Quelles sont les causes de la tuberculose à bacilloscopie négative
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Quelles sont les causes de la tuberculose à bacilloscopie négative
Int J Tuberc Lung Dis 2001 ; 5(2) : 113-122 © 2001 IUATLD Quelles sont les causes de la tuberculose à bacilloscopie négative au Malawi, une zone de séroprévalence élevée pour le VIH N.J. Hargreaves,*†‡ O. Kadzakkumanja,* S. Phiri,‡ D.S. Nyangulu,*‡ F.M.L. Salaniponi,* A.D. Harries,* S.B. Squire†, * National Tuberculosis Control Programme, Community Health Sciences Unit, Lilongwe, Malawi ; † ‡ Liverpool School of Tropical Medicine, Liverpool, Grande-Bretagne ; Lilongwe Central Hospital, Lilongwe, Malawi _______________________________________________________________________RESUME CADRE : L'Hôpital Central et le Registre de District de la Tuberculose (TB) à Lilongwe, la capitale du Malawi. Dans ce cadre, on porte le diagnostic de tuberculose pulmonaire (TBP) à bacilloscopie négative en utilisant les critères cliniques et radiologiques de la TB ; les cultures mycobactériennes ne sont pas disponibles en routine. OBJECTIF : Déterminer la proportion de patients enregistrés pour traitement d'une TBP à bacilloscopie négative à Lilongwe, chez lesquels la TB a pu être confirmée par l'examen microbiologique. SCHEMA : Etude prospective de cohorte de patients sur le point de commencer le traitement dans les conditions du terrain pour TBP à bacilloscopie négative à Lilongwe entre octobre 1997 et juin 1998. Les patients référés à l'équipe d'étude ont subi une réappréciation clinique détaillée, des tests pour le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), des examens bacilloscopiques des frottis et des cultures mycobactériologiques des expectorations et du sang. La bronchoscopie et le lavage broncho-alvéolaire (LBA) ont été pratiqués et le liquide de LBA a été examiné pour la TB, les champignons et Pneumocystis carinii. RESULTATS : Parmi les 352 sujets à bacilloscopie négative et suspects de TBP, le diagnostic de TB a été confirmé dans 137 cas (39%). Quatre-vingt-neuf pour cent des patients étudiés étaient séropositifs pour le VIH, et parmi ceux-ci 81% répondaient à la définition élargie des cas de SIDA. CONCLUSION : La TB a été le diagnostic le plus habituellement confirmé parmi les patients en passe de commencer un traitement pour une TBP à bacilloscopie négative, dans une zone avec une séroprévalence élevée pour le VIH à l'arrière-plan. MOTS CLE : tuberculose à bacilloscopie négative ; Malawi ; VIH EN AFRIQUE sub-saharienne, la tuberculose et l'épidémie du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) sont accompagnées d'un accroissement de la proportion de cas de tuberculose pulmonaire (TP) à bacilloscopie négative enregistrés dans les conditions du programme, habituellement dans les régions où il n'y a pas eu confirmation des cas par la culture.1-3 Même en l'absence de VIH, le diagnostic de la TP à bacilloscopie négative peut poser un défi aux médecins les plus expérimentés. Lorsque les taux de VIH sont en augmentation, on peut s'attendre à un accroissement de la proportion des patients atteints de TP avec bacilloscopie négative en raison des effets de l'augmentation de l'immunosuppression entraînant une réduction de la formation de cavernes pulmonaires et de la charge bacillaire des expectorations.4-6 Au Malawi, le Programme National de Lutte contre la Tuberculose (PNT) a fixé des critères pour le diagnostic de la TP à bacilloscopie négative mais on ne connaît pas la proportion de patients effectivement atteints de TB qui sont pris en charge et traités selon ces critères. Cette information est importante à la fois pour le PNTqui fournit les ressources pour le traitement et également pour les cliniciens qui prennent en charge au jour le jour les suspects de TP. On peut craindre que la TP à bacilloscopie négative puisse être surdiagnostiquée et mise sous traitement dans des régions où le poids de la maladie est important et où les moyens de diagnostic sont limités.1,7 Chez les patients séropositifs pour le VIH, le risque d'une extension rapide de la tuberculose si le diagnostic n'est pas porté ou si la mise sous traitement est retardée 8-11 doit être mis en balance avec les risques et les effets collatéraux d'un traitement inutile.12-14 Le but Auteur pour correspondance : Dr N Hargreaves, Lilongwe Central Hospital, Box 149, Lilongwe, Malawi. Fax: (+265) 756 828. e-mail: [email protected] [Traduction de l'article "What causes smear-negative pulmonary tuberculosis in Malawi, an area of high HIV seroprevalence ?" Int J Tuberc Lung Dis 20001 ; 5(2) : 113-122 ] 2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease de cette étude est de déterminer, aussi exactement que possible, la proportion de patients enregistrés dans les conditions opérationnelles à Lilongwe pour le traitement d'une TP à bacilloscopie négative, qui sont atteints d'une tuberculose pouvant être confirmée par l'examen microbiologique. En outre, nous avons investigué d'autres pathologies qui dans les conditions de terrain sont couramment traitées pour tuberculose à bacilloscopie négative. ETUDE DE LA POPULATION ET METHODES Site de l'étude Lilongwe est la capitale du Malawi ; la ville et le district avoisinant comportent ensemble une population de 1,3 million d'habitants. Dans la ville, le taux de séroprévalence prénatale du VIH est de 26%,15 et le taux d'enregistrement national des cas de TB a atteint 216 cas /100.000 habitants/an en 1999 (source : PNT, Malawi). L'Hôpital Central de Lilongwe (HCL) assure les services d'un hôpital de district pour la population environnante et les services d'un hôpital de référence pour les régions du Nord et du Centre du Malawi. En 1998, dans le district de Lilongwe, on a enregistré 3.245 adultes de plus de 15 ans atteints de TB ; parmi ceux-ci, on en a enregistré 2 350 (72%) à l'Hôpital Central de Lilongwe ou dans le registre de la Tuberculose de Lilongwe et chez 625 d'entre eux (27%), on a porté le diagnostic de TP à bacilloscopie négative (source : PNT, Malawi). Diagnostic et enregistrement des patients atteints de TP à Lilongwe Les patients se plaignant d'une toux depuis plus de 3 semaines ont été classés comme suspects de TP ; on leur a demandé de fournir trois échantillons d'expectoration pour examen microscopique et recherche de bacilles acido-résistants (BAAR) selon les directives standard.16 Vu le très grand nombre de suspects de TP qui se présentent pour l'examen, on a examiné les échantillons d'expectoration par la microscopie à fluorescence après coloration à l'auramine-phénol. On a enregistré comme TP à bacilloscopie positive, sans investigation complémentaire, les patients dont au moins deux frottis s'étaient révélés positifs ; on a référé pour un cliché thoracique les patients à bacilloscopie négative qui ne s'étaient pas améliorés après un essai d'antibiotiques à large spectre et chez qui on n'avait identifié aucune autre cause de toux. La décision de commencer le traitement TB repose sur l'interprétation du cliché thoracique. Dans ce contexte de faibles ressources, 544 patients envoyés pour enregistrement en vue du traitement de TP à bacilloscopie négative 352 cas référés à l’étude Evaluation clinique TB improbable/ Autre diagnostic (26 patients) Traitement approprié 326 encore suspects de TB Ponction-aspiration ganglionnaire BAAR + (4 patients) Epanchement pleural suggestif de TB (9 patients) – TB confirmée ultérieurement dans 1 cas avec culture positive des expectorations Traitement TB Traitement TB Empyème (2 patients) Traitement TB + antibiotiques Expectoration BAAR + (78 patients) Traitement TB 233 « vrais »suspects à bacilloscopie négative 31 trop malades pour bronchoscopie 29 incapables de subir une bronchoscopie : logistique / refus / ne se sont pas présentés Traitement TB (± autre si approprié) Traitement TB 173 « vrais » suspects à bacilloscopie négative ayant subi une bronchoscopie Figure Résumé du recrutement et des investigations de 352 suspects de TP à bacilloscopie négative. Au total 193 patients ont subi effectivement une bronchoscopie mais 20 d'entre eux ont été exclus de l'analyse du groupe des « vrais à bacilloscopie négative » en raison d'une bacilloscopie positive dans l'échantillon d'expectoration prébronchoscopique. complémentaires. Quand un clinicien décide de mettre un patient sous traitement, il le réfère à un bureau d'enregistrement de TB où le PNT prend en charge le traitement et le suivi du patient. Recrutement et évaluation des patients Tous les patients âgés de plus de 15 ans qui étaient sur le point d'être enregistrés comme TP à bacilloscopie négative dans le registre de TB du district de Lilongwe ont été éligibles pour le recrutement dans l'étude (Figure). Au début, on a demandé aux cliniciens de référer à l'étude au mo- Etiologie de la tuberculose à bacilloscopie négative au Malawi yen d'un formulaire de référence, les patients chez qui ils allaient commencer le traitement. Toutefois, après 2 mois, on a modifié le système : nous avions l'impression que certains patients avaient été référés à l'étude pour diagnostic et nous n'étions pas certains que le clinicien aurait commencé le traitement s'il n'y avait pas eu l'étude. On a dès lors demandé au bureau d'enregistrement de référer tous les patients se présentant pour l'enregistrement et de mettre en route le traitement comme TP à bacilloscopie négative. De novembre 1997 à juin 1998, les investigateurs de l'étude (NJH/OK) ont fait l'évaluation des patients trois jours par semaine. Les deux autres jours de la semaine, ils ont pris en charge les listes de bronchoscopie et le travail de laboratoire. Il s'agissait d'une évaluation clinique complète suivie du prélèvement d'un échantillon de 15 ml de sang pour la sérologie VIH et chez les patients fébriles pour des cultures bactériennes, mycobactérienne et mycologique (Myco-f-lytic, BectonDickinson, Cockeysville, MD). A tous les patients qui ont choisi d'être mis au courant des résultats de leur test VIH, on a proposé une prise en charge avant et après le test. Les patients chez qui on avait pu porter un diagnostic certain autre que celui de la TB sur base de l'histoire et de l'examen cliniques, ont été traités et référés comme cela s'imposait. Toutefois, ils ont été suivis au sein de l'étude pendant 8 mois pour s'assurer que la coexistence d'une TB n'avait pas été méconnue. Au moment du recrutement, on a demandé aux patients de donner sur place un échantillon supplémentaire d'expectoration pour répéter la bacilloscopie. Cet échantillon était destiné à contrôler si la bacilloscopie des patients était réellement négative et à épargner des investigations complémentaires inutiles à ceux dont la bacilloscopie était en fait positive. Tout patient dont la bacilloscopie était positive à ce moment était mis directement sous traitement antituberculeux selon les directives du PNT.17 Si nécessaire, les patients se virent proposer des investigations complémentaires simples telles qu'une ponction-aspiration ganglionnaire à l'aiguille fine pour recherche de bacilles acido-résistants (BAAR), ou une thoracocentèse de diagnostic. En cas de confirmation du diagnostic de TB à ce stade, le traitement antituberculeux était directement mis en route. Chez les patients restant sans diagnostic à ce stade, on a évalué l'indication d'une bronchoscopie ou d'un lavage broncho-alvéolaire (BAL). On a demandé aux patients trop malades pour subir une bronchoscopie (dyspnée sévère au repos, saturation artérielle en oxygène basse au repos ou patients 3 trop faibles pour rester debout) de fournir du sang pour une culture (Myco-f-lytic, Becton-Dickinson) et un test VIH. Un échantillon d'expectoration fourni sur place a été utilisé pour une bacilloscopie et une culture TB avant la mise en route du traitement. Les patients retenus pour la bronchoscopie ont fourni deux échantillons supplémentaires d'expectoration (un avant et un après bronchoscopie) pour bacilloscopie et culture mycobactérienne. On a demandé un échantillon avant la bronchoscopie en plus de celui fourni sur place et dont on a parlé plus haut, surtout en vue d'une culture, puisqu'on suspectait une diminution du rendement de positivité des cultures mycobactériennes du BAL à cause de l'effet antimycobactérien de la lignocaïne utilisée pour la bronchoscopie.18,19 Evaluation des clichés thoraciques Les clichés thoraciques ont été réalisés et lus par deux cliniciens (ADH/NJH) qui n'étaient pas au courant des résultats microbiologiques. Ils ont été classés selon le nombre de zones impliquées (sur six) et selon la probabilité de TB comme : 1) normaux ; 2) anormaux mais non compatibles avec une TB en présence d'un infiltrat atteignant au maximum une zone mais sans signes caractéristiques d'une TB classique ; 3) compatibles avec une TB en présence d'infiltrats dans plus d'une zone mais sans signes caractéristiques d'une TB classique ; et 4) TB classique. La catégorie TB classique exigeait au moins une des caractéristiques suivantes : formation de cavernes, localisation au lobe supérieur, épanchement pleural unilatéral, densification avec association d'une lymphadénopathie paratrachéale ou hilaire, maladie bilatérale sévère, fibrose ou calcification. On a demandé à un troisième clinicien (SBS) de lire les clichés que les deux lecteurs avaient classés dans des catégories radiologiques différentes. Le résultat final a été celui qui a reçu l'agrément de deux lecteurs en ce qui concerne la catégorie radiographique. Techniques de laboratoire Les échantillons d'expectoration ont été traités au Laboratoire National de Référence de la Tuberculose du Malawi. Les bacilloscopies ont été examinées par microscopie à fluorescence après coloration à l'auramine-phénol et leur degré de positivité exprimé selon les directives publiées par l'Union Internationale Contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires (UICTMR).20 Des lames de contrôle ont été préparées à partir des mêmes échantillons d'expectoration pour tous les cas positifs et pour 10% des échantillons négatifs et examinées par un observateur indépendant après 4 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease Tableau 1 Définition des cas pour les sujets suspects à bacilloscopie négative subissant des investigations complémentaires dans l'étude Diagnostic TB confirmée Bacilloscopie positive Bacilloscopie négative Définition Bacilloscopie et/ou culture mycobactérienne positives à partir des expectorations, des ganglions lymphatiques ou du liquide de BAL TP « à bacilloscopie positive » Au moins un frottis d'expectoration (fourni sur place ou pré-bronchoscopique) à bacilloscopie positive (degré de positivité :rares à très très rares) avec un cliché thoracique suggestif de TP , ou Plus d'un frottis d'expectoration à bacilloscopie positive (degré de positivité : rares à très très rares) si le cliché thoracique n'est pas suggestif de TP TP « à bacilloscopie négative » Bacilloscopie négative de l'expectoration pré-bronchoscopique, mais un ou plusieurs des points suivants : • au moins un frottis d'échantillon bronchoscopique* à bacilloscopie positive (degré de positivité 1+ ou plus important) ; • au moins deux frottis d'échantillon bronchoscopique « inférieur au seuil de positivité » (ou deux de n'importe quel échantillon positif seulement après concentration) ; • bacilloscopie positive de l'aspiration ganglionnaire ; • positivité de la culture mycobactérienne de n'importe quel échantillon. * inclut à la fois le BAL et l'échantillon d'expectoration post-bronchoscopique BAL = lavage broncho-alvéolaire ; TP = tuberculose pulmonaire coloration de Ziehl-Neelsen. Les échantillons d'expectorations ont été décontaminés à la soude caustique à 4% ; le concentré obtenu a servi à la préparation de frottis et à l'inoculation des milieux de Löwenstein-Jensen selon les directives standard.21 On a examiné les cultures chaque semaine pendant 12 semaines. La morphologie des colonies et les caractéristiques de croissance ont servi à identifier les isolats du complexe Mycobacterium tuberculosis. Les isolats des cultures mycobactériennes positives provenant des 100 premiers patients ont été identifiés avec AccuPROBE (Genprobe, San Diego, CA, USA), un test DNA pour le complexe M. tuberculosis. Le liquide du BAL a été concentré et traité pour bacilloscopie (coloration à l'auramine-phénol), pour culture de champignons (BBL Inhibitory Mould Agar, Becton-Dickinson) et pour recherche des kystes de la pneumonie à Pneumocystis carinii (PCP) au moyen d'une coloration d'immunofluorescence indirecte (Shield Diagnostics, Dundee, UK). Les tubes de milieux de Löwenstein-Jensen ont été inoculés après décontamination limitée du culot (soude caustique à 4% pendant 10 minutes au maximum). Les cultures non-mycobactériennes des expectorations et du BAL n'étaient pas disponibles. On a congelé et conservé un aliquot du culot du BAL pour une analyse ultérieure par réaction de polymérase en chaîne (PCR) à l'Ecole de Médecine de l'Université d'Indiana. La PCR a été réalisée pour amplifier une portion des régions de l'espace interne transcrit des gènes rRNA de PCP, comme décrit antérieurement.22 On a exécuté le test VIH au Malawi au moyen de kits micro-ELISA SUDS (Murex Biotech, Dartford, UK). Le test VIH a été répété en GrandeBretagne par le Dr A Kitchen (National Blood Service, Colindale, UK) au moyen de Murex GE94/95 (Abbott Diagnostics Maidenhead, UK), Pasteur Genscreen v2 (Sanofi Diagnostics, Pasteur Ltd, Guildford, UK) et Organon Teknika HIV Ag/Ab (Organon, Cambridge, UK) sur des échantillons de sérum conservés. Un résultat trouvé positif au Malawi a été considéré comme confirmé si au moins deux des trois tests réalisés au Royaume Uni étaient positifs. Si un test seulement était positif, le résultat était classé comme non concluant. Prise en charge des patients de l'étude Les critères employés pour un diagnostic de TB confirmée par l'examen microbiologique figurent au Tableau 1. Les patients recrutés ont été traités selon les directives du PNT. Chez les patients dont la bacilloscopie était positive lors des examens répétés d'expectorations, on a mis en route une chimiothérapie ambulatoire de courte durée (2R3H3Z3E3/6HE*), ou un régime de retraitement s'ils avaient déjà été traités précédemment (2SRHZE/1RHZE/5R3H3E3). Les patients atteints d'une forme sévère de TB à bacilloscopie négative ou d'une TB extrapulmonaire ont également bénéficié d'une chimiothérapie de courte durée. Les patients traités pour une TP à bacilloscopie * R = rifampicine; H = isoniazide; Z = pyrazinamide; E = éthambutol; S = streptomycine; Les nombres devant les lettres indiquent le nombre de mois de la phase de traitement; les nombres en indice indiquent le nombre d'administrations des médicaments chaque semaine. Etiologie de la tuberculose à bacilloscopie négative au Malawi 5 Tableau 2 Proportion des 352 suspects de TP « à bacilloscopie négative » répondant aux critères de diagnostic du PNT pour le diagnostic de la TP à bacilloscopie négative Critères cliniques exigés par les directives du diagnostic Symptômes respiratoires * au moins 3 semaines (n = 350) Examen de trois échantillons d'expectoration (n = 352) Toux sèche (incapable d'expectorer) Non demandé par le clinicien Un essai d'antibiotiques (n = 329) Au moins 1 cure † Au moins 2 cures Au moins 3 cures Au moins 4 cures Au moins 5 cures Examen radiographique effectué (n = 352) Examen radiographique suggestif de TP ‡ Anormal, suggestif de TP TP classique Normal Anormal, non suggestif de TP Cas où les directives ont été suivies n (%) 327 (93) 315 (89) 323 (98) 142 (43) 110 (33) 56 (17) 14 (4) 1 (<1) 348 (99) 238 (74) 128 (40) 110 (34) - Cas où les directives n'ont pas été suivies n (%) 23 (7) 37 (11) 21 (6) 16 (5) 6 (2) 4 (1) 83 (26) 54(16) 29 (9) * Au moins toux et/ou hémoptysies. † Au moins 5 jours d'un antibiotique à large spectre approprié tel que cotrimoxazole ou amoxycilline. ‡ Selon le classement par les investigateurs de l'étude. n = nombre de patients chez qui on a recueilli l'information lors du recrutement dans l'étude. TP = tuberculose pulmonaire ; PNT = Programme National de Tuberculose. négative ou une TB extrapulmonaire moins sévère ont reçu un régime ambulatoire différent comportant trois médicaments dans la phase intensive (2R3H3Z3/6HE). On a traité comme il convenait les patients dont le diagnostic était autre que la TB et on les a suivis pendant 8 mois au sein de l'étude. Introduction et analyse des données La taille de l'échantillon a été calculée au moyen du Programme Statcalc (Epi-Info, Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta, GA, USA). En se basant sur d'autres études publiées 23,24 et sur les résultats d'une étude pilote précédant celle-ci, on a estimé à 40% (limites acceptables 3545%) la prévalence véritable de la TB chez les patients commençant leur traitement pour une TP à bacilloscopie négative à Lilongwe. En 1997, on a enregistré 1.258 TP à bacilloscopie négative à Lilongwe ; dès lors une taille d'échantillon de 285 patients suspects de TB à bacilloscopie négative devrait estimer la prévalence de TB avec un intervalle de confiance de 95%. Les données concernant les patients et les résultats de laboratoire ont été codés et analysés en utilisant EPI-Info 6.01. On a calculé les risques relatifs (RR) avec intervalles de confiance à 95% (IC 95%) et les valeurs de P lorsque cela s'imposait. Approbation éthique L'étude a été approuvée par le Comité de Recherche des Sciences de la Santé du Malawi et par le Comité d'Ethique de Recherche de l'Ecole de Médecine Tropicale à Liverpool. RESULTATS Recrutement des patients et statut VIH Durant la période d'étude, un total de 544 patients adultes atteints de TB à bacilloscopie négative ont été adressés pour enregistrement. Parmi ceux-ci, 352 (65%) ont été évalués dans l'étude, puisqu'ils avaient été envoyés pour enregistrement les jours de recrutement de l'étude. La Figure montre le mouvement des patients au travers du processus de recrutement. On a pensé que 26 patients n'étaient pas atteints de TB, soit parce qu'on avait porté un diagnostic autre que celui de TB (12 patients), soit parce qu'ils n'avaient pas de symptômes suggestifs de TB (14 patients). Parmi les 326 patients restants, suspects d'être atteints de TB, le diagnostic de TB a été confirmé dans 82 cas avant la bronchoscopie : quatre bacilloscopies positives ont été sur des produits d'aspiration ganglionnaire et 78 sur des échantillons d'expectoration fournis au moment du recrutement dans l'étude. Neuf patients supplémentaires souffraient d'exsudats lymphocytaires et de symptômes suggestifs de tuberculose (chez un d'entre eux, le diagnostic de TB a été confirmé plus tard par la culture de l'expectoration) et deux d'empyème. Ces patients ont été mis sous traitement selon les directives du PNT. Il y avait 233 « vrais » patients à bacilloscopie négative parmi lesquels 173 ont subi une bronchoscopie. De plus, on a pratiqué une bronchoscopie chez 20 des 78 patients dont la bacilloscopie des expectorations était positive parce que ces résultats n'avaient pas été connus avant la bronchoscopie. 6 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease Tableau 3 Diagnostics portés dans la cohorte de 352 patients « à bacilloscopie négative » Diagnostic TB confirmée par la microbiologie Bacilloscopie positive Bacilloscopie négative TB non confirmée Epanchement TB probable Pas de diagnostic confirmé Infection pulmonaire non-TB Pneumonie à Pneumocystis carinii † Streptococcus pneumoniae « MOTT » ‡ Autres Empyème S. pneumoniae Anaérobies Sarcome de Kaposi Confirmé Probable Autres diagnostics (par système) Asthme Embolie pulmonaire Syndrome de l'ongle jaune Septicémie Salmonella sp. Cryptococcus neoformans Œsophage Candida ¶ Carcinome ** Ulcère ** Ulcère gastrique** Décompensation cardiaque Myélome Prévalence* n (%) 137 (39) 78 (22) 59 (17) 136 (39) 8 (2) 128 (37) 48 (14) 17(5) 2 (<1) 2 (<1) 25 (7) 1 1 10 (3) 7 3 20 (6) 3 1 1 4 3§ 2 1 1 1 2 1 * Le total dépasse 352 parce que chez certains patients, il y a eu plus qu'un diagnostic. † 1/17 cas de PCP ont également des MOTT dans les expectorations et les hémocultures. ‡ Culture positive pour les MOTT dans les expectorations et le BAL. § La confirmation de C. neoformans à partir d'hémocultures et du BAL n'a été possible que pour les 120 premiers patients ; dès lors, le nombre réel de cas peut être plus élevé. ¶ Diagnostiqué par une anamnèse suggestive dans les cas séropositifs pour le VIH s'améliorant après traitement antifongique. ** Diagnostic endoscopique. MOTT = mycobactéries non tuberculeuses ; BAL = lavage broncho-alvéolaire ; VIH = virus de l'immunodéficience humaine. On a prélevé du sang pour le test VIH chez 313/352 (89%) patients (quatre ont refusé le test et dans 35 cas, le prélèvement n'a pas été fait pour des raisons de logistique). Parmi 313 patients suspects de TP à bacilloscopie négative, 278 (89%) étaient séropositifs pour le VIH, 27 (9%) séronégatifs et huit (2%) avaient des résultats non concluants. On possédait suffisamment d'informations cliniques pour classer 272 des 278 patients séropositifs pour le VIH selon la définition élargie de cas de SIDA de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) : 222 cas sur 272 répondaient à la définition du SIDA.25 Caractéristiques des patients recrutés La majorité des 352 patients recrutés dans l'étude étaient de jeunes adultes (âge médian 32 ans) avec une proportion égale d'hommes et de femmes. La plupart des patients (85%) ont été recrutés en consultation et auraient été traités pour leur TB sur une base ambulatoire. La durée médiane de la maladie était de 7 semaines (extrêmes 25-75% : 412 semaines) et les patients ont bénéficié en moyenne d'au moins deux cures d'antibiotiques avant leur évaluation par l'étude. L'index médian de masse corporelle (BMI) était de 18,7 kg/m2. Chez 60 patients (17%), une anamnèse de traitement antituberculeux a été signalée. La proportion des patients qui ont répondu aux critères requis par les directives du PNT pour le diagnostic de TP à bacilloscopie négative figure au Tableau 2. La plupart des patients se plaignaient des symptômes exigés, avaient donné trois échantillons d'expectoration pour bacilloscopie et avaient bénéficié d'un essai avec au moins un antibiotique. Quatre patients seulement n'avaient pas eu de cliché thoracique préalablement à leur examen dans l'étude (ceci a été dû à la défaillance de l'appareil à l'hôpital). Tous les clichés radiologiques n'ont pas été disponibles pour la lecture par les investigateurs : 27 patients exigeant une hospitalisation après l'évaluation initiale par l'étude sont soit sortis, soit décédés et leurs clichés n'ont pas été récupérés. Il en résulte que 321 clichés radiologiques ont été disponibles pour examen par au moins un lecteur ; parmi ceux-ci, 238 (74%) ont été considérés comme compatibles avec une TB et 83 (26%) comme « normaux » ou « non compatibles avec une TB ». La TB a été confirmée par les examens microbiologiques chez 109 des 238 cas (46%) dont les clichés étaient considérés comme "compatibles avec une TB" et chez 19 des 83 cas (23%) dont les clichés étaient rapportés comme « normaux » ou « non compatibles avec une TB » (RR 2,0 ; IC95% 1,32-3,04 ; P<0,001). Les deux cliniciens ont disposé des clichés thoraciques pour la lecture initiale dans 305 cas pour lesquels le taux de concordance a été de 77% (236/305) entre les deux lecteurs pour les quatre différentes catégories radiographiques. On a dès lors demandé au troisième lecteur de lire les 69 clichés pour lesquels existaient des conclusions divergentes. Les taux de concordance entre les deux premiers lecteurs ont augmenté jusque 89% (271/306) lorsqu'on deux catégories seulement ont été prises en considération : « compatible avec/TB classique » ou « normal/non compatible avec TB ». Une différence de lecture dans ces deux catégories a plus d'importance pratique : en effet, selon les directives de prise en charge des TP à bacilloscopie négative, elle devrait influencer la recommandation ou non du traitement antituberculeux au patient. Etiologie de la tuberculose à bacilloscopie négative au Malawi Proportion de tuberculose confirmée chez les suspects de TP à « bacilloscopie négative » Les diagnostics finaux portés chez les 352 suspects de TP à bacilloscopie négative figurent au Tableau 3. La TB a été confirmée par l'examen microbiologique chez 137 patients (39% ; IC 95% 34-44%), parmi lesquels 78 (57%) ont été diagnostiqués par la bacilloscopie répétée des expectorations et ont été dès lors traités pour une TP à bacilloscopie positive. Parmi les 78 cas à bacilloscopie positive, 65 ont été diagnostiqués à partir de l'échantillon d'expectoration fourni sur place et les 13 cas restants à partir de l'échantillon d'expectoration prébronchoscpique. Les 59 autres cas de TP confirmés (43%) étaient des « vrais » cas à bacilloscopie négative, diagnostiqués par l'examen microscopique seulement après concentration des expectorations ou du BAL ou par la culture TB. En outre, il y avait huit cas de pleurésie TB probable, diagnostiquée chez des patients atteints d'exsudat pleural qui se sont améliorés sous traitement antituberculeux. La contribution de la bronchoscopie au diagnostic des cas confirmés de TP est discutée ci-dessous avec plus de détails. Autres diagnostics portés chez les suspects de TP « à bacilloscopie négative » Le Tableau 3 fournit également des détails sur les diagnostics non-TB portés dans le groupe complet des 352 suspects de TB à bacilloscopie négative. Le groupe le plus important de diagnostics a été celui des « infections pulmonaires non-TB » chez 48 patients (14%). Ce groupe comportait 17 cas de PCP diagnostiqués par la positivité de l'immunofluorescence indirecte et/ou par PCR au niveau du BAL. De plus, chez deux patients, on a isolé Streptococcus pneumoniae à partir des hémocultures et deux autres patients souffraient d'un empyème non-TB. Chez deux patients, on a isolé des mycobactéries non tuberculeuses (MOTT) à partir des expectorations, du sang ou du BAL ; on les a identifiées par la morphologie des colonies, la croissance rapide et la négativité d'un test génétique DNA pour M. tuberculosis. Chez les 25 autres patients (7%), on n'a pas isolé de germes à partir des échantillons prélevés mais les symptômes respiratoires ont disparu complètement sans traitement antituberculeux et leur état est resté satisfaisant au cours du suivi. Ils ont dont été classés comme atteints d'une « infection pulmonaire non-TB » responsable de leurs symptômes initiaux. Des lésions buccales et/ou cutanées du sarcome de Kaposi (KS) ont été observées chez 26 patients. Chez 10 d'entre eux, l'étude a diagnostiqué un KS pulmonaire : trois avec des lésions endobronchiques typiques (KS pulmonaire confirmé) et 7 trois sans lésions endobronchiques mais avec des clichés thoraciques compatibles avec un KS interstitiel et absence d'amélioration sous traitement TB (KS pulmonaire probable). Chez aucun de ces 10 patients diagnostiqués comme KS pulmonaire, le diagnostic de TB n'a été confirmé par la microbiologie. Chez huit des 26 patients souffrant de lésions buccales et/ou cutanées de KS, la TB a été confirmée, ce qui a fait considérer la TP comme diagnostic primaire. Chez les huit patients restants, on a diagnostiqué une PCP (deux patients), un empyème (un patient), une septicémie à pneumocoques (un patient) et chez quatre d'entre eux, aucun diagnostic respiratoire n'a été confirmé. On a diagnostiqué un cas de « syndrome de l'ongle jaune » chez une femme de 48 ans, séronégative pour le VIH se présentant avec une histoire caractéristique datant de 5 ans et des signes classiques du syndrome ;26 son état ne s'était pas amélioré après deux cures de traitement antituberculeux. Cinq patients (1,4%) dont le diagnostic final était gastro-intestinal se sont plaints de douleurs rétrosternales interprétées par erreur comme étant d'origine respiratoire ; les douleurs thoraciques du patient atteint d'un myélome étaient dues à des lésions costales ostéolytiques. DISCUSSION ET CONCLUSIONS Dans cette étude, une combinaison d'examens a permis de confirmer la TB chez 39% des cas suspects de TP à bacilloscopie négative qui allaient bénéficier d'un traitement antituberculeux dans les conditions du programme. On a porté des diagnostics autres que celui de TB dans 78 cas (22%) et n'y a pas eu de diagnostic chez 39% des patients ; 89% des patients examinés étaient séropositifs pour le VIH. Il n'a pas été possible d'évaluer tous les patients TB à bacilloscopie négative enregistrés à Lilongwe durant l'étude puisque l'équipe de l'étude n'examinait les patients que 3 jours par semaine. Toutefois, les patients inclus dans cette étude sont susceptibles d'être représentatifs du groupe complet des TP à bacilloscopie négative enregistrés à Lilongwe dans les conditions opérationnelles. L'étude a revu une proportion significative des cas et il n'y a pas eu de sélection particulière des patients. La majorité des patients évalués par l'étude étaient des patients externes, ce qui correspond au profil des TP à bacilloscopie négative diagnostiquées et traitées par le program-me à Lilongwe (source : PNT, Malawi). On a évalué les patients en utilisant un protocole détaillé visant à maximiser les chances de faire un diagnostic microbiologique de TB. Toutefois, il est possible qu'il y ait pu y avoir quelques 8 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease biais en ce qui concerne les patients fort malades et les clichés considérés comme classiques de TP. Dans ces cas là, les cliniciens peuvent avoir commencé le traitement antituberculeux immédiatement de crainte que le fait de référer à l'étude ait pu retarder le traitement. Il se peut aussi que durant les 2 premiers mois de l'étude, certains des patients référés auraient pu n'avoir pas été mis sous traitement antituberculeux par leur clinicien si l'étude n'avait pas été entreprise. Toutefois il est probable qu'à Lilongwe on aurait commencé le traitement antituberculeux chez la plupart des patients présentant une toux chronique avec bacilloscopie négative qui ne s'amélioraient pas après une cure d'antibiotiques. D'autres études en provenance de la région ont examiné des échantillons de patients plus sélectionnés, généralement hospitalisés mais ont confirmé des proportions similaires de TB. Par exemple au Burundi et en Tanzanie, on a confirmé la TB chez 41/182 (23%) des cas hospitalisés suspects de TP à bacilloscopie négative.27 Au Malawi et en Zambie, des études sur expectorations provoquées ont diagnostiqué la TB chez respectivement 30/82 (37%) et 11/22 (50%) des suspects de TB à bacilloscopie négative.23,24 Au Zimbabwe, on a investigué par bronchoscopie et lavage broncho-alvéolaire des patients séropositifs pour le VIH et à bacilloscopie négative, hospitalisés pour pneumonie aiguë diffuse ; la TB a été confirmée chez 24/64 (38%) des patients qui ne s'étaient pas améliorés après un traitement à la benzylpénicilline .28 Dans notre étude, une proportion élevée de cas confirmés de TB a été diagnostiquée par des examens microscopiques répétés des frottis d'expectorations (57%). On avait décidé de commencer le traitement pour TP à bacilloscopie négative car les résultats initiaux du laboratoire local étaient négatifs. Ceci pose le problème de la qualité de l'examen local des expectorations. Toutefois, une erreur de laboratoire ne peut être qu'une des nombreuses explications de cette discordance dans les résultats de la microscopie. Par exemple il se peut que les échantillons d'expectoration fournis aux laboratoires locaux aient été de plus mauvaise qualité. Les patients peuvent également ne sécréter des bacilles que par intermittence de sorte que les échantillons fournis au début ont pu être réellement négatifs. Enfin, il est possible que les patients atteints de TP à bacilloscopie négative aient évolué rapidement vers une forme à bacilloscopie positive dans l'intervalle entre la fourniture de l'échantillon local et l'évaluation par l'étude.8,9 Plusieurs autres études ont fait appel à la bronchoscopie pour investiguer les causes de maladie pulmonaire chez les patients séropositifs pour le VIH en Afrique sous-saharienne, en se concentrant encore généralement sur les patients hospitalisés souffrant d'une maladie respiratoire aiguë. La prévalence de 5% de PCP relevée dans notre étude est faible, comparée aux 11% chez des patients zaïrois se plaignant de toux chronique 29 et aux 22-33% dans les cas de pneumonie chez des patients hospitalisés sélectionnés au Zimbabwe. 28,30 Elle est semblable toutefois à la prévalence de 4% signalée au Burundi dans une plus grande étude bronchoscopique qui avait examiné un groupe non sélectionné de patients hospitalisés atteints de pneumonie et chez qui la tuberculose avait été le diagnostic le plus couramment porté dans 49% des cas.31 Il est possible que dans notre groupe, la prévalence vraie soit supérieure à celle que nous avons signalée : en effet, presque la moitié de nos patients n'ont pas subi la bronchoscopie et n'ont dès lors pas été investigués pour la PCP. On a observé un KS endobronchique chez 6/37 (16%) patients du Zimbabwe séropositifs pour le VIH qui étaient tous porteurs de lésions cutanées de KS.32 Parmi 111 patients rwandais, porteurs de symptômes respiratoires, 10 (9%) étaient atteints de KS dont trois cas diagnostiqués par la seule biopsie transbronchique.33 Dans notre étude, le nombre réel de patients pulmonaires symptomatiques atteints de KS est peut être supérieur aux 2% de patients porteurs de lésions endobronchiques vues à la bronchoscopie puisque nous ne disposions pas de la biopsie transbronchique. Dans notre étude, la TB a été confirmée chez 31% des patients porteurs de lésions cutanées ou buccales de KS, illustrant qu'on doit encore prendre en considération le diagnostic de TB dans l'évaluation des patients avec symptômes respiratoires et lésions cutanées ou muqueuses du KS. Nous avons été incapables de confirmer un diagnostic dans une proportion significative de patients suspects de TP à bacilloscopie négative. Certains de ces patients sont susceptibles d'avoir souffert de TB malgré l'absence de confirmation microbiologique. Dans une étude classique de l'ère pré-VIH, concernant des TP à bacilloscopie négative, les cultures n'étaient positives pour la TB que chez un tiers des patients à bacilloscopie négative avec des signes évidents de TP à la radiographie.34 Toutefois, parmi ces patients dont les frottis et les cultures étaient négatifs au départ, plus de la moitié ont développé une TB active lors du suivi en l'absence de traitement.34,35 Dans une étude plus récente en provenance du Malawi, 32% des patients suspects de TP à bacilloscopie négative chez qui les clichés thoraciques sont normaux et les cultures TB négatives, ont développé des images radiographiques suggestives de TP au cours d'une période d'observation de 3 mois.36 La Etiologie de la tuberculose à bacilloscopie négative au Malawi majorité des patients de notre étude classés comme « diagnostic non confirmé » ont été traités pour TB, puisque, sur des bases cliniques, cette maladie restait un diagnostic probable et curable. Une proportion significative de ces patients a noté une amélioration de ses symptômes sous traitement antituberculeux alors qu'il n'y avait eu d'amélioration après une antibiothérapie à large spectre. Il est possible que dans certains cas une réponse des agents pathogènes non-tuberculeux à la rifampicine soit responsable de cette amélioration. D'autres infections signalées chez les patients africains TB à bacilloscopie négative et séropositifs pour le VIH incluent celles dues à S. pneumoniae, Klebsiella pneumoniae, Haemophilus influenzae et Pseudomonas aeruginosa.32,37 La pneumonie interstitielle, diagnostiquée par biopsie transbronchique, est une cause importante de pneumonie à bacilloscopie négative au Rwanda.33 Certains des patients de notre étude chez qui on n'a pas obtenu de diagnostic final peuvent avoir souffert de telle pneumonies bactériennes ou de pneumopathies interstitielles. Nous avons été incapables de porter de tels diagnostics avec les installations disponibles à Lilongwe. La faible incidence de septicémie à S. Pneumoniae dans cette étude est rassurante, puisqu'elle suggère que la plupart des patients atteints d'infections bactériennes ont été traités efficacement par l'essai d'antibiotiques administré avant le diagnostic de TP à bacilloscopie négative. La faible incidence des MOTT dans cette étude est très différente du profil de TB vu dans les cas de VIH/SIDA en Europe et aux USA avant l'introduction de la thérapie antirétrovirale.38 Toutefois nos résultats sont en accord avec ceux d'autres cohortes de patients africains chez qui on a rarement isolé des mycobactéries atypiques.5,39-42 Les infections pulmonaires causées par les MOTT ont été diagnostiquées plus couramment chez les mineurs africains en cas d'association avec la silicose,43-45 encore qu'il puisse s'agir aussi d'une association indépendante avec le VIH chez les mineurs.46 Au cours des toutes dernières décennies, les Malawiens ont généralement travaillé dans les mines d'Afrique du Sud, mais dans cette étude, aucun des patients souffrant d'une infection par les MOTT n'a signalé des antécédents de travail à la mine. La prévalence élevée du VIH dans ce groupe (89%) est frappante. Cette proportion d'infection VIH est du même ordre de grandeur que celle d'une cohorte de patients à bacilloscopie négative recrutée au Malawi en 1995 où 81% d'entre eux étaient séropositifs pour le VIH.47 Quoique nous ne disposions pas des décomptes de CD4 dans cette étude, il est probable qu'une proportion considé- 9 rable de patients infectés par le VIH étaient à un stade avancé d'immunosuppression, puisque 81% répondaient à la définition élargie de cas de SIDA de l'OMS.25 Il était rassurant que dans la plupart des cas de cette étude, on ait adhéré aux directives nationales exigeant la fourniture d'une expectoration et un essai d'antibiotiques. Un interrogatoire plus détaillé aurait suggéré des diagnostics non-TB chez un petit nombre de patients dans des conditions telles qu'une candidose œsophagienne ou un asthme mais peu d'affections curables ont échappé dans les conditions opérationnelles. Dans ces conditions opérationnelles, on a traité pour TP à bacilloscopie négative un certain nombre de patients dont les clichés n'étaient pas compatibles avec une TP et qui dès lors n'auraient pas dû être traités pour TB selon les directives. Ceci suggère que les cliniciens locaux ont soit mal interprété les clichés thoraciques, soit décidé de traiter pour TB sur les seules bases cliniques. Si l'on avait suivi strictement les critères radiologiques, le diagnostic de TB active aurait été méconnu chez 19/83 (23%) de ces cas. Bien qu'un test plus sensible pour la TB, peu coûteux et simple à exécuter dans ce contexte soit terriblement nécessaire, il est intéressant de noter que beaucoup de ces patients TB ont été diagnostiqués par la simple répétition de la bacilloscopie des expectorations. Un contrôle soigneux de la performance des laboratoires s'impose donc, mais ces résultats peuvent aussi correspondre à une extension rapide de la maladie chez les patients en état d'immunosuppression. Demander aux suspects de TP à bacilloscopie négative de fournir un quatrième échantillon d'expectoration allongerait un processus de diagnostic déjà très long et pourrait ne pas accroître le rendement puisque le laboratoire de l'étude ne fonctionnerait pas pour la pratique routinière. Des recherches complémentaires sont nécessaires dans le domaine des stratégies alternatives de diagnostic comme la concentration de l'expectoration dans le but d'augmenter le rendement du diagnostic.48 Cette étude ne répond pas à la question du nombre de patients séropositifs pour le VIH et suspects de TP à bacilloscopie négative atteints effectivement de TB et actuellement non diagnostiqués ou traités en routine. Vu la fréquence des formes atypiques de TB aux stades avancés d'immunosuppression, ceci pourrait être un champ important pour une étude ultérieure. Remerciements Nous sommes reconnaissants au staff de l'Hôpital Central de Lilongwe et au Registre TB de Lilongwe d'avoir référé des patients à l'étude. Nous remercions Mr W Chisamba et Mr J Michongwe de leur aide pour les cultures TB, le Dr A Kitchen (Service National du Sang, Colindale, UK) du contrôle de 10 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease qualité pour la sérologie VIH et le Laboratoire de Mycobactériologie au Statens Serum Institute(Copenhague) du contrôle de qualité de la microscopie pour les bacilles acidorésistants. Nous exprimons notre gratitude au Dr L Archibald (CDC, Atlanta) pour son aide généreuse en conseils et en milieux de culture pour la microbiologie, au Prof B. Keller (Université Duke) pour la confirmation des résultats d'échantillons sélectionnés et au Prof C H Lee et au Dr Xing Tang (Ecole de Médecine de l'Université d'Indiana) pour la réalisation de la PCR sur les échantillons de BAL. Nicola Hargreaves a été soutenu par une bourse d'étude outremer du Leverhulme Trust. Les coûts de recherche ont été soutenus par une bourse d'étude de Berkeley et par le Département pour le Développement International à travers L'Initiative de Recherche Opérationnelle du Programme National de la Lutte antituberculeuse du Malawi Références 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 Harries A D, Parry C, Nyongonya Mbewe L, et al. The pattern of tuberculosis in Queen Elizabeth Central Hospital, Blantyre, Malawi: 1986-1995. Int J Tuberc Lung Dis 1997; 1: 346-351. Nyangulu D S. The point of view of a high prevalence country: Malawi. Bull Int Union Tuberc Lung Dis 1991; 66 (4): 173-174. Nunn P P, Elliott A M, McAdam K P. Tropical respiratory medicine. 2. Impact of human immunodeficiency virus on tuberculosis in developing countries. Thorax 1994; 49: 511-518. Elliott A M, Namaambo K, Allen B W, et al. Negative sputum smear results in HIV-positive patients with pulmonary tuberculosis in Lusaka, Zambia. 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