Qui est donc responsable du déclenchement de la deuxième guerre
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Qui est donc responsable du déclenchement de la deuxième guerre
« Qui est donc responsable du déclenchement de la deuxième guerre Mondiale? » Michael Jabara Carley Professeur au département d’histoire de l’Université de Montréal, auteur de 1939: l'alliance de la dernière chance, une réinterprétation des origines de la Seconde Guerre mondiale, Presses de l'Université de Montréal, 2001. En ce moment, beaucoup de journalistes et de politiciens donnent leur opinion sur les personnes et les pays responsables d’avoir déclenché la Seconde Guerre mondiale. Naturellement, Hitler en est un et Staline en est l’autre. Le 23 août 1939, l’URSS et l’Allemagne nazie ont signé un pacte de non-agression qui a permis à Hitler d’attaquer la Pologne sans craindre l’intervention de l’Armée rouge. Dans cette opération, l’Angleterre et la France sont à peine mentionnés et personne n’ose dire le moindre mot contre la Pologne pour son rôle dans le déclenchement de la guerre. « [Nous devons] nous opposer à réécrire l’Histoire, à mettre en doute les vérités de la Seconde Guerre mondiale, » dit tout récemment un journaliste polonais. Hélas, les historiens, qui créent « l’Histoire », la réécrivent tous les vingt ans. Il le faut d’ailleurs car de nouveaux fonds d’archives deviennent disponibles et de nouvelles perspectives se manifestent chez les jeunes générations d’historiens. Quant aux « vérités », commençons avec la Pologne. Pendant les années 1930, la Pologne n’était pas une démocratie. C’était un régime très conservateur qui a frôlé le fascisme avec ses tendances autoritaires et antisémites. En 1933-1934, lorsque l’URSS sonnait l’alarme contre Hitler, la Pologne a signé un pacte de nonagression avec l’Allemagne en janvier 1934, bien avant l’URSS. La France, qui avait une alliance avec la Pologne, s’est sentie trahie. Ensuite, la Pologne a tout fait pour bloquer une nouvelle alliance antiallemande basée sur la « sécurité collective » et calquée sur l’alliance de la Première Guerre mondiale (l’URSS, la France, la Grande Bretagne, les États-Unis et même l’Italie de Benito Mussolini). Lorsque Maksim M. Litvinov, le commissaire aux Affaires étrangères soviétiques, a averti son homologue polonais, Józef Beck, du danger allemand, Beck s’en est moqué. La Pologne s’est sentie coincée entre deux adversaires, mais des deux, l’URSS était pour elle le pire ennemie. Ainsi, lorsque l’URSS a négocié un pacte d’assistance mutuelle avec la France en 1934-1935, la Pologne s’y est opposée. En 1938, lors de la crise de Munich, où la Tchécoslovaquie a été lâchée par la France et l’Angleterre, la Pologne fut la complice d’Hitler. Le ministre Beck a fait savoir aux Français, que si Hitler avait le Sudetenland, avec sa population allemande, la Pologne aurait la région de Teschen avec sa population polonaise, et par la force, si nécessaire. Litvinov a accusé les Polonais de jouer le jeu d’Hitler, mais Beck s’en est moqué de nouveau. La Pologne fut complice d’Hitler en 1938 avant de devenir sa victime en 1939. Si les Polonais d’aujourd’hui veulent chercher des responsables de la guerre, ils n’ont qu’à commencer avec leur propre gouvernement, dit « des colonels ». Quel était alors le rôle joué par la France et de l’Angleterre? Le Commissaire Litvinov voyait la France comme « le pivot » de la politique soviétique de « sécurité collective ». Appuyé évidemment par Staline, Litvinov disait à qui voudrait l’entendre qu’Hitler voulait la guerre et la domination de l’Europe et qu’il fallait organiser une «Grande Alliance» pour lui résister. Et ce bien avant que Churchill y pense. Mais ses tentatives d’organiser une telle alliance ont été rejetées de Washington à Paris. Comment donc est-ce possible? Parce que les élites conservatrices de l’Angleterre et de la France craignaient viscéralement le « péril bolchévique » depuis la Révolution russe de 1917. La question de politique étrangère fondamentale des années trente était : « Qui est l’ennemie no. 1 : l’Allemagne nazie ou l’Union soviétique? » Hélas, la plupart des leaders anglais et français y ont mal répondu. Ils voyaient l’Allemagne nazie comme une digue contre « le bolchévisme », ils admiraient le fascisme comme une « force » contre le socialisme et le communisme et comme une nouvelle expression « virile » des valeurs bourgeoises de l’élite européenne. Depuis 1934, Litvinov a donc subi échec après échec. La crise de Munich était le pire. Le premier ministre anglais Neville Chamberlain ne voulait pas de l’alliance soviétique qui pourrait amener une Armée rouge victorieuse au cœur de l’Europe. Chamberlain pensait qu’il pourrait négocier avec Hitler. Satisfaire ses demandes—hélas, au prix de la Tchécoslovaquie—garantirait selon lui la paix à l’Ouest si non à l’Est. Staline s’en est évidemment inquiété. Sa politique d’ouverture à la France et à l’Angleterre ne fonctionnait pas et son commissaire Litvinov lui est apparu comme un Don Quichotte, poursuivant un objectif impossible à atteindre. L’alliance de la dernière chance s’est produite après que la Tchécoslovaquie ait disparu de la carte en mars 1939, occupée par Hitler. Le mois suivant, Litvinov a offert à Londres et à Paris une alliance tripartite contre l’Allemagne nazie. Au lieu saisir cette offre avec les deux mains, les Anglais se sont moqués encore une fois de Litvinov. C’en était trop pour Staline, qui a limogé Litvinov-Don Quichotte, le 3 mai. Après six ans d’une politique qui ne marchait toujours pas, il fallait essayer autre chose. Comme commissaire aux Affaires étrangères, Staline a remplacé Litvinov par son bras droit, V. M. Molotov, qui, durant l’été, a négocié avec les Anglais. Les Français ne comptaient plus à ses yeux puisqu’ils suivaient « la ligne anglaise » depuis au moins 1936. Enfin, au début d’août 1939, les Anglais et les Français envoyèrent des missions militaires à Moscou qui gagnèrent la Russie en utilisant comme moyen de transport un vieux cargo plutôt qu’un avion. Les instructions anglaises qui leur avaient été données étaient « d’aller très lentement ». Lorsqu’ils arrivèrent à Moscou, les négociateurs soviétiques se rendirent compte que les chefs de missions n’avaient pas de pouvoirs pour signer une alliance militaire contre Hitler. Ce n’est pas sérieux, a pensé Staline, et il avait raison. Les Anglais et Français cherchaient toujours une sortie du piège hitlérien sans alliance avec l’URSS. C’est là le contexte de la signature du pacte nazi-soviétique avec la Pologne à se partager. Ne pouvant compter sur une alliance avec l’Angleterre et la France, Staline ne voulait pas se trouver seul contre les armées d’Hitler; il a donc négocié avec les Allemands. Il a réussi là où les Anglais et les Français n’avaient pu parvenir à Munich. Staline aurait dû être plus patient et continuer de négocier avec l’Angleterre et la France qui, devant la menace d’une guerre, aurait peut-être consenti à conclure une vraie alliance avec Moscou. Mais Staline, pouvait-il, compter sur la France et l’Angleterre, qui n’ont pas levé le petit doigt pour la Pologne lorsque l’Allemagne l’a envahie le 1er septembre 1939 ? Staline a sans doute vu dans cette abdication anglofrançaise la justesse de sa décision d’avoir conclu un accord avec Hitler. On peut donc convenir que la Seconde Guerre mondiale a été une tragédie pour les Polonais, pour les peuples soviétiques et pour toutes les victimes du Nazisme. Mais vouloir en faire porter la responsabilité sur Staline seul, et bien sûr sur Hitler, ne tient pas la route. Tous portent une responsabilité, de Londres à Moscou, du désastre de la Seconde Guerre mondiale.