Les syndicats américains et l`immigration (Mémoire M2 EPI)
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Les syndicats américains et l`immigration (Mémoire M2 EPI)
UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE UFR Economie – Stratégies – Entreprise Mémoire de Master Economie et Politiques Internationales 2006 – 2007 LES SYNDICATS AMERICAINS ET L’IMMIGRATION PREFERENCES ET STRATEGIES SYNDICALES FACE AUX TRAVAILLEURS EN SITUATION IRREGULIERE DANS LE SECTEUR AGRICOLE Simon GUIDECOQ Le 30/08/2007 Sous la direction de Bernard GERBIER 1 L’université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. 2 Mes remerciements vont tout d’abord à Irv Hershenbaum, Sheeheryar Kaoosji et aux autres chercheurs du département de Recherches Stratégiques et des Campagnes d’Organisation de l’United Farm Workers, pour leur accueil lors de mon stage durant l’automne 2006. L’aide de Robert C. Romero, Eduardo Aguilar et Eleuteria Hernandez du département des études Chicanos de l’Université de Californie à Los Angeles a aussi beaucoup contribué au caractère enrichissant de cette expérience. Les relectures de ce mémoire par Stéphanie Merle et mes parents ont aussi éliminé nombre de mes fautes d’orthographe, erreurs de ponctuation et expressions incertaines. Enfin, je réserve une large part de mes remerciements à mon directeur de mémoire Bernard Gerbier, tant pour son aide lors de l’élaboration de ce travail que pour avoir accepté et grandement facilité mon séjour d’études aux Etats-Unis dans le cadre de l’échange universitaire avec l’Université de Californie à Los Angeles dont j’ai bénéficié l’année passée. 3 LES SYNDICATS AMERICAINS ET L’IMMIGRATION PREFERENCES ET STRATEGIES SYNDICALES FACE AUX TRAVAILLEURS EN SITUATION IRREGULIERE DANS LE SECTEUR AGRICOLE 4 ACRONYMES ALENA : Accord de Libre Echange Nord-Américain ACR : Accord Commercial Régional ACS : American Community Survey AEWR : Adverse Effect Wage rate AFL-CIO : American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations AFSCME : American Federation of State, County and Municipal Employees AFT : American Federation of Teachers AgJOBS : Agricultural Jobs Opportunities and Benefits and Security Act ALRA : Agricultural Labor Relations Act ALRB : Agricultural Labor Relations Board BLS : Bureau of Labor Statistics CAFTA : Central American Free Trade Agreement COLA : Cost Of Living Adjustment CPS : Current Population Survey CRM : Conférences Régionales sur les Migrations CtW : Change to Win DHS : Department of Homeland Security DOL : Department Of Labor EPI : Economie Politique Internationale FLC : Farm Labor Contractor FVH : Fruits Vegetables and Horticulture GATT : General Agreement on Tariffs and Trade HO : Heckscher Ohlin 5 INS : Immigration and Naturalization Services IRCA : Immigration Reform and Control Act LIUNA : Laborers’ International Union of North America NAWS : National Agricultural Workers Survey NCAE : National Council of Agricultural Employers ONG : Organisation Non Gouvernementale SEIU : Service Employees International Union UBT : United Brotherhood of Teamsters UFCW : United Food and Commercial Workers UFW : United Farm Workers UNITE HERE : Union of Needletrades, Industrial and Textile Employees-Hotel Employees and Restaurant Employees USCC : United States Chamber of Commerce USDA : United States Department of Agriculture WASP : White Anglo-Saxon Protestant ZLEA : Zone de Libre Echange des Amériques ACTWU : Amalgamated Clothing and Textile Workers Union 6 SOMMAIRE Introduction générale : Les préférences collectives de politique d’immigration aux EtatsUnis et le processus d’intégration économique continental……………………..……….….....8 Chapitre I : Les externalités négatives du statut illégal de la main d’œuvre pour les syndicats dans le secteur agricole.………………………….……………..…..………24 Chapitre II : Le paradoxe de l’évolution des préférences syndicales de politique d’immigration…………………………………………………………………………39 Chapitre III : Le lien entre préférences de politique d’immigration et stratégies syndicales face à l’immigration en situation irrégulière……………….……………..53 Conclusion générale : Vers une convergence des intérêts des organisations syndicales et de la population immigrée ?…………………….…….…………....................................................64 7 INTRODUCTION GENERALE Les préférences collectives de politique d’immigration aux Etats-Unis et le processus d’intégration économique continental Le processus politique d’intégration économique entre les trois Etats du continent nord-américain, Canada, Etats-Unis et Mexique, a débuté avec l’entrée en vigueur le 1er janvier 1994 de l’Accord de Libre Echange Nord-Américain (ALENA). Ce traité commercial visait à consolider institutionnellement une intégration économique déjà avancée entre ces trois économies. L’ALENA a aboli la quasi-totalité des barrières tarifaires qui n’avaient pas été démantelées unilatéralement ou lors des négociations commerciales multilatérales du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT). A cette fonction traditionnelle des accords commerciaux régionaux (ACR) s’ajoutent des innovations qui ont souvent fait parler de l’ALENA comme le premier accord commercial de « seconde génération »1. 1 C. Deblock et D. Brunelle (1996), « Le régionalisme économique international : de la première à la deuxième génération» in M. Fortmann, S. Neil Macfarlane et S. Roussel (1996), Tous pour un ou chacun pour soi. Promesses et limites de la coopération régionale en matière de sécurité, Institut Québécois des Hautes Etudes Internationales, Québec, pp. 271-313. 8 En effet, le traité applique la clause de traitement national aux investissements directs à l’étranger et abolit toute restriction aux flux de capitaux entre ses trois partenaires. Il harmonise aussi les politiques de concurrence et les droits de propriété des trois législations nationales. Notamment, il restreint la possibilité d’un Etat d’exproprier un investisseur étranger, condition jugée nécessaire pour favoriser l’entrée de capitaux dans un pays aussi politiquement instable que le Mexique, mais pouvant constituer une atteinte à la souveraineté nationale et aux principes démocratiques. a. intégration économique régionale et flux migratoires. En résumé, la finalité de l’ALENA était d’abolir les barrières à la mobilité des marchandises et des capitaux en Amérique du Nord. Ce processus d’intégration régionale a souvent été analysé comme résultant de la nouvelle structure du système des relations internationales suite à la chute du mur de Berlin et à la fin de la Guerre Froide en 19911. L’hégémonie économique et politique des Etats-Unis serait renforcée par la disparition de l’Union Soviétique, mais aussi menacée par l’émergence de nouvelles puissances régionales : l’Union Européenne et dans une moindre mesure le Japon. Le changement des rapports de forces interétatiques serait la cause de l’ALENA, analysé comme une réponse américaine à l’approfondissement de l’intégration européenne par la signature de l’Acte Unique en 1986. Les Etats-Unis transcriraient le Marché Unique Européen à l’intérieur de leur propre espace régional, incluant virtuellement toutes les économies du continent avec le lancement du projet de Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA) à Miami en 1994. Cette similarité des deux schémas d’intégration indique une partie des finalités de l’ALENA pour les Etats-Unis. Cependant, les spécificités du processus d’intégration nord américain donnent aussi un éclairage sur d’autres déterminants des préférences américaines moins souvent évoquées. Au contraire de l’Union Européenne, l’ALENA n’institutionnalise aucun droit à la mobilité humaine entre les trois territoires nord américains. Aucune institution supranationale ni coopération interétatique en matière de politique d’immigration n’est envisagée dans l’accord. L’ALENA amorce donc un processus de renoncement volontaire à la souveraineté des Etats dans la régulation des flux commerciaux et d’investissements entrant et sortant de leur territoire. En revanche, la politique d’immigration, c'est-à-dire la définition et le contrôle de qui peut entrer sur le territoire et intégrer la nation résidente, est une dimension absente de l’accord. 1 J. Bhagwati (1993), « The Diminished Giant Syndrome. How Declinism Drives Trade Policy », Foreign Affairs, volume 72, n°2, printemps, pp. 22-26. Voir aussi L. Thurow (1993), Head to Head. The Coming Battle among Japan, Europe and America, William Morrow and Co., mars, 336p. 9 Pourtant, les flux migratoires régionaux à destination des Etats-Unis se sont fortement développés au cours des trente dernières années. Le principal outil pour mesurer numériquement et qualitativement la population immigrée aux Etats-Unis est le recensement (Census) de la population américaine effectué tous les dix ans. Le dernier ayant été effectué en 20001, l’American Community Survey, une étude effectuée régulièrement par le bureau du recensement sur 860 000 ménages, peut être utilisée pour obtenir des données plus récentes, datant de 20052 [Cf. Tableau 0.1 pour une présentation des définitions utilisées]. Tableau O.1 : la définition des différentes catégories de population immigrée Le terme générique de population immigrée recoupe une diversité de situations et il est donc nécessaire de présenter une définition des différents termes qui sont utilisés dans ce mémoire. Chacun correspond à l’une des catégories d’immigrants telles qu’elles sont recensées par les statistiques américaines : population immigrée : le terme de population immigrée (ou non native) comprend tout individu résidant sur le territoire américain sans avoir bénéficié du statut de citoyen américain à sa naissance. Elle est donc à différencier des flux d’immigration temporaire ou non résidente, c'est-à-dire pour la très large majorité des touristes mais aussi certaines catégories d’étudiants et de travailleurs temporaires étrangers. La population immigrée peut être subdivisée entre les trois catégories suivantes : population naturalisée : la population naturalisée comprend les individus immigrés ayant obtenu la citoyenneté américaine le plus souvent à la majorité en cas de naissance sur le territoire américain ou, dans le cas inverse, après une période de résidence permanence légale ou par mariage avec un citoyen américain. population en résidence permanente régulière : la population en résidence permanente régulière (parfois rencontrée sous son acronyme américain LPR) dispose d’un titre de séjour permanent sur le territoire américain, la fameuse « carte verte » octroyée chaque année par une loterie nationale en fonction d’un système de quotas et de priorités. Population en situation irrégulière : la population en situation irrégulière réside illégalement sur le territoire américain. Les mesures de la population immigrée aux Etats-Unis montrent sa forte croissance au cours des dernières décennies, tant en termes de sa valeur numérique absolue que de sa proportion dans la population américaine totale : elle est passé de 9,7 millions d’individus en 1960, soit 4,7% du total de la population présente sur le territoire américain, à plus de 35 millions en 2005, soit 12%. L’essentiel de cette augmentation date de la fin des années 1980, par l’expansion d’une population immigrée aujourd’hui encore non naturalisée. Ainsi, les immigrés non naturalisés résidents aux Etats-Unis, autrefois inférieurs numériquement aux immigrés naturalisés, les ont progressivement rattrapés et les dépassent nettement depuis les années 1980 [Cf. Graphique 0.1]. 1 U.S. Census Bureau (2002), United States Census 2000, juillet, n.l., U.S. Census Bureau, disponible à l’adresse http://www.census.gov/main/www/cen2000.html (consulté le 07/08/2007). Les tables indiquées dans ce chapitre sont rassemblées sous la forme d’une base de donnée dont l’index est disponible à l’adresse http://factfinder.cens us.gov/servlet/DatasetMainPageServlet?_program=DEC&_submenuId=&_lang=en&_ts= (consulté le 08/07/2007). 2 U.S. Census Bureau (2006), American Community Survey, 2005, n.d., n.l., U.S. Census Bureau, disponible à l’adresse http://www.census.gov/acs/www (consulté le 07/08/2007). Les tables indiquées dans ce chapitre sont rassemblées sous la forme d’une base de donnée dont l’index est disponible à l’adresse http://factfinder.census.gov/servlet/DatasetTableListServlet?_ds_name=ACS_2005_EST_G00_&_type=table&_ program=ACS&_lang=en&_ts=205167734750 (consulté le 08/07/2007). 10 Graphique 0.1 : l’accroissement de la population immigrée aux Etats-Unis, 1960-2005 Source : U.S. Census Bureau (2002), Op. Cit., table QT-P14 pour les années 1960, 1970, 1980, 1990 et 2000 U.S. Census Bureau (2006), Op. Cit., table S0602, pour l’année 2005, (consulté le 08/07/2007). Cette croissance n’est pas en soi qualitativement différente des vagues d’immigration ayant peuplé les Etats-Unis au cours des siècles précédents. Cependant, la provenance géographique de la population immigrée actuelle diffère nettement des épisodes migratoires précédents : la région d’origine des immigrés résidant sur le territoire américain a changé au cours des trente dernières années [Cf. Graphique 0.2]. Alors que trois immigrants sur quatre étaient d’origine européenne en 1960, leur proportion diminue continuellement depuis cette période et devient inférieure à 50% entre 1970 et 1980. Ils représentent aujourd’hui moins de 15% de la population immigrée. La principale région d’origine de cette dernière est devenue aujourd’hui l’Amérique Latine. Ce continent, s’étendant du Mexique jusqu’à l’Argentine constitue aujourd’hui l’origine de plus de la moitié de la population immigrée aux Etats-Unis. Cette augmentation est majoritairement le fait de l’accroissement des flux en provenance d’un seul pays, le Mexique : 7,8 million d’immigrés aux Etats-Unis se déclarent d’origine Mexicaine en 2005. Ce chiffre a doublé depuis le recensement de 1990 (4.3 millions) et a octuplé depuis 1970 (0.78 million). C’est aussi plus de six fois le nombre d’immigrants en provenance des deux plus importants pays d’origine suivants, la Chine et les Philippines ; respectivement 1,39 et 1,22 millions d’individus. 11 Graphique 0.2 : les évolutions de la provenance géographique de la population immigrée aux Etats-Unis, 1960-2004 Source : U.S. Census Bureau (2002), Op. Cit., tables P21, P23 et PCT20 pour les années 1960, 1970, 1980, 1990 et 2000 et US Census Bureau (2004), Current Population Survey-Foreign Population of the United States, mars, table 2.1, disponible à l’adresse http://www.census.gov/population/www/socDemo/foreign/ppl-176.html (consulté le 08/07/2007). Tous les Etats des Etats-Unis ne sont pas concernés par les flux d’immigration car ce phénomène est très inégalement réparti sur le territoire américain. Six Etats regroupent plus de 70% du stock de la population immigrée : la Californie, New York, le Texas, la Floride, le New Jersey et l’Illinois. A elle seule, la Californie est le lieu de résidence d’un tiers de la population immigrée, qui compose d’ailleurs un quart de la population totale de cet Etat. Un immigré sur dix habite dans l’agglomération de Los Angeles, la capitale économique de l’Etat. Il est cependant à noter qu’une tendance récente voit la population immigrée se déplacer vers d’autres Etats, en particulier ceux du Sud-est : la Géorgie et la Caroline du Sud ont ainsi vu leur stock de population immigrée augmenter de plus de 300% entre 2000 et 20051. L’accroissement et le changement de la provenance de la population immigrée aux Etats-Unis sont accompagnés par un troisième phénomène : une très forte augmentation de la proportion de cette population considérée comme présente illégalement sur le territoire américain. C’est probablement l’élément central du débat sur l’immigration aux Etats-Unis. En effet, il existe un consensus pour affirmer que les flux d’immigration illégaux ont 1 P. Martin et E. Midgley (2006), « Immigration: Shaping and Reshaping America », Population Bulletin, volume 61, n°4, décembre, pp. 14-17. 12 fortement augmenté au cours des deux dernières décennies. Cependant, il n’existe pas d’instrument statistique totalement fiable pour les mesurer. b. les estimations des flux et du stock d’immigration en situation irrégulière. Deux souscatégories de la population immigrée en situation illégale sont souvent différenciées1. La population immigrée en extension illégale de séjour est entrée légalement grâce à un titre de séjour provisoire (différents types de visas temporaires ou une carte de « visiteur » attribuée sous conditions aux citoyens mexicains), tandis que la population immigrée entrée clandestinement a échappé aux procédures de contrôle aux frontières. Aucune de ces deux catégories ne peut être mesurée directement. Les services des douanes n’ont pas de système de comptabilité des sorties des visiteurs temporaires et par définition n’ont pas de trace des immigrants entrés clandestinement. Enfin, il existe une troisième catégorie d’immigration « quasi légale », principalement représentée par les demandeurs d’asile et réfugiés. Ceux-ci ne sont pas techniquement enregistrés comme résidents légaux sur le territoire américain pendant la procédure d’examen de leur dossier, mais peuvent obtenir ce statut à son issue ou, au contraire, « basculer » dans l’illégalité en cas de refus de leur demande. L’immigration illégale est donc une catégorie hybride, largement formée par une population immigrée au sens strict mais aussi alimentée par une population considérée comme non immigrante. De même, le stock d’une année donnée de la population immigrée illégale ne reflète que partiellement les flux d’entrées illégales des années précédentes, puisque une partie des immigrés illégaux entrés antérieurement ont pu soit accéder à des procédures de légalisation de leur statut, soit émigrer des Etats-Unis. L’estimation de la population immigrée illégale est donc difficile, d’autant plus qu’il n’existe pas de recensement de cette population. La méthode la plus couramment utilisée pour la quantifier est la méthode résiduelle. Elle consiste à retrancher des recensements de la population immigrée non naturalisée la quantité d’entrées légales mesurées par les services des douanes (ou DHS d’après l’acronyme Department of Homeland Security). Cette soustraction donne un nombre d’immigrés en situation illégale, auquel est ensuite affecté un coefficient d’ajustement approximant les erreurs et biais méthodologiques2. A partir des ACS depuis 1980 et des statistiques du DHS, les services des statistiques de l’immigration américains estimaient la population immigrée illégale à 10,5 millions 1 Pew Hispanic Center (2006), Modes of Entry for the Unauthorized Migrant Population, Pew Hispanic Center Fact Sheet, 22 octobre, Washington D.C., pp. 1-2. 2 Non recensement des individus sans résidence permanente, entrées temporaires, cas des quasi-légaux et ainsi de suite. Se référer aux études citées dans cette section pour une description de la méthodologie. 13 d’individus en janvier 2005, chiffre officiel et le plus fréquemment cité1. Selon cette source, l’immigration illégale s’est fortement accrue depuis le début des années 1990, au rythme d’environ 600 000 personnes par an depuis 1995, contre 200 000 au cours des années 1980. La proportion d’immigrés illégaux dans le total des flux d’immigration serait devenue majoritaire à partir des années 1990, alors qu’elle était inférieure à un tiers au cours des années 1980 [Cf. graphique 0.3]. Graphique 0.3 : la population immigrée illégale et légale en 2005 par années d’entrée Source : construction de l’auteur d’après Graphique I.1 et M. Hoefer, N. Rytina et C. Campbell (2006), Op. Cit., p.5. Il faut bien entendu nuancer la portée de ces estimations concernant la récente augmentation des flux illégaux, car une part de l’immigration illégale entrée plus tôt n’est pas comptabilisée (migrations hors des Etats-Unis, ou accession au statut de résident légal notamment en 1986 lors des régularisations sous conditions qui ont accompagné la réforme IRCA des lois migratoires américaines). L’accroissement de la population immigrée illégale est cependant un fait marquant, puisque elle aurait augmenté selon ces estimations dans une proportion de un à six entre 1980 et 2005. 80% des immigrés illégaux actuellement présents aux Etats-Unis seraient entrés sur le territoire depuis 1990. Au regard de l’importance de ces flux migratoires illégaux entre Etats-Unis et Mexique, on aurait donc pu s’attendre à ce que l’ALENA institutionnalise un régime régional définissant et contrôlant les normes, principes, règles et procédures régulant la mobilité humaine dans l’espace régional nord-américain. 1 M. Hoefer, N. Rytina et C. Campbell (2006), Estimates of the Unauthorized Immigrant Population Residing in the United States: January 2005, Homeland Security, Office of Immigration Statistics, août, p. 1. 14 Ce n’est pourtant pas le cas. La régulation régionale des flux migratoires est l’objet de négociations indépendantes, les Conférences Régionales sur l’Immigration (CRM), plus connues sous le nom de « processus de Puebla ». Les CRM sont un forum de discussions interétatiques réunissant les trois partenaires de l’ALENA ainsi que les pays d’Amérique Centrale et des Caraïbes. Il s’agît de conférences ministérielles annuelles qui ont pour fonction1 d’affirmer l’engagement des Etats membres à respecter les droits des migrants et à promouvoir une immigration légale et contrôlée et de faciliter la coopération régionale sur les trois points suivants ; (i), les contrôles transfrontaliers, (ii) la lutte contre le trafic des migrants, et (iii) le développement économique afin de réduire la pauvreté, considérée comme la principale cause des flux migratoires. Les CRM « reconnaissent pleinement les droits souverains de chaque Etat Membre [sur les questions migratoires et] leurs recommandations ne sont pas contraignantes pour les pays »2. En conséquence, la logique de ce processus de Puebla diffère de celle de l’ALENA. Elle ne cherche pas à libéraliser les flux migratoires ni à institutionnaliser des mécanismes de régulation à l’échelle régionale. Elle constitue un forum de coopération interétatique non pas destiné à interférer mais bien à renforcer l’efficacité des politiques d’immigration. Celles-ci restent donc une prérogative exclusive des Etats. c. une intégration économique déterminée par les préférences collectives américaines de politique d’immigration. La logique d’ensemble de l’intégration régionale du continent Américain renseigne donc sur un second déterminant poussant les Etats-Unis à impulser ce processus. Ce pays souhaite limiter les flux d’immigration en provenance d’Amérique Latine. L’ALENA et les multiples ACR signés depuis sont donc instrumentalisés en ce sens. En contribuant au développement de ces pays émetteurs de migrants illégaux, les flux commerciaux et d’investissements favorisent la fixation des populations sur leur territoire d’origine. L’intégration économique par les flux commerciaux et de capitaux diminue l’un des déterminants de la décision d’émigrer, à savoir le différentiel de développement entre EtatsUnis et leurs voisins latino-américains. En d’autres termes, le processus d’intégration économique nord américain répond au souhait des Etats-Unis de stabiliser la population Mexicaine dans les maquiladoras de Tijuana, plutôt que de la laisser traverser la frontière et s’établir à San Diego, Los Angeles ou San Antonio. Cette finalité a été explicitement 1 H. Pellerin (2004), « The Cart before the Horse? The Coordination of Migration Policies in the Americas and the Neoliberal Economic Project of Integration », Review of International Political Economy, volume 6, n°4, hiver, pp. 470-472. 2 RCM (2004), The Regional Conference on Migration (RCM). In Brief: What it is, What it Has Done, Secretariat of the Regional Conference on Migration, 18 et 19 mai, Panama City, p. 3. 15 formulée par G. W. Bush quand il s’exprima devant les parlementaires américains pour justifier la ratification du Traité de Libre Echange avec l’Amérique Centrale et les Caraïbes : « vous devez comprendre que le CAFTA […] aidera à créer des opportunités dans les pays d’Amérique Centrale, ce qui signifie que [leur population] pourra trouver de bons emplois dans leur pays d’origine, nourrir leur famille dans leur pays d’origine, et n’auront donc plus à faire le long voyage pour les Etats-Unis. Le CAFTA est non seulement une bonne politique commerciale, mais aussi une bonne politique d’immigration. »1 On peut douter de l’efficacité des ACR dans la réduction des flux d’immigration illégaux aux Etats-Unis, mais il est difficile de contester l’existence de préférences collectives dans ce pays pour la réduction de l’immigration illégale. L’immigration est citée comme le problème le plus important auquel les Etats-Unis sont confrontés par 10% de l’opinion publique américaine, juste après la guerre en Irak (18%) et le prix de l’énergie (14%)2. Les sondages montrent unanimement que l’immigration illégale est considérée par environ 90% des américains comme un problème « sérieux » voire « très sérieux »3, bien qu’ils soient plus partagés sur les solutions à adopter : 53% se déclarent favorables à une déportation des immigrés en situation irrégulière dans leur pays d’origine, tandis que 40% privilégient une régularisation assortie de conditions4. Comme dans d’autres pays hôtes d’une forte minorité immigrée, les Etats-Unis ont vu se développer des mouvements au discours restrictionniste et critiquant les conséquences de l’immigration illégale. Une frange significative du parti Républicain fait de l’immigration illégale la source de tous les malheurs des Etats-Unis, du déficit de la Sécurité Sociale à la menace terroriste depuis le 11 septembre 2001. On citera aussi la création de milices armées, les minutemen, patrouillant près de la frontière Mexicaine, sans oublier la construction par le gouvernement fédéral d’un mur de plusieurs centaines de kilomètres. Cette volonté des Etats-Unis de conserver une politique d’immigration souveraine et de limiter les flux migratoires, en particulier illégaux, entrant sur leur territoire s’explique par le fait que les migrations, plus que tout autre flux international, sont potentiellement génératrices de tensions et de conflits au sein des Etats Nations. Le débat sur l’immigration illégale se focalise autour de trois axes : 1 G. W. Bush, (2005), President Discusses CAFTA-DR with Bipartisan Leaders, communiqué de presse, 23 juin, Washington D.C., disponible à l’adresse http://www.whitehouse.gov/news/releases/2005/06/20050623-2.html (consulté le 14/08/2007). 2 Pew Hispanic Center (2006), The State of American Public Opinion on Immigration in Spring 2006: A Review of Major Surveys, Pew Hispanic Center Fact Sheet, 17 mai, Washington D.C, p. 2. 3 Idem, pp. 4-5. 4 Ibidem, pp. 6-10. 16 • l’immigration illégale est une déviance par rapport aux normes édictées par une nation conditionnant l’accès à son territoire. Elle est aussi un vecteur souvent associé, à tort ou à raison, à d’autres comportements déviants : importation de produits prohibés (armes et surtout stupéfiants), « traite humaine » et terrorisme. • Elle questionne les éléments culturels et sociologiques constitutifs de la cohésion d’une nation. L’immigration latino-américaine, avec ses spécificités culturelles et linguistiques, remet en cause le sentiment d’une partie de la population définissant la nation américaine comme blanche, anglo-saxonne et protestante (WASP). • L’immigration est perçue comme une atteinte aux compromis économiques entre groupes sociaux et classes de la société américaine. Elle exerce une pression sur les mécanismes de distribution des emplois et de redistribution des revenus (Etat Providence). d. la problématique, les hypothèses et la présentation du plan du mémoire. Une analyse exhaustive des déterminants des préférences collectives américaines de politique d’immigration devrait étudier ces trois axes dans leurs complémentarités et interdépendances. Un tel sujet serait cependant beaucoup trop vaste et complexe pour être analysé pertinemment dans le cadre d’un mémoire de Master. Ce mémoire se limitera donc à l’analyse de l’économie politique de la politique d’immigration américaine en fonction des effets de l’immigration illégale sur la structure des marchés du travail. En particulier, il propose d’étudier dans quelle mesure les positions syndicales face à l’immigration illégale peuvent expliquer les préférences américaines pour une réduction de la mobilité internationale du facteur travail dans le processus d’intégration nord-américain. L’analyse présentée dans ce mémoire se fonde sur deux hypothèses, H1 : les organisations syndicales sont des institutions facilitant l’action collective du facteur travail national dans la défense de ses intérêts, et ; H2 : la théorie des marchés duaux est une représentation pertinente des marchés du travail américain pour comprendre les effets de l’immigration illégale. La première hypothèse est justifiée par le fait que les syndicats américains sont structurés à l’échelle du territoire américain. Ils sont regroupés à l’intérieur de deux fédérations, l’American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO) 17 et Change to Win (CtW) créée en 2005 à la suite d’une scission de l’AFL-CIO. Rien ne suggère une transnationalisation ou une fusion des syndicats américains avec leurs homologues Mexicains et Latino-Américains. En conséquence, les syndicats américains sont considérés comme reflétant des préférences domestiques, celles des travailleurs américains. Le contenu de cette hypothèse recèle cependant une ambiguïté : les intérêts reflétés par les syndicats américains englobent-ils ceux de tous les travailleurs présents sur le territoire américain ou sont ils restreints aux seuls travailleurs de nationalité américaine ? L’importance de cette question ne peut être ignorée dans l’analyse des préférences syndicales face à l’immigration, population résidant aux Etats-Unis mais dont l’intégration au sein de la nation occupant ce territoire n’est pas achevée. L’hypothèse de travail retenue dans ce mémoire est que les syndicats américains reflètent prioritairement les intérêts et revendications des travailleurs de nationalité américaine. Néanmoins, il s’agît ici d’une hypothèse présupposée pouvant être infirmée ou confirmée empiriquement par l’étude des positions syndicales en présence d’une contradiction entre les intérêts des travailleurs nationaux et ceux des travailleurs immigrés. Le degré de pertinence de cette hypothèse dans le cas américain est l’un des objets traités dans ce mémoire. Il est nécessaire de clarifier le contenu de la seconde hypothèse. La théorie de la dualité des marchés du travail a été développée à partir de la fin des années 1960 pour expliquer des régularités statistiques impliquant une segmentation des marchés du travail. Cette théorie est d’inspiration structuraliste, au sens ou elle considère que des normes et des conventions peuvent se substituer aux mécanismes de marché ajustant les prix en fonction de l’offre et de la demande1. Des auteurs ont cependant reformulé la théorie des marchés duaux sous une forme compatible avec la théorie néoclassique2. La théorie des marchés duaux propose une dichotomie des marchés du travail en deux segments « primaire » et « secondaire ». Le marché du travail primaire se caractérise par une surabondance d’emplois stables, bien rémunérés, avec un haut niveau de protection sociale (assurée aux Etats-Unis par les employeurs sous la forme de prestations sociales appelées fringe benefits), et aux perspectives de carrière. Du fait de la stabilité de la main d’œuvre, des conventions sur les emplois offerts sont apparues définissant le salaire relatif, les tâches et les conditions d’accès, souvent en fonction de l’ancienneté (système de séniorité), à chaque poste 1 M. J. Piore (1973), « Fragments of a “Sociological” Theory of Wages », The American Economic Review, volume 63, n°2, mai, pp. 377-384. 2 M. L. Wachter (1974), « Primary and Secondary Labor Markets: A Critique of the Dual Approach », Brookings Papers on Economic Activity, volume 1974, n°3, pp. 637-680. 18 au sein de l’entreprise1. Ces conventions sont souvent institutionnalisées sous la forme de conventions collectives négociées par les syndicats. Le marché du travail secondaire est caractérisé par une forte compétition entre travailleurs pour accéder à des emplois mal rémunérés, précaires, dépourvus de protection sociale, au turnover élevé, aux conditions de travail difficiles et sans perspectives de carrière. Du fait du turnover élevé, cette main d’œuvre est peu syndiquée et les conventions sur les salaires ne se forment pas. Le mécanisme de formation des salaires sur les marchés secondaires est donc semblable à l’analyse néoclassique standard du marché du travail, c’est à dire par l’intermédiaire du jeu de l’offre et de la demande. La mobilité des travailleurs entre les deux segments est très limitée et la reproduction de cette structuration est assurée par des institutions (associations d’employeurs et syndicats) et des conventions opérant une discrimination au sein de la main d’œuvre sur des critères socioéconomiques : la main d’œuvre du secteur secondaire tend à être peu ou pas qualifiée, mais c’est plutôt sur l’appartenance à une catégorie de la population (femmes, minorités ethniques et immigrés) que la discrimination s’effectue2. A titre indicatif, le marché du travail primaire est associé aux Etats-Unis aux emplois de cols blancs (cadres et professions libérales) et des cols bleus des grandes entreprises du secteur industriel (General Motors, Ford, Bethlehem Steel), tandis que le marché du travail secondaire est principalement constitué par les emplois offerts dans les petites entreprises, dans les secteurs primaires et tertiaires3. Les statistiques américaines ne donnent pas de renseignements sur les secteurs d’emploi de la population immigrée en situation irrégulière mais cette absence peut être palliée par les travaux de J. Passel, chercheur du Pew Hispanic Center ayant participé à la rédaction en 2005 d’un rapport sur l’immigration illégale pour une commission législative américaine. J. Passel utilise dans ces études la méthodologie résiduelle déjà mentionnée plus haut mais il base ses estimations sur la Current Population Survey (CPS) publiée en mars 20044. 1 P. B. Doeringer (1986), « Internal Labor Markets and Noncompeting Groups », The American Economic Review, volume 76, n°2, mai, pp. 48-52. 2 M. Reich, D. M. Gordon et R. C. Edwards (1973), « A Theory of Labor Market Segmentation », The American Economic Review, volume 63, n°2, mai, pp. 359-365. Voir aussi M. J. Piore (1979), Birds of Passage. Migrant Labor and Industrial Societies, Cambridge University Press, 229p. 3 J. N. Baron et W. T. Bielby (1984), « The Organization of Work in a Segmented Economy », The American Sociological Review, volume 49, n°4, août, pp. 454-473. 4 BLS (2004), Current Population Survey, March 2004 Update, Bureau of Labor Statistics, mars, n.l., disponible à l’adresse http://www.bls.gov/cps/home.htm#data (consulté le 08/08/2007). 19 Les enquêtes CPS, publiées conjointement par le Bureau du Recensement et le Bureau des Statistiques du Travail (BLS selon l’acronyme américain) sont la principale source d’information statistique sur la population active américaine. Réalisée plus régulièrement mais sur un panel plus réduit (50 000 ménages) que le Census et l’ACS, elle donne donc des résultats plus approximatifs. Les estimations de la population immigrée illégale proposées par J. Passel sont légèrement supérieures à celles obtenues par les services de l’immigration : 10.3 millions en mars 20041 et 11.1 en mars 2005 dans la révision de 20062. Les résultats de J. Passel confirment les prédictions des théories de la segmentation des marchés du travail d’une concentration des travailleurs immigrés illégaux dans un nombre restreint de secteurs offrant des emplois de type secondaire. Elles montrent que la population illégale active, estimée à 7.2 millions de personnes soit 4.9% de la population active des Etats-Unis se concentre sur un nombre restreint d’occupations [Cf. Graphique 0.4]. Un tiers des travailleurs en situation irrégulière occupe un emploi dans les services contre 16% dans la population active native. Cette différence entre les distributions de la main d’œuvre illégale et native est encore plus marquée dans l’agriculture et la construction, ou elle est respectivement de quatre à un et de trois à un. La population illégale est souvent en bas de la distribution des revenus aux Etats-Unis puisqu’un ménage comptant au moins un immigré illégal reçoit en moyenne 27 400$ annuels, une somme presque deux fois inférieure aux revenus d’un ménage natif3. Graphique O.4 : la distribution des populations native et immigrée en situation irrégulière par secteur d’activité, 2004 Source : J. Passel (2005), Op. Cit., p. 26. 1 J. S. Passel (2005), Op. Cit, p. 4. J. S. Passel (2006), The Size and Characteristics of the Unauthorized Migrant Population. Estimates Based on the March 2005 Current Population Survey, Pew Hispanic Center Research Report, 7 mars, Washington D.C., p. 2. 3 J. Passel (2005), Op. Cit., p. 30. 2 20 Cette concentration dans les emplois des services, de l’agriculture et de la construction est complétée par une surreprésentation des immigrés illégaux dans la main d’œuvre totale de ces emplois [Cf. Graphique 0.5]. 24% des travailleurs agricoles, 17% des agents de nettoyage, 14% des ouvriers du bâtiment et 12% des employés de la restauration sont des immigrés en situation irrégulière. Il existe donc bien une segmentation des marchés du travail, entre les catégories d’emplois présentées dans le graphique où les immigrés illégaux forment une large partie de la main d’œuvre et le reste de l’économie américaine dans laquelle leur proportion reste marginale. Graphique 0.5 : les six occupations professionnelles à forte proportion de travailleurs en situation irrégulière, 2004 Source : J. Passel (2005), Op. Cit., p. 29. En conclusion, la main d’œuvre immigrée en situation irrégulière est donc très nettement surreprésentée dans certains des emplois traditionnellement associés au segment secondaire du marché de l’emploi. Cette impression semble confirmée par le faible niveau des revenus de cette catégorie de la population. Il serait difficile d’envisager ici d’étudier de manière approfondie la demi douzaine de marchés du travail évoqués ci-dessus. Ce mémoire se propose donc d’analyser plus spécifiquement la relation entre la structure du marché du travail agricole et les préférences de politique d’immigration de son syndicat, l’United Farm Workers (UFW). Ce secteur a été choisi pour trois raisons. Tout d’abord, ce secteur a concentré et concentre toujours une part importante de la population (active) immigrée en situation irrégulière. En effet, il était estimé qu’un travailleur en situation irrégulière sur quatre occupait un emploi de travailleur agricole 21 dans la première moitié des années 19801. Cette proportion a depuis baissé du fait de l’accroissement absolu du nombre d’immigrés illégaux et de leur déversement vers d’autres secteurs d’activités. Néanmoins, l’agriculture reste toujours un secteur privilégié pour comprendre les enjeux posés par l’immigration en termes d’économie politique. Elle reste non seulement un « point d’entrée » important pour cette population mais est aussi fortement dépendante à l’offre de travail immigré : plus de la moitié de la main d’œuvre agricole est présente illégalement sur le territoire américain (cette proportion s’élève aux trois quarts si les immigrés en situation régulière sont ajoutés à ce pourcentage). Les acteurs du secteur agricole, associations d’exploitants et syndicats, ont donc d’importants intérêts en jeu dans le débat américain sur l’immigration. Ensuite, ce choix est justifié par l’existence d’une information abondante, à la fois sous la forme de données statistiques et d’articles de revues, sur la main d’œuvre immigrée présente dans ce secteur. Elles fournissent une description détaillée de la structure du marché du travail agricole en fonction du statut national et légal de sa main d’œuvre. En conséquence, elles facilitent grandement l’analyse des préférences syndicales de politique d’immigration en fonction des externalités du travail immigré pour le travail national. Enfin, une dernière raison explique le choix des enjeux de la politique d’immigration appliquée au cas du secteur agricole américain. L’auteur a eu l’opportunité de séjourner une année aux Etats-Unis à travers un échange universitaire avec l’Université de Californie à Los Angeles. Il a bénéficié au cours de l’automne 2006 d’un stage au sein du département de Recherche Stratégique et des Campagnes d’Organisations de l’UFW. On remarquera que la Californie, connue pour l’importance de ses activités de Haute Technologie (Silicon Valley), d’industrie de l’armement et du cinéma (Hollywood), est aussi le premier Etat des Etats-Unis producteur de produits agricoles. Le mémoire est organisé en trois chapitres. Le rôle du travail immigré illégal et ses conséquences pour la structure du marché du travail agricole sont analysés dans le chapitre I. Le travail immigré illégal répond aux besoins d’un secteur fortement intensif en travail peu qualifié et occupe les emplois les plus substituables des exploitations agricoles. Il ne concurrence pas directement la main d’œuvre légale mais contribue à l’absence d’institutions syndicales du fait des spécificités du droit du travail et de la forme institutionnelle des syndicats aux Etats-Unis. Le paradoxe entre cette externalité négative de la main d’œuvre en 1 P. L. Martin (1994), « Good Intentions Gone Awry: IRCA and U.S. Agriculture », Annals of the Academy of Political and Social Science, volume 534, juillet, p. 46. 22 situation irrégulière pour les syndicats et leurs préférences de politique d’immigration est présenté dans le chapitre II : Contrairement aux prédictions souvent formulées, il est montré que les syndicats américains ne sont plus favorables aux politiques de fermeture des frontières et d’exclusion de la population illégale et privilégient aujourd’hui l’intégration de cette catégorie de la main d’œuvre par l’harmonisation de leur statut sur celui des citoyens. Une explication de cette évolution paradoxale des positions syndicales est ensuite proposée dans le chapitre III, la resituant dans le contexte d’affaiblissement politique et économique général du mouvement syndical aux Etats-Unis et des stratégies qu’il utilise pour le dépasser. 23 CHAPITRE I Les externalités négatives du statut illégal de la main d’œuvre pour les syndicats dans le secteur agricole Introduction au chapitre I Il a été montré en introduction que la volonté des Etats-Unis d’impulser un processus de libéralisation des flux de marchandises et de capitaux entre les Etats du continent américain est en partie causée par des préférences domestiques protectionnistes de politique d’immigration. Les Etats-Unis veulent freiner l’entrée sur leur territoire de flux d’immigration illégaux d’origine latino-américaine. Il a été aussi vu que cette immigration en situation irrégulière se concentre sur une demi-douzaine de secteurs d’emploi associés au segment secondaire des marchés du travail. La préférence américaine pour une politique d’immigration protectionniste peut elle être expliquée par la présence d’externalités négatives pour les travailleurs américains du fait de la concurrence du travail immigré illégal ? 24 Les conséquences de la concentration de la main d’œuvre illégale sur la structure du marché du travail agricole sont donc étudiées dans ce chapitre autours des deux questions suivantes : quel rôle joue l’offre illégale de travail immigré dans la structure du marché du travail agricole ? Quelle est la nature des externalités provoquées par la présence de cette main d’œuvre en situation irrégulière pour la main d’œuvre légale du secteur ? La structure du marché agricole est tout d’abord décrite dans la première section du chapitre : la National Agricultural Workers Survey permet de montrer le caractère secondaire des emplois proposés dans le secteur agricole : surreprésentation de la main d’œuvre immigrée en situation irrégulière, faibles salaires, turnover élevé et prestations sociales quasi absentes. Cette structure est ensuite analysée en seconde section pour évaluer la pertinence de deux formes d’externalités négatives du travail illégal pour le travail : dépression des salaires par concurrence directe entre ces deux catégories d’offreurs de travail et perpétuation de la structure d’emploi secondaire par incapacité institutionnelle à syndiquer la main d’œuvre illégale. 25 Section 1 : les caractéristiques de la main d’œuvre et des emplois agricoles Le secteur agricole n’occupe aujourd’hui plus qu’une très faible proportion de la population active américaine, un peu moins de 2% de 144,27 millions soit 2,2 millions de personnes1. De plus, une large proportion de cette population n’est pas salariée : le secteur agricole américain est en effet hétérogène et il convient de différencier deux segments. Le premier est formé par des exploitations fortement mécanisées et intensives en capital, utilisant dans leur fonction de production peu de travail salarié car un faible nombre de travailleurs suffit pour effectuer l’essentiel de l’activité. Ces exploitations, très souvent familiales, forment l’essentiel de la production céréalière, de fibres et plus relativement l’élevage. Le second segment, principalement formé par des exploitations productrices de fruits, de légumes et de produits horticoles (secteur FVH selon l’acronyme américain) est donc à l’origine de l’ample majorité des emplois salariés offerts dans le secteur agricole. A nouveau, les exploitations le constituant sont hétérogènes puisque il est estimé que 5% des fermes FVH produisent 80% de la production et créent plus de 80% des emplois salariés2. a. une main d’œuvre immigrée, souvent illégale. Il est très difficile de connaître avec précision la population exerçant un emploi d’ouvrier agricole. Les caractéristiques du secteur, travail saisonnier et turnover élevé, et celle de sa main d’œuvre, migrante et travaillant illégalement, rendent en effet les enquêtes particulièrement imprécises. Le BLS estimait le nombre d’ouvriers agricoles à environ 690 000 en 20043. Ce chiffre serait de 600 000 à 1 million selon les saisons d’après le Département à l’Agriculture (USDA) américain4. Philip Martin, un économiste du centre de recherches agricoles de l’Université de Californie, l’évalue lui à environ 1,2 millions, un chiffre presque deux fois supérieur aux enquêtes du BLS.5 L’enquête la plus complète à l’échelle nationale sur les ouvriers agricoles est la National Agricultural Workers Survey (NAWS). Elle fournit depuis 1989 des données annuelles sur les caractéristiques des ouvriers agricoles après que le programme de légalisation des travailleurs agricoles en situation irrégulière contenu dans la réforme de 1 BLS (2006), Current Population Survey: employment status of the civilian noninstitutional population 16 years and over by sex, 1971 to date, Bureau of Labor Statistics, août, n.l., disponible à http://www.bls.gov/cps/cpsaat2.pdf (consulté le 21/07/07). 2 P. L. Martin (1994), « Good Intentions Gone Awry: IRCA and U.S. Agriculture », Annals of the Academy of Political and Social Science, volume 534, juillet, pp. 46-47. 3 BLS et U.S. DOL (2006), Occupational Outlook Handbook, 2006-07 Edition, Agricultural Workers, n.d., n.l., disponible à l’adresse http://www.bls.gov/oco/ocos285.htm (consulté le 21/07/07). 4 USDA NASS (2007), Farm Labor by Quarter, US, disponible à http://www.nass.usda.gov/Charts_and_Maps/ Farm_Labor/fl_qtrwk.asp (consulté le 21/07/07). 5 P. L. Martin (2006), « Immigration Reform: Implications for Agriculture », Agricultural and Resource Economics, volume 9, n°4, mars/avril, p. 2. 26 l’IRCA ait fait craindre leur déversement vers d’autres secteurs de l’économie américaine et une pénurie de main d’œuvre agricole. L’enquête la plus récente a été réalisée sur un panel de 6 631 ouvriers agricoles répartis dans tous les types de cultures1, entre 2003 et 2004 afin de tenir compte des variations saisonnières. C’est la seule étude sectorielle régulièrement collectée différenciant la main d’œuvre selon son statut légal ou illégal. La description qu’elle donne du marché du travail agricole souligne très nettement son caractère secondaire. Celui-ci peut être déduit de la composition de sa main d’œuvre et des caractéristiques des emplois offerts. Elle permet aussi de discerner une segmentation à l’intérieur de ce marché entre population légale et illégale analysée dans la seconde section de ce chapitre. La population exerçant l’emploi d’ouvrier agricole est très fortement masculine et plutôt jeune, l’âge moyen d’un ouvrier agricole étant de 34 ans2. La provenance, la proportion de travailleurs en situation illégale et les qualifications des ouvriers agricoles renvoient nettement à la main d’œuvre caractéristique des marchés du travail secondaires. Tout d’abord, la population formée par les ouvriers agricoles est très largement d’origine immigrée, puisque seuls 23% d’entre eux se déclaraient nés sur le territoire américain en 2003-2004 [Cf. graphique I.1]. Ce pourcentage, comparable à celui de la fin des années 1990, est très inférieur à celui de la fin des années 1980, quand la proportion d’ouvriers agricoles citoyens américains à la naissance s’élevait à 39%. Le pays de provenance de plus de sept ouvriers agricoles sur dix est aujourd’hui le Mexique. Graphique I.1 : le lieu de naissance des ouvriers agricoles, 1989-2004 Source : R. Mines et alii (1991), K. Metha et alii (2000) et D. Carroll et alii (2006) 1 Elle comprend aussi des contremaîtres et des packers, travailleurs agricoles non strictement inclus dans la catégorie des ouvriers agricoles. Les ouvriers agricoles dans l’élevage ne sont pas étudiés. D. Carroll, S. Gabbard, C. G. Sum et T. Hernandez (2006), Findings from the National Agricultural Workers Survey. A Demographic and Employment Profile of United States Farm Workers, 2003-2004, U.S. DOL, octobre, n.l., pp. I-72. 2 Idem., p. 17. 27 On peut cependant remarquer que le terme de « Mexicain » utilisé par le NAWS cache une réalité plus complexe, puisque des minorités indiennes ne parlant pas ou peu l’espagnol pourraient former une part non négligeable des ouvriers agricoles. Une enquête réalisée en 1997 estimait, par exemple, que les Mixtecs, une ethnie native du sud du Mexique, composait environ 14% du total des ouvriers agricoles de Californie1. La proportion de travailleurs en situation illégale est aussi très élevée parmi les ouvriers agricoles, puisque un sur deux déclarait ne pas travailler légalement sur le territoire américain en 2003-2004 [Cf. Graphique I.2] 2. Il est par contre difficile de connaître avec exactitude l’évolution de ce chiffre au cours des vingt dernières années. En effet, la proportion d’ouvriers sans autorisation de travail est artificiellement diminuée dans l’enquête 1989-1990 par la procédure de légalisation des travailleurs agricoles dont auraient bénéficié environ 1,3 millions d’individus entre 1986 et 1990. Il est probable que la quasi-totalité de la catégorie « autres » et une part importante des « résidents permanents légaux » constituent d’anciens travailleurs illégaux. En conséquence, la proportion de travailleurs employés illégalement dans le total des ouvriers agricoles était d’environ un sur deux dans les années 1980, soit un taux comparable à celui des années 2000.Cette proportion aurait fortement chutée après 1986 puis serait progressivement revenue à un travailleur sur deux au cours des années 1990. Graphique I.2 : le statut des ouvriers agricoles, 1985-2004 Source : R. Mines et alii (1991), K. Metha et alii (2000) et D. Carroll et alii (2006) Enfin, la population des ouvriers agricoles est dans sa quasi-totalité peu qualifiée, puisque seuls 22% d’entre eux ont fini leur éducation secondaire3. On peut déduire de 1 A. Bugarin et E. S. Lopez (1998), Farmworkers in California, California Research Bureau and California State Library, juillet, Sacramento, pp. 11-14. 2 Il existe un programme d’admission de travailleurs temporaire dans le secteur agricole mais ceux-ci ne sont pas pris en compte dans l’enquête NAWS. Ils ne représentent qu’une part marginale de la main d’œuvre du secteur (entre 1% et 5% selon les années). 3 D. Carroll, S. Gabbard, C. G. Sum et T. Hernandez (2006), Op. Cit., p. 16. 28 l’enquête que les ouvriers agricoles immigrés sont souvent proches de l’analphabétisme, puisque les deux tiers d’entre eux déclarent ne pas avoir atteint l’équivalent du 9th grade (classe de troisième). Moins d’un immigré sur vingt déclare bien parler et lire l’anglais. b. des emplois secondaires. Les emplois offerts par le secteur agricole correspondent eux aussi à la définition des emplois de type périphérique. Tout d’abord, Le salaire horaire moyen d’un ouvrier agricole constaté dans l’enquête NAWS fait de cet emploi l’un des moins bien payés de l’économie américaine [Cf. Tableau I.1]. Un ouvrier agricole touche en moyenne 7,76 dollars par heure travaillée1 tandis qu’en comparaison, le salaire horaire moyen aux Etats-Unis est de 18,09 dollars. Tableau I.1 : le salaire horaire moyen d’un ouvrier agricole en comparaison des autres occupations, 2004 Occupations Toutes Cols blancs Cols bleus services Ouvrier agricole Salaire horaire moyen 18.09 22.34 15.46 10.65 7.76 (dollars 2004) Source : BLS (2005), National Compensation Survey : Occupational Wages in the United States, June 2004, Bureau of Labor Statistics, août, n.l., p. 2. et C. G. Sum et T. Hernandez (2006), Op. Cit., pp. 33-35. De plus, les ouvriers agricoles travaillent beaucoup, quarante deux heures par semaine en moyenne en 2003-2004, mais connaissent aussi des périodes d’inactivité prolongées, dues notamment au caractère saisonnier de l’emploi. En moyenne, un ouvrier agricole connait dix semaines par an non employées2. Faibles salaires et périodes d’inactivité expliquent que les ouvriers agricoles ont de très faibles revenus annuels. Un quart d’entre eux reçoivent moins de 7 500 dollars et 80% moins de 17 500 dollars par an. 30% des ménages américains comptant un membre ou plus exerçant l’emploi d’ouvrier agricole sont en dessous du seuil de pauvreté fédéral. Enfin, le dernier élément utilisé par les américains pour différencier les « bons emplois » des « mauvais » est l’existence de fringe benefits, c'est-à-dire diverses prestations sociales mises à disposition par les employeurs en compléments de salaires. Dans le secteur agricole, elles sont très limitées. Plus de la moitié des ouvriers agricoles ne disposent pas d’assurance chômage, ni pour 90% d’entre eux d’assurance maladie fournie par l’employeur3. A peine un travailleur agricole sur deux peut espérer recevoir un dédommagement pour une 1 C’est un niveau supérieur au salaire minimum fédéral, qui était de 5.15$ en 2004, mais de nombreux Etats américains disposent de salaires minimum supérieurs au niveau fédéral. Par exemple, le salaire horaire minimum légal était en Californie de 7.15$ en 2004. 2 Ce chiffre s’élève à quinze si les semaines employées dans un autre secteur que celui de l’agriculture sont considérées. D. Carroll, S. Gabbard, C. G. Sum et T. Hernandez (2006), Op. Cit., pp. 21-24. 3 Idem, pp. 35-37. 29 période d’inactivité causée par un accident du travail1, alors que cette profession est l’une des plus dangereuses des Etats-Unis. Chaque année, plus de 35 000 accidents du travail sont constatés sur la population des ouvriers agricoles de Californie, soit 11,6 blessures reportées pour 100 ouvriers employés à temps plein2. A nouveau, ce chiffre doit être compris comme un minimum, du fait des réticences d’une population immigrée souvent illégale à effectuer les démarches pour faire constater un accident du travail. Les risques pour la santé liés à l’usage de pesticides ou le travail dans les champs sans eau potable pour se réhydrater sont quelques exemples des conditions de travail du secteur, fréquemment dénoncées par les syndicats3. Section 2 : les externalités négatives du statut illégal pour les organisations syndicales Le marché du travail agricole a donc les caractéristiques d’un marché du travail secondaire. De plus, sa structure interne reproduit partiellement la dichotomie entre emplois primaires et secondaires et l’on peut observer la stratification suivante des emplois du secteur agricole : une partie des emplois offerts par les exploitations agricoles sont relativement stables, annuels et hauts placés dans l’échelle des salaires du secteur. Ces emplois « primaires » sont occupés par la main d’œuvre légale, tandis que les emplois « secondaires », saisonniers, précaires et contractualisés, sont occupés par la main d’œuvre illégale. Cependant, cette stratification du marché du travail agricole n’est que partiellement décrite par la théorie des marchés duaux car la frontière entre ces deux segments est floue, perméable et instrumentalisée par les employeurs dans les relations de travail du secteur. a. la segmentation du marché du travail agricole en fonction du statut de la main d’œuvre. Tout d’abord, la main d’œuvre légale peut accéder à des emplois annuels au sein de la même exploitation agricole et demandant une certaine compétence, tandis que la main d’œuvre illégale est, elle, cantonnée à des emplois saisonniers sans compétences spécifiques. Selon J. Taylor, les postes d’opérateurs de machines outils, de contremaîtres et de chefs d’équipes sont considérés comme emplois primaires, et les autres postes comme secondaires4. Cette distinction varie cependant en fonction des cultures et procédés de production utilisés par les exploitations agricoles. Elle est aussi essentiellement d’ordre technique : les emplois 1 Ibidem, pp. 35-37. A. Bugarin et E. S. Lopez (1998), Op. Cit., pp. 25-29. 3 M. Reeves, A. Katten et M. Guzman (2002), Fields of Poison 2002. California Farmworkers and Pesticides, Californian for Pesticides Reform, n.d., n.l., pp. 1-37. 4 J. E. Taylor (1992), « Earnings and Mobility of Legal and Illegal Immigrants Workers in Agriculture », American Journal of Agricultural Economics, volume 74, n°4, novembre, pp. 889-891. 2 30 primaires exigent un investissement de l’exploitation agricole incorporé dans un travailleur (formation et acquisition de compétences spécialisées) et/ou ont une productivité marginale élevée dans le processus de production. Pour comprendre la logique sous jacente à la discrimination effectuée par les employeurs entre travailleurs légaux et illégaux dans l’attribution des postes, il est utile de passer par un exemple1. La plantation de nombreuses cultures est un processus partiellement mécanisé, effectué par un opérateur de machine-outil (emploi primaire) suivi par quelques ouvriers agricoles replantant manuellement les opérations ratées. L’opérateur de machine outil est à la fois un travailleur difficilement substituable du fait des compétences spécialisées obtenues au cours d’une période de formation et à haute productivité marginale, puisque l’équipe ne peut pas fonctionner sans lui. Au contraire, les planteurs manuels sont aisément substituables et l’absence de l’un d’eux affecte peu la productivité de toute l’équipe. L’employeur tend donc à conserver le travailleur occupant l’emploi primaire (annualisation tacite du contrat) et discrimine l’accès à celui-ci en embauchant des travailleurs légaux, non susceptibles d’être appréhendés par les services de l’immigration. En revanche, il est indifférent au statut des travailleurs occupant les emplois secondaires. Cette discrimination à l’égard des ouvriers agricoles illégaux dans l’accès aux emplois primaires stables et qualifiés est illustrée par leur taux de turnover entre exploitations agricoles. Ainsi, l’enquête NAWS montre que 40% des ouvriers agricoles illégaux déclaraient en 2003-2004 avoir eu plus d’un employeur au cour de l’année passée, contre seulement 18% de ceux exerçant légalement leur activité2. De plus, cette statistique ignore le fait que les ouvriers agricoles sont fréquemment soumis au farm labor contracting. Cette pratique consiste en l’intermédiation de l’embauche des ouvriers agricoles. Ceux-ci ne sont pas directement employés par un exploitant agricole, mais les salariés d’un Farm Labor Contractor (FLC) rémunérés quand ce dernier les loue à une exploitation. Les avantages de cette intermédiation sont nombreux pour les exploitants agricoles3. Historiquement, elle répond aux difficultés posées par l’hétérogénéité linguistique 1 J. E. Taylor (1992), Op. Cit., pp. 891-892. Les nouveaux entrants sur le marché du travail (moins de 12 mois) ne sont pas comptabilisés. En revanche, le turnover extra sectoriel des ouvriers agricoles ne semble pas varier significativement selon le statut légal en 2003-2004 selon les statistiques de la NAWS. D. Carroll, S. Gabbard, C. G. Sum et T. Hernandez (2006), Op. Cit., pp. 21-28. 3 J. E. Taylor et D. Thilmany (1993), « Worker Turnover, Farm Labor Contractors, and IRCA’s Impact on the California Farm Labor Market », American Journal of Agricultural Economics, volume 75, n°2, mai, pp. 353354. California Employment Development Department (1992), « Farm Labor Contractors in California », California Agricultural Studies, volume 92, n°2, juillet, pp. 10-15. 2 31 de leur main d’œuvre. C’est aussi une organisation du travail flexible et donc adaptée à un secteur caractérisé par de fortes variations saisonnières et dont les besoins en main d’œuvre sont difficilement prévisibles. Enfin, elle est considérée comme décourageant les revendications salariales et la syndicalisation des ouvriers agricoles, du fait de la compétition par les prix entre FLC. Mais son principal avantage, dans un secteur dont la main d’œuvre est majoritairement illégale, est de transférer le risque lié à l’embauche de travailleurs illégaux : les exploitants agricoles utilisant une main d’œuvre contractualisée ne sont légalement pas leurs employeurs et n’encourent donc pas les sanctions contre les employeurs utilisant une main d’œuvre illégale. Le Farm Labor Contracting est donc une innovation développée par les exploitants agricoles pour continuer d’employer des travailleurs en situation irrégulière sans avoir à supporter le risque de sanctions pénales. Celui-ci est transféré au FLC en raison d’une moindre aversion au risque de ces acteurs et surtout de l’incapacité des autorités fédérales à contrôler efficacement cette structure d’emploi. La proportion d’ouvriers agricoles employés par un FLC a augmenté depuis les années 1990 : elle représentait 18% des ouvriers agricoles interrogés par la NAWS en 2003-2004, contre 14% dix ans auparavant1. De plus, plus de six travailleurs sur dix embauchés par un FLC sont illégaux, contre moins d’un sur deux embauchés directement par un exploitant [Cf. Graphique I.3]. En conséquence, le taux de turnover des ouvriers agricoles illégaux est probablement plus élevé que le chiffre indiqué par l’enquête NAWS. Ceux-ci semblent donc constituer une main d’œuvre d’appoint, assurant l’ajustement de l’offre de travail aux variations saisonnières de la demande des exploitations. Cette segmentation entre emplois primaires et secondaires en fonction du statut légal de l’ouvrier agricole explique probablement une part du différentiel entre les salaires perçus par les travailleurs légaux et illégaux. Plusieurs études effectuées l’indiquent en défaveur des travailleurs illégaux, allant de 14% à 24% pour l’estimation la plus faible à 53% pour la plus haute2. Cette différence peut être décomposée pour déterminer la contribution de plusieurs variables : compétences, ancienneté, maitrise de l’anglais, poste occupé, etc. Tous les travaux indiquent cependant l’existence d’un résiduel de 33% à plus de la moitié des inégalités de salaires, attribué au statut même du travail illégal. On peut en déduire que ce résiduel représente à la fois la « prime de risque » réclamée par l’employeur pour embaucher un 1 D. Carroll, S. Gabbard, C. G. Sum et T. Hernandez (2006), Op. Cit., pp. 27-30. F. L. Rivera-Batiz (1999), « Undocumented Workers in the Labor Market: an Analysis of the earnings of Legal and Illegal Mexican Immigrants in the United States », Journal of Population Economics, volume 12, pp. 100-103. J. A. Phillips et D. S. Massey (1999), “The New Labor Market: Immigrants and Wages after IRCA”, Demography, volume 36, n°2, mai, pp. 242-244. J. E. Taylor (1992), Op. Cit., pp. 891-895. 2 32 travailleur illégal et le reflet de son pouvoir de négociation (et d’exploitation) plus favorable qu’avec un travailleur légal. Graphique I.3 : la proportion d’ouvriers agricoles embauchés directement et indirectement en fonction du statut légal, 1993-94 et 2003-2004 Source : D. Carroll, S. Gabbard, C. G. Sum et T. Hernandez (2006), Op. Cit., p. 27. b. le droit du travail américain, cause de l’incapacité des syndicats à organiser les ouvriers agricoles en situation irrégulière. Le nombre de travailleurs syndiqués dans l’agriculture est difficile à estimer. En effet, l’appartenance à un syndicat est le résultat d’une procédure de décision collective, par lesquels les salariés d’un « local » décident de former un syndicat par un vote. Dans un secteur comme l’agriculture, les variations saisonnières jouent donc un rôle important dans l’importance numérique d’un syndicat. Ainsi, les membres de l’United Farm Workers, le principal syndicat des ouvriers agricoles, sont estimés entre 6 000 membres en « saison basse » et 27 000 en « saison haute »1, sur un total de 600 000 à 1,2 millions d’ouvriers agricoles, c'est-à-dire entre 0.67% et 3.3%. L’estimation donnée par le BLS en 2006 est de 2.7% des ouvriers agricoles2. C’est donc un taux particulièrement faible : en comparaison, le taux moyen de syndicalisation du secteur privé est de 7,4%. Les taux de syndicalisation des secteurs à main d’œuvre fortement immigrée, comme la construction, l’industrie ou l’hôtellerie-restauration ont des taux nettement supérieurs [Cf. Graphique I.4]. 1 2 C. Miller (2004), « the UFW: Faded Glory? », California Journal, volume 36, n°10, p. 20. BLS (2007), « Union Members in 2006 », News Release, pp. 1-12. 33 Graphique I.4 : le taux de syndicalisation par secteur, 2006 Source : BLS (2007), Op. Cit., p. 8. Quel est l’effet de l’immigration illégale sur la capacité des ouvriers agricoles à se syndiquer ? Deux raisons peuvent être évoquées pour expliquer le faible taux de syndicalisation des ouvriers agricoles sans faire intervenir leur statut légal. Tout d’abord, l’intégration des minorités immigrées au sein des syndicats est souvent limitée par le racisme et la xénophobie ancrées dans ces organisations. L’historien H. Zinn a montré comment aux Etats-Unis l’appartenance à un groupe ethnique, sexuel ou religieux se confondait voire se substituait à la conscience des salariés de former une classe aux intérêts convergents1. Cette explication n’est cependant pas valable pour l’UFW dont tant la base que la direction sont composées d’une large majorité de membres latinos. Au contraire, la création de l’UFW lors du Mouvement pour les Droits Civiques2 lui a permis de bénéficier dans la communauté Latino d’une certaine aura, qu’elle conserve encore aujourd’hui. En revanche, les stratégies utilisées par l’UFW ont probablement une part de responsabilité dans la faiblesse du taux de syndicalisation des ouvriers agricoles. Les 1 H. Zinn (2002), Une Histoire populaire des Etats-Unis. De 1492- à nos jours,trad . par F. Cotton, Editions Agone, novembre, Marseille, trad. de A People’s History of United States. 1492-Present, HarperCollins Publishers, p. 1 et suiv. 2 Le Mouvement pour les Droits Civiques (années 1960 et 1970) est souvent réduit à la seule communauté afroaméricaine. Il se caractérise pourtant par d’importants mouvements dans les communautés latino-américaine, asiatique et indienne, sans oublier les revendications de la classe ouvrière, de militants contre la guerre du Vietnam, etc. 34 premières certifications de sections UFW ont été remportées grâce à un boycott du raisin organisé par le syndicat dans tous les Etats-Unis de 1969 à 1975, qui a temporairement élevé son nombre d’adhérents à environ 70 000. Mais ce succès initial a amené les dirigeants syndicaux à se focaliser uniquement sur le boycott comme moyen de pression sur les exploitants lors des campagnes de certification. Certains considèrent que cette tactique qui a amené le syndicat à délaisser l’effort de syndicalisation dans les champs, est son erreur majeure1. Un autre élément expliquant le faible taux de syndicalisation des ouvriers agricoles est le processus de certification [Cf. Encadré I.1] par lequel les syndicats américains existent en tant qu’institutions. Celui-ci est particulièrement hostile, et ses spécificités ne peuvent être ignorées pour comprendre les effets structurels d’une forte proportion de main d’œuvre en situation illégale sur les syndicats. Tout d’abord, les employeurs peuvent exercer de nombreuses pressions tout au long de la campagne de certification. Par exemple, la frontière est ténue entre le droit constitutionnel des employeurs à « prédire » le licenciement des salariés et la fermeture de l’entreprise en cas de victoire du syndicat et l’interdiction par le droit du travail américain des « menaces » de licenciements et fermetures d’entreprises lors des campagnes de certifications. De plus, la formation d’un syndicat ne garantit pas d’augmentation des salaires ou d’amélioration des conditions de travail puisque l’employeur n’a aucune obligation légale de résultat lors des négociations collectives. Cet élément du droit du travail américain a été fréquemment utilisé par les exploitations agricoles. Par exemple, D’Arrigo Brothers, l’un des plus gros employeurs d’ouvriers agricoles en Californie, n’a pas négocié de conventions collectives avec ses travailleurs syndiqués malgré trente années de négociations avec l’UFW2. Enfin, cas unique dans les pays développés, l’employeur peut recourir à des travailleurs temporaires pour remplacer les salariés grévistes lors d’un conflit du travail. 1 F. Bardacke (1993), « Cesar’s Ghost. Decline and Fall of the U.F.W. », The Nation, 26 juillet, pp. 130-135. UFW (2006), Thirty Years since D’Arrigo Elections and still no Contract, communiqué de presse, n.d., disponible à l’adresse http://www.ufw.org/_board.php?b_code=org_key (consulté le 06/07/2007). 2 35 Encadré I.1 : la procédure de certification d’un syndicat dans le secteur agricole (aspects juridiques) Les travailleurs du secteur agricole ne sont pas couverts par le National Labor Relations Act voté en 1935 et garantissant le droit des salariés américains à se syndiquer et à être représenté collectivement lors des négociations avec leur employeur. Ce n’est qu’à partir de 1975, avec le vote de l’Agricultural Labor Relations Act (ALRA) par l’Etat de Californie, que cette protection leur est progressivement étendue. Comme dans les autres secteurs, la certification est la principale procédure par laquelle les travailleurs agricoles peuvent se syndiquer. Elle n’est cependant toujours pas définie au niveau fédéral. Des variantes mineures peuvent donc exister entre Etats. Les étapes de la certification en Californie sont décrites ci-dessous : _une pétition présentée à l’Agricultural Labor Relations Board (ALRB) demandant la tenue d’une élection de certification doit être signée par au moins 30% des travailleurs d’une section locale (bargaining unit). Cette dernière se définit comme « un groupe de deux employés ou plus qui partagent des intérêts communs et qui peuvent raisonnablement être groupés ensemble pour les objectifs de la négociation collective ». L’appartenance ou non d’un travailleur à une section locale est laissée à l’appréciation de l’ALRB. Les multiples recours et appels déposés par les employés ou l’employeur peuvent retarder fortement la tenue de l’élection. _une campagne de certification, dans laquelle employés et employeurs peuvent s’exprimer, est organisée puis est suivie par une élection à bulletins secrets. Le syndicat doit recueillir 50% (plus un vote) des votes des employés. _si le vote est positif, le syndicat détient alors le monopole de représentation des employés de la section locale et l’employeur est tenu d’organiser « dans des délais raisonnables » des négociations collectives où il est tenu de « négocier de bonne foi ». Ce dernier terme « n’impose cependant à aucune partie d’accepter une position ni ne nécessite de faire des concessions ». Tous les employés d’une section locale sont réputés membres du syndicat local. Il arrive parfois que ceux-ci élisent leur délégué syndical, mais ce dernier est le plus souvent nommé par les responsables nationaux de l’UFW. A compter d’un an après la tenue des élections, au moins 30% des employés ou l’employeur « pour des motifs raisonnables » peuvent demander par une pétition à l’ALRB la tenue d’une élection de décertification. Source : composition de l’auteur d’après M. Leroy et W. Hendricks (1999), « Should 'Agricultural Laborers' Continue to Be Excluded from the National Labor Relations Act? », Emory Law Journal, Volume 48, n°3, pp. 2-73. Les citations sont extraites de ALRB (2007), A Handbook on the California Agricultural Labor Relations Law, 28 février, Sacramento, pp. 1-35. Dans ce contexte, les immigrés illégaux représentent un double problème pour l’UFW. Tout d’abord, ils représentent une concurrence potentielle pour les ouvriers agricoles légaux. La main d’œuvre illégale, utilisée saisonnièrement par les exploitants agricoles, moins payée et connaissant des périodes de chômage, constitue une « armée de réserve » pouvant être utilisée contre les revendications salariales des travailleurs occupant les emplois primaires. Notamment, les syndicats américains protestent régulièrement contre leur utilisation en tant que casseurs de grève lors des conflits sociaux. De plus, la nature collective du processus de formation d’un syndicat aux Etats-Unis transforme la présence d’immigrés illégaux en un facteur très défavorable au syndicat. Il n’existe pas de statistiques estimant le taux de syndicalisation des ouvriers agricoles en situation irrégulière. Mais les travaux sur les procédures de certification en Californie des économistes K. Bronfenbrenner et R. Hickey montrent que la présence d’immigrés illégaux 36 réduit nettement les probabilités de certification du syndicat1. Celle-ci n’est que de 36% quand une section locale compte au moins un immigré en situation irrégulière contre 55% en moyenne. Ce résultat est bien lié au statut illégal de cette population puisqu’une section locale comptant plus de 25% d’immigrés récents certifie un syndicat lors d’élections dans 58% des cas, un chiffre supérieur aux autres catégories démographiques [Cf. Graphique I.5]. Graphique I. 5 : le taux de réussite des certifications syndicales selon le statut légal de la main d’œuvre Californienne, 1998-1999 Source : construction de l’auteur d’après K. Bronfenbrenner et R. Hickey (2003), Op. Cit., p. 72. Note : la définition des « immigrés récents » n’est pas précisée par les auteurs. Ce n’est pas une propriété des immigrés illégaux qui explique cette faiblesse du taux de réussite des élections de certification, mais plutôt le résultat du droit du travail américain. Si celui-ci garantit de jure le droit des travailleurs en situation irrégulière à se syndiquer, il décourage de facto l’exercice de ce droit par la latitude laissée aux employeurs lors de la procédure de certification. Les menaces de dénonciation auprès des services de l’immigration, utilisées par 64% des employeurs, ne sont probablement pas étrangères à cette faible réussite des certifications en présence de main d’œuvre illégale2. De plus, celle-ci ne dispose plus de l’unique mode de compensation des employés prévu face à un « comportement déloyal » de l’employeur : la Cour Suprême des Etats-Unis a interdit le versement des arriérés de salaires aux travailleurs en situation illégale3. C’est pourtant l’unique mode de compensation (avec la 1 K. Bronfenbrenner et R. Hickey (2003), « The State of Organizing in California : Challenges and Possibilities » in R. Milkman (ed.) (2003), The State of California Labor, 2003, University of California Press, Multi Campus Research Unit, p. 53. 2 K. Bronfenbrenner (2000). Uneasy terrain: The impact of capital mobility on workers, wages, and union organizing, Cornell University Institute of Labor Relations Research Studies and Reports, 6 septembre, Ithaca, p. 63. 3 R. J. Garcia (2004), « Ghost Workers in an Interconnected World: Going beyond the Dichotomies of Domestic Immigration and Labor Laws », University of Michigan Journal of Law Reform, volume 36, n°4, p. 737. 37 réintégration dans l’emploi) prévu par le droit du travail américain en cas de licenciement abusif d’un travailleur se syndiquant. Ce fait est donc un facteur d’externalités négatives pour les organisations syndicales au sens ou il est un facteur défavorable à leur formation. A nouveau, ces externalités sont causées par la spécificité du droit du travail américain : contrairement à d’autres pays développés, il a été vu que le droit de se syndiquer n’est pas un droit individuel mais un droit collectif aux Etats-Unis. En conséquence, l’incapacité d’une partie de la main d’œuvre à exercer ce droit, en l’occurrence les immigrés en situation irrégulière, se transforme en incapacité de toute la main d’œuvre à se syndiquer. La forte proportion d’immigrés illégaux dans la population des ouvriers agricoles contribue donc à l’inexistence institutionnelle des syndicats dans ce secteur. Conclusion au chapitre I La structure du marché du travail agricole a été présentée puis analysée. Il s’agît d’un marché de type secondaire, caractérisé par de faibles niveaux de rémunération, un turnover et un chômage frictionnel élevé. La main d’œuvre est majoritairement d’origine immigrée. Les travailleurs légaux occupent des emplois différents des travailleurs illégaux, plus stables et plus centraux dans l’activité du secteur. Une structure de type primaire aurait donc pu émerger au sein du marché du travail agricole, à travers la syndicalisation de sa main d’œuvre. La forte proportion de travailleurs illégaux contribue cependant à la perpétuation d’une structure secondaire en limitant la capacité des travailleurs à se syndiquer et à institutionnaliser des conventions leur étant plus favorables. 38 CHAPITRE II Le paradoxe de l’évolution des préférences syndicales de politique d’immigration Introduction au chapitre II Le chapitre I a montré comment l’immigration était créatrice d’externalités négatives pour les organisations syndicales. A en juger par l’exemple du secteur agricole, les travailleurs illégaux ne concurrencent pas directement les travailleurs légaux mais limitent leur capacité à exprimer collectivement leurs revendications par la formation de syndicats. Ce chapitre étudie les préférences syndicales exprimées par l’AFL-CIO et l’UFW lors du débat américain sur la politique d’immigration dans les années 2000. Intuitivement, on peut s’attendre d’après les résultats du chapitre I à ce que les syndicats américains expriment une forte hostilité à l’immigration en situation irrégulière et soient favorables à la mise en place de mesures, discriminations et sanctions pour décourager l’offre illégale de travail immigré. 39 Les prédictions faites ci-dessus sont elles vérifiées ? Pour répondre à cette question, les positions syndicales lors du débat sur la réforme du système d’immigration sont décrites dans la première section. Le débat oppose deux camps : l’un protectionniste, l’autre libéral. L’AFL-CIO adopte à partir des années 1990 trois revendications : la légalisation des travailleurs illégaux, la fin des sanctions contre les employeurs et autres discriminations au détriment des futurs travailleurs illégaux et le refus des programmes de travail temporaire. L’UFW soutient aussi un compromis avec les employeurs, comportant la création d’un programme de travail temporaire. Les prédictions de l’analyse traditionnelle de l’économie politique de la politique d’immigration, étudiées en seconde section, sont donc infirmées par le fait. Les syndicats ne sont pas devenus plus protectionnistes avec l’augmentation de l’immigration illégale. Au contraire, ils sont devenus un des principaux acteurs en faveur de la fin de toute discrimination à leur égard. 40 Section 1 : les préférences de l’AFL-CIO et de l’UFW dans le débat américain sur la réforme du système d’immigration Le système d’immigration américain n’a pas été profondément modifié depuis la réforme de l’IRCA bien que le gouvernement fédéral ait renforcé les contrôles à la frontière Mexicaine, notamment par la construction d’un mur, et que certains Etats aient restreint l’accès aux prestations sociales au détriment des immigrés illégaux. Sa réforme a donc été l’une des grandes promesses de campagne du président G. W. Bush lors de sa réélection en 2004. En effet, il existe aujourd’hui un consensus politique aux Etats Unis pour décrire le système juridique régulant l’entrée des flux d’immigration sur le territoire américain comme inadapté et « cassé ». Tous les acteurs de la société américaine, partis politiques, associations d’employeurs, syndicats, représentants des communautés ethniques et autres ONG, s’accordent sur la nécessité de réformer en profondeur le système d’immigration. a. les termes du débat : régularisation ou répression de l’immigration en situation irrégulière ? Deux finalités sont très souvent évoquées : tout d’abord, le système d’immigration répondrait très mal aux besoins de l’économie américaine en main d’œuvre très qualifiée. Il s’agirait donc de « choisir » les immigrants qualifiés et de les orienter vers les secteurs subissant des pénuries de main d’œuvre. Cette fonction est aujourd’hui jugée très imparfaitement remplie par les quelques programmes d’admission de travailleurs temporaires et une piste serait donc de les réformer, en particulier le visa H-B1 destiné aux secteurs de haute technologie, ou d’en créer de nouveaux. Une réforme des procédures d’admission des candidatures de résidence permanente (les cartes vertes) au bénéfice de la venue d’immigrés qualifiés (et donc au détriment des objectifs de diversité ethnique et de regroupement familial) est aussi évoquée. Ensuite, la seconde modification à apporter au système existant consiste dans la régulation des flux immigrants illégaux. La question posée est à la fois de déterminer l’avenir du stock de cette population actuellement présente aux Etats-Unis et de décourager de nouveaux flux d’entrer sur le territoire et d’y rester. La chronologie de cette réforme non aboutie à ce jour montre qu’il existe une forte polarisation au sein de la société américaine quant aux préférences de son contenu. La première étape politique de la réforme est atteinte lorsque le Congrès alors majoritairement républicain vote en décembre 2005 la proposition de loi H.R. 4437 « Border Protection, Antiterrorism, and Illegal Immigration Control Act », aussi connue sous le nom de Sensenbrenner Act, du nom du député républicain à son origine. Le contenu de cette loi est 41 une approche quasi exclusivement répressive de l’immigration illégale, sans pour autant répondre aux demandes de main d’œuvre qualifiée formulées par des organisations d’employeurs comme la Chambre de Commerce des Etats-Unis (USCC) réputée proche du parti Républicain. Trois grands points1 constituent le socle de cette proposition de loi : • la militarisation renforcée de la frontière, par le financement de 1000 kilomètres de mur venant s’ajouter aux 150 déjà construits et le recours à l’armée pour garder la frontière ; • la mise en place d’un système d’identification informatique remplaçant les cartes de sécurité sociale jusqu’ici utilisées pour contrôler le statut légal de la main d’œuvre. Les employeurs doivent obligatoirement contrôler le statut de toute nouvelle embauche et vérifier celui de toute leur main d’œuvre sous six ans. Les sanctions contre les employeurs sont très alourdies et peuvent s’élever jusqu’à 25 000 dollars par employé en situation illégale. • La proposition certainement la plus controversée consiste en la criminalisation des immigrés illégaux, sujets à des peines d’emprisonnement. Les individus et organisations (caritatives, syndicats, protection des droits de l’homme) convaincues de « complicité » peuvent être condamnées à de lourdes amendes. Cette proposition de loi visait certainement à fournir des gages à la frange la plus conservatrice du parti Républicain avant les élections législatives de 2006. Elle est contraire aux conventions internationales sur les droits des immigrés (pas toujours) signées par les Etats-Unis et provoqua donc des réactions critiques de la part des organisations internationales telles que le BIT et du gouvernement Mexicain. Le tollé fût important aux Etats-Unis parmi les associations d’aide aux immigrés, leaders des communautés ethniques et religieuses, employeurs et syndicats confondus. Il causa une importante mobilisation de la communauté Latino qui commence par des grèves lycéennes en mars 2005 dans les quartiers latinos de Californie et culmine en mai 2005 : des millions de personnes font grève et défilent dans Los Angeles, San Diego, Chicago, New York et Dallas pour protester à l’occasion du 1er mai, bien que cette journée ne corresponde d’ailleurs à aucune tradition ancrée aux EtatsUnis2. A la même époque, le Sénat débat de sa propre proposition de loi sur l’immigration. 1 La description s’inspire de C. Sauviat (2006), « La réforme de la loi sur l’immigration : un compromis politique ardu », Chronique Internationale de l’IRES, n°100, mai, pp. 63-64. Le texte intégral de la loi est disponible sur le site du Congrès à l’adresse http://thomas.loc.gov/cgi-bin/query/z?c109:H.R.4437: (consulté le 22/07/07). 2 D. La Botz (2006), « Millions March for Immigrants Rights; Virtual Strike in Some Cities », Labor Notes, mai, n°326, disponible à l’adresse : http://labornotes.org/node/221 (consulté le 22/07/07). 42 Il adopte finalement début 2006 le « Secure America and Orderly Immigration Act ». Il s’agit cette fois d’un projet de loi bipartisan, présenté par les Sénateurs E. Kennedy et J. Mac Cain, candidat aux primaires du parti Républicain pour l’élection présidentielle. Ses principaux éléments sont les suivants1 : • il renforce des contrôles à la frontière et des employeurs comme celui proposé par le Sensenbrenner Act, mais les sanctions contre les employeurs atteignent des proportions légèrement moins importantes (20 000 dollars) ; • il abandonne la criminalisation de l’immigration illégale ; • il modifie les programmes d’admission de travailleurs temporaires, en particulier dans l’agriculture comme cela sera étudié plus loin ; • surtout, il permet la régularisation des immigrés illégaux présents sur le territoire des Etats-Unis en mai 2005, sous conditions. Ceux-ci doivent s’acquitter d’une amende ($1000), le chef de famille doit retourner dans le pays d’origine, payer des frais de dossier de $5000 pour obtenir, au terme d’une procédure de six à douze mois un visa de séjour temporaire H-5B permettant de demander le statut de résident permanent après six ans. Le contenu même de ce projet de loi montre qu’il s’agit de créer une coalition d’intérêts au sein de la société civile, en conservant certains aspects répressifs soutenus par la base du parti Républicain tout en adoptant des mesures satisfaisant partiellement les attentes des syndicats, employeurs et de la communauté hispanique. Au final, ce compromis n’a satisfait personne : il est à demi soutenu par les employeurs inquiets de la complexité du système informatique de contrôle et du risque de sanctions accrues. Les syndicats protestent contre certains aspects des programmes de travail temporaires. La communauté hispanique est divisée mais juge la procédure de régularisation trop compliquée. Enfin, la droite du parti Républicain accuse le projet de laxisme. Le Kennedy-Mac Cain Act, passé de justesse au Congrès, ne survit pas au vote du Sénat en juin 2006. b. l’évolution des positions des syndicats américains de préférences protectionnistes à libérales. Le débat sur l’immigration des années 2000 éclaire un changement significatif des préférences de politique d’immigration des organisations syndicales américaines. Celles-ci passent d’une attitude traditionnellement protectionniste, « faisant de [l’endiguement] de 1 Economist (The) (2007), « Of Fences and Visas », The Economist, 26 mai, pp. 27-28. 43 l’immigration légale et illégale un leitmotiv »1 à une politique nettement plus ouverte à partir de la fin des années 1990. Ce changement s’observe avant tout dans les préférences affichées par l’American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO), la fédération regroupant les syndicats américains, dont l’United Farm Workers jusqu’en 20042 chargée de défendre leurs intérêts au niveau fédéral. En effet, l’AFL-CIO a fortement soutenu une politique de l’immigration illégale restrictive au cours de son histoire. Elle dénonce la concurrence « déloyale » des travailleurs clandestins sur les marchés du travail et la dégradation consécutive du niveau de vie des travailleurs américains. Elle se prononce notamment pour la mise en place de sanctions contre les employeurs en 19853, proposition qui contribue très nettement à l’inclusion de ces sanctions dans la loi IRCA votée par un Congrès alors à majorité Démocrate, le parti traditionnellement allié de l’AFL-CIO. Elle se prononce également contre toute forme de régularisation de l’immigration clandestine, ce qui explique peut-être pourquoi celle-ci se cantonne en 1986 quasi exclusivement aux travailleurs du secteur agricole. Cette position évolue au cours des années 1990. La convention de 1999 de l’AFL-CIO appelle à un rapprochement des syndicats américains avec les organisations des communautés immigrées et propose aussi d’abolir les sanctions contre les employeurs. Cette dernière proposition est adoptée par la convention de la fédération syndicale réunie à La Nouvelles Orléans en 2000. Les années qui suivent voient se préciser les nouvelles préférences de la fédération. Elles se structurent autour de la régularisation de toute la population immigrée illégale, l’alignement du statut des travailleurs étrangers sur celui des travailleurs citoyens en termes de droit du travail et le refus des programmes de travail temporaire jugés incompatibles avec cette harmonisation4. Ces demandes sont réitérées à l’occasion de l’intervention du représentant de l’AFL-CIO devant la commission du Congrès chargée de l’immigration, comme le montrent les citations suivantes ; « notre approche se fonde sur trois principes centraux : 1) la loi doit garantir un véritable mécanisme par lequel tous les travailleurs illégaux peuvent régulariser leur statut 2) les travailleurs étrangers doivent se 1 C. Sauviat (2003), « Une politique sélective de l’immigration, dominée par les enjeux économiques », Chronique Internationale de l’IRES, n°84, septembre, p. 10. 2 L’UFW rejoint la nouvelle fédération Change to Win (CtW) formée avec cinq autres syndicats en juillet 2004, puis quitte l’AFL-CIO quelques temps après. La spécificité des préférences de l’UFW est présentée dans les pages suivantes, et les préférences de politiques migratoires de CtW différent peu de celles de l’AFL-CIO. En conséquence, il serait à la fois peu utile et trop complexe de traiter ici le cas des préférences de CtW. 3 C. Sauviat (2003), Op. Cit., p. 10. 4 AFL-CIO (2001), Resolution No. 5. A Nation of Immigrants, 25ème convention biannuelle, 6 décembre, Las Vegas, pp. 29-33, disponible à l’adresse http://www.aflcio.org/aboutus/thisistheaflcio/convention/2001/resolutio ns.pdf (consulté le 22/07/07). 44 voir garantis aux Etats-Unis un accès complet et égal à la protection légale des travailleurs, ce qui signifie que les besoins futurs en main d’œuvre immigrée ne devraient pas être satisfaits par des programmes de travailleurs temporaires ; le Congrès devrait plutôt réformer l’actuel système de visa de résident permanent basé sur l’emploi pour lier le nombre de visa à de véritables indicateurs des besoins économiques 3) le contrôle du droit du travail doit aller de pair avec le contrôle des lois sur l’immigration »1. Les préférences de l’UFW ont suivi la même évolution que celle de l’AFL-CIO. Cette évolution est cependant beaucoup plus ancienne et débute dès les années 1970. La création de l’UFW remonte aux mouvements pour les droits civiques de la communauté latino dans les années 1960. Il n’est donc pas surprenant que ce syndicat s’affirme proche des intérêts de l’immigration légale depuis sa création. En revanche, sa position face à l’immigration en situation irrégulière est plus ambigüe : il soutient une loi de sanction contre les employeurs votée par l’Etat de Californie en novembre 1971 qui est cependant déclarée anticonstitutionnelle quelques mois après2. Sa porte parole auprès du Sénat renouvelle ce soutien lors du débat sur l’IRCA, notant que le syndicat « partage la position de l’AFL-CIO selon laquelle imposer des sanctions aux employeurs embauchant des étrangers en situation illégale serait un bon moyen pour lutter contre [leur] embauche si la loi proposée est appliquée efficacement »3. Il aurait aussi parfois recouru à des dénonciations auprès de l’INS pour éliminer les ouvriers agricoles illégaux des entreprises qu’il souhaite syndicaliser4. Cette hostilité à l’immigration en situation irrégulière est cependant progressivement abandonnée. Malgré des débats internes, l’UFW soutient la procédure de légalisation des ouvriers agricoles illégaux lors des audiences préliminaires de la commission du Congrès en 1985 puis adopte une position pro-légalisation, contre les sanctions des employeurs et le renforcement des contrôles à la frontière Mexicaine à partir de 19935. De plus, l’UFW soutient, conjointement avec le National Council of Agricultural Employers (NCAE), l’association d’employeurs du secteur agricole, et plusieurs autres 1 J. P. Hyatt (2006), Testimony of Jonathan P. Hyatt before the U.S. House of Representative Committee on the Judiciary Subcommittee on Immigration, Citizenship, Refugees, Border Security and International Law, 24 mai, Washington D.C., p. 2. 2 K. Calavita (1983), « California’s « Employers’ Sanctions » Legislation: Now You See It, Now You Don’t », Politics & Society, volume 12, n°205, pp. 210-213. 3 S. Bower, (1981), Hearings on the Knowing Employment of Immigrants, 30 septembre, Washington D.C. in L. Haus (1995), « Openings in the Wall: Transnational Migrants, Labor Unions, and U.S. Immigration Policy », International Organization, volume 49, n°2, printemps, p. 304. 4 F. Bardacke (1993), « Cesar’s Ghost. Decline and Fall of the U.F.W. », The Nation, 26 juillet, p. 132. 5 L. Haus (1995), « Openings in the Wall: Transnational Migrants, Labor Unions, and U.S. Immigration Policy », International Organization, volume 49, n°2, printemps, pp. 303-304. 45 organisations communautaires la proposition de loi Agricultural Jobs Opportunities benefits and Security Act (AgJOBS) depuis novembre 20001. Ce texte a été présenté à de nombreuses reprises devant les législateurs américains, seul en décembre 2000, puis incorporé à un programme de financement de la guerre en Irak (sic) et enfin dans le Kennedy-Mac Cain Act. Une telle ténacité n’a pas payé puisque le texte a été chaque fois rejeté mais l’UFW espère qu’il sera réexaminé dans les mois à venir2. AgJOBS comprend deux mesures. La première consiste en une procédure de « légalisation méritée » (earned legalization) des travailleurs agricoles, relativement proche de celle contenue dans l’IRCA en 1986. Ceux-ci peuvent accéder au statut de résident temporaire en justifiant d’un quota d’heures travaillées dans le secteur au cours des 24 mois précédant la mise en place de la loi, puis peuvent ensuite accéder au statut de résident permanent au bout de cinq années, à condition d’avoir travaillé une moyenne de 100 jours par année dans le secteur agricole. La seconde proposition soutenue par l’UFW à travers AgJOBS est très inhabituelle pour un syndicat américain. Il s’agit de réformer le programme d’admission de travailleurs temporaires agricoles H-2A déjà existant pour le rendre beaucoup plus accessible aux employeurs. Il s’agit en effet d’une revendication de la NCAE déjà ancienne : le programme H-2A n’est utilisé que marginalement par les employeurs qui se plaignent des conditions très restrictives de son utilisation. Alors que les législateurs de l’IRCA prévoyaient l’entrée de plus de 200 000 travailleurs agricoles temporaires par an en 1986, le nombre de travailleurs temporaires approuvés par le DOL ne dépasse que rarement les 20 000 individus par an3. Les caractéristiques du H-2A existant et les modifications apportées par AgJOBS sont décrites par le tableau II.1. 1 A. Rodriguez (2007), Immigration Reform and AgJOBS: Statement by UFW President Arturo Rodriguez on Current U.S. Senate Negociations, AgJOBS, and S. 2611, 15 avril, disponible dans l’onglet Immigration Reform à l’adresse http://www.ufw.org/_board.php?b_code=org_key (consulté le 22/07/07). 2 A. Rodriguez (2007), U.S. Senate Votes “No” on Comprehensive Immigration Reform, UFW Urges AgJOBS Moves Forward, 28 juin, disponible à l’adresse http://www.ufw.org/_board.php?mode=view&b_code=cre_leg& b_no=55&page=1&field=&key=&n=3 (consulté le 22/07/07). 3 P. Martin (2002), « Legalizing Farmworkers : the 2002 Outlook », Migration World, Volume 30, n°3, p. 20. 46 Tableau II.1 : les similarités et différences des visas H-2A et H-2A modifié AgJOBS Conditions requises Conditions générales, employeur H-2A H2-A AgJOBS Déclaration de pénurie 45 jours à Déclaration de pénurie 28 jours à l’avance l’avance Ne peut remplacer un travailleur en Ne peut remplacer un travailleur en grève grève Publication de l’offre d’emploi 14 Publication de l’offre d’emploi 14 jours avant la date d’embauche et jours avant la date d’embauche et accès préférentiel travailleurs résidents accès préférentiel travailleurs résidents Conditions générales, Obligation de conserver le même Obligation de conserver le même employé employeur employeur logement Logement gratuit mis à disposition par Logement gratuit ou compensation l’employeur monétaire équivalente rémunération Adverse Effect Wage Rate ou salaire Idem mais gel du AEWR pendant 3 minimum si supérieur ans au niveau 2002 Droit du travail Spécifique. Exclusion du droit à Droits similaires recourir aux cours fédérales Absence du droit aux arriérés de Droit aux arriérés de paiements paiements Source : construction de l’auteur d’après Farm Worker Justice (2007), Summary of the Agricultural Jobs, Opportunities, Benefits and Security Act of 2007 (“AgJOBS”), S.340 and HR. 371, n.d., n..l., disponible à l’adresse http://www.farmworkerjustice.org/Immigration_Labor/FJAgJobsSummary1-2007.pdf (consulté le 21/07/07). Section 2 : une évolution non expliquée par les prédictions traditionnelles économiques Cette évolution des préférences des syndicats américains en général et de l’UFW en particulier d’une demande de restriction vers des positions plus ouvertes est, sinon contradictoire avec la théorie économique, du moins contraire à ses prédictions. En effet, de nombreux travaux en économie ont formulé des propositions normatives quant aux préférences collectives de politique d’immigration des détenteurs de facteur de production présents sur les marchés du travail. On peut les distinguer en fonction de leur appartenance à deux courants, l’un d’inspiration néoclassique, l’autre d’obédience plus Marxiste. a. similarités des prédictions des théories néoclassiques… Tout d’abord, les travaux néoclassiques ont trois caractéristiques en commun. Ils se rattachent au paradigme individualiste méthodologique au sens ou leurs analyses déduisent (explicitement ou non) les préférences collectives des institutions des marchés du travail, syndicats et associations d’employeurs, des préférences individuelles de leurs membres. Ils utilisent des outils traditionnellement attachés aux théories « standard » du commerce international. Enfin, ils ne font pas des conflits entre groupes sociaux une hypothèse de leur analyse mais plutôt un de ses éventuels résultats. La plupart des études néoclassiques de l’économie politique de la politique migratoire selon les intérêts en présence sur les marchés du travail le font à travers le théorème Heckser47 Ohlin (HO) et ses extensions1. Le théorème HO, plutôt connu pour ses applications au commerce international, est ici transposé pour les flux migratoires internationaux. De même que les flux commerciaux, les flux migratoires économiques s’expliquent par une hétérogénéité des dotations relatives de facteurs de production entre pays en développement émetteurs et pays développés récepteurs. Ces derniers sont relativement abondants en travail qualifié et en capital, mais disposent de relativement peu de travail peu qualifié. En conséquence, la rémunération des travailleurs peu qualifiés est plus favorable dans les pays développés qu’en développement. C’est la cause du caractère majoritairement peu qualifié de l’immigration aux Etats-Unis. L’effet de ces flux sur la répartition des revenus entre facteurs de production est décrit par la proposition Stolper-Samuelson. L’augmentation d’offre de travail peu qualifié immigré modifie les dotations factorielles relatives du pays développé et abaisse les revenus du facteur rare, le travail peu qualifié. Le théorème HO fait l’hypothèse d’une parfaite mobilité des facteurs de production entre secteurs de l’économie. Ceci n’est évidemment pas une propriété de la main d’œuvre immigrée, en particulier illégale. Certains travaux différencient donc effets de l’immigration à court et long termes en présence de marchés du travail segmentés2. A court terme, celle-ci n’est substituable qu’au travail peu qualifié des secteurs traditionnellement hôtes de l’immigration. Consécutivement, seule cette main d’œuvre est immédiatement affectée négativement par la concurrence du travail immigré. Elle peut accepter une diminution de son revenu ou « fuir » vers un autre secteur d’activité. Comme l’écrit Borjas, « les principaux concurrents des immigrés sur les marchés du travail sont d’autres immigrés »3. Cependant, la distinction entre les secteurs protégés de l’immigration et les secteurs ouverts est plus floue à long terme. Contrairement aux secteurs isolés du commerce international, il n’existe pas a priori de raisons purement techniques pour expliquer la faible substituabilité d’un travailleur natif à un travailleur immigré. Les secteurs protégés peuvent opter pour des technologies plus intensives en travail immigré. 1 R. A. Mundell (1957), « International Trade and Factor Mobility », The American Economic Review, volume 47, n°3, juin, pp. 321-335. K. H. O’Rourke et R. Sinnott (2004), « The Determinants of Individual Attitudes Toward Immigration », European Journal of Political Economy, volume 22, n°4, pp. 838-861. A. M. Mayda (2005), « Who is Against Immigration? A Cross-Country Investigation of Individual Attitudes Against Immigrants », The Review of Economic and Statistics, volume 38, n°3, août, pp. 510-530. 2 G. J. Borjas (1987), « Immigrants, Minorities and Labor Market Competition », Industrial and Labor Relations Review, volume 40, n°43, avril, pp. 382-393. T. J. Carter (2005), « Undocumented Immigration and HostCountry Welfare: Competition across Segmented Labor Markets », Journal of Regional Science, volume 45, n°4, pp. 777-795. T. J. Hatton et J. G. Williamson (2006), Global Migration and the World Economy. Two Centuries of Policy and Performances, The MIT Press, janvier, pp. 352-357. O. B. Bovardsson, W. F. Kaempfer, A. D. Lowenberg et W. Mertens (2007), « The Political Market for Immigration Restrictions: Model and Test », Journal of International Trade & Economic Development, volume 16, n°2, pp. 159-192. 3 G. J. Borjas, Op. Cit., p. 391. 48 Les prédictions de ces travaux concernant les préférences collectives des syndicats sont intuitivement déduites des effets décrits ci-dessus. Les syndicats dont les membres sont les plus substituables aux travailleurs immigrés sont les plus défavorables à leur entrée sur le territoire. Les autres syndicats devraient faire du maintien de la protection sur leur segment du marché du travail une revendication prioritaire. b. … et hétérodoxes. Le second courant de travaux analysant la question du rôle des marchés du travail dans la formation des préférences collectives de politique d’immigration diffère sur bien des points du courant d’analyse néoclassique. Tout d’abord, la principale différence entre travailleurs natifs et immigrés ne réside pas dans leurs caractéristiques d’offreurs de travail (qualifications, compétences, etc.) mais dans leur identité nationale1, construction idéologique apparue avec le développement du système capitaliste. Les travailleurs natifs ont, par définition, la citoyenneté de leur territoire de résidence. Cela leur confère des droits politiques et économiques : droit de vote, droit d’association, droit à certaines prestations sociales (Etat Providence). Le statut d’étranger exclut explicitement ou implicitement de ces droits. L’importation de main d’œuvre immigrée dans les économies capitalistes développées répond donc à certaines propriétés systémiques de ce mode de production. En effet, la discrimination entre travailleurs effectuée sur la base de leur identité nationale permet de faire jouer à la main d’œuvre immigrée un rôle de stabilisation économique et politique du système capitaliste : • L’immigration participe à la perpétuation d’une « armée de réserve » occupant des emplois secondaires. Elle permet de remédier aux pénuries de main d’œuvre lors des phases d’expansion du capitalisme tout en étant aisément congédiable vers le chômage ou son pays d’origine lors des phases de récession. Elle est aussi plus aisément exploitable du fait de son statut d’étranger et permet donc de compenser la baisse tendancielle du taux de profit2. 1 G. P. Freeman (1986), « Migration and the Political Economy of the Welfare State », Annals of the American Society of Political and Social Science, volume 485, mai, pp. 51-63. A. R. Zolberg (2006), « Political Economy and Identity Politics », Democracy and Society, volume 4, n°1, automne, pp. 1-19. 2 Rôle assez similaire à celui joué par le commerce international dans l’analyse Marxiste. Voir M. Castells (1975), « Immigrants Workers and Class Struggle in Advanced Capitalism: the Western European Experience », Politics & Society, volume 33, n°5, pp. 33-57. 49 • Ce rôle de « sous prolétariat » diminue les tensions entre classes inhérentes au système capitaliste1. Elle assure l’essentiel de l’ajustement entre passe économique et contribue à la formation d’une « aristocratie ouvrière » occupant les emplois primaires, tandis que les multiples identités de l’armée de réserve rendent difficile l’émergence d’une conscience de classe. Il s’ensuit que, pour les travaux d’obédience Marxiste, la conscience nationale se superpose voire se substitue à la conscience de classe : si les travailleurs natifs et immigrés partagent les mêmes intérêts de classe, leurs intérêts nationaux tendent à diverger. Les travailleurs natifs du marché du travail secondaire ont objectivement intérêt à restreindre l’accès au travail de la concurrence étrangère. L’aristocratie ouvrière bénéficie de l’exploitation de l’immigration et à intérêt à perpétuer cette segmentation des marchés du travail sans laquelle l’immigration deviendrait une concurrence potentielle. Comme l’écrit M. Nikolinakos, « la discrimination [entre travailleurs natifs et immigrés] crée une division au sein de la classe ouvrière. A travers celle-ci, les travailleurs natifs en viennent à supporter le système car ils sont portés à croire que cette discrimination protège leurs intérêts contre la main d’œuvre étrangère »2. Les analyses néoclassiques et Marxistes fournissent donc des prédictions assez similaires, malgré leurs différences d’approche. Le mouvement syndical américain devrait demander une politique d’immigration restrictive, en particulier contre l’immigration illégale. Il a pourtant été vu dans la section précédente que ces prédictions, vérifiées dans le cas de l’AFL-CIO jusque au début des années 1990, sont en revanche démenties depuis une quinzaine d’années. Ce contraste entre prédictions et réalité est encore plus grand s’agissant de l’UFW, puisque ce syndicat est allé jusqu’à adopter un compromis avec la NCAE portant sur un programme d’admission de travailleurs temporaires. Les différences entre prédictions de la théorie économique et les préférences avérées des syndicats américains sont résumées dans le tableau II.2. 1 M. Castells (1975), Op. Cit., pp. 57-66. C. Lever-Tracy (1983), « Immigrants Workers in Postwar Capitalism: in Reserve or Core Troops in the Front Line? », Politics & Society, volume 12, pp. 127-157. 2 M. Nikolinakos (1975), « Notes Toward a General Theory of Migration in Late Capitalism », Race & Class, volume 17, n°1, p. 13. 50 Tableau II.2 : les préférences attendues et observées de l’AFL-CIO et de l’UFW, années 2000 Politique AFL-CIO UFW d’immigration Positions attendues Positions observées Positions attendues Positions observées illégale Légalisation opposée/mitigée Défavorable Favorable Favorable Sanctions Favorable Opposée Opposée favorable employeurs Contrôles à la Favorable Très mitigée Favorable Opposée frontière Admission Défavorable Défavorable Favorable Opposée travailleurs temporaires Note : les préférences de politique d’immigration prioritaires sont notées en caractères gras Cette situation est donc paradoxale. L’attitude dominante dans les années 1980 face à l’immigration illégale était une demande de protection par une politique d’immigration restrictive. Trente années plus tard, et après une multiplication par dix de la population immigrée illégale présente aux Etats-Unis, les syndicats américains adoptent des revendications faisant de la légalisation de la population immigrée une priorité. Elles demandent aussi une abolition des sanctions contre les employeurs et critiquent la construction d’un mur et le renforcement des patrouilles à la frontière Mexicaine. Comment expliquer ce changement ? Le prochain chapitre explore diverses pistes. Conclusion au chapitre II Les positions spécifiques aux syndicats américains lors du débat sur la réforme du système d’immigration ont été étudiées dans ce chapitre. Contrairement aux prédictions généralement formulées, les organisations syndicales, représentant l’acteur économique « perdant » de la vague d’immigration aux Etats-Unis, ont évolué vers des positions favorables à l’immigration, en particulier illégale. Cette évolution est encore plus marquée avec un syndicat d’un marché du travail secondaire puisque l’UFW a adopté un compromis avec les employeurs, proposant la mise en place d’un programme de travail temporaire. 51 CHAPITRE III Le lien entre préférences de politique d’immigration et stratégies syndicales face à l’immigration en situation irrégulière Introduction au chapitre III Il a été montré dans le chapitre précédent qu’il existait un paradoxe entre les analyses traditionnelles de l’économie politique de la politique d’immigration, prédisant une opposition des syndicats à l’immigration illégale, et les faits. Les syndicats américains sont devenus favorables à l’abolition des discriminations à l’égard des travailleurs immigrés et à la légalisation de ceux en situation irrégulière. Cette évolution s’est située pendant les années 1990, c’est-à-dire pendant la période de forte croissance des flux d’immigration illégaux aux Etats-Unis. Ce chapitre tente de réconcilier théorie et faits empiriques en analysant les finalités des stratégies adoptées par l’UFW au cours des trente dernières années. 52 Pour expliquer le paradoxe des préférences syndicales de politique d’immigration, le compromis AgJOBS entre l’UFW et le NCAE est tout d’abord analysé en première section : AgJOBS correspond à la situation d’un jeu à somme positive dans lequel chaque acteur anticipe un gain tiré d’une stratégie d’accommodation à l’entrée du travail immigré illégal complétée par sa régularisation. Il est ensuite montré comment la perception des institutions syndicales de ses intérêts communs avec les travailleurs immigrés conditionne l’évolution de leurs préférences de politique d’immigration. Enfin, les hypothèses de départ présentées en introduction générales sont réévaluées en seconde section à l’aune des résultats de ce mémoire. 53 Section 1 : un changement de préférences du à un changement de stratégies L’interprétation proposée dans ce mémoire de l’évolution des préférences syndicales en matière de politique d’immigration est la suivante : elle traduit le passage d’une stratégie d’exclusion de la main d’œuvre immigrée hors des marchés du travail à une stratégie d’inclusion de celle-ci au sein des organisations syndicales. a. stratégies d’exclusion et d’inclusion de la main d’œuvre en situation irrégulière. La concurrence de la main d’œuvre illégale a des externalités négatives sur les organisations syndicales américaines. Mais contrairement au postulat souvent fait dans les travaux mentionnés dans le chapitre précédent, cette concurrence n’induit pas mécaniquement une demande de protection s’exprimant sous la forme d’une politique d’immigration restrictive. Au contraire, les faits étudiés dans ce mémoire montrent que les syndicats peuvent adopter deux stratégies face aux immigrés en situation irrégulière1. La première, initialement adoptée par le mouvement syndical américain, cherche à éliminer l’accès des immigrés illégaux aux marchés du travail au moyen de barrières à l’entrée. Le renforcement des contrôles aux frontières et sur le territoire augmente le « sunk cost » de l’investissement qu’est la décision d’émigrer pour trouver un emploi mieux payé. Dans le même temps, les sanctions contre les employeurs, distorsions de prix augmentant le coût du travail immigré illégal et les multiples discriminations (droit du travail etc.) réduisent le salaire offert à cette catégorie de la main d’œuvre. Cette politique d’immigration restrictive a donc pour fonction d’isoler le marché du travail, en créant des barrières à l’entrée filtrant les travailleurs en situation irrégulière. Le pouvoir de marché des syndicats est ainsi préservé. La seconde stratégie en cours d’adoption par le mouvement syndical américain est sensiblement différente. Les syndicats s’accommodent de l’entrée des travailleurs illégaux sur les marchés du travail. En revanche, ils tentent de syndicaliser cette main d’œuvre afin de restaurer leur pouvoir de marché face aux employeurs2. Les barrières à l’entrée, centrales dans la stratégie d’exclusion, n’ont plus d’utilité dans la stratégie d’inclusion. Elles peuvent être abandonnées pour signaler aux immigrés illégaux que les syndicats prennent en compte leurs revendications. De plus, ces barrières à l’entrée deviennent alors de facto un obstacle à l’intégration de la main d’œuvre illégale. La discrimination du droit du travail à l’encontre des 1 Les deux prochains paragraphes s’inspirent de D. Fudenberg et J. Tirole (1984), « The Fat-Cat Effect, the Puppy-Dog Ploy and the Lean and Hungry Look », the American Economic Review, volume 74, n°2, mai, pp. 361-366. 2 L. Haus (1995), « Openings in the Wall: Transnational Migrants, Labor Unions, and U.S. Immigration Policy », International Organization, volume 49, n°2, printemps, pp. -293-294. 54 travailleurs en situation irrégulière et l’instrumentalisation des sanctions par les employeurs rendent cette catégorie de la main d’œuvre très difficile à syndiquer. Le démantèlement de ces barrières à l’entrée devient donc une condition sine qua non de la restauration du pouvoir de marché des syndicats si ceux-ci optent pour une stratégie d’accommodation. Dans cette perspective, de la légalisation des immigrés en situation irrégulière et plus généralement de l’harmonisation de leur statut vers celui des citoyens dépend la survie des syndicats des secteurs à forte proportion en main d’œuvre immigrée. Le soutien de l’UFW à la proposition AgJOBS est l’archétype de cette nouvelle stratégie d’accommodation-intégration. La coalition formée par le syndicat et l’association d’employeurs NCAE traduit l’existence d’intérêts partiellement convergents entre ces deux acteurs, qui nécessitent cependant des concessions mutuelles pour aboutir à un compromis. Le volet « légalisation » des ouvriers agricoles en situation irrégulière de la proposition de loi satisfait principalement les intérêts syndicaux. L’UFW espère syndicaliser plus facilement cette population qui ne serait plus sujette aux menaces de dénonciation des employeurs lors des campagnes de certification. Dans le même temps, le compromis revêt deux intérêts pour les employeurs. Il leur fournit une main d’œuvre légale, ne causant donc pas de risque de sanction une fois embauchée. Le principe de « légalisation méritée » limite la mobilité extra sectorielle des travailleurs souhaitant accéder au statut de résident permanent et restreint donc les craintes de pénuries de main d’œuvre formulées par les employeurs. Le volet « programme d’admission de travailleurs temporaires » d’AgJOBS satisfait principalement les intérêts patronaux1. Ceux-ci disposeraient d’une technologie moins coûteuse et plus flexible que l’actuel programme H-2A pour répondre à d’éventuelles pénuries de main d’œuvre. Dans le même temps, les employeurs consentent tacitement à donner quelques garanties qu’ils n’abuseront pas de ce programme pour mettre en concurrence les travailleurs temporaires avec les travailleurs permanents du secteur. Certaines garanties déjà présentes dans l’actuel programme H-2A comme l’impossibilité d’utiliser un travailleur temporaire pour remplacer un travailleur gréviste sont conservées. De plus, la proposition harmoniserait les droits des travailleurs temporaires sur celui des travailleurs permanents, ce que l’UFW espère pouvoir être de nature à faciliter leur syndicalisation. 1 NCAE (2007), Passage of AgJOBS Needed Now!, NCAE Issue paper, janvier, Washington D.C., disponible à l’adresse http://www.ncaeonline.org/associations/5889/files/PassageofAgJOBSNeededNOW01-07.pdf (consulté le 01/08/07). 55 Ce compromis entre UFW et NCAE est donc difficilement explicable sans prendre en compte la stratégie du syndicat d’accommodation-intégration du travail immigré illégal. Il s’agit, en quelque sorte, d’un pari de l’UFW sur sa capacité à organiser les nouveaux entrants une fois les règles du jeu harmonisées sur celles des travailleurs citoyens. Il serait évidemment prématuré de pronostiquer les chances de réussite d’un tel pari alors qu’AgJOBS n’est pas encore voté. Il ne semble cependant pas intenable, car pour la première fois quelques centaines de travailleurs disposant d’un visa H-2A sont devenus membres de l’UFW et ont obtenu une convention collective avec leur employeur Global Horizons en avril 20061. Celleci prévoit une augmentation des salaires, mais surtout donne droit à des congés payés et une assurance santé et met en place un système de séniorité dans l’attribution des emplois. On peut toutefois faire ici deux observations. Tout d’abord, le compromis sur la proposition AgJOBS ne doit pas être interprété comme la disparition du conflit entre travail et capital mais plutôt comme le déplacement de ce conflit de la frontière du marché du travail vers l’intérieur de celui-ci. Enfin, si l’interprétation faite de l’évolution des préférences syndicales proposée dans ce mémoire est juste et généralisable à l’ensemble des marchés du travail américains, alors il n’existe pas de raison objective pour que l’AFL-CIO conserve son actuelle opposition aux programmes de travail temporaire. Si les résultats du laboratoire du secteur agricole sont conformes aux espérances de l’UFW, on devrait alors observer à plus ou moins long terme une évolution similaire des préférences de l’AFL-CIO. b.les trois facteurs ayant contribué à l’évolution des stratégies syndicales. Le passage d’une stratégie d’exclusion à une stratégie d’inclusion du travail immigré illégal fournit une interprétation cohérente de l’évolution des préférences syndicales. Elle réconcilie les externalités négatives de l’immigration illégale mises en lumières dans le chapitre I avec les nouvelles préférences syndicales, étudiées dans le chapitre II. En revanche, cette interprétation n’est pas une explication de cette évolution. Elle ne contient pas les déterminants des préférences inclusives ou exclusives des syndicats. Il est proposé dans cette sous section une série de trois facteurs complémentaires dans le cas de l’AFL-CIO. Le premier tient à la nature même des flux migratoires en provenance d’Amérique Latine. Comme l’introduction générale l’a montré, ces flux atteignent à partir des années 1990 des niveaux jamais atteints depuis le début du XXème siècle aux Etats-Unis. Cette croissance 1 UFW (2006), Global Horizons-UFW Contract Summary, 11 avril, disponible à l’adresse http://www.ufw.org/_page.php?menu=organizing&inc=keycampaign/globalhorizons/GHcontract.htm (consulté le 10/07/2007). 56 des flux d’immigration illégaux se produit malgré le vote de lois sur l’immigration très restrictives en 1986, qui semblent donc incapables de les contenir. De plus, comme le souligne L. Haus1, ces flux d’immigration illégaux diffèrent de l’immigration européenne et asiatique aux XIXème et XXème siècles, au sens ou ils sont beaucoup plus difficiles à contrôler. Malgré toutes les innovations technologiques en matière de surveillance et de traçage des individus, il reste encore aujourd’hui plus difficile d’arrêter un immigrant traversant le désert du Nouveau Mexique ou en prolongement illégal de séjour qu’il ne l’était d’appréhender un bateau à destination de Ellis Island ou de la baie de San Francisco. On peut donc penser que le seuil critique atteint par l’immigration illégale dans les années 1990 rend sceptiques les dirigeants syndicaux sur la capacité des mesures restrictives d’endiguer ces flux2. Apparemment, le marché du travail s’est ajusté à la mise en place des barrières à l’entrée en réduisant le salaire du travail illégal plutôt que ses quantités offertes et demandées. Le second facteur expliquant l’évolution de la stratégie de l’AFL-CIO à partir des années 1990 est la faiblesse grandissante du mouvement syndical américain. Le taux de syndicalisation des salariés américains passe d’environ 22% en 1980 à 14% en 19993. Ce déclin numérique s’accompagne d’une perte de pouvoir de marché des organisations syndicales, symbolisée par la signature d’accords de concessions revenant sur les avantages salariaux consentis par d’anciens bastions du syndicalisme américain comme le secteur de l’automobile et de la sidérurgie4. Dans la sphère politique, les syndicats semblent aussi avoir perdu de leur influence, comme le montre la ratification de l’ALENA par le Congrès à majorité Démocrate en 1993 malgré la forte opposition de l’AFL-CIO. L’affaiblissement se transforme en crise ouverte en 1995 et provoque le changement de l’équipe dirigeante à la tête de l’AFL-CIO. La nouvelle équipe fait de la syndicalisation des minorités ethniques, des immigrés et des femmes la priorité de la fédération [Cf. Encadré III.1]. 1 L. Haus (1995), Op. Cit., p. 292. Idem, pp. 292-294. 3 Respectivement OCDE (2004), Perspectives de l’emploi OCDE (Chapitre III la fixation des salaires, aspects institutionnels et résultats), 2004, OCDE, n.d., Paris, pp. 158-159 et BLS (2000), Unions Members in 1999, Bureau of Labor Statistics, 19 janvier, n.l., disponible à l’adresse ftp://ftp.bls.gov/pub/news.release/History/union2.01272000.news (consulté le 01/08/07). 4 D. Gross (2005), « The Oracle of Delphi (Steve Miller’s vision of the post-bourgeois workforce) », Slate, 11 octobre 2005, disponible à l’adresse http://www.slate.com/id/2127863/ (consulté le 01/08/07). Economist (The) (2006), « Last Tango in Detroit (General Motors, Delphi and the Unions) », 6 avril, disponible à l’adresse http://www.economist.com/business/displaystory.cfm?story_id=6775005 (consulté le 01/08/07). C. Kutalik (2005), « Companies Use Bankruptcy Laws to Force Bigger Givebacks, Break Unions », Labor Notes, n°320, novembre, disponible à l’adresse http://www.labornotes.org/archives/2005/11/articles/d.shtml (consulté le 18/07/07). 2 57 Encadré III.1 : la direction de l’AFL-CIO en 1995, nouvelles stratégies et enjeux En 1995, les syndicats de l’AFL-CIO réunis en convention à New York votent pour élire un nouveau président à la tête de la fédération. La victoire de John Sweeney face au candidat favorisé par l’ancienne direction témoigne d’un renversement des rapports de force intersyndicaux au sein de la fédération, au profit des syndicats du secteur des services, notamment le SEIU, et du secteur public, AFSCME et AFT. La nouvelle direction critique les faiblesses du modèle de syndicalisme d’affaire privilégié, privilégiant les intérêts des membres existants des syndicats. Ce modèle de syndicalisme dominant outre-Atlantique fonctionne sur un compromis tacite entre employeurs et syndicats, les premiers consentant à fournir des prestations sociales aux membres du second, en échange de sa régulation des revendications salariales. Selon la nouvelle direction, le syndicalisme d’affaires serait la cause du déclin du taux de syndicalisation des salariés et serait désormais inadapté aux techniques antisyndicales utilisées par les employeurs. Elle propose donc de recentrer les activités de la fédération et des syndicats sur le recrutement de nouveaux adhérents, en lui consacrant au moins 1/3 de leur budget. De plus, cet effort est orienté vers les salariés des secteurs et groupes sociodémographiques traditionnellement peu syndiqués. Dix années après, malgré de réelles évolutions du syndicalisme aux Etats-Unis, leur bilan est mitigé. Six syndicats représentant environ 1/3 des adhérents ont ainsi choisi de quitter l’AFL-CIO ; le SEIU et l’UFCW (services), l’UBT et LIUNA (construction), les Teamsters (transports), UNITE HERE (textile-habillement) et l’UFW. Ils reprochent à l’AFL-CIO sa structure trop décentralisée et divergent sur la stratégie à adopter pour recruter de nouveaux adhérents. L’AFL-CIO centre sa stratégie sur son influence politique pour faciliter juridiquement la syndicalisation. La nouvelle fédération Change to Win considère qu’un syndicalisme de masse est nécessaire pour recouvrer une influence politique. On remarquera que la nouvelle fédération regroupe la majorité des syndicats des secteurs à forte proportion de main d’œuvre immigrée. Source : L. ApRoberts (1996), « Le changement à la tête de l’AFL-CIO : un tournant vers la resyndicalisation ? », Chronique Internationale de l’IRES, n°38, janvier, pp. 25-28. C. Sauviat (2005), « Syndicalisme américain : un cinquantième anniversaire de crise », Chronique Internationale de l’IRES, n°96, septembre, pp 49-64. Enfin, les années 1990 voient aussi les premières réussites de quelques syndicats isolés dans leurs efforts de syndicaliser les immigrés en situation irrégulière. L’exemple le plus connu est celui de la campagne Justice for Janitors du syndicat des services SEIU : il parvient à organiser en 1990 les 6 200 agents de nettoyage, en majorité immigrés, travaillant souvent illégalement dans les gratte-ciels du quartier de Downtown, à Los Angeles1. Cette réussite fût fortement médiatisée et est encore étudiée comme un « cas d’école » par les syndicalistes américains. Elle est d’ailleurs le sujet d’un film du réalisateur britannique K. Loach, Bread and Roses. Cinq mois plus tard, cette victoire fût répétée par le syndicat de la construction avec la syndicalisation de 2 400 travailleurs du bâtiment au cours de la Drywallers Strike2. Ces succès autrefois rares deviennent réguliers et culminent en 1999 avec la syndicalisation à Los Angeles par le SEIU de 74 000 agents d’aide à domicile, soit le plus grand succès enregistré par un syndicat américain depuis la syndicalisation des ouvriers de General Motors à Flint, dans les années 19303. Ces succès ne doivent pas faire oublier que la syndicalisation des travailleurs immigrés, en particulier illégaux, reste aujourd’hui une tâche dure et dans laquelle les 1 R. Milkman et W. Wong (2001), « Organizing Immigrant Workers. Cases Studies from Southern California » in L. Turner, H. C. Katz et R. W. Hurd (eds.) (2001), Rekindling the Movement: Labor’s Quest for Relevance in the 21st Century, Cornell University Press, pp. 107-112. 2 Idem, pp. 117-121. 3 R. Fantasia et K. Voss (2003), Des syndicats domestiqués (répression patronale et résistance syndicale aux Etats-Unis, éditions Raisons d’Agir, Paris, janvier 2003, pp. 97 et suiv. 58 syndicats américains sont peu expérimentés. Une importante partie des syndicats et des sections locales reste aujourd’hui hostile à la stratégie d’inclusion de la population immigrée. Cependant, ces « succès par le bas » contribuent à faire évoluer l’opinion de nombreux membres et dirigeants syndicaux sur la population immigrée : autrefois considérée comme inorganisable, elle est aujourd’hui officiellement considérée comme un réservoir de membres. Comme l’a exprimé récemment J. Sweeney, « les 12 millions de travailleurs immigrés deviendraient, avec les pouvoirs et les droits associés à la citoyenneté, des partenaires vitaux des travailleurs nés aux Etats-Unis dans la lutte pour les salaires, l’assurance santé et retraite et la justice au travail »1. En résumé, c’est donc la conjonction de trois phénomènes qui explique le changement des stratégies du mouvement syndical américain face à l’immigration : le déclin structurel du mouvement syndical aux Etats-Unis provoquant un débat sur les orientations de l’AFL-CIO en 1995, l’accélération des flux d’immigration à partir des années 1990 atteignant un seuil critique et, enfin, quelques exemples de réussite de syndicalisation de la main d’œuvre immigrée provoquant un effet d’imitation par un nombre croissant de syndicats. Section 2 : une réévaluation des hypothèses de départ du mémoire à l’aune de ses résultats L’interprétation proposée dans ce mémoire des déterminants des préférences syndicales remet partiellement en cause deux des hypothèses de départ qui avaient été formulées en introduction. La première est le caractère purement domestique des préférences des organisations syndicales. La seconde est la pertinence de la théorie des marchés duaux pour analyser aujourd’hui la structure des marchés du travail américains. La présente section procède donc à une réévaluation de ces hypothèses et présente quelques questions : celles-ci devraient être examinées d’une manière plus approfondie dans le cadre d’une nouvelle étude de l’économie politique de la politique d’immigration américaine et des marchés du travail. a. les syndicats, courroies de transmission des intérêts des travailleurs immigrés ? Tout d’abord, l’une des hypothèses centrales formulées dans ce mémoire était que les préférences de politique d’immigration des organisations syndicales reflétaient exclusivement des intérêts d’acteurs économiques nationaux. L’étude contenue dans ce mémoire n’a pas invalidé les justifications apportées à cette hypothèse. Les travailleurs de nationalité américaine 1 J. Sweeney (2006), Why We Fight for Immigrant Rights, n.d., n.l., disponible à l’adresse http://www.aflcio.org/ aboutus/thisistheaflcio/outfront/immigrant_rights.cfm (consulté le 01/08/07). 59 représentés par un syndicat restent, dans leur immense majorité, immobiles internationalement. Les organisations syndicales restent elles mêmes structurées à l’échelle de la nation et ont des contacts très limités avec leurs partenaires Mexicaines1, sans même parler du reste du continent latino-américain. Les déterminants internationaux des préférences syndicales restent donc très marginaux dans le processus de leur formation. Les mécanismes de solidarité nationaux entre travailleurs priment largement sur une hypothétique solidarité internationale. L’intégration régionale des marchés du travail en Amérique du Nord est donc toujours superficielle. Aujourd’hui, elle est constituée exclusivement par des flux migratoires, sans oublier les effets indirects du commerce de marchandises et de la mobilité des capitaux. L’intégration institutionnelle du marché du travail est absente, au contraire donc du processus d’harmonisation du droit commercial et des règles de concurrence amorcé entre Etats-Unis et Mexique depuis l’ALENA. Cependant, les faits étudiés dans ce mémoire semblent indiquer que la structuration des syndicats à l’échelle nationale n’implique pas que leurs préférences ne reflètent que des intérêts d’acteurs nationaux. La stratégie de syndicaliser la main d’œuvre immigrante et migrante a entraîné la prise en compte d’intérêts qui ne sont pas strictement du registre national. En effet, les migrations internationales ont provoqué l’émergence de travailleurs transnationaux, c'est-à-dire dont « l’activité et les occupations requièrent des contacts sociaux [et économiques] réguliers et soutenus traversant les frontières nationales »2. Cette définition et ses implications sont probablement à approfondir. Notamment, elle nécessite pour être appliquée à l’immigration permanente que cette dernière conserve durablement un lien économique et social avec son pays d’origine. Cela étant, il en résulte que les syndicats, tout en restant des acteurs nationaux, sont devenus la « courroie de transmission »3, pour reprendre l’expression de G. Avci et C. McDonald, d’intérêts transnationaux. C’est en partie le cas dans leurs revendications pour la légalisation de la population en situation irrégulière, pour la fin des sanctions contre les employeurs ou encore pour la facilitation du regroupement familial. Dans un registre peut-être 1 J. Watts (2003), « Mexico-U.S. Migration and Labor Unions: Obstacles to Building Cross-Border Solidarity », Working Paper, n°29, Center for Comparative Immigration Studies, University of California, San Diego, pp. 134. 2 A. Portes, L. E. Guarnizo et P. Landolt (1999), « The Study of Transnationalism: Pitfalls and Promises of an Emergent Research Field », Ethnic and Racial Studies, volume 22, n°2, mars, p. 219. 3 G. Avci et C. McDonald (2000), « Chipping Away at the Fortress: Unions, Immigration and the Transnational Labor Market », International Migration, volume 38, n°2, p. 206. 60 plus symbolique mais non moins significatif, le résultat des négociations entre l’UFW représentant les travailleurs temporaires et Global Horizons a inclus le financement par l’employeur du transport et des démarches administratives d’un aller retour international en cas de décès familial1. Les conséquences de l’apparition d’un autre type d’acteur transnational dans l’économie internationale, les firmes multinationales, est depuis longtemps un objet d’étude en EPI2. H. V. Milner a notamment montré comment la transnationalisation des firmes américaines a induit un biais pour l’ouverture dans leurs préférences de politique commerciale, qui expliquerait pourquoi la politique commerciale américaine n’aurait pas connu un repli protectionniste dans les années 1970 comparable à celui des années 19203. Un petit nombre de contributions4 publiées depuis l’article de L. Haus en 1995 font des conséquences de la transnationalisation du facteur travail par les migrations internationales un sujet d’analyse émergent, mais encore très mal théorisé en EPI5. b. un affaiblissement du mouvement syndical américain du à une évolution de la segmentation des marchés du travail ? Les résultats de ce mémoire remettent aussi partiellement en cause la pertinence de l’hypothèse que la théorie des marchés du travail duaux décrit la structure actuelle du marché du travail américain et permet donc d’en déduire les préférences syndicales en matière de politique d’immigration. Comme il a été vu, les flux de travailleurs immigrés légaux et illégaux occupent souvent des emplois secondaires, c'est-à-dire mal rémunérés, instables et peu syndiqués. Ce point n’est pas remis en cause. De plus, ces emplois secondaires sont définis en opposition aux emplois primaires, c'est-à-dire bien rémunérés, stables et syndiqués. Leur syndicalisation ne tient pas du hasard puisque ce sont justement les syndicats qui garantissent l’institutionnalisation des conventions sur le statut primaire des emplois. 1 UFW (2006), Breakthrough Nationwide UFW Protecting Foreign Farm Workers Remedies Abuses Plaguing Guest Worker Program, 11 avril, disponible à l’adresse http://www.ufw.org/_page.php?menu=organizing&inc= Keycampaign/globalhorizons/GHadvisory.htm (consulté le 02/08/07). 2 S. Strange (1992), « States, Firms and Diplomacy », International Affairs, volume 68, n°1, janvier, pp. 1-15. R. Reich (1993), L’économie mondialisée, éditions Dunod, Paris, p. 1 et suiv. 3 H. V. Milner (1988), « Trading Places: Industries for Free Trade », World Politics, volume 40, n°3, avril, pp. 350-377. 4 L. Haus (1995), Op. Cit., pp. 285-313. G. Avci et C. McDonald (2000), Op. Cit., pp. 191-213. M. W. Varsanyi (2005), « The Paradox of Contemporary Immigrant Political Mobilization: Organized Labor, Undocumented Migrants, and Electoral Participation in Los Angeles », Antipode, volume 37, n°4, septembre, pp. 775-795. A. Caviedes (2005), The Difficult Transition to Transnational Interest Representation: The Case of Immigration Policy, document présenté à la 9ème Conférence Biannuelle de l’European Union Studies Association, 2 avril 2005, Austin, Texas, pp. 1-35. (Les textes référencés ne traitent pas exclusivement de l’espace géographique nord Américain). 5 voir R. E. Denemark et R. O’Brien (1997), « Contesting the Canon: International Political Economy at UK and US Universities », Review of International Political Economy, volume 4, n°1, printemps, pp. 214-238. 61 Or justement, on assiste depuis les années 1980 à un affaiblissement de la distinction entre emplois primaires et secondaires. Les conventions institutionnalisées par les syndicats à travers les conventions collectives sont de nos jours remises en cause aux Etats-Unis. Les clauses d’indexation des salaires sur l’inflation (clauses COLA selon l’appellation usuelle américaine) qui étaient le principal instrument garantissant des salaires relativement élevés se raréfient1. Le système de séniorité du « premier entré, dernier sorti », facteur de stabilité de l’emploi pour la main d’œuvre syndiquée, est lui aussi remis en cause2. Les assurances santé et retraite sont de plus en plus à la charge des salariés quand elles ne sont pas simplement annulées par l’employeur. Cet affaiblissement de la distinction entre emplois primaires et emplois secondaires est aussi un affaiblissement de la forme institutionnelle traditionnelle des syndicats américains. Ses causes sont à peu près identifiées : désindustrialisation de l’économie américaine et mutation de l’organisation du travail du paradigme de la stabilité vers celui de la flexibilité, suite au processus de mondialisation et aux évolutions technologiques. On sait donc ce que l’on quitte : le régime de régulation Fordiste et sa dichotomie entre emplois primaires où le syndicalisme (d’affaires) est institutionnalisé et emplois primaires où il ne l’est pas. En revanche, on ne sait pas vers quoi l’on se dirige. La nouvelle structure du marché du travail aux Etats-Unis et le nouveau rôle que pourraient y jouer les syndicats reste encore à théoriser. Il a été proposé dans ce mémoire que l’évolution de préférences de politique d’immigration des organisations syndicales est causée par leur volonté de syndicaliser la main d’œuvre du segment secondaire pour surmonter leurs difficultés dans le segment primaire. Pour comprendre de façon plus approfondie le rôle et les enjeux liés à la présence de l’immigration sur les marchés du travail, il semble donc difficile de se passer d’une reformulation de la théorie des marchés duaux prenant en compte les évolutions connues par le marché du travail américain au cours des trois dernières décennies. Il existe donc une convergence d’intérêts entre main d’œuvre des emplois secondaires et syndicats. La première ne peut améliorer ses conditions de travail et sa rémunération que par la création d’institutions syndicales. Les seconds ne peuvent assurer leur survie et recouvrer leur pouvoir de marché économique et leur influence politique qu’en syndicalisant 1 Voir par exemple J. T. Dunlop (1988), « Have the 1980’s changed U.S. Industrial Relations? », Monthly Labor Review, volume 111, n°5, mai, pp. 29-34. L’auteur considérait cette évolution comme temporaire, elle s’avère permanente. 2 Y. Fondeur et C. Sauviat (1999), « Une transformation durable du système d’emploi ? », Chronique Internationale de l’IRES, n°56, janvier, pp. 1-10. 62 le secteur tertiaire, moteur actuel de l’économie américaine, et les groupes sociodémographiques occupant ces emplois ; femmes, minorités ethniques et immigrés. La question posée par J. Fayolle, « les immigrés seront-ils la source d’un nouveau souffle du syndicalisme américain ? »1, reste ouverte. Mais reste à savoir pourquoi cette question est aujourd’hui posée. Conclusion au chapitre III Le paradoxe mis en évidence dans le chapitre II s’explique donc par la multiplicité des stratégies que peuvent adopter les organisations de travailleurs nationaux face à l’entrée dans l’espace national de travailleurs étrangers. Elles peuvent tenter de les exclure, ce qui était initialement l’attitude des syndicats américains. Mais elles peuvent aussi tenter de les intégrer, ce qui est aujourd’hui la nouvelle stratégie aux Etats-Unis. Les déterminants de ce choix sont complexes. Ils sont en partie liés aux efficacités respectives de ces stratégies, mais aussi aux rapports de force intersyndicaux et aux caractéristiques des institutions et pratiques syndicales. Dans l’exemple américain, l’affaiblissement des organisations syndicales, provoqué par l’évolution de la segmentation du marché du travail, a lui-même entraîné une convergence de leurs intérêts avec ceux des travailleurs immigrés. La structure du marché du travail émergeant aujourd’hui reste encore à définir. 1 J. Fayolle (2003), « Les migrations anciennes et nouvelles. Les politiques et les acteurs à l’épreuve », Chronique Internationale de l’IRES, n°84, septembre, p. 13. 63 CONCLUSION GENERALE Vers une convergence des intérêts des organisations syndicales et de la population immigrée ? Le travail effectué dans ce mémoire partait de l’observation suivante : le processus d’intégration économique nord américain libéralise le mobilité internationale des marchandises et des capitaux, mais pas celle des êtres humains. Les politiques d’immigration restent exclusivement du domaine de la souveraineté des Etats nord-américains. Ce fait s’explique par la montée des préoccupations de la population américaine face aux flux d’immigration, souvent illégaux, en provenance du Mexique et du reste de l’hémisphère sud du continent. Les américains ont donc une préférence collective pour une intégration nordaméricaine excluant et se substituant à la mobilité régionale humaine. Peut-on expliquer les préférences collectives américaines de politique d’immigration par les externalités négatives de la concurrence immigrée, en particulier illégale, pour les organisations syndicales ? Les résultats de ce mémoire suggèrent que cela n’est pas, ou peut-être plus, le cas. 64 Les positions des syndicats ont pu contribuer à la première réforme de la politique d’immigration votée en 1986. L’AFL-CIO était favorable à la mise en place de sanctions contre les employeurs embauchant des travailleurs immigrés en situation irrégulière. Simultanément, l’attitude favorable de l’UFW au programme de légalisation des travailleurs agricoles contenu dans la même loi a probablement joué un rôle dans son adoption par le Congrès. En revanche, les syndicats américains sont devenus progressivement favorables à la régularisation de la main d’œuvre illégale à partir des années 1990. Ce mémoire a montré comment cette évolution traduisait un changement des stratégies des organisations syndicales : les syndicats tentaient de limiter la menace représentée par l’immigration illégale pour le pouvoir de marché et leur existence institutionnelle en l’excluant hors des marchés du travail. A partir du milieu des années 1990, ils continuent de tenter de limiter cette menace, mais en syndicalisant la main d’œuvre immigrée et en demandant la suppression des obstacles institutionnels à cette intégration. Il s’ensuit que l’économie politique de la politique d’immigration américaine n’est plus assimilable à un clivage entre organisations syndicales protectionnistes et employeurs libéraux. Comme il a été dit, l’enjeu pour les syndicats est maintenant de syndiquer cette main d’œuvre, et non plus de l’empêcher d’entrer. Le conflit véhiculé par l’immigration s’est déplacé de la frontière du marché du travail vers l’intérieur de celui-ci. Les préférences collectives américaines en matière de politique d’immigration ne sont donc pas explicables par celles des syndicats. Cependant, cela n’épuise pas la possibilité que le marché du travail soit la structure adéquate pour expliquer ces préférences. Le médium utilisé pour exprimer une revendication collective influe sur son contenu. A ce titre, le travailleur américain peut tenter d’inclure la population immigrée en tant que syndicaliste. Cela n’est pas contradictoire avec le fait qu’il peut aussi voter pour un candidat protectionniste en tant que citoyen. Et évidemment, ce mémoire ne donne qu’un aperçu de la stratégie utilisée par les 12.5% de la population salariée américaine membre d’un syndicat. Il laisse dans l’ombre la large majorité non syndiquée. Cela étant, il est aussi probable que les déterminants extra économiques, les lignes de clivages culturelles et de sécurité nationale, soient des éléments incontournables pour comprendre la formation des préférences collectives américaines de politique d’immigration. Le travail effectué dans ce mémoire n’approfondit donc qu’une des lignes de clivage d’une politique dont les déterminants extra-économiques ne peuvent être ignorés. 65 Enfin, ce mémoire semble indiquer que les syndicats et les immigrés ont des intérêts objectivement convergents. L’immigration d’origine latino-américaine est, en dépit de son poids numérique, cantonnée à des rôles économiques et politiques subalternes dans la société américaine. En particulier, l’immigration illégale est à la fois une catégorie de « sous citoyens », et un sous prolétariat occupant les pires emplois en termes de rémunération et de conditions de travail. Son intégration dans les syndicats est donc un facteur de mobilité ascendante : cette forme d’action collective a été le principal facteur de transformation des emplois secondaires en emplois primaires aux Etats-Unis. Les syndicats américains sont eux dans une situation de faiblesse économique et politique probablement jamais atteinte depuis le New Deal Rooseveltien des années 1930. Cette faiblesse est causée par des facteurs divers ; mondialisation économique, évolutions technologiques et tertiarisation, c'est-à-dire en résumé une conjonction de phénomènes ayant provoqué la fin du compromis Fordiste à l’origine de l’institutionnalisation des syndicats. Comme en ont pris conscience de nombreux syndicalistes américains dont la direction de l’AFL-CIO, ces difficultés ne pourront être dépassées sans la syndicalisation du secteur tertiaire, et donc de sa main d’œuvre ; femmes, minorités ethniques et… immigrés. 66 ANNEXES 67 LISTES DES ANNEXES Annexe I.1 : Entretien avec Irv Hershenbaum, Vice Président de l’United Farm Workers, Août 2007 68 ANNEXE I.1 Entretien avec Irv Hershenbaum, Vice Président de l’United Farm Workers, Août 2007 Quelle position occupez-vous dans l’United Farm Workers ? Je suis vice-président et m’occupe de la coordination du département de la Recherche Stratégique et des Campagnes d’Organisation de l’UFW. Quelle est votre estimation du nombre de membres total de l’UFW ? Avez-vous une idée de la proportion de travailleurs en situation irrégulière dans le syndicat ? Nous avons autour de 25 000 membres dont plus de 50% en situation irrégulière. Quelles sont les difficultés rencontrées dans la syndicalisation des travailleurs en situation irrégulière ? Certains universitaires, notamment Kate Bronfenbrenner de Cornell University, pensent que le processus de certification supervisé par le National Labor Relations Board est particulièrement inadapté pour organiser ces travailleurs, car les employeurs peuvent utiliser très facilement des tactiques comme la menace d’appeler les services de l’immigration. Cela est-il vérifié avec les campagnes de l’UFW ? Avez-vous des exemples concrets ? Le syndicat utilise-t-il des stratégies pour éviter cet écueil, (comme des accords de neutralité) ? 69 Oui. Les employeurs de Giumarra, le plus important producteur de raisin de table avec environ 3 000 employés, ont par exemple utilisé cette menace au cours des deux derniers étés. Ca a été aussi le cas avec VBZ, une autre exploitation de raisin. Cela a été démontré par l’Agricultural Labor Relations Board de Californie. Quels ont été les effets de la Loi sur la Réforme et le Contrôle de l’Immigration (IRCA) de 1986 ? Le changement de travailleurs « non documentés » à « frauduleusement documentés » a-t-il été un obstacle majeur dans les campagnes de syndicalisation de l’UFW ? Le succès des efforts d’organisation de l’UFW a surtout été diminué par l’explosion du nombre de travailleurs agricoles causée par l’IRCA. L’IRCA a légalisé beaucoup de travailleurs agricoles mais les employeurs ont préféré recourir à d’autres travailleurs en situation irrégulière car ils étaient faciles à exploiter. Quelles ont été les conséquences des présidences de G. W. Bush sur le mouvement syndical américain ? La décision de la Cour Suprême d’abolir le droit des travailleurs en situation irrégulière à bénéficier des arriérés de salaires en cas de pratiques du travail déloyales est elle une difficulté majeure lors de la certification et des négociations collectives avec les exploitants agricoles ? Bush a laissé se généraliser les violations du droit du travail et a intensifié le harcèlement envers les syndicats. La décision Hoffman de la Cour Suprême est mauvaise. Mais elle n’a pas eu un impact direct sur nos campagnes de syndicalisation car les cours de justice prennent très longtemps pour se prononcer sur les violations du droit du travail. Les exploitants agricoles peuvent faire appel indéfiniment des jugements. Nous utilisons les décisions de justice pour encourager les exploitants agricoles à trouver un compromis et à signer une convention collective. C’est ce qui est en train de se passer en ce moment avec l’entreprise D’Arrigo. Quelle est la position de l’UFW dans le débat sur l’immigration ? Quelles sont les coalitions auxquelles participe l’UFW ? Quelles sont vos relations avec les autres organisations de la communauté hispano-américaine, en particulier le National Council of la Raza ? Nous avons négocié un projet de loi avec l’industrie agricole appelé AgJOBS. Plus de 600 organisations ont rejoint notre coalition pour le soutenir. Nous avons aussi soutenu la réforme générale [NDLA : le projet de loi Kennedy-Mac Cain], conjointement avec le National Council of la Raza. Comme vous le savez, il a été rejeté cet été. L’UFW a décidé de faire pression en faveur d’AgJOBS. Quels sont les objectifs que le syndicat veut atteindre à travers ce projet de loi ? Selon vous, quel serait l’effet de la révision proposée du programme d’admission de travailleurs agricoles temporaires H2A ? Quelle est la position de l’UFW par rapport à l’admission de travailleurs temporaires ? Quelles sont vos relations avec le NCAE ? Et avec le parti Démocrate, en particulier dans les comptés ruraux de Californie ? 70 Nous sommes à l’origine d’AgJOBS. Cela a pris cinq années de négociations avec le NCAE. Notre objectif est de légaliser la main d’œuvre qui est aujourd’hui en situation irrégulière, afin de rendre possible la syndicalisation à grande échelle. Nous avons aussi la volonté de syndiquer les travailleurs sous visa H-2A. Nous avons plusieurs contrats avec des agences de travailleurs temporaires donnant à leurs employés une protection syndicale. Nous avons des relations de travail cordiales avec le NCAE. Nous sommes alliés avec les représentants Démocrates des comptés ruraux pour défendre AgJOBS. Il s’agît d’un compromis. Les exploitants agricoles peuvent recourir plus facilement aux travailleurs sous visa H-2A et les travailleurs en situation irrégulière sont légalisés. Le mouvement syndical américain a progressivement évolué d’une hostilité contre les travailleurs en situation irrégulière à des positions plus progressistes. Le changement de direction de l’AFL-CIO en 1995 a-t’il joué un rôle positif ? Oui. L’UFW faisait partie de la commission dirigée par John Wilhem de Unite Here pour changer la position de l’AFL-CIO. Le « modèle d’organisation » utilisé par le SEIU et d’autres syndicats américains a-t’il eu des répercutions réelles sur les campagnes et les tactiques de syndicalisation utilisées par l’UFW ? Oui. L’UFW utilise les campagnes générales de syndicalisation multidimensionnelles (multicomponents comprehensive campaigns) pour améliorer son modèle de campagne de syndicalisation. Nous utilisons les membres du syndicat et créons des coalitions avec les associations des communautés. De plus, nous visons les consommateurs qui achètent les produits, et les détaillants qui les revendent. L’UFW a-t’il des liens avec les syndicats mexicains, -Confederación de los Trabajadores Mexicanos, Confederación Revolucionaria de Obreros y Campesinos, -et d’Amérique Centrale ? L’UFW participe-t-il d’une façon ou d’une autre au processus de Puebla ? Quelle est la position du syndicat face aux accords commerciaux et au processus d’intégration régionaux, -ALENA, CAFTA, ZLEA, -soutenus par le secrétaire d’Etat au Commerce des Etats Unis ? Oui, mais nous devons approfondir nos relations avec les syndicats Mexicains. Nous sommes en faveur du commerce équitable, mais pas du libre-échange. Nous nous opposons au CAFTA et à la ZLEA. (Traduit de l’anglais par l’auteur). 71 BIBLIOGRAPHIE GENERALE Articles APROBERTS Lucy (1996), « Le changement à la tête de l’AFL-CIO : un tournant vers la resyndicalisation ? », Chronique Internationale de l’IRES, n°38, janvier, Institut de Recherche Economique et Sociale, pp. 25-28. 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secondaires..........................................................................................29 Section 2 : les externalités négatives du statut illégal pour les organisations syndicales….30 a. la segmentation du marché du travail agricole en fonction du statut de la main d’œuvre……………………………………………………………………………30 b. le droit du travail américain, cause de l’incapacité des syndicats à organiser les ouvriers agricoles en situation irrégulière………………………………………...34 Conclusion au chapitre I…..…………………………………………………………….....38 Chapitre II : Le paradoxe de l’évolution des préférences syndicales de politique d’immigration ………………………………………………………………………………...39 Introduction au chapitre II….…………………………………………………………….39 81 Section 1 : les préférences de l’AFL-CIO et de l’UFW dans le débat américain sur la réforme du système d’immigration………………………………………………….……..41 a. les termes du débat : régularisation ou répression de l’immigration en situation irrégulière ?..............................................................................................................41 b. . l’évolution des syndicats américains de préférences protectionnistes à libérales.43 Section 2 : une évolution non expliquée par les prédictions traditionnelles économiques .47 a. similarités des prédictions des théories néoclassiques…………………………….47 b. … et hétérodoxes……………………………………….........................................49 Conclusion au chapitre II…..……………………………………………………………...51 Chapitre III : Le lien entre préférences de politique d’immigration et stratégies syndicales face à l’immigration en situation irrégulière ………………………………………………....52 Introduction au chapitre III……………………………………………………………….52 Section 1 : un changement de préférences du à un changement de stratégies ……………54 a. stratégies d’exclusion et d’inclusion de la main d’œuvre en situation irrégulière…………………………………………………………………………54 b. les trois facteurs ayant contribué à l’évolution des stratégies syndicales…………56 Section 2 : une réévaluation des hypothèses de départ du mémoire à l’aune de ses résultats…………………………………………………………………………………….59 a. les syndicats, courroies de transmission des intérêts des travailleurs immigrés ?…………………………………………………………………………59 b. un affaiblissement du mouvement syndical américain du à une évolution de la segmentation des marchés du travail ?……………………………………………61 Conclusion au chapitre III…………...……………………………………………………63 Conclusion générale : Vers une convergence des intérêts des organisations syndicales et de la population immigrée ?………………………………………………………………………..64 Annexes………………………………………………………………………………………67 Annexe I.1 : Entretien avec Irv Hershenbaum, Vice Président de l’United Farm Workers, Août 2007……………………………………………………………………………………..69 82 Bibliographie générale………………………………………………………………………72 Table des matières…………..…………………………………………………………….....81 Table des graphiques………………………………………………………………………….84 Table des tableaux…………………………………………………………………………….85 Tables des encadrés…………………………………………………………………………...86 83 TABLE DES GRAPHIQUES Graphique 0.1 : l’accroissement de la population immigrée aux Etats-Unis, 19602005………………………………………………………………………………………...…11 Graphique 0.2 : les évolutions de la provenance géographique de la population immigrée aux Etats-Unis, 1960-2004…………………………………...…………................12 Graphique 0.3 : la population immigrée illégale et légale en 2005 par années d’entrée.14 Graphique 0.4 : la distribution des populations immigrées native et immigrée en situation irrégulière par secteur d’activité, 2004……………………………..……………….20 Graphique 0.5 : les six occupations professionnelles à forte proportion de travailleurs en situation irrégulière, 2004………………………………………………………………….…21 Graphique I.1 : le lieu de naissance des ouvriers agricoles, 1989-2004…………….....27 Graphique I.2 : le statut des ouvriers agricoles, 1985-2004…………………................28 Graphique I.3 : la proportion d’ouvriers agricoles embauchés directement et indirectement en fonction du statut légal, 1993-94 et 2003-2004…………………….............33 Graphique I.4 : le taux de syndicalisation par secteur, 2006……...……………….......34 Graphique I.5 : le taux de réussite des certifications syndicales selon la composition démographique de la main d’œuvre Californienne, 1998-1999………………………………37 84 TABLE DES TABLEAUX Tableau I.1 : le salaire horaire moyen d’un ouvrier agricole en comparaison des autres occupations, 2004………………………………………………………….…………..29 Tableau III.1 : les similarités et différences des visas H-2A et H-2A modifié AgJOBS....................................................................................................................................47 Tableau III.2 : les préférences attendues et observées de l’AFL-CIO et de l’UFW, années 2000...............................................................................................................................51 85 TABLE DES ENCADRES Encadré 0.1 : La définition des différentes catégories de population immigrée..…....10 Encadré I.1 : La procédure de certification d’un syndicat dans le secteur agricole (aspects juridiques)................................................................................36 Encadré III.1 : la direction de l’AFL-CIO en 1995, nouvelles stratégies et enjeux…..58 86