Mes chemins de traverse - Les Amis de saint Benoit Labre

Transcription

Mes chemins de traverse - Les Amis de saint Benoit Labre
Mes chemins de Traverse avec
Saint-Benoît-Joseph Labre
SUZE-LA-ROUSSE
INTRODUCTION
Benoît-Joseph Labre allait pieds nus, vêtu d’un pauvre manteau rapiécé. Il portait
sur l’épaule une besace, une main accrochée à un crucifix, et de l’autre il égrenait
son chapelet. Ses cheveux et sa barbe étaient incultes, et son visage imprégné d’une
étrange lumière. C’est ainsi que se présenta le vagabond et pèlerin de Dieu aux
habitants de Suze la Rousse, en l’an 1772. « Loués soient Jésus et Marie », disait-il à ces
bonnes âmes qui l’accueillaient avec générosité.
Avec le Père Raymond Martel et par l’intermédiaire du site des Amis de Saint
Benoît Labre sur le Web, il y a cinq mois environ, a commencé pour moi une
nouvelle aventure sur les chemins de traverse, cette fois dans la Drôme Provençale.
À Suze la Rousse, une petite ville bâtie sur le flanc d’une colline, dans une région de
soleil et de ciel bleu où pousse dans la campagne environnante, la vigne et la
lavande. Façonné par la main des hommes, le Pays Suzien renferme de nombreux
joyaux d'architecture. Les maisons concilient à la foi l’art de vivre à la Provençale et
la richesse de ses petites habitations recouvertes de tuiles romaines, aux murs en
pierres, laisse entrevoir l’histoire des hommes d’antan.
Suze la Rousse m’accueille, 237 ans après le passage du Saint mendiant BenoîtJoseph Labre. Curieusement je ne connaissais pas cette ville de la Drôme, et nous
nous étions convenu, Madame Josette Vincent et moi-même de nous donner
rendez-vous près de l’église de Suze la Rousse. En arrivant sous la pluie le vendredi
11 juin vers 19 heures, un détail de la providence, que me révéla par la suite Josette
Vincent, a voulu que j’attende sa venue sur la petite place qui sert aujourd’hui de
parking au restaurant le Garlaban. Or ce bâtiment se trouve être l’ancien relais de
poste de Suze.
Sans l'avoir prévu, nous nous sommes rencontrés à cet endroit à peu près à la
même heure où notre Saint Ami, après une longue marche, s’était désaltéré 237
années avant ma venue en ce lieu.
Du temps de Benoît-Joseph en 1772, sur la petite place, où j’ai attendu, se trouvait
une fontaine qui servait au relais de poste d’abreuvoir pour les chevaux.
Avec la reproduction d’un tableau ancien de Suze représentant le relais et sa
fontaine que m’a confiée Josette Vincent, vous apercevrez ce à quoi ressemblait la
ville à l’arrivée de Benoît-Joseph.
Après ce troublant détail de la providence, il me revient cette parole apprise dans
l’enfance : « Je me manifesterai à toi : mon esprit à ton esprit, ma volonté à ton âme, et mon
cœur à ton cœur ». Nul doute que notre ami Benoît-Joseph Labre était présent ce soirlà à Suze la Rousse … Et c’est lui qui m’accueillait… C’est le 13 juin que s’est
déroulée une exposition retraçant les visites et pérégrinations du Saint venu du Pays
d’Artois ayant pour thème « Chemin des Hommes, Chemins de Dieu ». Les âmes
Suziennes, qui ont organisé ce superbe travail, et qui avec beaucoup de générosité
m’ont permis d’assister à ce magnifique itinéraire, seront heureuses, je n'en doute
pas, d'avoir un compte rendu fidèle de mes impressions lors de ces instants
partagés.
Je dois donc me faire l'interprète de ces récits en publiant ici, amis du Saint, les faits
admirables, des étapes qui se rattachent à l’histoire des hommes et du Pèlerin de
Dieu en Provence. Avec les sentiments qui ont guidé mon cœur et celui des
organisateurs de cette exposition, madame Josette Vincent et mademoiselle
Françoise Pradelle rappellent que le chemin des hommes dans le quotidien est
sillonné d’événements, de lieux, de rencontres et de départs. Ils s’inscrivent dans
notre âme avec tendresse à chacun de nos pas sur les chemins de Dieu et marquent
notre vie, comme les histoires merveilleuses des écrits évangéliques du Nouveau
Testament. Benoît-Joseph Labre est là sur le sentier, appuyé sur son bâton, désireux
de nous rencontrer et de nous accompagner tout au long de notre pèlerinage sur la
terre à la suite du Christ ressuscité.
De nos jours, la Provence a gardé un touchant souvenir religieux des visites du
Pèlerin d’Amettes. Chapelle, oratoire, statue, etc., tous témoigne aujourd’hui encore
de la ferveur de ses habitants, pour cet homme de Dieu, charitable et pieux.
Je vous propose, chers Amis du Saint, de vous laisser guider, au fil de ces pages sur
les lieux historiques où ce compagnon de route a marché, prié et a ému parfois
jusqu’aux larmes ceux qui, comme moi, le connaissent et l’admirent. Chacune de
ses étapes sera l’occasion d’une rencontre sur notre route humaine trop souvent
construite de nos souvenirs, de nos détresses, de notre chagrin, comme de nos plus
grandes joies.
En cheminant à ses côtés, vous ne pourrez ignorer en lui ce grand Amour pour le
prochain, tant au spirituel, par sa foi et sa prière vers Dieu, qu’au temporel par la
charité qu’il a exercée et les encouragements qu’il a donnés dans ses rencontres.
Vous découvrirez alors un pauvre qui a aimé Dieu dans son cœur et un Saint qui a
aimé Dieu dans le cœur de tous ceux qu’il a croisés sur sa route. Benoît-Joseph
nous interpelle et nous demande « d’oser croire » que l’Amour est capable de
transformer ce monde qui est le nôtre. Ce monde qui a longtemps cru qu’il s’était
tu mais il a en fait beaucoup parlé en peu de paroles, il n’a rien écrit ou presque,
mais toute sa vie est prière. Il l’a fait en apôtre du Christ doué de bonté, de
tendresse, animé d’une foi lumineuse qui pénétrait les cœurs.
Je vous dédie ce travail en témoignage de mon profond respect et de ma
gratitude pour toutes les personnes qui ont contribué, de près ou de loin, à la
réalisation de ce livret ; Aux Amis, Le Père Raymond Martel, Josette
Vincent, Françoise Pradelle, Yvette Sannino et sans oublier mon Ami
Saint Benoît-Joseph Labre, l’inspirateur de toutes nos aventures sur les
chemins de traverse.
Didier Noël, de Boulogne-sur-Mer, le 11 juillet 2010
La fontaine qui servait au relais de poste d’abreuvoir pour les chevaux à l’époque du
passage de Saint Benoît-Joseph à Suze la Rousse. (1)
« Je me manifesterai à toi : mon esprit à ton esprit, ma volonté à ton âme,
et mon cœur à ton cœur »
Carte de Suze la Rousse et des environs en 1770
EXPOSITION DE SUZE LA ROUSSE
(13 Juin 2010)
Statue de l’église de Suze la Rousse
(Texte de Josette Vincent)
Benoît-Joseph Labre
(Un saint sur les chemins de Provence)
Il faut savoir tout d’abord que notre choix a été influencé par la décision de l’Eglise
de consacrer l’année 2010 au pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle. 2010 est
donc une « Année Jacquaire ».
Et nous avons dans notre église, une statue d’un grand pèlerin, celle de BenoîtJoseph Labre qui a passé sa vie à cheminer sur les sentiers d’Europe, là où le
guidaient sa foi et son amour de la solitude et de la pauvreté. Un jour, c’était en
1772, il passa à Suze…
Il eut été ambitieux de le suivre dans tous ses déplacements qui le menèrent à
Santiago, et nous avons choisi de l’accompagner dans le sud de la France, dans
notre Provence qu’il semblait affectionner car riche en lieux saints, en sites antiques
et en sanctuaires.
Benoît Labre est natif du Pas-de-Calais. D’une famille de quinze enfants, c’est un
enfant sage, très calme, aimant la solitude et surtout très pieux. Son oncle, François
Joseph Labre, prêtre, le baptise dès sa naissance.
Remarquant le caractère de l’enfant, il le prend avec lui dans son presbytère d’Erin,
pensant qui sait ? En faire un prêtre. Une épidémie de peste ravage la contrée ; on
évite que Benoît approche les malades mais il travaille et aide sans compter et déjà,
on l’appelle « le petit saint ».
Son oncle décède et il retourne chez ses parents à qui il parle de son désir d’être
moine. On le confie à un autre oncle, Vincent, vicaire de Conteville. Le garçon est
de santé fragile et cet oncle, qui connaît son désir, avec l’accord des parents,
conseille la règle moins dure de la Chartreuse de Longuenesse. Il est refusé car le
monastère ne prend pas de novice. Nouveau retour chez ses parents puis nouvel
essai à la Chartreuse de Montreuil-sur-Mer en 1767, où on le trouve trop jeune et
n’ayant pas fini ses études.
Nouvelle déception aussi à la trappe de Soligny où sa santé délicate ne supporte pas
la règle…
« Dieu vous veut ailleurs »
C’est à Sept-Fonts, chez les trappistes, qu’il réussira à prendre l’habit des novices le
11 novembre 1770 sous le nom de frère Urbain. Un habit qu’il ne quittera plus de
sa vie…
À Sept-Fons, il tombe malade et après sa guérison, il quitte la trappe pour prendre
la route vers Rome, la ville où ont souffert tant de martyrs. Il s’arrête pour prier
devant tous les sanctuaires rencontrés, ayant une dévotion particulière pour la
Vierge.
Enfin arrivé à Rome, il visite toutes les églises et trouve refuge dans un recoin
sombre du Colisée. Il se rendra chaque année à Notre Dame de Lorette pour
vénérer la « Santa Casa ».
Au printemps 1771, il entreprend son grand périple en Europe.
On le décrit « coiffé à la nazaréenne », avec son habit de moine, son tricorne
décoloré par les intempéries, ses attributs de pèlerin ; bourdon, écuelle, gourde,
papiers officiels, chapelet et livres pieux. Il ne changera jamais, hirsute, sale, couvert
de vermines et de plaies, le plus pauvre des pauvres…
« Objet de mépris, rebut de l’humanité
Homme de douleur, familier de la souffrance,
Comme ceux devant qui on se voile les yeux » (Isaïe 52,2-3)
Il finira ses jours à Rome où il s’était fixé, usé, épuisé par tant de privations, de
solitude, de lieues parcourues sur « les chemins de traverse » en communion avec
Dieu, de partage avec les plus démunis que lui.
On dut le soigner à l’Hospice St Martin des Monts où on accueillait les sans logis,
mais il allait, selon ses forces, aux offices de Ste Marie des Monts où on exposait le
Saint Sacrement pour quarante heures de prières. C’est là, en sortant d’un office,
qu’il s’effondra sur les marches de l’église.
On le porta chez un boucher, ami, du nom de Zacarelli où il mourut dans la
sérénité, le 16 Avril 1783.
Et les enfants dans les rues de Rome, de s’écrier : « le saint est mort » car pour le
peuple, il était déjà saint…
Un homme qui avait semé sur son passage des bienfaits, fait des prédictions, fait
naître des conversions, ce grand sujet d’admiration pour sa ténacité, son courage, sa
grande foi, son humilité, sa discrétion, ses connaissances et ses propos sages et
réconfortants. Il avait trente cinq ans.
Ses funérailles à Rome furent comme un triomphe !
Son procès apostolique débute en 1792. Béatifié en 1860, il sera canonisé en 1881.
C’est le seul saint français qui repose dans la ville éternelle.
Au « Siècle des Lumières »
Cette vie si particulière s’est déroulée au « Siècle des Lumières », celui de
« l’émancipation et de la contestation intellectuelle » …
Benoît Labre a dérangé à son époque par son choix de vie. Même Napoléon III
aurait dit de lui : « Pourquoi tant d’honneurs rendus à un maniaque ? ».
Et pourtant…
« Ce voyageur infatigable, ne contestant rien … n’exerçant aucun métier, résolu à
vivre dans la plus austère pauvreté alors qu’on commence à vanter partout les
vertus du capitalisme et de l’argent », se retrouve, si on se penche un peu sur sa vie,
être à notre époque tout à fait d’actualité.
L’homme n’est pas devenu plus sage et son exemple devrait nous ouvrir les yeux.
Aujourd’hui
Il semble normal que l’on parle de lui en 2010. Ses prédictions se sont avérées, des
miracles se produisent encore à la suite de neuvaines, prières ou messes faites à son
intention, son aura dépasse les frontières …
Reconnu comme prophète pour certains, il fut chanté par les poètes, remarqué par
les peintres qui, de son vivant, le prenaient comme modèle pour représenter le
Christ. Saint Benoît-Joseph Labre est devenu le saint patron des SDF en France.
Il a donné naissance au premier syndicat chrétien.
Il est vénéré dans plusieurs pays du monde, en particulier au Canada où des villes
portent son nom. Des centres d’accueil, des O.N.G. ont emprunté son patronyme.
Sa ville natale Amettes est devenue un lieu de pèlerinage ainsi que certains de ses
oratoires. De nombreuses églises ont sa statue, voire un autel qui lui est consacré, et
il est associé à Paris aux œuvres de l’Abbé Pierre.
S’il a secoué un peu les consciences du XVIIIe siècle, il serait utile aujourd’hui de le
prier pour rendre plus humaine notre société et freiner l’inconscience des hommes
sur notre monde que nous sommes en train de dénaturer, qu’il s’agisse de notre
environnement comme de notre comportement avec notre prochain.
Josette Vincent Suze la Rousse, juin 2010.
Madame Josette Vincent une Amie de Saint Benoît-Joseph Labre
(Texte de Didier NOËL)
LOUÉS SOIENT JÉSUS ET MARIE
« Loués soient Jésus et Marie », c’est par ces mots jadis, que notre Ami le saint
vagabond a salué toutes les personnes qui l’ont reçu avec générosité chez eux, que
ce fut pour le couvert ou tout simplement pour passer la nuit.
Chers Amis de Suze la Rousse, bonjour et merci de votre chaleureux accueil. Je me
présente pour ceux et celles qui ne me connaissent pas encore, mon nom est Didier
Noël, l’ami du Père Raymond Martel que je représente ici même, aujourd’hui pour
les Amis de Saint Benoît Labre sur le Web.
Je suis très heureux d’être parmi vous, et ceci presque 237 ans après la visite de
mon illustre compatriote, un ch’ti du Pas-de-Calais (ce mot est bien à la mode en ce
moment). Dans ce village, où brille sous un ciel bleu, le soleil de la Drôme
provençale, il y a maintenant plusieurs semaines, dans un courriel envoyé du
Canada, le Père Raymond, m’écrivit « tu ne voyages pas en vain Didier, sur les chemins de
traverse avec Saint Benoît-Joseph Labre ».
En effet, il m’a demandé de me mettre en rapport avec une charmante dame
répondant au nom de Josette Vincent, qui désirait avoir des renseignements sur les
pérégrinations de Labre le mendiant dans les nombreuses villes du sud de la France
pour une exposition ayant pour thème « Chemins des Hommes, Chemins de Dieu ».
J’ai donc essayé de répondre à sa sollicitation avec les maigres éléments dont je
disposais et avec les courriels échangés au cours des semaines. J’ai décidé de rendre
honneur à tant de générosité et de volonté afin d’assister à l’exposition. C’est à sa
demande que je vous présente un peu plus en détail ce qui rassemble de nos jours
des gens d’horizons différents, qui de par le monde aujourd’hui, parcourent un
chemin vers eux-mêmes, dans une nouvelle forme de spiritualité. Avec l’outil
Internet, le site devient à cette occasion, petit à petit, un relais entre les Amis de ce
grand saint et un Prêtre.
Le Père Raymond Martel, il y a 10 ans, au début de l’année 2000, a mis en ligne sur
le Web un site au nom évocateur « les Amis de Saint Benoît Labre sur le Web ». Les
courriels qu’il recevait, lui ont permis de constater le nombre croissant d’Amis de
par le monde et surtout en France évidemment. Les Amis de saint Benoît Labre sur
le web ne sont qu'une infime partie des Amis de ce saint. Il y a les Amis qui se font
connaître, il y a ceux qui se rendent en pèlerinage, soit à Amettes, son village natal,
soit dans d'autres lieux fréquentés par Benoît. Il y a aussi la foule anonyme de ceux
pour qui ce saint est inspirant dans leur vie.
Le Père Raymond est arrivé très rapidement à la conclusion, avec beaucoup de joie
combien Benoît-Joseph continue de nos jours d’être le compagnon de route d’un
nombre important de nos contemporains.
D'ailleurs, si vous avez consulté les pages du site, vous pourrez vous en faire une
certaine idée. C’est avec un Ami prêtre comme lui, le Père Hilaire Dostie,
aujourd’hui décédé, qu’il a mis sur pied au diocèse d’Amos l’association des Amis
de Benoît Labre.
Le Père Raymond Martel, au sein des Amis et dans sa fonction de prêtre, nous
amène tous à partager et à nous interroger sur nos parcours de vie, tous différents
et uniques. Il montre à l’exemple de Benoît qu’il y a quelqu’un qui est là pour nous
parler, pour nous dire qui nous sommes.
Tout au long de notre existence, Dieu, au travers de ses Saints, nous propose son
amitié. En priant les uns pour les autres, nous entrons dans cette intimité qui a
conduit petit à petit Benoît-Joseph vers Dieu. Pour nous disciples du saint, l’amitié
est une réponse à l'amour de Dieu. Nous voyons et aimons Dieu à travers nos
prochains. Le charisme labrien nous apprend à aimer le pauvre sans haïr le riche,
avec un cœur tendre et fraternel envers le prochain, nous sommes les enfants de
Dieu, riches ou pauvres.
« Caritas », la charité, ce mot désigne à lui seul notre appartenance à cette chaîne
d’amitié, les Amis de Saint Benoît-Joseph Labre. C’est grâce à elle qu’il nous pousse
à simplement désirer le bien de l’autre, notre ami.
Le Père nous a si souvent écrit le fait que Saint Benoît Labre est une figure toujours
actuelle au sein de notre Église. Il continue de nos jours, à inspirer de nombreuses
personnes. Nous pouvons ainsi constater que, partout dans le monde, se trouvent
des Instituts de vie consacrée, des Œuvres caritatives, des Lieux de dévotion,
oratoires, paroisses, villages, etc. dédiés au saint Pèlerin.
Ainsi voit-on en France se créer des communautés religieuses de frères et de sœurs
de Saint Benoît Labre, et de nombreuses associations qui évaluent à 30 000 le
nombre de personnes qui visitent chaque année la maison natale du Saint.
Mais aussi aux États-Unis d’Amérique à Ashland dans le sud-est du Montana dans
une réserve indienne, il existe une école qui dispense l’éducation primaire et
secondaire aux Amérindiens Cheyenne et Crow du nord, et ce, sans distinction
d’allégeance religieuse : « L’école indienne Saint Benoît Labre ». (2)
Il existe en Italie l’Institut des Sœurs Oblates de Saint Benoît-Joseph Labre, en
Allemagne, à Munich, une famille spirituelle sous le vocable des Frères et Sœurs de
Saint-Benoît Labre, au Canada dans la région de la Beauce Appalaches (au diocèse
de Québec) la municipalité Saint Labre, au Canada toujours dans la région du
Manitoba, le village Saint Labre (au Diocèse de Saint Boniface) sans compter les
très nombreuses paroisses de par le monde, placées sous son vocable, etc., etc.
Devenir un Ami du Saint aujourd’hui ne demande que trois étapes : découvrir la vie
de Benoît-Joseph Labre à l’aide d’une de ses biographies, le faire connaître autour
de soi et prier pour ses amis. À la suite de cette lecture, répondre à la question
suivante : « En quoi la vie de Benoît Labre m’inspire-t-elle aujourd’hui dans ma vie
de baptisé ? ».
L’histoire de Benoît-Joseph est notre histoire à tous ses bien-aimés et Amis … Il
fut le véritable enfant de Dieu, le témoin de l’amour et l’apôtre de la charité. À sa
suite les Amis du Saint, ne demandent à leurs faiblesses que la simplicité du cœur,
jusqu’à ce que nous soyons devenus le chemin sur lequel l’amour miséricordieux
rayonnera sur le monde.
Le Saint Pèlerin
« Morì il vagabondo santo di Dio »
Rome, l'an 1783, mercredi saint 16 avril au moment où les églises entonnent le Salve
Regina, un mendiant de trente-cinq ans, dans l’arrière-boutique d’un boucher remet
son Âme à Dieu. À peine eut-il rendu le dernier soupir, qu'on entend retentir dans
toutes les places publiques de Rome ce cri : « Le Saint est mort. », « Il Santo è
mort ». Cet homme n’est autre que le pèlerin français Benoît-Joseph Labre.
Son corps, exposé pendant cinq jours, fut visité par le cortège immense de personnes
issues de tout milieu social.
Inhumé près du maître autel de l'église de Notre-Dame-des-Monts, son tombeau
deviendra l’un des pèlerinages les plus fréquentés de cette époque.
À Rome, ses miracles si nombreux sont la démonstration évidente de la sainteté du
vagabond de Dieu et en considérant les miracles opérés par son intercession, l'on est en
droit de conclure qu'il était conduit par l'Esprit saint.
Benoît-Joseph Labre dans sa vocation particulière, a prouvé que l'on peut dans toute
situation, observer, les chemins, les conseils, la générosité, du message d’amour de
l'Évangile.
Benoît-Joseph était le fils du cultivateur Jean-Baptiste Labre et d’Anne Barbe
Grandsire. Il naquit, le 26 mars 1748, à Amettes dans le Pas-de-Calais, paroisse de
l'ancien diocèse de Boulogne-sur-Mer, aujourd'hui faisant partie du diocèse d'Arras.
Il fut baptisé le lendemain de sa naissance par un de ses oncles paternels qui était
vicaire d’Amettes, et qui deviendrait un peu plus tard le brave curé de la paroisse
d’Érin. Il prit soin de son éducation.
Ses parents, remplis d’attention, lui ont enseigné de bonne heure la piété chrétienne
et le formèrent à la pratique du bien. Benoît-Joseph avait l'esprit et le jugement
solide, doté d’un caractère naturellement, vif, doux et souple ; aussi se montra-t-il
constamment docile à l’apprentissage dispensé par son père et sa mère. D’une
nature gaie et toujours souriante, il fut envoyé de bonne heure à l'école et placé
sous la direction d'un bon prêtre de sa paroisse d'Amettes. Le petit enfant montra
une grande ardeur pour l'étude et surtout pour celle de la religion. Ses belles
dispositions engagèrent ses parents, lorsqu'il eut atteint l'âge de douze ans, à le
confier à son oncle, François-Joseph Labre, curé d'Erin. C'était un prêtre rempli de
bonté et de générosité qui découvrit rapidement les inclinaisons de la grâce dans
son jeune neveu.
Avec lui il fit sa première communion et s’y prépara avec un soin extrême. Il fit une
confession générale et reçut l’Eucharistie avec une ferveur digne d’un ange. Ayant
accompli ce devoir de religion, il se livra de nouveau à l'étude avec la même ardeur.
Son oncle lui enseigna la langue latine et l'envoya à l'école de sa paroisse. La
sagesse, la modestie et le recueillement du jeune écolier lui ouvrirent l'estime de ses
petits camarades, qui le respectaient même plus que leur maître. C'est alors surtout
que commença cette vie de prière, de solitude et de détachement qui l’accompagna
jusqu'à la fin de ses jours. La lecture des sermons du révérend Père Lejeune, célèbre
prédicateur de la congrégation de l'Oratoire, connu sous le nom de Père aveugle, fit
sur son esprit une impression profonde.
À quinze ans, Benoît-Joseph résolut de se retirer à la Trappe et sollicita le
consentement de son oncle, ainsi que celui de ses parents. Le premier ne
désapprouva pas ce projet mais en laissa l’entière décision aux parents du jeune
enfant qui s'opposèrent de toute leur autorité à ce choix.
Benoît-Joseph, soumis à la volonté de ses parents, resta près de son oncle, le curé
d'Erin. Mais au bout de quelque temps une épidémie de peste, maladie très
contagieuse, se manifesta dans la paroisse, c’est alors qu’il montra pour le prochain
la plus grande charité. Cette maladie le priva bientôt de son oncle, ce bon pasteur,
qui après avoir employé ses revenus et son patrimoine au soulagement de ses
paroissiens, se sacrifia lui-même. En leur portant le secours de son ministère, il
contracta la maladie qui les affligeait et en mourut.
Benoît-Joseph ressentit vivement cette perte qui lui fournit un nouveau sujet de
réflexions sur l'instabilité des choses de la terre.
Revenu dans la maison paternelle à Amettes, il renouvela sa demande à ses parents,
afin d'obtenir la permission de partir pour la Trappe ; cette permission lui ayant été
accordée, il se mit en route pour cette abbaye.
« Nous sommes en 1766, Benoît-Joseph n’a pas encore seize ans ».
Son âge trop jeune le fit refuser et il fut forcé de revenir sur ses pas. Affligé de cette
contradiction, Benoît-Joseph alla chez M. Vincent, son oncle maternel et vicaire de
Conteville dans la région du Ternois, en qui il retrouva un nouveau guide. Il profita
des leçons et des exemples de son maître, avec les leçons de langue latine et il
continua ses études avec sérénité. Mais son attrait pour la vie religieuse continuait à
tarauder son esprit. Un jour, il fit chez les Chartreux des essais qui ne furent pas
heureux car il éprouva dans ce monastère des « peines intérieures très grandes » et
fut obligé d'en sortir.
De retour chez son oncle, il conserva les pratiques de mortification en usage dans
les maisons qu'il venait de quitter : ses jeûnes étaient rigoureux, le plancher lui
servait de lit, pendant le peu de temps qu'il dérobait à la prière pour le donner au
sommeil. Sa mère, qui l'aimait tendrement, s'aperçut de ses austérités, en fut
alarmée et lui fit de vifs reproches. Benoît-Joseph, sans être ému, lui répondit que
Dieu l'appelait à une vie austère et pénitente car il commençait à entrevoir son
existence dans les voies de Dieu. Benoît-Joseph fit, à l'âge de vingt-et-un ans, de
nouveaux efforts pour entrer à la Trappe, sans pouvoir réussir à s'y fixer ; de là il se
rendit à l'abbaye de Sept Fonts, maison rendue célèbre par la sévérité de la règle
qu'on y observait.
« Nous sommes le 6 octobre 1767, Benoît-Joseph a 19 ans »
Après huit mois de séjour, pendant lesquels il avait été admis au noviciat, sous le
nom de frère Urbain, il en sortit à nouveau. Sa santé, altérée par une maladie grave,
détermina ses supérieurs à le renvoyer avec un certificat honorable, puisqu’il s'y
était toujours bien comporté. Son départ de Sept Fonts marque un tournant décisif
dans son existence, il ne reviendra pas sur ses pas cette fois. Benoît-Joseph quitte
définitivement le domicile de ses parents.
« Nous sommes en 1770, Benoît-Joseph a 21 ans ».
Il prend alors le chemin de l'Italie ; songeant alors à entrer dans quelque maison
religieuse de ce pays.
La Providence avait sur lui d'autres desseins et le destinait à un chemin de vie
extraordinaire. Après être passé en Italie, il n’a pas cherché à se fixer dans des
monastères ; au contraire, il se rendit à Rome en passant par la sainte maison de
Lorette et par Assise, vivant comme un pauvre pèlerin. Dans ses voyages, il
marchait le plus souvent nu-pieds en hiver comme en été, vêtu d'une redingote qui
tombait presque en lambeaux, sans compagnon de voyage, pour n'être pas distrait,
et sans provisions pour le lendemain. Il vivait d’aumônes mais ne mendiait point,
ne gardait rien au-delà du strict nécessaire et partageait avec les autres pauvres ce
qu'on lui donnait par charité. Son air de douceur et sa piété, malgré son extérieur
misérable, suscitaient l'intérêt. Mais s'il s'apercevait qu'il était remarqué, il changeait
de route ou de séjour. Arrivé dans la capitale du monde chrétien, il y demeura neuf
mois, visita les lieux propres à satisfaire sa dévotion, puis il en partit pour aller à
Fabriano vénérer les reliques de saint Romuald, fondateur des Camaldules. Les
habitants, frappés par sa piété, le regardèrent comme un sage, et Benoît-Joseph se
hâta de partir afin de se dérober aux témoignages de vénération qu'il recevait de
toutes parts.
Pendant les années qui suivirent, Benoît-Joseph fit divers pèlerinages, (C’est l’époque
des grands pèlerinages) afin d'avoir, par ce genre de vie, la liberté de s'imposer toutes
les austérités que sa piété lui suggérait. II visita, dans l'intention de se sanctifier, les
principaux lieux de dévotion célèbres en France : le calvaire du Mont Valérien à
Mortagne-au-Perche dans la région de Basse-Normandie, où il laissera un brûlant
souvenir de son séjour, à Moulins au cœur du Bourbonnais dans la région de
l’Allier où il resta plusieurs mois en cette ville, à Paray-le-Monial, puis à Dardilly, où
Pierre Vianney, le grand-père de Jean-Marie Vianney (le futur curé d’Ars), lui offrit
l’hospitalité. En Provence et dans diverses villes du sud de la France, SaintBertrand-de-Comminges, Suze-la-Rousse, Rians, Beaurecueil etc. ; et ceci même
dans des lieux très éloignés. Il visita deux fois la célèbre église de Notre-Dame des
Ermites à Einsiedeln, en Suisse à Fribourg en 1775 et 1776, et une partie de
l'Allemagne et ses lieux de dévotion les plus fameux, le tombeau de saint Nicolas, à
Bari, et le mont Gargan. Trois mois après son retour à Rome, il visita pour la
seconde fois Notre-Dame de Lorette, qu'il affectionnait beaucoup, car il avait une
dévotion particulière à la Vierge ; de là, il parcourut le royaume de Naples, revint à
Rome, retourna à Lorette, dont il édifiait les prêtres même par sa ferveur : lorsqu'il
priait dans les églises, il était d'une telle immobilité, qu'on l'eût cru sans mouvement
et sans vie. Il visita la Toscane en 1773 ; en 1774, il assista aux fêtes de Pâques à
Rome et en décembre, il était, de nouveau en France.
Mais le jubilé de 1775, dont l’ouverture solennelle fut présidée et conduite par le
nouveau Pontife Pie VI, le rappela à Rome. L'année suivante, il entreprit, au cœur
même de l'hiver, un troisième voyage en Suisse et en Allemagne, d'où il ne revint
après avoir pérégriné une dernière fois en France, que vers la fin de l'automne.
« Nous sommes en 1776, Benoît-Joseph a 28 ans »
Benoît-Joseph, après ses six années, satisfait de ses longs pèlerinages, tomba
malade, épuisé de fatigue par une vie d’ascèse difficile.
Il décida de se fixer à Rome, d'y finir ses jours, et n'en sortit plus que pour aller une
fois l'an à Lorette. Son unique occupation était de prier dans les églises des journées
entières, à genoux ou debout, jusqu’au soir, puis il se retirait dans les ruines du
Colisée.
Cet endroit lui convenait, parce qu'il se trouvait à proximité des stations de la
passion de Jésus-Christ, établies dans cet amphithéâtre, et qu'il visitait
fréquemment, mais sa santé déclinante avait eu raison de ses dernières forces. Il dut
se résigner à prendre un lit dans l'hôpital évangélique, où il demeura jusqu'à sa
mort. Rome devait être le terme de ses voyages.
Dans un de ses passages à Lorette, l'administrateur de l'hôpital où il avait trouvé
refuge, lui donna une lettre pour une religieuse de Sainte Claire à Montelupone.
Cette religieuse, informée de la sainteté du pauvre voyageur, en instruisit ses
compagnes, qui vinrent toutes se recommander à ses prières ; c'en fut assez pour
éloigner Benoît-Joseph du couvent. « J'ai, dit-il, à son retour à l'administrateur,
remis votre lettre à la religieuse mais je me suis bien gardé de la revoir pour vous
apporter la réponse. » — Pourquoi donc ? Lui demanda celui-ci. — « Parce que ces
religieuses s'imaginent que je suis saint homme, ce que je ne suis pas ».
« En conséquence j'ai pris le parti de ne plus les voir. » Passant un jour sur une
place de Rome, il vit un groupe de jeunes gens qui s'amusaient d'une manière
indécente. « Mes enfants, leur dit-il, ce n'est pas pour cela que Dieu vous a créés et
vous fait vivre sur terre. » Pour toute réponse, les jeunes le couvrent d'injures et le
chassent avec des pierres.
Un homme de bien voulut le défendre mais Benoît-Joseph l'en empêcha, en lui
disant avec douceur : « Laissez-les faire ; si vous saviez qui je suis, vous vous
joindriez à eux. » Sa patience était inaltérable : le saint homme supporta ce mauvais
traitement avec un détachement total.
Plus Benoît-Joseph approchait de son terme, plus sa ferveur augmentait. On le
voyait, pendant son oraison, le visage enflammé comme on représente les
séraphins. Malgré le soin qu'il prenait de se cacher aux hommes, il devenait l'objet
de l'attention publique et on le vénérait comme un Saint. Sa vie était une prière
continuelle qu'il n'interrompait que pour exercer des œuvres de miséricorde ou
prendre quelques heures de repos. Il avait choisi pour confesseur, en juin 1782,
l'abbé Marconi, lecteur du Collège Romain. Celui-ci fut bientôt frappé des lumières
de son pénitent et des grâces extraordinaires dont Dieu le favorisait. Il découvrit sa
profondeur d’âme et la connaissance qu’il avait de Dieu. Il lui demanda s’il avait
étudié la théologie : « Mon père, lui répondit Benoît-Joseph avec humilité, je ne suis
qu'un pauvre ignorant. ».
Enfin arriva le moment ultime de sa vie terrestre. Benoît-Joseph était resté toute la
matinée à Notre-Dame des Monts. En sortant, il tombe évanoui sur les marches de
l'église : on lui porte secours, il est recueilli dans une maison voisine, celle du
boucher Zacarelli. D'abord on crut que ce n'était qu'un léger accident occasionné
par le besoin de prendre de la nourriture, mais on reconnut bientôt, que son état
était bien plus grave. Les religieux de la congrégation de la Pénitence de Jésus de
Nazareth, qu'on avait avertis de l'état du malade, vinrent l'assister jusqu'à son
dernier moment. L'Extrême-onction lui fut administrée, et vers neuf heures du soir,
il rendit l'âme sans aucune espèce d'agonie.
« Il Santo è morto. »
On compte plus de cinquante villes où des guérisons subites ont été opérées par
son intercession et constatées d'une manière authentique. Ces prodiges parurent si
certains à un ministre anglican appelé John Thayer (3), qu'il se convertit à la foi
catholique.
L'on commença sans délai à instruire le procès de canonisation de Labre. Dès
l'année 1783, la congrégation des Rites lui décerna le titre de vénérable. Son nom et
ses vertus furent bientôt connus en France. Monseigneur de Pressy, évêque de
Boulogne-sur-Mer au diocèse où il était né, publia pour l’occasion, le 3 Juillet 1783,
une lettre très évocatrice, de la sainteté de Benoît-Joseph Labre.
« Quoique son extérieur repoussant, dit le prélat, il parut aux yeux de la chair n'avoir rien que de
rebutant et d’affreux, cependant ». Son insigne piété, son humilité profonde, son amour aussi
grand pour la pauvreté que généreux pour les pauvres, avec qui il partageait les aumônes qu'il
avait reçues sans les avoir demandées, lui avaient attiré l'estime, la bienveillance et la vénération de
tous les vrais appréciateurs de ses excellentes vertus, surtout de sa continuelle application à la
prière, dont l'assiduité, que vous, ô faux sages de notre siècle ! Cherchez tant à décrier, à déprimer,
à détruire, comme n'étant que le vil partage des personnes inutiles à la société, ne peut toutefois être
trop louée, trop exaltée, trop protégée. Puisque, selon un oracle divin, la prière du juste a beaucoup
de puissance « multum valet deprecatio justi assidua » (4), auquel les discours artificieux de la
sagesse humaine n'opposent que des raffinements vains et illusoires, elle a beaucoup de pouvoir
auprès du souverain Maître des temps, des cœurs et des événements. »
Le Vagabond de Dieu sera béatifié en 1860 devant 40 000 personnes par le pape
Pie IX et canonisé le 8 décembre 1881 par le pape Léon XIII.
Aujourd’hui l’aventure continue … L’attrait de sa vie anime encore le cœur de
millions de chrétiens, et les valeurs de charité, de recherche de Dieu dans l’amour et
la solidarité qu’il nous enseigne restent d’actualité. Saurons-nous rester dignes de
son message en nous mettant en route pour bâtir un monde d’amour et de Paix ?
Didier NOËL
Suze la Rousse, le 13 juin 2010. Didier NOËL
L’EXPOSITION EN IMAGES
Didier NOËL et Josette VINCENT
« Devant le Garlaban, l’ancien relais de poste de Suze la Rousse »
Françoise PRADELLE
Didier NOËL
Josette VINCENT
Le Père Pierre LAURENT
Les Sites de Provence visités par le Saint
Didier NOËL et Josette VINCENT
Le Patchwork de l’exposition
« Les rencontres humaines sur le chemin du Christ »
La statue du Saint à Avignon
Notre Dame de bon Secours
La grand’rue de Suze
De gauche à droite : Nicole, Françoise, Christiane, le Père
Pierre Laurent, Didier et Josette Vincent.
« Le repas partagé dans l’amitié le soir à la Cure »
Récit du Passage de
Saint Benoît-Joseph Labre
à Suze la Rousse en 1772
La Quête du Juste
« Sequela Christi »
Trop souvent nous avons tendance à croire que la quête de Dieu est hors de notre
portée, qu’elle est exclusivement réservée à des êtres exceptionnels et que seuls les
Saints ou des êtres à part, peuvent entrevoir cette recherche mystérieuse.
Je vais vous parler d’un d’homme, frêle et chétif, dont le cœur dévoré d’un feu
ardent n’a vécu que pour cette quête, un homme comme vous et moi, au chemin de
vie, déroutant et difficile. Il ne fut ni prêtre ni religieux, mais souhaitant ardemment
le devenir, sans toutefois y parvenir, il sut mettre ses échecs au service de son idéal
de vie. C’est au cœur d’une famille profondément croyante, attachée aux grandes
valeurs humaines, intransigeante sur le comportement et la foi qu’il va grandir,
avant de la quitter, le 12 août 1769, à l’âge de 21 ans. Il ne revint jamais plus en
Artois après cette date.
« Si quelqu’un vient à moi, sans me préférer à son père, à sa mère, à sa
femme, à ses enfants, à ses frères et à ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne
peut être mon disciple ».
Cet homme, c’est Benoît-Joseph Labre le pèlerin itinérant, bien évidemment loin de
moi de traduire et de réécrire sa biographie car d'autres l'ont fait mieux que moi.
Non, je voudrais vous montrer une partie des étapes, trop méconnues qu’il a
parcourues dans son incessant pèlerinage, et qui se situe, dans diverses localités du
sud de la France.
Là j'ai découvert beaucoup de « choses », animé par passion d’un travail souvent
long et laborieux, dans des archives ou dans les traditions orales parfois très
romancées que je rencontre au hasard de mes pérégrinations, qui visent avant tout à
mettre en valeur la lumière et la foi qui émanent de cet homme de Dieu. Mais je le
dois aussi aux personnes rencontrées ces derniers temps, qui m’ont permis, par leur
générosité et leur gentillesse, d’accéder à davantage de renseignements sur cette
période de vie du Saint homme. Il suffit parfois de trois mots simples dits au hasard
d'une rencontre fortuite, pour commencer le récit touchant de ses péripéties.
« Les familles, qui donnèrent au Saint Pèlerin l’hospitalité, eurent bien des
faveurs à son intercession ».
L’histoire commence en 1772, à Viviers, où nous trouvons Benoît-Joseph qui a
franchi le Gard et se trouve de passage dans cette ville ardéchoise à la frontière du
département de la Drôme et distante d’une vingtaine de lieues de Suze la Rousse. Il
fut généreusement reçu au château, par l’aïeul de la famille Lafarge, dont l’activité
familiale exploite une carrière de pierres utilisées dans la fabrication de la chaux
dans la montagne Saint-Victor dominant le Rhône entre Le Teil et Viviers. Reçu un
temps dans la propriété, il prit congé de ses hôtes en annonçant au maître de
maison cette parole prophétique : « Cette montagne vous apportera grande richesse ».
Quelques années plus tard, cette entreprise devint la célèbre cimenterie Lafarge.
À viviers se dresse encore de nos jours, le long du Rhône, l’ancienne cité ouvrière
des usines Lafarge, la cité Blanche, témoin de la prospérité apportée à la région par
les entreprises Lafarge.
En préférant les routes de campagne, Benoît-Joseph après avoir quitté Le Teil, fait
route vers Pierrelatte, ville où il résida quelque temps, hébergé au domaine de
Beauplan où l'a reçu la famille d'Allard qui conserva dévotement tout ce qui lui
avait servi.
La rencontre du Prêtre et du Pèlerin
Il a sans doute suivi la route qui longeait le Rhône. Cette route relie Saint-PaulTrois-Châteaux, la cité la plus importante des villes du Tricastin à l’époque, à celle
de Suze la Rousse. Lovée au pied de l’imposant château du XIIe siècle, et entourée
par d’imposants remparts (« bari »), l’énorme masse de pierres, visible de tout le
village et des alentours, accueille ce visiteur venu du pays d’Artois.
Après avoir franchi le Lez à l’entrée de la porte
Nord de la cité, il aura très certainement
emprunté la ruelle étroite et tortueuse de la
« grand’rue », qui bordée de maisons aux façades
obliques conduit à la vieille église paroissiale et à
la chapelle Saint-Sébastien. Benoît-Joseph, après
avoir parcouru vingt lieues sous un soleil ardent,
étanche sa soif à la fontaine qui sert d’abreuvoir à
l’antique relais de poste situé à quelques mètres
de la « Casa Dei ». La porte de l’église est ouverte,
il se met debout comme à son habitude à l’abri
des regards, près d’un pilier, puis s'agenouille et
dit quelques prières que nous n'entendons pas.
« Conduis-moi dans ta vérité, et instruis-moi car tu es le Dieu de mon salut,
Tu es toujours mon espérance ».
La cloche sonne. Depuis toujours ses sonorités
rythment la vie de la cité. C'est l'heure
accoutumée qui marque la fin de la journée. À
l’appel de Dieu, les villageois se rassemblent
autour de l’autel pour y célébrer l’office des
vêpres.
Au pied de la sainte table, le prêtre, en levant les
mains, accueille ses paroissiens « Dominus
Vobiscum ». Benoît-Joseph, uni dans la prière de
l’assemblée, adresse cette réponse de
reconnaissance et d'amour «Et cum spiritu tuo » …
Le curé et ses paroissiens ont aperçu cet étranger au village et tous l’observent de
loin, fascinés par les ruines de son étrange accoutrement, plongé dans un
recueillement profond et angélique....
Intrigué, le curé, vers la fin de l’office, se décide toutefois à aborder l’étrange
pèlerin : ce prêtre est le Père Jean de Sérane, il vit dans la « grand’rue », à la
naissance de laquelle s’ouvre l’église. Ses traits de piété et de générosité sont très
connus dans la région. Le Père Jean enseigne le catéchisme aux enfants du village et
passe pour un saint homme aux yeux des villageois qui l’ont, avec beaucoup
d’affection, surnommé « L’Ami des Pauvres ». Il est l’image du bon pasteur,
bienveillant ami des familles et protecteur des plus démunis. Il enseigne dans la
paroisse par ses talents de prédicateur et d’érudit, membre de la Compagnie de
Jésus et vicaire de Suze-la-Rousse. Jean est né à Perpignan le 9 Avril 1712 et c’est
lui qui, à la fin de cette journée de 1772, accueillit le saint vagabond et passa avec lui
toute la nuit en prières à ses côtés dans l’église.
Le presbytère du bon Prêtre était très petit et il
ne put donner l’hospitalité à Benoît-Joseph mais
le confia à une pieuse famille qui sut l’accueillir
comme il se devait ». Au début, Benoît-Joseph a
réagi
comme
toujours,
en
déclinant
humblement l’invitation mais ne sut résister à
l’insistance du Prêtre, percevant sans doute
l’ampleur du don auquel le Seigneur destinait le
bon curé de Suze.
La famille de Pierre Rouget, sur les indications
du Père Jean, accepta d’offrir le gîte à ce vagabond pèlerin « Loués soient Jésus et
Marie » leur dit-il en entrant.
« Tandis que le juste ne cesse de marcher par le droit chemin, Isaïe 26-7».
Quelques jours plus tard, à la porte nord de la cité, Benoît-Joseph prie de nouveau
avec beaucoup de ferveur devant l’oratoire de la vierge de Bon Secours, sainte
patronne et protectrice du lieu.
Et il reprend sa route, « ailleurs » emportant dans son cœur et sa prière, le souvenir
heureux des moments partagés avec le Révérend Père Jean de Sérane.
Onze années après sa rencontre avec le vagabond de Dieu « L’ami des pauvres », qui
se distingua par la sainteté de sa vie, finit par succomber à la fatigue d’une vie de
charité et décéda à Toulouse le 17 Avril 1784 (5) dans sa 72ème année ; le
Parlement ordonna que le « Père Jésuite » soit inhumé solennellement à Toulouse,
dans l'église de Nazareth. Nul doute que l'esprit de charité qui habitait ce saint
prêtre, aura contribué à éclairer la route et le cœur de Benoît-Joseph Labre …
Benoît-Joseph me rappelle la générosité de l’amour de Dieu, qui devance toujours
sur le chemin, le Pèlerin de la foi ici-bas. Avec lui je découvre que Dieu ne se
trouve pas au terme du voyage, mais avec moi en voyage. Malgré mes faiblesses, je
trouve la force de toujours me relever en m’abandonnant entre ses mains. En
suivant les traces par les chemins de traverse du vagabond de Dieu, je découvre la
beauté qui illumine la quête de ce juste, disciple du Christ. En lui se trouve toute la
conception de Dieu et de l’être humain. En le découvrant au jour le jour, j’aperçois
la présence du Divin à ses côtés, qui le guide par son esprit pour vivre de
générosité, de tendresse et d’amour.
Son imitation du Christ, il la pousse jusqu'à devenir l’image même des souffrances
du crucifié. Saisi par l’amour, il offre avec ses hardes et sa pauvreté toute sa vie,
dans un abandon total, en renonçant à toute volonté de maîtriser quoi que ce soit
sur le chemin où cela le conduira. À travers lui, il donne la possibilité à ceux qui
comme moi le rencontrent dans les pèlerinages, d’entrevoir ce qui demeure en lui.
Le vent souffle où il veut ; tu l'entends, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va.
(Jean 3.8)
Quand je réfléchis sur le devenir de l’église et de la société aujourd’hui, j’ai
conscience, que moi-même et nous tous Amis de Saint Benoît-Joseph Labre
sommes une toute petite pierre reliée aux uns et aux autres.
Une pierre bien petite au regard de nos problèmes de surconsommation
grandissants. Le politique incapable par l’économie mondiale d’assumer l’avenir de
nos sociétés, commence à vivre dans la peur du lendemain, cette peur surexploitée
par l’image du média, ne fait qu’accentuer par mimétisme la panique de ce monde.
Devant cette peur, l’église elle-même se trouve éclaboussée par les relents
médiatiques de faits divers mis en exergue avec l’intention délibérée et désolante de
mettre le monde Chrétien en situation de doute. En exploitant la peur, en
exploitant le scandale, le média veut masquer la lumière par un voile d’obscurité et
contribue à organiser le mal qui ronge notre société.
Cette peur de la liberté fait que l’on ne voit même plus la nécessité d’écouter et de
voir la beauté du monde et le positif des bonnes œuvres qui nous entourent.
Et pourtant, l’œuvre de Dieu ne fait aucun bruit mais elle agit, au plus profond de
notre âme, avec la certitude d’avancer positivement vers un monde basé sur
l’amour, la vérité et la paix. Les Amis de Saint Benoît-Joseph Labre ne représentent
qu’une petite pierre à la mesure du plus petit de tous les pèlerins, leur saint Patron,
qui s’oublia lui-même et s’appliqua uniquement à plaire à Dieu.
« Quanto piacia a Dio il servizio del povero fedele, che serve per amor senza rispetto di
premio »(6), toutes les actions du saint vagabond nous aident à avancer dans la vraie
liberté des enfants de Dieu. Sa présence sur le chemin nous attire vers le Christ et
fait grandir en nous le désir d’être les pèlerins de l’absolu de l’amour. Il laisse
découvrir en nous la joie de vivre de l’esprit-saint.
« I poveri di Gesù Cristo è vivo » oui il est bien vivant le pauvre de Jésus-Christ, et
la petite pierre d’aujourd’hui commence à grandir et à porter ses fruits. Les Amis de
saint Benoît-Joseph Labre sont à l’œuvre aux côtés de l’église comme témoins du
Christ ressuscité par la « Sequela Christi ». L’église de demain conduira les nouvelles
générations vers un monde de paix et d’amour …
Didier Noël
Notre Dame de Bon Secours
« Post partum, Virgo, inviolata permansisti.
Dei genitrix, intercede pro nobis »
Notre Dame de Bon Secours, madone vénérée, est restée aujourd’hui à Suze la
Rousse, bien qu’elle fut déplacée de la porte nord de la cité, dans une niche située
sur la façade d’une maison de la grand’rue. Elle reste la gardienne particulière et
délicate qui veille sur ses villageois, ses visiteurs et ses pèlerins….
En enfant de Dieu, je suis venu à ta
rencontre, Marie, ma première prière a été
le silence, ce fut là, la manière
respectueuse de m’approcher de toi.
Puis tu as parlé à mon cœur, et j’ai souri,
Marie, au mystère de ta volonté sur ma
voie de liberté, lieu de rencontre entre toi
et moi, qui m’a conduit des ténèbres à la
lumière,
De la tristesse à la joie,
De ce monde à l’espérance du ciel.
Ce que tu m’as appris dans ta lumière,
Marie,
Je le transmettrai dans l’amour, et en
témoignerai à mes frères
Amen
Benoît-Joseph,
Mon véritable Ami,
Qui ne cesse d’aimer,
À demeurer près de toi tout au long du jour,
J’ai reçu la force de l’amitié
À demeurer près de toi tout au long de la nuit,
Ta quête m’a accueilli,
Donne-moi d’accomplir la volonté de celui qui t’a envoyé ;
Aujourd’hui et tous les jours de ma vie.
Amen
Didier NOËL, le 11 Juillet 2010
Notre-Dame de Bon Secours
(Cette jolie prière à Marie, écrite par Josette Vincent)
On a brisé l’enfant qu’elle tient entre ses bras,
Elle regarde le ciel, en prière, inquiète.
Lui sera-t-il rendu ? Le ciel ne répond pas,
Et Marie, éperdue de douleur, est muette.
Qui a cassé l’enfant ? Quelles mains assassines
Ont, avec des cailloux, osé le mutiler ?
Drapée dans ses longs voiles aux plis de mousseline,
Marie attend un fils au corps remodelé.
Depuis des siècles elle a, en sa niche de pierres,
Accueilli villageois et pauvres pèlerins
Venus lui murmurer leurs désirs, leurs prières
La chargeant du fardeau de leurs nombreux chagrins
Combien d’âmes, aujourd’hui, se tournent encore vers elle,
Cette mère éternelle, dame de bon secours ?
À ses pieds, pas de fleurs, une simple chandelle
Jamais de jolies fleurs, témoignages d’amour.
Il suffirait qu’un jour un homme secourable
Puisse faire un visage à cet enfant Jésus...
Alors Marie émue, comme elle fit dans l’étable,
Sourirait à ce fils qu’on lui aurait rendu.
Josette Vincent , 2002
Récit du Passage de
Saint Benoît-Joseph Labre
en diverses villes de Provence
Valréas
« C’est un Saint, il passe au travers des murs »
En arrivant dans la ville de Valréas, notre saint Vagabond logea un temps dans une
espèce de remise près d’une modeste maison (aujourd’hui détruite) située près de la
place Pie, non loin de l’église paroissiale. L’emplacement autrefois était occupé par
le cimetière de Valréas. À la fin de la journée, Benoît-Joseph, à son habitude,
prenait quelques moments de repos. Quand il était rentré, le propriétaire de la
maison fermait par précaution la porte à clef pour la nuit. Mais, nous dit la légende,
plus d’une fois le matin, la porte encore fermée à clef, il retrouvait à genoux au pied
de la croix du cimetière, le Saint Pèlerin.
Avec les photographies ci-contre, je vous laisse découvrir le charme de la ville de
Valréas :
Une jolie maison de Valréas près de la croix de la place Pie
La place Pie et l’Ancienne Croix du Cimetière de Valréas où a prié le Saint Pèlerin
L’église Notre-Dame de Nazareth et la place Pie, lieu de l’ancien cimetière de
Valréas
Entrée de la ville de Valréas
La vieille cité de Valréas
Deux biens curieux pèlerins devant l’Eglise Notre-Dame de Nazareth
Valréas, la magnifique église Notre-Dame de Nazareth du XIe et XIIe siècles
Une prière pour vous tous, Amis de Saint Benoît-Joseph Labre
La chaleur des villes du sud donne soif
Quelques instants de repos assis près de la croix de la place Pie
Différentes vues des rues de la ville de Valréas
Une ville où il fait bon vivre, ici la rue de l’échelle
La place Pie et la croix de l’ancien cimetière
Aix-en-Provence
Benoît-Joseph Labre a passé et séjourné à
Aix-en-Provence, dans le courant des sept
années de sa vie errante, de 1770 à 1777.
Dans les villes voisines, Benoît-Joseph fit de
nombreuses haltes. Les habitants avaient
adopté ce pauvre Pèlerin, qui passait de
longues heures en prières dans les églises et
institutions de la ville. Il ne mendiait pas et
attendait la plupart du temps qu’on lui fit
l’aumône d’un peu de nourriture, et lui de
s’empresser de la partager généreusement
avec d’autres pauvres.
Il est probable que le bienheureux ait accepté
à son arrivée, l'hospitalité bienveillante des
illustres chevaliers de Malte. Chaque matin, il
assistait à la messe dans l'église de Saint-Jeande-Malte, montait ensuite dans les combles,
où il s'était fait un petit pied-à-terre, et se rendait en ville, puis allait, mendier son
pain, et exercer ses œuvres de miséricorde partout où il croyait entendre la voix de
Dieu.
Ensuite, soit pour satisfaire ses goûts pour
la solitude, soit pour se dérober aux regards
des personnes qui se prenaient de
vénération pour lui, il chercha un asile dans
une retraite isolé. Les dépendances de la
basilique n'étaient plus une retraite assez
sûre ; chaque soir, il se réfugiait au loin dans
les champs dans les environs d’Aix-enProvence.
En étudiant les détails des passages
nombreux du saint en Provence, le Père
Barthélemy affirme qu'il a dû traverser les
murs de la cité, au moins cinq fois, parce
que la route d'Italie y avait son point de
départ.
Il nous donne cet ordre à ces passages
divers :
1) En se rendant à Rome pour la première fois, au sortir de l'abbaye de Sept-Fonts,
le 01 juillet 1770.
2) À son départ pour l'Espagne, en 1772.
3) À son retour, en 1773.
4) Dans les années 1774, 1775 et 1776, pendant lesquelles il visita les plus célèbres
sanctuaires de l'Italie septentrionale, de la Suisse, de l'Allemagne et de la France.
5) À son retour définitif en Italie, vers 1777.
Après un examen sérieux et des recherches consciencieuses, nous sommes inclinés
à fixer son séjour à Aix-en-Provence, à des intervalles différents, pendant les trois
années qui suivirent son retour d'Espagne, en 1773. Car, un des historiens
s'exprime ainsi : « À son retour de Compostelle, notre angélique voyageur se dirigea
vers Rome en traversant le Languedoc et la Provence. Les villes de Lunel,
Montpellier, Aix et Marseille conservent encore des traces de ses pas ».
Dans le remarquable travail de Monsieur l’Abbé Desnoyers, nous lisons : « 1773, sa
rentrée en France ; passé par Lunel et Montagnac, par Aix et Marseille, par Nice et
par Lucques ... Les traditions de ce passage qui subsiste sur toute la ligne, longeant
la Méditerranée, sont probablement liées au retour d'Espagne du Saint
Église Saint Jean de Malte
Le Prieuré des Hospitaliers de Saint Jean, devenu depuis 1838
le musée Granet
C’est un Saint, il prédit l’avenir
« C’est un Saint, il prédit l’avenir » disaient de lui les Aixois. Un jour voulant sortir
d’Aix et se diriger vers Meyreuil, prenant la rue du Mouton, il rencontra de jeunes
personnes sur le seuil d’une des maisons. (Propos du Père Barthélemy) « Mlle Félicité
Reymond, jeune et charmante modiste, qui se trouvait en compagnie de M. l'avocat
Pastorel, son fiancé, et causait avec lui ; quand tout à coup elle voit venir par la rue
voisine le bienheureux Labre, revêtu de son misérable habit de mendiant et brillant,
comme toujours, par le désordre de sa tenue. À son approche, Mlle Reymond, avec
un pieux empressement, mit la main à la poche. Pendant qu'elle cherche une pièce
de monnaie, le serviteur de Dieu s'arrête et regardant Mlle Reymond : « Jeune fille »,
lui dit-il, « je prierai bien le Bon Dieu pour vous ». « Il a des vues sur vous ». « Vous irez à
Rome ». « Je n'y serai plus ». « Vous reviendrez à Aix-en-Provence, votre pays, et vous y fonderez
une maison religieuse ». Cela dit, le saint ayant reçu l'aumône, reprit sa marche, laissant
la jeune modiste profondément impressionnée de l'accent particulier avec lequel ces
paroles avaient été prononcées. Quelques années après, Mlle Félicité Reymond
prenait le voile. Lors de son émigration en période révolutionnaire et pendant la
Terreur, elle alla à Rome et eut la consolation de s'agenouiller près du tombeau du
bienheureux, devenu illustre par des miracles nombreux et éclatants. Lorsqu'elle eut
rétabli le couvent des Sœurs du Saint-Sacrement à Aix en 1804 (Le sanctuaire Notre
Dame de la Seds), Mlle Reymond, devenue Sœur Saint-Augustin Reymond répétait
souvent avec une grande affection de cœur : « C’est au bienheureux Labre que je dois ma
précieuse vocation ».
Mlle Félicité Reymond était née le 14 février 1731 ; elle mourut le 22 juin 1826, à
l'âge de soixante-quinze ans.
La rencontre avec Benoît-Joseph Labre, eut lieu en 1773, aux abords de la rue du
Mouton. Mlle Félicité Reymond avait vingt-deux ans, Benoît-Joseph vingt-cinq. La
tradition de cette vocation a été conservée parmi les dames religieuses du
monastère de Notre-Dame de la Seds. Elle nous a été attestée par une des dernières
supérieures, la sœur Sainte-Scholastique, morte en odeur de sainteté en 1881. Elle
avait vécu avec la vénérable fondatrice ».
À Aix, la fréquentation du couvent des Carmélites, puis plus tard maison des RR.
PP. Oblats de Marie, en haut du Cours Mirabeau, donnait lieu à son invocation et à
un grand miracle. Les habitants de cette place avaient vu souvent Benoît-Joseph
Labre à la porte, attendant la distribution de la soupe. Ils avaient admiré comme
tant d'autres les vertus du pauvre pèlerin et, sous de sales haillons, l'auréole de la
sainteté.
C'était le 1er août de l'année de sa mort, 1783.
La jeune fille d'un marchand de verres, habitant une des premières maisons de la
rue du Louvre, était dans un état désespéré. Les parents désolés avaient demandé
une neuvaine de prières aux pieuses religieuses leurs voisines, en l'honneur de saint
Labre, leur hôte d'autrefois, et dont le tombeau était si glorieux. Le médecin venait
de déclarer que c'en était fait de la malade. Ce jour-là la neuvaine finissait. Tout à
coup, la jeune fille, obéissant à un mouvement instantané et involontaire, s'écrie :
Ma mère ! Le saint Labre des Carmélites vient de me dire : « Peleite », c'est-à-dire
petite fille, lève-toi, tu es guérie. En effet, la jeune fille se leva ; elle était guérie. La
miraculée devint plus tard mère. Elle reconnaissait qu'elle devait son bonheur
d'avoir donné le jour à un saint prêtre à la protection de saint Benoît-Joseph Labre.
Ce prêtre, l’Abbé Dol, longtemps curé de la paroisse des Milles à Aix-en-Provence,
située à l’angle de la rue Frédéric Mistral, y est mort en odeur de sainteté en 1856.
Il nous est raconté que la jeune J.-A., âgée de cinq à six ans, appartenant à une très
honorable famille de la ville, dépérissait à vue d'œil. Elle était malade depuis plus de
cinq mois. Une irritation intestinale et forte anémie, résistait aux traitements d'un
médecin distingué. S'il combattait l'irritation, l'anémie prévalait ; s'il luttait contre
l'anémie, l'irritation prenait le dessus. Cette complication irrémédiable laissait
entrevoir un dénouement fatal.
Une consultation ne donna aucune espérance. La jeune malade, d'une intelligence
très précoce, ne se faisait pas illusion. Elle disait mélancoliquement avec le langage
candide des enfants : « Grand maman, on fera un grand trou et on nous mettra maman, toi et
moi, et nous serons toutes les trois ». La pauvre enfant n'a pas connu sa maman ; elle est
morte en lui donnant le jour.
En présence de cette perspective désolante, il fut suggéré à la famille si affligée de
s'adresser à saint Benoît-Joseph Labre. La proposition est acceptée avec joie, même
par l'orpheline. On commença la neuvaine. La précieuse relique du serviteur de
Dieu fut apportée et appendue au chevet du petit lit de la malade. Chaque jour elle
leva ses innocentes mains vers le reliquaire et adressa sa courte prière au saint.
D'autre part, les parents firent la neuvaine avec ferveur. Une messe fut célébrée le
dernier jour à l'autel de saint Benoît-Joseph Labre, dans l'église de Saint-Jean-deMalte. Vers le milieu de la journée, tout à coup l'enfant se leva, courut à l'extrémité
opposée de l'appartement, en s'écriant : « Saint Benoît-Joseph Labre m'a guérie. » Depuis
l'enfant a recouvré son appétit : elle va de mieux en mieux et on peut la dire guérie.
Une messe d'action de grâces a été célébrée à l’église Saint-Jean-de-Malte à l’autel
du saint protecteur. Un ex-voto magnifique a été placé à côté de la statue, portant
cette inscription : « Reconnaissance à saint Labre pour une guérison obtenue, J. A., janvier
1885 ». Il a fallu rendre la relique. Larmes et pleurs de l'enfant, qui ne l'a cédée
qu'en recevant une belle photographie du saint.
Meyreuil
« Texte sur des propos recueillis en 1872 par le Père Ambroise Barthélemy »
Les historiens de saint Benoît-Joseph Labre ont passé sous silence certains détails
émouvants de son séjour à Aix-en-Provence ou presque, toutefois en l'indiquant le
Père Ambroise Barthélemy a recueilli les traditions locales. À Aix-en-Provence,
comme dans d'autres villes du Midi, où le souvenir de saint Benoît-Joseph Labre est
encore vivant. Et les faits merveilleux, qu'il nous a transcrits, ont des traits de
ressemblance avec ceux racontés par ses biographes. C’est pourquoi, quoique racontés
par un nombre exigu de personnes, nous n'éprouvons aucun doute à les présenter
comme incontestables. Le caractère de ces témoins ne laisse planer aucun soupçon sur
la véracité de leur témoignage. En 1876, dans une lettre adressée au journal l’Echo,
on réclamait, au nom des habitants de la contrée du Chicalon, l'érection d'une chapelle
ou d'un monument commémoratif du passage du Bienheureux. Obéissant à ce désir, je
l'exposai à S. G. Mgr Forcade, archevêque d'Aix-en-Provence. Je fus autorisé à
ouvrir une souscription pour ériger une colonne, vulgairement appelée oratoire. En mai
suivant, le petit monument était construit, près de la source mystérieuse, sur la rive
droite du Chicalon. Une statue en pierre d'Arles, de 75 centimètres de hauteur, était
placée dans la niche qui couronnait la colonne. L'inscription du fronton était ainsi
conçue : inscription au fronton : « AU BIENHEUREUX BENOÎT LABRE
EN SOUVENIR DES NUITS PASSÉES DANS CETTE VALLÉE ».
Quelques temps plus tard, le vandalisme des libres-penseurs n'a pas respecté ce petit
travail, assurément inoffensif. Le treillis ou fils de fer a été forcé une première fois,
brisé une seconde, la statue et le monument ont été mutilés. Deux ans après, une
seconde statue a subi le même sort. Espérons que, dans des jours meilleurs, il nous
sera accordé de réparer ces ruines.
La Grotte de Chicalon
D'aucuns de nos anciens nous redisent que, dans leurs jeunes années, le
nom de saint Benoît-Joseph Labre était presque sur toutes les lèvres, à
Aix-en-Provence. Son passage encore récent, le souvenir de ses hautes et
héroïques vertus, de sa sainte mort pour ainsi dire aux pieds des autels,
des nombreux miracles opérés partout dans l'église catholique par
lesquels le Seigneur daignait le glorifier, étaient le sujet des conversations
pieuses. Bien plus, il fut l'objet d'un culte de vénération. Ses images
étaient recherchées et placées dans les lieux les plus respectés du foyer
domestique ; c'était un protecteur. On possédait même des statuettes. On
se procurait de ses reliques. Le temps et surtout les malheurs de l'église
avaient un peu affaibli ce sentiment si légitime. Mais il nous est donné,
comme nous le constaterons, de le voir se raviver. Entrons dans les
détails qui se rattachent au séjour du saint dans notre ville. À l'entrée du
vallon de Chicalon qu'arrose la petite rivière de l'Arc, à trois kilomètres
de l'enceinte de la ville, la piété des Aixois a élevé, sur le bord de la route,
un modeste oratoire ; les fidèles se plaisaient autrefois alors à s'y rendre
en groupes ; le voyageur pouvait y faire halte et l’invoquer …
Didier et son chien Joseph, en route par le chemin des Anges.
Au bout de ce chemin se trouve l’ancienne ferme des Anges
« Deis Angi »
La ferme est de nos jours une propriété privée où il est interdit de pénétrer.
Le Vallon de Chicalon
(En contrebas sur les photos)
Une tradition indéniable, implantée et vivante encore dans les cœurs, nous montre
saint Benoît-Joseph Labre ayant établi son gîte dans la vallée de Chicalon.
Cette vallée, entr'ouverte dans les flancs de la petite chaîne du Montaiguet, offrait à
l'angélique pèlerin les heureux éléments d'une retraite nocturne, facile et convenable
à son goût. Elle est assez peu distante de la ville (trois à quatre kilomètres) et
abordable du Nord au Sud, dans toute sa longueur et ses sinuosités pittoresques,
par un sentier battu et accidenté. Elle est aussi solitaire, se distingue par les
contours gracieux de ses monticules couverts de pins, de plantes aromatiques, et
encore quelques pics dénudés qui les surmontent. On se croirait, à peine à l'entrée
de la vallée, dans un vaste et profond désert : au-dessus de sa tête, un ciel rétréci, à
droite, à gauche des hauteurs, des rochers, des grottes et partout un silence de mort.
De plus, la vallée de Chicalon était commode au bienheureux Labre. Son torrent et
la source mystérieuse dans le creux du rocher lui donnaient une eau limpide pour
étancher sa soif. Tout près, à droite, au-delà du sentier sur le flanc du mamelon, à la
hauteur de vingt mètres, se trouvait une excavation dérobée aux regards des
passants, abritée et défendue par un petit bloc qui formait comme une redoute. Là,
un ciel étoilé ou éclairé par les pâles rayons de la lune, le doux murmure des pins
agités par un souffle léger, l'isolement, le grandiose d'un beau paysage élevaient
l'âme de notre saint si sensible aux beaux spectacles de la nature et la remplissaient
des plus douces consolations.
On comprend qu'il ait en quelque sorte dressé sa tente, lui, le contemplatif dans sa
foi, au milieu d'un site, où la main de l'homme s'effaçait pour ne laisser paraître que
celle de son Dieu.
« Ces données corroborent la tradition si bien conservée par le fermier des Anges
(deis Angi) ».
Le Fermier des Anges
(Deis Angi)
Ce digne homme vivait encore en 1871. II comptait alors soixante-quinze ans six
mois, étant né en 1797. Son nom était Ange-Joseph-Michel GUEYBUO : sa famille
habitait la ferme des Anges depuis 1749. Elle était à la cinquième génération
lorsque le 22 août 1872, un groupe de prêtres avec l'agrément de Mgr Chalandon,
se rendait pour interroger le respectable vieillard sur les traditions locales de saint
Benoît-Joseph labre.
Heureux d'être en présence de témoins si dignes, Gueyrard se fit un bonheur de les
entretenir sur un sujet qui lui était bien cher. Il comprit l'importance de ses
déclarations. Aussi, eut-il le soin de les entremêler de formules équivalentes à des
serments : « Tout ce que je vous raconte est la pure vérité. Je ne m'amuse pas des choses
saintes. » D'ailleurs, le vieillard appartenait à une famille d'une rare honorabilité, il
avait eu deux tantes d'une vertu éprouvée, sœurs de son grand-père, habitant avec
lui parce qu'elles étaient demeurées demoiselles. Pendant la tourmente
révolutionnaire de 1793, ces filles instruisirent les enfants de la contrée sur les
vérités catholiques. À l'ouverture des églises, elles conduisirent au Tholonet
plusieurs jeunes personnes, âgées de vingt ans, pour leur première communion.
Catherine et Anne Gueyrard, vouées ensuite à l'œuvre des catéchismes de la
campagne, furent appelées écolières des Infirmeries. MM. les catéchistes de l'œuvre
leur firent, à leur mort, des funérailles solennelles.
Après ces détails qui donnent de l'autorité au témoignage du fermier des Anges,
nous exposons son récit simple, naïf et touchant : « Le vallon de Chicalon, dit-il, était un
désert dans ce bois ». « Le Frère Lebre (Labre), faisait son habitation contre une pierre, qui,
depuis s'est détachée du massif des rochers. Il fixait à cette grosse pierre sa caisse, espèce d'auge en
bois ou mieux de pétrin rustique, dans laquelle il couchait ». « Enchainavo sa caisso en aquello
peiro ». Trait d'espièglerie continue Gueyrard de notre bouillante jeunesse : « Un jour,
les enfants Gueyrard, Michel et Noël (dont l'un fut le père du narrateur), se dirent » : « Allons
décrocher la caisse, et nous la ferons rouler en bas ». « Mon grand-père le leur défendit » :
« Laissez cet homme, leur dit-il d'un ton ému et sévère, parce que vous ne savez pas pourquoi il est
ici ; peut-être est-ce pour le Bien, peut-être est-ce pour le Mal ».
Le frère Labre se couchait dans la caisse, placée entre la pierre et le massif de
rocher. Car, évidemment l'excavation était insuffisante pour maintenir et abriter
l'auge en bois dans laquelle il se fermait.
« Le frère Labre montait de temps en temps à la ferme pour demander la charité. Il disait aux
deux sœurs Catherine et Anne ce qu'elles m'ont raconté bien souvent » :
« J'aime bien la soupe de son ». « Elles lui offraient des œufs ». « Je vous remercie, répondait-il, je
me contente de son ». On lui pardonnera cette plainte : « Vous avez ici un coq, ajouta-t-il un
jour, qui, la nuit, m'empêche de prier il ne cesse de chanter ». Gueyrard raconta donc les faits
si ordinaires dans la vie du bienheureux. Mais laissons la parole au narrateur
champêtre. « Le frère Labre fit un miracle à Mlle Liotard. Elle était retenue au lit dans un
état d'infirmité. Son père, voyant passer dans la rue frère Labre, lui dit » : « vé, vé que passo un
san ». (Voilà, qu'un saint passe). « Je voudrais bien le Voir, répartit la malade. Au même
instant, elle quitte son lit, paraît à la fenêtre. Elle fut guérie. »
Les divers incidents de la vie du bienheureux étaient connus à Aix-en-Provence,
comme le prouve le détail suivant. « Ma pauvre grand-mère, ajouta le fermier, aimait à
chanter une complainte, dont j'ai conservé le souvenir du verset suivant » :
À la Trappe se présente
Ayant le cœur bien contrit
Bientôt n'en reçoit l'habit
De la vie pénitente
L'Austérité et l'Oraison
Le rend presque moribond.
Le vieillard, dont le récit animé et pittoresque émotionnait les auditeurs, raconta ce
trait, qui peint l'excessive délicatesse de conscience de l'homme de Dieu : « On
foulait le blé à la ferme d'un nommé Raimond, près de laquelle se trouve un grand cyprès. On
transportait des haricots verts. Une cosse tomba près du frère Labre, il la ramassa et la mangea en
s'en allant. Mais, bientôt, il revint sur ses pas, s'accusant d'avoir commis un grand crime ». « Je
viens, dit-il, vous demander pardon. Car, je ne vous ai pas dit que j'avais pris ce légume ». On
admira une si étonnante vertu.
Gueyrard continua : « La tradition, est que le frère Labre a séjourné de temps à autre,
pendant trois ans, dans la vallée du Chicalon. À la longue, on reconnut la grande sainteté de
l'inconnu. Alors, on alla au-devant de ses besoins. Mes tantes furent de ce nombre : « Sainthomme, lui disait-on, venez chez nous, nous vous donnerons la soupe ».
Le vieillard donna un autre détail que nous ne mentionnerions pas, s'il ne devait
nous fixer sur le lieu même où le saint prenait son repos. Son histoire est féconde
en faits semblables.
L’intéressant narrateur continua son récit : « Il y a cinq à six ans, (en 1867) je descendis
dans le vallon de Chicalon avec mon petit berger. Tout à coup, l'enfant, qui me devançait, me cria
: « Maître, la pierre sur laquelle vous vous êtes agenouillé l'autre fois pour réciter cinq Pater et
Ave, n'y est plus. Elle est descendue là-bas ». « Petit, lui dis-je, ne mens pas. Venez voir,
répartit-il hardiment. Je me rendis sur les lieux et je me convainquis qu'il disait vrai ».
Pour Gueyrard le déplacement de ce petit bloc était un phénomène, se rattachant à
des influences surnaturelles. Ce rocher était disposé sur le devant de l'excavation
dans laquelle le bienheureux avait fixé sa caisse. Or aujourd'hui il git au fond du
ravin. Tous les visiteurs peuvent le constater. Le merveilleux de ce déplacement est,
en ce que cette énorme pierre, roulant sur le flanc du coteau, n'avait endommagé,
non seulement aucuns des pins qui s'y trouvaient, mais pas même les romarins ou
autres plantes si nombreuses. « Elle a donc dû se détacher », poursuivit le vieillard avec
un enthousiasme qu'enflammait sa crédulité naïve, comme si on l'avait prise avec la
main, et lancée de ce point élevé en bas. « J'allais raconter dans la ville ce phénomène. On
y vint en foule. Les Révérends Pères Capucins furent de ce nombre. La pierre a de grandes
dimensions. Elle a en bas la même disposition que là-haut. Le dessus en est le dessus. Elle est
tournée comme elle l'était là-haut. Je composai alors une complainte moi-même, pour chanter les
merveilles opérées dans la vallée de Chicalon »
Nous la donnons dans son entier cette intéressante cantilène, que nous tenons
encore de la bienveillance du prêtre éminent qui interrogeait le fermier. Nous la
faisons précéder des réflexions pleines d'esprit et de sens qui l'accompagnent.
Le père Gueyrard se mit à nous dire, avec une inexprimable bonhomie, sa naïve
cantilène.
La forme littéraire en est rigoureusement exclue. Les rimes n'existent la plupart du
temps que dans l'intention ou dans l'oreille provençale. Car et c'est là son malheur,
la complainte essaye d'être en français. Telle tournure, qui outrage la syntaxe, eût
été de fait en provençal la plus pittoresque des locutions.
N'importe, pour qui connaît d'où surgissent les sources sacrées de l'art, la Ballade,
toute rudimentaire mais sincère et vivante du père Gueyrard, paraîtra sans témérité
une œuvre poétique. Pour moi, je l'avoue, rien ne me touche plus que ces
inspirations ingénues d'une muse au front chauve, aux cheveux blanchis, aux
épaules courbées, aux mains calleuses, mais à l'œil brillant et aux lèvres souriantes
qui semblent nous dire : Je chante comme l'oiseau avec la nature, comme le
chrétien avec la foi. Qu'on me pardonne donc de transcrire ici mot à mot, dans sa
rustique ébauche, la charmante cantilène du pauvre vieillard deis Angi.
La montagne Sainte Victoire depuis le chemin des Anges
Le chant du fermier des Anges
I.
Chrétiens prêtez l'oreille
Venez pour écouter
Les récits, les merveilles
Qui viennent d'arriver.
II.
Un saint que sa demeure
Était au pied d'un roc,
Voilà ce qu'il endure
Par la main du Très-Haut ;
III.
Étant couché par terre
Au pied de ce rocher,
De dedans une caisse
Que son corps saint portait.
IV.
Ayant pour nourriture
Que le son du froment,
Voilà ce qu'il endure
Pour aller au firmament,
V.
Ayant pour abreuvage
La source du vallon,
Source de la fontaine
Qu'on nomme Chicalon.
VI.
Source désaltérable
Qu'a fait boire un grand saint,
Jusqu'à la fin du monde
Tu couleras sans fin !
VII.
Enfin le Tout-Puissant
Pour y marquer sa place
A voulu au grand saint
Accorder une grâce.
VIII.
Se détacha la pierre
Qui sa caisse enchaînait,
C'est pour faire connaître
Du saint la vérité.
IX.
Les dimanches et fêtes
De dedans ce vallon
Des chrétiens en masse
Semblent une procession.
X.
Vont pour voir les merveilles
Qui venaient d'arriver,
Et pour se satisfaire
Du saint la vérité.
XI.
A fini sa carrière
À Rome, ce saint lieu,
Ayant rendu son âme
Au séjour de devant Dieu.
XII.
Accordez-moi la grâce
Saint Labre à notre tour,
Qu'au ciel face à face
Nous nous trouvions un jour.
Au cours du récit du vieillard, j'avais pris quelques notes, veillant à reproduire avec
la plus rigoureuse fidélité, les expressions du naïf témoin de l'événement, si
important pour notre piété et les traditions qui avaient imprégné son enfance. On a
vu par ce qui précède que j'ai porté cette fidélité jusqu'au scrupule.
Les personnes présentes, le père Gueyrard en tête, signèrent cette sorte de compte
rendu impromptu. Je le déposai dans mes cartons d'où je l'exhume à treize ans de
distance.
La source dont parle le poète deis Angis à la strophe cinquième, se voit encore
aujourd'hui, et, malgré les désolantes sécheresses des années précédentes, elle n'a
jamais tari. Elle se trouve presque dans le lit du torrent, si souvent à sec, non loin et
sur la direction de l'oratoire. Sa forme est celle d'une conque dans le creux d'un
rocher. Son eau, quelquefois un peu troublée par les feuilles desséchées, est
toujours pure et rafraîchissante. Il semble que, depuis le passage du bienheureux,
elle soit devenue intarissable. Ce qui s'est produit ailleurs ne pourrait-il pas se
produire dans cette vallée ? Nos légendes des saints relatent bien des faits de cette
nature.
À ce récit palpitant d'intérêt, ajoutons quelques traits aussi frappants. Le jeune
fermier du ménage de Roman tenait de ses aïeux une anecdote merveilleuse. Ils lui
avaient raconté que leur berger faisait paître un jour son troupeau dans les gorges
du Chicalon. Labre s'approche, et lui présentant son écuelle vide, le prie de la
remplir du lait de ses brebis. Le berger empressé se rend à ses désirs. En recevant
son bol plein d'un lait frais, Benoit-Joseph dit au charitable berger : « Je n'ai pas
d'argent pour vous payer, mais Dieu vous le rendra. Vos brebis doubleront, c'est-à-dire vous
donneront chacune deux agneaux cette année-ci ».
L'événement justifia la parole du saint. L'aumône du bol de lait eut ainsi une large
récompense.
Le bienheureux rayonnait dans les divers pays de la région, pendant son séjour à
Aix-en-Provence. On conserve le souvenir de son passage à Gardanne, à Trets, à
Vauvenargues. Un fait frappant est encore sur les lèvres des anciens habitants.
Dans la première localité, les directeurs d'une grande hôtellerie avaient adopté, à
l'instar des établissements monastiques de l'époque, la louable coutume de
distribuer la soupe aux indigents et aux mendiants de passage. Benoît Labre se
présenta parmi eux et la reçut plusieurs fois. Le muletier, impressionné par les traits
de sainteté qui rejaillissaient de son visage, se prit d'admiration pour lui. Il disait :
« Ce pauvre ressemble à Jésus-Christ », dans son langage vulgaire : « Au bouen Diou ». Il
lui offrit un gîte pour la nuit dans le grenier à paille. Cette offre bienveillante fut
acceptée. Cependant le muletier, poussé par une légitime curiosité, ne le perdit pas
un moment de vue. Dans le cours de la nuit, il s'ingénia à l'observer. Il le trouvait
toujours en prières, dans des positions d'humilité et de recueillement. Son estime
grandit. Il n'eut plus de doute que ce mendiant ne fut un saint. Par un sentiment de
charitable bienveillance, il demanda aux fils du maître de lui donner non seulement
la soupe, mais encore quelques restes de viande ; deux d’entre eux s'y refusèrent et
insultèrent le saint pauvre en le traitant d’original et de fainéant. Le troisième,
pourtant plus humain, le prit en pitié et lui donna une petite part des aliments gras.
Le mendiant reconnaissant prit la parole, lui annonça que Dieu le bénirait lui et sa
postérité. Quand à ses deux contempteurs, il leur prédit l'emprisonnement sans
peine de mort et la privation de postérité. Quelques années après, la Révolution de
1793 éclatait. Les deux frères étaient enveloppés dans les édits de proscription et
traînés dans les cachots de la République. Ils furent délivrés. Rentrés dans leurs
foyers, ils sont morts sans postérité. Le troisième a prospéré dans ses biens et dans
sa famille. La prédiction s'est réalisée à la lettre.
BEAURECUEIL
En poursuivant notre voyage sur les pas de notre Ami Benoît-Joseph, nous
arrivons au petit village de Beaurecueil, à environ 10 km à l'est du centre d’Aix-enProvence par la route Départementale 17.
Beaurecueil est un petit village charmant au pied de la montagne Sainte Victoire.
Entouré d’une nature luxuriante et de jolis chemins de randonnées, le long de
l’avenue Sylvain Gautier à deux pas du magnifique château (aujourd’hui transformé
en maison de retraite) avec son parc ombragé de vieux platanes et sa grille
imposante qui fait face à l'église du village.
Benoît-Joseph est allé plusieurs fois visiter le sanctuaire Notre Dame de la Victoire,
en passant par Beaurecueil. Il fut reçu avec beaucoup de bienveillance au château.
Pour commémorer son séjour en ce lieu, un oratoire en son honneur a été édifié
sous un gros chêne le long d’un chemin de randonnée, bordé de paysages
magnifiques, permettant aux randonneurs de rejoindre le sommet de la montagne
Sainte Victoire. En retrait de l’avenue Sylvain Gautier à une centaine de mètres de
la petite église paroissiale, nous trouvons cet oratoire magnifique dédié au Saint
Pèlerin.
L’oratoire Saint Benoît-Joseph Labre de Beaurecueil
Détail de l’inscription au bas du pilier
Saint Benoît Labre priez pour nous
60 Jours d’indulgence
La date au dos du pilier 1939
Avec les initiales V.G – M.A
Le magnifique chemin de randonnée au départ de l’oratoire
La grille imposante du château, avenue Louis Sylvestre, qui fait face à l'église du
village, et la cour du château de Beaurecueil.
Notre Dame de
Beaurecueil
Détails de la statue de la vierge de l’église de Beaurecueil et différente vues de l’édifice.
L’église du village et sa porte d’entrée avec, sur le fronton, la date de 1741
Quelques instants de repos à l’ombre des platanes dans le jardin de l’église, mon chien
Joseph, habitué au climat du Nord, souffre de la chaleur. Il fait 34° au soleil.
Les jardins de l’église et la statue de Notre Dame de Lourdes
La campagne qui mène de Beaurecueil à la montagne Sainte Victoire
Beaurecueil se trouve au croisement des communes de Meyreuil, du Tholonet et
son hameau de Palette, qui est l’étape suivante de notre périple sur les chemins de
Provence en compagnie de notre Saint Ami.
Le Tholonet, Hameau de Palette
En arrivant au Tholonet, grâce à des informations reçues du site internet de la
paroisse de Meyreuil. Je me rends au lieu-dit « le Hameau de Palette », où se trouve
une splendide chapelle, objet de ma visite en cet endroit. Construite le 19 Août
1956, et inaugurée à l’époque par monseigneur de Provenchere alors Archevêque
d’Aix-en- Provence, qui suivi par un cortège immense de fidèles, baptise la chapelle
du nom de « Saint Benoît Labre ». Pour bien situer ce choix, il faut remonter le
cours du temps et se remémorer un événement de la deuxième guerre mondiale qui
se déroula au Tholonet :
L’histoire
Le 19 Août 1944, trois chars allemands pénètrent sous le porche de l’entrée de la
maison de la famille Houchart dans le hameau de Palette.
Marie Houchart, très pieuse et dévouée fait le vœu d’édifier une chapelle dédiée à
Saint Benoît-Joseph Labre si les villageois et sa famille sont préservés de tout
danger. Et en effet le danger est très important car l’aviation alliée pourchasse les
chars et pourrait les bombarder. Mais le vœu est exaucé et les chars évacuent le
Hameau de Palette. Douze ans après la Libération, Monsieur Hilaire Houchart, fait
construire la chapelle et honore le vœu fait à notre Ami Benoît-Joseph Labre, par sa
sœur Marie.
La chapelle Saint Benoît Labre au Hameau de Palette(7)
La chapelle et son oratoire dédiés au Saint et situés à l’angle de la rue Monte-Cristo.
La plaque de l’oratoire avec l’inscription :
« Saint Benoît Labre qui avez passé ici Priez pour Nous ».
L’oratoire et la statue du Saint
Didier et son chien Joseph, assis sous la protection du Saint
Une prière à votre intention, Amis du Saint
et une pensée particulière pour le Père
Raymond Martel
Une petite trace de mon passage en ce lieu avec cette carte du site des Amis du Saint.
Quelques instants de repos pour mon petit compagnon Joseph, avant de reprendre la
route.
Pourrières
En quittant le Tholonet et son Hameau de Palette, je me dirige cette fois-ci vers la
ville de Pourrières. Pourrières est un village
typiquement provençal situé à la limite des Bouches-duRhône entre Aix-en-Provence et Saint Maximin, face à
la Montagne Sainte Victoire. Dans le village, les vieilles
maisons en pierres à la couleur du Sud, serpentent le
long de ruelles étroites vers une belle place où se trouve
l’église paroissiale Saint-Trophyme.
En arrivant à Pourrières, dans cette petite ville bâtie sur
un rocher, je ne pouvais deviner que la providence me
mettrait en présence d’un être doté d’une aura
lumineuse.
Sur le chemin, il y avait Yvette, une enfant de Dieu
pleine de bonté et de générosité, étincelante de
simplicité et de joie de vivre. Avec bienveillance elle
décida d’être mon guide dans le dédale de la cité.
Il arrive parfois qu’une rencontre entre dans notre vie
sans savoir vraiment pourquoi, et pourtant, elle y
pénètre bien souvent là où Dieu nous attend.
Ma venue dans cette ville n’avait d’autre but que de me
rendre sur la tombe de Germain Nouveau, ce poète un
peu « à part » et disciple de Saint Benoît-Joseph Labre.
Yvette Sannino
Yvette Sannino a été le point de départ de ma visite à Pourrières. Par je ne sais trop
quel effet de la providence, elle se trouvait assise à la croisée des chemins qui
domine la place de ce beau village provençal. J’avais besoin d’aide pour déambuler
et trouver mes repaires dans ce labyrinthe de rues. Après, tout s’est fait très
naturellement. Les présentations étant faites, elle décida de m’orienter sur l’objet de
ma visite.
Chemin faisant, vers le cimetière avec notre bouquet de roses à la main, nous lui
parlions des Amis de Saint Benoît-Joseph Labre, de l’église, et du Bon Dieu.
Au cours de la conversation elle m’apprit qu’elle fut très tôt marquée par la mort de
ses parents. Elevée par des religieuses, Yvette a vite appris ce que les mots,
pauvreté et souffrance, expriment.
Un peu plus tard tandis que nous bavardions, nous arrivons enfin au cimetière. La
tombe de Germain Nouveau se trouve le long du mur ouest, face à la montagne
sainte Victoire.
La photographie ci-contre vous montre le calme et la beauté du lieu. Pour honorer
la mémoire de ce grand poète, j’ai déposé des fleurs en votre nom Amis du Saint.
Germain Nouveau est mort le 4 avril 1920, âgé de 69 ans. Il fut retrouvé trois jours
après son décès, à l’intérieur de sa maison de Pourrières, le corps gisant sur un
grabat à même le sol, recroquevillé des suites d’un jeûne trop prolongé. Germain
s’est identifié complètement à son maître Benoît-Joseph Labre. C’est comme lui
qu’il mourut en pauvre en pleine période de semaine sainte.
Ce bouquet de roses au nom des Amis du Saint et du Père Raymond Martel
La tombe familiale où repose Germain Nouveau
La maison dans laquelle est mort le 4
avril 1920 le poète Germain
Nouveau
Germain Nouveau naquit à Pourrières en Provence le 31 juillet 1851. Il était le fils
de Félicien Nouveau son père, né en 1826, et d’Augustine Silvy sa mère, née en
1832. Ils se marièrent en 1850. De cette union naquirent, en 1851, Germain qui
était l'aîné de la famille, en 1854, sa sœur Elisabeth, en 1855, sa sœur Laurence et
en 1857, sa sœur Marie.
En 1858, Germain et ses sœurs perdent leur mère, âgée de 26 ans, des suites d'une
grave maladie.
Félicien déménage suite au décès de sa femme et s’installe avec ses enfants à Paris
où il trouve un travail et dirige un temps une fabrique sans succès. Il revient à Aixen-Provence où il travaille dans une usine de produits alimentaires.
La vie suivra son cours jusqu’en 1864 où il décède à son tour à l’âge de 38 ans.
Germain et ses sœurs sont orphelins. Encore jeune, il n’a que treize ans, il intègre
comme interne le petit séminaire d'Aix et songe à devenir prêtre, puis en 1871 il
entre au lycée de Marseille et y passe une année. Puis en 1872, il emménage à Paris,
de là paraissent ses premières publications « Sonnet d’été » dans la revue d’Émile
Blémont. Il se joindra au groupe des vivants dont faisait partie Raoul Ponchon,
forain, et Jean Richepin. C’est à cette époque qu’il rencontre Arthur Rimbaud, et
partira avec lui une année à Londres.
En mars 1874, il voyage en Hollande, en Belgique, et se réinstalle de nouveau à
Londres afin de perfectionner son anglais. Il y fait la connaissance de Paul Verlaine
en mai 1875 qui lui fera connaître le Saint de l’Artois. Il partagera avec lui une
grande passion pour Saint Benoît-Joseph Labre.
Les années suivantes, il sera employé comme professeur de dessin par le ministère
de l’Instruction publique et compose pendant cette période des poèmes mystiques
et religieux, qu’il tentera en vain de faire éditer. Le 14 mai 1891, il est frappé en
plein cours d’une crise de folie mystique qui le conduit à un internement de
plusieurs mois à l’hôpital Bicêtre. À sa sortie, il reprend ses voyages, en gagnant sa
vie en réalisant des dessins, puis de plus en plus à partir de 1899, il s’installe dans la
pauvreté et pratique la mendicité en vivant d’expédients. À Paris il sera même
considéré comme un clochard et décide de partir en pèlerinage sur les routes de
Saint-Jacques. Pèlerin à la suite de Saint Benoît-Joseph Labre, il ira à Rome et se
fera expulser d’Italie pour mendicité. Les poèmes de cette époque seront publiés
après sa mort. Il revient épuisé à Pourrières en 1911 et y décède en 1920.
L’église paroissiale Saint-Trophyme à Pourrières
« Mais en Dieu, Frère, sache aimer comme toi-même
Ton frère, et, quel qu'il soit, qu'il soit comme toi-même ».
Un vieux clocher coiffé de fer sur la colline.
Des fenêtres sans cris, sous des toits sans oiseaux.
D'un barbaresque Azur la paix du Ciel s'incline.
Soleil dur ! Mort de l'ombre ! Et Silence des Eaux.
Germain Nouveau
L’entrée du cimetière où repose Germain Nouveau, disciple de Saint Benoît-Joseph
Labre
Pourrières
« Frère, ô doux mendiant qui chantes en plein vent,
Aime-toi, comme l'air du ciel aime le vent ».
Poésies la doctrine de l’amour
(Extrait de Poésies d'Humilis et vers inédits de Germain Nouveau)
(Préfacé par d'Ernest Delahaye)
C’est Dieu qui conduisait à Rome,
Mettant un bourdon dans sa main,
Ce saint qui ne fut qu’un pauvre homme,
Hirondelle de grand chemin,
Qui laissa tout son coin de terre,
Sa cellule de solitaire.
Et la soupe du monastère,
Et son banc qui chauffe au soleil,
Sourd à son siècle, à ses oracles,
Accueilli des seuls tabernacles,
Mais vêtu du don des miracles
Et coiffé du nimbe vermeil.
Le vrai pauvre qui se délabre,
Lustre à lustre, été par été,
C’était ce règne, et non saint Labre,
Qui lui taisait la charité
De ses vertus spirituelles,
De ses bontés habituelles,
Léger guérisseur d’écrouelles,
Front penché sur chaque indigent,
Fière statue enchanteresse
De l’austérité, que Dieu dresse,
Au bout du siècle de l’ivresse,
Au seuil du siècle de l’argent.
Je sais que notre temps dédaigne
Les coquilles de son chapeau,
Et qu’un lâche étonnement règne
Devant les ombres de sa peau
L’âme en est-elle atténuée ?
Et qu’importe au ciel sa nuée,
Qu’importe au miroir sa buée,
Si Dieu splendide aime à s’y voir !
La gangue au diamant s’allie
Toi, tu peins ta lèvre pâlie,
Luxure, et toi, vertu salie,
C’est là ton fard mystique et noir.
Qu’importe l’orgueil qui s’effare,
Ses pudeurs, ses rebellions
Vous, qu’une main superbe égare
Dans la crinière des lions,
Comme elle égare aux plis des voiles,
Où la nuit a tendu ses toiles,
Aldébaran et les étoiles,
Frères des astres, vous, les poux
Qu’il laissait paître sur sa tête,
Bon pour vous et dur pour sa bête,
Dites, par la voix du poète,
A quel point ce pauvre était doux !
Ah’ quand le Juste est mort, tout change
Rome au saint mur pend son haillon,
Et Dieu veut, par des mains d’Archange,
Vêtir son corps d’un grand rayon
Le soleil le prend sous son aile,
La lune rit dans sa prunelle,
La grâce comme une eau ruisselle
Sur son buste et ses bras nerveux
Et le saint, dans l’apothéose
Du ciel ouvert comme une rose,
Plane, et montre à l’enfer morose
Des étoiles dans ses cheveux !
Beau paysan, ange d’Amettes,
Ayant aujourd’hui pour trépieds
La lune au ciel, et la comète,
Et tous les soleils sous vos pieds
Couvert d’odeurs délicieuses,
Vous, qui dormiez sous les yeuses,
Vous, que l’Eglise aux mains pieuses
Peint sur l’autel et le guidon,
Priez pour nos âmes, ces gouges,
Et pour que nos cœurs, las des bouges,
Lavent leurs péchés noirs et rouges
Dans les piscines du pardon !
Carpentras
Benoît-Joseph se rendit dans la ville de Carpentras afin d’y vénérer le « saint Mors »
de Constantin, ou Saint Clou, conservé dans la cathédrale Saint Siffrein de
Carpentras.
Le "Saint Mors" aurait selon la légende été forgé avec un des clous de la Passion.
Constantin l'aurait reçu de sa mère, sainte Hélène. La tradition rapporte que
l'impératrice Hélène aurait fait fouiller l'emplacement du calvaire et ayant retrouvé
les clous de la Passion du Christ, aurait fait forger avec l'un d'eux, un mors pour le
cheval de son fils, l'empereur Constantin. (9)
À Carpentras, le passage de Benoît-Joseph fit une profonde impression, et en 1783
année de sa mort à Rome, le quartier de Saint Jacques fut rebaptisé quartier de Saint
Labre, ceci en souvenir de l’hospitalité qu’il avait reçue dans une ferme située
aujourd’hui rue du clos saint Labre. La ferme existe d’ailleurs toujours, ceinte de
murs, au milieu d’un quartier qui s’est profondément transformé. Elle était tout en
terres agricoles du temps de Benoît Labre. C’est devenu un quartier résidentiel où
sont bâties de nombreuses villas.
Il y avait dans ce quartier une petite chapelle dédiée à Saint Jacques. Le saint pèlerin
était-il venu y prier, en même temps que s’agenouiller dans le sanctuaire de Notre
Dame de Santé ? – construit au début du 17ème siècle en ex-votos d’une délivrance
de la peste (1629) et reconstruit au milieu du 18ème par Monseigneur d’Inguimbert,
évêque de Carpentras. Cette chapelle était donc quasiment neuve quand venait y
prier Benoît Labre. Toujours est-il que l’abbé Gruzu de la cathédrale Saint Siffrein,
possédant une propriété dans ce quartier de Saint Jacques, y fit, de son côté,
construire une chapelle en l’honneur de Saint Labre, immédiatement après sa mort,
oratoire qui subsista jusqu’en 1809. La chapelle, ayant été détruite ou tombant en
ruines à la fin du 19ème, on construisit à proximité un oratoire : un dôme sur
quatre colonnes de marbre noir sur un socle en pierre. Cet oratoire, hélas vidé de sa
statue, subsista jusque dans les années 1970. En 2006, il n’en restait que le socle.
L’oratoire vient d’être complètement restauré et muni d’une statue du saint,
sculptée en pierre, et bénie en cette même année.
La cathédrale Saint Siffrein
possède d’ailleurs dans la sacristie
une peinture récemment
restaurée, reproduction d’une
peinture de Labruzzi, portrait
d’après nature fait sur l’ordre du
Père Chaudron, général des
Capucins à Rome. L’original
appartenant à la famille de
l’imprimeur-éditeur Aubanel.
Le tableau du Saint Pèlerin dans le presbytère de la Cathédrale Saint Siffrein de
Carpentras (Photographie de Josette Vincent)
J’attends avec beaucoup d’humour le départ avec Saint Labre dans son Autobus
L’impasse Saint Labre à Carpentras
La rue du Clos Saint Labre à Carpentras
Le chemin de Saint Labre à Carpentras
L’Oratoire Saint Benoît-Joseph Labre, situé rue du chemin de Saint Labre à
Carpentras
Carpentras, le chemin de Saint Labre et son Oratoire
La statue de saint Benoît-Joseph
Carpentras, l’Oratoire Saint Benoît-Joseph Labre
Le chemin de Saint Labre
« L'oratorio dei Poveri di Gesù Cristo »
L’impasse Saint Labre
Carpentras marque la fin de notre périple sur les traces du saint Vagabond de Dieu
en Provence. Il existe encore d’autres endroits dans cette région du sud de la
France que je vous propose de visiter avec un nouvel épisode à venir de mes
chemins de traverse.
Didier Noël
Avignon
Statue se trouvant au 22 rue Louis Pasteur à Avignon
Grâces miraculeuses obtenues par saint Benoît-Joseph Labre
Trets
À son passage à Trets, il obtenait par ses prières l'heureuse délivrance d'une jeune
mère en danger de mort dans un enfantement désespéré. La mère et l'enfant furent
sauvés.
Il y laissa une réputation de sainteté. M. le chanoine A., originaire de cette localité,
avait recueilli de son grand-père, homme grave et d'expérience, ces paroles
élogieuses à l'endroit du bienheureux : « Ce mendiant n'est pas comme les autres ». Puis il
ajoutait : « C'est un saint ; quelque jour on fera sa fête ». L'honorable petit-fils est témoin
de l'accomplissement de ces paroles fondées sur une juste appréciation. Le pauvre
mendiant a reçu et reçoit les plus grands honneurs qui peuvent être décernés à une
créature mortelle. On louange son nom sur la terre et dans les cieux ; on brûle
l'encens devant ses autels, on les illumine de mille feux ; on le prie ; on se prosterne
à ses pieds, à deux genoux.
Vauvenargues
À Vauvenargues, Benoît-Joseph opérait par ses raisonnements solides, pleins de foi
et sympathiques, une révolution morale dans le cœur d'une mère désolée. Le même
fait s'est produit dans d'autres circonstances. Mlle C, possédant encore la plénitude
de ses facultés, malgré le poids de ses quatre-vingt-neuf ans, me l'a attesté, avec sa
naïve simplicité.
Sa mère, originaire de cette localité, lui avait raconté qu'un enfant de treize à
quatorze ans, fils du boucher, était mort d'une manière bien tragique. La mère avait
fait attacher à la grande croix située sur la place du village, une corde qui, fixée par
l'autre extrémité à un arbre rapproché, faisait fonction de séchoir. Sur le soir, elle
donne ordre à son fils de l'enlever.
Celui-ci grimpe sur le piédestal de la croix, et cédant à des impulsions enfantines, se
suspend en se balançant. L'arbre sacré, ébranlé par ces violents mouvements, cède,
tombe et écrase dans sa chute le malheureux enfant. Cette mort déplorable fut un
deuil pour la population et la pauvre mère devint inconsolable. Concentrée dans sa
douleur, rien ne la touchait plus. Les réflexions les plus sensées comme les plus
touchantes la laissaient insensible dans son noir et immense chagrin.
On prévoyait l'altération de sa santé. Dans la cruelle perspective d'un second deuil,
on s'adresse au jeune pèlerin, alors de passage à Vauvenargues ; on lui demande
quelques paroles de consolation pour cette mère. Le saint mendiant se rend au
domicile de l'affligée, lui parle un langage céleste qui ouvre son cœur à la paix et à la
résignation. Spontanément la désolation disparaît. La bonne mère sort de son
affreux marasme, se remet à son commerce et reprend le cours de toutes ses
occupations : c'en était fait de son insurmontable affliction.
La ville a eu aussi sa part de faveurs, la même Mlle C. raconte que l'hydropisie(8)
faisait souvent des victimes dans sa famille, surtout parmi les hommes. La plupart,
en atteignant l'âge de trente ans, ressentaient les premiers germes de cette
irrémédiable maladie. En quelques années ils succombaient sous ses étreintes
mortelles. On comprend la désolation de la parenté si souvent décimée par la mort.
Déjà la sainteté du mendiant était partout remarquée. On eut la pensée de s'adresser
à lui pour obtenir la cessation d'un mal si redoutable. Le bienheureux promit de
recommander à Dieu cette cause. Depuis ce moment, il n'y en eut plus de traces
dans la famille.
FREJUS
« Un soir sortit de la cathédrale de la petite et curieuse ville de Fréjus un pauvre se
soutenant à peine répandant une odeur fétide, déguenillé, épuisé, les jambes
entourées de linges. Il vit sous les beaux arbres qui ombragent la place de la
Cathédrale une boutique de barbier. Y fut-il invité ? Entra-t-il de lui même ? Il fut
accueilli ; on le fit asseoir et le patron qui, selon l'usage d'alors, était chirurgien, se
mit en devoir de visiter les plaies du mendiant. Il les lava, en nettoya la pourriture et
les pansa avec une grande charité. Ne se contentant pas de ce service et cédant à
une compassion chrétienne, sans se soucier des insectes qui pullulaient sur le
Bienheureux, il lui proposa ensuite de lui faire la barbe. Le Bienheureux se prêta à
ce ministère de sublime charité ; il en témoigna ensuite sa reconnaissance,
promettant de prier pour toute la famille lui assurant que la bénédiction de Dieu
affluerait sur ses entreprises.
La bénédiction de Dieu, en effet, s'est arrêtée sur la famille du chirurgien. Ses
entreprises ont réussi comme le pauvre l'avait annoncé. Elle se trouva bientôt des
plus considérables et des plus opulentes de la cité : elle en a occupé les charges les
plus honorables et en reçut les mandats les plus importants. Il est vrai qu'elle n'a
pas oublié son protecteur. Le charitable chirurgien n'aurait pu le faire. Les traits du
mendiant s'étaient gravés dans son esprit : il repassait avec émotion les moindres
gestes et toutes les paroles du Bienheureux. Il trouvait à ce souvenir une
consolation énergique et fortifiante. C'était pour lui un encouragement sensible à la
vertu ; il ressentait une confiance chaque jour plus grande dans les mérites et la
puissance de son pauvre hôte. Aussi, quand, quelques mois après la mort de
Benoît-Joseph, un des membres les plus précieux de la famille vint à tomber malade
et que les médecins eurent déclaré leur impuissance, l'excellent barbier n'hésita pas
à recourir à son ami du ciel. Ce ne fut pas en vain. Un petit ex-voto placé dans une
des églises de Fréjus rappelle à tous la mémoire de cette guérison arrivée en 1785 et
maintient parmi le peuple ardent de cette ville la dévotion au bienheureux
mendiant.
Sur ces faits merveilleux et ces données connues aujourd'hui d'un petit nombre de
personnes, de la tradition du séjour de saint Benoît-Joseph Labre à Aix-enProvence.
NOTES
(1) D’après un original se trouvant au musée de Longchamp à Marseille de
Joseph GARIBALDI
(2) http://www.stlabre.org/
(3) Le révérend John Thayer (1755 - 5 Février 1815). Il est né à Boston,
Massachusetts. Ministre presbytérien converti au Catholicisme, lors de sa
visite à Rome en 1783, il se convertit, acte qui fit sensation en NouvelleAngleterre à l'époque. Il attribue sa conversion à un miracle de saint BenoîtJoseph Labre. Il sera ordonné prêtre Catholique
(4) Consummatus in brevi, explevit tempora multa (Quoiqu' il ait peu vécu,
il a rempli la course d’une longue vie), sap. 4, 15.
(5) Le Révérend Père Jean de Sérane décéda à Toulouse le 17 Avril 1784,
étrange similitude de date. Benoît-Joseph Labre décéda à Rome le 16 Avril
1783.
(6) « Combien plaît à Dieu le service du pauvre fidèle qui sert par amour,
sans égard à la récompense ».
(7) Le site du Père Thierry DESTREMAU
http://www.etoilesaintmichel.cef.fr/pages/whiterings_index.html
(8) Le terme d'hydropisie était anciennement employé en français pour
désigner tout épanchement de sérosité dans une cavité naturelle du corps,
ou entre les éléments du tissu conjonctif. Il pouvait donc être synonyme
d' « œdème ». La plupart du temps le terme d'hydropisie en tant que
maladie servait à désigner la cause principale d'œdèmes généralisés à savoir
l'insuffisance cardiaque congestive.
(9) http://route-europe-chretienne.fr/spip/spip.php?article125