dim le male a vivre en dessous dessus

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dim le male a vivre en dessous dessus
DIM LE MALE A VIVRE
EN DESSOUS DESSUS
Les Français consomment deux fois moins de slips que les Allemands. Dim essaie
de les convaincre de combler ce gap tragique
D
im. Ça va faire mâle. » Depuis le
22 avril, la France doit prendre son
mâle en patience. Les affiches et un
spot télé n'en disent pas plus long que ce
calembour, Mustré par des visages de mecs très
mecs, genre à se lever de bon poil le matin.
Cinq jours plus tard, une nouvelle vague
d'affiches et un trente-secondes réalisé par
.Chico Bialas nous apprennent où ça va faire
mâle. Sans grande surprise : au-dessous de la
ceinture, là où, depuis François Ier les messieurs
convenables nichent leurs bijoux de famille. Les
voilà qui se découvrent revêtus de leurs seuls
slips ou caleçons, allure relaxe, très nature, la
poitrine barrée par un second slogan, en lettres
rouges toujours : « Dim. Très mâle, très bien. »
Il ne reste plus qu'à seriner la chanson du film,
sur la musique bien connue du jingle Dim
« Pour tous les hommes qui ont un corps et un
. 'cœur, pour ceux qui aiment la vie, pour ceux qui
n'ont pas peur, parce qu'ils ont bien change...
alors Dirn a créé des slips et des caleçons très
beaux et très coton quand on est un garçon. »
Souvenir, souvenir de préhistoire. En 1968,
les anciens bas Dimanche rebaptisés Dim
réinventent la femme. Coup de génie de l'agence
Publicis, pour la première fois dans l'histoire
publicitaire des dessous féminins, la femme ne
montre pas seulement ses jambes ; elle vit des
pieds à la tête. La femme Dim est née, bien dans
sa peau, mutine, gracieuse, narguant les mecs.
Plus que des bas ou des collants, par ailleurs
astucieusement conditionnés dans un emballage en volume et non plus sachet à plat, Dim
vend un univers — le sien. En 1975, Dim se
diversifie dans la lingerie féminine et en 1978
dans la chaussette homme. Le temps est
maintenant mûr pour entreprendre le marché
des sous-vêts masculins que Dim commercialise
depuis la rentrée 86. Un marché plutôt riquiqui,
quoique bourgeonnant. D'abord, il souffre d'une
extrême atomisation; à 70 % occupé par des
marques de distributeurs ou des sans-marque. Personne ne détient plus de 10 % de part du
marché. Ensuite — honte aux mâles de France
—, fine se vend par an que 70 millions de pièces
(slips ou maillots, ces dernières horreurs,
heureusement, étant en voie de disparition). Le
Français (en fait, dans 60 % des cas sa moitié)
achète en moyenne 3,5 slips dans l'année, tandis
que l'Allemand en consomme 8 et l'Américain
12. La France, honni soit qui mâle y pense, est
un pays cochon qui soigne plus ses apparences
que ses dessous.
N
,
72 IL'OBS ÉCONOMIE
o
DES GRANDS GARÇONS TRÈS PUDIQUES QUAND IL S'AGIT DE TOMBER LE BAS
Il est cependant des mâles qui se guérissent ;
depuis quelques années, les hommes commencent à se préoccuper de leurs corps et plus
seulement de leur chair. Ils restent encore très
pudiques, ces grands garçons, quand il s'agit de
tomber le bas. Peur d'être pris pour des
« tantouzes ». Béatrice Dalliés Labourdette et
Olivier Van Doorne, respectivement directrice
de création et chef de pub à Publicis, me relatent
que dans les enquêtes tous les hommes
prétendent porter des caleçons, avant tout parce
qu'ils font plus habillés et moins lingerie.
« Mensonge : 6 à 8 % d'entre eux mettent en
réalité des caleçons. »
Les marques, souvent vieilles, ont dû prendre
la tangente afin de trangresser les résistances
des fils d'Adam. Ou bien on contourne l'obstacle
en recourant à la dérision : le type qui joue au
grand costaud, les lunettes des nanas qui
déshabillent les messieurs bien balancés ; ou
bien on les montre de dos, privés de leurs
attributs, ou de profil, cambrés. Publicis a choisi
un autre registre, celui de la franche virilité,
naturelle, sans fioritures qui renverraient à
l'univers des frous-frous féminins. Des hommes
bruts comme du champagne, un tas d'hommes
(il doit y en avoir pour tous les goûts) saisis en
noir et blanc par les affiches et le film. Bref, de
la virilité à l'état pur, sans lésiner sur le charme :
«On peut être tout naturellement beau, costaud
et tendre, se pourlèche Béatrice D. L., avoir le
cœur et la tête de Woody Allen et le corps de
Rambo, ou l'inverse, rien d'incompatible »
Nul besoin de faire appel à des femmes pour
causer des slips des hommes. L'ingérence du
regard femelle aurait risqué d'embrouiller les
ego mâles. Certes, l'énorme capital de sympathie publique dont jouit Dim rend l'image de la
marque moins deuxième sexuée qu'on ne
l'imaginerait, mais il fallait quand même parer
toute confusion des sexes en mettant les points
sur les j. L'emploi du mot « mâle », positivé par
l'humour, évite le quiproquo. De même que
l'absence de poses lascives et la pilosité
rugueuse des visages mal rasés. Le film réussit
l'exploit de mettre ensemble des hommes sans
une ombre d'équivoque. En dernière touche à ce
tableau virilisant, un môme rigolo de 3 ans
(prénom Vladimir) se mêle au pack en gonflant
ses biceps. Il est tout nu, allégorie exempte
d'cedipe de l'homme à nu à l'aise dans sa peau. II
PHILIPPE GAVI

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