Sculpteurs de trottoir
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Sculpteurs de trottoir
Sculpteurs de trottoir Journal du Centre d’art contemporain de Quimper n°72 Exposition du 28 mars au 14 juin 2009 Autour de Raymond Hains 2 Commissaire : Marion Daniel Raymond Hains Cécile Paris Philippe Richard Franck Scurti Olivier Soulerin Morgane Tschiember Philippe Richard Olivier Soulerin Morgane Tschiember Photographe et vidéaste, Cécile Paris imagine des environnements visuels et sonores. Pour cette exposition, elle réunit des pièces évoquant Paris la ville mais aussi sa propre vie. La forme circulaire de la salle dans laquelle elle expose lui inspire un parcours dans Paris et ses excès de lumière. C’est sur un mode photographique que s’instaure le dialogue avec Raymond Hains : la série Paradis (2008) associe le mot « Paradis », nom de l’artiste transformé, avec une petite photographie d’un élément souvent choisi pour sa dimension optique : vitrine, groupe de personnes regardant à travers de jumelles. Filmant à travers le trou de la palissade d’un chantier new-yorkais, elle montre la ville, ses grues et ses gravats, qui se Depuis 1997, les œuvres picturales de Philippe Richard ont quitté le tableau proprement dit, au profit d’un travail fait d’éléments proliférants qui envahissent les espaces publics et d’exposition. La dimension de mur et la forte présence de la couleur entrent en relation avec les palissades de Raymond Hains. Les Beaux restes (2004) sont constitués de neuf cellules fermées et de seize autres tronquées. Philippe Richard y voit une « allusion aux ruines, aux lieux “ayant été”». Conserver les restes pour donner naissance à un espace chargé d’un sens nouveau, c’est aussi ce que fait Raymond Hains, lorsqu’il isole une palissade ou prélève une affiche lacérée : un objet qui ne servira plus, sauf à la rêverie. Entre peintures et sculptures, les pièces d’Olivier Soulerin s’insèrent subtilement dans l’espace : elles filent le long d’un mur, se prolongent par un pan de peinture sur le mur de l’exposition, souvent visible seulement après adaptation de l’œil à la lumière du lieu. En présentant un diaporama fait d’images considérées comme des notes, Olivier Soulerin dévoile les éléments de sa fabrique visuelle. Dans ses constructions en bois peint, son travail de ligne colorée et de délimitation de l’espace répond comme en négatif aux palissades de Hains, dont les couleurs vives et les dimensions monumentales obturent le plus souvent la vue. Ici les structures sont ouvertes, Obturer la vue tout en créant un espace, c’est la vocation du Mur de Morgane Tschiember. Depuis 2002, l’artiste mène un travail protéiforme (vidéo, photographie, sculpture), dont la direction principale est la peinture dans l’espace. Dans son mur réalisé en parpaings dont les jointures sont formées par une résille rose pailletée, elle bouche les champs de vision, tout en menant un travail sur les interstices. Dans une projection, Morgane Tschiember montre également ses photographies de travail. Le plus souvent attiré par les images de « chantier », son regard circule parmi les signes urbains, préférant la couleur et les motifs géométriques trouvés dans l’espace. Une pratique qui la rapproche, encore, d’un Raymond flâneur… Olivier Soulerin Traverse, 2007 Installation Morgane Tschiember Running Bond, 2007 parpaings, mortier adhésif, pigment rose Photo Fabrice Gousset Courtesy galerie Loevenbruck, Paris née en 197o à Nancy, vit et travaille à Paris Le « sculpteur de trottoir », terme repris à Raymond Hains, est le flâneur qui, muni de son appareil photo, prélève des images, inventant des histoires, des séquences visuelles, sur un mode poétique. C’est aussi celui qui vole directement un objet de l’espace urbain, le transforme ou le reproduit dans des dimensions gigantesques. Dynamique, polymorphe et en mouvement, l’œuvre de Raymond Hains appelle tout particulièrement les échos de jeunes artistes. Dans Sculpteurs de trottoir, second volet d’une première exposition intitulée Comme le verre à travers le soleil. Autour de Raymond Hains (Frac des Pays de la Loire / Domaine de la Garenne-Lemot, Clisson), Cécile Paris, Philippe Richard, Franck Scurti, Olivier Soulerin et Morgane Tschiember travaillent la question du lieu urbain et de l’objet, pictural, photographique ou réel, en association avec trois séries d’œuvres de Raymond Hains : photographies de chantier intitulées Sculptures de trottoir, Palissades et objets en trois dimensions. Raymond Hains La Foire aux skis, 1988 palissade de skis (190x200 cm) Centre national des arts plastiques Fonds national d’art contemporain, Paris Courtesy galerie de Paris, Paris Cécile Paris Avec Morgane Tschiember, Philippe Richard et Olivier Soulerin, c’est un aspect formel, coloré, matériel de leur travail et de celui de Raymond Hains qui s’affirme. Articulant une pensée de la couleur et du support qui acquiert une dimension picturale, palissades et photographies sont ici envisagées dans leur matérialité et leur aspect mural. Cécile Paris et Franck Scurti développent quant à eux des réponses photographiques, filmiques et sculpturales, qui sont autant de visions et d’histoires urbaines. Raymond Hains Hommage à Lavier, 1998 photographie couleur (40x60 cm) collection Frac Champagne-Ardenne / © Adagp Raymond Hains Saint-Brieuc, 1926 – Paris, 2005 Affiches, photographies ou objets en trois dimensions, les œuvres de Raymond Hains oscillent entre une stricte nature matérielle et une dimension langagière. De l’objet au langage, il tisse de nombreux liens : ses photographies sont des calembours visuels et ses jeux de mots sont traduits visuellement. Signataire du Manifeste des Nouveaux Réalistes, Raymond Hains développe une œuvre libre et originale, opérant en 1959 un déplacement des affiches « lacérées par les passants » vers leurs supports, les palissades. Il instaure ainsi le prélèvement de simples objets de l’espace urbain comme acte fondateur. Son travail de plasticien trouvant toujours sa source dans les mots, il devient le « dialecticien des lapalissades ». À partir des années 1980, il pratique de manière presque exclusive la photographie. Réalisées dans les années 1990 puis 2000, ses « sculptures de trottoir » sont des photographies de chantier qui se focalisent sur un élément de forme ou de couleur, qui ont toujours intéressé Raymond Hains, en évoquant souvent des références artistiques, comme dans cet Hommage à Lavier. superposent dans un collage optique. Cécile Paris Palissade, 2009 vidéo en boucle (3 mn) / © Cécile Paris né en 1962 à Dijon, vit et travaille à Paris Philippe Richard Les Beaux restes, 2005 acrylique sur bois, carton (375x375 cm) / © Philippe Richard né en 1973 à Clermont-Ferrand, vit et travaille à Montigny-lès-Cormeilles Franck Scurti Island in Island, 2006 Asphalte, canette de boisson (Ø 38 cm) Courtesy galerie Anne de Villepoix, Paris Franck Scurti né en 1965 à Lyon, vit et travaille à Paris Pluridimensionnelle, l’œuvre de Franck Scurti prend aussi bien la forme de vidéos, de sculptures, de dessins. What is Public Sculpture ? se demandait-il dans ses travaux de 2006. Par la transformation en bronze de marrons grillés, il offre une vision poétique, qui déplace symboliquement des objets réels. Un contrepoint aux nombreuses Sculptures de trottoir de Hains, photographies qui sont autant propositions d’objets, non réalisées. Dans Trottoir gris, mur blanc, il filme des saynètes urbaines : des objets – un ballon de baudruche, une marque sur des vêtements – circulent tout au long de la vidéo. Il saisit leur mouvement, leur cadence, à la manière de ce joueur de football ivre, qui danse avec son ballon. de façon à ne pas contraindre les trajectoires, à ne pas diriger la vue. née en 1976 à Brest, vit et travaille à Paris