les bateaux sous-marins
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les bateaux sous-marins
Almanach 1900 : P. 141 En attendant, toutes les nations travaillent à perfectionner les navires sous-marins. LES BATEAUX SOUS-MARINS Après les expériences faites l'hiver dernier par le Zédé devant le ministre de la Marine, les uns ont déclaré qu'en cas de guerre, tous les cuirassés seraient vite torpillés par les sous-marins ; les autres ont soutenu au contraire que les sousmarins ne sont bons à rien puisqu'on ne voit pas clair sous l'eau pour se diriger. Une guerre maritime pourrait seule dire lesquels ont raison, et il ne faut pas la désirer. En attendant, toutes les nations travaillent à perfectionner les navires sous-marins. La France ne doit donc pas se risquer à se laisser dépasser par les autres puissances et elle a raison d'étudier sérieusement la question des sousmarins et de garder l'avance qu'elle a de ce côté sur les autres nations. Les italiens ont déjà trois sous-marins Les Italiens ont déjà trois sous-marins : l'Audace, le Pullino et le Delfino, qui a fait, dit-on, à la Spezzia les mêmes expériences que notre Zédé et aurait même donné plus de vitesse que lui sous l'eau ; et ils en ont en chantiers plusieurs autres, du type de Delfino. Les allemands, les russes, les espagnols, les suèdois, les grecs, les turcs, les américains ont aussi plusieurs sousmarins Les Allemands ont plusieurs sous-marins dont le meilleur est, dit-on, le Howald, mais ils gardent secret le résultat de leurs expériences. - Les Russes ont l'Alexandrowsky et le Poukhalow, en outre des cinquante petits sous-marins Drzewiecki, lesquels ont été achetés par le ministère de la Guerre, au moment de la guerre turco-russe. Les Espagnols ont l'Ictineo et le Perol. - La Suède a le Nordenfeldt qui passe pour un des meilleurs modèles de sous-marins. - La Grèce et la Turquie ont chacune un bateau pareil au Nordenfeldt. -Les Américains ont plusieurs sous-marins. En 1893, le gouvernement américain a ouvert un concours de plans de sous-marins et a fait construire à la suite de ce concours le Plunger et le Holland. Les sous-marins américains n'ont pas pu servir dans la guerre contre l'Espagne, puisque les côtes d'Amérique n'ont pas été attaquées. - Quant aux Anglais, ils crient bien haut que les sous-marins ne sont bons à rien, parce qu'ils savent que le jour où ils seront bons à quelque chose, le prestige de leurs escadres sera bien diminué ; mais cela ne les a pas empêchés de faire de nombreux essais et d'étudier très à fond la question. Mais les meilleurs sous-marins sont français... Mais tout de même, ce sont les Français qui ont les sous-marins les meilleurs. Nous allons dire quelques mots des sous-marins français qui ont donné les résultats les plus intéressants. Tiré de «la grande histoire des bateaux» de Jean Merrien - Editions Denoël Le Gymnote, mis en chantier à Toulon en 1886, par l'ingénieur de la marine Gustave Zédé, d'après les données du célèbre directeur Dupuy de Lôme dont on vient d'inaugurer la statue à Lorient, fut lancé en 1888, remanié en 1891, et en 1892 il donna alors de fort bons résultats ; il a la forme d'un cigare en acier de 17m,30 de long sur 1m,70 de large ; il déplace 30 tonneaux, son appareil électrique, du système Krebs, lui donne la vitesse de 9 noeuds sur l'eau et de 7 noeuds dessous l'eau. Au bout de 1 à 5 heures de marche, il est obligé de rentrer au port pour recharger ses accumulateurs. Pour s'enfoncer il embarque de l'eau dans ses caisses étanches, et se sert d'un deuxième gouvernail mis à plat. Il a sous lui un gros plomb qu'on pourrait lâcher en cas d'avaries, pour remonter de suite sur l'eau, si les pompes ou le deuxième gouvernail ne marchaient pas. Tiré de «la grande histoire des bateaux» de Jean Merrien - Editions Denoël La Sirène fut mise en chantier après les expériences du Gymnote. Depuis la mort de M. Zédé en 1892,on a changé son nom par celui de cet ingénieur, de sorte qu’elle est connue maintenant sous le nom de Gustave-Zédé. C’est un Gymnote plus grand et plus perfectionné, il est construit sur les plans de M. l’ingénieur de la marine Romazzotti. Il a 43 m de long sur 3m,30 de large et jauge 360 tonneaux. Sa machine électrique est de la force de 700 chevaux et a exigé beaucoup d’études pour arriver à bien fonctionner. C’est lui qui a fait en janvier 1899, dans la rade des Îles d’Hyères, devant le ministre de la Marine, les expériences dont on a tant parlé. Il a réussi en plongeant, et sortant très peu de temps pour voir sa route de temps en temps, à s’approcher du Magenta et à lui lancer une torpille qui l’a touché et qui l’aurait fait sauter, si elle avait été chargée ; et cela sans que, de l’avis des personnes présentes, le Magenta eût pu se défendre. Il a réussi ensuite une expérience de route en allant de Toulon à Marseille, soit 40 milles, sans recharger ses accumulateurs. Il est vrai qu’il avait forte brise de vent arrière, et qu’il naviguait sur l’eau. Il y a sur les chantiers français actuellement deux types de bateaux : le Morse et le Narval. Le Morse, dont les plans sont de M. Romazzotti, est en construction à Cherbourg depuis 1893. Il a été mis à l’eau au milieu de l’année 1899. C’est un perfectionnement du Gustave-Zédé, mais plus petit : 33 m de long sur 2m,75 de bau, 146 tonneaux de jauge, et machine électrique de 350 chevaux ; il ira 12 noeuds sur l’eau. On va construire deux nouveaux sous-marins type Morse, sur souscription nati nale. Ils s’appelleront le Français et l’Algérien et seront construits à Cherbourg Un inconvénient du Gustave-Zédé et du Morse, c’est d’être obligé de revenir à une usine d’électricité recharger leurs accumulateurs au bout d’un temps assez court ; aussi a-t-on voulu éviter ce défaut dans un autre type, adopté à la suite d’un concours fait au ministère de la Marine et qu’on appelle le type Narval. Le Narval a été mis en chantier en 1898 sur les plans de M. Laubeuf (depuis, la Chambre des députés a voté la construction de plusieurs autres sous-marins pareils) ; il marchera à la vapeur quand il sera dessus l’eau, et à l’électricité quand il sera dessous, comme faisait l’américain Alskik dès 1863. Sa machine chauffera à l’huile de pétrole pour être plus vite sous pression, et pouvoir éteindre et allumer les feux instantanément. Il pourra naviguer de trois manières : 1°- sur l’eau, comme un bateau ordinaire à la vapeur ; il pourra ainsi sans avoir besoin de rentrer au port, faire 252 milles en 24 heures à 12 noeuds ; ou bien marcher 78 heures à 8 noeuds, et parcourir alors 624 milles de suite ; 2°- il pourra, en approchant de l’ennemi, pour offrir une plus petite cible, s’enfoncer dans l’eau, juste assez pour ne laisser dehors que sa cheminée et son dôme, pour voir et se diriger, et marcher encore comme cela à la vapeur ; 3°- il pourra enfin naviguer sous l’eau, la cheminée rentrée, les feux éteints, et tout fermé ; il ira alors à l’électricité et ses accumulateurs, qu’il pourra recharger lui-même, lui permettront de faire sous l’eau 70 milles, à 5 noeuds, ou 25 milles à 3 noeuds. Les premiers sous-marins devaient porter eux-mêmes les torpilles sous les vaisseaux ennemis. On a renoncé à ce système trop dangereux. Le Narval aura 4 appareils lance-torpilles du système de l’ingénieur russe Drzewiecki qui permet de lancer les torpilles sans avoir besoin d’approcher plus près que 200 mètres de l’ennemi, il doit être mis à l’eau en 1900. C’est le dernier modèle adopté, et dont on construira divers bateaux, en même temps que ceux du type Morse.