Rencontre avec Manoel de Oliveira

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Rencontre avec Manoel de Oliveira
Rencontre avec Manoel de Oliveira
Université Paris 8
Rencontre avec Manoel de Oliveira
Dans le cadre de SUPER 8, l'année du cinéma, Manoel de Oliveira, cinéaste portugais reçoit
le titre de Docteur Honoris Causa
En raison d'une grève des contrôleurs aériens, la journée de remise du titre de
Docteur Honoris Causa à Manoel de Oliveira est réportée au mois de mai.
Mardi 3 avril 2012
à partir de 14h
Amphi X
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Personnalité unique dans l'histoire du cinéma, Manoel de Oliveira est un cinéaste désormais centenaire (il est né
en décembre 1908, à Porto) qui continue sans relâche son activité puisqu'après avoir réalisé plus d'une
cinquantaine de films, il présentera prochainement un nouveau film.
Oliveira a commencé le tournage de son premier film, Douro faina fluvial, en 1929, âgé d'à peine plus de vingt
ans, et il dut attendre&hellip; 1969, et la préparation du Passé et le présent pour trouver enfin un rythme régulier
de création. Cette longue période est d'abord marquée par la diversité : son premier court métrage est une
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oeuvre d'avant-garde, il est suivi de la rédaction de quelques scénarios, et de la réalisation de bandes quasi
publicitaires. Parallèlement, Oliveira essaie de devenir comédien et passe une partie de son temps dans les
compétitions sportives (saut à la perche et courses automobiles). Une étape est franchie en 1942 avec la
réalisation d'Aniki-Bóbó, son premier long métrage, quasiment autoproduit. Le film dépeint les aventures d'une
bande d'enfants, sur un mode qui n'est pas dénué de fantastique ni de cruauté.
La carrière d'Oliveira se trouve alors entravée par la situation sociale et politique de son pays. En effet, des
contraintes fortes pèsent sur la production nationale pendant la guerre et surtout après : la censure du régime de
Salazar reste sévère et les projets d'Oliveira sont refusés, c'est le cas notamment de la version originale
d'Angélica &ndash; qu'il tournera finalement en 2009. Le cinéaste réalise quelques courts métrages de
commande tout en cultivant ses vignes. Après une longue attente, il peut toutefois achever deux oeuvres au
début des années 1960 : La Chasse dont le réalisme grotesque et la portée morale laissent deviner un Portugal
bien peu folklorique ; Acte du printemps, enregistrement d'un mystère de la Passion représenté par une troupe
d'amateurs lors des fêtes de Pâque.
A la fin des années 1960, le régime commence lentement à se libéraliser. La fondation Gulbenkian entre alors
dans la production cinématographique et Oliveira en est le premier bénéficiaire. S'ouvre alors la décennie des
chefs-d'oeuvre (Le Passé et le présent, Benilde ou la Vierge-mère, Amour de perdition, Francisca) alors qu'en
avril 1974, la Révolution des oeillets met fin à plus de quarante ans de régime oppressif, libérant dans
l'enthousiasme les énergies créatrices. Le cinéaste et la critique à sa suite ont baptisé la série réalisée pendant
la décennie « la tétralogie des amours frustrés », afin de désigne ce goût pour l'impossible que l'on trouve dans
son oeuvre et qui perdure jusqu'à aujourd'hui. Dans cette série de films, Oliveira affirme un penchant pour la
théâtralité (des plans longs, des acteurs souvent immobiles pour proférer leur texte, des adresses fréquentes à la
caméra), et une inclination pour l'enregistrement d'un texte littéraire qui en font un grand cinéaste de la parole.
Ces films lui apportent une reconnaissance à l'étranger, en France et en Italie en particulier. A la tétralogie
succèdent Le Soulier de satin et Mon Cas. Le réalisateur, conscient d'avoir franchi une étape et soucieux de ne
pas s'enfermer dans un système, cherche alors à renouveler son travail et à l'orienter vers d'autres voies. Avec
Les Cannibales (1988), débute une période, non close à ce jour, marquée par une productivité sans relâche et
une variété étonnante. D'une profonde originalité, l'oeuvre récente associe aussi bien d'amples méditations sur
le devenir mortel des civilisations qu'un humour constant. Grand cinéaste de la parole depuis les années 1970,
Oliveira montre par ailleurs un tempérament visuel exceptionnel. Une caractéristique majeure de ses films est
également de refuser l'esprit de sérieux même lorsqu'il s'agit d'aborder des questions graves. Ainsi le cinéaste
ne craint jamais une touche d'impertinence pour empêcher la crispation des certitudes, le figement académique,
ou même l'assurance du vieux sage qui pourrait formuler le dernier mot. De la sorte, habitée par un doute
joyeux, l'oeuvre d'Oliveira reste toujours en devenir.
Honorer Manoel de Oliveira c'est célébrer un créateur à la longévité exceptionnelle qui a traversé presque un
siècle de cinéma tout en restant soucieux de questionner son art. Loin de s'enfermer, en effet, dans un système
qui aurait facilité l'identification d'une marque de fabrique, Oliveira n'a cessé de remettre sa pratique en question
afin d'indiquer de nouvelles possibilités pour le septième art. Cette remise en question, indice d'un véritable esprit
de recherche, va de pair avec une curiosité forte pour le monde contemporain comme pour l'histoire. Avec une
ambition démesurée Non ou la vaine gloire de commander (1992) présentait l'histoire du Portugal en inversant la
légende héroïque pour se concentrer sur les défaites. D'autres films (Parole et utopie, Le Cinquième Empire, Un
film parlé ou Christophe Colomb, l'énigme) participent à une telle interrogation critique sur l'histoire. Penser la
tradition, sans vénération, dans le but explicite de mieux comprendre le présent et de préparer l'avenir sont donc
autant d'ambitions propres au cinéaste portugais qui ne peuvent qu'entrer en résonance avec les valeurs
humanistes d'une université.
Si Oliveira incarne un siècle de cinéma tout en restant résolument tourné vers l'avenir, il est aussi emblématique
d'un véritable dialogue entre les arts : il a en effet effectué un grand nombre d'adaptations littéraires, certains de
ses films expriment un goût pour la théâtralité, et son travail de l'image témoigne d'un grand raffinement
esthétique. Il s'agit donc d'un grand créateur de formes au plan mondial, qui a fait du cinéma un lieu de
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rencontres et de convergences de diverses pratiques. Outre l'hommage à l'oeuvre, l'université salue le parcours
d'un individu. Oliveira est un homme de principe, qui a refusé les compromissions pendant que son pays
subissait la dictature salazariste, ne tournant que de manière épisodique, préférant essuyer les verdicts négatifs
de la censure ou les tracas de la police politique plutôt de proposer des projets qui auraient été en accord avec
l'idéologie de l'Etat Nouveau. Après la Révolution et l'instauration de la République, Oliveira est resté tout aussi
intraitable sur ses choix artistiques refusant de suivre les modes passagères ou les facilités
commerciales.Manoel de Oliveira est enfin un cinéaste européen. Sans doute est-ce dû au sort du Portugal,
ancien pays glorieux, mais situé sur les marges du continent, et ayant passé presque la moitié du XXe siècle
étouffé par un régime sénile. Oliveira est en tout cas soucieux de la diffusion de ses films partout dans le
continent et de leur contribution à l'existence d'une véritable culture commune européenne.
Entrée libre
Contact : [email protected]
Pour en savoir plus sur l'année du cinéma : www.cinema2012.univ-paris8.fr
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