Bientôt un passeport biométrique

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Bientôt un passeport biométrique
uvcw I Septembre 2013 I n°880 I Focus
34 | Nouvelles technologies
Bientôt un passeport
biométrique
Philippe Delvaux et
Boryana Ruslanova Nikolova
AVCB
2013 sera, pour la Belgique, l’année du basculement du passeport classique vers la version intégrant des données biométriques. Ce système
imposé par l’Europe est actuellement en phase de test et sera progressivement déployé dans le second semestre aux 589 communes belges.
Pour ce projet issu d’une collaboration entre les SPF Intérieur et Affaires étrangères, Trait d’Union, la revue de nos collègues de l’AVCB, a
rencontré Serge Wauthier, Directeur général Affaires consulaires, et Orlane Courtois, Attaché au service passeports (C2), du SPF Affaires
Etrangères.
2013 sera donc l’année du bas- où demander un passeport, ce qui nous
culement pour le passeport en place à cet égard à la troisième place
Belgique ?
européenne, derrière l’Allemagne et la
France. Le Fédéral consent donc à un
Serge Wauthier :
effort budgétaire important en termes
En Belgique, contrairement aux regrou- d’équipement des communes.
pements opérés dans d’autres pays de
l’Union, la délivrance des passeports Actuellement, environ 10 % de nos pasreste du domaine communal. Il s’agit seports sont délivrés par nos consulats
d’un choix délibéré, qui privilégie le ser- pour nos résidents à l’étranger, tandis
vice au citoyen par la proximité avec son que les 90 % restants le sont en Belgique,
institution. Aussi, le nombre de bureaux essentiellement par les communes. La
de demande est-il élevé, d’autant plus transposition vers les communes s’apque dans les grandes entités urbaines puie sur l’expérience que nous avons
sont souvent créées des antennes décen- déjà menée dans les consulats où nous
tralisées. Au final, sur le territoire belge, avions déjà remplacé depuis 2010 la
on ne compte pas moins de 700 endroits demande papier par un système élec-
tronique. A la clé, un net gain de temps
pour nos résidents à l’étranger. Depuis
la fin de l’année dernière, tous les postes
consulaires sont en outre équipés pour
prélever les données biométriques.
Pour nos ambassades, se posait le problème de la distance, parfois très grande,
entre le poste et le domicile du demandeur. Aussi avons-nous développé des
kits mobiles permettant d’aller prélever
les données en déplacement chez le demandeur. Cette possibilité n’est actuellement pas prévue pour les communes belges
car la distance entre domicile et administration y est forcément bien plus courte.
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Pourquoi avoir intégré des
données biométriques ?
normes reprises par l’Europe se réfèrent
aux règles et recommandations édictées
par l’Organisation de l’Aviation civile
Orlane Courtois :
internationale1, une institution spécialiCe changement procède d’une obli- sée dépendante de l’ONU.
gation faite par l’Europe aux Etats
membres. L’Europe exigeait l’intégra- Quel était l’objectif
tion de données biométriques dans les de ce changement ?
passeports. Le système belge prévalant
jusqu’ici s’y conformait déjà partielle- Serge Wauthier :
ment puisque la photo se retrouvait déjà L’objectif est bien de lutter contre la
La fraude devient-elle dès lors
impossible ?
Serge Wauthier :
Non. Le revers de la médaille, c’est qu’on
doit s’attendre à un déplacement de la tentative de fraude. S’il n’est plus pertinent
pour le fraudeur de tenter de reproduire
le document ou de le compléter à partir
d’exemplaires vierges, il sera tenté d’obtenir un document valide en usurpant
Une obligation européenne
A la source de ce changement, on trouve :
• Le règlement européen 2252/2004 du 13.12.2004
sur la puce depuis novembre 2004. La
nouveauté est donc l’intégration des empreintes digitales. L’Europe impose d’enregistrer les empreintes de deux doigts,
prioritairement celles des index.
Il est important de signaler que, visuellement, le document reste identique à celui que tout le monde connaît actuellement. Nous ne changeons ni son format,
ni son aspect. Les empreintes ne seront
même pas reproduites de manière visible
pour le détenteur. Elles seront par contre
stockées sur la puce électronique qui est
intégrée au passeport depuis 2004. De
même que la photo, qui sera, elle, bien
entendu visible sur le document. Les
fraude et les tentatives de falsifier les passeports. Les documents belges étaient déjà
de très bonne qualité et comportaient de
nombreuses protections les rendant difficiles à reproduire. On est loin de l’époque
où les passeports étaient remplis à la main
et où les exemplaires vierges stockés dans
les administrations étaient soumis à des
vols. En centralisant, en 1998, sa production à un seul endroit et en en empêchant
la personnalisation à la main, on a rendu le
passeport difficilement falsifiable. En intégrant des données biométriques dans les
puces, nous rendons le document encore
plus difficilement reproductible. Le niveau
de protection est vraiment très bon.
une autre identité. Ce sera donc lors de
la demande, au sein des administrations
communales, qu’il faudra faire preuve de
vigilance pour s’assurer de l’identité réelle
du demandeur.
A ce sujet, le programme Belpas permettra de visualiser côte à côte, directement
à l’écran, la photo apportée par le demandeur et scannée à celle conservée au
Registre national pour cette identité. Sans
être forcément la solution miracle, cette
comparaison ne peut que contribuer à aider le fonctionnaire lors de son contrôle.
Et qu’en est-il de la sécurisation
lors de la fabrication même du
document ?
Orlane Courtois :
La fabrication du passeport est actuellement confiée à une société lilloise. L’attribution du nouveau contrat de production est en cours ; les cahiers des charges
ont été très strictement rédigés pour
s’assurer de la sécurisation et de la confidentialité de tout le processus : envoi de
la demande, des données, fabrication du
document et envoi de celui-ci. Pour cette
sécurisation, nous avons obtenu une
aide précieuse de la police fédérale pour
les cahiers des charges.
Serge Wauthier, Directeur général des
Affaires consulaires
1
Orlane Courtois, Attachée au Service
Passeports du SPF Affaires étrangères
oir document 9303 « Documents de voyage lisibles à la machine - Partie 1 Passeports lisibles à la machine » sur http://www.icao.int > Publications > Série des
V
documents
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Et les deux décisions d’exécution :
• Décision de la Commission du 28.2.2005, relative aux photos dans les passeports à partir du 28.8.2006.
La Belgique intégrait déjà cette obligation depuis novembre 2004.
• Décision de la Commission du 28.6.2006, relative aux empreintes dans les passeports à partir du 28.6.2009.
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En quoi consistera donc la prise de pour les enfants de moins de 12 ans et,
données biométriques ?
d’autre part, pour des cas de handicap (amputés, brûlés…) pour lesquels il reviendra
Orlane Courtois :
au fonctionnaire communal d’apprécier
Pour le citoyen, la demande n’est guère dif- selon les cas.
férente d’auparavant, si ce n’est qu’il devra
apposer ses empreintes et que sa signature Ce changement procède d’une colsera capturée électroniquement. La photo laboration entre les affaires étranqu’il transmet sera également scannée et gères et intérieures. Pouvez-vous
reportée sur la puce.
nous en dire plus ?
L’étape des empreintes pourrait ralentir de
quelques minutes le traitement du dossier Serge Wauthier :
aux guichets des communes, mais nous Il y a un an, le SPF Affaires étrangères a pu
pensons que ce sera compensé par le fait intégrer un projet développé par les Affaires
que l’envoi par l’administration des formu- intérieures. Ainsi, les synergies développées
laires de demande en version papier dans ont permis de se concentrer sur un seul set
des sacs scellés sera désormais remplacé de matériel, servant à des usages distincts.
par une demande en ligne via Belpass, une Les lecteurs permettront donc aussi de
application dédiée.
prendre des données biométriques nécesLa prise d’empreinte est une démarche qui saires dorénavant à la délivrance des titres
suscite des interrogations du citoyen.
de séjour des ressortissants de pays tiers. A
la clé de cette collaboration, une bonne écoComment le rassurer ?
nomie budgétaire.
Serge Wauthier :
Il est facile de dissiper les craintes et les
nombreuses questions relatives à la prise
des empreintes. Celles-ci ne sont pas, dans
le cadre d’une demande de passeport, rassemblées dans une grande base de données.
Ces données sont seulement intégrées dans
la puce du passeport et ne sont, en dehors du
stockage temporaire lors de la phase de fabrication du document, pas conservées ailleurs.
Cette biométrie ne sert donc que pour le
contrôle des frontières sur un mode « one
to one » lorsque le policier confronte les
empreintes prélevées à ce moment à celles
stockées sur la puce du passeport. C’est
donc différent du système des empreintes
accompagnant les visas qui sont, elles,
conservées 5 ans dans une base de données
européenne, en vertu de la réglementation
européenne. Il faut, en outre, relativiser
l’importance actuelle du passeport : le Belge
peut de nos jours voyager dans 50 pays avec
sa seule carte d’identité.
De même, cette synergie a pu permettre
des intégrations logicielles. Ainsi, si nous
avons développé un programme spécifique,
Belpass, pour l’enregistrement et l’envoi
électronique de la demande de passeport au
producteur, nous avons par contre utilisé le
programme Belpic développé par l’Intérieur,
pour la capture des données biométriques.
Pour la saisie des données biométriques, un kit de matériel sera nécessaire : un lecteur d’empreintes,
un scanner pour la photo, un pad
pour la signature. Ainsi que les logiciels Belpic et Belpass. Comment
les financer ?
Orlane Courtois :
C’est le Ministère de l’Intérieur qui financera les kits à disposition en fonction des
besoins des communes. Ceux-ci ont été estimés par le biais d’une formule, elle-même
vérifiée par une enquête sur le terrain (dite
« site survey ») menée l’année dernière. La
formule part du principe que l’équipement
Enfin, nous avons prévu, conformément doit permettre de traiter les demandes lors
aux règles européennes, des exceptions au des périodes de pic (traditionnellement
prélèvement des empreintes, d’une part, l’été et Noël) et en fonction de temps de
traitement considéré comme lent pour
l’enregistrement complet d’une demande
(20 minutes). La conjonction de ces cas
de figure étant rare, il devrait y avoir peu
de problèmes en pratique. Le traitement
moyen des captures s’échelonne généralement de 3 à 5 minutes. Le « site survey »
a permis de corroborer les besoins estimés
par la formule. Ensuite, si les communes
désirent plus de matériel, il leur est libre
d’en acquérir à leur frais. Le kit sera livré
par un des 6 fournisseurs agréés par le Fédéral et acquis par les communes en suivant la
procédure des marchés publics.
Quelles sont les prochaines étapes
du projet ?
Serge Wauthier :
Après la phase pré-pilote menée entre
décembre et mars avec la commune de
Woluwe-Saint-Pierre, nous entamons une
phase-pilote élargissant le système à une
dizaine de communes dans tout le pays. En
fonction des éventuels réglages à mener, nous
entamerons ensuite un déploiement progressif dans les communes, l’objectif étant de
toutes les équiper pour la fin de l’année. La
phase pré-pilote aura servi à tester le système,
la phase-pilote à tester le déploiement ; nous
pensons qu’ensuite, le tout sera bien réglé
pour intégrer sans problème l’ensemble des
administrations du pays.
Le système imposé par l’Europe est
en phase de test