Image - Disney Magic Interactive

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IL ÉTAIT UNE FOIS… EURODisney
II. Europeanizing the Magic Kingdom
par Kevin H.
La conception d’EuroDisney commence quelques années après l’ouverture de Tokyo Disneyland (le 15
avril 1983), le premier parc Disneyland bâtit hors du territoire américain. À l’époque, les consignes
étaient claires du côté japonais : « Ne japonisez pas le parc ». Le contrat portait ainsi sur une réplique
quasi-exacte des parcs existants – quasi-exacte car quelques modifications ont été apportées,
notamment pour s’adapter au climat peu clément de la région nippone. Mais cette fois-ci, le défi sera à
la fois plus ardu et plus excitant pour les équipes de Walt Disney Imagineering1. En effet, une des
conditions sine qua non dans la réalisation d’Euro Disneyland était la prise en compte de l’héritage
culturel français et européen. Ce point est d’ailleurs clairement souligné dans la Convention pour la
création et l’exploitation d’Euro Disneyland2, liant The Walt Disney Company et l’État français – Titre 2 ;
Article 6 : « Afin de permettre au public étranger de mieux connaître la France, la société Pivot prendra
en compte, lors de la conception et de la réalisation du Parc, les thèmes du patrimoine et de l'héritage
culturels et historiques français et européens ».
À vrai dire, réaliser une copie conforme des parcs existants n’intéressait pas réellement Tony Baxter responsable du projet - et ses équipes3. Dans une réunion avec Michael Eisner, il déclare alors « Nous
allons construire un resort à proximité d’une des villes les plus sophistiquées et cultivées au monde, et
nous allons devoir être crédible par rapport à l’art et à l’architecture européenne. Nous devons faire
quelque chose d’unique ». C’est avec cette idée directrice que va donc commencer la conception du
parc ; chaque land, chaque attraction, chaque détail sera soigneusement étudié dans un souci de
qualité et de rigueur thématique et architecturale. Plus encore, chaque thème sera repensé et remodelé
de façon à s’adapter davantage aux mentalités et à l’imaginaire collectif européen, et, ceci, comme
nous allons le voir, de façon plus ou moins subtil…
(2) Tony Baxter
Filiale de The Walt Disney Company chargée de la conception et de la réalisation des parcs à thème
Voir la première partie du dossier, « Avant même le commencement… ». Disponible sur Disney Magic Interactive
3 Dont Eddie Sotto (show producer et lead designer de Main Street U.S.A.), Jeff Burke (Frontierland), Chris Tietz
(Adventureland), Tom Morris (Fantasyland) et Tim Delaney (Discoveryland)
1
2
Main street U.S.A.
La conception. – Main Street U.S.A. est somme toute assez ressemblante à ses aînées californiennes
et floridiennes ; pourtant, sa conception a été assez tourmentée. L’idée de reproduire une grand’rue
d’une petite ville américaine du début du XXème siècle, conformément aux modèles américains,
n’enchantait guère les imagénieurs. L’argument avancé était que le style victorien qui inspira
l’architecture de Main Street U.S.A. était initialement originaire d’Angleterre, et que, de ce fait,
l’atmosphère ne serait pas suffisamment immersive et dépaysante pour le public européen. Tony Baxter
et Eddie Sotto4 développèrent alors l’idée d’une rue plus moderne, inspirée de l’ambiance de New York
et de Chicago dans les années 1920, à la fois jazzy et glamour, sous un feu de strass et de paillettes,
telle qu’elle était retranscrite dans le cinéma hollywoodien. L’idée, bien que séduisante, fût accueillie
avec appréhension par les dirigeants de The Walt Disney Company, et notamment Michael Eisner, qui
pensait que le thème général renverrait aux gangsters et à la corruption. Eddie Sotto et Tony Baxter
revinrent alors à l’idée originale mais entreprirent de la modifier afin de donner tout de même un aspect
plus moderne à cette rue (enseignes lumineuses, bâtiments plus haut, limousine etc.) tout en
conservant le charme victorien de cette petite ville américaine, au tournant du progrès.
Le progrès justement, est l’une des principales thématiques de ce land. Les voitures tractées par
chevaux y côtoient les véhicules motorisés, l’électricité et la radio font leur apparition, la musique se
popularise, les lampadaires électriques remplacent les becs de gaz au tournant d’Edison street… Tous
les éléments sont réunis pour illustrer le basculement de toute une société dans l’ère moderne, avec les
possibilités que cela offre. C’est ainsi de concert avec le progrès que se métamorphosèrent ces main
streets. Les produits manufacturés issus de l’industrialisation naissante autorisèrent le développement à
plus grande échelle du commerce, permettant à cette allée commerçante de s’imposer comme le
poumon de la ville. L’architecture se fait également plus soignée et plus sûre, les bâtiments en durs se
démocratisent, les styles se font plus originaux et le victorien dans sa diversité fait son apparition.
L’endroit regorge d’un dynamisme et d’une joie de vivre communicative ; un enthousiasme non
dissimulé face aux perspectives d’avenir que profilent les innovations nouvellement démocratisées.
(2) Concept art de Main Street U.S.A. (3) et (4) Concept arts de Main Street U.S.A. des années 1920’s et 1930’s
Les arcades. – À EuroDisney, Main Street U.S.A. se démarque principalement de ses glorieuses
aînées par la présence des deux arcades – Liberty Arcade et Discovery Arcade -, situées de part et
d’autre de la rue. Ces deux allées furent entre autre aménagées afin d’engorger le flot de visiteurs allant
et venant - notamment lors de la parade et à l’heure de la fermeture. Le débit de Main Street U.S.A. a
d’ailleurs longtemps posé un problème. À Disneyland, en Californie, par exemple, l’avenue se révéla
rapidement trop étroite pour contenir les flux de visiteurs ameutés par un succès dépassant les
espérances, à tel point que de nombreuses excroissances de Main Street furent envisagées – sans
succès. Lors de la conception du Magic Kingdom à Walt Disney World, il a donc été décidé d’élargir la
rue mais le résultat visuel ne s’avéra toutefois pas convaincant. Les arcades s’imposèrent donc comme
l’alternative la plus adéquate dans la mesure où elles permettent de conserver une perspective visuelle
4
Lead designer et show producer de Main Street U.S.A.
attrayante et de gérer plus facilement les migrations de visiteurs. Elles deviennent également un abri
idéal en cas d’intempéries, fréquentes en région parisienne. Il est d’ailleurs intéressant de voir que, pour
un cas similaire, à Tokyo Disneyland, il fût choisi de couvrir intégralement Main Street U.S.A. par un
grand toit rappelant un hall de gare, et de n'en conserver que vaguement le thème, ce qui devînt sur
World Bazaar.
(1) Main Street U.S.A. à Magic Kingdom (2) World Bazaar à Tokyo Disneyland
Discovery arcade. – Comme nous allons le voir, chacune des deux arcades renvoient au thème du
land sur lequel elle débouche. La première d’entre elle, Discovery arcade est rattachée à Discoveryland.
Cette allée est en effet consacrée à l’innovation technique et aux visionnaires qui en sont les
précurseurs. Cet hommage prend la forme d’une petite exposition en sept tableaux organisés par
thèmes. Vers 1790, George Washington, premier président des États-Unis, encouragea ce qui
deviendra l’un des piliers de l’Amérique moderne : l’esprit d’innovation. Il formule en ce sens le « Décret
pour la promotion des arts utiles ». S’en suivra pendant près d’un siècle un bouillonnement créatif sans
précédent qui incitera chacun à imaginer de nouvelles inventions, plus ou moins loufoques, dont
certaines verront le jour tandis que d’autres ne dépasseront pas le stade la conception. Vestiges des
temps passés, une cinquantaine de ces miniatures, issues de la collection du millionnaire américaine
Cliff Petersen, a ainsi trouvé refuge à EuroDisney, exposées en continu et regroupées en sept thèmes
distincts.
Le premier tableau est dédié, comme une introduction, à « L’esprit de découverte ». On y trouve une
série d’inventions résumant bien à elles seules ce qu’ont été ces années folles et l’effervescence
innovatrice qui régnait alors. Par exemple, une « Échelle incendie » de 1878. S’en suit ensuite une
vitrine consacrée aux « Inventions domestiques » (Séchoir à linge, 1879 ; Porte-poubelle, 1878), aux
« Inventions industrielles » (Instrument à poinçonner les ceintures, 1890 ; Machine à laver le minerai,
1880), puis à Opel (machine à coudre, bicyclette, automobile), à « La découverte des loisirs » (Jeu de
cube, 1866 ; Cheval à bascule, 1861), à « L’invitation aux voyages » (Voie de chemin de fer surélevée,
1879 ; Bicyclette amphibie, 1869) et enfin, comme pour conclure cette exposition par un ouverture vers
Discoveryland, « À la découverte du futur » qui conte le rôle des inventions dans les arts et la littérature
(Jules Verne, H.G. Wells, Moteur électromagnétique, 1874).
(1) George Washington (2) Adam Opel (3) H.G. Wells (4) Jules Verne
Si on scrute attentivement les thèmes proposés, ceux-ci nous révèlent une perception subtile de
l’évolution de la société américaine – et occidentale - par le biais de l’innovation. D’abord, celle-ci se
diffuse au sein des ménages, améliorant leur quotidien – de façon encore rudimentaire il est vrai - ;
puis, elle s’élargit à l’industrie durant la Révolution industrielle et l’avènement des premières grandes
firmes avant d’entrer de pleins pieds dans l’ère des loisirs et des voyages avec la baisse du temps de
travail et l’augmentation du pouvoir d’achat (XXème siècle). Enfin, la dernière vitrine rend hommage aux
visionnaires européens que sont Jules Verne et H.G. Wells qui, à travers leurs visions du futur parfois
pas si éloignées de la réalité, donnèrent confiance en l’avenir à des millions d’hommes. Comme un
signe, le célèbre homme de Vitruve de Leonard de Vinci, sans doute le plus grand savant et visionnaire
qu’ait vu naître ce monde, orne le plafond de l’arcade. Toujours dans cette optique, une série d’affiches
réalisées par Jim Michaelson présente, dans le style de Robida, une vision rétro futuriste des grandes
villes américaines marquées par une omniprésence du style victorien rappelant aisément l’architecture
de Discoveryland. L’innovation et la quête du futur, telle est l’essence de Discovery arcade.
Liberty arcade. – Liberty arcade est un hommage rendu à l'amitié franco-américaine à travers une
exposition sur la Statue de la Liberté, retraçant les moments forts de sa création et de son histoire –
ponctuée par un petit show présentant son inauguration. La Statue de la Liberté fût offerte par la France
aux États-Unis pour le centenaire de l'Indépendance américaine (1776) et inaugurée en 1886.
L’une des motivations du côté de The Walt Disney Company pour la création d'Euro Disneyland était
non seulement un retour aux sources culturelles américaines - la culture européenne ; mais également
un retour aux sources plus personnel pour Walt Disney – bien que celui-ci se soit éteint vingt ans
auparavant. En effet, en remontant l’arbre généalogique, on peut lire que la famille Disney est originaire
d'Isigny-sur-mer, en Normandie. Au milieu du Moyen-Âge, elle avait émigré en Grande-Bretagne, avant
que l’arrière grand-père de Walt ne s’expatrie aux États-Unis en 1834.
Située à l’entrée du port de New York, la Statue de la Liberté est historiquement le premier symbole
américain aperçu par les émigrants, transitant par Ellis Island. Même si elle ne trônait pas encore à
l’époque d’Arundel Elias Disney, elle rappelle que la civilisation américaine s’est construite autour
d’émigrants européens… dont fait évidemment parti la famille Disney. En terme de thème, le but de
cette arcade est de créer un parallèle, un point de convergence, entre l'histoire européenne (ici
française) et américaine, à travers un symbole fort, synonyme de paix et de liberté.
Mais Liberty arcade est également directement lié à Frontierland. Comme nous le verrons à posteriori,
Frontierland est dédié à la conquête de l’Ouest et à ses mythes. Les terres de l’Ouest, ces grandes
étendues vierges et sauvages, inspiraient un sentiment de liberté aux pionniers américains ; un
nouveau monde, une vie meilleure ; le même sentiment qu’insufflait la Statue de la Liberté aux migrants
européens, en quête d’une autre vie, fuyant les difficultés qui avaient fait leur quotidien sur le Vieux
continent. L’Ouest et la Statue de la Liberté font partie intégrante du rêve américain, un monde où les
frontières peuvent être constamment repoussées, où règne la paix et la liberté. En somme, une
introduction idéale pour l’époque qui verra naître la conquête du futur territoire américain. Un processus
s’achevant en 1776 avec l’indépendance des États-Unis dont la Statue de la Liberté commémore
justement le centenaire…
Frontierland
La conception. – Frontierland est un land dédié à la conquête de l'Ouest aux États-Unis au XIXème
siècle. Le mot frontier est d'ailleurs un élément fondateur dans le mythe de la conquête de l'Ouest, celui
de la frontière sans cesse repoussée vers l'Ouest par les pionniers, séparant les États en structuration
issus de la colonisation du continent américain et l’Ouest « sauvage ». Dans les parcs américains, le
thème est plutôt vague et permet de lier des éléments plus ou moins anachroniques mais qui se
rejoignent autour du thème de l’Ouest dans l'imaginaire collectif américain, comme par exemple le
Mississipi de Tom Sawyer – limite historique entre l’Est et l’Ouest -, les mines d'or de Big Thunder
Mountain ou les vestiges de la guerre du Mexique.
L’Europe et la conquête de l’Ouest. – En Europe, la Conquête de l'Ouest américaine et le mythe de la
Frontière sont davantage célèbres grâce au cinéma – les fameux westerns des années 1930 et 1960 que par la littérature (Les Aventures de Tom Sawyer, 1876, et Les Aventures de Huckleberry Finn,
1884, de Mark Twain, etc...) et se doivent d'être de ce fait représentés différemment. Alors qu’elle est
un mythe fondateur outre-Atlantique, cette période de l’histoire américaine ne suscite sur le Vieux
continent qu’un désir d’aventure, un fantasme de solitude hors-la-loi et d’excès en tout genre dans une
zone de non-droit, l’horizon infini à peine rompu par les extravagances géologiques de Monument
Valley ou de Bryce Canyon. Une vision stéréotypée et conditionnée par les diverses représentations
cinématographiques. La représentation française est donc logiquement davantage tourné vers les cowboys, les indiens et les mines d'or, que vers Tom Sawyer et ses aventures sur le Mississippi - bien que
les steamboats de Rivers of the Far West rendent hommage à cet univers de par leur nom : « Mark
Twain » et « Molly Brown »5. Le chemin de fer est lui aussi prédominant, la vue constante de Big
Thunder Mountain et du Disneyland Railroad favorise l’omniprésence d’un élément principal de la
conquête de l’Ouest, qui permit de coloniser des terres vierges et inhospitalières, structurant le territoire
américain et facilitant les échanges en son sein. Quant au nom du land, le mot frontier a logiquement
été conservé dans la mesure où il garde la même signification à la fois pour les anglophones que pour
les francophones – tandis qu’à Tokyo Disneyland, cette zone du parc a été rebaptisé Westernland car
ce mot ne prend là-bas aucune signification.
(1) Bryce Canyon (2) Mark Twain (3) Molly Brown (4) Monument Valley
Margaret « Molly » Tobin Brown, surnommée l’insubmersible est une rescapée du Titanic originaire d’Hannibal, Missouri, la
ville de Mark Twain, 1867-1932
5
Thunder Mesa. – Pour affirmer cette nouvelle vision de l’Ouest, Jeff Burke - lead designer et show
producer de Frontierland - et son équipe d’imagénieurs ont intégralement réimaginé Frontierland et ont
ainsi créé une toute nouvelle mythologie autour de ce land. L'action se situe aux alentours de 1880 à
Thunder Mesa, une ville champignon construite vers 1853 autour de l'exploitation de la mine d'or de Big
Thunder Mountain, aujourd'hui abandonnée suite à un violent tremblement de terre. À la période à
laquelle nous pénétrons dans la ville, celle-ci est totalement déserte et abandonnée : la ville
champignon est devenue ville fantôme, comme bien souvent à l’époque une fois le filon d’or épuisé.
L'entrée dans Thunder Mesa, se fait par le Fort Comstock6, une forteresse en bois utilisée comme
prison, vestige des premiers colons qui peuplèrent la région. Aux abords, les tipis d’indiens Shoshones
illustrent l’opposition pacifique entre deux civilisations dont la cohabition n’a pas systématiquement
mené à un bain de sang. La preuve en est. Une fois le fort passé, le paysage de Frontierland fait
largement pensé à un décors de Western avec de larges rues dont on imagine aisément qu'elles aient
été le théâtre de duels de cow-boys, si récurrents dans les westerns. On peut d’ailleurs en entendre la
musique, en grande partie reprise de ses fameux films (Le Bon, la brute et le truand, Pour quelques
dollars de plus, etc.), illustrant une fois de plus l'influence du western cinématographique dans la
représentation de la conquête de l’Ouest à Frontierland.
(1) Concept art de Fort Comstock (2) Panorama de Frontierland (3) Le Mark Twain
Big Thunder Mountain. – L'attraction Big Thunder Mountain railroad occupe la place centrale du land,
sur une île, comme Tom Sawyer island aux États-Unis. L’exploitation de la mine est assuré par Big
Thunder Mining Company, la société d’Henry Ravenswood, après la découverte d’or en 1853 - soit
quatre ans après la début de la ruée vers l’or. Une exploitation florissante qui accorda à Thunder Mesa
ses galons d’honneur, mais qui en sonna également le glas. Quelques années plus tard en effet,
l’extraction d’or est brutalement abandonnée après qu’un tremblement de terre, causé, selon la
légende, par l’Oiseau tonnerre (Thunderbird), une divinité indienne qui protégeait la mine et punissait
quiconque s'y approchant, rendu l’exploitation impossible.
Mais plus qu’une simple attraction, nous sommes ici en présence d’un monument, d’un wienie7, élément
fondateur de la mythologie de Thunder Mesa et poumon de la région. De la création de ville, à la fortune
des Ravenswood, en passant par la légende de Diamond Lill, chaque histoire est en lien avec la mine…
jusqu’à ce drame qui en causa la fermeture.
Mis à part son emplacement et son allure, l'attraction varie peu par rapport aux versions américaines plus secouantes il est vrai. Les roches formant la montagne sont inspirées de Bryce Canyon, pour la
partie arrière et les bords de la montagne, et Monument Valley pour la partie centrale, qui a le mérite
d'avoir une allure plus majestueuse et des roches moins marquées par l'érosion. La version de Walt
Disney World s'inspire elle uniquement de Monument Valley et celle de Disneyland de Bryce Canyon.8
Du nom d’une mine d’or de Virginia city, Nevada et du landscape designer de Disneyland Paris, Paul Comstock
Elément visuel utilisé pour guider les guests à l’intérieur et autour d'un espace. Cet élément doit être assez haut pour être
vu de loin et suffisamment intéressant et intriguant visuellement pour attirer le visiteur. Les wienies sont des éléments
fondamentaux dans l'organisation spatial et thématique des parcs Disney dans la mesure où ils structurent chacun une zone
8 Voir photos page précédente
6
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Phantom Manor. – L’autre attraction phare de Frontierland est Phantom manor, l'adaptation
européenne des célèbres Haunted mansion. Son emplacement se fit d'ailleurs plutôt par défaut,
puisque le parc n’incluait ni Liberty Square (Magic Kingdom) ou de New Orleans Square (Disneyland) et
que les autres lands n'étaient pas adéquates pour accueillir une maison hantée – par rapport aux
mœurs européennes. L’occasion qui se présenta alors aux imagénieurs était trop belle pour ne pas
laisser libre cours à leur imagination débordante. La storyline de l'attraction a été donc complètement
bouleversée afin de coller au thème et développer un univers singulier autour du land. À l'origine,
Haunted mansion est une maison hantée abritant 999 fantômes, sans, il faut le dire, davantage
développer de trame narratrice. Ici, l'action prend place dans le manoir de la famille Ravenswood dont
le père, Henry, exploitait la mine de Big Thunder Mountain par le biais de sa société, la Big Thunder
Mining Company. La légende raconte que Mélanie Ravenswood tomba amoureuse d'un roturier, et,
sans l'accord de son père, décida de se marier. Quelques jours avant la cérémonie, Henry et Martha
Ravenswood périrent dans le tremblement de terre de Big Thunder Mountain qui mit fin à l'exploitation
de la mine. Le mariage se déroule tant bien que mal mais le marié ne se présente désespérément pas,
et pour cause, il a été assassiné par pendaison par un mystérieux personnage, le Phantom. Dès lors, le
mariage se transforme en bal funèbre... la suite tout le monde la connaît.
L'un des points intéressants de l'attraction est l'architecture du Ravenswood Manor, qui rappelle les
magnifiques demeures victoriennes – ici de style second empire - érigées à l’époque par ces nouvelles
fortunes opportunistes et mégalomanes à la recherche d’une gloire tape-à-l’œil. Les bâtisses des parcs
américains ne correspondant pas au thème du Western, les imagénieurs se replongèrent donc dans les
archives de Glendale9 et y retrouvèrent les esquisses préliminaires réalisées pour la première Haunted
Mansion. Parmi elle, le manoir tel que nous le connaissons, que Walt Disney avait rejeté à l’époque car
il refusait l'idée qu'un bâtiment de Disneyland ait l'air abandonné ou délabré. Il autorisa alors son ami
Alfred Hitchcock à se servir de ses dessins préparatoires pour un film d’horreur qu’il était en train de
produire : Psychose. Ironie de l’histoire, c'est précisément ce point qui fit la différence, trente ans après,
dans la décision des imaginéeurs de retenir cette demeure, profondément ancrée dans l'imaginaire
collectif de toutes une génération d'européen justement grâce… au film Psychose.
(1) Concept art de Haunted Mansion (Disneyland) (2) Phantom Manor (3) Le manoir de Psychose
Ville de Californie où se situe le G3C (Grand Central Creative Campus) abritant, entre autre, le siège de Walt Disney
Imagineering ainsi que l'Information Research Center, qui regroupe à la fois les archives de la société et une bibliothèque de
recherche
9
Adventureland
La conception. Dans les parcs américains, Adventureland reprend le thème de l'exploration, de
grandes zones vierges inexplorées (Jungle cruise), notamment indiennes et africaines. Cela a pour
mérite de stimuler l'esprit pionnier des américains et de rappeler les premières heures de la colonisation
à la fin du XVème siècle. À cela s'ajoute dès 1963, une zone sur les îles du Pacifique, seules
« colonies » américaines (Tahiti) ; zone que nous ne retrouvons pas en France car elle évoque peu aux
européens. Adventureland à EuroDisney est, en revanche, plus varié. Chris Tietz et les siens étudièrent
plus précisément la culture des européens et en déduirent leurs rêves d’aventure. En découlèrent ainsi
cinq zones à thème. La première, l'entrée par le hub, représente le Moyen-orient et abritait le Bazar
d'Agrabah qui proposait des produits artisanaux orientaux. La seconde est la zone africaine, où se
trouvent, entre autre, la Girafe curieuse et le restaurant Hakuna matata, et plus loin, est représentée la
jungle indienne (Indiana Jones et le temple du péril, Colonel Hati's outpost). Au centre du land,
Adventure Isle est dédié à la famille des Robinson suisse et à l'Île au trésor qui réalise ainsi la jonction
avec la dernière zone, la zone Caraïbes (Pirates des Caraïbes, Blue lagoon).
(1) Concept art de Skull Rock (2) Quartier oriental (3) Indiana Jones et le temple du péril (4) Concept art de La Cabane des
Robinsons
La façade de Pirates des Caraïbes présente, à l'instar de Phantom manor la particularité de se
distinguer de ses glorieux aînés. À Disneyland, l’attraction se situe à New Orleans Square, un land
dédié à la Nouvelle-Orléans que nous ne retrouvons pas à Disneyland Paris car ce thème est pas
évocateur dans l'imaginaire européen ; la façade y est parfaitement intégré dans un style architecturale
New Orleans, rappelant les ports des Caraïbes - comme Port Royal dans le film. À Disneyland Paris, le
bâtiment est un fort visiblement en ruine, qui a probablement fait les frais d'une rude bataille. Au
sommet de celui-ci trône glorieusement le drapeau noir des pirates. La storyline de l'attraction a ensuite
été modifiée pour coller à cette nouvelle ambiance. En Europe, un bâtiment rappelant les Caraïbes
aurait certes été dépaysant, mais n'aurait pas été conforme à la représentation que se font les
européens des pirates. Ainsi, pour rentrer davantage dans l'imagerie du pirate, le bateau du capitaine
Crochet a été installé près de Skull rock, en bordure d'Adventure isle.
(1) Façade de la version parisienne de Pirates des Caraïbes (2) Entrée de la version originale californienne
Le passé colonial européen. - La diversité des paysages que l'on trouve à Adventureland illustre
davantage la connaissance du monde des européens et la diversité culturelle du continent, héritées, en
grande partie, d'un fort passé colonial, à la fois en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. Le thème
d'Adventureland n'est donc plus seulement l'exploration de terres vierges - que l'on retrouve toutefois
dans la zone Asie et à Adventure Isle – mais surtout une ouverture d'esprit vers d'autres cultures, avec
lesquels nous partageons une histoire commune – une fascination née dès l’Antiquité sous l’impulsion
des diverses croisades et expéditions, qui s’amplifia au Moyen-Âge et plus encore à l’époque des
Lumières.
Il faut aussi souligner que quelques années auparavant, la zone World Showcase à Epcot avait
démontré que des zones très différentes architecturalement, représentant côte à côte des régions
pourtant fort éloignées sur le globe, pouvait parfaitement cohabiter.
Photo : Wikipédia
Les empires coloniaux en 1945
La littérature à Adventureland. – Si le passé colonial européen a toujours fasciné et flatté le côté
aventurier qui se cache en chacun, la littérature n’en a pas moins contribué à réaliser ces fantasmes. Il
n’est ainsi guère étonnant de retrouver de nombreux clins d’œil à la littérature européenne et orientale
tout le long d’une promenade à Adventureland.
Bien qu'adapté d'un film Disney (Les Robinsons des mers du Sud, 1960), La Cabane des Robinson qui
règne triomphalement sur Adventure Isle, fait en grande partie référence à l'oeuvre de Johann David
Wyss10. Le Robinson Suisse (1812) conte l’histoire de la famille Robinson, rescapée du naufrage de
leur navire, obligée à organiser leur survie sur une île déserte en bâtissant leur gîte sur un arbre géant.
Si la qualité de ce roman est discutée, il introduit ici toutefois le thème récurrent de l’île déserte,
répondant aux désirs de fuite de la civilisation et d’aventures sauvages. Plus loin à Adventure Isle, Ben
Gunn's cave et Spyglass hill renvoient au célèbre roman L'île au trésor (1883) de Robert Louis
Stevenson11.
Davy Jones's locker, une expression employée rappelle le mythe de Davy Jones, très répandu chez les
marins européens. Cette expression fût employée pour la première fois par Tobias George Smollett12
dans Les aventures de Peregrine Pickle (1751), mais également évoqué par Daniel Defoe13 et Robert
Louis Stevenson. L’origine de la légende de Davy Jones est somme toute assez mystérieuse. Dans son
roman, Smolett le présente comme « le monstre qui préside au delà de tous les esprits diaboliques des
Romancier suisse qui écrivit Le Robinson Suisse car il n’appréciait guère le personnage de Robinson Crusoé, 1743-1848
Grand voyageur et écrivain écossais, auteur de Dr. Jekyll et Mr. Hyde, 1850-1894
12 Romancier écossais principalement connu pour ses aventures picaresques, 1721-1771
13 Aventurier, commerçant, agent politique et écrivain anglais, auteur de Robinson Crusoé, 1660-1731
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océans, et est souvent vu sous diverses apparences ; situé dans les cales la veille des ouragans,
naufrages, et autres désastres qui mettent en péril la vie des équipages, les avertissant de leur mort
prochaine. » D’autres l’affichent comme étant l’incarnation du diable sur les océans ou encore le
dépositaire de toutes les âmes et bateaux naufragés en mers. Son nom donna vie à une myriade
d’expressions funestes comme « To be sent to Davy’s Locker » (mourir en mer) ou encore « To awaken
Davy Jones » (causer une tempête). Sa présence à Adventureland laisse planer sa pernicieuse ombre
sur le naufrage de la famille Robinson, référant le fond des océans par opposition au Ventre de la Terre,
situé de l’autre côté de la rivière.
Enfin, Skull rock et le bateau du Capitaine Crochet sont eux tout droit sorti du film d’animation Peter Pan
(1953) inspirés du roman du même nom de James Matthew Barrie14. Mis à part le Passage enchanté
d’Aladdin, c’est ici la seule référence à un film d’animation Disney15 ; conforme à l’imagerie de la
piraterie comme nous l’avons vu précédemment.
Le quartier moyen-oriental marquant l’entrée du land via le hub est quant à lui entièrement consacré
aux Contes des Mille et une nuits. Ce recueil de contes orientaux qui fascine l’Europe depuis des
siècles, fût traduit dès le XVIIIème siècle en France par Antoine Galland16, et atteint l’apogée de son
succès au XIXème quand les écrivains d’alors en firent leur livre de chevet. À Adventureland, on trouve
des clins d’œil à la narratrice des contes dans la boutique Les trésors de Schéhérazade, ou encore La
Reine des Serpents dans la boutique du même nom. Le Passage d’Aladdin rend lui hommage au film
d’animation des studios Disney (1992) inspiré d’Aladin et la lampe merveilleuse, lui aussi tiré du recueil.
Enfin, sur les toits des bâtiments, on retrouve d’autres allusions à ce recueil, notamment l’œuf de Rokh,
issu du cinquième voyage de Sinbad le marin.
Romancier et dramaturge écossais, 1860-1937
Les restaurants Hakuna matata et Colonel Hatit’s outpost furent renommés ainsi quelques années après l’ouverture
16 Orientaliste français, spécialiste d’histoire, de manuscrits anciens et de langues orientales, 1646-1715
14
15
Détails du quartier Moyen-oriental d’Adventureland
Fantasyland
La conception. – De tous, Fantasyland est probablement le land le plus emblématique de Disneyland ;
le seul endroit presque exclusivement dédié aux films d’animation qui firent la réputation de Walt Disney
ainsi qu’aux contes et légendes européennes qui les inspirèrent. Pourtant présente sur le plan de
Disneyland dès 1955, cette zone subit de nombreuses mutations depuis sa conception initiale. À
l’époque, Fantasyland n’était qu’une sorte de foire médiévale dans laquelle s’enchevêtraient tentes aux
couleurs criardes, fanions et écussons, le tout enceint d’une muraille de château fort. Néanmoins, Walt
avait en tête une vision différente du land. Il souhaitait que les visiteurs puissent flâner dans un village
aux airs bavarois, en harmonie avec le Château de la Belle au bois dormant, inspiré du château de
Neuschwanstein en Bavière. Malheureusement, les crédits financiers de WED17 ne permettant un tel
investissement, ce thème ne fût pas retenu et les tentes firent leur apparition. Toutefois en 1982, les
imagénieurs eurent le loisir de revoir la copie de leurs glorieux aînés. Ouvrit ainsi en 1983, près de
trente ans après l’ouverture de Disneyland, New Fantasyland, mettant en scène le village bavarois tant
escompté.
Quelques années plus tard, l’occasion était trop belle. La construction d’un parc Disneyland en Europe
justifiait amplement un approfondissement de ce thème et la Convention signée avec l’Etat français
stipulait, de plus, de faire la part belle à la culture française et européenne. Tous les éléments étaient
ainsi réunis pour faire de ce Fantasyland le plus beau et le plus original de tous. Les imagénieurs
imaginèrent alors de diviser le land en quartiers, à l’instar d’Adventureland, chacun dédié à l’un des
pays natal des contes de fées.
WED Enterprises, des initiales de son créateur Walter Elias Disney, était à l’origine une entreprise indépendante créée en
1952 pour concevoir et réaliser Disneyland. WED sera racheté par Walt Disney Productions en 1965 qui en fera une filiale et
renommé Walt Disney Imagineering en 1984
17
France. – Le quartier français est sans aucun doute l’un des plus importants de Fantasyland. Non
seulement car il met en scène le pays hôte du parc, mais aussi car la France est la patrie des contes de
fées et de Charles Perrault pour ne citer que lui. On y trouve tout d’abord le Château de la Belle au bois
dormant mais aussi le Carrousel de Lancelot, l’épée du Roi Arthur, l’Auberge de Cendrillon, les
boutiques Sir Mickey’s et la Ménagerie du château ainsi qu’une attraction sur la Belle et la Bête – hélas
non construite.
L’architecture des environs de l’Auberge de Cendrillon, d’après le conte de Charles Perrault18, n’est pas
sans rappeler les Châteaux de la Loire (XVème et XVIème siècle). Les murs sont composés de briques
blanches, tandis que les toits de tuiles arborent des teintes bleu foncées. Les tours sont ponctuées par
des sommets pointus et les façades jonchées de larges fenêtres élégantes pour les étages inférieurs, et
de fines ouvertures pour les étages supérieurs, typiques de la période de la Renaissance, marquant
une douce rupture avec le tout guerrier médiéval. Autre symbole de la finesse hexagonale, les jardins à
la française sont mis à l’honneur dans l’espace béant qu’aurait du occuper l’attraction La Belle et la
bête, à travers une plantation de haies où règnent les principes du jardin classique : symétrie, triomphe
de l’ordre sur le désordre, du réfléchi sur le spontané, de la culture sur la nature sauvage.
(1) et (2) Détails de la façade de l’Auberge de Cendrillon (3) Détails du château d’Azay-le-rideau (4)) Château d’Ussé
Toutefois, les boutiques adjacentes à l’Auberge de Cendrillon - Sir Mickey’s et la Ménagerie du château
- rompent avec l’architecture raffinée de la Renaissance française, pour revenir à un style plus médiéval
mais surtout plus fantaisiste, à l’image de l’univers dépeint dans les courts-métrages de Walt Disney.
On y retrouve le thème du moyen-métrage Mickey et le haricot magique (1947) par l’intermédiaire du
haricot qui s’érige devant la boutique, rappelant la séquence du film où celui-ci grandit durant la nuit.
Par ailleurs, la statue de Dingo dans la Ménagerie du château renvoie au court-métrage Chevalier d’un
jour (1946) le mettant en scène dans un épique tournoi de joute tandis qu’une enseigne discrète fait
référence au court Le Brave petit tailleur (1938). Bien que la plupart soit inspirés de contes anglais ou
allemands, les courts-métrages Disney se déroulent généralement dans des temps immémoriaux,
influencés par l’Europe médiévale, sans aucune autre indication géographique, ce qui justifie leur
emplacement au cœur du quartier français.
(1) Détail du jardin à la française (2) Le brave petit tailleur (3) Le haricot magique à Disneyland (4) Charles Perrault
18
Auteur français, 1628-1703
Le centre de Fantasyland fait référence au cycle de la Table ronde, sans doute la plus célèbre des
épopées moyenâgeuses à travers les attractions le Carrousel de Lancelot et l’épée du Roi Arthur.
L’épée d’Arthur justement, présente dans le film d’animation Merlin l’enchanteur (1963), rappelle
comment Arthur est devenu roi : Alors que la Bretagne était divisée et sombrait dans le chaos après la
mort du roi Pendragon, la légende proclame que cette discorde ne prendra fin que lorsque le grand roi
des bretons brandira Excalibur, une épée magique figée dans la roche devant le château par Merlin. Si
l’intrigue du film se déroule dans l’Angleterre médiévale, il n’est pas établi que la légende s’y déroule
réellement ; celle-ci étant d’origine bretonne et celtique au sens large, englobant ainsi les îles
britanniques mais aussi la Bretagne française. Le Carrousel quant à lui dépeint, à travers différents
tableaux, des scènes des contes de la Table Ronde et de l’histoire de Lancelot du lac.
(1) Le Carrousel de Lancelot (2) et (4) Détails du Carrousel de Lancelot (4) L’épée d’Arthur
Bien que ces trois zones soient finalement assez dissemblables architecturalement, certains éléments
récurrents permettent de les identifier, particulièrement le motif de la fleur de Lys, emblème du roi de
France, présent dans les finitions des bâtiments mais aussi sur les barrières qui entourent les jardins
devant et derrière le Château, s’étendant ainsi jusqu’à Central Plaza d’une part et Fantasia Gelati
d’autre part.
Le quartier germanique. – La zone germanique est représentée face à la zone française. Elle se
compose des dark-rides Les Voyages de Pinocchio et Blanche-neige et les sept nains, des boutiques
La Chaumière des sept nains, La boutique de Geppeto et s’étend jusqu’au restaurant Le chalet de la
Marionnette. Berceau des contes, l’Allemagne a vu naître les frères Jacob et Wilhelm Grimm19,
linguistes de leurs états, qui furent parmi les premiers à retranscrire par écrit des contes de tradition oral
européens, permettant leur popularisation. Parmi eux, Cendrillon, La Belle au bois dormant, Le petit
chaperon rouge (tous trois des versions différentes de l’œuvre de Charles Perrault), Hansel et Gretel,
Tom Pouce, Raiponce, Le vaillant petit tailleur, ou encore Blanche-neige.
A proximité du château, le quartier de Blanche-neige justement, nous transporte dans une région
frontalière de la France, la Forêt-Noire. Selon divers analystes, cette région serait le théâtre des contes
des frères Grimm. Les bâtiments y arborent un style architectural roman assez fin, reprenant les lignes
de châteaux médiévaux, mêlé à des influences rappelant les maisons médiévales et parsemé de
19
1785-1863 et 1786-1859
quelques touches gothiques. Les étages supérieurs des bâtisses (et notamment la tour à l’entrée de
l’attraction) exhibent quant à eux un style typiquement régional présentant des façades caractéristique
des constructions à colombage, que l’on retrouve également dans l’est de la France. Cet
enchevêtrement de styles architecturaux anachroniques révèle parfaitement la volonté d’intemporalité
dans le médiéval disneyen - aussi bien dans les films qu’ici dans les parcs ; la représentation d’une
période historique dans sa diversité, en outrepassant les contraintes historiques et spatiales,
dépeignant assez un monde fantaisiste offrant plus de liberté à la narration du récit.
(1) Façade de Blanche-neige et les sept nains (2) Maison à colombage en Alsace (3) Les Frères Grimm
À côté de Blanche-neige se trouve l’attraction Les Voyages de Pinocchio. Tout comme dans le film,
l’univers recréé ici est celui des chalets bavarois et tyroliens que Walt affectionnait tant. Bien que le
conte original de Carlo Collodi20 soit d’origine italienne, les animateurs des studios Disney firent le choix
de le transposer dans des décors rappelant le sud de la région germanique. Ce choix se fit sous
l’impulsion de Gustaf Tenggren, un artiste européen ayant une connaissance approfondie de son
continent natal, qui fixa l’ambiance générale du film au travers d’une dizaine d’esquisses préliminaires.
Dans le parc, ces influences se traduisent par une omniprésence du bois, tant pour la charpente de la
structure que pour les ornementations (balcons, cadres de fenêtres, etc.) ; ce qui n’est pas sans
rappeler la profession Gepetto, dont l’atelier a ici été converti en boutique ; un artisan ébéniste
passionné de pantins, de marionnettes et de mécanique. Il est d’ailleurs curieux d’observer un clin d’œil
aux origines transalpines du conte dans le nom de cette échoppe : La bottega di Geppeto (la boutique
de Geppeto). Les sommets de clocher en as de pique sont eux inspirés de l’architecture européenne
orientale tel qu’on peut en voir à Augsbourg ou encore en Pologne et en Russie.
(1) La Boutique de Geppeto (2) Détail (3) Clocher à Augsbourg (4) Carlo Collodi
A travers ses deux zones distinctes, la quartier germanique se distingue par un voyage d’ouest en est,
mettant d’abord en scène un espace inspiré de la région de la Forêt noire, berceau des frères Grimm,
puis un secteur davantage influencé par des contrées situées plus à l’est, tel la Bavière et le Tyrol
comme dans le new Fantasyland à Disneyland.
20
De son vrai nom Carlo Lorenzini, journaliste et écrivain italien, 1826-1890
Italie. – Le quartier italien, porte est de Fantasyland, abrite le restaurant Bella notte et Fantasia Gellati.
Clin d’œil à la célèbre séquence du dîner de La Belle et le clochard (1955), la pizzeria Bella notte arbore
un style architectural rappelant les campagnes de Toscane. Les teintes des bâtiments sont plutôt
chaudes et les toits, faits de tuiles en ardoise et en terre cuite, présentent de faibles inclinaisons
typiques des régions méditerranéennes. Les façades sont recouvertes elles d’une couche de torchis
que le temps mit à mal, laissant par endroit la pierre nue, apportant une touche d’authenticité à
l’ensemble. La végétation du quartier, de son côté, renvoie à celle du climat méditerranéen, entremêlant
conifères, lavandes et maquis, parmi les seules espèces végétales capables de survivre dans un
environnement si sec ; tandis que les balcons arborent jardinières fleuries, vignes grimpantes et
glycines. Pour compléter ce cadre bucolique, on notera l’omniprésence des grappes de raisins (façade
du Bella Notte, lampadaires) qui témoigne de la tradition viticole de la région toscane, patrie du Chianti.
(1) Entrée du quartier italien (2) San Gimignano (3) Façade du Bella Notte (4) Détail
Mais que serait l’Italie sans ses monuments notoires ? L’inclinaison de l’entrée du Bella notte et de la
tour jonchant le Fantasia gellati n’est pas sans rappeler la célèbre tour penchée de Pise, dont
l’instabilité du sol cause son irrémédiable chute. Autre symbole de l’Italie, Venise n’est pas non plus en
reste. Les lampadaires de la zone arbore des spirales inspirées des mâts blancs et rouges (ou blancs et
bleus) servant à amarrer les gondoles des canots de la cité vénitienne. Enfin, l’architecture de l’entrée
du land est fortement influencée par les cités médiévales de San Gimignano et de Sienne, des
véritables forteresses de pierres aux accents italiens.
(1) Tour penchée de Fantasia Gelati (suivant l’angle) (2) Tour de Pise (3) Lampadaire (4) Quai de Venise
En face d’It’s a small world, le stand de glace du Fantasia Gellati rend lui hommage à l’une des
spécialités de l’Italie : les crèmes glacées, dont l’excellence et la multitude des parfums feraient pâlir
même les moins gourmands des touristes. Les maisons de glace y sont d’ailleurs nombreuses à
autoproclamer leurs produits « Meilleure glace du monde ». Le concurrent le plus sérieux d’entre eux se
demeure à San Gimignano et mérite à lui seul le voyage. Mais passons cet intermède culinaire pour
revenir au thème du quartier. Inspirée de La Symphonie pastorale, scène du long-métrage d’animation
Fantasia (1940), la fresque située derrière les comptoirs représente la vie sur l’Olympe et notamment
Bacchus (dieu romain du vin) entouré d’angelots et de divers créatures mythologiques. Après tout,
comment dépeindre la culture italienne sans s’attarder sur sa mythologie antique, qui fit sa renommée ?
(1) Bacchus dans Fantasia (2) Bacchus par Peter Paul Rubens (1638-40)
Le quartier britannique. – Séparé du reste de Fantasyland par une rivière remémorant la Manche, le
quartier anglais s'étend de Peter Pan's flight à Alice's curious labyrinth en passant par Toad Hall. Bien
que plus récente que ses comparses européens, la littérature britannique n’en a pas moins inspiré de
grands classiques de Walt Disney. D’ailleurs, bon nombre de ces derniers voient leur intrigue se
dérouler à Londres (Mary Poppins, Peter Pan, Les 101 dalmatiens, Basil détective privé, etc.).
Situé à côté d’Adventureland où barbote la frégate du capitaine Crochet, la zone Peter Pan met
justement en scène la célèbre capitale anglaise. De façon plutôt inattendue il est vrai. Bien que ce
quartier conserve certaines des caractéristiques architecturales de son voisin germanique
(omniprésence du bois, constructions à colombage), on peut y trouver certains clins d’œil assez subtils
à la cité londonienne. Par exemple, le clocher qui fait office de sortie pour l’attraction Peter Pan’s flight,
rappelle assez aisément le célèbre Big Ben, du Palais de Westminster. Plus subtil encore, on peut
constater que les bâtiments longeant la file d’attente sont les seuls du land à présenter jusqu’à trois
étages, symbole de l’urbanité et de la grandeur de Londres. Le reste de Fantasyland, en effet, est plutôt
dédié à des univers fantaisistes et ruraux, ou du moins modérément urbain, instaurant une certaine
intimité de par son architecture. Le tableau londonien ne devait donc pas juré avec cette familiarité ; sa
représentation est donc fine et dépeint un Londres fantaisiste tel qu’il aurait pu exister à une époque
antérieure.
(1) Clocher de Fantasyland (2) Big Ben (3) Façade de la file d’attente de Peter Pan’s flight
Par opposition à l’urbanité londonienne, Toad Hall restaurant évoque les cottages anglais de par son
architecture, ces banlieues rurales ou semi rurales illustrant généralement le charme de la vie dans la
campagne anglaise. Toad Hall restaurant est tiré du moyen-métrage La mare au grenouille issu du film
composite Le Crapaud et le Maître d'école (1949) inspiré du roman Le vent dans les saules (1908) de
Kenneth Grahame21. On peut y déguster de fameux fish’n chips, une savoureuse spécialité locale, dans
un cadre typiquement anglais. Le bâtiment est la réplique quasi-exact de la façade du dark-ride Mr Toad
wild ride à Disneyland. L’intérieur quant à lui est consacré aux campagnes anglaises avec spécialement
une mise à l’honneur de la chasse à courre, pratique très convoitée des aristocrates anglais. On y
retrouve ainsi de nombreux tableaux illustrant des scènes de chasses, mais aussi des trophées et des
enseignes en bois telles qu’on en trouve dans les îles britanniques. So british!
21
Romancier britannique, 1859-1932
(1) Toad hall restaurant (2) Détails de l’intérieur (3) Détail d’un tableau de chasse à courre
Autre spécificité britannique, les jardins à l’anglaise ne sont pas oubliés. Alice’s curious labyrinth plonge
les visiteurs dans un dédale de haie impeccablement taillées mais assez désordonné. Toutes les
caractéristiques du jardin à l’anglaise sont en effet propices à la réalisation d’un labyrinthe. D’une part,
la conception de ces jardins est irrégulière, elle présente des chemins tortueux et une fausse
impression de non domestication de la végétation et du terrain. D’autre part, l’itinéraire n’est pas balisé,
contrairement aux jardins à la française, ce qui laisse une grande part à la surprise et la découverte. En
somme, le cadre idéal pour un labyrinthe. Œuvre majeure de la littérature enfantine anglaise, Alice au
pays des merveilles (1865), de l’écrivain Lewis Carroll22, adapté par les studios Disney en 1949 dans un
long-métrage d’animation éponyme, inspire une seconde attraction dans le parc. Grand classique de
Fantasyland, présent dès l’ouverture du premier parc en 1955, Mad hatter’s tea cup entraîne les
visiteurs dans une folle représentation de la scène du thé chez le Chapelier toqué et son ami le Lièvre
de Mars. Finalement, comment une représentation de l’Angleterre aurait pu se passer du symbole du
savoir-vivre anglais : le thé ? It’s tea time !
(1) Alice’s curious labyrinth (2) Concept art d’Alice’s curious labyrinth (3) Détails (4) Mad hatter’s tea cup de nuit
Le Nord du land. – Initialement point de restauration puis transformé en attraction en 1994, Les
Pirouettes du vieux moulin, inspiré du court-métrage Le Vieux moulin (1937) rend hommage selon ses
créateurs au Benelux (Belgique, Pays-bas, Luxembourg), région réputée pour ses moulins à vent.
Ajouté la même année, Le pays des contes de fées rend hommage aux contes européens dans son
ensemble, permettant de dépeindre des œuvres et des pays non représentés dans le reste du land :
Hansel et Gretel, La Petite sirène (Suède), La Belle et la bête, Pierre et le loup et Nuit sur le mont
chauve (Russie), Le Magicien d’Oz, Raiponce, etc.
Enfin, grand classique des parcs Disney, It’s a small world trône majestueusement au fond du land.
Hymne à la fraternité et l’avenir des générations futures, elle entraîne le visiteur dans une croisière
paisible à la découverte de toutes les cultures du monde au rythme de la mélodie des frères Sherman.
Conçu pour le pavillon Unicef, à la demande de Pepsico, pour la Foire internationale de New York de
1964-65, elle a depuis été dupliquée dans tous les parcs Disneyland du monde – et prochainement à
Hong-Kong Disneyland. Sa façade inspirée de l’œuvre originale de Mary Blair, en charge du projet,
représente toutes les influences architecturales et les principaux monuments du globe. On peut pêle22
De son vrai nom Charles Lutwidge Dodgson, mathématicien, photographe et écrivain anglais, 1832-1898
mêle y distinguer diverses influences romanes, gothiques, médiévales, japonaises, chinoises, moyenorientales, grecques, indiennes, victoriennes, etc. ainsi que des monuments bien connus :
Tower Bridge, Londres (Angleterre)
Big Ben, Londres (Angleterre)
Parthénon, Athènes (Grèce)
Golden gate bridge, San Francisco (USA)
Tour de Pise, Pise (Italie)
Tour Eiffel, Paris (France)
Le Château de la Belle au bois dormant. – Le principal challenge dans l’européanisation du parc fût
la réalisation du château. Comment rendre dépaysant un monument dont on peut voir les influences à
moins d’une heure de Paris, et partout dans l’Europe ? Les châteaux des parcs américains, inspirés du
Château de Neuschwanstein en Bavière et des châteaux de la Loire, ne posèrent pas ce problème dans
la mesure où il n’existe aucun château de ce genre sur le territoire américain. Tony Baxter l’avait prédit,
il va falloir revoir les règles afin d’affirmer une certaine crédibilité vis-à-vis de l’héritage européen.
Pour cela, différents concepts furent étudiés ; du château de sable géant à la tour futuriste en hommage
aux visionnaires européens, les possibilités se révélèrent aussi multiples qu’infructueuses. Finalement,
l’idée d’un château de conte de fée, d’un monument fantaisiste s’imposa d’elle-même. Pour réaliser ce
qui deviendra l’emblème du parc, les imagénieurs s’inspirèrent de nombreux éléments singuliers
existants dans l’architecture européenne. Pour commencer, la forme globale du château reprend celle
du Mont Saint Michel : une allure pyramidale qui donne l’impression que l’édifice sort de terre afin de
tendre vers un ciel grisâtre que pourfend la plus haute flèche de la plus haute tour. Le flanc gauche de
la forteresse est d’ailleurs directement encastré dans la montagne dans une relation quasi-organique.
Ce lien entre la terre et le château tend à rendre indissociable le rapport entre les contes de fées et
l’Europe, berceau de ceux-ci et patrie des Frères Grimm et de Charles Perrault pour ne citer qu’eux.
(1) Château de la Belle au bois dormant (2) Mont Saint Michel (3) Concept de tour futuriste développé par Tim Delaney – show
producer de Discoveryland
Le Château de la Belle au bois dormant met également en scène de multiples détails, chacun inspirés
des particularités d’édifices français - et européens. Par exemple, la coupole de vitrail est inspirée de
celle du Château de Chambord (XVIème siècle). Sur les tours et les étages des ailes, les petites
fenêtres ont été adaptées de celles du Château de Chaumont (XVème siècle). Ces petites ouvertures
tranchent radicalement avec les larges baies vitrées qui firent leur apparition durant la Renaissance et
témoignent de la persistance de l’influence des châteaux forts médiévaux, typiques des édifices du
XVème siècle. Les colonnes en forme d’arbres ont quant à elles fait l’objet d’une attention toute
particulière, Tony Baxter et Tom Morris - show producer de Fantasyland - voulant quelque chose
d’unique que les visiteurs auraient l’impression de ne jamais avoir vu auparavant. Ils ont ainsi puisé leur
inspiration dans l’église Saint Séverin à Paris (XVème siècle) et ont donné vie à ces « arbres » et
s’inspirant des tapisseries médiévales exposées au musée de Cluny. Enfin, les excroissances de la plus
haute tout du château empruntent leur caractère singulier au Château d’Azay-le-rideau (XVIème siècle)
dont chaque angle du bâtiment est orné d’une tourelle de la sorte.
(1) Fenêtre d’une tour du château (2) Château de Chaumont-sur-Loire (3) Détail d’une colonne (4) Colonne de l’Eglise Saint Séverin
(1) Excroissance de la tour principale (2) Château de l’Azay-le-rideau
Mais ce château serait-il si magique et élégant sans ces touches dégradées d’or sur ses tours ? Cette
idée provient de l’œuvre Les Très riches heures du Duc de Berry que I.M. Pei, l’architecture de la
pyramide du Louvres a conseillé aux imagénieurs. Cet ouvrage aux gravures et aux enluminures
magnifiques fût d’ailleurs l’une des principales inspirations graphiques à l’époque de la réalisation du
long-métrage d’animation La Belle au bois dormant (1959).
(1) Tours dorées du château (2) Extrait des Riches heures du Duc de Berry (mois d’Avril)
La construction du château fût déléguée à toute une myriade d’artisan européen, chacun dans leur
spécialité. La réalisation des vitraux dépeignant la scène ou Maléfice lance sa malédiction contre
Aurore, a été prise en main par l’un des plus grands spécialistes du vitrail, Paul Chapman, qui sortit de
sa retraite spécialement pour l’occasion. Il confiera à ce propos à Tony Baxter que ce qui lui plut dans le
projet était le challenge de réaliser des oeuvres moins solennel que celles des églises auxquelles il
avait dédié sa vie. Parallèlement aux vitraux, l’histoire est également mise en scène par le biais de neuf
tapisseries d’Aubusson, d’uniques œuvres d’art. Uniques ? Pas vraiment en fait… Lorsque les
premières tapisseries furent terminées, Tony Baxter en tomba littéralement amoureux. Il demanda donc
à Tom Morris combien cela lui coûterait d’en faire commander une supplémentaire pour décorer son
salon. Ce dernier lui répondit que c’était totalement impossible et que ce n’était même pas la peine d’y
penser. Mais lors d’une grande fête organisée à la fin de la construction du parc, Bob Fitzpatrick, alors
PDG d’EuroDisney S.C.A., confia à Tony qu’il avait un petit quelque chose pour lui et déroula avec
l’aide de Tom Morris… une copie exacte de la tapisserie contant la scène du dragon ! Il l’offrirent à Tony
Baxter, à sa grande surprise, en remerciement du formidable travail qu’il effectua durant ces années. La
tapisserie trône soigneusement depuis dans son salon.
La tapisserie chez Tony Baxter
Discoveryland
Un nouveau Tomorrowland. – Discoveryland prend lieu et place de Tomorrowland. Ce dernier,
présent dans tous les autres parcs Disneyland, met en scène un monde futuriste, mêlant conquête
spatiale et progrès technique dans un monde à la fois idéal et innovateur. Pour diverses raisons,
Tomorrowland ne verra pas le jour à Paris. Tout d’abord parce que le land se démode vite. Le thème du
progrès fut vite passé de mode aux États-Unis quand les innovations futuristes d’autrefois se sont
trouvées être les réalités d’aujourd’hui. De même, la conquête spatiale qui battait encore son plein entre
les années 1950 et 1970, est aujourd’hui un thème appartenant au passé, notamment car la course aux
étoiles s’est achevé avec la chute puis le démantèlement de l’Union Soviétique peu avant les années
1990. En 1955 toutefois, l’espace n’était qu’un lointain fantasme futuriste, alors que deux ans plus tard
était lancé le programme Spoutnik 1, premier objet satellisé par l’Homme. Trente ans après, le thème
n’est plus aussi attractif, bien qu’encore fascinant. Les imagénieurs le repensent alors complètement et
débouchent sur une vision rétro futuriste de l’espace et de l’innovation à travers les grands visionnaires
européens que sont Jules Verne, Herbert George « H.G. » Wells ou encore Léonard de Vinci.
(1) Astro jets dans les années 1950 (2) Concert art du New Tomorrowland (3) Concept art de Space Mountain par John Hench
La conception. – Dans sa conception, Discoveryland est un land un petit peu à part. Il ne résulte non
pas d’un thème concret comme les Contes de fées ou le Far West mais s’articule plutôt autour d’idées,
de concepts : l’innovation, l’imagination et surtout la découverte. C’est cet esprit de découverte, cette
quête de l'humanité pour parvenir à concrétiser les espoirs et les rêves de ces hommes de tout temps
qui furent et sont les inventeurs du futur, qui sera la clé de voûte du land. Dès lors, quoi de mieux pour
l’illustrer que de se plonger dans les grandes odyssées des visionnaires européens, écrivains ou
scientifiques, dont la soif de découverte ne s’épanchait qu’au travers d’épopées fantasmées qui font
encore aujourd’hui rêver leur lecteur ? Alors qu’Adventureland transportait le visiteur aux quatre coins
du globe à la rencontre de civilisations plus exotiques les unes que les autres, Discoveryland se
propose de les faire voyager aux confins de l’imaginaire, de l’espace et du temps, à travers les mers,
les routes et les airs. Une excursion encore une fois marquée par l’influence des grands auteurs
européens mais aussi des cinéastes américains, véritables visionnaires des temps présents.
Le land se décompose en deux zones. La première représente un monde rétro futuriste aux airs
victoriens dédié aux fantasmes d’avenir des visionnaires européens - c’est d’ailleurs Jules Verne lui
même (en fait son sosie) qui présentera le land lors de l’émission d’ouverture, diffusée sur les
télévisions du monde entier. L’architecture, inspirée du début de l’ère industrielle, laisse la part belle au
fer, la vapeur et l'électricité, amplement utilisée dans les romans de Jules Verne comme un outil
permettant à l’homme de dresser une nature indomptable – facette que l’on retrouve ici avec les roches
volcaniques éparpillées dans la zone, ou encore le volcan de Discovery Mountain qui ne verra hélas
jamais le jour23.
(1) Nautilus vu à travers les roches volcaniques (2) Concept art de l’Hypérion (3) Concept art de Space Mountain (4) Concept art
de Discovery Mountain
La seconde partie du land est, elle, plus actuelle. Elle regroupe les attractions Star Tours et Captain Eo
(remplacé par Chérie, j’ai rétréci le public en 1998). Elle met en scène un monde futuriste, davantage
inspiré de la science fiction que de visions réalistes. Dédiés aux visionnaires d’aujourd’hui, George
Lucas – réalisateur de la double trilogie Star Wars – en tête, elle entraîne les visiteurs dans des
aventures spatiales dignes d’Hollywood, les propulsant tour à tour dans une bataille féroce contre les
forces de l’Empire ou à la rencontre de la sinistre reine Supreme Leader. Le contraste avec Space
Mountain : De la Terre à la Lune est saisissant et relève de visions de l’espace bien différentes,
imaginées à deux époques dissemblables. Finalement, cela prouve que l’espace et l’infini a toujours
fasciné, et continuera encore et toujours de nous émerveillé.
L’ouverture de Chérie, j’ai rétrécit le public en 1998 introduit le thème du progrès technique et de
l’innovation. Présent de façon subtil dans le reste du land, il se révèle ici de façon flagrante avec « Le
prix de l’inventeur de l’année » décerné par l’Imagination Institute. Hélas, les choses ne se déroulent
par toujours comme elle devrait mais après tout, n’est-ce pas là ce qui fait l’histoire ?
(1) X-Wing à l’entrée de Star Tours (2) Visuel publicitaire de Star Tours (3) Michael Jackson est Captain Eo (4) Visuel publicitaire
de Chérie, j’ai rétréci le public
La place de la littérature dans Discoveryland. – On y retrouve ainsi les grands classiques de la
littérature européenne dont De la Terre à la Lune (Space mountain – Jules Verne), 20 000 lieues sous
les mers (Les mystères du Nautilus – Jules Verne) et des hommages plus subtils à La Machine à
explorer le temps (Le Visionarium – H.G. Wells) et Le tour du monde en quatre-vingt jours (Café
Hypérion – Jules Verne). À ceux-là s'ajoute le Café des Visionnaires, dont l'emplacement abrite
aujourd'hui le Bureau des passeports annuels - on voit d'ailleurs une fresque magnifique derrière le
23
Voir le dossier consacré, en ligne dès le mois de juillet sur Disney Magic Interactive
comptoir -, ou encore Orbitron et la boutique Constellations dédié à l’espace, aux constellations et aux
signes du zodiaque, présentant ainsi une vision bien antérieure et encore mystérieuse de l’univers tel
que le voyait Leonard de Vinci. Bien que la littérature européenne soit à l’honneur, la représentation de
ces oeuvres est directement inspirée des films Disney, comme par exemple L’Île sur le toit du monde
(Robert Stevenson, 1974) ou 20 000 lieues sous les mers (Richard Fleischer, 1954) d'où sont
respectivement tirés le dirigeable Hyperion et le fameux Nautilus. Mais comme aucune idée ne se perd
à Imagineering, toute cette partie du land reprend les grandes lignes d'un projet abandonné pour
Disneyland : Discovery bay.
(1) Leonard de Vinci (2) Jules Verne (3) H.G. Wells
Discovery bay. – S’il y a un bien un lieu où l’adage « Rien ne se perd tout se transforme » prend son
sens, c’est bien dans les locaux de Walt Disney Imagineering. En 1974 en effet, naît dans l’esprit de
Tony Baxter la plus ambitieuse et la plus grande extension prévue pour Disneyland : Discovery bay. Ce
nouveau land, situé entre Frontierland et Fantasyland, aurait dépeint le port de San Francisco à
l’époque de la Ruée vers l’or (fin du XIXème siècle). La ville connaît alors une explosion démographique
hors du commun, la ligne de chemin de fer nouvellement créée la relie désormais au reste du territoire,
tandis que l’océan présente d’infinies opportunités. Plus qu’un lieu, une utopie, où se côtoie rêves
d’avenir, désirs de prospérité et soif d’aventure. C’est justement de cette soif d’aventure, cet appétit de
découverte, que verrons germer les prémisses de notre Discoveryland. Cette époque vît en effet
s’épanouir deux des plus grands aventuriers et visionnaires que la Terre ait portée : Jules Verne et H.G.
Wells. Ainsi, le célèbre Nautilus, transformé en restaurant pour l’occasion, aurait magistralement mouillé
dans la baie du port, tandis que le dirigeable Hyperion, inspiré du film Disney L’île sur le toit du monde,
aurait transporté les visiteurs aux confins de l’imaginaire à travers des pays légendaires à la rencontre
de créatures mythiques et intrigantes. La machine à remonter le temps aurait également eu son lot
d’honneur, alors que l’esprit de découverte géographique et scientifique aurait emplit le land d’un
enthousiasme incommensurable, une âme énergique et vigoureuse.
Hélas, ce projet ne vît jamais le jour. Trop ambitieux, peut-être ; trop onéreux, sûrement. Il en restera
toutefois l’un des projets les plus exaltant qu’ait conçu Walt Disney Imagineering. Mais rien ne se
perd… Une dizaine d’année plus tard, la conception d’EuroDisney est amorcée, à sa tête… Tony
Baxter, le principal instigateur du projet Discovery bay. Baxter se met alors à rêver de la résurrection de
son projet sous forme d’un nouveau Tomorrowland… De cette façon, l’idée des visionnaires européens
se retrouva sur la table. Un land singulier reprenant l’esprit d’un projet, sans doute perdu à jamais dans
les cartons… pour mieux revivre ailleurs, dans des lieux nommés EuroDisney et Tokyo DisneySea.
(1) Maquette de Discovery bay (2) Concept art de Discovery bay (3) Tony Baxter présentant le concept art
Le Visionarium. – La Convention signée entre The Walt Disney Company et l’Etat français en 198724
stipule, parmi les engagements de Disney, la création d’une attraction promouvant la civilisation
française et européenne.
Extraits :
Article 6 - Normes de qualité et adaptation culturelle
[…]À cet effet, en plus des attractions classiques, le Parc comprendra, soit une attraction,
soit à la discrétion de la société Pivot seule, plusieurs attractions mettant en scène les
civilisations française et européenne, dont le thème sera choisi par la société Pivot après
consultation de personnalités indépendantes, françaises et autres. Cette attraction ou ces
attractions sera (ou seront) une attraction "Circle Vision - 360 degrés", ou d'un autre type.
L'une au moins de ces attractions, tout comme certaines autres parties du Parc sélectionnées
par la société Pivot, diffusera de la musique française. […]
Cette attraction verra le jour à Discoveryland, il s’agit du Visionarium.
Le Visionarium était une attraction de type Circle vision 360°, diffusant un film sur neuf écrans autour du
public. Les visiteurs pouvaient y vivre les tribulations de Timekeeper, le robot savant maladroit, et Nine
eyes, sa charmante collaboratrice au caractère bien trempé, à travers un voyage tourmenté dans le
temps. Tout était fin prêt pour l’expérimentation de la toute nouvelle invention de Timekeeper, une
machine à remonter le temps. Le périple débute par un bref mais secouant détour à l’époque jurassique
avant d’explorer le Moyen-âge, la Renaissance, admirer les œuvres de Mozart, Léonard de Vinci, les
frères Montgolfier ou encore suivre la construction de la Tour Eiffel. Arrivé en 1900, à l’Exposition
universelle de Paris au Grand Palais, Jules Verne prend malencontreusement part à l’aventure, s’en
suit alors une course contre la montre à la découverte des merveilles de notre siècle – le TGV, le
Concorde, l’espace, etc. avant de finir par une folle viré à bord de la Reinastella, la voiture du futur
dessinée par Renault et exposée devant l’attraction.
Plus qu’une attraction, le Visionarium était le ciment de Discoveryland. Elle y réunissait Jules Verne et
H.G. Wells dans un tête-à-tête inattendu, alliait les merveilles du passé avec les splendeurs du futur,
introduisait les différentes attractions (Hyperion, Space Mountain, Les Mystères du Nautilus) mais, plus
que tout, elle était l’esprit même de Discoveryland. Un esprit de découverte, de soif d’avenir et
d’aventure… Il était la mémoire du passé et l’espoir du futur.
L’attraction sera exportée à Walt Disney World et à Tokyo Disneyland sous le nom de Timekeeper. Elle
fût également envisager pour le parc Westcot en Californie, qui ne verra hélas pas le jour, puis pour
Disneyland, dans le cadre de la rénovation de Tomorrowland. Malheureusement, le Visionarium ferma
définitivement ses portes le 6 septembre 2004 pour laisser place à Buzz Lightyear laser blast, au grand
désespoir des passionés du parc. Les versions tokyoïtes et floridiennes fermèrent elles respectivement
en 2002 et 2006. Un voyage s’achève, le temps suspend son vol, mais s’il y a bien un précepte à retenir
du Visionarium, c’est que, peu importe la splendeur du passé, le futur nous réserve bien des surprises...
(1) Nine eyes (2) Timekeeper (3) Enseigne du Visionarium (4) Concept art de la Reinastella
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Voir la première partie du dossier, « Avant même le commencement… », Disponible sur Disney Magic Interactive
Pour approfondir…
Livres
• Dunlop, Beth - Building a dream: The art of Disney architecture. New York. Harry N. Abrams. 1996
• Finnie, Shaun – Disneylands that never were. Lulu. 2006
• Marling, Karal Ann - Designing Disney's theme parks: The architecture of reassurance; New York.
Flammarion. 1997
• Lainsbury, Andrew. Once upon an American dream: the story of Euro Disneyland. Lawrence,
Kansas. University Press of Kansas. 2000
• Lefkon, Wendy (dir.). Walt Disney Imagineering : A behind-the-dream look at making the magic real.
Hyperion editions. 1996
• Littaye, Alain & Ghez, Didier - Disneyland Paris : De l'esquisse à la création. Paris. Nouveau
millénaire. 2002
• Surrell, Jason. Pirates of the Caribbean : From the Magic Kingdom to the movies. New York. Disney
editions. 2005
• Surrell, Jason. The haunted mansion : From the Magic Kingdom to the movies. New York. Disney
editions. 2003
Sites Internet
• Imagineering’s files – Discovery bay, le land perdu de Disneyland
• Webcot.free.fr - Once upon an time in the West : The Quest of the frontiers
L’intégralité de ce dossier a été rédigée par Kevin H. pour Disney Magic Interactive ; en vue d’une diffusion libre et gratuite
sur ce même site. Pour toute utilisation et/ou diffusion, merci de contacter l’auteur à l’adresse suivante :
[email protected] ; et d’en citer la source, par respect pour son travail.