assise, vivant comme un pauvre pèlerin. Dans ses voyages, il marchait le plus souvent nu-pieds en hiver comme en été, vêtu d'une redingote qui tombait presque en lambeaux, sans compagnon de voyage, pour n'être pas distrait, et sans provisions pour le lendemain. Il vivait d’aumônes mais ne mendiait point, ne gardait rien au-delà du strict nécessaire et partageait avec les autres pauvres ce qu'on lui donnait par charité. Son air de douceur et sa piété, malgré son extérieur misérable, suscitaient l'intérêt. Mais s'il s'apercevait qu'il était remarqué, il changeait de route ou de séjour. Arrivé dans la capitale du monde chrétien, il y demeura neuf mois, visita les lieux propres à satisfaire sa dévotion, puis il en partit pour aller à Fabriano vénérer les reliques de saint Romuald, fondateur des Camaldules. Les habitants, frappés par sa piété, le regardèrent comme un sage, et Benoît-Joseph se hâta de partir afin de se dérober aux témoignages de vénération qu'il recevait de toutes parts. Pendant les années qui suivirent, Benoît-Joseph fit divers pèlerinages, (C’est l’époque des grands pèlerinages) afin d'avoir, par ce genre de vie, la liberté de s'imposer toutes les austérités que sa piété lui suggérait. II visita, dans l'intention de se sanctifier, les principaux lieux de dévotion célèbres en France : le calvaire du Mont Valérien à Mortagne-au-Perche dans la région de Basse-Normandie, où il laissera un brûlant souvenir de son séjour, à Moulins au cœur du Bourbonnais dans la région de l’Allier où il resta plusieurs mois en cette ville, à Paray-le-Monial, puis à Dardilly, où Pierre Vianney, le grand-père de Jean-Marie Vianney (le futur curé d’Ars), lui offrit l’hospitalité. En Provence et dans diverses villes du sud de la France, SaintBertrand-de-Comminges, Suze-la-Rousse, Rians, Beaurecueil etc. ; et ceci même dans des lieux très éloignés. Il visita deux fois la célèbre église de Notre-Dame des Ermites à Einsiedeln, en Suisse à Fribourg en 1775 et 1776, et une partie de l'Allemagne et ses lieux de dévotion les plus fameux, le tombeau de saint Nicolas, à Bari, et le mont Gargan. Trois mois après son retour à Rome, il visita pour la seconde fois Notre-Dame de Lorette, qu'il affectionnait beaucoup, car il avait une dévotion particulière à la Vierge ; de là, il parcourut le royaume de Naples, revint à Rome, retourna à Lorette, dont il édifiait les prêtres même par sa ferveur : lorsqu'il priait dans les églises, il était d'une telle immobilité, qu'on l'eût cru sans mouvement et sans vie. Il visita la Toscane en 1773 ; en 1774, il assista aux fêtes de Pâques à Rome et en décembre, il était, de nouveau en France. Mais le jubilé de 1775, dont l’ouverture solennelle fut présidée et conduite par le nouveau Pontife Pie VI, le rappela à Rome. L'année suivante, il entreprit, au cœur même de l'hiver, un troisième voyage en Suisse et en Allemagne, d'où il ne revint après avoir pérégriné une dernière fois en France, que vers la fin de l'automne. « Nous sommes en 1776, Benoît-Joseph a 28 ans » Benoît-Joseph, après ses six années, satisfait de ses longs pèlerinages, tomba malade, épuisé de fatigue par une vie d’ascèse difficile. Il décida de se fixer à Rome, d'y finir ses jours, et n'en sortit plus que pour aller une fois l'an à Lorette. Son unique occupation était de prier dans les églises des journées entières, à genoux ou debout, jusqu’au soir, puis il se retirait dans les ruines du Colisée. Cet endroit lui convenait, parce qu'il se trouvait à proximité des stations de la passion de Jésus-Christ, établies dans cet amphithéâtre, et qu'il visitait fréquemment, mais sa santé déclinante avait eu raison de ses dernières forces. Il dut se résigner à prendre un lit dans l'hôpital évangélique, où il demeura jusqu'à sa mort. Rome devait être le terme de ses voyages. Dans un de ses passages à Lorette, l'administrateur de l'hôpital où il avait trouvé refuge, lui donna une lettre pour une religieuse de Sainte Claire à Montelupone. Cette religieuse, informée de la sainteté du pauvre voyageur, en instruisit ses compagnes, qui vinrent toutes se recommander à ses prières ; c'en fut assez pour éloigner Benoît-Joseph du couvent. « J'ai, dit-il, à son retour à l'administrateur, remis votre lettre à la religieuse mais je me suis bien gardé de la revoir pour vous apporter la réponse. » — Pourquoi donc ? Lui demanda celui-ci. — « Parce que ces religieuses s'imaginent que je suis saint homme, ce que je ne suis pas ». « En conséquence j'ai pris le parti de ne plus les voir. » Passant un jour sur une place de Rome, il vit un groupe de jeunes gens qui s'amusaient d'une manière indécente. « Mes enfants, leur dit-il, ce n'est pas pour cela que Dieu vous a créés et vous fait vivre sur terre. » Pour toute réponse, les jeunes le couvrent d'injures et le chassent avec des pierres. Un homme de bien voulut le défendre mais Benoît-Joseph l'en empêcha, en lui disant avec douceur : « Laissez-les faire ; si vous saviez qui je suis, vous vous joindriez à eux. » Sa patience était inaltérable : le saint homme supporta ce mauvais traitement avec un détachement total. Plus Benoît-Joseph approchait de son terme, plus sa ferveur augmentait. On le voyait, pendant son oraison, le visage enflammé comme on représente les séraphins. Malgré le soin qu'il prenait de se cacher aux hommes, il devenait l'objet de l'attention publique et on le vénérait comme un Saint. Sa vie était une prière continuelle qu'il n'interrompait que pour exercer des œuvres de miséricorde ou prendre quelques heures de repos. Il avait choisi pour confesseur, en juin 1782, l'abbé Marconi, lecteur du Collège Romain. Celui-ci fut bientôt frappé des lumières de son pénitent et des grâces extraordinaires dont Dieu le favorisait. Il découvrit sa profondeur d’âme et la connaissance qu’il avait de Dieu. Il lui demanda s’il avait étudié la théologie : « Mon père, lui répondit Benoît-Joseph avec humilité, je ne suis qu'un pauvre ignorant. ». Enfin arriva le moment ultime de sa vie terrestre. Benoît-Joseph était resté toute la matinée à Notre-Dame des Monts. En sortant, il tombe évanoui sur les marches de l'église : on lui porte secours, il est recueilli dans une maison voisine, celle du boucher Zacarelli. D'abord on crut que ce n'était qu'un léger accident occasionné par le besoin de prendre de la nourriture, mais on reconnut bientôt, que son état était bien plus grave. Les religieux de la congrégation de la Pénitence de Jésus de Nazareth, qu'on avait avertis de l'état du malade, vinrent l'assister jusqu'à son dernier moment. L'Extrême-onction lui fut administrée, et vers neuf heures du soir, il rendit l'âme sans aucune espèce d'agonie. « Il Santo è morto. » On compte plus de cinquante villes où des guérisons subites ont été opérées par son intercession et constatées d'une manière authentique. Ces prodiges parurent si certains à un ministre anglican appelé John Thayer (3), qu'il se convertit à la foi catholique. L'on commença sans délai à instruire le procès de canonisation de Labre. Dès l'année 1783, la congrégation des Rites lui décerna le titre de vénérable. Son nom et ses vertus furent bientôt connus en France. Monseigneur de Pressy, évêque de Boulogne-sur-Mer au diocèse où il était né, publia pour l’occasion, le 3 Juillet 1783, une lettre très évocatrice, de la sainteté de Benoît-Joseph Labre. « Quoique son extérieur repoussant, dit le prélat, il parut aux yeux de la chair n'avoir rien que de rebutant et d’affreux, cependant ». Son insigne piété, son humilité profonde, son amour aussi grand pour la pauvreté que généreux pour les pauvres, avec qui il partageait les aumônes qu'il avait reçues sans les avoir demandées, lui avaient attiré l'estime, la bienveillance et la vénération de tous les vrais appréciateurs de ses excellentes vertus, surtout de sa continuelle application à la prière, dont l'assiduité, que vous, ô faux sages de notre siècle ! Cherchez tant à décrier, à déprimer, à détruire, comme n'étant que le vil partage des personnes inutiles à la société, ne peut toutefois être trop louée, trop exaltée, trop protégée. Puisque, selon un oracle divin, la prière du juste a beaucoup de puissance « multum valet deprecatio justi assidua » (4), auquel les discours artificieux de la sagesse humaine n'opposent que des raffinements vains et illusoires, elle a beaucoup de pouvoir auprès du souverain Maître des temps, des cœurs et des événements. » Le Vagabond de Dieu sera béatifié en 1860 devant 40 000 personnes par le pape Pie IX et canonisé le 8 décembre 1881 par le pape Léon XIII. Aujourd’hui l’aventure continue … L’attrait de sa vie anime encore le cœur de millions de chrétiens, et les valeurs de charité, de recherche de Dieu dans l’amour et la solidarité qu’il nous enseigne restent d’actualité. Saurons-nous rester dignes de son message en nous mettant en route pour bâtir un monde d’amour et de Paix ? Didier NOËL Suze la Rousse, le 13 juin 2010. Didier NOËL L’EXPOSITION EN IMAGES Didier NOËL et Josette VINCENT « Devant le Garlaban, l’ancien relais de poste de Suze la Rousse » Françoise PRADELLE Didier NOËL Josette VINCENT Le Père Pierre LAURENT Les Sites de Provence visités par le Saint Didier NOËL et Josette VINCENT Le Patchwork de l’exposition « Les rencontres humaines sur le chemin du Christ » La statue du Saint à Avignon Notre Dame de bon Secours La grand’rue de Suze De gauche à droite : Nicole, Françoise, Christiane, le Père Pierre Laurent, Didier et Josette Vincent. « Le repas partagé dans l’amitié le soir à la Cure » Récit du Passage de Saint Benoît-Joseph Labre à Suze la Rousse en 1772 La Quête du Juste « Sequela Christi » Trop souvent nous avons tendance à croire que la quête de Dieu est hors de notre portée, qu’elle est exclusivement réservée à des êtres exceptionnels et que seuls les Saints ou des êtres à part, peuvent entrevoir cette recherche mystérieuse. Je vais vous parler d’un d’homme, frêle et chétif, dont le cœur dévoré d’un feu ardent n’a vécu que pour cette quête, un homme comme vous et moi, au chemin de vie, déroutant et difficile. Il ne fut ni prêtre ni religieux, mais souhaitant ardemment le devenir, sans toutefois y parvenir, il sut mettre ses échecs au service de son idéal de vie. C’est au cœur d’une famille profondément croyante, attachée aux grandes valeurs humaines, intransigeante sur le comportement et la foi qu’il va grandir, avant de la quitter, le 12 août 1769, à l’âge de 21 ans. Il ne revint jamais plus en Artois après cette date. « Si quelqu’un vient à moi, sans me préférer à son père, à sa mère, à sa femme, à ses enfants, à ses frères et à ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple ». Cet homme, c’est Benoît-Joseph Labre le pèlerin itinérant, bien évidemment loin de moi de traduire et de réécrire sa biographie car d'autres l'ont fait mieux que moi. Non, je voudrais vous montrer une partie des étapes, trop méconnues qu’il a parcourues dans son incessant pèlerinage, et qui se situe, dans diverses localités du sud de la France. Là j'ai découvert beaucoup de « choses », animé par passion d’un travail souvent long et laborieux, dans des archives ou dans les traditions orales parfois très romancées que je rencontre au hasard de mes pérégrinations, qui visent avant tout à mettre en valeur la lumière et la foi qui émanent de cet homme de Dieu. Mais je le dois aussi aux personnes rencontrées ces derniers temps, qui m’ont permis, par leur générosité et leur gentillesse, d’accéder à davantage de renseignements sur cette période de vie du Saint homme. Il suffit parfois de trois mots simples dits au hasard d'une rencontre fortuite, pour commencer le récit touchant de ses péripéties. « Les familles, qui donnèrent au Saint Pèlerin l’hospitalité, eurent bien des faveurs à son intercession ». L’histoire commence en 1772, à Viviers, où nous trouvons Benoît-Joseph qui a franchi le Gard et se trouve de passage dans cette ville ardéchoise à la frontière du département de la Drôme et distante d’une vingtaine de lieues de Suze la Rousse. Il fut généreusement reçu au château, par l’aïeul de la famille Lafarge, dont l’activité familiale exploite une carrière de pierres utilisées dans la fabrication de la chaux dans la montagne Saint-Victor dominant le Rhône entre Le Teil et Viviers. Reçu un temps dans la propriété, il prit congé de ses hôtes en annonçant au maître de maison cette parole prophétique : « Cette montagne vous apportera grande richesse ». Quelques années plus tard, cette entreprise devint la célèbre cimenterie Lafarge. À viviers se dresse encore de nos jours, le long du Rhône, l’ancienne cité ouvrière des usines Lafarge, la cité Blanche, témoin de la prospérité apportée à la région par les entreprises Lafarge. En préférant les routes de campagne, Benoît-Joseph après avoir quitté Le Teil, fait route vers Pierrelatte, ville où il résida quelque temps, hébergé au domaine de Beauplan où l'a reçu la famille d'Allard qui conserva dévotement tout ce qui lui avait servi. La rencontre du Prêtre et du Pèlerin Il a sans doute suivi la route qui longeait le Rhône. Cette route relie Saint-PaulTrois-Châteaux, la cité la plus importante des villes du Tricastin à l’époque, à celle de Suze la Rousse. Lovée au pied de l’imposant château du XIIe siècle, et entourée par d’imposants remparts (« bari »), l’énorme masse de pierres, visible de tout le village et des alentours, accueille ce visiteur venu du pays d’Artois. Après avoir franchi le Lez à l’entrée de la porte Nord de la cité, il aura très certainement emprunté la ruelle étroite et tortueuse de la « grand’rue », qui bordée de maisons aux façades obliques conduit à la vieille église paroissiale et à la chapelle Saint-Sébastien. Benoît-Joseph, après avoir parcouru vingt lieues sous un soleil ardent, étanche sa soif à la fontaine qui sert d’abreuvoir à l’antique relais de poste situé à quelques mètres de la « Casa Dei ». La porte de l’église est ouverte, il se met debout comme à son habitude à l’abri des regards, près d’un pilier, puis s'agenouille et dit quelques prières que nous n'entendons pas. « Conduis-moi dans ta vérité, et instruis-moi car tu es le Dieu de mon salut, Tu es toujours mon espérance ». La cloche sonne. Depuis toujours ses sonorités rythment la vie de la cité. C'est l'heure accoutumée qui marque la fin de la journée. À l’appel de Dieu, les villageois se rassemblent autour de l’autel pour y célébrer l’office des vêpres. Au pied de la sainte table, le prêtre, en levant les mains, accueille ses paroissiens « Dominus Vobiscum ». Benoît-Joseph, uni dans la prière de l’assemblée, adresse cette réponse de reconnaissance et d'amour «Et cum spiritu tuo » … Le curé et ses paroissiens ont aperçu cet étranger au village et tous l’observent de loin, fascinés par les ruines de son étrange accoutrement, plongé dans un recueillement profond et angélique.... Intrigué, le curé, vers la fin de l’office, se décide toutefois à aborder l’étrange pèlerin : ce prêtre est le Père Jean de Sérane, il vit dans la « grand’rue », à la naissance de laquelle s’ouvre l’église. Ses traits de piété et de générosité sont très connus dans la région. Le Père Jean enseigne le catéchisme aux enfants du village et passe pour un saint homme aux yeux des villageois qui l’ont, avec beaucoup d’affection, surnommé « L’Ami des Pauvres ». Il est l’image du bon pasteur, bienveillant ami des familles et protecteur des plus démunis. Il enseigne dans la paroisse par ses talents de prédicateur et d’érudit, membre de la Compagnie de Jésus et vicaire de Suze-la-Rousse. Jean est né à Perpignan le 9 Avril 1712 et c’est lui qui, à la fin de cette journée de 1772, accueillit le saint vagabond et passa avec lui toute la nuit en prières à ses côtés dans l’église. Le presbytère du bon Prêtre était très petit et il ne put donner l’hospitalité à Benoît-Joseph mais le confia à une pieuse famille qui sut l’accueillir comme il se devait ». Au début, Benoît-Joseph a réagi comme toujours, en déclinant humblement l’invitation mais ne sut résister à l’insistance du Prêtre, percevant sans doute l’ampleur du don auquel le Seigneur destinait le bon curé de Suze. La famille de Pierre Rouget, sur les indications du Père Jean, accepta d’offrir le gîte à ce vagabond pèlerin « Loués soient Jésus et Marie » leur dit-il en entrant. « Tandis que le juste ne cesse de marcher par le droit chemin, Isaïe 26-7». Quelques jours plus tard, à la porte nord de la cité, Benoît-Joseph prie de nouveau avec beaucoup de ferveur devant l’oratoire de la vierge de Bon Secours, sainte patronne et protectrice du lieu. Et il reprend sa route, « ailleurs » emportant dans son cœur et sa prière, le souvenir heureux des moments partagés avec le Révérend Père Jean de Sérane. Onze années après sa rencontre avec le vagabond de Dieu « L’ami des pauvres », qui se distingua par la sainteté de sa vie, finit par succomber à la fatigue d’une vie de charité et décéda à Toulouse le 17 Avril 1784 (5) dans sa 72ème année ; le Parlement ordonna que le « Père Jésuite » soit inhumé solennellement à Toulouse, dans l'église de Nazareth. Nul doute que l'esprit de charité qui habitait ce saint prêtre, aura contribué à éclairer la route et le cœur de Benoît-Joseph Labre … Benoît-Joseph me rappelle la générosité de l’amour de Dieu, qui devance toujours sur le chemin, le Pèlerin de la foi ici-bas. Avec lui je découvre que Dieu ne se trouve pas au terme du voyage, mais avec moi en voyage. Malgré mes faiblesses, je trouve la force de toujours me relever en m’abandonnant entre ses mains. En suivant les traces par les chemins de traverse du vagabond de Dieu, je découvre la beauté qui illumine la quête de ce juste, disciple du Christ. En lui se trouve toute la conception de Dieu et de l’être humain. En le découvrant au jour le jour, j’aperçois la présence du Divin à ses côtés, qui le guide par son esprit pour vivre de générosité, de tendresse et d’amour. Son imitation du Christ, il la pousse jusqu'à devenir l’image même des souffrances du crucifié. Saisi par l’amour, il offre avec ses hardes et sa pauvreté toute sa vie, dans un abandon total, en renonçant à toute volonté de maîtriser quoi que ce soit sur le chemin où cela le conduira. À travers lui, il donne la possibilité à ceux qui comme moi le rencontrent dans les pèlerinages, d’entrevoir ce qui demeure en lui. Le vent souffle où il veut ; tu l'entends, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. (Jean 3.8) Quand je réfléchis sur le devenir de l’église et de la société aujourd’hui, j’ai conscience, que moi-même et nous tous Amis de Saint Benoît-Joseph Labre sommes une toute petite pierre reliée aux uns et aux autres. Une pierre bien petite au regard de nos problèmes de surconsommation grandissants. Le politique incapable par l’économie mondiale d’assumer l’avenir de nos sociétés, commence à vivre dans la peur du lendemain, cette peur surexploitée par l’image du média, ne fait qu’accentuer par mimétisme la panique de ce monde. Devant cette peur, l’église elle-même se trouve éclaboussée par les relents médiatiques de faits divers mis en exergue avec l’intention délibérée et désolante de mettre le monde Chrétien en situation de doute. En exploitant la peur, en exploitant le scandale, le média veut masquer la lumière par un voile d’obscurité et contribue à organiser le mal qui ronge notre société. Cette peur de la liberté fait que l’on ne voit même plus la nécessité d’écouter et de voir la beauté du monde et le positif des bonnes œuvres qui nous entourent. Et pourtant, l’œuvre de Dieu ne fait aucun bruit mais elle agit, au plus profond de notre âme, avec la certitude d’avancer positivement vers un monde basé sur l’amour, la vérité et la paix. Les Amis de Saint Benoît-Joseph Labre ne représentent qu’une petite pierre à la mesure du plus petit de tous les pèlerins, leur saint Patron, qui s’oublia lui-même et s’appliqua uniquement à plaire à Dieu. « Quanto piacia a Dio il servizio del povero fedele, che serve per amor senza rispetto di premio »(6), toutes les actions du saint vagabond nous aident à avancer dans la vraie liberté des enfants de Dieu. Sa présence sur le chemin nous attire vers le Christ et fait grandir en nous le désir d’être les pèlerins de l’absolu de l’amour. Il laisse découvrir en nous la joie de vivre de l’esprit-saint. « I poveri di Gesù Cristo è vivo » oui il est bien vivant le pauvre de Jésus-Christ, et la petite pierre d’aujourd’hui commence à grandir et à porter ses fruits. Les Amis de saint Benoît-Joseph Labre sont à l’œuvre aux côtés de l’église comme témoins du Christ ressuscité par la « Sequela Christi ». L’église de demain conduira les nouvelles générations vers un monde de paix et d’amour … Didier Noël Notre Dame de Bon Secours « Post partum, Virgo, inviolata permansisti. Dei genitrix, intercede pro nobis » Notre Dame de Bon Secours, madone vénérée, est restée aujourd’hui à Suze la Rousse, bien qu’elle fut déplacée de la porte nord de la cité, dans une niche située sur la façade d’une maison de la grand’rue. Elle reste la gardienne particulière et délicate qui veille sur ses villageois, ses visiteurs et ses pèlerins…. En enfant de Dieu, je suis venu à ta rencontre, Marie, ma première prière a été le silence, ce fut là, la manière respectueuse de m’approcher de toi. Puis tu as parlé à mon cœur, et j’ai souri, Marie, au mystère de ta volonté sur ma voie de liberté, lieu de rencontre entre toi et moi, qui m’a conduit des ténèbres à la lumière, De la tristesse à la joie, De ce monde à l’espérance du ciel. Ce que tu m’as appris dans ta lumière, Marie, Je le transmettrai dans l’amour, et en témoignerai à mes frères Amen Benoît-Joseph, Mon véritable Ami, Qui ne cesse d’aimer, À demeurer près de toi tout au long du jour, J’ai reçu la force de l’amitié À demeurer près de toi tout au long de la nuit, Ta quête m’a accueilli, Donne-moi d’accomplir la volonté de celui qui t’a envoyé ; Aujourd’hui et tous les jours de ma vie. Amen Didier NOËL, le 11 Juillet 2010 Notre-Dame de Bon Secours (Cette jolie prière à Marie, écrite par Josette Vincent) On a brisé l’enfant qu’elle tient entre ses bras, Elle regarde le ciel, en prière, inquiète. Lui sera-t-il rendu ? Le ciel ne répond pas, Et Marie, éperdue de douleur, est muette. Qui a cassé l’enfant ? Quelles mains assassines Ont, avec des cailloux, osé le mutiler ? Drapée dans ses longs voiles aux plis de mousseline, Marie attend un fils au corps remodelé. Depuis des siècles elle a, en sa niche de pierres, Accueilli villageois et pauvres pèlerins Venus lui murmurer leurs désirs, leurs prières La chargeant du fardeau de leurs nombreux chagrins Combien d’âmes, aujourd’hui, se tournent encore vers elle, Cette mère éternelle, dame de bon secours ? À ses pieds, pas de fleurs, une simple chandelle Jamais de jolies fleurs, témoignages d’amour. Il suffirait qu’un jour un homme secourable Puisse faire un visage à cet enfant Jésus... Alors Marie émue, comme elle fit dans l’étable, Sourirait à ce fils qu’on lui aurait rendu. Josette Vincent , 2002 Récit du Passage de Saint Benoît-Joseph Labre en diverses villes de Provence Valréas « C’est un Saint, il passe au travers des murs » En arrivant dans la ville de Valréas, notre saint Vagabond logea un temps dans une espèce de remise près d’une modeste maison (aujourd’hui détruite) située près de la place Pie, non loin de l’église paroissiale. L’emplacement autrefois était occupé par le cimetière de Valréas. À la fin de la journée, Benoît-Joseph, à son habitude, prenait quelques moments de repos. Quand il était rentré, le propriétaire de la maison fermait par précaution la porte à clef pour la nuit. Mais, nous dit la légende, plus d’une fois le matin, la porte encore fermée à clef, il retrouvait à genoux au pied de la croix du cimetière, le Saint Pèlerin. Avec les photographies ci-contre, je vous laisse découvrir le charme de la ville de Valréas : Une jolie maison de Valréas près de la croix de la place Pie La place Pie et l’Ancienne Croix du Cimetière de Valréas où a prié le Saint Pèlerin L’église Notre-Dame de Nazareth et la place Pie, lieu de l’ancien cimetière de Valréas Entrée de la ville de Valréas La vieille cité de Valréas Deux biens curieux pèlerins devant l’Eglise Notre-Dame de Nazareth Valréas, la magnifique église Notre-Dame de Nazareth du XIe et XIIe siècles Une prière pour vous tous, Amis de Saint Benoît-Joseph Labre La chaleur des villes du sud donne soif Quelques instants de repos assis près de la croix de la place Pie Différentes vues des rues de la ville de Valréas Une ville où il fait bon vivre, ici la rue de l’échelle La place Pie et la croix de l’ancien cimetière Aix-en-Provence Benoît-Joseph Labre a passé et séjourné à Aix-en-Provence, dans le courant des sept années de sa vie errante, de 1770 à 1777. Dans les villes voisines, Benoît-Joseph fit de nombreuses haltes. Les habitants avaient adopté ce pauvre Pèlerin, qui passait de longues heures en prières dans les églises et institutions de la ville. Il ne mendiait pas et attendait la plupart du temps qu’on lui fit l’aumône d’un peu de nourriture, et lui de s’empresser de la partager généreusement avec d’autres pauvres. Il est probable que le bienheureux ait accepté à son arrivée, l'hospitalité bienveillante des illustres chevaliers de Malte. Chaque matin, il assistait à la messe dans l'église de Saint-Jeande-Malte, montait ensuite dans les combles, où il s'était fait un petit pied-à-terre, et se rendait en ville, puis allait, mendier son pain, et exercer ses œuvres de miséricorde partout où il croyait entendre la voix de Dieu. Ensuite, soit pour satisfaire ses goûts pour la solitude, soit pour se dérober aux regards des personnes qui se prenaient de vénération pour lui, il chercha un asile dans une retraite isolé. Les dépendances de la basilique n'étaient plus une retraite assez sûre ; chaque soir, il se réfugiait au loin dans les champs dans les environs d’Aix-enProvence. En étudiant les détails des passages nombreux du saint en Provence, le Père Barthélemy affirme qu'il a dû traverser les murs de la cité, au moins cinq fois, parce que la route d'Italie y avait son point de départ. Il nous donne cet ordre à ces passages divers : 1) En se rendant à Rome pour la première fois, au sortir de l'abbaye de Sept-Fonts, le 01 juillet 1770. 2) À son départ pour l'Espagne, en 1772. 3) À son retour, en 1773. 4) Dans les années 1774, 1775 et 1776, pendant lesquelles il visita les plus célèbres sanctuaires de l'Italie septentrionale, de la Suisse, de l'Allemagne et de la France. 5) À son retour définitif en Italie, vers 1777. Après un examen sérieux et des recherches consciencieuses, nous sommes inclinés à fixer son séjour à Aix-en-Provence, à des intervalles différents, pendant les trois années qui suivirent son retour d'Espagne, en 1773. Car, un des historiens s'exprime ainsi : « À son retour de Compostelle, notre angélique voyageur se dirigea vers Rome en traversant le Languedoc et la Provence. Les villes de Lunel, Montpellier, Aix et Marseille conservent encore des traces de ses pas ». Dans le remarquable travail de Monsieur l’Abbé Desnoyers, nous lisons : « 1773, sa rentrée en France ; passé par Lunel et Montagnac, par Aix et Marseille, par Nice et par Lucques ... Les traditions de ce passage qui subsiste sur toute la ligne, longeant la Méditerranée, sont probablement liées au retour d'Espagne du Saint Église Saint Jean de Malte Le Prieuré des Hospitaliers de Saint Jean, devenu depuis 1838 le musée Granet C’est un Saint, il prédit l’avenir « C’est un Saint, il prédit l’avenir » disaient de lui les Aixois. Un jour voulant sortir d’Aix et se diriger vers Meyreuil, prenant la rue du Mouton, il rencontra de jeunes personnes sur le seuil d’une des maisons. (Propos du Père Barthélemy) « Mlle Félicité Reymond, jeune et charmante modiste, qui se trouvait en compagnie de M. l'avocat Pastorel, son fiancé, et causait avec lui ; quand tout à coup elle voit venir par la rue voisine le bienheureux Labre, revêtu de son misérable habit de mendiant et brillant, comme toujours, par le désordre de sa tenue. À son approche, Mlle Reymond, avec un pieux empressement, mit la main à la poche. Pendant qu'elle cherche une pièce de monnaie, le serviteur de Dieu s'arrête et regardant Mlle Reymond : « Jeune fille », lui dit-il, « je prierai bien le Bon Dieu pour vous ». « Il a des vues sur vous ». « Vous irez à Rome ». « Je n'y serai plus ». « Vous reviendrez à Aix-en-Provence, votre pays, et vous y fonderez une maison religieuse ». Cela dit, le saint ayant reçu l'aumône, reprit sa marche, laissant la jeune modiste profondément impressionnée de l'accent particulier avec lequel ces paroles avaient été prononcées. Quelques années après, Mlle Félicité Reymond prenait le voile. Lors de son émigration en période révolutionnaire et pendant la Terreur, elle alla à Rome et eut la consolation de s'agenouiller près du tombeau du bienheureux, devenu illustre par des miracles nombreux et éclatants. Lorsqu'elle eut rétabli le couvent des Sœurs du Saint-Sacrement à Aix en 1804 (Le sanctuaire Notre Dame de la Seds), Mlle Reymond, devenue Sœur Saint-Augustin Reymond répétait souvent avec une grande affection de cœur : « C’est au bienheureux Labre que je dois ma précieuse vocation ». Mlle Félicité Reymond était née le 14 février 1731 ; elle mourut le 22 juin 1826, à l'âge de soixante-quinze ans. La rencontre avec Benoît-Joseph Labre, eut lieu en 1773, aux abords de la rue du Mouton. Mlle Félicité Reymond avait vingt-deux ans, Benoît-Joseph vingt-cinq. La tradition de cette vocation a été conservée parmi les dames religieuses du monastère de Notre-Dame de la Seds. Elle nous a été attestée par une des dernières supérieures, la sœur Sainte-Scholastique, morte en odeur de sainteté en 1881. Elle avait vécu avec la vénérable fondatrice ». À Aix, la fréquentation du couvent des Carmélites, puis plus tard maison des RR. PP. Oblats de Marie, en haut du Cours Mirabeau, donnait lieu à son invocation et à un grand miracle. Les habitants de cette place avaient vu souvent Benoît-Joseph Labre à la porte, attendant la distribution de la soupe. Ils avaient admiré comme tant d'autres les vertus du pauvre pèlerin et, sous de sales haillons, l'auréole de la sainteté. C'était le 1er août de l'année de sa mort, 1783. La jeune fille d'un marchand de verres, habitant une des premières maisons de la rue du Louvre, était dans un état désespéré. Les parents désolés avaient demandé une neuvaine de prières aux pieuses religieuses leurs voisines, en l'honneur de saint Labre, leur hôte d'autrefois, et dont le tombeau était si glorieux. Le médecin venait de déclarer que c'en était fait de la malade. Ce jour-là la neuvaine finissait. Tout à coup, la jeune fille, obéissant à un mouvement instantané et involontaire, s'écrie : Ma mère ! Le saint Labre des Carmélites vient de me dire : « Peleite », c'est-à-dire petite fille, lève-toi, tu es guérie. En effet, la jeune fille se leva ; elle était guérie. La miraculée devint plus tard mère. Elle reconnaissait qu'elle devait son bonheur d'avoir donné le jour à un saint prêtre à la protection de saint Benoît-Joseph Labre. Ce prêtre, l’Abbé Dol, longtemps curé de la paroisse des Milles à Aix-en-Provence, située à l’angle de la rue Frédéric Mistral, y est mort en odeur de sainteté en 1856. Il nous est raconté que la jeune J.-A., âgée de cinq à six ans, appartenant à une très honorable famille de la ville, dépérissait à vue d'œil. Elle était malade depuis plus de cinq mois. Une irritation intestinale et forte anémie, résistait aux traitements d'un médecin distingué. S'il combattait l'irritation, l'anémie prévalait ; s'il luttait contre l'anémie, l'irritation prenait le dessus. Cette complication irrémédiable laissait entrevoir un dénouement fatal. Une consultation ne donna aucune espérance. La jeune malade, d'une intelligence très précoce, ne se faisait pas illusion. Elle disait mélancoliquement avec le langage candide des enfants : « Grand maman, on fera un grand trou et on nous mettra maman, toi et moi, et nous serons toutes les trois ». La pauvre enfant n'a pas connu sa maman ; elle est morte en lui donnant le jour. En présence de cette perspective désolante, il fut suggéré à la famille si affligée de s'adresser à saint Benoît-Joseph Labre. La proposition est acceptée avec joie, même par l'orpheline. On commença la neuvaine. La précieuse relique du serviteur de Dieu fut apportée et appendue au chevet du petit lit de la malade. Chaque jour elle leva ses innocentes mains vers le reliquaire et adressa sa courte prière au saint. D'autre part, les parents firent la neuvaine avec ferveur. Une messe fut célébrée le dernier jour à l'autel de saint Benoît-Joseph Labre, dans l'église de Saint-Jean-deMalte. Vers le milieu de la journée, tout à coup l'enfant se leva, courut à l'extrémité opposée de l'appartement, en s'écriant : « Saint Benoît-Joseph Labre m'a guérie. » Depuis l'enfant a recouvré son appétit : elle va de mieux en mieux et on peut la dire guérie. Une messe d'action de grâces a été célébrée à l’église Saint-Jean-de-Malte à l’autel du saint protecteur. Un ex-voto magnifique a été placé à côté de la statue, portant cette inscription : « Reconnaissance à saint Labre pour une guérison obtenue, J. A., janvier 1885 ». Il a fallu rendre la relique. Larmes et pleurs de l'enfant, qui ne l'a cédée qu'en recevant une belle photographie du saint. Meyreuil « Texte sur des propos recueillis en 1872 par le Père Ambroise Barthélemy » Les historiens de saint Benoît-Joseph Labre ont passé sous silence certains détails émouvants de son séjour à Aix-en-Provence ou presque, toutefois en l'indiquant le Père Ambroise Barthélemy a recueilli les traditions locales. À Aix-en-Provence, comme dans d'autres villes du Midi, où le souvenir de saint Benoît-Joseph Labre est encore vivant. Et les faits merveilleux, qu'il nous a transcrits, ont des traits de ressemblance avec ceux racontés par ses biographes. C’est pourquoi, quoique racontés par un nombre exigu de personnes, nous n'éprouvons aucun doute à les présenter comme incontestables. Le caractère de ces témoins ne laisse planer aucun soupçon sur la véracité de leur témoignage. En 1876, dans une lettre adressée au journal l’Echo, on réclamait, au nom des habitants de la contrée du Chicalon, l'érection d'une chapelle ou d'un monument commémoratif du passage du Bienheureux. Obéissant à ce désir, je l'exposai à S. G. Mgr Forcade, archevêque d'Aix-en-Provence. Je fus autorisé à ouvrir une souscription pour ériger une colonne, vulgairement appelée oratoire. En mai suivant, le petit monument était construit, près de la source mystérieuse, sur la rive droite du Chicalon. Une statue en pierre d'Arles, de 75 centimètres de hauteur, était placée dans la niche qui couronnait la colonne. L'inscription du fronton était ainsi conçue : inscription au fronton : « AU BIENHEUREUX BENOÎT LABRE EN SOUVENIR DES NUITS PASSÉES DANS CETTE VALLÉE ». Quelques temps plus tard, le vandalisme des libres-penseurs n'a pas respecté ce petit travail, assurément inoffensif. Le treillis ou fils de fer a été forcé une première fois, brisé une seconde, la statue et le monument ont été mutilés. Deux ans après, une seconde statue a subi le même sort. Espérons que, dans des jours meilleurs, il nous sera accordé de réparer ces ruines. La Grotte de Chicalon D'aucuns de nos anciens nous redisent que, dans leurs jeunes années, le nom de saint Benoît-Joseph Labre était presque sur toutes les lèvres, à Aix-en-Provence. Son passage encore récent, le souvenir de ses hautes et héroïques vertus, de sa sainte mort pour ainsi dire aux pieds des autels, des nombreux miracles opérés partout dans l'église catholique par lesquels le Seigneur daignait le glorifier, étaient le sujet des conversations pieuses. Bien plus, il fut l'objet d'un culte de vénération. Ses images étaient recherchées et placées dans les lieux les plus respectés du foyer domestique ; c'était un protecteur. On possédait même des statuettes. On se procurait de ses reliques. Le temps et surtout les malheurs de l'église avaient un peu affaibli ce sentiment si légitime. Mais il nous est donné, comme nous le constaterons, de le voir se raviver. Entrons dans les détails qui se rattachent au séjour du saint dans notre ville. À l'entrée du vallon de Chicalon qu'arrose la petite rivière de l'Arc, à trois kilomètres de l'enceinte de la ville, la piété des Aixois a élevé, sur le bord de la route, un modeste oratoire ; les fidèles se plaisaient autrefois alors à s'y rendre en groupes ; le voyageur pouvait y faire halte et l’invoquer … Didier et son chien Joseph, en route par le chemin des Anges. Au bout de ce chemin se trouve l’ancienne ferme des Anges « Deis Angi » La ferme est de nos jours une propriété privée où il est interdit de pénétrer. Le Vallon de Chicalon (En contrebas sur les photos) Une tradition indéniable, implantée et vivante encore dans les cœurs, nous montre saint Benoît-Joseph Labre ayant établi son gîte dans la vallée de Chicalon. Cette vallée, entr'ouverte dans les flancs de la petite chaîne du Montaiguet, offrait à l'angélique pèlerin les heureux éléments d'une retraite nocturne, facile et convenable à son goût. Elle est assez peu distante de la ville (trois à quatre kilomètres) et abordable du Nord au Sud, dans toute sa longueur et ses sinuosités pittoresques, par un sentier battu et accidenté. Elle est aussi solitaire, se distingue par les contours gracieux de ses monticules couverts de pins, de plantes aromatiques, et encore quelques pics dénudés qui les surmontent. On se croirait, à peine à l'entrée de la vallée, dans un vaste et profond désert : au-dessus de sa tête, un ciel rétréci, à droite, à gauche des hauteurs, des rochers, des grottes et partout un silence de mort. De plus, la vallée de Chicalon était commode au bienheureux Labre. Son torrent et la source mystérieuse dans le creux du rocher lui donnaient une eau limpide pour étancher sa soif. Tout près, à droite, au-delà du sentier sur le flanc du mamelon, à la hauteur de vingt mètres, se trouvait une excavation dérobée aux regards des passants, abritée et défendue par un petit bloc qui formait comme une redoute. Là, un ciel étoilé ou éclairé par les pâles rayons de la lune, le doux murmure des pins agités par un souffle léger, l'isolement, le grandiose d'un beau paysage élevaient l'âme de notre saint si sensible aux beaux spectacles de la nature et la remplissaient des plus douces consolations. On comprend qu'il ait en quelque sorte dressé sa tente, lui, le contemplatif dans sa foi, au milieu d'un site, où la main de l'homme s'effaçait pour ne laisser paraître que celle de son Dieu. « Ces données corroborent la tradition si bien conservée par le fermier des Anges (deis Angi) ». Le Fermier des Anges (Deis Angi) Ce digne homme vivait encore en 1871. II comptait alors soixante-quinze ans six mois, étant né en 1797. Son nom était Ange-Joseph-Michel GUEYBUO : sa famille habitait la ferme des Anges depuis 1749. Elle était à la cinquième génération lorsque le 22 août 1872, un groupe de prêtres avec l'agrément de Mgr Chalandon, se rendait pour interroger le respectable vieillard sur les traditions locales de saint Benoît-Joseph labre. Heureux d'être en présence de témoins si dignes, Gueyrard se fit un bonheur de les entretenir sur un sujet qui lui était bien cher. Il comprit l'importance de ses déclarations. Aussi, eut-il le soin de les entremêler de formules équivalentes à des serments : « Tout ce que je vous raconte est la pure vérité. Je ne m'amuse pas des choses saintes. » D'ailleurs, le vieillard appartenait à une famille d'une rare honorabilité, il avait eu deux tantes d'une vertu éprouvée, sœurs de son grand-père, habitant avec lui parce qu'elles étaient demeurées demoiselles. Pendant la tourmente révolutionnaire de 1793, ces filles instruisirent les enfants de la contrée sur les vérités catholiques. À l'ouverture des églises, elles conduisirent au Tholonet plusieurs jeunes personnes, âgées de vingt ans, pour leur première communion. Catherine et Anne Gueyrard, vouées ensuite à l'œuvre des catéchismes de la campagne, furent appelées écolières des Infirmeries. MM. les catéchistes de l'œuvre leur firent, à leur mort, des funérailles solennelles. Après ces détails qui donnent de l'autorité au témoignage du fermier des Anges, nous exposons son récit simple, naïf et touchant : « Le vallon de Chicalon, dit-il, était un désert dans ce bois ». « Le Frère Lebre (Labre), faisait son habitation contre une pierre, qui, depuis s'est détachée du massif des rochers. Il fixait à cette grosse pierre sa caisse, espèce d'auge en bois ou mieux de pétrin rustique, dans laquelle il couchait ». « Enchainavo sa caisso en aquello peiro ». Trait d'espièglerie continue Gueyrard de notre bouillante jeunesse : « Un jour, les enfants Gueyrard, Michel et Noël (dont l'un fut le père du narrateur), se dirent » : « Allons décrocher la caisse, et nous la ferons rouler en bas ». « Mon grand-père le leur défendit » : « Laissez cet homme, leur dit-il d'un ton ému et sévère, parce que vous ne savez pas pourquoi il est ici ; peut-être est-ce pour le Bien, peut-être est-ce pour le Mal ». Le frère Labre se couchait dans la caisse, placée entre la pierre et le massif de rocher. Car, évidemment l'excavation était insuffisante pour maintenir et abriter l'auge en bois dans laquelle il se fermait. « Le frère Labre montait de temps en temps à la ferme pour demander la charité. Il disait aux deux sœurs Catherine et Anne ce qu'elles m'ont raconté bien souvent » : « J'aime bien la soupe de son ». « Elles lui offraient des œufs ». « Je vous remercie, répondait-il, je me contente de son ». On lui pardonnera cette plainte : « Vous avez ici un coq, ajouta-t-il un jour, qui, la nuit, m'empêche de prier il ne cesse de chanter ». Gueyrard raconta donc les faits si ordinaires dans la vie du bienheureux. Mais laissons la parole au narrateur champêtre. « Le frère Labre fit un miracle à Mlle Liotard. Elle était retenue au lit dans un état d'infirmité. Son père, voyant passer dans la rue frère Labre, lui dit » : « vé, vé que passo un san ». (Voilà, qu'un saint passe). « Je voudrais bien le Voir, répartit la malade. Au même instant, elle quitte son lit, paraît à la fenêtre. Elle fut guérie. » Les divers incidents de la vie du bienheureux étaient connus à Aix-en-Provence, comme le prouve le détail suivant. « Ma pauvre grand-mère, ajouta le fermier, aimait à chanter une complainte, dont j'ai conservé le souvenir du verset suivant » : À la Trappe se présente Ayant le cœur bien contrit Bientôt n'en reçoit l'habit De la vie pénitente L'Austérité et l'Oraison Le rend presque moribond. Le vieillard, dont le récit animé et pittoresque émotionnait les auditeurs, raconta ce trait, qui peint l'excessive délicatesse de conscience de l'homme de Dieu : « On foulait le blé à la ferme d'un nommé Raimond, près de laquelle se trouve un grand cyprès. On transportait des haricots verts. Une cosse tomba près du frère Labre, il la ramassa et la mangea en s'en allant. Mais, bientôt, il revint sur ses pas, s'accusant d'avoir commis un grand crime ». « Je viens, dit-il, vous demander pardon. Car, je ne vous ai pas dit que j'avais pris ce légume ». On admira une si étonnante vertu. Gueyrard continua : « La tradition, est que le frère Labre a séjourné de temps à autre, pendant trois ans, dans la vallée du Chicalon. À la longue, on reconnut la grande sainteté de l'inconnu. Alors, on alla au-devant de ses besoins. Mes tantes furent de ce nombre : « Sainthomme, lui disait-on, venez chez nous, nous vous donnerons la soupe ». Le vieillard donna un autre détail que nous ne mentionnerions pas, s'il ne devait nous fixer sur le lieu même où le saint prenait son repos. Son histoire est féconde en faits semblables. L’intéressant narrateur continua son récit : « Il y a cinq à six ans, (en 1867) je descendis dans le vallon de Chicalon avec mon petit berger. Tout à coup, l'enfant, qui me devançait, me cria : « Maître, la pierre sur laquelle vous vous êtes agenouillé l'autre fois pour réciter cinq Pater et Ave, n'y est plus. Elle est descendue là-bas ». « Petit, lui dis-je, ne mens pas. Venez voir, répartit-il hardiment. Je me rendis sur les lieux et je me convainquis qu'il disait vrai ». Pour Gueyrard le déplacement de ce petit bloc était un phénomène, se rattachant à des influences surnaturelles. Ce rocher était disposé sur le devant de l'excavation dans laquelle le bienheureux avait fixé sa caisse. Or aujourd'hui il git au fond du ravin. Tous les visiteurs peuvent le constater. Le merveilleux de ce déplacement est, en ce que cette énorme pierre, roulant sur le flanc du coteau, n'avait endommagé, non seulement aucuns des pins qui s'y trouvaient, mais pas même les romarins ou autres plantes si nombreuses. « Elle a donc dû se détacher », poursuivit le vieillard avec un enthousiasme qu'enflammait sa crédulité naïve, comme si on l'avait prise avec la main, et lancée de ce point élevé en bas. « J'allais raconter dans la ville ce phénomène. On y vint en foule. Les Révérends Pères Capucins furent de ce nombre. La pierre a de grandes dimensions. Elle a en bas la même disposition que là-haut. Le dessus en est le dessus. Elle est tournée comme elle l'était là-haut. Je composai alors une complainte moi-même, pour chanter les merveilles opérées dans la vallée de Chicalon » Nous la donnons dans son entier cette intéressante cantilène, que nous tenons encore de la bienveillance du prêtre éminent qui interrogeait le fermier. Nous la faisons précéder des réflexions pleines d'esprit et de sens qui l'accompagnent. Le père Gueyrard se mit à nous dire, avec une inexprimable bonhomie, sa naïve cantilène. La forme littéraire en est rigoureusement exclue. Les rimes n'existent la plupart du temps que dans l'intention ou dans l'oreille provençale. Car et c'est là son malheur, la complainte essaye d'être en français. Telle tournure, qui outrage la syntaxe, eût été de fait en provençal la plus pittoresque des locutions. N'importe, pour qui connaît d'où surgissent les sources sacrées de l'art, la Ballade, toute rudimentaire mais sincère et vivante du père Gueyrard, paraîtra sans témérité une œuvre poétique. Pour moi, je l'avoue, rien ne me touche plus que ces inspirations ingénues d'une muse au front chauve, aux cheveux blanchis, aux épaules courbées, aux mains calleuses, mais à l'œil brillant et aux lèvres souriantes qui semblent nous dire : Je chante comme l'oiseau avec la nature, comme le chrétien avec la foi. Qu'on me pardonne donc de transcrire ici mot à mot, dans sa rustique ébauche, la charmante cantilène du pauvre vieillard deis Angi. La montagne Sainte Victoire depuis le chemin des Anges Le chant du fermier des Anges I. Chrétiens prêtez l'oreille Venez pour écouter Les récits, les merveilles Qui viennent d'arriver. II. Un saint que sa demeure Était au pied d'un roc, Voilà ce qu'il endure Par la main du Très-Haut ; III. Étant couché par terre Au pied de ce rocher, De dedans une caisse Que son corps saint portait. IV. Ayant pour nourriture Que le son du froment, Voilà ce qu'il endure Pour aller au firmament, V. Ayant pour abreuvage La source du vallon, Source de la fontaine Qu'on nomme Chicalon. VI. Source désaltérable Qu'a fait boire un grand saint, Jusqu'à la fin du monde Tu couleras sans fin ! VII. Enfin le Tout-Puissant Pour y marquer sa place A voulu au grand saint Accorder une grâce. VIII. Se détacha la pierre Qui sa caisse enchaînait, C'est pour faire connaître Du saint la vérité. IX. Les dimanches et fêtes De dedans ce vallon Des chrétiens en masse Semblent une procession. X. Vont pour voir les merveilles Qui venaient d'arriver, Et pour se satisfaire Du saint la vérité. XI. A fini sa carrière À Rome, ce saint lieu, Ayant rendu son âme Au séjour de devant Dieu. XII. Accordez-moi la grâce Saint Labre à notre tour, Qu'au ciel face à face Nous nous trouvions un jour. Au cours du récit du vieillard, j'avais pris quelques notes, veillant à reproduire avec la plus rigoureuse fidélité, les expressions du naïf témoin de l'événement, si important pour notre piété et les traditions qui avaient imprégné son enfance. On a vu par ce qui précède que j'ai porté cette fidélité jusqu'au scrupule. Les personnes présentes, le père Gueyrard en tête, signèrent cette sorte de compte rendu impromptu. Je le déposai dans mes cartons d'où je l'exhume à treize ans de distance. La source dont parle le poète deis Angis à la strophe cinquième, se voit encore aujourd'hui, et, malgré les désolantes sécheresses des années précédentes, elle n'a jamais tari. Elle se trouve presque dans le lit du torrent, si souvent à sec, non loin et sur la direction de l'oratoire. Sa forme est celle d'une conque dans le creux d'un rocher. Son eau, quelquefois un peu troublée par les feuilles desséchées, est toujours pure et rafraîchissante. Il semble que, depuis le passage du bienheureux, elle soit devenue intarissable. Ce qui s'est produit ailleurs ne pourrait-il pas se produire dans cette vallée ? Nos légendes des saints relatent bien des faits de cette nature. À ce récit palpitant d'intérêt, ajoutons quelques traits aussi frappants. Le jeune fermier du ménage de Roman tenait de ses aïeux une anecdote merveilleuse. Ils lui avaient raconté que leur berger faisait paître un jour son troupeau dans les gorges du Chicalon. Labre s'approche, et lui présentant son écuelle vide, le prie de la remplir du lait de ses brebis. Le berger empressé se rend à ses désirs. En recevant son bol plein d'un lait frais, Benoit-Joseph dit au charitable berger : « Je n'ai pas d'argent pour vous payer, mais Dieu vous le rendra. Vos brebis doubleront, c'est-à-dire vous donneront chacune deux agneaux cette année-ci ». L'événement justifia la parole du saint. L'aumône du bol de lait eut ainsi une large récompense. Le bienheureux rayonnait dans les divers pays de la région, pendant son séjour à Aix-en-Provence. On conserve le souvenir de son passage à Gardanne, à Trets, à Vauvenargues. Un fait frappant est encore sur les lèvres des anciens habitants. Dans la première localité, les directeurs d'une grande hôtellerie avaient adopté, à l'instar des établissements monastiques de l'époque, la louable coutume de distribuer la soupe aux indigents et aux mendiants de passage. Benoît Labre se présenta parmi eux et la reçut plusieurs fois. Le muletier, impressionné par les traits de sainteté qui rejaillissaient de son visage, se prit d'admiration pour lui. Il disait : « Ce pauvre ressemble à Jésus-Christ », dans son langage vulgaire : « Au bouen Diou ». Il lui offrit un gîte pour la nuit dans le grenier à paille. Cette offre bienveillante fut acceptée. Cependant le muletier, poussé par une légitime curiosité, ne le perdit pas un moment de vue. Dans le cours de la nuit, il s'ingénia à l'observer. Il le trouvait toujours en prières, dans des positions d'humilité et de recueillement. Son estime grandit. Il n'eut plus de doute que ce mendiant ne fut un saint. Par un sentiment de charitable bienveillance, il demanda aux fils du maître de lui donner non seulement la soupe, mais encore quelques restes de viande ; deux d’entre eux s'y refusèrent et insultèrent le saint pauvre en le traitant d’original et de fainéant. Le troisième, pourtant plus humain, le prit en pitié et lui donna une petite part des aliments gras. Le mendiant reconnaissant prit la parole, lui annonça que Dieu le bénirait lui et sa postérité. Quand à ses deux contempteurs, il leur prédit l'emprisonnement sans peine de mort et la privation de postérité. Quelques années après, la Révolution de 1793 éclatait. Les deux frères étaient enveloppés dans les édits de proscription et traînés dans les cachots de la République. Ils furent délivrés. Rentrés dans leurs foyers, ils sont morts sans postérité. Le troisième a prospéré dans ses biens et dans sa famille. La prédiction s'est réalisée à la lettre. BEAURECUEIL En poursuivant notre voyage sur les pas de notre Ami Benoît-Joseph, nous arrivons au petit village de Beaurecueil, à environ 10 km à l'est du centre d’Aix-enProvence par la route Départementale 17. Beaurecueil est un petit village charmant au pied de la montagne Sainte Victoire. Entouré d’une nature luxuriante et de jolis chemins de randonnées, le long de l’avenue Sylvain Gautier à deux pas du magnifique château (aujourd’hui transformé en maison de retraite) avec son parc ombragé de vieux platanes et sa grille imposante qui fait face à l'église du village. Benoît-Joseph est allé plusieurs fois visiter le sanctuaire Notre Dame de la Victoire, en passant par Beaurecueil. Il fut reçu avec beaucoup de bienveillance au château. Pour commémorer son séjour en ce lieu, un oratoire en son honneur a été édifié sous un gros chêne le long d’un chemin de randonnée, bordé de paysages magnifiques, permettant aux randonneurs de rejoindre le sommet de la montagne Sainte Victoire. En retrait de l’avenue Sylvain Gautier à une centaine de mètres de la petite église paroissiale, nous trouvons cet oratoire magnifique dédié au Saint Pèlerin. L’oratoire Saint Benoît-Joseph Labre de Beaurecueil Détail de l’inscription au bas du pilier Saint Benoît Labre priez pour nous 60 Jours d’indulgence La date au dos du pilier 1939 Avec les initiales V.G – M.A Le magnifique chemin de randonnée au départ de l’oratoire La grille imposante du château, avenue Louis Sylvestre, qui fait face à l'église du village, et la cour du château de Beaurecueil. Notre Dame de Beaurecueil Détails de la statue de la vierge de l’église de Beaurecueil et différente vues de l’édifice. L’église du village et sa porte d’entrée avec, sur le fronton, la date de 1741 Quelques instants de repos à l’ombre des platanes dans le jardin de l’église, mon chien Joseph, habitué au climat du Nord, souffre de la chaleur. Il fait 34° au soleil. Les jardins de l’église et la statue de Notre Dame de Lourdes La campagne qui mène de Beaurecueil à la montagne Sainte Victoire Beaurecueil se trouve au croisement des communes de Meyreuil, du Tholonet et son hameau de Palette, qui est l’étape suivante de notre périple sur les chemins de Provence en compagnie de notre Saint Ami. Le Tholonet, Hameau de Palette En arrivant au Tholonet, grâce à des informations reçues du site internet de la paroisse de Meyreuil. Je me rends au lieu-dit « le Hameau de Palette », où se trouve une splendide chapelle, objet de ma visite en cet endroit. Construite le 19 Août 1956, et inaugurée à l’époque par monseigneur de Provenchere alors Archevêque d’Aix-en- Provence, qui suivi par un cortège immense de fidèles, baptise la chapelle du nom de « Saint Benoît Labre ». Pour bien situer ce choix, il faut remonter le cours du temps et se remémorer un événement de la deuxième guerre mondiale qui se déroula au Tholonet : L’histoire Le 19 Août 1944, trois chars allemands pénètrent sous le porche de l’entrée de la maison de la famille Houchart dans le hameau de Palette. Marie Houchart, très pieuse et dévouée fait le vœu d’édifier une chapelle dédiée à Saint Benoît-Joseph Labre si les villageois et sa famille sont préservés de tout danger. Et en effet le danger est très important car l’aviation alliée pourchasse les chars et pourrait les bombarder. Mais le vœu est exaucé et les chars évacuent le Hameau de Palette. Douze ans après la Libération, Monsieur Hilaire Houchart, fait construire la chapelle et honore le vœu fait à notre Ami Benoît-Joseph Labre, par sa sœur Marie. La chapelle Saint Benoît Labre au Hameau de Palette(7) La chapelle et son oratoire dédiés au Saint et situés à l’angle de la rue Monte-Cristo. La plaque de l’oratoire avec l’inscription : « Saint Benoît Labre qui avez passé ici Priez pour Nous ». L’oratoire et la statue du Saint Didier et son chien Joseph, assis sous la protection du Saint Une prière à votre intention, Amis du Saint et une pensée particulière pour le Père Raymond Martel Une petite trace de mon passage en ce lieu avec cette carte du site des Amis du Saint. Quelques instants de repos pour mon petit compagnon Joseph, avant de reprendre la route. Pourrières En quittant le Tholonet et son Hameau de Palette, je me dirige cette fois-ci vers la ville de Pourrières. Pourrières est un village typiquement provençal situé à la limite des Bouches-duRhône entre Aix-en-Provence et Saint Maximin, face à la Montagne Sainte Victoire. Dans le village, les vieilles maisons en pierres à la couleur du Sud, serpentent le long de ruelles étroites vers une belle place où se trouve l’église paroissiale Saint-Trophyme. En arrivant à Pourrières, dans cette petite ville bâtie sur un rocher, je ne pouvais deviner que la providence me mettrait en présence d’un être doté d’une aura lumineuse. Sur le chemin, il y avait Yvette, une enfant de Dieu pleine de bonté et de générosité, étincelante de simplicité et de joie de vivre. Avec bienveillance elle décida d’être mon guide dans le dédale de la cité. Il arrive parfois qu’une rencontre entre dans notre vie sans savoir vraiment pourquoi, et pourtant, elle y pénètre bien souvent là où Dieu nous attend. Ma venue dans cette ville n’avait d’autre but que de me rendre sur la tombe de Germain Nouveau, ce poète un peu « à part » et disciple de Saint Benoît-Joseph Labre. Yvette Sannino Yvette Sannino a été le point de départ de ma visite à Pourrières. Par je ne sais trop quel effet de la providence, elle se trouvait assise à la croisée des chemins qui domine la place de ce beau village provençal. J’avais besoin d’aide pour déambuler et trouver mes repaires dans ce labyrinthe de rues. Après, tout s’est fait très naturellement. Les présentations étant faites, elle décida de m’orienter sur l’objet de ma visite. Chemin faisant, vers le cimetière avec notre bouquet de roses à la main, nous lui parlions des Amis de Saint Benoît-Joseph Labre, de l’église, et du Bon Dieu. Au cours de la conversation elle m’apprit qu’elle fut très tôt marquée par la mort de ses parents. Elevée par des religieuses, Yvette a vite appris ce que les mots, pauvreté et souffrance, expriment. Un peu plus tard tandis que nous bavardions, nous arrivons enfin au cimetière. La tombe de Germain Nouveau se trouve le long du mur ouest, face à la montagne sainte Victoire. La photographie ci-contre vous montre le calme et la beauté du lieu. Pour honorer la mémoire de ce grand poète, j’ai déposé des fleurs en votre nom Amis du Saint. Germain Nouveau est mort le 4 avril 1920, âgé de 69 ans. Il fut retrouvé trois jours après son décès, à l’intérieur de sa maison de Pourrières, le corps gisant sur un grabat à même le sol, recroquevillé des suites d’un jeûne trop prolongé. Germain s’est identifié complètement à son maître Benoît-Joseph Labre. C’est comme lui qu’il mourut en pauvre en pleine période de semaine sainte. Ce bouquet de roses au nom des Amis du Saint et du Père Raymond Martel La tombe familiale où repose Germain Nouveau La maison dans laquelle est mort le 4 avril 1920 le poète Germain Nouveau Germain Nouveau naquit à Pourrières en Provence le 31 juillet 1851. Il était le fils de Félicien Nouveau son père, né en 1826, et d’Augustine Silvy sa mère, née en 1832. Ils se marièrent en 1850. De cette union naquirent, en 1851, Germain qui était l'aîné de la famille, en 1854, sa sœur Elisabeth, en 1855, sa sœur Laurence et en 1857, sa sœur Marie. En 1858, Germain et ses sœurs perdent leur mère, âgée de 26 ans, des suites d'une grave maladie. Félicien déménage suite au décès de sa femme et s’installe avec ses enfants à Paris où il trouve un travail et dirige un temps une fabrique sans succès. Il revient à Aixen-Provence où il travaille dans une usine de produits alimentaires. La vie suivra son cours jusqu’en 1864 où il décède à son tour à l’âge de 38 ans. Germain et ses sœurs sont orphelins. Encore jeune, il n’a que treize ans, il intègre comme interne le petit séminaire d'Aix et songe à devenir prêtre, puis en 1871 il entre au lycée de Marseille et y passe une année. Puis en 1872, il emménage à Paris, de là paraissent ses premières publications « Sonnet d’été » dans la revue d’Émile Blémont. Il se joindra au groupe des vivants dont faisait partie Raoul Ponchon, forain, et Jean Richepin. C’est à cette époque qu’il rencontre Arthur Rimbaud, et partira avec lui une année à Londres. En mars 1874, il voyage en Hollande, en Belgique, et se réinstalle de nouveau à Londres afin de perfectionner son anglais. Il y fait la connaissance de Paul Verlaine en mai 1875 qui lui fera connaître le Saint de l’Artois. Il partagera avec lui une grande passion pour Saint Benoît-Joseph Labre. Les années suivantes, il sera employé comme professeur de dessin par le ministère de l’Instruction publique et compose pendant cette période des poèmes mystiques et religieux, qu’il tentera en vain de faire éditer. Le 14 mai 1891, il est frappé en plein cours d’une crise de folie mystique qui le conduit à un internement de plusieurs mois à l’hôpital Bicêtre. À sa sortie, il reprend ses voyages, en gagnant sa vie en réalisant des dessins, puis de plus en plus à partir de 1899, il s’installe dans la pauvreté et pratique la mendicité en vivant d’expédients. À Paris il sera même considéré comme un clochard et décide de partir en pèlerinage sur les routes de Saint-Jacques. Pèlerin à la suite de Saint Benoît-Joseph Labre, il ira à Rome et se fera expulser d’Italie pour mendicité. Les poèmes de cette époque seront publiés après sa mort. Il revient épuisé à Pourrières en 1911 et y décède en 1920. L’église paroissiale Saint-Trophyme à Pourrières « Mais en Dieu, Frère, sache aimer comme toi-même Ton frère, et, quel qu'il soit, qu'il soit comme toi-même ». Un vieux clocher coiffé de fer sur la colline. Des fenêtres sans cris, sous des toits sans oiseaux. D'un barbaresque Azur la paix du Ciel s'incline. Soleil dur ! Mort de l'ombre ! Et Silence des Eaux. Germain Nouveau L’entrée du cimetière où repose Germain Nouveau, disciple de Saint Benoît-Joseph Labre Pourrières « Frère, ô doux mendiant qui chantes en plein vent, Aime-toi, comme l'air du ciel aime le vent ». Poésies la doctrine de l’amour (Extrait de Poésies d'Humilis et vers inédits de Germain Nouveau) (Préfacé par d'Ernest Delahaye) C’est Dieu qui conduisait à Rome, Mettant un bourdon dans sa main, Ce saint qui ne fut qu’un pauvre homme, Hirondelle de grand chemin, Qui laissa tout son coin de terre, Sa cellule de solitaire. Et la soupe du monastère, Et son banc qui chauffe au soleil, Sourd à son siècle, à ses oracles, Accueilli des seuls tabernacles, Mais vêtu du don des miracles Et coiffé du nimbe vermeil. Le vrai pauvre qui se délabre, Lustre à lustre, été par été, C’était ce règne, et non saint Labre, Qui lui taisait la charité De ses vertus spirituelles, De ses bontés habituelles, Léger guérisseur d’écrouelles, Front penché sur chaque indigent, Fière statue enchanteresse De l’austérité, que Dieu dresse, Au bout du siècle de l’ivresse, Au seuil du siècle de l’argent. Je sais que notre temps dédaigne Les coquilles de son chapeau, Et qu’un lâche étonnement règne Devant les ombres de sa peau L’âme en est-elle atténuée ? Et qu’importe au ciel sa nuée, Qu’importe au miroir sa buée, Si Dieu splendide aime à s’y voir ! La gangue au diamant s’allie Toi, tu peins ta lèvre pâlie, Luxure, et toi, vertu salie, C’est là ton fard mystique et noir. Qu’importe l’orgueil qui s’effare, Ses pudeurs, ses rebellions Vous, qu’une main superbe égare Dans la crinière des lions, Comme elle égare aux plis des voiles, Où la nuit a tendu ses toiles, Aldébaran et les étoiles, Frères des astres, vous, les poux Qu’il laissait paître sur sa tête, Bon pour vous et dur pour sa bête, Dites, par la voix du poète, A quel point ce pauvre était doux ! Ah’ quand le Juste est mort, tout change Rome au saint mur pend son haillon, Et Dieu veut, par des mains d’Archange, Vêtir son corps d’un grand rayon Le soleil le prend sous son aile, La lune rit dans sa prunelle, La grâce comme une eau ruisselle Sur son buste et ses bras nerveux Et le saint, dans l’apothéose Du ciel ouvert comme une rose, Plane, et montre à l’enfer morose Des étoiles dans ses cheveux ! Beau paysan, ange d’Amettes, Ayant aujourd’hui pour trépieds La lune au ciel, et la comète, Et tous les soleils sous vos pieds Couvert d’odeurs délicieuses, Vous, qui dormiez sous les yeuses, Vous, que l’Eglise aux mains pieuses Peint sur l’autel et le guidon, Priez pour nos âmes, ces gouges, Et pour que nos cœurs, las des bouges, Lavent leurs péchés noirs et rouges Dans les piscines du pardon ! Carpentras Benoît-Joseph se rendit dans la ville de Carpentras afin d’y vénérer le « saint Mors » de Constantin, ou Saint Clou, conservé dans la cathédrale Saint Siffrein de Carpentras. Le "Saint Mors" aurait selon la légende été forgé avec un des clous de la Passion. Constantin l'aurait reçu de sa mère, sainte Hélène. La tradition rapporte que l'impératrice Hélène aurait fait fouiller l'emplacement du calvaire et ayant retrouvé les clous de la Passion du Christ, aurait fait forger avec l'un d'eux, un mors pour le cheval de son fils, l'empereur Constantin. (9) À Carpentras, le passage de Benoît-Joseph fit une profonde impression, et en 1783 année de sa mort à Rome, le quartier de Saint Jacques fut rebaptisé quartier de Saint Labre, ceci en souvenir de l’hospitalité qu’il avait reçue dans une ferme située aujourd’hui rue du clos saint Labre. La ferme existe d’ailleurs toujours, ceinte de murs, au milieu d’un quartier qui s’est profondément transformé. Elle était tout en terres agricoles du temps de Benoît Labre. C’est devenu un quartier résidentiel où sont bâties de nombreuses villas. Il y avait dans ce quartier une petite chapelle dédiée à Saint Jacques. Le saint pèlerin était-il venu y prier, en même temps que s’agenouiller dans le sanctuaire de Notre Dame de Santé ? – construit au début du 17ème siècle en ex-votos d’une délivrance de la peste (1629) et reconstruit au milieu du 18ème par Monseigneur d’Inguimbert, évêque de Carpentras. Cette chapelle était donc quasiment neuve quand venait y prier Benoît Labre. Toujours est-il que l’abbé Gruzu de la cathédrale Saint Siffrein, possédant une propriété dans ce quartier de Saint Jacques, y fit, de son côté, construire une chapelle en l’honneur de Saint Labre, immédiatement après sa mort, oratoire qui subsista jusqu’en 1809. La chapelle, ayant été détruite ou tombant en ruines à la fin du 19ème, on construisit à proximité un oratoire : un dôme sur quatre colonnes de marbre noir sur un socle en pierre. Cet oratoire, hélas vidé de sa statue, subsista jusque dans les années 1970. En 2006, il n’en restait que le socle. L’oratoire vient d’être complètement restauré et muni d’une statue du saint, sculptée en pierre, et bénie en cette même année. La cathédrale Saint Siffrein possède d’ailleurs dans la sacristie une peinture récemment restaurée, reproduction d’une peinture de Labruzzi, portrait d’après nature fait sur l’ordre du Père Chaudron, général des Capucins à Rome. L’original appartenant à la famille de l’imprimeur-éditeur Aubanel. Le tableau du Saint Pèlerin dans le presbytère de la Cathédrale Saint Siffrein de Carpentras (Photographie de Josette Vincent) J’attends avec beaucoup d’humour le départ avec Saint Labre dans son Autobus L’impasse Saint Labre à Carpentras La rue du Clos Saint Labre à Carpentras Le chemin de Saint Labre à Carpentras L’Oratoire Saint Benoît-Joseph Labre, situé rue du chemin de Saint Labre à Carpentras Carpentras, le chemin de Saint Labre et son Oratoire La statue de saint Benoît-Joseph Carpentras, l’Oratoire Saint Benoît-Joseph Labre Le chemin de Saint Labre « L'oratorio dei Poveri di Gesù Cristo » L’impasse Saint Labre Carpentras marque la fin de notre périple sur les traces du saint Vagabond de Dieu en Provence. Il existe encore d’autres endroits dans cette région du sud de la France que je vous propose de visiter avec un nouvel épisode à venir de mes chemins de traverse. Didier Noël Avignon Statue se trouvant au 22 rue Louis Pasteur à Avignon Grâces miraculeuses obtenues par saint Benoît-Joseph Labre Trets À son passage à Trets, il obtenait par ses prières l'heureuse délivrance d'une jeune mère en danger de mort dans un enfantement désespéré. La mère et l'enfant furent sauvés. Il y laissa une réputation de sainteté. M. le chanoine A., originaire de cette localité, avait recueilli de son grand-père, homme grave et d'expérience, ces paroles élogieuses à l'endroit du bienheureux : « Ce mendiant n'est pas comme les autres ». Puis il ajoutait : « C'est un saint ; quelque jour on fera sa fête ». L'honorable petit-fils est témoin de l'accomplissement de ces paroles fondées sur une juste appréciation. Le pauvre mendiant a reçu et reçoit les plus grands honneurs qui peuvent être décernés à une créature mortelle. On louange son nom sur la terre et dans les cieux ; on brûle l'encens devant ses autels, on les illumine de mille feux ; on le prie ; on se prosterne à ses pieds, à deux genoux. Vauvenargues À Vauvenargues, Benoît-Joseph opérait par ses raisonnements solides, pleins de foi et sympathiques, une révolution morale dans le cœur d'une mère désolée. Le même fait s'est produit dans d'autres circonstances. Mlle C, possédant encore la plénitude de ses facultés, malgré le poids de ses quatre-vingt-neuf ans, me l'a attesté, avec sa naïve simplicité. Sa mère, originaire de cette localité, lui avait raconté qu'un enfant de treize à quatorze ans, fils du boucher, était mort d'une manière bien tragique. La mère avait fait attacher à la grande croix située sur la place du village, une corde qui, fixée par l'autre extrémité à un arbre rapproché, faisait fonction de séchoir. Sur le soir, elle donne ordre à son fils de l'enlever. Celui-ci grimpe sur le piédestal de la croix, et cédant à des impulsions enfantines, se suspend en se balançant. L'arbre sacré, ébranlé par ces violents mouvements, cède, tombe et écrase dans sa chute le malheureux enfant. Cette mort déplorable fut un deuil pour la population et la pauvre mère devint inconsolable. Concentrée dans sa douleur, rien ne la touchait plus. Les réflexions les plus sensées comme les plus touchantes la laissaient insensible dans son noir et immense chagrin. On prévoyait l'altération de sa santé. Dans la cruelle perspective d'un second deuil, on s'adresse au jeune pèlerin, alors de passage à Vauvenargues ; on lui demande quelques paroles de consolation pour cette mère. Le saint mendiant se rend au domicile de l'affligée, lui parle un langage céleste qui ouvre son cœur à la paix et à la résignation. Spontanément la désolation disparaît. La bonne mère sort de son affreux marasme, se remet à son commerce et reprend le cours de toutes ses occupations : c'en était fait de son insurmontable affliction. La ville a eu aussi sa part de faveurs, la même Mlle C. raconte que l'hydropisie(8) faisait souvent des victimes dans sa famille, surtout parmi les hommes. La plupart, en atteignant l'âge de trente ans, ressentaient les premiers germes de cette irrémédiable maladie. En quelques années ils succombaient sous ses étreintes mortelles. On comprend la désolation de la parenté si souvent décimée par la mort. Déjà la sainteté du mendiant était partout remarquée. On eut la pensée de s'adresser à lui pour obtenir la cessation d'un mal si redoutable. Le bienheureux promit de recommander à Dieu cette cause. Depuis ce moment, il n'y en eut plus de traces dans la famille. FREJUS « Un soir sortit de la cathédrale de la petite et curieuse ville de Fréjus un pauvre se soutenant à peine répandant une odeur fétide, déguenillé, épuisé, les jambes entourées de linges. Il vit sous les beaux arbres qui ombragent la place de la Cathédrale une boutique de barbier. Y fut-il invité ? Entra-t-il de lui même ? Il fut accueilli ; on le fit asseoir et le patron qui, selon l'usage d'alors, était chirurgien, se mit en devoir de visiter les plaies du mendiant. Il les lava, en nettoya la pourriture et les pansa avec une grande charité. Ne se contentant pas de ce service et cédant à une compassion chrétienne, sans se soucier des insectes qui pullulaient sur le Bienheureux, il lui proposa ensuite de lui faire la barbe. Le Bienheureux se prêta à ce ministère de sublime charité ; il en témoigna ensuite sa reconnaissance, promettant de prier pour toute la famille lui assurant que la bénédiction de Dieu affluerait sur ses entreprises. La bénédiction de Dieu, en effet, s'est arrêtée sur la famille du chirurgien. Ses entreprises ont réussi comme le pauvre l'avait annoncé. Elle se trouva bientôt des plus considérables et des plus opulentes de la cité : elle en a occupé les charges les plus honorables et en reçut les mandats les plus importants. Il est vrai qu'elle n'a pas oublié son protecteur. Le charitable chirurgien n'aurait pu le faire. Les traits du mendiant s'étaient gravés dans son esprit : il repassait avec émotion les moindres gestes et toutes les paroles du Bienheureux. Il trouvait à ce souvenir une consolation énergique et fortifiante. C'était pour lui un encouragement sensible à la vertu ; il ressentait une confiance chaque jour plus grande dans les mérites et la puissance de son pauvre hôte. Aussi, quand, quelques mois après la mort de Benoît-Joseph, un des membres les plus précieux de la famille vint à tomber malade et que les médecins eurent déclaré leur impuissance, l'excellent barbier n'hésita pas à recourir à son ami du ciel. Ce ne fut pas en vain. Un petit ex-voto placé dans une des églises de Fréjus rappelle à tous la mémoire de cette guérison arrivée en 1785 et maintient parmi le peuple ardent de cette ville la dévotion au bienheureux mendiant. Sur ces faits merveilleux et ces données connues aujourd'hui d'un petit nombre de personnes, de la tradition du séjour de saint Benoît-Joseph Labre à Aix-enProvence. NOTES (1) D’après un original se trouvant au musée de Longchamp à Marseille de Joseph GARIBALDI (2) http://www.stlabre.org/ (3) Le révérend John Thayer (1755 - 5 Février 1815). Il est né à Boston, Massachusetts. Ministre presbytérien converti au Catholicisme, lors de sa visite à Rome en 1783, il se convertit, acte qui fit sensation en NouvelleAngleterre à l'époque. Il attribue sa conversion à un miracle de saint BenoîtJoseph Labre. Il sera ordonné prêtre Catholique (4) Consummatus in brevi, explevit tempora multa (Quoiqu' il ait peu vécu, il a rempli la course d’une longue vie), sap. 4, 15. (5) Le Révérend Père Jean de Sérane décéda à Toulouse le 17 Avril 1784, étrange similitude de date. Benoît-Joseph Labre décéda à Rome le 16 Avril 1783. (6) « Combien plaît à Dieu le service du pauvre fidèle qui sert par amour, sans égard à la récompense ». (7) Le site du Père Thierry DESTREMAU http://www.etoilesaintmichel.cef.fr/pages/whiterings_index.html (8) Le terme d'hydropisie était anciennement employé en français pour désigner tout épanchement de sérosité dans une cavité naturelle du corps, ou entre les éléments du tissu conjonctif. Il pouvait donc être synonyme d' « œdème ». La plupart du temps le terme d'hydropisie en tant que maladie servait à désigner la cause principale d'œdèmes généralisés à savoir l'insuffisance cardiaque congestive. (9) http://route-europe-chretienne.fr/spip/spip.php?article125