Prise en charge masso-kinésithérapique d`un nouveau

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Prise en charge masso-kinésithérapique d`un nouveau
Creative commons : Paternité - Pas d’Utilisation
Commerciale - Pas de Modification 2.0 France (CC BYNC-ND 2.0)
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RATEKAMANGA
RAKETAMANGA
(CC BY-NC-ND 2.0)
Université Claude Bernard Lyon 1
Institut des Sciences et Techniques de la Réadaptation
Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie
NOM : RAKETAMANGA
Prénom : Pierre-André
Formation : Masso-Kinésithérapie – 3ème année
Prise en charge masso-kinésithérapique d’un nouveau-né
pour un Pied Bot Varus Equin bilatéral
et par la méthode de Ponseti
Travail écrit de fin d’étude : étude clinique
Année universitaire 2010-2011
RATEKAMANGA
RAKETAMANGA
(CC BY-NC-ND 2.0)
"Le pied bot est curable dans la majorité des cas.
Le mieux est de traiter cette lésion le plus tôt possible
avant qu'il ne devienne une atrophie prononcée".
Hippocrate, IVème siècle av. J-C
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Résumé
Cette étude présente la première phase de correction dans le traitement d’un nouveau-né, âgé de
deux jours, atteint d’un pied bot varus équin (PBVE) bilatéral. Elle est précédée d’un point de situation
sur l’état des connaissances actuelles sur le PBVE.
La méthode de Ponseti, aussi appelée méthode par plâtres successifs suivis de postures, a été
utilisée pour ce cas.
A l’issue de la prise en charge, les résultats de cette rééducation ont été très satisfaisants et
objectivés par la classification de Diméglio. Cependant, il m’a paru nécessaire d’explorer les limites
de cette méthode, tant pour cette première phase de traitement que pour la suite et de mettre l’accent
sur le rôle primordial des parents dans ce type de prise en charge.
Mots-clés
-
Pied Bot Varus Equin (PBVE)
Nouveau-né
Classification de Diméglio
Méthode de Ponseti
Traitement par plâtres successifs suivis de postures
Rôle des parents
Abstract
This paper mentions the correction’s first step in a two days old newborn baby with bilateral
talipes equinovarus (TEV). This is prefaced by a review of knowledge about TEV, also called
clubfoot.
Ponseti management, also called treatment by serial casting followed by application of a brace, is
used for this clinical case.
At the end of this first step, rehabilitation’s results were pleasing and objectified by Diméglio
score. However, it seemed me appropriate to explore limits of this method, as much for this first step
as for continuation, and to put the emphasis on parents’ fundamental role in this kind of rehabilitation.
Keywords
-
Talipes equinovarus (TEV)
Clubfoot
Newborn baby
Dimeglio score
Ponseti management
Treatment by serial casting followed by application of a brace
Parents’ role
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Sommaire
Introduction
p.1
1. Cadre conceptuel : état des connaissances sur le PBVE
p.2
1.1. Epidémiologie et étiologie
1.2. Embryologie et diagnostic anténatal
1.2.1. Embryologie du pied
1.2.2. Diagnostic anténatal
1.3. Perturbations anatomopathologiques
1.3.1. Notions anatomiques et cinésiologiques remarquables
1.3.1.1. Bloc calcanéo-pédieux
1.3.1.2. Double appartenance de l’articulation talo-naviculaire
1.3.1.3. Supination relative dans la position en varus équin
1.3.2. Modifications anatomiques du pied
1.3.3. Modifications morphologiques du pied
1.3.4. Verrouillage des attitudes vicieuses par les parties molles
1.4. Diagnostic clinique et diagnostic différentiel
1.5. Examen radiologique
1.6. Evolution spontanée et facteurs pronostics
1.7. Classification de Diméglio
1.7.1. Réductibilité passive
1.7.2. Critères morphologiques et musculaires de gravité
1.7.3. Classification
1.8. Méthode de Ponseti
2. Présentation de l’étude de cas clinique
2.1. Anamnèse
2.2. Antécédents
2.3. Bilan général
2.3.1. Interrogatoire
2.3.2. Observations générales
2.3.3. Bilan morphologique
2.3.4. Bilan de la douleur
2.3.5. Bilan cutané-trophique
2.3.6. Bilan sensitif
2.3.7. Bilan articulaire
2.3.8. Bilan du tonus
2.3.9. Bilan musculaire
2.3.10. Bilan moteur
2.3.11. Bilan fonctionnel moteur
2.3.12. Bilan des grandes fonctions
2.3.13. Conclusion
p.2
p.2
p.2
p.3
p.3
p.3
p.3
p.4
p.4
p.4
p.5
p.6
p.8
p.8
p.8
p.9
p.9
p.10
p.10
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p.11
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p.14
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2.4. Examen clinique spécifique du PBVE
2.4.1. Examen statique et palpatoire du pied
2.4.2. Examen de la mobilité passive de la cheville et du pied
2.4.3. Examen dynamique du pied
2.4.4. Score de Diméglio
2.5. Diagnostic masso-kinésithérapique
2.5.1. Déficiences
2.5.2. Limitations d’activité
2.5.3. Restrictions de participation
2.5.4. Conclusion
3. Prise en charge masso-kinésithérapique
3.1.
3.2.
3.3.
3.4.
3.5.
Objectifs des parents
Objectifs kinésithérapiques
Principes
Risques
Prise en charge
3.5.1. Information et implication des parents
3.5.2. Réduction de la déformation
3.5.2.1. Réduction du cavus
3.5.2.2. Dérotation du bloc calcanéo-pédieux
3.5.2.3. Plâtres successifs
3.5.2.4. Risques
3.5.2.5. Ténotomie percutanée du tendon d’Achille
3.5.3. Phase de consolidation
3.5.4. Phase de maintien et gestion de la récidive
3.6. Evaluation à la fin de la réduction de la déformation
3.6.1. Examen statique et palpatoire du pied
3.6.2. Examen de la mobilité passive de la cheville et du pied
3.6.3. Examen dynamique du pied et du nouveau-né
3.6.4. Score de Diméglio
4. Discussion
4.1.
4.2.
4.3.
4.4.
4.5.
4.6.
Anatomopathologie du PBVE
La méthode Ponseti : risques et limites
Classification du PBVE
Qualité des interventions thérapeutiques
Rôle des parents
Pronostic fonctionnel
Conclusion
Bibliographie
p.14
p.14
p.15
p.15
p.16
p.16
p.16
p.16
p.16
p.16
p.17
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p.21
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Introduction
Depuis 2008, l’Hôpital Femme-Mère-Enfant (HFME) regroupe les services de pédiatrie des
Hospices Civils de Lyon (HCL), de néonatalogie, de gynéco-obstétrique et de médecine de la
reproduction (fig.1). Doté d'une maternité de niveau 3, l’établissement prend en charge environ 4000
naissances par an [1].
Le service d’orthopédie de cet hôpital se divise en deux secteurs : celui des consultations et celui
des hospitalisations. C’est dans le premier de ces secteurs que j’ai effectué un stage du 26 juillet au 28
août 2010. Dans ce cadre, j’ai eu à prendre en charge Clara, âgée de deux jours et présentant un Pied
Bot Varus Equin (PBVE) bilatéral. Pour traiter cette pathologie, l’équipe d’orthopédie se compose de
chirurgiens orthopédiques pédiatriques et de masseurs-kinésithérapeutes formés à la méthode de
Ponseti. Cette méthode permet de limiter le recours à un geste chirurgical, voire de l’éviter totalement
en fonction de la gravité initiale de la déformation [2].
Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), le PBVE (fig. 2) est une déformation tridimensionnelle
en inversion, associant un équin et un varus de l’arrière-pied à une adduction des articulations soustalienne et médio-tarsienne [3]. Face à cette pathologie, plusieurs questions sont à prendre en compte :
-
quels sont les éléments anatomopathologiques nécessaires pour élaborer une stratégie
thérapeutique adaptée ?
-
quels sont les risques liés à l’âge, la croissance et la fragilité des tissus ?
-
comment analyser la situation de façon pertinente afin d’établir une conduite thérapeutique
adaptée ?
-
comment maitriser la qualité des interventions de l’équipe soignante ?
-
quel est le rôle des parents et la relation de soins autour de l’enfant ?
-
quel est l’impact de cette pathologie sur la qualité de vie de l’enfant et de sa famille ?
Nous nous interrogeons particulièrement sur le processus rééducatif et sur l’efficacité du
traitement dans son ensemble, tout en visant à apporter un bénéfice à l’enfant et en évitant les risques
liés à sa fragilité.
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1. Cadre conceptuel : état des connaissances sur le PBVE
1.1. Epidémiologie et étiologie [3, 4]
L’épidémiologie du pied bot varus équin (PBVE) est de un à deux cas pour 1000 naissances. Le
PBVE est idiopathique dans 90% des cas mais est parfois secondaire à une pathologie plus générale
comme un tableau d’arthrogrypose ou de spina bifida. Cet élément est à prendre en compte dans notre
prise en charge.
Dans le cas d’un PBVE idiopathique, de nombreuses hypothèses étiologiques ont été avancées
(théorie génétique [5], musculaire [6] ou encore neurologique [7]) mais aucune ne s’est encore
imposée, laissant aujourd’hui penser à une origine multifactorielle.
1.2. Embryologie et diagnostic anténatal
1.2.1. Embryologie du pied [8, 9, 10]
Les bourgeons des membres inférieurs apparaissent approximativement vers la 4ème semaine du
développement embryonnaire. Pendant la 6ème semaine (fig. 3), la portion distale du membre
inférieur se précise avec la formation des doigts. Les plaques distales sont axées sur la partie
proximale et ont donc une orientation crâniale. L’ensemble du membre inférieur s’oriente en rotation
externe.
A la 8ème semaine, les premiers sillons digitaux apparaissent et la rotation externe du membre
inférieur diminue. A la fin de la 8ème semaine, les surfaces plantaires se font face et le pied a une
position en équin-varus-adduction. La croissance de la fibula est plus précoce que celle du tibia, ce qui
a tendance à amener le pied en varus, puis le tibia grandit et rééquilibre l’alignement entre le segment
jambier et le pied.
A la 10ème semaine, les degrés d’équin, de varus et d’adduction ont tendance à diminuer pour
retrouver une position pratiquement neutre lors de la 11ème semaine. Le changement de position du
pied pendant cette période précoce semble dépendre du développement neuromusculaire.
Les accidents de formation survenant très tôt pendant la vie embryonnaire provoquent des
malformations des pieds et des pathologies graves (fig. 4). En revanche, les accidents de formation
survenant après la huitième semaine, c'est-à-dire pendant la vie fœtale, sont à l’origine de
déformations comme le PBVE. Plus tardivement, vers le huitième mois, on peut avoir des
malpositions comme le metatarsus adductus.
A la naissance, seulement 35% du pied est ossifié. Le reste est encore mou et donc très malléable.
Le modelage du pied va encore évoluer par étapes morphologiques. L’empreinte plantaire est
définitive vers l’âge de 7 ans.
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1.2.2. Diagnostic anténatal [4]
Au cours de la grossesse, il est proposé à la mère trois échographies anténatales. La deuxième, dite
morphologique, est réalisée entre la 21ème et la 23ème semaine d’aménorrhée. Cet examen détaillé
permet de surveiller la croissance de l’enfant. Le liquide amniotique étant abondant, le pied est
suffisamment petit pour être vu dans son ensemble et le PBVE peut être dépisté (fig. 5).
On estime entre 40 et 60% le nombre de PBVE dépistés par échographie anténatale. Ce dépistage
ne renseigne pas sur la sévérité du pied. La démarche thérapeutique est donc identique, que la
déformation ait été décelée in utero ou qu’elle soit découverte à la naissance.
Si le diagnostic est posé à l’échographie, les parents sont orientés en consultation auprès d’un
chirurgien orthopédiste pédiatrique. Cette consultation a deux objectifs principaux : expliquer le
déroulement du traitement et rassurer les parents sur le futur de leur enfant.
1.3. Perturbations anatomopathologiques [3, 4, 8, 9, 11]
Dans le PBVE, il y a une malposition des os les uns par rapport aux autres : on parle d’attitudes
vicieuses articulaires. A ceci s’associent des déformations osseuses, des anomalies de forme et
d’orientation des surfaces articulaires ainsi que des modifications du jeu articulaire avec une raideur
liée à des rétractions des parties molles.
1.3.1. Notions anatomiques et cinésiologiques remarquables
Certains termes tels que « inversion » et « éversion » sont parfois utilisés sous la signification d’un
mouvement combiné, parfois sous celle d’une attitude pathologique fixée. Afin de clarifier ce texte, il
est proposé en annexe I les définitions utilisées ici, selon les recommandations de la Haute Autorité de
Santé [3].
1.3.1.1.
Bloc calcanéo-pédieux
Physiologiquement, nous séparons l’ensemble tibio-fibulo-talien et le bloc calcanéo-pédieux
(BCP). Ce dernier est une entité anatomo-physiologique formée par le calcanéus et l’avant-pied
(fig.6), solidement unis entre eux par les ligaments calcanéo-cuboïdiens, le ligament bifurqué et le
ligament calcanéo-naviculaire plantaire. C’est une unité fonctionnelle qui pivote sous le talus autour
du ligament interosseux talo-calcanéen. Le BCP s’articule avec le talus en formant un complexe
articulaire composé de trois articulations : sub-talaire postérieure, sub-talaire antérieure et talonaviculaire.
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1.3.1.2.
Double appartenance de l’articulation talo-naviculaire
Il est important de noter la double appartenance de l’articulation talo-naviculaire :
-
d’une part, l’articulation talo-naviculaire forme, en association avec l’articulation calcanéocuboïdienne, l’articulation transverse du tarse. Dans ce cas, nous pouvons avoir une adduction
élective de l’avant-pied sur l’arrière-pied avec déplacement de l’os naviculaire sur le versant
médial de la tête du talus (fig.7b) ;
-
d’autre part, elle forme l’articulation talo-calcanéo-naviculaire avec l’articulation soustalienne antérieure, elle-même liée à l’articulation sous-talienne postérieure. Nous avons alors
un complexe articulaire entre le talus et le bloc calcanéo-pédieux. Lorsque ce dernier se porte
en adduction, l’os naviculaire se déplace également sur le versant médial de la tête du talus,
indépendamment de toute adduction médio-tarsienne (fig.7c).
L’effet de ces deux attitudes vicieuses, c'est-à-dire l’adduction médio-tarsienne et celle du bloc
calcanéo-pédieux, explique le contact naviculo-tibial retrouvé dans le cadre du PBVE (fig.7d) et que je
détaille par la suite.
1.3.1.3.
Supination relative dans la position en varus équin [12, 13]
La loi biomécanique des mouvements diadochaux de MacConaill permet de comprendre le varus
équin. Le pied ne comporte pas d’énarthrose mais plusieurs articulations dont les formes orientent la
direction des mouvements. L’application de la loi de Mac Connail débouche sur le concept de
« fausse » supination ou de supination « relative ». La supination d’un pied en varus équin est en
majeure partie liée à l’équinisme tibio-talien sur un pied en très forte adduction.
1.3.2. Modifications anatomiques du pied [3, 4, 8, 9, 11, 14, 15]
Les os du nouveau-né sont constitués de tissu cartilagineux relativement malléable. Par
conséquent, les attitudes vicieuses modifient la forme des os, ainsi que celle des surfaces articulaires.
Le talus a un rôle capital dans le pied. Il forme avec le calcanéus le tarse postérieur. C’est l’os
répartiteur du poids du corps et des efforts sur l’ensemble du pied. Il ne comporte aucune insertion
musculaire mais est recouvert de surfaces articulaires et d’insertions ligamentaires, faisant de lui un
relai privilégié. Il est en relation articulaire avec le naviculaire, le calcanéus et la mortaise tibiofibulaire. De plus, la présence du ligament interosseux talo-calcanéen autorise autour de cet os la
mobilité du bloc calcanéo-pédieux.
Dans le PBVE, le talus est déformé. La déformation la plus caractéristique est une déviation
médiale du col par rapport à la poulie (fig.9) : l’angle de déclinaison (fig.8a) formé par les axes du
corps et du col dans le plan horizontal mesure environ 125° dans le PBVE contre 150° dans le pied
normal. Dans le plan sagittal, l’angle d’inclinaison (fig.8b), entre l’axe cervico-céphalique et l’axe
longitudinal du corps, peut être diminué et accroitre l’équin. La deuxième anomalie concerne la
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surface articulaire de la tête du talus : elle est couchée sur la face médiale du col et son orientation
devient presque sagittale au lieu d’être transversale. Cette anomalie aggrave encore l’adduction induite
par la déviation du col. Enfin, le talus est hypoplasique avec un noyau d’ossification plus petit et
excentré en avant et en dehors (fig. 10), créant un retard de développement de tout l’os.
Ces éléments mènent le plus souvent à une sub-luxation du talus en avant et en dehors de la
mortaise tibio-fibulaire. En effet, l’absence d’insertions musculaires fait du talus un élément instable.
Le resserrement du calcanéus, du naviculaire et de la mortaise tibio-fibulaire associé aux rétractions
musculaires tirant médialement le complexe médio-tarsien créent une pression expulsant le talus.
Dans le PBVE, le centre d’ossification du calcanéus ne semble pas correctement orienté au sein de
la masse cartilagineuse (fig.11). Le noyau est ascendant d’environ 20° par rapport à la face inférieure
du calcanéus. De plus, la surface articulaire destinée au cuboïde regarde en dedans au lieu de regarder
directement devant. Cette désorientation peut atteindre 45° à la naissance. De même, le sustentaculum
tali est hypoplasique et désorienté en dedans.
L’os naviculaire est étalé et fortement concave en arrière et en dehors. La déviation du talus
entraine une translation médiale en cascade : situé habituellement plus latéralement que le talus, l’os
naviculaire est déplacé très en dedans de ce dernier.
Enfin, on trouve parfois une hypertrophie de l’os cuboïde ou un déplacement médial avec légère
pronation. Les os cunéiformes et les métatarsiens sont quant à eux entrainés dans le mouvement
d’adduction du pied mais ne semblent pas présenter de déformations.
1.3.3. Modifications morphologiques du pied [3, 4, 8, 9, 11]
Du fait des déformations osseuses et articulaires, l’harmonie de longueur des arcs longitudinaux
du pied n’est pas respectée (fig.12) : l’arc longitudinal médial se trouve raccourci par rapport à l’arc
longitudinal latéral. Il en résulte les attitudes vicieuses articulaires typiques des déformations
structurales. Les déformations du PBVE se décomposent en trois plans : équin, supination et
adduction.
L’équinisme siège surtout dans l’articulation tibio-tarsienne et dans la sub-talaire postérieure. Le
talus est en équin dans la mortaise tibio-fibulaire, découvrant le tiers antérieur de sa surface articulaire
supérieure et l’amenant en position fortement déjetée en avant, voire sub-luxée. Cette malposition est
telle qu’elle a un retentissement sur le calcanéus :
-
dans le plan sagittal, de part la rétraction tricipitale, le calcanéus est en équin sous le talus. La
partie postérieure du calcanéus est alors remontée et n’est plus dans la coque talonnière,
laissant entrevoir à la palpation un creux talonnier ;
5
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-
dans le plan horizontal, il est en adduction sous le talus. Sa partie antérieure plonge sous le col
du talus de telle façon que son extrémité antérieure est déjetée médialement tandis que la
tubérosité calcanéenne est en dehors, au contact de la malléole fibulaire (fig.13) ;
-
dans le plan frontal, le calcanéus suit la loi de Mac Connail et tourne en supination de façon
automatique du fait des mouvements dans les deux autres plans de référence.
Il faut différencier la supination de l’arrière-pied de celle de l’avant-pied :
-
la supination de l’arrière-pied répond à un double mécanisme :
o
la supination « relative » liée à l’équin tibio-tarsien, le tarse postérieur étant attiré et
fixé par des rétractions fibreuses en adduction. Du fait de l’anatomie sub-talaire, le
calcanéus est alors entrainé en varus par roulis dans le plan frontal ;
o
-
la supination vraie associée à l’adduction du bloc calcanéo-pédieux ;
la supination de l’avant-pied semble purement induite par l’arrière-pied. Cela est lié à la
position en adduction-supination du BCP sous le talus, de telle façon que l’interligne
calcanéo-cuboïdien devient sous-jacent à l’interligne talo-naviculaire au lieu de lui être
juxtaposé. Il en résulte une verticalisation de l’interligne médio-tarsien entrainant
automatiquement le reste du pied en supination. Cependant, le premier rayon métatarsien est
plus en flexion plantaire que le cinquième rayon. De ce fait, l’avant-pied se trouve en
pronation « relative » par rapport à l’arrière-pied, ce qui explique la déformation en cavus
observée dans le PBVE.
L’adduction se fait dans le bloc calcanéo-pédieux qui tourne sous le talus autour du ligament
interosseux. Le mouvement d’adduction combine un déplacement en dedans du tubercule calcanéen et
un déplacement en dehors de la tubérosité calcanéenne qui se rapproche anormalement de la malléole
fibulaire. A ceci s’associe une adduction médio-tarsienne responsable d’une adduction de l’avant-pied,
ce qui rend convexe le bord externe du pied.
La somme de ces deux attitudes vicieuses en adduction amène habituellement l’os naviculaire au
contact du bord antérieur de la malléole tibiale dont il est séparé par une bourse séreuse constituant
une néo-articulation (fig.7 et 13).
1.3.4. Verrouillage des attitudes vicieuses par les parties molles [3, 4, 8, 9, 11]
Dans le PBVE, il y a fabrication excessive de collagène au niveau du tissu conjonctif des
ligaments et des tendons. Cette synthèse accrue aboutit à une prolifération abondante de tissu fibreux
dans les muscles et fascias adjacents. Les parties molles rétractées verrouillent ainsi les attitudes.
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Au niveau des structures capsulo-ligamentaires (fig.14) :
-
la capsule talo-crurale postérieure et les faisceaux du ligament collatéral latéral du cou-de-pied
(ligaments calcanéo-fibulaire et talo-fibulaire postérieur) sont rétractés. Ensemble, ils fixent
l’équin postérieur ;
-
l’articulation sub-talaire est limitée de part et d’autre : portion antéro-latérale, postérieure et
antéro-médiale. Seul le ligament interosseux talo-calcanéen, étant pivot de rotation du calcanéus,
reste souple ;
-
au niveau de l’articulation transverse du tarse, nous retrouvons des rétractions ligamentaires entre
le calcanéus et le cuboïde ainsi qu’entre le talus et le naviculaire. Les ligaments incriminés sont le
ligament bifurqué et le ligament talo-naviculaire dorsal.
Au niveau musculaire et tendineux (fig.14) :
-
dans l’ensemble, il existe un certain degré d’atrophie avec diminution de la taille de la portion
musculaire et allongement relatif de la portion tendineuse à l’origine d’un dysfonctionnement
musculaire. Le déséquilibre se fait entre les muscles qui sont rétractés et ceux qui sont au contraire
détendus. Les rétractions musculo-tendineuses concernent :
o
le triceps sural qui favorise l’équin et le varus de l’arrière-pied par sa partie distale étalée vers
le côté médial ;
o
le tibial postérieur qui favorise l’adduction du talus, l’équin et la supination ;
o
le tibial antérieur dont l’action de relèvement du pied est favorable mais l’action supinatrice
néfaste ;
o
l’abducteur de l’hallux qui provoque une abduction du premier métatarse et de l’hallux ainsi
qu’une légère flexion plantaire du fait de la cassure de l’arc longitudinal médial ;
-
o
les muscles long et court fléchisseur des orteils qui participent à l’équin ;
o
le long fléchisseur de l’hallux qui favorise la supination ;
inversement, les fibulaires sont détendus et montrent des contractions rares et inefficaces, de
même que le muscle long extenseur des orteils et en particulier le tendon du cinquième orteil.
Enfin, les nœuds fibreux sont définis par le regroupement de fascias rétractés, de gaines
tendineuses voire de ligaments qui se trouvent accolés du fait des attitudes vicieuses du PBVE (cf.
annexe II). Le nœud fibreux antéro-interne (NFAI) verrouille l’adduction du BCP et l’adduction
médio-tarsienne. Le nœud fibreux postéro-externe (NFPE) maintient la grosse tubérosité du calcanéus
à proximité de la malléole fibulaire. De ce fait, il verrouille l’équinisme tibio-tarsien et l’adduction du
BCP. Le nœud fibreux antéro-externe (NFAE) est le dernier verrou de l’adduction du bloc calcanéopédieux.
Il est proposé en annexe III un résumé des éléments rétractés pour chaque attitude vicieuse.
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1.4. Diagnostic clinique et diagnostic différentiel [2, 3, 4, 8, 9, 11]
Pour poser le diagnostic de PBVE à la naissance, il faut constater une déformation et une raideur
du pied dans plusieurs plans de l’espace :
-
équin du pied et de la cheville : en regardant le pied de profil, équin de l’arrière-pied avec pli de
cassure postérieur ;
-
varus de l’arrière-pied : en regardant le pied par derrière, le talon bascule médialement ;
-
supination du pied : en regardant le pied par devant, la plante du pied regarde vers le haut ;
-
adduction de l’avant-pied : en regardant le pied par-dessous, adduction de l’avant-pied avec pli de
cassure médial.
Plusieurs diagnostics différentiels sont à vérifier :
-
les malpositions du pied : pied varus, pied supinatus, metatarsus adductus, pied talus direct, pied
talus valgus ;
-
les déformations du pied : pied convexe, pied en Z ;
-
les déformations d’origine non idiopathique : arthrogrypose, spina bifida…etc.
1.5. Examen radiologique [2, 3, 4, 8, 9, 11]
Chez le nouveau-né, les os sont essentiellement cartilagineux. Nous ne voyons donc sur les
radiographies que les noyaux d’ossification du calcanéus, du talus et du cuboïde qui sont de petite
taille, de forme allongée et excentriquement placés (fig.15). Il est à noter que selon Ponseti, « les
radiographies ne sont pas utiles, étant des images plates d’une situation en trois dimensions. Les
lignes et angles de diagnostic doivent être traités avec beaucoup de prudence car ils peuvent montrer
un même angle changé en regardant dans un axe différent. En outre, les centres d’ossification pour
tous les os du pied n’apparaissent pas ». Pour lui, les positions osseuses peuvent être mieux identifiées
par palpation.
1.6. Evolution spontanée et facteurs pronostics [2, 3, 4, 8, 9, 11]
En l’absence de traitement, l’évolution spontanée des pieds bots varus équins conduit à une
aggravation de la déformation par la marche, un épaississement de la peau du bord latéral du pied avec
fréquence des inflammations locales pouvant évoluer vers l’ulcération cutanée et l’impossibilité d’un
chaussage normal (fig.16).
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L’analyse de la littérature ne permet pas à ce jour de conclure sur l’existence de facteurs
pronostiques. Certains auteurs distinguent le morphotype des pieds courts et trapus de celui des pieds
longilignes et évoquent un meilleur pronostic du second par rapport au premier. Selon d’autres études,
l’échographie postnatale pourrait néanmoins apporter des éléments précieux dans l’analyse des
facteurs pronostiques dans les années à venir.
Le pronostic fonctionnel est délicat à poser en ce qui concerne le PBVE congénital, car l’influence
de la prise en charge est déterminante. Les équipes expérimentées observent des évolutions différentes
de pieds qui appartiennent pourtant à la même catégorie et subissent des traitements identiques. Du fait
du caractère malformatif des os et des articulations, un pied bot varus équin même bien traité n’aura
pas la même morphologie qu’un pied normal mais la fonction sera normale avec un chaussage
ordinaire pour les nouveau-nés traités.
1.7. Classification de Diméglio [2, 16]
Face à la complexité de la déformation et la variabilité de la sévérité des PBVE à la naissance, il
est primordial d’utiliser un moyen d’évaluation. Pour cela, la classification de Diméglio (fig.17),
reconnue par la Haute Autorité de Santé (cf. annexe IV), est un outil qui permet d’évaluer d’une part la
réductibilité passive de la déformation sur un score de 16 points, d’autre part les critères
morphologiques et musculaires de gravité sur 4 points.
1.7.1. Réductibilité passive
Cette première partie permet de mesurer la réductibilité de la déformation. Pour cela, Diméglio
retient quatre critères fondamentaux :
-
équin de l’arrière-pied dans le plan sagittal ;
-
varus de l’arrière-pied dans le plan frontal ;
-
rotation du bloc calcanéo-pédieux dans le plan horizontal ;
-
adduction de l’avant-pied dans le plan horizontal.
Pour chaque critère, un score entre 0 et 4 est attribué selon la réductibilité passive évaluée par
mobilisation manuelle passive.
Pour cette première étape, la palpation est essentielle et nécessite une équipe formée, spécialisée et
expérimentée. Le talus est repéré sur le bord latéral du pied, légèrement en dessous et en avant de la
malléole latérale. La place du calcanéus et sa mobilité sont également appréciées car la plupart du
temps, cet os n’est pas situé dans la coque talonnière. La réductibilité doit être appréciée en douceur et
dans des conditions permettant à l’enfant d’être détendu lors de l’examen.
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1.7.2. Critères morphologiques et musculaires de gravité
D’un point de vue morphologique, la présence de plis cutanés, interne et postérieur, ajoute pour
chaque pli un point supplémentaire, de même que la présence d’un cavus.
D’un point de vue musculaire, un point est réservé aux déficiences musculaires de type hypertonie
globale du nourrisson, muscles fibreux ou amyotrophie sévère.
1.7.3. Classification
Selon la classification de Diméglio, on obtient un score sur 20 points correspondant à :
-
de 0 à 4 points : un pied bot varus équin bénin dont la déformation est passivement totalement
réductible ;
-
de 5 à 9 points : un pied bot varus équin modéré dont la déformation est passivement réductible,
mais partiellement résistante ;
-
de 10 à 14 points : un pied bot varus équin sévère dont la déformation n’est passivement que
partiellement réductible ;
-
de 15 à 20 points : un pied bot varus équin très sévère dont la déformation est passivement
pratiquement irréductible.
1.8. Méthode de Ponseti [3]
Depuis plus de dix ans, l’équipe médicale et paramédicale de l’HFME applique la méthode de
Ponseti. Les principes généraux de cette méthode peuvent se résumer ainsi :
-
le traitement doit débuter précocement, dès les premiers jours de vie ;
-
la correction consiste à faire progressivement tourner le pied autour de la tête du talus sur une
période de plusieurs semaines et par l’intermédiaire de plâtres successifs (fig.18) réalisés en plâtre
de Paris pour faciliter le modelage ;
-
les conditions d’installation doivent favoriser la décontraction de l’enfant ;
-
les manœuvres doivent être prudentes, non agressives et non douloureuses. Il ne faut jamais
rechercher l’hyper-correction d’emblée ;
-
toutes les composantes de la déformation du PBVE doivent être corrigées simultanément à
l'exception de l'équin qui le sera en final. Il peut être nécessaire d’effectuer une ténotomie
d’Achille pour faciliter cette dernière correction.
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2. Présentation de l’étude de cas clinique
2.1. Anamnèse
Clara, nouveau-né de deux jours, est prise en charge pour le traitement d’un pied bot varus équin
(PBVE) bilatéral. Elle est le second enfant de sa fratrie.
En mai 2010, le diagnostic anténatal de PBVE bilatéral a été posé par échographie. Les parents ont
alors rencontré le chef de service de chirurgie orthopédique pédiatrique à l’hôpital femme-mère-enfant
de Bron. Celui-ci leur a expliqué la situation, à savoir la gravité de cette déformation congénitale, le
déroulement de la prise en charge thérapeutique et l’impact sur le futur de l’enfant. Ils sont notamment
avertis des principes et contraintes de la rééducation durant les trois premières années de sa vie. Cette
rencontre est primordiale afin de dédramatiser le diagnostic, rassurer les parents sur l’avenir de leur
enfant et répondre à leurs éventuelles questions.
En août 2010, Clara est née à terme et le diagnostic de PBVE bilatéral a été confirmé. Il repose sur
la constatation d’une déformation et d’une raideur des pieds dans plusieurs plans de l’espace (fig.19) :
équin de l’arrière-pied avec pli de cassure postérieur, varus de l’arrière-pied, supination du pied et
adduction de l’avant-pied avec pli de cassure interne. La prise en charge masso-kinésithérapique a
débuté au deuxième jour de vie.
2.2. Antécédents
Selon ses parents, il n’y a pas d’antécédents familiaux connus de PBVE, ni aucun autre antécédent
particulier à considérer pour la rééducation, notamment de malformations congénitales de l’appareil
locomoteur.
2.3. Bilan général
L’examen classique appréhende l’ensemble des capacités de Clara afin d’affirmer sa normalité. Il
évalue ses potentialités et ses anomalies. On attend ici que tous les éléments vérifiés soient normaux,
sans occulter le rôle de dépistage de ces bilans.
2.3.1. Interrogatoire
L’interrogatoire des parents permet de recueillir des données sur les activités de la vie quotidienne
de Clara en abordant successivement :
-
le déroulement des repas : installation, qualité des aliments, mode d’introduction dans la bouche,
fuites labiales et fausses routes ;
-
la douleur : modifications observables du comportement dans certaines situations, pleurs,
mimiques.
Selon ses parents, Clara ne présente aucun signe de douleur et les repas se déroulent sans
problèmes.
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2.3.2. Observations générales [18, 19, 20, 21]
Les conditions d’examen influencent le comportement de Clara. Il faut veiller à ce qu’elle n’ait
pas faim ni à lutter pour son équilibre thermique, que l’ambiance soit calme et la lumière suffisante.
Son observation commence avant de la faire déshabiller par sa mère, qu’elle soit dans ses bras ou dans
un landau.
Pour l’examen général, nous retenons l’état de vigilance, l’attitude spontanée, la motricité
spontanée et les fonctions sensorielles.
Selon l’échelle de Prechtl et Beintema (fig.19), Clara a un état de vigilance correspondant au
niveau 3, c'est-à-dire qu’elle a les yeux ouverts et présente peu de mouvements spontanés. Cet éveil
calme représente les conditions idéales pour l’observation.
Nous observons une attitude préférentielle du rachis normale avec la tête légèrement latéralisée.
Les membres supérieurs sont symétriques et en position dite « en chandelier », les coudes semi-fléchis
et les avant-bras en semi-pronation. Les mains s’ouvrent complètement et de manière spontanée. Les
membres inférieurs sont en triple flexion. Les cris sont normaux.
La motricité spontanée est observée en décubitus dorsal, sans la stimuler ou même la toucher. Les
mouvements des membres supérieurs sont normaux. Les mouvements des membres inférieurs se font
en triple extension avant de revenir à leur position habituelle en triple flexion. Les mouvements
spontanés sont donc symétriques, avec une mobilité et des amplitudes globalement équivalentes.
L’amplitude et la vitesse des mouvements sont normales pour un enfant né à terme.
Sur le plan visuel, l’accroche du regard est normale et on n’observe pas de strabisme. Sur le plan
auditif, un stimulus provoque un schéma moteur réactionnel tout à fait normal.
2.3.3. Bilan morphologique
Clara est présentée entièrement déshabillée et inspectée d’abord en décubitus dorsal puis en
décubitus ventral afin de détecter d’éventuelles anomalies de la tête, du cou, du tronc, du rachis ou des
membres.
D’un point de vue morpho-statique, son bilan montre une intégrité céphalique, thoracique et
abdominale. Au niveau rachidien, les épineuses vertébrales sont bien axées. Les membres supérieurs
ne présentent pas de troubles. Pour les membres inférieurs, le pli inter-fessier est normal et nous
notons une hypertonie physiologique en triple flexion des membres inférieurs. Ce bilan ne révèle donc
aucun signe invitant à penser que le PBVE est inclus dans un syndrome poly-malformatif.
D’un point de vue morpho-dynamique, la mobilité cervicale et rachidienne est symétrique. Les
membres supérieurs sont normaux. Les hanches ne présentent pas de signe de luxation congénitale.
Les genoux sont mobiles et stables.
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2.3.4. Bilan de la douleur [22]
Selon l’échelle « Neonatal Facial Coding System » (NFCS) validée par l’HAS (fig.20), Clara ne
présente aucun signe de douleur spontanée ou lors de mouvements.
2.3.5. Bilan cutané-trophique
Nous recherchons ici des signes d’œdème ou d’autres troubles cutanés, trophiques ou vasculaires.
Clara ne présente aucun de ces signes.
2.3.6. Bilan sensitif
Chez le nouveau-né, l’exploration de la sensibilité est réduite. Nous n’explorons donc ici que la
sensibilité superficielle. De ce point de vue, Clara présente des réactions semblables à n’importe quel
enfant de son âge aux stimulations cutanées. Ceci laisse penser que sa sensibilité superficielle est
normale.
2.3.7. Bilan articulaire
L’examen doit inclure une phase de dépistage avec recherche d’éventuelles anomalies dans
l’amplitude des mouvements des hanches et des genoux. Une rigidité ou une limitation articulaire
autre que celle des pieds signe souvent une forme limitée d’arthrogrypose.
Sur l’appareil locomoteur, en dehors des articulations des pieds, aucune restriction articulaire n’est
décelée chez Clara.
2.3.8. Bilan du tonus
L’extensibilité musculaire est appréciée segment par segment via des manœuvres lentes passives.
Elle concerne la mesure de l’angle des adducteurs, de l’angle poplité, de l’angle lors du signe du
foulard (fig.21) et les amplitudes du tronc en flexion, extension et inclinaisons latérales.
Aucun signe d’hyper ou d’hypo-extensibilité musculaire n’est retrouvé ici.
2.3.9. Bilan musculaire
D’un point de vue trophique, aucun trouble n’est relevé.
Du point de vue de la force et de la fonction, l’interprétation du bilan musculaire se fait à partir des
stimulations musculaires visant à reproduire les réflexes archaïques. Dans le cadre de cette étude, nous
ne regardons que si la réponse aux stimulations cutanées est physiologique et la balance musculaire
équilibrée.
Chez cet enfant, les réponses musculaires sont efficaces, équilibrées, et physiologiques.
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2.3.10. Bilan moteur
Les schémas neuro-moteurs sont des réponses motrices produites par des ensembles de
contractions musculaires organisées, intéressant des chaines musculaires physiologiquement définies.
Ces schémas sont innés chez le nouveau-né et en lien avec son développement.
Chez Clara, tous les schémas neuro-moteurs du nouveau-né sont présents, à l’exception de ceux
concernant les pieds.
Pour évaluer la motricité provoquée, nous utilisons ici les stimulations externes pour déclencher
les réflexes archaïques : réflexe d’agrippement, de succion, de Moro, de marche automatique et de
recherche.
2.3.11. Bilan fonctionnel moteur
Etant donné le très jeune âge de Clara, nous notons un comportement moteur avec réactions
posturales normales.
2.3.12. Bilan des grandes fonctions
Nous vérifions l’absence de troubles des fonctions respiratoires, cardiaques ou vésicosphinctériennes.
2.3.13. Conclusion
A la suite de notre bilan général, nous pouvons dire que Clara est, à l’exception du PBVE bilatéral,
un nouveau-né tout à fait normal. Pour la suite, l’étude se focalise donc sur ses pieds.
2.4. Examen clinique spécifique du PBVE
Comme le recommande la Haute Autorité de Santé [3], l’examen spécifique du pied est statique et
palpatoire puis dynamique. Etant donné la bilatéralité de la pathologie de Clara, nous ne pouvons
établir d’examen comparatif. Nous nous référons donc aux normes habituellement admises dans une
population saine.
2.4.1. Examen statique et palpatoire du pied
Il s’agit ici d’observer les critères morphologiques de gravité du pied et les éléments cutanés.
Le bilan morpho-statique des pieds de Clara révèle un morphotype court et trapu. Nous observons
également une attitude vicieuse en adduction, supination et équin. Ces déviations sont plus marquées à
droite qu’à gauche (fig.19).
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Au niveau cutané (fig.22), nous notons de chaque côté la présence d’un pli interne, d’un pli
postérieur et d’un cavus, trois éléments retenus par la classification de Diméglio (cf. annexe IV). On
remarque une rétraction cutanée sur le bord interne du pied qui s’oppose à un excès de peau sur le bord
latéral.
La palpation confirme les observations et y ajoute un os naviculaire en contact avec la malléole
médiale et un calcanéus peu perceptible dans la coque talonnière, en adduction, équin et supination.
2.4.2. Examen de la mobilité passive de la cheville et du pied
Nous nous référons aux éléments retenus par la classification de Diméglio :
-
pour le varus de l’arrière-pied, la réduction passive donne un angle entre 45 et 20° à droite et un
angle entre 20 et 0° à gauche. Le score attribué est de 3 points à droite et de 2 points à gauche ;
-
pour l’équin de l’arrière-pied, la réduction passive donne un angle entre 45 et 20° à droite et un
angle entre 20 et 0° à gauche. Le score attribué est de 3 points à droite et de 2 points à gauche ;
-
pour la rotation du bloc calcanéo-pédieux, la réduction passive donne un angle compris entre 20 et
0° à droite comme à gauche. Le score attribué est de 2 points à droite et à gauche ;
-
pour l’adduction de l’avant-pied, la réduction passive donne un angle compris entre 0 et -20° à
droite comme à gauche. Le score attribué est de 1 point à droite et à gauche.
A noter que la recherche de réductibilité est douloureuse chez Clara. En effet, celle-ci déclenche
une vive réaction associant pleurs et mouvements des membres inférieurs en triple flexion et triple
extension. Sur l’échelle NFCS, on obtient une cotation à 4/4.
2.4.3. Examen dynamique du pied
Nous recherchons les critères musculaires de gravité. D’un point de vue trophique, nous ne
relevons pas d’éléments particuliers. En revanche, nous retrouvons un déséquilibre musculaire selon
deux autres critères :
-
du point de vue de la tonicité, nous notons d’une part une hypotonie des muscles fibulaires et
longs extenseurs des orteils, d’autre part une rétraction des tibiaux postérieurs et antérieurs, des
triceps suraux, des longs et courts fléchisseurs des orteils et du long fléchisseur de l’hallux ;
-
du point de vue de l’activité, nous notons un déséquilibre bilatéral de la balance musculaire des
releveurs du pied en faveur des tibiaux postérieurs.
Ce déséquilibre est renforcé par une motricité spontanée pauvre des pieds.
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2.4.4. Score de Diméglio
Clara obtient un score de 12 points pour le pied droit et de 10 points pour le pied gauche (fig.23).
Elle présente donc des pieds bots varus équin sévères dont la déformation n’est que partiellement
réductible par des manœuvres passives.
2.5. Diagnostic masso-kinésithérapique
2.5.1. Déficiences
Clara présente une anomalie de structure des pieds dont les critères de gravité sont codifiés par :
-
des limitations articulaires dues à des rétractions capsulo-ligamentaires, tendineuses et
aponévrotiques ;
-
un appauvrissement des schémas moteurs avec déséquilibre de la tonicité et de l’activité
musculaire ;
-
une douleur à la mobilisation ;
-
une déviation des axes articulaires conduisant à une attitude vicieuse en adduction, supination et
équin ;
-
des plis et des défauts d’adhérence cutanés.
2.5.2. Limitations d’activité
Les nombreuses déficiences induites par le PBVE bilatéral conduisent à une raideur et une
déformation des pieds de Clara. Cela se traduit par des difficultés pour relever les pieds et les amener
en éversion et donc une hypo-mobilité aussi bien active que passive. Cette pathologie ne modifie pas
actuellement ses activités mais engage considérablement son avenir moteur.
2.5.3. Restrictions de participation
Pour Clara, ce PBVE bilatéral n’a actuellement que des conséquences sur le plan esthétique, pas
sur le plan fonctionnel. Dans l’avenir, ses appuis plantaires pourraient être modifiés à la mise en
charge provoquant un mauvais contact avec le sol, d’où une probable boiterie à la marche et une
diminution certaine de ses capacités sportives.
Pour les parents, outre la légitime inquiétude pour l’avenir de leur enfant, ils vont devoir dès
maintenant assurer et assumer les nombreux déplacements nécessaires pour les consultations.
2.5.4. Conclusion
Clara présente donc un PBVE bilatéral dû à des déformations osseuses, des rétractions des parties
molles et un déséquilibre musculaires conduisant à une déformation morphologique avec raideur et
hypo-mobilité.
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3. Prise en charge masso-kinésithérapique
3.1. Objectifs des parents
L’objectif principal des parents de Clara est que leur fille retrouve une intégrité physique et
fonctionnelle de ses pieds sans répercussion sur sa vie future.
3.2. Objectifs kinésithérapiques
A court terme, il s’agit de :
-
assouplir les éléments capsulo-ligamentaires et musculaires rétractés en respectant sa douleur ;
-
corriger la déformation de ses pieds afin d’avoir une fonction satisfaisante ;
-
obtenir l’adhésion et la coopération de ses parents au traitement.
A moyen et long terme :
-
stabiliser la correction dans le temps et éviter la récidive ;
-
limiter les conséquences fonctionnelles et sociales.
L’objectif principal peut être résumé sous la forme suivante : obtenir un pied indolore, souple,
plantigrade à l’appui avec une morphologie et une biomécanique fonctionnelles.
3.3. Principes
Les principes de notre prise en charge sont :
-
d’une part ceux de la méthode Ponseti vus précédemment (cf. p.11 « 8. Méthode de Ponseti) et
inscrits dans un protocole précis ;
-
d’autre part ceux communs à toute prise en charge d’un enfant de cet âge, à savoir :
o
une adaptation de nos prises à la fragilité des tissus ;
o
un respect de sa douleur ;
o
une grande attention aux volontés des parents et une nécessaire intégration
dans la
rééducation de leur enfant.
3.4. Risques
Ne pas prendre en charge un PBVE conduit aux risques liés à l’évolution spontanée de la
pathologie, c'est-à-dire une aggravation de la déformation lors de la marche qui se fera sur le bord
externe du pied, voire même sur sa face dorsale, avec risque d’inflammation locale pouvant évoluer
vers une ulcération cutanée et un chaussage impossible.
Les risques liés à la prise en charge elle-même sont principalement les complications liées à
l’utilisation de plâtres et les erreurs de correction conduisant à une déformation iatrogène.
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3.5. Prise en charge [3, 4, 26]
La méthode Ponseti nécessite une formation. Elle est basée sur trois phases essentielles détaillées
dans un protocole précis : réduction de la déformation, phase de consolidation et maintien de la
correction obtenue avec gestion du risque de récidive. Au cours de mon stage, je n’ai participé qu’à la
première de ces phases.
Avant de mettre en place la prise en charge de Clara, il est important de commencer par informer
les parents sur le déroulement du traitement et leur implication dans celui-ci.
3.5.1. Information et implication des parents
Les parents de Clara sont inquiets par l’aspect des pieds de leur enfant, notamment à cause de
l’image que porte cette pathologie (cf. annexe V). Il est donc important de les rassurer afin d’obtenir
leur entière coopération au traitement. En effet, on constate l’importance que revêt l’implication des
parents dans le traitement. Ils font partie intégrante de la rééducation de leur enfant, créant ainsi un
trinôme parents-enfant-équipe soignante. Un accompagnement relationnel non satisfaisant, un manque
de disponibilité du thérapeute ou d’observance thérapeutique de la famille sont des causes possibles
d’échec du traitement.
Leur éducation doit être permanente. Il faut saisir chaque opportunité pour leur expliquer la
méthode Ponseti. Ceci passe par trois axes majeurs :
-
rassurer : il faut les déculpabiliser afin de rendre la situation plus acceptable. Pour eux, le
diagnostic anténatal a facilité l’accueil de Clara et l’organisation de la prise en charge. Il est
également nécessaire d’expliquer que le traitement est efficace mais long et contraignant et tenir
compte de l’impact psychologique que les contraintes liées aux prises en charge de longue durée
provoquent sur les familles ;
-
informer : il convient de leur être attentif et les inciter à appeler l’équipe soignante à n’importe
quel moment. Leurs inquiétudes amènent de nombreuses questions : causes du PBVE, durée du
traitement, évolution, retentissement sur la croissance et la marche…etc. Ces interrogations
doivent trouver réponse. L’équipe de l’hôpital Femme-Mère-Enfant a pour cela mis en place :
o
deux fiches d’instruction (cf. annexe VI) : l’une expliquant le déroulement de la prise en
charge et agrémentée de conseils, l’autre rappelant les consignes pour l’appareillage avec
attelle de Denis Browne ;
o
un site internet créé par un chirurgien de l’équipe soignante. On y trouve des informations sur
la méthode Ponseti ainsi qu’un forum. (http://www.soignerunpiedbot.com/) ;
18
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-
intégrer : ils participent à la surveillance à domicile de la tolérance et du positionnement des
plâtres. Pour cela, on leur apprend à vérifier que la circulation sanguine dans les orteils est correcte
et que le plâtre n’a pas glissé, qu’il faut garder le plâtre propre et sec et le placer sur un oreiller
pendant son séchage. Il faut aussi les responsabiliser sur le fait qu’une fois la correction obtenue,
son maintien par l’attelle est aussi primordial que les plâtres ou la ténotomie. Ainsi, on leur
apprend à la mettre en place correctement en utilisant des chaussettes en coton sans coutures, en
serrant bien la chaussure et en plaçant la barre dans le bon sens. Enfin, il est important de leur
accorder l’attention nécessaire afin de ne pas les décourager de venir aux rendez-vous, en
particulier en évitant des délais excessifs en salle d’attente avant la séance.
3.5.2. Réduction de la déformation
Cette phase débute dans les premiers jours de vie et dure six à huit semaines en fonction de la
sévérité de l’atteinte et de l’évolution. Elle est constituée de plusieurs étapes : réduction du cavus,
dérotation du bloc calcanéo-pédieux et mise en place des plâtres. Il est à noter que dans ce service
d’orthopédie, les masso-kinésithérapeutes ont une délégation de soins pour réaliser les plâtres du fait
de leur investissement sur ce type de prise en charge.
La séance se fait en consultation ambulatoire. Clara est installée en décubitus dorsal sur une table
d’examen. La température et la luminosité doivent être agréables pour elle. Il a été demandé
préalablement aux parents de prévoir un biberon pendant la séance afin que l’enfant soit le plus calme
possible. Enfin, la prise en charge est réalisée simultanément par deux thérapeutes, l’un déroule les
bandes de plâtre pendant que l’autre réalise la correction.
3.5.2.1.
Réduction du cavus
Le thérapeute s’installe face aux pieds de Clara. Nous détaillons ici les manœuvres pour le pied
droit. Dans un premier temps, il s’agit de palper les malléoles avec le pouce et l’index de la main
gauche pendant que la main droite maintient les métatarsiens et les orteils (fig.24). Puis le pouce et
l’index glissent vers l’avant afin de palper la tête du talus en avant de la mortaise tibio-fibulaire. On
peut ainsi sentir la partie latérale de la tête du talus et la partie antérieure du calcanéus en avant de la
malléole latérale. La réduction consiste en premier à corriger le cavus en alignant la supination de
l’avant-pied sur celle de l’arrière-pied (fig.25). Le cavus est souple chez elle et nécessite seulement de
relever le premier rayon pour obtenir un arc longitudinal médial normal. C’est dans cette position que
sera réalisé le premier plâtre. Paradoxalement, cette correction donne l’apparence d’une accentuation
de la déformation mais cet alignement est nécessaire pour obtenir une abduction efficace qui corrigera
ensuite l’adduction et le varus. Il est donc important de bien expliquer cette étape du traitement à ses
parents pour ne pas qu’ils paniquent.
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3.5.2.2.
Dérotation du bloc calcanéo-pédieux
Ainsi placé en supination, l’avant-pied de Clara est porté progressivement en abduction, avec un
contre-appui du pouce sur le talus pour le maintenir dans la mortaise tibio-fibulaire (fig.26). Stabiliser
le talus permet d’avoir un pivot autour duquel le pied est progressivement abducté. Toutes les
composantes de la déformation du pied, à l’exception d’une partie de l’équin, sont corrigées
simultanément et progressivement. C’est dans cette position qu’est effectué son premier plâtre.
Pour les plâtres suivants, son pied est placé sans pronation ni supination, le mouvement
d’abduction corrigeant la rotation du bloc calcanéo-pédieux (BCP). Au cours du mouvement
progressif d’abduction du pied, le calcanéus se déplace en éversion ce qui permet une correction
automatique du varus sans aucune mobilisation directe.
Quand la correction complète de l’abduction du pied est obtenue, l’équin est alors partiellement
réduit dans sa partie sous-talienne. La correction de l’équin résiduel se fait par ténotomie percutanée
du tendon d’Achille après le quatrième plâtre et détaillée par la suite. Cet allongement libère le
calcanéus qui reprend une place physiologique et permet d’obtenir une flexion dorsale.
3.5.2.3.
Plâtres successifs
Pour Clara, quatre plâtres cruro-pédieux de six ou sept jours maintiennent la correction
progressive de l’ensemble des déformations. Le plâtre joue deux rôles dans le traitement en permettant
la mise au repos des muscles courts et rétractés et en agissant sur les tissus conjonctif, cartilagineux et
osseux qui sont sensibles aux changements de direction des stimuli mécaniques. De plus,
l’immobilisation diminue la fabrication de collagène.
En effet, il y a dans les PBVE une augmentation des fibres de collagène du tissu conjonctif au
niveau de la partie distale du triceps et des ligaments du pied. Les amas fibreux leur donnent un aspect
ondulé susceptible d’être étiré. Cet aspect réapparait quelques jours plus tard, autorisant ainsi un
étirement plus important et expliquant pourquoi la correction manuelle de la déformation est possible
entre chaque immobilisation plâtrée.
Pour immobiliser les pieds de Clara dans des plâtres, il faut appliquer préalablement une fine
couche de ouate afin de permettre un moulage efficace du pied (fig.27). Celle-ci est appliquée avec
une légère tension et décalée d’une demi-largeur en remontant des orteils à la racine du membre
inférieur. Il faut ensuite maintenir ses pieds dans la position optimale de correction en tenant les orteils
tout en appliquant une contre-pression contre la tête du talus pendant qu’un plâtre est appliqué. Ces
plâtres se font avec une flexion de genou à 90° afin de respecter son schéma de flexion, de détendre les
gastrocnémiens et d’éviter le glissement du plâtre, surtout dans les premiers temps où le pied est très
en équin.
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L’application du plâtre se fait avec douceur, d’abord avec trois ou quatre tours autour des orteils,
puis en remontant jusqu’au genou. Le pied doit être tenu par les orteils et le plâtre déroulé par-dessus
les doigts qui les maintiennent afin de leur laisser assez d’espace.
Pendant le moulage du plâtre, il ne faut pas tenter de forcer la correction (fig.28). Le thérapeute
alterne des légères pressions et des relâchements successifs afin de corriger seulement ce qui peut
l’être et d’éviter d’avoir des zones d’appui cutanée. Le pouce gauche moule l’avant-pied en
supination. Au niveau de la voûte plantaire, il est important d’éviter toute déformation en pied plat ou
en pied convexe.
Il faut ensuite prolonger son plâtre jusqu’à la racine de la cuisse. Dans cette zone, il est utilisé plus
de ouate afin d’éviter toute irritation cutanée et de lui permettre de prendre du poids. Plusieurs couches
de plâtre peuvent être appliquées sur la face antérieure du genou pour augmenter la solidité de
l’immobilisation mais il convient d’éviter une trop grande quantité au niveau du creux poplité.
La finition se fait en laissant en place la partie plantaire du plâtre qui soutient les orteils mais en
libérant la partie dorsale jusqu’aux articulations métatarso-phalangiennes à l’aide d’une paire de
ciseaux. Ainsi est obtenue une sorte de semelle sur laquelle peuvent reposer ses orteils et permettre
leur mouvement.
L’ablation de ses plâtres se fait en début de séance à l’aide d’une scie à plâtre utilisée très
prudemment pour ne pas causer de lésions cutanées (fig.29). Afin d’avoir un bon suivi de la
correction, un nouveau bilan de ses pieds est effectué avant d’appliquer le plâtre suivant (fig.30).
3.5.2.4.
Risques
Les risques liés à cette phase sont classés selon deux étiologies :
-
les complications liées au plâtre :
o
déformation en pied convexe provoqué par les tentatives pour corriger l’équin avant la
correction du varus et de la supination du pied ;
o
gonflement des orteils lié à un plâtre trop serré ;
o
talon plat si une pression est appliquée sur le talon au cours du moulage ;
o
lésions cutanées superficielles gérables par application d’un pansement et la mise en place du
nouveau plâtre avec un peu de ouate ;
o
points d’appui et escarres dus à une mauvaise prise ou à un glissement du plâtre. Ils sont
habituellement retrouvés au niveau de la tête du talus, au-dessus du talon, sous la tête du
premier métatarsien, au niveau du creux poplité et à l’aine ;
-
les erreurs de correction conduisant à une déformation iatrogène :
o
pronation du pied : cette situation aggrave la déformation en accentuant le cavus et crée une
nouvelle déformation en inversion de l’avant-pied donnant l’apparence d’un pied en forme de
haricot ;
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o
rotation externe du pied pour corriger l’abduction pendant que le calcanéus reste en varus :
cela entraine un déplacement postérieur de la malléole externe par rotation externe du talus
dans la mortaise tibio-fibulaire ;
o
abduction dans l’articulation médio-tarsienne : on a alors un blocage de l’abduction du
calcanéus, ce qui interfère avec la correction du varus. Il faut s’assurer que le pied est bien
abducté autour du talus, en particulier du ligament interosseux talo-calcanéen.
3.5.2.5.
Ténotomie percutanée du tendon d’Achille
Une ténotomie percutanée du tendon d’Achille est indiquée pour compléter la correction de
l’équin lorsque le cavus, l’adduction et le varus sont complètement corrigés. Elle est réalisée par un
chirurgien orthopédiste pédiatrique (fig.31) mais c’est au kinésithérapeute de la programmer lorsqu’il
juge l’abduction satisfaisante. Pour Clara, elle est prévue à la suite du quatrième plâtre. Cet
allongement permet de descendre le calcanéus et donc d’avoir un gain majeur en flexion dorsale avec
un calcanéus bien mobile.
Notre rôle est également de préparer ses parents en leur expliquant qu’il s’agit d’une intervention
mineure mais que, comme tout acte chirurgical, des risques sont présents.
Après la correction de l’équin par ténotomie, on applique chez Clara deux plâtres de 10 jours afin
de permettre la cicatrisation complète du tendon d’Achille en position longue.
3.5.3. Phase de consolidation
Après ces temps de plâtre, le protocole de Ponseti fait appel à une attelle pédieuse en abduction
maintenant le pied en abduction et flexion dorsale (fig.32). Cette étape n’a pas été vue, du fait de la
durée du stage pendant laquelle a été réalisée cette étude. L’hôpital Femme-Mère-Enfant utilise une
barre type Denis Browne reliant deux sandales à bouts ouverts type sandales américaines. Il faut
maintenir les pieds à corriger en abduction à 70° et en flexion dorsale à 15° afin de garder l’abduction
du calcanéus et de l’avant-pied et ainsi prévenir les récidives. Les genoux sont laissés libres, ce qui
permet à l’enfant de les étendre normalement. Malgré son apparence, l’attelle est généralement très
bien acceptée. Par la suite, le pied retournera doucement vers l’intérieur sans garder cette hypercorrection. L’enfant doit porter ces chaussures 22h sur 24 et ceci pendant 4 mois. Il faut un programme
rigoureux de suivi avec l’attelle car sinon le risque de récidive est très important.
3.5.4. Phase de maintien et gestion de la récidive
Le port va diminuer progressivement pour n’être plus gardé que la nuit, et ce jusqu’à l’âge de 3 ou
4 ans. La journée, l’enfant sera chaussé normalement et pratiquera les activités sportives qu’il
souhaite. Il devra être suivi en consultation de chirurgie régulièrement jusqu’à la fin de la croissance
afin de surveiller le moindre signe de récidive.
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Les signes de récidive sont à surveiller tout au long de la croissance et arrivent souvent au moment
d’une poussée de croissance. Ils peuvent ainsi être résumés de façon non exhaustive :
-
une diminution de la flexion dorsale ;
-
une marche sur le bord externe du pied : la supination signe une hyperactivité du tibial antérieur
par rapport aux muscles fibulaires ;
-
une marche avec le pied en dedans : adduction active du gros orteil ou adduction passive de
l’avant-pied. A différencier de la marche en rotation interne due à un manque de torsion tibiale
externe normale à cet âge ;
-
une marche avec attaque du pas sur la pointe ;
-
une réapparition ou accentuation du varus en charge.
En cas de récidive, la technique de Ponseti propose des reprises par temps de plâtre à tout âge par
cruro-pédieux et/ou bottes de marche, suivis généralement d’une posture prolongée nocturne par
attelle. De très bons résultats sont obtenus et permettent d’éviter les opérations ou de les reculer. En
cas d’échec des plâtres, il est proposé différentes interventions chirurgicales : ténotomie de l’adducteur
de l’hallux, allongement du tendon d’Achille, transfert du tibial antérieur sur le troisième cunéiforme
quand la balance musculaire n’est pas bonne ou encore libération postéro-interne. Ces interventions
sont pratiquées dans environ 10% des cas avec cette méthode.
3.6. Evaluation à la fin de la réduction de la déformation
3.6.1. Examen statique et palpatoire du pied
Cinquante jours après le début de la prise en charge et à la septième séance, le morphotype des
pieds de Clara n’est bien entendu pas modifié, mais nous avons une disparition de l’attitude vicieuse
en adduction, supination et équin, aussi bien à droite qu’à gauche.
Au niveau cutané, le pli interne, le pli postérieur et le cavus ont disparu et sont accompagnés d’une
normalisation de l’excèdent cutané qui était présent sur le bord latéral du pied.
La palpation indique que l’os naviculaire n’est plus en contact avec la malléole médiale et que la
position du calcanéus s’est normalisée dans la coque talonnière.
3.6.2. Examen de la mobilité passive de la cheville et du pied
Nous nous référons à nouveau aux éléments retenus par la classification de Diméglio :
-
pour le varus de l’arrière-pied, la réduction passive nous donne un angle inférieur à -20° à droite
comme à gauche ;
-
pour l’équin de l’arrière-pied, la réduction passive nous donne un angle supérieur à 20° de flexion
dorsale à droite et à gauche ;
-
pour la rotation du bloc calcanéo-pédieux, la réduction passive nous donne un angle inférieur à
-20° à droite et à gauche ;
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-
pour l’adduction de l’avant-pied, la réduction passive nous donne un angle inférieur à -20° à droite
et à gauche.
Pour ces quatre critères, le score attribué est donc de « 0 » point des deux côtés. A noter que la
mobilisation passive n’est plus douloureuse chez Clara et que la motricité spontanée est normale.
3.6.3. Examen dynamique du pied et du nouveau-né
D’un point de vue trophique, une légère amyotrophie des triceps suraux est visible.
D’un point de vue de la tonicité, les muscles fibulaires et longs extenseurs des orteils, les tibiaux
postérieurs et antérieurs, les triceps suraux, les longs et courts fléchisseurs des orteils et le long
fléchisseur de l’hallux se sont normalisés.
Du point de vue de l’activité, il est à noter un rééquilibrage de la balance musculaire des releveurs
du pied.
3.6.4. Score de Diméglio
Ici, on obtient un score de « 0 » points pour les deux pieds. Clara bénéficie donc d’une bonne
normalisation de ses PBVE, laissant entrevoir une bonne fonctionnalité dans le futur.
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4. Discussion
4.1. Anatomopathologie du PBVE
Les éléments anatomo-pathologiques nécessaires pour élaborer une stratégie thérapeutique adaptés
sont nombreux et complexes. Selon Ponseti, l’échec du traitement est dû à une connaissance
insuffisante de la biomécanique et de l’anatomopathologie du PBVE car la compétence s’acquiert
d’abord par une démarche intellectuelle [3]. Ceci rend peu accessible le traitement de cette pathologie,
quel que soit la méthode utilisée.
4.2. La méthode Ponseti : risques et limites
L’équipe du service d’orthopédie pédiatrique de l’hôpital Femme-Mère-Enfant a adopté depuis
plus de dix ans la méthode de Ponseti pour le traitement des PBVE afin d’optimiser la qualité et la
continuité des soins. L’expérience acquise par cette équipe, notamment grâce à une rencontre avec le
Dr Ponseti, permet une prise en charge rapide et efficace. Néanmoins, cette méthode connait des
limites que nous allons détailler ici.
Limite 1 : les risques de lésions iatrogènes liés au traitement sont régulièrement cités par des
auteurs, bien qu’aucune étude prospective n’en ait mesuré l’incidence [3]. Quoi qu’il en soit, la
fragilité tissulaire des nouveau-nés nécessite une réelle prudence dans l’élaboration du processus
rééducatif.
Limite 2 : il est nécessaire de rappeler que même si la méthode Ponseti évite les interventions
chirurgicales lourdes dans environ 90% des cas, elle nécessite une ténotomie du tendon d’Achille dans
80 à 95% des cas selon les études. Bien que cette intervention soit dite « mineure», elle présente
néanmoins des risques, comme tout acte chirurgical, notamment en lien avec l’anesthésie générale.
Limite 3 : pour la suite du traitement, la principale limite était liée au matériau des attelles de
Denis Browne. Les attelles se cassaient souvent sous le jeu des poussées des enfants, aussi l’équipe
soignante a choisi les attelles de type Ponseti-Mitchell (fig.36). Les problèmes de casse sont moins
fréquents mais au détriment d’un autre paramètre : le coût pour les parents. Après remboursement par
la sécurité sociale, le prix total est passé d’environ 150 à 265 euros. C’est une charge financière
conséquente, notamment parce que la croissance de l’enfant induit inexorablement un renouvellement
des frais.
Limite 4 : cette méthode nécessite la présence d’une équipe spécialisée à proximité or, bien qu’en
développement, elle n’est encore que trop peu pratiquée en France. Exemple, dans le quart sud-est de
la France, elle n’est utilisée que par les équipes de Lyon, Saint-Etienne et Marseille [4].
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4.3. Classification du PBVE
Bien que la reproductibilité inter-observateurs de la classification de Diméglio soit excellente [3,
27], elle nécessite une familiarisation peu évidente sans partage d’expérience. De plus, une part de
subjectivité de l’appréciation des déformations articulaires est inhérente à cette évaluation. La mise en
place d’un score fonctionnel après l’acquisition de la marche pourrait également être intéressante.
C’est pourquoi un groupe de travail multicentrique et international réfléchit en ce moment à
l’élaboration de critères consensuels. Enfin, il est utile de rappeler que le score initial du PBVE ne
renseigne en aucun cas sur le pronostic fonctionnel du pied.
4.4. Qualité des interventions thérapeutiques
La maitrise de la qualité des interventions passe par la nécessité d’effectuer un nouveau bilan à
chaque séance, ce qui représente une perte de temps importante mais indispensable. De plus, la prise
en charge de ce type de pathologie nécessite une spécialisation du masseur-kinésithérapeute. Comme
le rappelle l’HAS [3], de nombreux auteurs soulignent l’importance d’un long apprentissage, ce qui
rend peu accessible la méthode de Ponseti. C’est dans l’optique de développement de cette méthode
que l’équipe de l’hôpital Femme-Mère-Enfant a mis en place un week-end annuel de partage
d’expérience entre professionnels de santé. Dans le même but, des outils de communication avec les
professionnels de santé mais aussi avec le grand public ont été développés. Ainsi est né un site internet
avec un forum accessible à tous [4].
Le traitement des PBVE est décrit selon trois démarches thérapeutiques différentes : la méthode
fonctionnelle associant mobilisations et contentions amovibles, le traitement mixte associant
contentions plâtrées et mobilisations et la méthode par plâtres successifs suivis de postures. Il est
intéressant de s’interroger sur l’efficacité de ces trois méthodes mais, faute d’étude prospective les
comparant, aucune n’apporte la preuve de sa supériorité [3]. Toutes les trois permettent d’obtenir des
résultats fonctionnels satisfaisants sans recours systématique à la chirurgie.
4.5. Rôle des parents
L’intégration des parents de Clara au processus rééducatif est un élément clé dans la réussite du
traitement. Leur coopération est essentielle dès le début de la prise en charge. Ils doivent être
disponibles pour suivre la rééducation, notamment au cours des premiers mois. Leur participation dans
le suivi des soins à domicile, la surveillance des plâtres puis de l’attelle et la sensibilisation à
l’évolution de la déformation et aux réactions de leur fille sont autant d’éléments à prendre en compte.
Cette notion d’intégration parentale est sublimée lorsqu’on sait que la cause la plus fréquente de
récidive est la non-observance du port de l’attelle. En effet, une étude a montré que les récidives ne
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sont présentes que dans 6% des cas lorsque l’enfant porte l’attelle comme recommandée, contre plus
de 80% lorsque ce n’est pas le cas [26]. Ceci met en exergue le rôle qu’a le masseur-kinésithérapeute
dans l’éducation des parents. C’est pourquoi la grande majorité des auteurs insiste sur l’attention
particulière qu’il est indispensable de mettre en place à l’encontre des parents [3].
Enfin, un élément à ne pas omettre est que le PBVE est une pathologie souffrant d’une
représentation très négative dans notre société. La tradition populaire occidentale a fait une
assimilation péjorative entre boiterie ou malformation et difformité intellectuelle et morale (cf. annexe
V). A l’annonce du diagnostic, les parents sont souvent angoissés, voire tétanisés. Les aider à
surmonter cette barrière culturelle doit faire partie intégrante de notre rééducation afin de rendre la
situation plus acceptable et favoriser ainsi une bonne adhésion au traitement. Les parents sont la clé de
voûte de cette rééducation et déterminent une grande partie du futur de leur enfant.
4.6. Pronostic fonctionnel
Il faut garder à l’esprit que malgré une prise en charge optimale, le pied gardera des séquelles.
L’HAS fait ainsi référence à une étude comparative réalisée en 1990 [28]. Celle-ci porte sur trente
patients dont le traitement par plâtres successifs est fini depuis au moins 3 ans. Bien qu’aucune
différence de longueur des membres inférieurs ne soit objectivée, les auteurs retrouvent :
-
une longueur du pied pathologique n’atteignant qu’en moyenne 95% de la longueur du pied sain ;
-
un périmètre du triceps sural ipsilatéral n’atteignant que 90% de celui du côté sain ;
-
une diminution de 65% de la dorsi-flexion du pied pathologique par rapport à l’amplitude
physiologique.
Pour Clara, la première partie du traitement a été efficace et les objectifs à court terme ont été
atteints. Ses parents ont semblé impliqués et avoir compris l’importance de l’observance du traitement,
notamment du futur port des attelles. Ces éléments laissent espérer un pronostic fonctionnel
satisfaisant.
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Conclusion
Bien que les résultats de la prise en charge soit indéniables, Clara portera une attelle jusqu’à l’âge
de trois ans. Ses pieds, même bien traités, sont toujours susceptibles de faire une récidive et garderont
des séquelles. L’essentiel est néanmoins d’obtenir un pied plantigrade, indolore et fonctionnel. L’âge
de l’acquisition de la marche sera peut-être retardé de quelques mois tout au plus mais cela est sans
conséquences sur le développement cérébromoteur de l’enfant. Il est intéressant de noter que sur le
plan fonctionnel, la bilatéralité de sa pathologie représente un désavantage mais que paradoxalement,
sur le plan esthétique, cela présente l’avantage d’en diminuer les différences morphologiques. Clara
aura moins de différence de longueur des pieds, avec pour avantage direct une facilitation du
chaussage et une différence moins visible entre les périmètres de ses triceps suraux.
Cette méthode de rééducation est inscrite dans le cadre d’un protocole précis, nécessite un bon
encadrement et doit être réalisée par une équipe expérimentée. Il est cependant intéressant de noter que
cela ne stéréotype pas la prise en charge. En effet, chaque évolution est unique et tout professionnel de
santé est confronté, en pédiatrie plus qu’ailleurs, à la conséquence de ses actes sur l’évolution de
l’enfant. Elaborer les soins appropriés à partir de ses connaissances et de son diagnostic massokinésithérapique prend alors toute sa valeur.
Les impératifs édictés ci-dessus rendent l’apprentissage de cette méthode très ardu et de facto
incomplet lors d’un stage de seulement cinq semaines. Néanmoins, cette prise en charge m’a permis de
me rendre compte de toute la complexité d’une rééducation précoce, durable et se devant d’être en
harmonie et en cohérence avec les attentes des parents. Elle m’a aussi permis d’approfondir mes
connaissances anatomiques, cinésiologiques et physiopathologiques sur le pied en général et sur le
pied bot varus équin en particulier. Enfin, la réalisation de ce travail m’a demandé de m’intéresser aux
outils de recherche bibliographique, bénéfice précieux et indispensable pour ma future pratique en tant
qu’acteur de santé.
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Bibliographie
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Figures
Figure 1 : Hôpital Femme-Mère-Enfant
http://www.chu-lyon.fr/web/Hopital_Mere-enfant_2546.html
Figure 2 : pied bot varus équin
http://www.soignerunpiedbot.com/Images.htm
31
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Figure 3 : embryologie du pied
6ème semaine
7ème semaine
8ème semaine
http://embryology.med.unsw.edu.au
51ème jour
54ème jour
60ème jour
http://www.soignerunpiedbot.com/Embryologie.htm
Figure 4 : développement embryologique anormal
http://www.soignerunpiedbot.com/Embryologie.htm
32
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Figure 5 : diagnostic anténatal
3ème mois
PBVE à 23 semaines
http://www.soignerunpiedbot.com/Embryologie.htm
http://www.gehealthcare.com/eufr/ultrasound/images/
products/general-imaging/logiq-3/equjpg_500.jpg
Figure 6 : bloc calcanéo-pédieux [11]
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Figure 7 : double appartenance de l’articulation talo-naviculaire [11]
Figure 8 : vue supérieure et vue latérale du talus [14]
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Figure 9 : déviation médiale du col du talus par rapport à la poulie [11]
Figure 10 : hypoplasie et excentration du noyau d’ossification du talus [11]
Figure 11 : noyau d’ossification du calcanéus [11]
Figure 12 : inégalité de longueur des arcs longitudinaux [11]
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Figure 13 : adduction du calcanéus sous le talus (vue supérieure) [11]
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Figure 14 : verrouillage des attitudes vicieuses par les parties molles [11]
Vue postérieure du pied droit
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Figure 15 : radiologies de Clara à 1 mois
Figure 16 : exemple d’un enfant marchant sur la face dorsale des pieds [17]
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Figure 17 : classification de Diméglio [3]
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Fig.18 : plâtres successifs dans la méthode de Ponseti [4]
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Figure 19 : pieds de Clara à la naissance
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Figure 20 : échelle NFCS [22]
Figure 21 : bilan du tonus [23, 24]
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Figure 22 : exemples de plis cutanés [4]
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Figure 23 : fiche de synthèse de Clara
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Figure 24 : palpation du pied [26]
Figure 25 : correction du cavus [26]
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Figure 26 : dérotation du bloc calcanéo-pédieux [26]
Figure 27 : application de la couche de ouate chez Clara au cours du 1er plâtre
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Figure 28 : moulage du 1er plâtre de Clara et dégagement des orteils
Figure 29 : ablation du plâtre
Figure 30 : résultat après le 1er plâtre
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Figure 31 : ténotomie percutanée du tendon d’Achille [4]
Figure 32 : ablation du dernier plâtre de Clara et mise en place de l’attelle
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Figure 33 : fiche de synthèse des résultats de Clara
Figure 34 : résultat final
Figure 35 : les plâtres successifs de Clara
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Figure 36 : attelles utilisées par l’équipe de l’hôpital Femme-Mère-Enfant
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Annexes
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Annexe I : mouvements et attitudes pathologiques fixées
Annexe II : les nœuds fibreux
Annexe III : éléments rétractés pour chaque attitude vicieuse
Annexe IV : classification de Diméglio
Annexe V : histoire et image du pied bot
Annexe VI : fiches d’information distribuées aux parents
Annexe VII : analyse et synthèse bibliographique
Annexe VIII : attestation de production des autorisations écrites
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Annexe I : mouvements et attitudes pathologiques fixées
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Annexe II : les nœuds fibreux
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Les nœuds fibreux sont définis par le regroupement de fascias rétractés, de gaines
tendineuses, voire de ligaments qui se trouvent accolés du fait des attitudes vicieuses du
PBVE [11].
Le nœud fibreux antéro-interne (NFAI) est formé par :
-
le tendon du tibial postérieur et sa gaine.
-
un tissu fibreux tibio-naviculaire constitué par la capsule articulaire talo-naviculaire et la
portion antérieure du ligament médial tibio-naviculaire.
-
la gaine du muscle fléchisseur commun des orteils.
-
le bord supérieur arciforme du septum intermusculaire médial.
-
la loge plantaire interne qui contient le muscle court fléchisseur de l’hallux, la partie
terminale du tendon du long fléchisseur propre, l’adducteur du gros orteil, les vaisseaux et
les nerfs plantaire internes.
Toutes ces structures sont accolées et plaquées contre le plan osseux talo-naviculaire. Le
NFAI verrouille ainsi l’adduction du bloc calcanéo-pédieux (BCP) et l’adduction médiotarsienne (fig.37).
Le nœud fibreux postéro-externe (NFPE) maintient la grosse tubérosité du calcanéus à
proximité de la malléole fibulaire (fig.38). De ce fait, il verrouille l’équinisme tibio-tarsien et
l’adduction du BCP. Il est constitué par la gaine des muscles fibulaires accolée aux rétinacula
supérieur et inférieur des muscles fibulaires, du septum intermusculaire transverse et du
ligament calcanéo-fibulaire (faisceau moyen du ligament collatéral latéral).
Le nœud fibreux antéro-externe (NFAE) est le dernier verrou de l’adduction du bloc
calcanéo-pédieux. Il est constitué par le rétinaculum inférieur des extenseurs et par le
ligament talo-calcanéen latéral.
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Figure 37 : nœud fibreux antéro-interne (NFAI) [11]
Figure 38 : nœud fibreux postéro-externe (NFPE) [11]
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Annexe III : éléments rétractés pour chaque attitude vicieuse
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[11]
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Annexe IV : classification de Diméglio
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Annexe V : histoire et image du pied bot
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Histoire et image du pied bot
1. Histoire du pied bot varus équin [4]
Le pied bot varus équin est une malformation connue depuis longtemps. Durant l'antiquité, il
n'était pas rare que les enfants nés avec un pied bot meurent par carence de soins ou par infanticide.
Hippocrate fut le premier à essayer de comprendre et de traiter cette maladie, et ceci dès la naissance.
Selon lui, "le pied bot est curable dans la majorité des cas. Le mieux est de traiter cette lésion le plus
tôt possible avant qu'il ne devienne une atrophie prononcée".
Concernant un aspect plus médical du pied bot, il faut attendre le XVIème siècle, avec Ambroise
Paré et Félix Würtz de Bâle, pour voir apparaître des propositions de traitement par contention externe
progressive. La technique utilisée par Ambroise Paré était très proche de celle d'Hippocrate, c'est-àdire commencer très tôt le traitement, corriger par manipulations douces et maintenir la correction
longtemps par bandages et chaussures.
La première ténotomie du tendon d'Achille fut réalisée par Lorenz à Francfort le 26 mars 1784, sur
une jeune patiente de 17 ans.
Dès 1803 Antonio Scarpa, médecin italien propose un ouvrage sur la manière de corriger le pied
bot congénital : “Memoria chirurgica sui piedi torti congenita dei fanciulli e sulla manieradi
correggere questa deformita” (fig.39).
Denis Browne (1893-1967), chirurgien australien, fit carrière en Angleterre. Il mit au point un
système d'attelle attachant séparément les pieds puis les reliant par une barre (fig.41).
Quelques personnages célèbres ont été atteints d’un PBVE :
-
Lord Byron (1778-1824), poète anglais, vécut très difficilement ce handicap et le ressentit comme
une infirmité physique et sociale. Il préféra vivre à Venise, où les déplacements se faisaient plus
en gondoles qu'à pied.
-
Sir Walter Scott (1771-1832), romancier anglais, accepta mieux cette malformation car ses deux
ancêtres en avaient été porteurs.
-
Talleyrand (1754-1838), diplomate français, dissimula l'origine congénitale de sa maladie en
racontant qu'une nourrice maladroite avait provoqué un accident dans son enfance.
L'origine du pied bot varus équin a été recherchée très précocement dans l’histoire de la médecine.
La cause la plus populairement admise était la déformation du pied contraint par la cavité intra-utérine,
image qui perdure encore.
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2. Image du pied bot dans la tradition populaire [29]
Dans la littérature grecque ancienne, les textes révèlent la primauté de la boiterie sur les autres
« tares ». La mentalité antique veut que la dignité de l’être humain soit directement liée à la station
debout et au déplacement autonome. Dans le monde épique, force et beauté sont les normes du héros.
La noble apparence est forcément le signe extérieur de la haute valeur morale de l’individu.
Dans ce contexte, ne pas pouvoir se tenir debout sur des chevilles droites est donc considéré
comme la pire des déchéances. « L’homme est le seul animal qui se tienne droit » selon Aristote.
Perdre cette station debout, c’est alors perdre la supériorité de l’homme face à l’animal.
L’importance de la verticalité s’est ensuite enrichie d’un sens figuré avec une notion de justesse de
raisonnement, une valeur morale et même un contenu social et politique. Le pied étant valorisé dans le
corps humain, la marche est alors utilisée comme une représentation métaphorique du comportement.
Ainsi, le pied est considéré à la fois comme la noblesse et la faiblesse de l’homme. Lorsqu’il
fonctionne normalement, il constitue une supériorité, l’instrument de la liberté ; en revanche, atteint
par le handicap, le pied devient le point faible du corps, dont il concentre en lui toute la vulnérabilité.
Ainsi intervient-il dans les mythes racontant la chute de l’homme dans la faute, comme le point où
frappe la malédiction : Achille n’ayant que son talon pour point faible, Œdipe ayant les pieds mutilés à
la naissance ou encore l’énigme du Sphinx, un des mythes les plus anciens, qui repose entièrement sur
la figuration du pied et de la marche comme l’élément essentiel de la destinée humaine.
Au Moyen-âge, le pied bot était considéré comme une punition divine. La première représentation
de Satan a été fournie par la vision apocalyptique des Evangiles de Saint-Jean mais plus tard, on lui
imputa un pied bot, conséquence de sa chute du ciel.
La tradition populaire occidentale a fait une assimilation péjorative entre boiterie ou malformation
et difformité intellectuelle et morale. En revanche, la société chinoise a attribué une valeur esthétique
et sociale importante aux "petits pieds". L'aspect "pied bot" était recherché depuis le plus jeune âge, et
il existait des méthodes destinées à déformer un pied normal pour lui donner l'aspect souhaité.
L’Enigme du sphinx
« Quel est l’être qui se déplace à la fois sur deux pieds,
sur trois pieds et sur quatre pieds ? »
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Figure 39 : appareillages proposés par A. Scarpa
Figure 40 : exemples d’appareillages utilisés au XIXème et début du XXème siècle
Figure 41 : appareillages proposés par Denis Browne
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Annexe VI : fiches d’information distribuées aux parents
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Annexe VII : analyse et synthèse bibliographique
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Analyse bibliographique
Article 1 : Wainwright AM, Auld T, Benson MK, Theologis TN. The classification of congenital
talipes equinovarus. J Bone Joint Surg (Br). 2002; 84-B: 1020-1024.
Cet article compare quatre systèmes de classification des pieds bots varus équins (PBVE). Tout
comme la Haute Autorité de Santé, le meilleur résultat en termes de reproductibilité est attribué à la
classification de Diméglio. Néanmoins, les conclusions des auteurs suggèrent qu’aucune de ces
classifications n’est entièrement satisfaisante, la pathologie étant complexe, tridimensionnelle et
dynamique. Enfin, ils rappellent qu’aucune d’entre elles ne permet de pronostic fonctionnel.
Article 2: Staheli L et al. Clubfoot: Ponseti management, third edition. http://www.global-help.org ;
2009.
Cet article fait référence pour résumer la méthode de Ponseti. Après une explication des bases
biologiques et cinématiques de cette méthode, les auteurs en présentent les principes. Non content de
reprendre ses bénéfices, ils soulignent judicieusement ses limites. De plus, ils proposent des solutions
concrètes pour les repousser, notamment sur les informations à donner aux parents afin de les intégrer
au traitement.
Article 3: Chotel F, Parot R, Durand J-M, Garnier E, Hodgkinson I, Berard J. Prise en charge initiale
du pied bot varus équin congénital selon la méthode de Ponseti. Revue de chirurgie orthopédique.
2002 ; 88 : 710-717.
Cet article a été rédigé en 2002 par l’équipe médicale de l’hôpital Debrousse, transféré depuis à
l’hôpital Femme-Mère-Enfant. On y retrouve donc le déroulement de la prise en charge développée
dans ce mémoire. Les auteurs y développent notamment la technique de confection des plâtres. Pour
conclure, ils soulignent l’avantage certain de cette méthode, mais insistent sur la nécessité d’une phase
d’apprentissage.
Article 4 : Penny JN. The neglected clubfoot. Techniques in Orthopaedics. 2005; 20(2): 153-166.
Cet article développe la prise en charge des PBVE non traités. Après un rappel
anatomopathologique, l’auteur présente la méthode de Ponseti. Bien que cette méthode seule ne
permette pas d’obtenir un résultat satisfaisant, elle a l’avantage de limiter l’importance du geste
chirurgical. Enfin, l’auteur rappelle qu’il est impossible d’obtenir un résultat parfait mais que
l’essentiel est d’obtenir un pied plantigrade, indolore et fonctionnel.
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Article 5 : Besse JL, Leemrijse T, Thémar-Noël C, Tourné Y. Le pied bot varus équin : traitement
chez l’enfant et devenir à l’âge adulte. Revue de chirurgie orthopédique. 2006 ; 92 :175-192.
Les auteurs de ce colloque font ici l’état des lieux des pratiques médicales utilisées dans le
traitement des PBVE. De plus, ils analysent les séquelles chez l’adulte afin de proposer une solution
thérapeutique adaptée à chacun. Pour cela, ils utilisent l’analyse quantifiée de la marche, l’examen
radiologique ou encore l’analyse des pressions plantaires dynamiques. Ils arrivent à la conclusion que
les séquelles s’intensifient à l’âge adulte et s’accompagnent souvent d’arthrose, de douleur et de
raideur. Enfin, ils insistent sur la majoration des difficultés en cas de PBVE non traité,
d’hypercorrection ou de dégradation de l’articulation talo-crurale.
Article 6 : Galland F, Bréart G, Cohen-Salmon D, Cellier E et al. L’enquête nationale sur la place des
parents à l’hôpital. Colloque « Parents d’enfants hospitalisés : visiteurs ou partenaires ? ». 2004 ; 1836, 95-96.
Cet article nous intéresse car il explore le rôle des parents et l’information et la documentation qui
leurs sont offertes en pédiatrie. Il s’inscrit dans un colloque mettant en lumière la place des parents
dans ce type de prise en charge. Il pousse particulièrement les soignants à reconsidérer la relation créée
avec eux dans le cadre du trinôme équipe soignante – enfant – parents. Les auteurs l’ont enrichi de
propositions d’action concrètes pour améliorer la communication au travers de cette relation
particulière.
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Synthèse bibliographique
Au travers de ces articles, nous pouvons envisager toute la difficulté du traitement du pied bot
varus équin (PBVE). En effet, outre la complexité des processus anatomopathologiques en cause, de
nombreux éléments sont à prendre en compte. Le PBVE est un système complexe et fragile. La
malléabilité tissulaire du nouveau-né induit des précautions indispensables dans notre prise en charge
pour ne pas léser. C’est là qu’intervient tout le poids de l’expérience et de la spécialisation du
masseur-kinésithérapeute.
De plus, on retire de la lecture de ces textes que sans traitement, l’évolution du PBVE est
désastreuse, notamment sur le plan fonctionnel. Mais même bien traité, un PBVE ne redeviendra
jamais un pied « normal ». De cela témoigne l’intensification des séquelles observées à l’âge adulte.
Enfin, ces articles révèlent l’importance de la motivation et de l’intégration des parents. Le bon
résultat de la prise en charge thérapeutique dépend d’eux car elle nécessite une surveillance régulière
de l’évolution de la pathologie. Ce suivi doit être continué au-delà de l’acquisition de la marche et
notamment au cours de la croissance. De l’entente étroite entre les parents et les thérapeutes dépend le
devenir fonctionnel des pieds de l’enfant.
En conclusion, le PBVE est une pathologie complexe et sévère dont la réussite du traitement
dépend de l’adéquation de nombreux paramètres. L’essentiel reste ce triple objectif : obtenir un pied
plantigrade, indolore et fonctionnel.
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Annexe VIII : attestation de production
des autorisations écrites
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