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Décembre 2014 / Numéro 7
Spécial
environnement
> Anne Hidalgo, Paris se rapproche de Kinshasa
> Bivac et KPMG en appui à l'amélioration
du climat des affaires
> Bienvenue au Goethe Institut
Édito
Photo : Bernard Poudevigne
Willkommen !!!
B
ienvenue à l’Institut Goethe qui revient à Kinshasa après plus de deux décennies de fermeture.
Bienvenue à Anne Hidalgo, présente en RDC à l’occasion de la 34ème assemblée générale de l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF).
Bienvenue à Agnès Polet, «madame tout-le-monde», femme-courage, dont le grave accident n’a pas amoindri
l’engagement humanitaire.
Bienvenue, enfin, aux artistes arrivés des quatre coins du monde pour participer à la biennale «Yango»,
grande première pour les arts plastiques en RDC.
Et surtout Joyeux Noël et Bonne Année à tous nos lecteurs puisque ce numéro 7 paraît en cette période de
fêtes. Et ce n’est pas un hasard si l’arbre illustrant la première de couverture, à défaut de revêtir boules et guirlandes, étend majestueusement ses immenses frondaisons en ce qui semble représenter le V de la victoire. En
cette fin d’année, après tout, pourquoi ne pas rester fidèles à la tradition éditoriale d’Impact et dire bien haut
toutes les raisons qui nous permettent d’espérer un avenir meilleur pour un pays trop souvent vu à travers le
prisme de ses guerres et de ses épidémies.
Espérance politique avec la vision d’un enjeu stratégique dévoilée par le ministre de l’Environnement, de la
Conservation de la Nature et du Tourisme. Mais aussi avec le rapprochement opéré entre deux grandes capitales à l’occasion de la rencontre entre Anne Hidalgo, Maire de Paris et André Kimbuta, gouverneur de Kinshasa. Il n’est jusqu’aux grands partenaires de la RDC pour témoigner d’un attachement à la reconstruction de ce
grand pays. Le témoignage de Wolfgang Manig, ambassadeur d’A llemagne, est, à cet égard, révélateur.
Bureau Veritas, un monde d’expertise
et une société au coeur des marchés
Espérance économique avec deux grandes entreprises, KPMG et Bureau Veritas, engagées dans le processus
d’amélioration du climat des affaires lancé par les autorités congolaises. Autre exemple, celui de Jean Bamanisa, homme d’affaires devenu député national puis gouverneur de la Province orientale : il livre à nos lecteurs
son combat quotidien pour développer un territoire aussi vaste que l’Espagne, le but ultime étant l’amélioration des conditions de vie de sa population.
Le Groupe Bureau Veritas et sa filiale BIVAC vous proposent une gamme étendue
de services spécialisés dans le domaine de l’inspection de marchandises,
de la certification, de l’évaluation de conformité, de la formation et du conseil.
Il est un acteur mondial sur des marchés tels que la facilitation du commerce et
particulièrement celui du Guichet Unique du Commerce Extérieur. Plateforme
d’informations sécurisée et dédiée aux communautés du commerce extérieur
pour toutes leurs opérations d’Import – Export, Transit et Transbordement,
elle facilite et accélère le dédouanement des marchandises.
Vous l’aurez deviné, le sujet retenu comme fil conducteur de ce nouveau numéro est d’ailleurs de ceux qui ont
une influence directe sur la vie quotidienne de tous : l’environnement. Et la lecture du dossier réalisé par l’A FD
incite, là-aussi, à l’espoir sinon à l’optimisme quand on constate la mobilisation des agences internationales et
des partenaires bilatéraux de la RDC.
Et puisque l’on parle « fêtes », Impact vous propose de belles pages culturelles, parfois excentriques. Avec Colin
Delfosse et ses photographies de catcheurs, avec les toiles des sœurs Chevalme, qui transpirent l’ambiance de
la SAPE. Ou encore dans l’univers fantasmagorique d’Eugenia Velis.
*Avançons en confiance
Pour en connaître les modalités, nous vous invitons à nous contacter.
À nouveau Joyeux Noël ! La rédaction d’Impact est d'ailleurs heureuse de vous offrir un tout nouveau site
internet, totalement repensé et compatible avec vos tablettes et smartphones. L'adresse reste inchangée :
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Avenue des Etoiles 22 09
La Gombe - Kinshasa
République Démocratique du Congo
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Philippe Larrieu
Directeur de la publication
*
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 3
10
88
N °
7
/
D ÉC E M BR E
2 0 14
Sommaire
64
58
Éditorial
03 Willkommen !!!
Politique
06 Les ressources naturelles de la RDC :
Interview exclusive du ministre de
l'Environnement
10 Wir kehren zurück !
14 Anne Hidalgo en RDC
18 De beaux projets pour les Kinois !
22 Kinshasa, capitale des maires
francophones…
Économie
24 Adapter le contexte et les mentalités
aux ambitions de modernité...
28 Un nouveau cadre pour le commerce
ou une révolution pour le commerce
extérieur
32 Restaurer l’autorité de l’Etat
et relancer l’économie :
Sept questions au gouverneur de la
Province Orientale
06
4 / Impact n°7 / Décembre 2014
82
28
36 Création de l’Agence Française
d’Expertise Technique Internationale
(AFETI) : Un nouvel opérateur pour
de nouvelles ambitions
Dossier
40 "Tout naturellement..."
42 AFD : Concilier le progrès
économique et social et préserver
l'environnement en RDC
44 Lutte contre le dérèglement
climatique et développement
durable : des solutions innovantes et
efficaces...
46 Les images satellite au service de la
lutte contre la déforestation dans le
bassin du Congo
48 Le projet Agedufor : pour une gestion
durable de la forêt du bassin de RDC
52 La CICOS face aux enjeux de la
gestion intégrée des ressources en
eau du Congo
96 Le Musée de l’Echangeur accueille le
« World Press Photo » 2014
98 Beau début de saison à Bilembo
100 Impact junior : Il y a 100 ans, la
Première Guerre mondiale
103 Impact junior : Madame Livingstone
54 La Banque Mondiale, pour une
gestion durable des ressources
naturelles en RDC
58 Le WWF, face aux enjeux de la
préservation de la biodiversité
Société
62 Un choeur gros comme ça…!
64 L’arbre dans la société congolaise
68 La forêt de la Province Orientale :
poumon de l’économie « verte »
72 Le Katanga et son Miombo :
une dégradation préoccupante
74 Les Congolais, la Force publique
belge et la Première Guerre mondiale
Vie pratique
104 À la conquête du Kin-Ouest…
110 Manger sain et local ?
114 Une foule d’infos pour comprendre
le Congo
88 Yango : première biennale d’art
contemporain de Kinshasa
94 Kinshasa, une plate-forme
culturelle en pleine renaissance
En couverture : la vie au village dans le Bas-Congo
Culture
78 Bienvenue au Goethe Institut
80 Deuxième édition de la Fête du livre :
le public au rendez-vous
82 Colin Delfosse sur orbite congolaise
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(photo : Martin van der Belen)
114
Directeur de publication
Philippe Larrieu
Conseiller spécial du directeur
Bernard Poudevigne
Secrétaire de rédaction
Martin van der Belen
Comité de rédaction
Philippe Bosse, Patrick Botrel,
Michel Champredon, Sébastien Dauré,
Patrick Demougin, Chloé Douafli,
Matthieu Juin-Levite,
Emmanuelle Marqui,
Jean-Christophe Maurin,
Sabrina Palma, Gérard Pointe,
Christophe Roussin,
Mélanie Sirdey-Coid,
Matthieu Vuillermet,
Antoine Yvernault.
Conception et réalisation graphique
Gédéon Mukendi (IFK)
Impression : Imprimerie AGB
Dépôt légal
BNC N° JE 3.01301-57012
Impact
est un magazine gratuit et ne peut pas être vendu
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 5
Les ressources naturelles de la RDC
Un enjeu stratégique
pour le développement
nombreux produits et services indispensables
aux populations (pharmacopée traditionnelle,
alimentation, bois de chauffe, etc.). Elles abritent
enfin de multiples espèces de flore et de faune.
> Le réseau hydrographique de la RDC est dense
et constitue la moitié des réserves d’eau douce
du continent africain. La RDC est membre de
plusieurs commissions et initiatives régionales
traitant de la gestion des ressources en eau, telles
que l’Initiative du Bassin du Nil (IBN), la Commission Internationale Congo – Oubangui - Sangha (CICOS), l’Autorité du Bassin du Lac Kivu et
de la Rivière Ruzizi dont les textes fondateurs
viennent d’être signés à Kinshasa, le 4 novembre
2014.
> La RDC abrite une riche biodiversité dont de
nombreuses espèces floristiques et fauniques
endémiques. Les plus emblématiques étant le
gorille des plaines de l’Est, le bonobo, l’okapi,
le paon congolais, la girafe de la Garamba. Elle
a développé un vaste réseau d’aires protégées,
composé de huit parcs nationaux dont cinq inscrits au Patrimoine mondial (Garamba, Virunga,
Kahuzi-Biega, Maïko et Salonga).
Quels sont les grands enjeux de la
protection en RDC ?
Les enjeux se situent au niveau national et international.
> En RDC, le défi est de concilier la protection
des ressources naturelles avec le développement
socio-économique des populations locales qui
exercent des pressions croissantes sur ces res-
Le gouvernement s’est engagé depuis
plusieurs années dans la mise en place des
réformes nécessaires à l’amélioration de la
protection de l’environnement et de la gestion
des ressources naturelles.
sources. C’est la raison d’être du moratoire décrété au bénéfice du processus de conversion des
anciens titres de concession forestière qui aurait
dû être clôturé le 31 juillet 2014.
> Au plan international, comme je l'ai déjà indiqué, la RDC doit relever un premier défi important dans la conservation de la biodiversité,
notamment au regard des espèces abritées dans
ses aires protégées. Un deuxième enjeu, très
stratégique, réside dans le maintien de son rôle
de château d’eau de l’A frique. Un troisième enjeu important se situe dans le processus de lutte
contre les changements climatiques, par l’effet
d’atténuation des émissions de gaz à effet de
serre, que sont en mesure de remplir ses forêts.
Les principales causes de déforestation sont liées
à la pratique traditionnelle de l’agriculture itinérante sur brûlis et à celle des coupes de bois de
feu pour la consommation d’énergie domestique
d’une très forte proportion de la population nationale.
Pour relever ces défis, la RDC sait pouvoir compter sur le soutien multiforme de ses partenaires
Photo : Seli Safari Zongo
Photo : AFD
POLITIQUE
La RDC est connue dans le monde entier pour ses
mines, ses forêts, ses fleuves, ses parcs naturels. Bavon
N’Sa Mputu Elima, ministre de l’Environnement, de la
Conservation de la Nature et du Tourisme, nous expose les
enjeux nationaux et planétaires d’un tel patrimoine.
Impact : Monsieur le ministre, pouvezvous présenter l’importance des richesses
naturelles de la RDC et la politique du
gouvernement en matière de protection
de l’environnement ?
Bavon N'sa Mputu Elima : En effet, il est reconnu internationalement que la RDC possède
un potentiel immense de ressources naturelles.
J’aimerais simplement insister sur les ressources
6 / Impact n°7 / Décembre 2014
dont la responsabilité de gestion incombe à mon
ministère, à savoir les forêts, l’eau et la biodiversité.
> Les forêts de la RDC s’étendent sur environ
150 millions d’hectares, soit les deux tiers du
territoire national. Elles constituent également
les deux tiers des forêts du bassin du Congo, deuxième massif forestier tropical au monde après
celui de l’A mazonie. Ces forêts fournissent de
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 7
POLITIQUE
techniques et financiers. À cet égard, la France, à
travers l’A FD, appuie particulièrement la République démocratique du Congo pour une exploitation durable de ses forêts.
Quelles sont les réformes engagées
actuellement par le Gouvernement en
faveur de la prise en compte et de la
protection de l’environnement ?
Le gouvernement s’est engagé depuis plusieurs
années dans la mise en place des réformes nécessaires à l’amélioration de la protection de
l’environnement et de la gestion des ressources
naturelles.
Rappelons-en les principales :
> L’arsenal juridique a été renforcé avec notamment la refonte et la formulation des lois et textes
règlementaires relatifs aux forêts, à la conservation de la nature et à l’environnement.
Photo : M&VAnastassiou
Riche biodiversité
Les forêts de la
RDC fournissent de
nombreux produits et
services indispensables
aux populations
(pharmacopée
traditionnelle,
alimentation, bois de
chauffe, etc.). Elles
abritent aussi de
nombreuses espèces de
flore et de faune.
8 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Pour relever ces enjeux, la RDC sait pouvoir
compter sur le soutien multiforme de
ses partenaires techniques et financiers.
À cet égard, la France, à travers l’AFD,
appuie particulièrement la RDC pour une
exploitation durable de ses forêts.
- une phase d’investissements a été entamée.
Précisons que les besoins financiers pour soutenir cette phase d’investissement, dont les
programmes sont développés dans la Stratégie
nationale REDD+ se chiffrent en milliards de dollars. Un premier apport a été obtenu avec le soutien de la Banque Mondiale à un projet REDD+
situé dans la province du Bandundu, districts
des Plateaux et de Mai-Ndombe, qui va conduire
à la conclusion d’un contrat d’achat – vente
de crédits carbone. La multiplication de telles
initiatives contribuera, à terme, à améliorer la
gouvernance dans la gestion des nos ressources
naturelles.
Propos recueillis par Philippe Bosse
Photo : Seli Safari Zongo
Photo : MarclSchauer
Photo : Virginie Leroy_AFD
Pionnier de la REDD+
Depuis le lancement
du processus de
préparation à la REDD+
en 2008, la RDC fait
partie des pays pionniers
dans ce domaine.
> Un Programme national Environnement, Forêts, Eau et Biodiversité a été élaboré et validé en
2012.
> Un processus de suivi-évaluation des actions
menées a été établi dans le cadre d’une matrice
de gouvernance préparé par le gouvernement en
partenariat avec la Banque Mondiale.
> Un programme de rajeunissement des effectifs
et de renforcement des capacités des services
administratifs a été engagé avec le soutien de
la Banque Mondiale et de la Coopération allemande.
> Un fonds fiduciaire pour la conservation de la
nature, appelé Fonds Okapi, a été créé et doit être
capitalisé à hauteur de 50 millions de dollars.
> Une politique d’assainissement a été récemment adoptée et un cadre légal est en cours d’élaboration.
Enfin, plusieurs instruments juridiques internationaux ont été ratifiés pour protéger nos ressources marines et côtières :
> la Convention d’Abidjan sur la coopération en
matière de protection et de mise en valeur du milieu marin et des zones côtières,
> la Convention MARPOL pour la prévention de
la pollution par les navires,
> la convention Internationale sur la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par les hydrocarbures,
> la Convention Internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution
par les hydrocarbures,
> la Convention FIPOL, etc.
La RDC est un pays immense. Sa nature
et ses forêts représentent des enjeux
importants pour sa population, mais
aussi pour la planète et la communauté
internationale. Pourriez-vous rappeler
l’engagement de la RDC dans la lutte
contre le changement climatique et les
progrès accomplis dans la mise en place
du mécanisme REDD+ ?
Depuis le lancement du processus de préparation à la REDD+ en 2008, la RDC, qui fait partie
des pays pionniers dans ce domaine, a réalisé les
importantes avancées suivantes :
- une stratégie REDD+ a été produite, validée par
l’ensemble des parties prenantes et approuvée
par le gouvernement ;
- un cadre juridique et institutionnel de mise en
œuvre de la REDD+ est en phase de montage ;
- un Fonds national REDD+ a été institué par décret du Premier Ministre ;
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 9
POLITIQUE
Photos : Martin van der Belen
productions théâtrales et musicales. De par son
mode de fonctionnement très décentralisé, le
Goethe Institut installé en Afrique du Sud, plus
précisément à Johannesburg, a été en mesure de
soutenir, tout au long de ces années, les artistes
congolais du cinéma, de la musique, de la danse,
des arts plastiques (la liste est loin d’être exhaustive) et de promouvoir les échanges culturels
entre la RDC et l’A llemagne.
J’ajoute que je suis reconnaissant à l’Institut
français de Kinshasa d’avoir appuyé certaines
de nos initiatives, alors que nous n’avions pas de
présence institutionnelle. Je pense par exemple
à ce que nous avons fait au profit de l’Orchestre
symphonique kimbanguiste, l’an passé au
Théâtre de verdure, à l’occasion de la célébration
du cinquantenaire du Traité de l’Elysée.
Wir kehren zurück !!!*
Le Docteur Wolfgang Manig, ambassadeur de la République
fédérale d’Allemagne en RDC, a officiellement annoncé à la
presse, le 19 novembre dernier, l’ouverture d’un Bureau de
liaison du Goethe Institut à Kinshasa, au sein de la Halle de
la Gombe. Effaçant une absence de 23 ans, qui n’a jamais
empêché la poursuite d’une solide coopération, l’Allemagne
revient donc en force dans le secteur culturel. Le Dr. Manig
présente cette renaissance et plus généralement l’action de
son pays en République démocratique du Congo.
Impact : En cette période de fêtes,
l’Allemagne vient de faire un beau cadeau
aux Kinois avec la réouverture du Goethe
Institut. Pourriez-vous expliquer à nos
lecteurs le contexte de ce retour ?
Wolfgang Manig : Le Goethe Institut est une
institution chargée de renforcer les relations
culturelles entre la République fédérale d’A llemagne et le reste du monde. Bien que financé
par le ministère des Affaires étrangères, il est
indépendant de ce dernier. Nous avions effectivement fermé nos installations à Kinshasa il y
a 23 ans, en raison de la dégradation du climat
10 / Impact n°7 / Décembre 2014
sécuritaire et des pillages dont nous avions été
victimes. Pour autant, cette longue période de
fermeture ne signifie pas que notre coopération
culturelle avec la RDC ait été interrompue. Mais
aujourd’hui, nous revenons à une présence «physique» de la culture allemande.
*Wir kehren zurück!!!
est une expression
signifiant en français
nous sommes de
retour !
Vous dites que les relations ne se sont
pas interrompues sur le plan culturel.
Pourriez-vous nous donner quelques
exemples ?
La section culturelle de notre ambassade n’a
jamais cessé de fonctionner. Elle a soutenu des
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Vous venez d’évoquer l’Institut français,
où s’installera le Goethe Institut dans
un premier temps. Comment ce dernier
va-t-il s’organiser, au sein de la Halle de la
Gombe ?
Nous allons d’abord ouvrir un Bureau de liaison.
C’est une procédure classique, qui débouche
normalement au bout de deux ans sur une implantation capable de proposer des cours de
langue et des ateliers dans des secteurs culturels
aussi variés que possible. Mais pour l’instant,
je suis heureux que l’Institut français accueille
notre Bureau. Je pense que le positionnement de
ce dernier au sein de la Halle de la Gombe, lieu
très connu des Kinois, est à la fois une occasion
de renforcer la coopération franco-allemande
dans le domaine de la culture, mais aussi d’engager une coopération trilatérale germano-franco-congolaise.
Mais je crois savoir qu’indépendamment
du Bureau de liaison, vous allez offrir
au public de Kinshasa une bibliothèque
dédiée aux auteurs allemands, dont
le nombre et la qualité n’est plus à
démontrer ?
Oui, nous allons proposer un certain nombre
d’ouvrages qui constituent une première contribution à l’offre culturelle allemande. Nous avons
aussi découvert qu’il existe en RDC quelques
îlots où la langue allemande a été enseignée (je
pense notamment à l’université de Kisangani,
capitale de la Province Orientale). Nous envisageons donc, en Province Orientale mais aussi à
Kinshasa et dans d’autres localités, d'offrir des
enseignements de langue allemande car la de-
mande, bien que nous soyons dans une région
francophone, est réelle. Cette bibliothèque n’est
qu’une première étape.
L’Allemagne n’est pas seulement un
grand et généreux partenaire de la RDC
sur le plan culturel, c’est aussi un très
grand partenaire en matière d’aide au
développement. Pourriez-vous nous
donner quelques exemples ?
La coopération entre la RDC et l’A llemagne est
effectivement dense et très étroite. Nous participons notamment aux efforts de stabilisation
engagés par le gouvernement congolais et ses
partenaires techniques et financiers.
La coopération entre la RDC et
l’Allemagne est effectivement dense et
très étroite. Nous participons notamment
aux efforts de stabilisation engagés
par le gouvernement congolais et ses
partenaires techniques et financiers.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 11
POLITIQUE
rebelles. Relèvent aussi de cette surveillance,
les «exploitations minières artisanales» susceptibles de contribuer au financement de ces derniers. Il ne s’agit bien sûr que d’une partie de nos
ambitions. Notre appui à la RDC vise aussi le renforcement de la coopération transfrontalière à
l’est du pays. Il faut trouver une solution durable
pour solidifier la cohabitation et la coopération
avec les Etats voisins, notamment le Rwanda et
l’Ouganda. Nous pouvons, à cet égard, nous référer au bel exemple de l’amitié entre la France et
l’A llemagne, deux pays qui ont pourtant connu
plusieurs conflits majeurs au cours de leur histoire.
Mais ce pays étant, en superficie, le deuxième
«poumon» de la planète Terre, nous intervenons
aussi de façon appuyée dans le domaine de la
protection de l’environnement. Bien d’autres sujets font l’objet d’un soutien allemand à la RDC.
Je pense en particulier au secteur de l’eau et de
la microfinance appliquée aux impératifs du
développement durable, autant de domaines
qui contribuent à la satisfaction des besoins vitaux de la population congolaise. Au-delà de la
culture et de l’assistance technique, il y a bien sûr
la coopération politique, qui fait l’objet d’un suivi régulier. Un dernier domaine que l’A llemagne
entend développer : les relations économiques.
Cela dépendra beaucoup des conditions offertes
par la RDC. Mais je crois que la stabilisation du
pays se poursuivant, il est possible d’espérer un
rétablissement de liens économique plus étroits.
Vous venez de parler des relations
politiques. À quel niveau se situent-elles
aujourd’hui ?
L’A llemagne exerce actuellement la présidence
du Groupe international de contact de la Région
des Grands Lacs jusqu’à la fin du mois de janvier
de l’année prochaine. Dans ce contexte, elle sera
proactive dans des secteurs tels que la certification des minéraux, cette approche étant en synergie avec notre propre coopération. L’objectif
est de mieux contrôler les flux physiques et financiers susceptibles d’alimenter les mouvements
12 / Impact n°7 / Décembre 2014
Revenons à l’économie si vous le voulez
bien. Que manque-t-il, selon vous, dans
ce pays pour rétablir la confiance des
investisseurs ?
Tout tourne, selon moi, autour du thème de la
bonne gouvernance. Je ne doute pas que les dirigeants de ce pays aient la volonté de le réformer
en profondeur. Mais après trente années de bouleversements et de luttes fratricides, il faut aussi
rétablir la solidarité de la société congolaise et
développer les capacités de l’appareil administratif. Nombreux sont les exemples, dans d’autres
Etats pourtant moins affectés par des conflits, de
dirigeants aux ambitions réformatrices : ils n’ont
rien pu faire de durable et d’effectif, sans un développement des compétences. A cet égard, la
présence et l’implication en RDC de l’Union Européenne mais aussi d’autres partenaires bi- et
multilatéraux, devraient permettre d’appuyer
ces réformes et de soutenir l’administration et
la société congolaises. Mais encore une fois, un
développement harmonieux ne peut se faire que
dans le cadre d’une vision réformatrice du pays
et d’une société congolaise réconciliée avec ellemême.
Propos recueillis par P.L.
Je pense que le positionnement du Goethe
Institut au sein de l'Institut français, lieu
très connu des Kinois, est une occasion de
renforcer la coopération franco-allemande
dans le domaine de la culture, mais aussi
d’engager une coopération trilatérale
germano-franco-congolaise.
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 13
POLITIQUE
Cette langue véhicule des valeurs et nous permet
d’appréhender les défis qui se posent à nos sociétés humaines en intégrant des éléments d’ordre
très différents. Certes, les technologies sont là
pour résoudre une partie des problèmes, les
questions de cohésion sociétale, de santé, d’éducation, de genre, de démocratie, de parole donnée
aux habitants sont autant d’éléments que nous
pouvons aborder, de par notre langue commune,
au sein de la francophonie. En d’autres termes,
mon message tend à promouvoir le partage d’expériences portées par les maires francophones.
Ainsi en est-il, par exemple, de l’expérience, portée par l’A IMF, des « maires médiateurs », c’est-àdire de ceux qui interviennent pour trouver des
solutions à des conflits de voisinage, y compris
d’ordre ethnique. Ce genre d’initiatives, que l’on
rencontre à Kinshasa et à Brazzaville, sera étendu à Bangui.
Pour conclure, je crois à l’importance des pouvoirs locaux, dès lors, bien sûr, qu’ils ne sont pas
déconnectés des Etats mais travaillent en lien
avec ces derniers.
Paris encore plus
proche de Kinshasa !
Anne Hidalgo, maire de Paris, est venue en RDC pour
présider la 34ème Assemblée générale de l’Association
Internationale des Maires Francophones (AIMF). Elle a
profité de cette visite pour signer un accord de coopération
entre la capitale française et Kinshasa.
Un accord bilatéral
Anne Hidalgo, maire
de Paris, échange avec
André Kimbuta Yango,
son homologue de la
ville de Kinshasa, les
termes de l'accord
de partenariat qui
rapprochera les deux
capitales.
C’est donc sous cette casquette de présidente de l’AIMF que vous êtes venue pour
la première fois en RDC ?
Tout à fait. Ce faisant, je réponds à une demande
assez ancienne de nos amis africains désireux
d’organiser une réunion en RDC. Une telle démarche m’a paru d’autant plus justifiée que visà-vis d’un pays résolument engagé dans un vaste
mouvement de réformes, réunir l’ensemble des
maires francophones à Kinshasa et y apporter
la contribution de l’A IMF prenait tout son sens.
J’ajoute que c’est aussi un signal fort que nous
donnons à ses habitants. N’oublions pas enfin
que, s’agissant d’une assemblée générale de
maires francophones, c’est aussi un moment très
important pour la francophonie.
Quel sera l’essentiel de vos messages
pendant ces quelques jours de congrès ?
D’abord que les pouvoirs locaux sont en place
et agissent pour contribuer à relever les grands
défis de la planète, avec les Etats, bien sûr. Car il
est vrai que les pouvoirs locaux (municipalités,
régions…) ont une capacité et une rapidité d’action qui sont, sans doute, moins importantes que
celle des gouvernements sur certains sujets.
Pour autant, Etats et pouvoirs locaux sont complémentaires. Prenons, par exemple, le thème du
changement climatique. Les Etats participeront
à Paris, en 2015, à la 21ème conférence mondiale
sur le climat ; ils y joueront un rôle prédominant
dans la fixation de nouveaux objectifs. Dans le
même temps, nombreuses seront les solutions
qui seront trouvées localement.
D’ailleurs, même à l’ONU, on est conscient qu’il
14 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Photos : Martin van der Belen
Impact : Vous êtes la première femme à
présider aux destinées de la capitale de la
France. Que vous inspire cette situation ?
Anne Hidalgo : Un grand bonheur et une
grande responsabilité. Pour moi, être maire de
Paris, c’est être investie d’une formidable mission
dans l’une des plus belles villes du monde ; une
ville qui impressionne de par son histoire et sa
capacité à se réinventer. En ma qualité de maire
de Paris, je préside aussi l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF).
Là-aussi, c’est la première fois qu’une femme est
à la tête de cette institution. Je mesure donc pleinement le poids des responsabilités qui pèsent
sur mes épaules. Mais j’ai beaucoup d’énergie et
je les assumerai.
faut donner la parole aux villes, qui sont les principaux acteurs du changement climatique, à
côté des entreprises, des ONG et des Etats.
C’est tout le sens de l’invitation qui m’a été faite
en septembre dernier par le Secrétaire Général,
M. Ban Ki-moon, à m’exprimer devant l’Assemblée Générale sur cette question du climat.
Autre message important que je veux faire passer à Kinshasa : la francophonie est une famille
ayant en commun une langue et une histoire.
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Indépendamment de ce grand rendezvous international, je crois savoir que vous
avez une échéance d’ordre bilatéral : la
signature, avec le gouverneur de Kinshasa,
d’un accord de coopération. Pourriez-vous
nous en dire plus ?
Le gouverneur de Kinshasa a souhaité que Paris
puisse s’engager de façon concrète de manière
bilatérale. J’ai naturellement accepté car il y a
beaucoup de sujets sur lesquels nous avons un
intérêt commun : d’abord l’environnement et
l’urbanisme, car je pense qu’une ville comme
Kinshasa, qui connaît une urbanisation débridée, a besoin d’un certain nombre d’apports,
d’expertises, dont nous disposons à Paris.
Mais d’autres sujets tels que la gestion des finances locales ou la prise en compte plus affirmée de la santé des femmes pourront conduire
des experts et fonctionnaires de la ville de Paris
sur les rives du fleuve Congo. Ils travailleront
avec les services correspondants ou accompagneront des projets, notamment en matière de
santé.
Pour moi, de tels accords de partenariat ne
doivent pas rester à l’état de déclarations amicales d’intention. Ils doivent être appliqués.
Je suis très pragmatique et lorsque je signe un
document de ce genre, j’entends qu’une telle
démarche se traduise rapidement par des actes
concrets.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 15
POLITIQUE
Ci-dessous, en
compagnie de
l'ambassadeur de
France, Luc Hallade.
est possible : nous l’avons fait et nous allons le
généraliser ; chauffer des immeubles de bureaux
avec la chaleur produite par les ordinateurs lorsqu’ils sont en marche : nous l’avons expérimenté
et cela fonctionne.
Pour résumer, la transition écologique ne
consiste pas seulement à s’appuyer sur les énergies renouvelables. Il faut aussi recourir à des
sources d’énergie relevant d’économies circulaires, rechercher de nouvelles façons de faire
fonctionner la ville sur le plan énergétique.
- Autre grand chantier auquel je me suis attelée:
16 / Impact n°7 / Décembre 2014
www.impact.cd
Photos : MVDB
Je voudrais, pour terminer, revenir à
Paris. En cette fin d’année, quels sont vos
principaux objectifs et quelles sont les
pensées que vous avez pour les Parisiens ?
D’abord Paris est une ville-monde. Elle est très
ouverte. Elle est curieuse. Sa population est
jeune, énergique, solidaire ; elle ne vit pas à
l’écart des bouleversements qui affectent le reste
de la planète. Je veux sincèrement préserver et
même amplifier ce caractère très particulier de
Paris, cette qualité de ville-monde.
- Pour les Parisiens, mon objectif numéro un est
le logement. La crise du logement ayant atteint
un seuil critique, je veux être en mesure de leur
Visite chalereuse
à Kinshasa
Anne Hidalgo a
longuement rencontré
les femmes lors de
sa visite à Kinshasa.
Outre l'environnement,
l'urbanisme ou les
finances locales, la santé
des femmes fait en effet
partie des thèmes qui
feront l'objet de projets
de coopération entre les
deux villes.
Après son passage chez
le gouverneur Kimbuta,
Anne Hidalgo a visté
l'exposition du plasticien
Dikisongele...
offrir chaque année 10.000 logements supplémentaires, que ces derniers relèvent du logement
social ou non. Le « réservoir foncier » de la capitale étant relativement limité, je m’appuierai
non seulement sur la « construction neuve »
mais aussi sur la transformation de bureaux en
logements. Cette politique devra être complétée par un important travail autour du coût du
logement. Au niveau du marché de l’immobilier,
il faudra travailler avec le gouvernement pour
essayer de contenir les coûts, en surveillant par
exemple l’encadrement loyers.
- La transition écologique est un autre de mes
objectifs prioritaires. Nous avons expérimenté,
les années précédentes, de nouvelles sources
d’énergie. Deux exemples : chauffer une école
avec la chaleur produite par les égouts de Paris
les transports. Vous le savez, nous devons faire
face à des pics de pollution liés notamment à un
trafic automobile qui reste important même s’il
est en diminution sensible. D’où une politique de
transports consistant, d’une part à prolonger les
lignes de tramway sur les boulevards des maréchaux, d’autre part à accroître le parc de bus à
mobilité électrique. Mais la « mobilité douce »
(vélo, marche à pied) ne sera pas oubliée. Nous
allons essayer d’amplifier la pratique du vélo
d’autant que les Parisiens l’utilisent désormais,
non seulement pour l’agrément mais aussi pour
leurs déplacements domicile – travail. Comment
y parvenir ? Avec l’installation d’une mobilité
électrique sur les vélos et, dans le même temps,
l’augmentation du nombre de piste cyclables
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dans l’ensemble de la capitale.
- Enfin je mettrai en œuvre un programme de
développement économique s’appuyant sur le
monde des start-ups, notre ville ayant fait le pari
du numérique. Ce programme sera original en
ce qu’il s’articulera avec une approche fondée sur
l’environnement (car nous devons assumer nos
responsabilités en matière de climat et de transition écologique) et sur le social car il ne peut y
avoir de société parisienne harmonieuse sans
une cohésion assurée, en particulier, par des services sociaux notamment aux plus démunis.
J’ai, en effet, conscience que c’est à travers les entreprises, dans les secteurs traditionnels mais
aussi dans des secteurs «nouveaux» tels que le
numérique, que nous allons pouvoir écrire de
nouvelles pages pour notre capitale.
Propos recueillis par PL.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 17
POLITIQUE
De beaux projets
pour Kinshasa !
Impact : Vous avez récemment reçu Anne
Hidalgo, maire de Paris, avec qui vous avez
signé un accord de coopération. Pourriez-vous nous en dire davantage ?
André Kimbuta : Tout a commencé lors d’un
de mes voyages à Paris au cours duquel j’ai rencontré Anne Hidalgo. À cette occasion, nous
sommes convenus d’élaborer un projet qui serait
formalisé et signé à Kinshasa. Dans la mesure
où nous appartenons tous deux à l’Association Internationale des Maires Francophones
(AIMF) et du fait que Kinshasa est, du point de
vue démographique, la deuxième ville francophone du monde, il nous paraissait normal que
nos deux métropoles fûssent liées par un accord
de coopération. Dans un souci d’efficacité, nous
avons décidé de nous limiter à quelques thèmes
pouvant avoir des répercussions concrètes et
aussi rapides que possible sur la vie des Kinois :
je pense notamment à l’aménagement urbain, la
promotion de la femme, l’éducation, la santé et
la gestion des finances dans le cadre de l’amélioration de la gouvernance. Cette coopération ne
sera d’ailleurs pas à sens unique. Certes, nous aurons besoins des experts et spécialistes de la ville
de Paris dans les secteurs que je viens d’énoncer. Mais du point de vue culturel notamment,
il s’agira réellement d’échanges car Kinshasa a
beaucoup à apporter, et dans de nombreuses disciplines. En définitive, si l’on reprend le contexte
de l’assemblée générale de l’A IMF, à laquelle
nous avons tous deux participé, l’accord de
coopération que nous venons de signer a valeur
d’exemple.
Vous venez de parler d’experts et
de spécialistes. Qu’attendez-vous
concrètement de Paris ?
Nous ne cherchons pas à réinventer la roue. La
ville de Paris a une expérience forte et ancienne
dans tous les domaines que je viens d’énumérer.
L’être humain étant au centre de tout développement, nous allons donc essayer de renforcer
les capacités de nos agents au moyen de stages,
des formations et d’ateliers. En premier lieu,
nous allons donc privilégier la formation. Début décembre, je reviendrai d’ailleurs à Paris à
l’invitation du directeur général d’ONU-Sida et
d’ONU-Habitat. Je saisirai cette occasion pour
18 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Photos : MVDB
Le 5 novembre dernier Anne Hidalgo, maire de Paris, et André
Kimbuta, gouverneur de Kinshasa, ont signé, à l’Hôtel de
ville de la capitale congolaise, un accord de jumelage entre
les deux grandes métropoles. André Kimbuta revient sur ce
moment historique et sur les perspectives ouvertes par ce texte
fondateur. Pour les lecteurs d’Impact, il livre aussi sa vision de
la coopération internationale et ses ambitions pour les Kinois.
rencontrer, avec quelques collaborateurs, certains responsables qui seront partie prenante à
cette coopération en matière de développement
des capacités. D’une manière générale, nous
nous essaierons de recueillir un maximum d’informations pratiques concernant les secteurs
que je viens d’évoquer afin de pouvoir nous en
inspirer à Kinshasa.
Au-delà de la ville de Paris, avez-vous déjà
noué d’autres coopérations dans la sphère
internationale ?
Naturellement. Vous savez que nous sommes
une ancienne colonie belge et il est normal que
nous soyons jumelés avec Bruxelles. En France,
avant Paris nous avions noué un partenariat
avec la ville de Nice. En Afrique, nous avons des
accords avec Abidjan, Dakar et Pretoria.
La ville de Kinshasa a donc une vraie
politique étrangère ?
Naturellement. Pour nous, la coopération in-
www.impact.cd
ternationale représente un enjeu important et
nous nous efforçons d'en élargir l’assiette au fil
du temps. L’idée n’est pas seulement de partager
des expériences ; il s’agit aussi de s’approprier ce
qui a réussi ailleurs pour le plus grand bien de la
population kinoise. À l’opposé, nos partenaires
peuvent découvrir, chez nous, des projets dont
ils s’inspireront. Cela a été le cas, par exemple, de
nos amis sud-africains.
Pour nous, la coopération internationale
représente un enjeu important et nous nous
efforçons d'en élargir l’assiette au fil du temps.
L’idée n’est pas seulement de partager des
expériences ; il s’agit aussi de s’approprier ce
qui a réussi ailleurs pour le plus grand bien de
la population kinoise.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 19
Il s’agit donc d’une approche de la base
vers le sommet ?
Oui. Ce qui nous a intéressés, c’est de mieux
connaître les attentes de la population et de
cerner les priorités. Je pense par exemple à l’adduction d’eau, à l’offre de soins, à la rénovation
des infrastructures, à la protection civile et aux
transports urbains. Autre élément particulièrement sensible : la bonne gouvernance.
De beaux chantiers en perspective.
En effet ! Et n’oublions pas un thème qui sera
d’actualité en 2015 : le changement climatique.
Je voudrais pouvoir faire de 2015 une année de
l’arbre à Kinshasa, en expliquant à ses habitants
l’importance du reboisement dans une ville aussi peuplée que la capitale de RDC. Ceci me paraît
d’autant plus justifié que ce sont les grandes villes
qui sont les plus exposées aux conséquences né-
Photos : Francis Wambole
En cette fin d’année, avez-vous déjà défini
des axes d’action pour 2015 au profit de
vos administrés ?
Mon action s’inscrira dans une politique de la
ville, elle-même reliée à la politique du gouvernement et à la vision du Chef de l’Etat. La population y adhère car elle résulte d’un processus de
consultations ayant débouché sur une série de
«cahiers des charges», ces derniers étant devenus une base de travail lors des «Etats généraux»
de la ville de Kinshasa. Les recommandations
qui ont été formulées à cette occasion sont, en
définitive, devenues notre programme politique.
Photo : MVDB
POLITIQUE
^
Signature du partenariat
entre Paris et Kinshasa
Anne Hidalgo et André
Kimbuta ont signé
un accord de coopération
entre les deux capitales,
en marge de la 34e AG de
l'AIMF, du 3 au 7 octobre
2014.
gatives du changement climatique.
Je voudrais terminer sur un chantier auquel
j’attache aussi une grande importance : celui
de l’éducation. J’ai, en effet, réalisé que les enseignements dispensés à notre jeunesse ne se
traduisaient pas par de bons résultats scolaires.
En attestent, les mauvais « scores » à l’examen
d’Etat comparable à votre baccalauréat. C’est
naturellement une question qui doit être prise en
compte non seulement au niveau des professeurs
mais aussi à celui des élèves et même des parents.
Propos recueillis par P.L.
20 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 21
POLITIQUE
vironnement, inégalités de richesses, flux migratoires, santé publique, notamment celles liées au
sida et à l’épidémie d’Ebola, place des femmes…
Ainsi, lors de la deuxième journée, consacrée à la
thématique «Dialogue, Autorités Locales, Union
Européenne et autres partenaires internationaux», les participants ont recommandé d'enganger un plaidoyer auprès des Etats pour un
transfert effectif des compétences tant administratives que financières et un renforcement des
capacités des acteurs locaux dans l’élaboration
des budgets participatifs.
La troisième journée a porté sur le thème «Villes
en lutte contre le changement climatique». L’un
des deux ateliers abordait plus précisément le
rôle des villes dans cette lutte : « Quelles démarches environnementales ? Quels changements et engagements élémentaires ? ». Parmi
les intervenants, Olivier Mushiete a présenté l’expérience congolaise dans le domaine des «puits
carbone» agro-forestiers d’Ibi Village au plateau des Bateke, dans la périphérie de Kinshasa. La réflexion des maires a débouché sur des
déclarations en faveur de la création de villes
durables, misant sur la réduction de la consommation d’énergie, le recyclage et les énergies renouvelables. Les participants ayant conscience
que pour une ville aussi grande que la capitale
congolaise il s'agissait d'un sérieux défi à relever.
S'agissant de mesures communes concrètes, la
présidente de l’A IMF, Anne Hidalgo, a annoncé
Kinshasa
capitale des maires
francophones…
La 34ème Assemblée générale de l’Association Internationale des
Maires Francophones (AIMF) s’est tenue à Kinshasa du 4 au 7
novembre. Quatre jours de réflexion et d’engagements sur les
défis urbains dans un univers mondialisé…
lus de 140 villes francophones étaient
représentées. Et pour souligner
l’importance de cette Assemblée générale des
maires francophones à Kinshasa, le Président
Kabila a prononcé un discours de clôture revenant sur la substance de cette riche rencontre en
RDC. En effet, de nombreuses questions ont pu y
être debattues : développement économique, en-
22 / Impact n°7 / Décembre 2014
^
Maire-Président
Nicéphore Soglo, ex
président du Bénin,
maire de Cotonou, avec
Joseph Kabila, président
de RDC.
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Révélation
Le professeur JeanJacques Muyembe
Tamfum, directeur
général de l’Institut
National de Recherche
Biomédical de la RDC
(INRB), considéré comme
l’un des meilleurs
virologues congolais, a
affirmé à l’occasion de la
34ème AG de l’AIMF, que
«la RDC est cliniquement
débarrassée de l’épidémie
d’Ebola à Djera en
Équateur»
le lancement de neuf nouveaux projets financés
à hauteur de 2 millions d’euros dans le domaine
de la santé, de l’éducation et des services aux
populations, devant bénéficier à près de 900.000
personnes dans diverses villes de l’univers francophone.
MVDB
La présidente de l’AIMF, Anne Hidalgo, a annoncé
le lancement de neuf nouveaux projets financés
à hauteur de 2 millions d’euros dans le domaine
de la santé, de l’éducation et des services aux
populations, devant bénéficier à près de 900.000
personnes dans diverses villes de l’univers
francophone.
Photos : Francis Wambole
P
^
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 23
ÉCONOMIE
Sur ces nouveaux axes, est-ce que le dialogue avec le gouvernement est facile et
où se situent les difficultés ?
La RDC est un pays qui requiert une présence effective et beaucoup de détermination, car nombreux sont les défis à relever. À l’aune de mon expérience personnelle, je peux dire qu’il existe une
réelle volonté réformatrice du gouvernement et
du Chef de l’Etat pour faire en sorte que l’Etat
fonctionne beaucoup mieux. Cette démarche
s’étend au secteur privé marchand afin qu’il
puisse fonctionner de manière plus libre.
Président de la section RDC
des Conseillers du Commerce
Extérieur de la France (CCEF),
Jean-Yves Parant dirige KPMG
en RDC depuis 2004. Mais
ce spécialiste en questions
commerciales et en expertise
comptable n’en est pas à sa
première expérience africaine,
puisque c’est en 1982 qu’il
s’installe sur le continent,
plus précisément à Abidjan.
Confidences d’un esprit libre
et ouvert.
Impact : Vous travaillez pour KPMG depuis
1994. Pourriez-vous dire à nos lecteurs ce
que représente KPMG dans le monde ?
Jean-Yves Parant : KPMG est l’un des quatre
grands cabinets d’audit et de conseil dans le
monde, les trois autres étant Ernst & Young,
PricewaterhouseCoopers et Deloitte Touche
Tohmatsu. Aujourd’hui, KPMG emploie 155.000
personnes dans 150 pays. Son chiffre d’affaires
annuel est de 23 milliards de dollars, généré à
hauteur de 80% dans les zones Etats-Unis et Europe. Jusqu’à présent, l’A frique occupe donc une
place modeste.
Avez-vous personnellement connaissance
d’exemples précis de cette volonté réformatrice ?
Naturellement. Si je fais référence à nos « métiers
de base », à savoir l’audit et le conseil, je constate
que l’adhésion à l’OHADA n’a pas seulement été
une décision de principe. Elle a été effectivement
mise en œuvre. Or ce changement est très important parce que la RDC avait un corpus de textes
très anciens (la loi sur les sociétés datait des années 1900, le code de commerce était également
très ancien) qui ne laissaient que deux solutions:
soit, passer à un système qui existe déjà et qui
a fait ses preuves dans seize autre pays, soit se
lancer, à titre purement national, dans la réforme de nombreux textes, ce qui aurait généré
de nombreux retards. La bonne solution a donc
été d’adopter l’OHADA et de passer rapidement
à une étape supérieure. Je crois qu’aujourd’hui,
notamment au regard du climat des affaires,
ce qui est important c’est de pouvoir donner la
possibilité aux différents acteurs économiques
d’opter pour des contrats possédant une clause
d’arbitrage, ce qui permet d’éviter de longues et
difficiles procédure de certains tribunaux.
Photo : KPMG
Photo : MVDB
Adapter le contexte et les
mentalités aux ambitions
de modernité...
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Revenons justement au climat des
affaires. Qu’est-ce qui vous paraît le plus
urgent à réformer dans les mois à venir ?
Il est important d’avoir une visibilité sur la protection juridique et aussi sur la pression fiscale
car il y a beaucoup de taxes parafiscales qui se superposent. En d’autres termes, il y a un manque
de lisibilité et de stabilité de la politique fiscale. Il
faut bien reconnaître que les textes fiscaux sont,
là aussi, relativement anciens et qu’il va falloir engager une réforme dans ce domaine, réforme qui,
je crois, a été initiée par le gouvernement, le but
étant d’alléger et de moderniser ces textes.
Vous êtes aussi Président des Conseillers du Commerce Extérieur de la France
(CCEF). Pourriez-vous nous expliquer ce
que sont ces CCEF ?
La création des CCEF remonte à 1898. À l’époque,
le gouvernement français recherchait des solutions pour relancer la France à l’international
et développer ses exportations. Aujourd’hui, ces
conseillers sont présents dans 146 pays et représentent une « force de frappe » globale de 4.300
personnes. Leur objectif est d’apporter des avis,
conseils et recommandations aux pouvoirs publics français sur l’économie et les perspectives
de développement commercial dans les pays où
ils travaillent. Cette fonction est conférée par décret du Premier Ministre pour une durée de trois
ans et s’exerce de façon bénévole. Dans les pays
où il existe une « section » des CCEF, l’objectif est
d’obtenir une représentation des acteurs français majeurs dans les différents secteurs d’activité significatifs. En RDC par exemple, nous avons
une section de 12 personnes représentatives des
secteurs d’activité les plus importants.
Je constate que l’adhésion à l’OHADA n’a pas
seulement été une décision de principe. Elle
a été effectivement mise en œuvre. Or ce
changement est très important...
Précisément, que fait KPMG en Afrique et
plus spécifiquement en RDC ?
Les métiers traditionnels de KPMG en Afrique
sont l’audit et l’expertise comptable. Mais aujourd’hui, nous développons les missions de
24 / Impact n°7 / Décembre 2014
Photo : KPMG
conseil, notamment en matière d’infrastructures, de santé, d’énergie et d’hydrocarbures.
Nous travaillons aussi pour les gouvernements.
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 25
ÉCONOMIE
Il y a aujourd’hui un changement dans les
mentalités congolaises. Voyez-vous le
même mouvement dans les mentalités
françaises ?
Oui. Depuis trois ou quatre ans, je vois un nombre
croissant d’entreprises françaises s’implanter en
RDC. Et pas les moindres : Orange, Canal+, et aujourd’hui Air France, qui développe de nouvelles
26 / Impact n°7 / Décembre 2014
activités. Or ces entreprises drainent avec elles
des sous-traitants, qui bénéficient de l’appui de
ces grandes entreprises. Comme dans beaucoup
de pays en Afrique, le développement de la RDC
s’appuie sur un fort développement des investissements directs étrangers.
En définitive, comment pourriez-vous
caractériser la communauté française en
République démocratique du Congo ?
Elle est soudée, dynamique et composée de personnes d’expérience. Il existe un Club français
des affaires (CFA) qui se réunit une fois par mois
et qui permet d’échanger sur différents thèmes ;
son action est soutenue par le Bureau du MEDEF
International pour l’A frique Centrale, installé à
Kinshasa.
Maestro de l'audit
KPMG est l’un des
quatre grands cabinets
d’audit et de conseil
dans le monde, les
trois autres étant
Ernst & Young,
PricewaterhouseCoopers et Deloitte
Touche Tohmatsu.
Aujourd’hui, KPMG
emploie 155.000
personnes dans 150
pays..
Quelle est la différence entre les CCEF et
le CFA ?
Le CFA est une association permettant de partager librement les informations sur l’évolution
du pays et des différents secteurs d’activité. C’est
une enceinte qui permet de se faire connaître
et d’échanger. Les CCEF travaillent de manière
plus structurée en faisant des notes sectorielles
de nature plus stratégique, qui sont remises à
notre ambassadeur.
Mais le CFA ne fait-il pas double emploi
avec la CCIFC (Chambre de Commerce et
d’Industrie Franco-Congolaise) ?
Pas du tout car la CCIFC est organisée avec deux
collèges, l’un français l’autre congolais. Ses objectifs sont différents : travailler avec l’UCCIFE
(Union des Chambres de Commerce et d’Indus-
www.impact.cd
tries Françaises à l’Etranger) et développer des
activités telles que des formations ou des événements comme la Semaine française de Kinshasa.
Le CFA est plutôt une réunion d’entrepreneurs
français au cours de laquelle les participants
échangent sur l’évolution des secteurs et du climat des affaires. Y sont conviées des personnalités importantes telles que, récemment, le professeur Masamba sur la thématique de l’OHADA.
Revenons à KPMG. Pourriez-vous nous
donner l'exemple d'un « contrat phare »
remporté en RDC ?
Oui. La mission que nous avons réalisée sur
l’ITIE (Initiative pour la Transparence des Industries Extractives). Elle avait pour objectif de
rapprocher les versements faits par les entreprises minières à l’Etat des fonds effectivement
reçus par ce dernier. Ce rapprochement a permis
de démontrer que contrairement peut-être à une
idée reçue, les sommes versées à l’Etat se trouvaient bien dans ses caisses. Nous avons noté très
peu de différences, ce qui a permis à la RDC de
devenir membre de l’ITIE, à la grande satisfaction des autorités congolaises.
Donc vous avez validé un « process ».
Parfaitement. Entre ce qui était déclaré, versé
par les entreprises et perçu par l’Etat.
Pourriez nous donner d'autres exemples
d’opérations auxquelles KPMG a participé?
Nous avons participé à l’audit de la dette intérieure, travail très important qui a permis de
contrôler un certain nombre de créances de
l’Etat. À une autre époque, nous avons participé
à l’audit de la Gécamines. Dernièrement nous venons de terminer un audit de gestion de la SNEL.
D’une manière générale, nous travaillons de manière assez rapprochée avec le gouvernement
pour essayer de trouver les marges de progrès
conformes à sa volonté d’améliorer le climat des
affaires et la performance des entreprises.
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Améliorer le climat
des affaires en RDC
Généralement, KPMG
travaille de manière
assez rapprochée
avec le gouvernement
pour essayer de
trouver les marges de
progrès conformes à
sa volonté d’améliorer
le climat des affaires
et la performance des
entreprises.
Dans le secteur des assurances et de
l’électricité, vous travaillez avec le gouvernement pour accélérer les réformes.
Comment cela se matérialise-t-il ?
En réalité, nous ne travaillons pas directement avec le gouvernement sur ces réformes
puisqu’elles ont déjà été engagées : le secteur de
l’électricité a été libéralisé et celui de l’assurance
est en passe de l’être au niveau du Parlement.
Une telle évolution est d’ailleurs salutaire. Prenez l’exemple de l’électricité dans le contexte
d’une croissance de 8,5% et, si tout va bien, à deux
chiffres dans les prochaines années. Sans davantage de production électrique, le secteur minier,
très gros consommateur d’électricité, sera en
panne et freinera la croissance. Il est donc clair
que le projet d’INGA, par exemple, va permettre
à la RDC de s’affirmer comme un grand producteur d’électricité africain (peut-être le premier).
Tout en étant en mesure d’exporter une partie
de sa production, il contribuera à améliorer
très sensiblement la disponibilité en énergie à
l’intérieur du pays. Or si l’on peut maintenir les
populations où elles se trouvent actuellement
et leur offrir les conditions d’un développement
durable, il faudra être capable d’acheminer cette
énergie vers les consommateurs finaux. Cela
veut dire aussi, dans les provinces, l’intervention
d’acteurs nouveaux et la création de centres de
production d’énergie indépendants de la SNEL.
Propos recueillis par P.L
Photo : KPMG
Et vous êtes entendus en France ?
Il est vrai que les Français sont assez frileux, à
part les Corses et le Bretons [sourire] qu’on retrouve un peu partout. La culture d’expatriation
économique n’a pas été très développée jusqu’aux
années récentes. Mais les choses changent et les
jeunes, notamment, sont de plus en plus enclins
à partir travailler à l’étranger. Il est vrai que les
Français sont très gâtés dans leur pays du fait
d’un environnement social particulièrement
protecteur. Partir à l’étranger reste donc une
aventure qui n’est pas toujours évidente, et encore moins évidente si l’on est chargé de famille.
Cela étant, il n’est pas très facile, je pense
notamment aux PME, de s’installer en
RDC? Que conseillez-vous à ces dernières ?
Les PME qui veulent s’implanter en RDC doivent
être prêtes à y investir. Elles doivent nécessairement disposer d’une logistique et de ressources
humaines appropriées, ainsi que de produits
adaptés à la RDC. Elles doivent aussi prospecter
le marché en s’appuyant, le cas échéant, sur les
CCEF, le service économique de l’ambassade de
France et la Chambre de commerce et d’industrie franco-congolaise. Mais en définitive, une
implantation réussie dans ce pays requiert une
forte détermination et une prise de risque en
toute conscience.
Peut-on dire qu’aujourd’hui vous travaillez
davantage sur les réformes du gouvernement que pour le secteur privé ?
Actuellement, notre chiffre d’affaires provient,
pour 60%, de contrats avec le gouvernement et
les bailleurs de fonds. Le secteur privé ne représente donc que 40% de notre activité. Il est vrai
qu’il existe peu d’entreprises de haut niveau répondant aux critères acceptables par KPMG
pour que nous puissions travailler pour elles.
Photo : MVDB
Quand le Premier Ministre dit qu’il souhaite davantage de présence française en
RDC, que faites-vous justement pour aller
dans son sens ?
Nous travaillons d’abord à donner des informations aussi objectives que possible sur la situation en RDC. Je crois, en effet, qu’un des freins
majeurs aux investissements étrangers dans ce
pays provient de sa mauvaise image extérieure.
Dans cette perspective et à travers le Conseil
économique créé auprès de l’ambassadeur, nous
réalisons des monographies sur les différents
secteurs afin de donner un éclairage plus mesuré
sur les possibilités d’investissements pour les entreprises françaises.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 27
ÉCONOMIE
Un nouveau cadre
pour le commerce ou
une révolution pour le
commerce extérieur
tion Assessment, and Control ». Son arrivée en
RDC remonte à novembre 2005, au lendemain
d’un appel d’offres international lancé par le gouvernement congolais pour choisir un prestataire
capable d’assister, d’une part, l’administration
des douanes (DGDA) principalement dans l’évaluation douanière des marchandises et leur classification, d’autre part, l’OCC (Office Congolais
de Contrôle) sur les aspects relevant davantage
du domaine qualitatif.
Arrivé en novembre 2011 à Kinshasa pour
diriger BIVAC (filiale du Bureau Veritas),
Jean-Michel Perret a longtemps travaillé
dans le secteur des transports et de la
logistique, en Europe comme en Afrique.
Egalement spécialiste en marketing et en
gestion des entreprises, il fait partie de ceux
qui encouragent la venue des investisseurs
français, que ce soit au sein de la Chambre de
Commerce et d’Industrie franco-congolaise
(CCIFC) dont il est membre, ou en qualité
de secrétaire général des Conseillers du
Commerce Extérieur de la France (CCEF).
Il vient de « décrocher » un très important
contrat avec le gouvernement de RDC.
Depuis votre arrivée, vous vous êtes personnellement investi dans un important
contrat que vous avez d’ailleurs remporté.
Pourriez-vous nous en donner les grandes
lignes ?
En septembre 2012, la RDC a souhaité lancer un
appel d’offres international à travers un avis à
manifestation d’intérêt, pour recruter une société capable de mettre en œuvre et opérer un Guichet Unique du Commerce Extérieur. Ce processus s’inscrivait dans une démarche, voulue
par le Chef de l’Etat et soutenue par le Premier
Ministre et visant à répondre aux recommandations d’organisations internationales telles que
l’OMD (Organisation Mondiale des Douanes),
l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce)
ou la Banque Mondiale recommandant aux
Etats membres de tout faire pour faciliter le commerce. Le guichet unique est donc un outil qui
doit permettre à la RDC d’effectuer un certain
Bureau Veritas ici, c’est donc BIVAC. Comment pourriez-vous en décrire les principales activités ?
BIVAC est une filiale du groupe, dont l’acronyme
signifie en anglais « Bureau of Inspection, Valua-
Les principaux «métiers» de Bureau Veritas
sont l’inspection, la certification et le
contrôle de conformité.
28 / Impact n°7 / Décembre 2014
www.impact.cd
Photos : Martin van der Belen
Impact : Vous présidez aux destinés de
BIVAC en RDC, c’est-à-dire de Bureau
Veritas. Pourriez-vous nous dire ce que représente cette entreprise dans le monde ?
Jean-Michel Perret : Bureau Veritas est une
société française très ancienne puisqu’elle a été
créée en 1828. Aujourd’hui elle est présente dans
plus de 140 pays et emploie 65.000 personnes.
Son chiffre d’affaires avoisinait les quatre milliards d’Euros en 2013. Les principaux «métiers»
de Bureau Veritas sont : l’inspection, la certification et le contrôle de conformité. L’entreprise est
organisée en divisions avec une division historique, celle de la Marine. Il y en a sept autres qui
traitent de l’Industrie, de la Vérification/Inspection en service, de la Construction, de la Certification, des Commodités (céréales, minerais,…) et
des Biens de consommation. La septième, pour
laquelle je travaille ici, s’appelle «Service aux
gouvernements et Commerce international».
Expertise technique
Jean-Michel Perret a
longtemps travaillé dans
le secteur des transports
et de la logistique, en
Europe comme en
Afrique...
nombre d’avancées :
- Améliorer son classement dans le « Doing Business » de la Banque Mondiale, puisque c’est
l’un des critères de la notation au regard du commerce transfrontalier ;
- Mobiliser les recettes de façon plus soutenue ;
- Assurer une transparence et une traçabilité des
opérations, principalement au niveau de l’Etat ;
- Faciliter et accélérer toutes les démarches administratives liées au commerce extérieur, au
profit des opérateurs économiques.
Le guichet unique, que nous appelons «Intégral»,
va couvrir l’ensemble du commerce classique,
à savoir l’import, l’export et le transit pour tous
les modes de transport existants. On retrouve en
RDC la totalité de ces modes de transport: maritime, fluvial, lacustre, routier, ferroviaire, aérien.
Le but est de permettre aux opérateurs économiques de disposer d’une plateforme dématérialisée à partir de laquelle ils pourront effectuer toutes leurs formalités d’importation ou
d’exportation, voire de transit, dès l’amont du
processus que nous appelons le « pré-dédouanement ». S’agissant du « post-dédouanement » ou
de la logistique, en aval, nous mettrons en place
un module permettant de tracer toutes les marchandises qui sortiront des places portuaires,
aéroportuaires, etc.
Commençons, par exemple, par l’amont : avant
de faire venir une marchandise en RDC, il faut
obtenir un certain nombre d’autorisations, dont
www.impact.cd
Impact n°7 / Décembre 2014 / 29
ÉCONOMIE
Photo : Donvictorio
Vous serez-partie prenante à cette
société ?
Tout à fait.
les licences d’importation de biens. Toutes ces
démarches prennent du temps. Selon le classement de la Banque Mondiale, le délai est estimé
à 43 jours (pour la pré-importation). Ce nouvel
outil devrait permettre de réduire considérablement ces délais, ce qui aura un effet positif pour
les opérateurs économiques. En effet, le temps de
préparation des autorisations administratives
pour importer les marchandises sera raccourci
et l’accélération de la rotation des navires désengorgera le port de Matadi.
Passons à la partie centrale : le guichet unique
dialoguera avec le système déjà utilisé par la
douane congolaise, qui s’appelle SYDONIA, et
qui constitue un outil de dédouanement performant. S’agissant du « post-dédouanement » ou
de la logistique, en aval, nous mettrons en place
un module permettant de tracer toutes les marchandises qui sortiront des places portuaires,
aéroportuaires, routières etc.
Votre mandat vous permet-il de suggérer des solutions à mettre en œuvre par le
gouvernement ?
Des recommandations pourront être formulées
en effet, notamment sur les aspects règlementaires. Le guichet unique intégral, vous l’aurez
compris, est un système dématérialisé. Il sera
donc important que le pays se dote, entre autre,
d’une loi sur le commerce électronique. Je crois
savoir qu’elle est d’ailleurs à l’étude. C’est ce
genre de recommandations que nous pourrions
faire. En d’autres termes, pour que le nouvel ou-
30 / Impact n°7 / Décembre 2014
til, dont nous venons de parler, soit totalement efficace, il faudra certainement adapter plusieurs
dispositifs législatifs et règlementaires.
De la même manière, comment allez-vous
concrètement intervenir sur l’aval du
processus ?
Le dédouanement restera le privilège de la
douane congolaise. Mais l’intérêt du système est
de permettre de consolider les informations de
tous les intervenants et d’assurer de fait une traçabilité des informations. Il en sera de même au
niveau des paiements, puisque lorsque vous importez ou exportez une marchandise, vous payez
des frais règlementaires ; là aussi ces frais seront
contrôlés, suivis et il y aura une transparence et
une traçabilité à ce niveau-là.
On voit bien que le contrat signé avec
le gouvernement congolais contribuera
à améliorer le climat des affaires. Mais
comment allez-vous prendre en compte la
problématique de la fraude ?
Le guichet unique intégral reste un outil. La
société d’exploitation qui sera créée prochaine-
Raisonnablement optimiste, oui. Je pense
que les sociétés françaises ont le savoir-faire
et l’expertise pour répondre aux besoins
gigantesques de la RDC et à ses attentes.
www.impact.cd
Restons sur le climat des affaires. Voyezvous d’autres pistes pour son amélioration
en RDC ?
Elles me paraissent devoir s’inscrire dans le suivi des recommandations d’institutions telles
que l’OMC ou l’OMD. Je pense notamment à un
« toilettage » législatif. Je constate d’ailleurs que
la RDC s’est engagée dans cette voie, puisque depuis septembre 2012, elle a adhéré à l’OHADA, ce
qui constitue une grande avancée au regard du
climat des affaires. N’oublions pas, en effet, que
l’OHADA est une organisation juridique commune à dix-sept pays. Cela contribue à rassurer
les investisseurs qui veulent développer leurs activités à l’échelle régionale.
Le mouvement que vous décrivez vous
rend-il optimiste quant à l’arrivée de
nouveaux investisseurs en RDC ?
La RDC est un pays qui a un potentiel gigantesque dans tous les secteurs d’activités, que ce
soit l’agriculture, les infrastructures, la santé, les
transports, l’énergie. Je pense que les réformes
qui ont été engagées depuis quelques années par
le gouvernement, sous l’impulsion du Chef de
l’Etat, encouragent clairement les investisseurs
étrangers à venir en RDC. Le pays avance. D’aucuns pourront dire que ce n’est peut-être pas assez rapide. Pour autant, il avance !
Logistique
S’agissant du «postdédouanement» ou de
la logistique, en aval,
Bivac met en place un
module permettant
de tracer toutes
les marchandises
qui sortiront des
places portuaires,
aéroportuaires, etc.
Vous avez plusieurs autres casquettes :
membre de la Chambre de Commerce et
d’Industrie Franco-Congolaise (C.C.I.F.C.),
Secrétaire Général des Conseillers
du Commerce Extérieur de la France
(C.C.E.F.)... Comment allez-vous, en interne
au sein de ces instances, favoriser l’arrivée
de ces investisseurs français ?
S’agissant de la CCIFC, au sein de laquelle je n’ai
pas de mandat exécutif, j’estime que cette institution doit attirer, en y mettant les ressources appropriées, les investisseurs, notamment les PME
qui n’ont pas toujours des surfaces financières
importantes, ce qui peut être un frein à leur développement. Elle pourrait, notamment, offrir
des solutions de « portage » permettant leur installation en RDC. En ce qui concerne les CCEF,
nous avons de très nombreux contacts avec des
entreprises françaises désireuses de s’implanter
dans ce pays. Comme le fait la Chambre, nous
contribuons à corriger l’image, par trop négative, de la RDC, tout comme le magazine Impact
d’ailleurs. Kinshasa n’est pas l’Est (encore que la
situation s’y soit considérablement améliorée) et
il est possible de faire des affaires dans la capitale, au Katanga, à Matadi et dans bien d’autres
endroits.
Propos recueillis par P.L
Photo : Martin van der Belen
ment en partenariat avec l’Etat congolais pour
gérer cet outil, sur la base d’une concession de
dix ans et d’un partenariat public-privé, n’a pas
vocation de dégager les administrations compétentes de leurs obligations ni de leurs responsabilités.
Vous êtes donc raisonnablement optimiste
quant à la venue d’investisseurs français ?
Raisonnablement optimiste, oui. Je pense que les
sociétés françaises ont le savoir-faire et l’expertise pour répondre aux besoins extraordinaires
de la RDC et à ses attentes. Que ce soit par le biais
de grands groupes ou de PME (95% des sociétés
françaises sont des PME), nous pouvons apporter économiquement un certain nombre de réponses à des problématiques rencontrées dans
ce pays.
www.impact.cd
Impact n°7 / Décembre 2014 / 31
ÉCONOMIE
Photo : Martin van der Belen
de restructuration et de responsabilisation à
mettre en place doivent s’étendre aux entités les
plus basiques telles que les villages ou les ETD.
Mais comment y parvenir avec un service public
défaillant et décrédibilisé ?
Il a donc fallu agir non seulement au niveau des
structures, mais aussi et surtout vis-à-vis de
ceux qui les servent, afin qu’ils aient conscience
de leurs devoirs et sachent faire respecter leurs
prérogatives.
Cette restauration de l’autorité de l’Etat avait
pour corollaire une politique « lisible » en termes
de sécurité. Comment, là aussi, asseoir la stabilité de nos institutions et engager la province dans
le développement durable sans la paix prônée
par le Président de la République, Joseph Kabila
Kabange ?
Telles sont les grandes priorités que je m’étais
fixées et qui, j’en suis heureux, ont reçu un soutien appuyé de la population.
Restaurer l’autorité de l’Etat
et relancer l’économie
Impact : Vous avez été élu, en 2013,
38ème gouverneur de la Province Orientale.
Quelles sont les priorités que vous-vous
étiez fixées lors de votre prise de fonction?
Jean Bamanisa : Le programme que j’ai présenté à l'Assemblée Provinciale n’était autre que
la consolidation des idées et actions que j’avais
déjà lancées alors que j’étais député national, élu
de la ville de Bunia. La priorité numéro un était,
32 / Impact n°7 / Décembre 2014
et cela ne vous étonnera pas, la restauration de
l'autorité de l'Etat dans toute l’étendue de la province. A la suite des nombreux troubles d’ordre
politico-militaire qui ont affecté cette dernière
pendant plusieurs années, notre administration,
en effet, s’était fragmentée, disloquée, au point
de ne plus être en mesure d’exercer la moindre
prérogative régalienne. Cette situation était
d’autant plus grave que dans le processus de
décentralisation qui s’engage, les mécanismes
www.impact.cd
Photos : Presse Gouvernement provincial
La Province Orientale, vaste territoire, est en train de
réorganiser sa gestion et son économie. Elle entend redevenir
une florissante plaque tournante du pays. Renforcement des
capacités, éducation et environnement, sont des domaines où
elle cherche à développer des partenariats. Son gouverneur est
un homme pragmatique issu du terrain…
Revenons à l'économie, si vous le voulez
bien, car votre réputation d'entrepreneur
n'est plus à démontrer. Quels sont les
principaux obstacles que vous avez
rencontrés jusqu’à présent dans la
mise en œuvre de cette partie de votre
programme?
La Province Orientale souffre essentiellement de
deux maux :
- un manque cruel d’infrastructures ;
- l'abandon des unités de production dans le domaine de l'agriculture et de l’agrobusiness.
Je m’efforce donc de redessiner l'ancienne carte
économique de la Province Orientale à partir
d’une amélioration des compétences et des aptitudes de nos populations dans certaines filières
agricoles, le but ultime étant d’accroître la valeur
www.impact.cd
Projet artisanal
La province doit
organiser les exploitants
en coopératives
afin de les amener
à travailler dans des
filières formelles,
dotées de bureaux
d'achat et d'export.
Un telle démarche
permettra de réduire
les trafics en tous
genres et contribuera
au développement de
l'entreprenariat.
ajoutée de la production. Y contribueront le retour à la culture du café, de l'hévéa et du palmier
à huile mais aussi l’introduction d’autres spéculations telles que le riz.
S’agissant des infrastructures, et dans la mesure
où la Province Orientale (dont la superficie équivaut à celle de l’Espagne) est au centre de la RDC
et plus généralement de l’A frique, je recherche
le développement de réseaux de transport multimodaux de façon à faciliter la logistique des
échanges de personnes et de biens.
Au-delà de ces deux objectifs de base, j’entends
bien mettre en valeur les potentialités qu’offre
la Province Orientale dans les domaines minier
et pétrolier. Ainsi l'industrie de l'or, à travers
Kibaligold, constitue-t-elle un exemple qui doit
nous inspirer pour attirer encore quelques gros
investissements. De la même manière, les entreprises détentrices de droits pétroliers doivent
réellement s'investir dans l’économie locale de
façon à permettre à la production pétrolière de
rattraper celle de nos voisins du Sud Soudan et
de l’Ouganda. Ainsi pourrons-nous générer les
revenus nécessaires aux besoins de la politique
d'émergence de la RDC à l’horizon 2030.
Dans le domaine artisanal, enfin, je veux organiser les exploitants en coopératives afin de les
amener à travailler dans des filières formelles,
dotées de bureaux d'achat et d'export. Un telle
démarche permettra de réduire les trafics en
tous genres et contribuera au développement de
l'entreprenariat congolais.
En quoi les partenaires étrangers de
la RDC, bi ou multilatéraux, publics ou
privés, peuvent-ils aider à surmonter les
difficultés que vous venez d'évoquer ?
Nous sommes naturellement très ouverts aux
Impact n°7 / Décembre 2014 / 33
ÉCONOMIE
Entités Territoriales Décentralisées (ETD).
- Les zones de parcs et de réserves doivent être
mieux protégées pour éviter d'éliminer des espèces rares telles que l'okapi. Aujourd’hui, en effet, les braconniers « pullulent » et se livrent à des
trafics qui portent malheureusement atteinte à
la sécurité des populations par les créations de
bandes armées ; ainsi en est-il du parc de la Garamba.
- Enfin, le tourisme reste à organiser afin d’inciter les visiteurs à découvrir les merveilles de nos
vastes étendues à la végétation luxuriante et variée.
partenaires bi et multilatéraux. Et plus que jamais je souhaite que les différents programmes
en faveur de la RDC incluent de façon croissante
la Province Orientale, qui compte 14 millions
d’habitants sur un territoire dont j’ai rappelé
l’étendue. Les besoins sont multiples et je salue
ceux qui participent déjà à des programmes
structurants.
Vous pouvez nous donner des exemples ?
Bien sûr ! La CTB (Coopération Technique Belge)
intervient dans les domaines de l'agriculture,
des infrastructures locales telles que les routes
de desserte agricole, la transformation et l'éducation. La Banque Mondiale développe, pour sa
part, des programmes d’infrastructures routières. Quant à la Banque Africaine de Développement, elle est présente en matière de santé et
d’équipements aéroportuaires. Ce ne sont que
des exemples ; car beaucoup d’autres partenaires
agissent à travers les agences des Nations Unies.
^
Visite
du président Joseph
Kabila sur le chantier de
rénovation de l'Hôtel
Congo Palace, exécuté
par l'entreprise chinoise
SZTC et financé sur
fonds propres de l'INSS.
Travaux de voirie
urbaine à Kisangani
financés sur fonds
propres du
gouvernement
provincial, confiés à
l'Office des voiries et
drainage, avec l'appui
technique de la SZTC.
le développement du système éducatif
dans un territoire aussi vaste que celui
de la Province Orientale ? Attendez-vous
là aussi un soutien d'autres partenaires
étrangers ?
La Province Orientale regorge d'un capital humain considérable et sa jeunesse « foisonne ».
Elle a besoin de bonnes bases éducationnelles
pour participer pleinement aux différents programmes de relance. Je soutiens la coopération
avec les organismes éducatifs de l'Église catholique et protestante, d’ailleurs appuyés par l’Etat.
Le relèvement du niveau des éducateurs est, à cet
Photos : Presse Gouvernement provincial
Au-delà du développement économique
et parce que je vous sais très attaché à
l'éducation, comment concevez-vous
égard, d’une importance stratégique. Le secteur
de l’enseignement professionnel est à mettre sur
pied afin de former les bâtisseurs de demain. Je
tiens par ailleurs à remercier particulièrement la
coopération française à travers M. Larrieu, qui
a procuré à une école naissante de Kisangani,
La Roche, des tableaux numériques ainsi que la
formation des enseignants sur site. Cette école
est donc la première en RDC, après le lycée René
Descartes de Kinshasa, à s’être dotée du matériel
interactif qui formera l'esprit de tous les jeunes
aux connaissances basées sur l'informatique.
L’ambassadeur de France, M. Luc Hallade, a également soutenu notre programme et ne cesse de
nous encourager. Enfin l’ancien Centre culturel
de Kisangani, devenu Alliance française depuis 1995, redevient un carrefour d'échanges et
d'émulation culturels ; j’en félicite son directeur,
M. Matthieu Juin-Levite.
34 / Impact n°7 / Décembre 2014
www.impact.cd
Ce numéro d'Impact est plus particulièrement consacré à l'environnement. Or la
Province Orientale, de par sa superficie et
ses ressources naturelles, représente un
véritable enjeu à l'échelle de tout le pays.
Quelle est votre vision de cet enjeu environnemental ?
Nous comptons poursuivre le quatrième pilier
de notre programme basé sur l'environnement
par une gestion saine de nos ressources naturelles. Dans cette perspective, nous agirons dans
plusieurs directions :
- Le secteur du bois artisanal et industriel, très
important pour l’économie, devra respecter des
règles strictes. Il importe en effet de préserver
nos forêts et éviter le gaspillage et les coupes sauvages qui la détruisent.
- Nous allons prochainement, dans le cadre de
la création du portefeuille provincial, mettre en
place des entreprises de préservation dont les populations pourront être actionnaires à travers les
www.impact.cd
Enfin, pour terminer cet entretien, comment voyez-vous l'avenir de la Province
Orientale et son chef-lieu Kisangani ?
Mon objectif, ma vision et mon rêve sont de
transformer ce magnifique territoire en un espace de vie agréable pour sa population, ses investisseurs, ses visiteurs, et plus généralement
tous ceux qui veulent participer avec nous à
cette grande œuvre de reconstruction.
Propos recueillis par Matthieu Juin-Levite
S’agissant des infrastructures, et dans la mesure
où la Province Orientale est au centre de la RDC,
je recherche le développement de réseaux de
transport multimodaux de façon à faciliter la
logistique des échanges de personnes et de biens.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 35
ÉCONOMIE
<
Tous pour un
Très engagée dans le développement, FEI, qui
vulgarise ici l'emploi d'orpailleuses dans un village du
Burkina-Faso, ne sera plus que l'un de six éléments
constitutifs de l'AFETI
Création de l’Agence Française d’Expertise
Technique Internationale (AFETI)
Un nouvel opérateur
pour de nouvelles ambitions
Au 1er janvier 2015, FEI fusionnera avec cinq opérateurs pour
constituer une agence française unique d’expertise technique
internationale (AFETI). Cette nouvelle agence aura pour
objectif d’accroître les capacités de mobilisation de l’expertise
technique publique française à l’international, pour mieux
répondre aux besoins grandissants des pays émergents et en
développement en matière de politiques publiques, dans tous
les secteurs d’accompagnement des réformes et de transfert
de compétences et de formation.
36 / Impact n°7 / Décembre 2014
www.impact.cd
ix opérateurs publics actifs dans
le domaine de l’assistance et de la
coopération technique internationale seront réunis au sein de cette agence unique :
> L’établissement public à caractère industriel et
commercial «France Expertise Internationale»
(FEI) ;
> Le groupement d'intérêt public «Assistance
au développement des échanges en technologies
économiques et financières» (ADETEF);
> Le Groupement d'intérêt public «Ensemble
pour une solidarité thérapeutique hospitalière
en réseau» (GIP Esther) ;
> Le Groupement d'intérêt public «International» (GIP Inter) ;
> Le groupement d'intérêt public «Santé protection sociale internationale» (GIP SPSI) ;
> L’association «Agence pour le développement
et la coordination des relations internationales»
(ADECRI).
Sous la supervision conjointe du ministère des
Affaires étrangères et du ministère chargé de
l’Economie, l’Agence Française d’Expertise
Technique Internationale inscrira pleinement
son action dans le cadre de la politique extérieure de développement et de solidarité de la
France et reprendra l’ensemble des droits et obligations des opérateurs actuels.
d’exécution de contrats : ceux-ci seront intégralement repris et assumés par l’A FETI au 1er janvier 2015, de même que les conventions de tous
ordres signées et exécutables par elles avec les
tiers, ainsi que leurs biens, droits et obligations.
La compétence, les références et l’expérience acquises par chacune des six organisations seront
intégralement préservées et développées.
La nouvelle agence s’appuiera sur des
atouts importants
> La qualité de l’offre, en développant les viviers
d’expertise, en particulier les viviers d’experts
publics, au-delà de ce qui avait pu être fait ;
Photo : FEI
Photo : FEI
S
La nouvelle agence assurera la continuité
juridique des contrats en cours
Une nouvelle agence pour de nouvelles ambitions. Comme le précise la loi du 7 juillet 2014,
«l’A FETI se substitue aux six opérateurs pour
tous les contrats et conventions passés dans le
cadre de leur activité avec transfert de plein droit
de leurs biens, droits et obligations».
Ainsi, jusqu’à la fin 2014, les six organisations actuelles continueront d’assumer la plénitude de
leurs responsabilités en matière de passation et
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 37
ÉCONOMIE
> Une capacité juridique et financière innovante, à travers un ensemble de compétences
articulées: maîtrise d'ouvrage, gestion déléguée,
maîtrise d’œuvre, réponse aux appels d’offres,
activité bilatérale, jumelages, conseil sur les partenariats public-privé ;
La nouvelle agence aura une organisation
privilégiant l’approche projets tout en préservant une forte expertise métier
> Une direction des opérations, composée d’un
service en charge de l’appui aux projets de jumelages institutionnels de l’UE, et de 7 dépar-
> Une direction de la stratégie et des partenariats, chargée avec l’ensemble des acteurs,
secteur privé compris, de positionner l’Agence
stratégiquement face aux nouveaux enjeux
«post 2015». Elle sera également chargée d’une
animation par grandes zones géographiques,
En appui aux opérations conduites par l'UE
Participation à la lutte contre la piraterie (Corne de
l’Afrique, Golfe de Guinée…)
des contacts bilatéraux dans ce cadre, et d’une
fonction d’animation de l’expertise ;
> Un fonds d’intervention qui aura vocation à
soutenir, notamment par des co-financements,
le positionnement de l’agence sur les grands
projets financés par l’Union européenne ou les
institutions multilatérales lorsque celles-ci en
manifestent le besoin.
Des Comités sectoriels, rattachés au Comité
d’orientation relatif au développement de l’expertise technique publique et privée, permettront d’orienter l’activité en cohérence avec les
actions engagées par d’autres acteurs dans les
différents domaines, notamment les ministères,
et de rechercher des coopérations et des partenariats nouveaux.
Bernard Poudevigne
Un engagement
g g
fort p
pour l'accompagnement
p g
du développement de l'Afrique Francophone
Subsaharienne et du monde des affaires
Photo : AFETI
> La conformité aux exigences croissantes en
matière de mise en œuvre de l'aide au développement, qui est un des facteurs clefs pour la crédibilité de l'opérateur de référence français que
sera l'A FETI.
tements thématiques traitant des contrats d’assistance, notamment financés par les bailleurs
internationaux :
- Gouvernance et droits humains
- Développement économique
- Finances publiques
- Stabilité, sûreté, sécurité
- Santé
- Développement durable
- Protection sociale et emploi
Un spécialiste de l'international
Jean-Christophe Donnellier
Délégué Interministériel à la Coopération technique internationale
N
ommé par le Premier Ministre Délégué interministériel à
l’expertise technique internationale en juillet 2014, JeanChristophe Donnellier est chargé d’organiser la création de la
nouvelle Agence Française d’Expertise Technique Internationale, l’AFETI,
qu’il présidera à partir du 1er janvier 2015. Il a mené l’essentiel de sa
carrière à l’international à la direction générale du trésor à Paris et à
l’étranger (Chicago, New York, Washington). Il a également occupé des
fonctions en cabinets ministériels à deux reprises, auprès du ministre
de la Fonction publique et du Plan d’abord, puis plus récemment comme conseiller économique du ministre de l’Économie,
des Finances et de l’Industrie, Thierry Breton, en charge auprès du ministre des questions de politique économique et
de finances publiques. Il a ensuite occupé les fonctions de directeur des relations internationales au Trésor, assumant
auprès des ministres l’appui aux grands contrats internationaux, le suivi des relations économiques bilatérales de la
France et représentant la France au Comité de politique commerciale à Bruxelles, Comité qu’il a présidé pendant la récente
présidence française de l’UE. Chef de poste à New York puis ministre conseiller pour les affaires économiques et financières
à Washington, Jean-Christophe Donnellier connaît bien les Etats-Unis où il a servi à trois reprises au sein de l’ambassade
de France. Plus récemment, ministre conseiller en charge des questions économiques et financières à la Représentation
permanente de la France auprès de l’OCDE, il a également occupé le poste de vice-président du Comité d’aide au
développement de l’OCDE et de Représentant de la France à ce même Comité.
38 / Impact n°7 / Décembre 2014
>
Des Comités sectoriels, rattachés au Comité
d’orientation relatif au développement de
l’expertise technique publique et privée,
permettront d’orienter l’activité en cohérence
avec les actions engagées par d’autres acteurs...
www.impact.cd
Photo : Ministère de la défense/J.Guiavar
> Une couverture géographique étendue, en
étant plus présente sur le terrain, mais aussi auprès des organisations internationales ; en développant notamment les travaux de veille amont
existants sur les politiques publiques financées
par les bailleurs multilatéraux, les fondations, les
partenaires...
Nous sommes un réseau
é
mondial de
cabinets d'audit et de conseil
présent dans 156 pays. Nous
employons 152 400 professionnels à
travers le monde avec un chiffre
d’affaires
combinés
en
2013
avoisinant USD 23,42
23 42 milliards.
milliards
KPMG sert 82% des 500 premières
entreprises mondiales.
Notre vision : Etablir une relation de
confiance
co
a ce a
avec
ec nos
os cclients
e ts et co
convertir
et
HQ YDOHXU DMRXWpH QRWUH
FRPSUpKHQVLRQ
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LQIRUPDWLRQ
financière, des secteurs
pFRQRPLTXHV HW PRQGH GHV DIIDLUHV
q p dédiée p
pour vous accompagner
p g
En RDC une équipe
au passage à l’OHADA dans les domaines suivants:
9Comptable :
‡ Migration Plan Comptable;
‡ /RJLFLHO G¶pGLWLRQV GHV pWDWV ILQDQFLHUV 2+$'$
‡ 0DQXHO GHV SURFpGXUHV FRPSWDEOHV REOLJDWLRQ DFWH XQLIRUPH
‡ 7UDLWHPHQW FRPSWDEOHV GHV RSpUDWLRQV VSpFLILTXHV
9 Juridique :
‡ 0LVH HQ KDUPRQLH GHV VWDWXWV
‡ ,QVFULSWLRQ 15&
9 Fiscal :
Nos engagements : Pragmatisme
HW SURDFWLYLWp GDQV XQ PRQGH
FRPSOH[H 3RXU UpSRQGUH j YRV
besoins, nos professionnels font
SUHXYH GH FDSDFLWpV G
DGDSWDWLRQ HW
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anticipation
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anticipation dans la UHFKHUFKH de
VROXWLRQV DSSURSULpHV
www.impact.cd
‡
$FFRPSDJQHPHQW SRXU OHV SUpSDUDWLRQV HW OD SUpVHQWDWLRQ GH OD
QRXYHOOH GpFODUDWLRQ ILVFDOH
Impact n°7 / Décembre 2014 / 39
"Tout naturellement..."
Photo : AFD
DOSSIER
E
nsuite, car avec nos partenaires congolais et d’autres institutions internationales nous
soutenons très concrètement en RDC des programmes visant à préserver les ressources
du bassin du Congo : deuxième poumon de la planète après l'A mazonie. Nous avons ainsi associé certains de nos partenaires pour offrir aux lecteurs d’Impact une palette d’expériences et
de points de vue, sur les questions d’environnement et de développement durable qui, sans être exhaustifs, abordent quelques sujets d’actualité dans la région : le WWF (World Wide Fund, en français
Fonds mondial pour la nature) sur les enjeux de la préservation de la Biodiversité ; la Banque Mondiale
sur la gestion durable des ressources naturelles ; la CICOS (Commission Internationale du bassin
Congo – Oubangui – Sangha) sur la gestion intégrée des ressources en eau du bassin du fleuve Congo ;
les partenaires du projet d’appui à la gestion durable des forêts soulignent pour leur part les efforts en
faveur d’une exploitation forestière plus responsable socialement et écologiquement.
Impact a décidé de consacrer son nouveau numéro à l’environnement
et l’AFD s’est tout naturellement prêtée au jeu pour élaborer cette
édition spéciale. Tout naturellement, d’abord, car c’est le cœur de
notre métier de développeur puisque l’AFD finance des projets de
développement économique et social qui contribuent également à
l’atténuation et à l’adaptation aux effets du réchauffement climatique
ou qui soutiennent les pays du sud dans la mise en œuvre de leurs
politiques de transition écologique.
Photo : Virgine Leroy_AFD
Jean-Christophe MAURIN
40 / Impact n°7 / Décembre 2014
www.impact.cd
www.impact.cd
Impact n°7 / Décembre 2014 / 41
DOSSIER
d’un millions de Kinois qui en bénéficieront d’ici
2017. Grâce à la distribution d’eau potable qui ne
subit aucun traitement chimique, car tirée de
forages profonds (100 à 150 m), ce programme
permet de limiter la pollution et les maladies
hydriques, d’alléger le travail des femmes et des
enfants de ces quartiers, et de faciliter leur insertion économique et sociale.
En privilégiant les matériaux locaux par la
confection de briques de terre crue qui sont
compressées à froid pour la construction d’un
millier de salles de classes qu’elle finance en faveur des écoliers du Bandundu et du Bas-Congo,
l’Agence limite l’utilisation des fours à bois et par
là-même, la déforestation.
Agence Française de Développement
Concilier le progrès économique
et social et préserver
l'environnement en RDC
E
n République Démocratique du
Congo, l’A FD a repris ses activités
fin 2003, après une interruption de
treize ans. L’agence concentre ses
financements sur trois objectifs principaux :
- améliorer les services sociaux de base directement au profit des populations, notamment dans
l’accès à l’éducation, la santé et à l’eau potable ;
42 / Impact n°7 / Décembre 2014
www.impact.cd
- contribuer au développement économique en
favorisant le renforcement du capital humain
par la formation professionnelle et l’extension du
crédit bancaire en direction des PME ;
- apporter une coopération technique pour améliorer l’exploitation des forêts et la gestion de l’environnement.
Jean-Christophe Maurin
Château
d’eau
financé par
l’AFD
Photo : AFD_JC Maurin
L’Agence Française de
Développement (AFD) est
l’institution financière
du dispositif français de
coopération qui agit pour
lutter contre la pauvreté et
favoriser le développement
dans les pays du Sud et
d'Outre-mer. Au moyen de
subventions, de prêts, de
fonds de garantie ou de
contrats de désendettement
et de développement,
elle finance des projets
d’investissements et
accompagne ses partenaires
du Sud dans le renforcement
de leurs capacités.
Les engagements de l’A FD en RDC s'élèvent à
223 millions d’euros fin 2014. Depuis juillet 2013,
le Contrat de Désendettement et de Développement (C2D) représente, à lui seul, un engagement
de 106 millions d’euros.
À travers ses financements, l’A FD considère
que le développement est aussi un élément de
réponse au défi planétaire du dérèglement climatique. C'est particulièrement le cas au Congo,
où l'administration et les sociétés forestières
mettent en œuvre un programme d'aménagement des forêts qui a pour objectif, à la fois de
dynamiser le tissu économique local et de préserver le deuxième poumon de la planète après
l'A mazonie.
Photos : Joseph Moura_AFD
Confection
de briques de terre
crue compressées
à froid pour la
construction de
salles de classes
financées par l’AFD
En appuyant la Commission Internationale
du Bassin Congo-Oubangui-Sangha (CICOS),
l’agence contribue aussi au développement
durable du bassin du Congo en soutenant une
politique de gestion intégrée des ressources en
eau, fondée sur la connaissance des ressources et
l’aide aux décisions d’aménagement et de gestion
des eaux.
En finançant des réseaux d’approvisionnement
en eau potable et d’assainissement à Kinshasa,
l’agence contribue à alimenter plus de 400.000
personnes résidant dans les quartiers périphériques de la capitale. Avec le C2D, ce sont près
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 43
DOSSIER
Lutte contre le dérèglement
climatique et développement durable
Des solutions innovantes
et efficaces...
Impact : Comment l’AFD concilie-t-elle
climat et développement ?
Pierre Forestier : Pour un bailleur de fonds, le
climat n’est pas un objet en soi. Nous finançons
des projets de développement qui ont un « bénéfice climat ». C’est-à-dire des projets de développement économique et social qui contribuent
également à la réduction des émissions de gaz
à effet de serre (projets d’atténuation), à la résilience aux effets du dérèglement climatique (projets d’adaptation) ou qui soutiennent les États et
les collectivités locales dans la mise en œuvre
de leurs politiques de transition écologique. Les
questions climatiques sont donc un sujet majeur
du développement, qui touche tous les acteurs
et toutes les natures d’investissements économiques, au premier rang desquels le secteur de
l’énergie, mais aussi les infrastructures, l’industrie, les services, etc. Nous sommes aussi très
engagés pour la valorisation des services rendus
par la nature, comme la capacité de certaines
ressources naturelles (sol, forêt) à stocker des
tonnes de carbone.
Photo : AFD
Trois questions à Pierre Forestier, responsable de
la division Changement climatique à l'AFD.
La prise en compte des questions
climatiques va-t-elle modifier l’aide
au développement ?
On pourrait dire que l’aide internationale est
déjà en pleine mutation. On peut, en particulier, avancer que le dérèglement climatique
« légitime » l’aide publique au développement.
L’enjeu de la question climatique, c’est de financer et d’accompagner l’innovation, les prises de
risques, la redirection des investissements et des
flux de financement et les politiques de transition énergétique. Et là, les financeurs ont une
vraie valeur ajoutée ! Il s’agit aussi d’assurer sur
la durée un accès aux infrastructures et services
de base. Ces questions d’adaptation et de vulnérabilité aux effets du changement climatique, en
Afrique, en particulier, redonnent un caractère
d’urgence à la solidarité internationale. On peut
donc affirmer que la prise en compte de la « dimension climat » dans les programmes de développement, d’une part, renforce notre mission de
solidarité dans les pays pauvres, et, d’autre part,
légitime totalement notre action dans les pays
émergents et le pourtour méditerranéen, où
notre objectif est bien de réorienter les politiques
publiques et d’accompagner les acteurs économiques pour assurer un développement durable
et bénéfique à tous.
Propos recueillis par Jean-Christophe Maurin
15 MILLIARDS
D’EUROS
Qu’est-ce que cela implique pour un
financeur comme l’AFD ?
La prise en compte du climat n’est pas un frein
au développement. Mais nous devons penser
des instruments nouveaux et faire des choix
d’investissement différents. L’A FD, acteur financier public de poids, est engagée depuis plus de
dix ans sur le sujet « climat et développement ».
Nous avons acquis un savoir-faire et développé
des instruments efficaces capables de répondre
à une attente croissante des pays et des acteurs
économiques (prêts budgétaires, programmes
44 / Impact n°7 / Décembre 2014
d’accompagnement des politiques publiques,
instruments à effets de levier sur le système bancaire local et le secteur privé, programmes de
recherche…). Nous avons également adopté une
stratégie opérationnelle ambitieuse qui repose
sur un engagement financier, une sélectivité des
projets que nous finançons, la mesure systématique de leurs impacts carbone et, bientôt, une
analyse de vulnérabilité systématique.
C’est le montant des engagements
climat de l’AFD depuis 2005 dans les
domaines des énergies renouvelables,
de l’efficacité énergétique, des
transports propres, de la protection
de la forêt, de l’agroécologie, ou de
l’adaptation au changement climatique.
www.impact.cd
www.impact.cd
« Les priorités de l'AFD pour
un développement durable »
L
es enjeux climatiques conduisent l'AFD à revoir
profondément les choix de développement mais
aussi la conception des projets. Nous accompagnons
nos partenaires pour accélérer le développement
des projets qui limitent les émissions de carbone tout en
répondant aux enjeux économiques et sociaux, comme par
exemple les énergies renouvelables, les transports publics
ou encore les projets de lutte contre la déforestation. Nous
visons ainsi deux objectifs principaux.
Soutenir le développement des énergies renouvelables et
agir sur l’efficacité énergétique.
La production d’énergie est la principale source d’émission
de gaz à effet de serre (GES), et un enjeu économique
majeur pour tous les pays. Le développement des énergies
renouvelables peut être une opportunité de développement
et d’indépendance énergétique pour les pays pauvres,
notamment en Afrique. L’essentiel de nos financements
se concentrent sur l’émergence de technologies propres
(solaire thermique à concentration, éolien, hydraulique,
géothermie) dans des pays qui ont la volonté de les développer
et d’atteindre à court ou moyen terme la parité des coûts
avec les filières conventionnelles de production d’énergie.
Ils concernent également la mise en place de systèmes
et technologies efficaces de maîtrise et de réduction de
la consommation énergétique, en particulier dans les
mégalopoles africaines par l'aménagement de moyens de
transports publics plus sobres en Carbone (métro du Caire, bus
articulés en site propre à Lagos).
Appuyer la valorisation économique des services
environnementaux rendus par la forêt et l’agriculture.
La déforestation et les pratiques agricoles représentent
presque 30 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Le
coût de l’externalité des GES étant reconnu par la communauté
internationale, le bénéfice de séquestration par les sols et le
non-déstockage par la déforestation peuvent être valorisés
économiquement. Cette valorisation est une opportunité
économique pour les pays concernés et surtout pour les
communautés démontrant une bonne gestion de leur capital
forestier (biodiversité) et des pratiques agricoles et rurales
durables (agriculture familiale). L’AFD, très impliquée sur ces
questions, développe des programmes d’aménagement des
forêts (bassin du Congo), d’agroécologie (Madagascar), de
développement local et de gestion des terroirs ruraux.
Laurence Breton-Moyet,
directrice du département Développement durable à l'AFD
Impact n°7 / Décembre 2014 / 45
Les images satellite
au service de la
lutte contre la
déforestation dans
le bassin du Congo
^
Image SPOT4
de résolution 20
mètres, en couleurs:
la forêt dense
apparaît en rouge.
Copyright : CNES
2000, Distribution
Airbus DS/Spot Image
Photographier et cartographier
les espaces forestiers
pour mieux lutter contre la
déforestation dans le deuxième
plus grand massif forestier du
monde, le bassin du Congo,
telle est l’ambition du projet
initié par l’AFD, en partenariat
avec Airbus «Defence and
Space». Projet qui affiche ses
premiers résultats.
46 / Impact n°7 / Décembre 2014
Impact : L’observation de la Terre par
satellite est aujourd’hui reconnue comme
un outil essentiel pour faire face aux
défis environnementaux. Comment cette
composante est-elle intégrée dans les
programmes de l’AFD ?
Karen Colin de Verdière : L’observation de la
Terre depuis l’espace, grâce aux satellites, est en
effet un outil essentiel pour faire face aux défis
globaux, que ce soit la gestion durable des ressources naturelles (forêts, pêche, biodiversité,
ressources en eau), la lutte contre le changement
climatique, la sécurité alimentaire (usage des
sols, assurance, irrigation) ou l’aménagement
des territoires (cadastre, aménagement urbain).
Car les satellites d’observation de la Terre permettent d’obtenir des informations précises sur
de très grandes superficies, de manière répétée et
à moindre coût, dans des régions du monde parfois difficiles d’accès. Par exemple, il est possible
de cartographier, grâce aux satellites, l’ensemble
des forêts du bassin du Congo, qui couvrent plus
de 3 millions de km² (soit cinq fois la superficie
de la France), alors qu’il serait difficile, voire impossible, de réaliser une couverture exhaustive
depuis le terrain, où les voies d’accès en milieu
forestier sont souvent inexistantes.
Cependant, les pays du Sud, dans lesquels intervient l’A FD, n’utilisent encore que très peu ces
technologies car les données satellites disponibles sont peu nombreuses et les capacités à les
interpréter et à les utiliser sont insuffisantes.
L’accès aux données spatiales constitue ainsi un
enjeu majeur de solidarité internationale et de
préservation de l’environnement.
Quelles sont les caractéristiques du projet
pilote d’observation spatiale des forêts
tropicales d’Afrique centrale ? En quoi estce une démarche innovante ?
Lors du sommet de Copenhague en décembre
2009, l’A FD s’est engagée, au travers d’un partenariat avec Airbus « Defence and Space », filiale
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du Groupe Airbus et fournisseur d’images satellites, à mettre à disposition, gratuitement, des
images satellite de haute résolution SPOT aux
administrations, instituts de recherche et organisations de la société civile qui travaillent au
service de la gestion durable des forêts du bassin
du Congo.
Cette initiative vise à stimuler l’utilisation des
données spatiales en Afrique Centrale, à renforcer les capacités des acteurs locaux à utiliser ces
technologies et à développer des cartographies
forestières nationales afin de mieux évaluer l’efficacité des politiques de lutte contre la déforestation.
D’un coût total de 8,5 millions d’euros sur cinq
ans, ce projet est mis en œuvre par un consortium d’institutions françaises spécialisées dans
le domaine de la télédétection. Ce consortium
est piloté par IGN France International et réunit
l’IRD, le CNES et l’IGN.
Dans le même temps, Le projet GEOFORAFRI,
financé par le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM), s’intéresse, de façon
complémentaire, à favoriser l'adoption et la maîtrise méthodologique et technique des données
satellitaires d'observation de la terre au sein des
pays d'A frique centrale et de l'ouest grâce à des
renforcements de capacités et d’accès à ces technologies.
Quels sont les impacts attendus ?
Les premiers résultats sont-ils encourageants ? Pensez-vous que l’usage de
cette technologie soit reproductible dans
d’autres géographies et d’autres secteurs
d’intervention de l’AFD ?
Depuis son démarrage, le projet a déjà permis
la réalisation d’une cartographie forestière historique de près de 300.000 km², permettant de
suivre l’évolution du couvert forestier du bassin
du Congo entre 1990, 2000 et 2010. Le projet a
aussi financé l’acquisition de plus de mille nouvelles images de haute résolution sur le bassin,
constituant une couverture satellite complète
des forêts de cette région. Son actualisation, avec
de nouvelles images, est en cours.
Par ailleurs, l’A FD soutient le développement des
applications des technologies spatiales à d’autres
secteurs et d’autres géographies. Par exemple, en
Indonésie, l’A FD finance la mise en place d’un
centre de surveillance maritime par satellite, qui
permettra le suivi des ressources halieutiques et
de l’environnement marin (coraux, mangroves),
des activités de pêche (légale et illégale), des pol-
www.impact.cd
Photo : Eric Thauvin
DOSSIER
Karen Colin de Verdière
Chef de projet
Biodiversité à
l’Agence Française de
Développement.
lutions par hydrocarbures, etc...
L’A FD va également lancer une étude qui réalisera un état des lieux de l’utilisation de ces technologies pour l’agriculture en Afrique sub-saharienne, afin de pouvoir répondre de manière plus
économique et plus réactive aux besoins de pilotage des politiques agricoles des gouvernements
africains (planification de l’usage des terres à
différentes échelles, prévisions de rendements,
épidémio-surveillance, état des infrastructures,
etc.).
D’une manière générale, ces interventions
dans un domaine de technologie de pointe, en
constante évolution, nécessitent un engagement
public important, pour la construction d’une
infrastructure de production d’images exploitables par des acteurs publics comme privés et
des systèmes rigoureux de vérification des interprétations. La formation des experts nationaux
et leur association à des réseaux internationaux
sont indispensables. Dans tous les domaines
d’application évoqués (forêt, océan, agriculture),
des institutions et entreprises françaises peuvent
grandement y contribuer.
Propos recueillis par Jean-Christophe Maurin
L’AFD s’est engagée, au travers d’un partenariat
avec Airbus « Defence and Space », à mettre à
disposition, gratuitement, des images satellite
de haute résolution SPOT aux administrations,
instituts de recherche et organisations de la
société civile qui travaillent au service de la
gestion durable des forêts du bassin du Congo.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 47
DOSSIER
pour une gestion
durable de la forêt du
bassin du Congo
Impact : Que signifie la gestion durable des
forêts ?
Sébastien Malele : À la fin des années 80, en
raison des effets négatifs désormais démontrés
et souvent très visibles d’une utilisation excessives des ressources naturelles dans le monde,
sont apparus simultanément le concept de développement durable et son corollaire, la volonté
de préserver le patrimoine national et également
mondial qu’elles représentent pour les générations actuelles et les générations futures.
L’application de ce concept de développement
durable au secteur de la forêt a été consacrée
par la Conférence de Rio en 1992, car la gestion
Sébastien Malele
Chef du projet
AGEDUFOR, directeur
du département
des Inventaires et
des Aménagements
Forestiers au ministère
de l’Environnement, de
la Conservation de la
Nature et du Tourisme
de la RDC.
République Centrafricaine
Etat d'avancement du processus d'aménagement
des titres forestiers en RDC
Octobre 2014
Soudan
Gbadolite
!
!
Cameroun
Gemena
!
!
Fleuve Congo
Guinée
Equatoriale
!
Isiro
Lisala
Orientale
!
Basankusu
Bunia
Equateur
.
!
.
!
Mbandaka
!
Kisangani
!
Wanie-Rukula
Boende
Gabon
Fleuve Congo
!
.
!
Inongo
Goma
Rwanda
Bukavu
République du Congo
.
!
"
!
!
.
!
Boma
!
Mbanza-Ngungu
Uvira
!B u r u n d i
Bandundu
!
Kenge
!
Kikwit
n
cide
i Oc
Madimba
Angola
.
!
Kindu
Kasa
K
K II N
NS
SH
HA
AS
SA
A
.
!
Bandundu
!
Matadi
!
Lusambo
Luebo
.
!
Kananga
!
Mbuji-Mayi
!
! Tshilenge!Kabinda
.
Tshimbulu!
Kalemie
Ta n z a n i e
tal
Légende
Processus d'aménagement
Angola
Titre résilié
Processus d'aménagement non initié
0 62,5 125
250
Kilomètres
48 / Impact n°7 / Décembre 2014
375
500
!
Kamina
En cours d'aménagement
Plan d'aménagement en cours de validation
Photo : AFD
L’aménagement durable des forêts
tropicales est un défi dont l’enjeu est
planétaire. Il doit pouvoir concilier l’équilibre
économique de la production de bois et
la préservation des écosystèmes. Une
nécessité pas toujours facile à comprendre…
durable s'est alors imposée comme la seule solution réaliste et pérenne, permettant de concilier
la mise en valeur économique de la forêt, le développement socio-économique des territoires
forestiers et la conservation de ces ressources
naturelles, certes renouvelables mais fragiles.
En quoi, cela consiste-t-il ?
En termes simples, la gestion forestière durable
doit dépasser la simple vision d’une production
quantitative de bois pour également maintenir
la biodiversité et le bon fonctionnement de l’ensemble de l’écosystème forestier, en intégrant
une dimension sociale au bénéfice des populations locales dont l’existence parfois relève des
ressources ligneuses et non ligneuses de la forêt.
En résumé, elle doit assurer la durabilité de l’ensemble des fonctions de la forêt au niveau des
territoires et de ses populations mais aussi au
niveau des éco-systèmes . Le principal défi de
l’aménagement durable des forêts tropicales réside ainsi dans la multiplicité des fonctions à préserver, tout en conciliant l’équilibre économique
de la production de bois.
En Afrique centrale, depuis les années 90, divers
projets ont permis de jeter les bases des itinéraires techniques d’aménagement durable de
ces forêts. L’Agence Française de Développement
(AFD) a été un des contributeurs forts de ces
projets pilotes, et s’est toujours engagée pour appuyer le développement harmonieux du secteur
des bois tropicaux en Afrique.
www.impact.cd
Comme tous les plans d’aménagement forestiers,
ceux établis en Afrique centrale s’appuient sur
une solide connaissance préalable des forêts, de
leurs ressources, des conditions de leur mise en
valeur, de leurs fonctions sociales et écologiques.
C’est d’autant plus nécessaire que ces forêts restaient très mal connues préalablement.
Ainsi, l’élaboration des plans d’aménagement
passe par une série d’études lourdes, souvent
onéreuses :
- l’inventaire statistique d’aménagement multi-ressources décrivant la structure de la forêt et
quantifiant de façon dynamique les ressources
actuelles et futures en bois des différentes essences, mais aussi les ressources fauniques ;
- la cartographie de base du territoire sous aménagement et de l’occupation du sol, avec création
d’un Système d’Information Géographique (SIG)
utilisable au moment d’appliquer la gestion forestière durable ;
- les diagnostics socio-économiques, et les contributions de l’activité forestière au développement
local en termes d’infrastructures, d’emplois et de
revenus financiers. L’analyse de l’ensemble de ces
données permet d’établir un plan d’affectation
des terres à long terme réservant des espaces
pour le développement des activités aux populations, des superficies protégées ou conservées
pour la biodiversité. Sur les superficies dédiées à
la production de bois d’œuvre, des règles d’intervention et une planification des coupes sont arrêtées sur le long terme (25 années), de manière
à garantir une production « soutenable ». Grâce
à son plan d’aménagement, l’entreprise concessionnaire dispose de la garantie d’une récolte
sur le long terme ; elle acquiert également une
visibilité de ses productions potentielles qui lui
permet de chercher des solutions de valorisation
optimale des ressources, et enfin elle s’intègre de
façon pérenne dans le territoire de sa concession
et dans son développement. Cet investissement
important pour les entreprises s’inscrit sur le
long terme et nécessite un cadre institutionnel
adéquat.
Quel est le rôle de l’état et de chacun des
acteurs ?
Au moment du développement de la dynamique
d’aménagement des forêts dans les années 1990,
face aux capacités limitées des Etats, mais aussi aux contraintes logistiques de mise en œuvre
des projets d’aménagement, et dans le souci
d’adapter au mieux les méthodes de gestion aux
modèles économiques des entreprises, la déci-
www.impact.cd
Gestion du patrimoine
forestier
En 2005, la RDC
s'est engagée dans
un processus de
gestion durable de son
patrimoine forestier.
Un processus de
conversion des anciens
titres forestiers s'est
alors engagé. Ainsi sur
plus de 15 millions ha
de permis forestiers
en 2005, aujourd'hui
environ 10 millions
d'habitants répartis sur
57 titres de concessions
forestières sont engagés
dans un processus
d'aménagement et de
gestion durable.
sion a été prise de demander l’élaboration des
plans d’aménagement des forêts de production
d’A frique centrale aux opérateurs auxquels elles
avaient été concédées. L’élaboration des plans
d’aménagement et leur mise en œuvre restent
sous le contrôle de l’Etat, propriétaire de la forêt,
qui s’assure que les législations encadrant la gestion durable sont bien mises en œuvre.
Dans des forêts sur lesquelles les entreprises cohabitent avec des populations puisant une partie
de leur ressource des forêts et sont dépendantes
de l’économie de la filière bois, un dialogue doit
être mis en place avec ces communautés, de manière à préserver leurs intérêts, leur intégrité et
leurs droits au développement. Les législations
prévoient une contribution directe des entreprises au développement des régions dans lesquelles elles sont installées, à travers le financement de réalisations à vocation communautaire.
De plus, dans la mesure du possible les décisions
techniques de découpage de la concession en assiettes annuelles de coupe prennent en compte
l’organisation traditionnelle des communautés
afin de ne pas susciter des tensions entre elles en
raison des ressources financières générées par
l’exploitation. Le plan d’aménagement permet
ainsi aux communautés et peuples autochtones
de continuer à exercer librement leurs droits
d’usage traditionnels.
Les entreprises forestières se sont ainsi peu à peu
muées en gestionnaires d’espaces forestiers multi acteurs. Le plan d’aménagement devient un
outil de leur développement mais aussi de celui
de leurs partenaires nationaux et locaux.
Le rôle de l’Etat et de ses administrations
consiste alors à la promotion, à l’organisation et
au contrôle de la mise en œuvre de cette gestion
commune de son espace forestier.
Photo : Philippe Mortier_AFD
Le projet Agedufor
Impact n°7 / Décembre 2014 / 49
DOSSIER
de financement de réalisations sociales, dans des
territoires ruraux particulièrement touchés par
la pauvreté.
Dans quelle situation se trouve
l’exploitation forestière en RDC ?
Comment se caractérise-t-elle ?
Géant forestier en terme de surface au niveau régional avec plus de 60% des superficies de forêt
dense du Bassin du Congo (10 pays de l’espace
COMIFAC), le secteur forestier industriel de
RDC n’est pas parvenu à décoller véritablement
ces dernières années. La production à partir des
surfaces de forêt mises en concessions, n’a jamais
dépassé plus de 400.000 m3 de grumes par an,
destinées au «grand export» depuis le début des
années 90, il y a plus de vingt ans, et représente
moins de 5% des productions de bois tropicaux
de l’A frique Centrale en volume. Le secteur industriel est également marginal dans la consommation locale, dont plus de 90% du volume est
fourni par le secteur informel souvent illégal et
opérant sans respecter les principes de gestion
50 / Impact n°7 / Décembre 2014
La RDC accuse un certain retard sur les autres
pays de la région abritant des forêts denses
humides en matière d’aménagement (hormis
la Guinée Equatoriale), d’autant plus qu’elle
connaissait une période de conflit au moment où
ces autres pays s’engageaient dans cette voie.
www.impact.cd
Photos : Philippe Mortier_AFD
Quels sont les impacts et les retombées
attendues ?
Cette gestion commune de l’espace forestier, issue de la concertation de l’ensemble des acteurs
concernés, est consignée dans un document, le
plan d’aménagement. Ce document stratégique
guidera le gestionnaire forestier et les partenaires pendant 20 à 30 ans.
Il fixe ainsi les décisions à long terme sur la planification de la récolte en bois, les orientations
d’industrialisation, une programmation des actions concernant les volets de développement socio-économique et le maintien de la biodiversité.
Il s'agit donc de promouvoir et de garantir un développement durable sur ces espaces dans l’intérêt de tous et dans le respect de l’environnement.
durable, sur des surfaces de forêt non affectées,
libre d’utilisation par l’agriculture ou pour y exploiter ses ressources en bois, fauniques et halieutiques.
Le secteur forestier industriel est confronté à de
très nombreuses contraintes, notamment :
- des infrastructures de transport en très mauvais état, en partie compensées par la possibilité
de transport fluvial ;
- des possibilités d’exportation fortement limitées par la faible capacité du port de Matadi ;
- une gouvernance déficiente ou insuffisante
en particulier dans les administrations décentralisées ou déconcentrées, qui génère de nombreuses « tracasseries » au quotidien et une parafiscalité pesante ;
- des forêts relativement sous exploitées (prélèvement de 2 à 4 m3/ha contre 5 à 15 dans les
pays voisins) par rapport aux autres pays de la
sous-région et une grande extension des superficies marécageuses ;
- une concurrence déloyale exercée par le secteur informel qui vient parfois empiéter sur les
concessions légales ;
- une image négative à l’extérieur dont le pays
en général et son secteur forestier souffrent, liée
à des actions de communication et de forte opposition à la commercialisation sur les marchés
européens, en particulier des bois de RDC.
Pourtant, le développement d’une filière bois
congolaise opérant dans le cadre de la légalité
offre une véritable opportunité au développement local. Bien que fonctionnant à bas régime,
ce secteur fournit déjà 6.000 emplois directs, assure 15 à 20 millions de dollars chaque année de
contribution fiscale et plus 3 millions de dollars
Quelles sont les perspectives de cette exploitation et que faut-il faire pour en améliorer les conditions et les performances ?
Ce contexte difficile, largement hérité d’une histoire douloureuse, tend à s’améliorer maintenant
que l’essentiel du pays a retrouvé une stabilité.
Les infrastructures sont progressivement réhabilitées, des efforts sont entrepris pour améliorer
le climat des affaires. Le secteur industriel commence à devenir compétitif sur certaines niches
du marché national, et la consommation intérieure déjà élevée se développe encore.
Ainsi, la RDC accuse un certain retard sur
les autres pays de la région abritant des forêts
denses humides en matière d’aménagement
(hormis la Guinée Equatoriale), d’autant plus
qu’elle connaissait une période de conflit au moment où ces autres pays s’engageaient dans cette
voie. La RDC a dû passer par un processus de validation de la légalité des titres d’exploitation forestière en 2004 qui s’est accompagné, ce qui est
unique dans la région, de l’élaboration de plans
de gestion provisoires, qui sont en réalité des documents d’aménagement destinés à établir une
planification sur les premières années.
Si le processus d’aménagement peine à se lancer,
c’est notamment en raison de la trop faible rentabilité actuelle de cette activité économique,
avec des exigences fortes en matière de normes
d’aménagement, de faibles capacités techniques
des entreprises et des administrations, la quasi
absence d’expertise forestière dans le secteur
privé et les nombreuses contraintes évoquées
auparavant.
Néanmoins, sur les 11 millions d’hectares de forêt concédés, la dynamique d’aménagement est
désormais engagée par toutes les entreprises
importantes de la filière. La quasi-totalité des
plans de gestion provisoires ont été validés, les
inventaires d’aménagement ont été conduits sur
plus de 4 millions d’hectares, deux plans d’aménagement sont en cours d’instruction et certains
concessionnaires sont d’ores et déjà engagés
dans des démarches de certification forestière.
Par ailleurs, pour accompagner cet engagement
dans ce processus d'aménagement de ses forêts,
l'administration forestière a entrepris dernièrement des réformes de textes règlementaires pour
les adapter à ce nouveau contexte.
Sur le terrain, les services de contrôle forestier
www.impact.cd
Le projet AGEDUFOR
Démarré en juin 2011, le projet AGEDUFOR, sur fonds de 5 millions d’euros
de l'AFD, a pour objectif d’appuyer la gestion forestière durable en RDC par
l’appui à la mise en place de plans d’aménagement dans les exploitations
forestières. Il prévoit un appui de 3 ans, principalement dédié aux services
centraux et provinciaux de la direction des Inventaires et Aménagement
des Forêts (DIAF) du ministère de l'Environnement, de la Conservation de la
Nature et du Tourisme (MECNT). Il associe également les opérateurs privés
et les organismes de formation du secteur forestier.
Le projet a quatre objectifs :
- renforcer les compétences de l’administration au niveau central et dans
les trois provinces forestières, du Bandundu, de l’Equateur et de l’Orientale,
pour l’évaluation, le suivi et le contrôle des plans d’aménagement à
produire par les entreprises ;
- intégrer, dans les pratiques des entreprises, les techniques de mise en
œuvre des plans d’aménagement ;
- améliorer le cadre règlementaire, les méthodes et outils permettant la
mise en œuvre opérationnelle des plans d’aménagement ;
- favoriser la prise en compte par tous les acteurs des principaux enjeux
liés à la gestion durable des régions forestières.
La modernisation du secteur forestier est une priorité de la politique
forestière nationale pour son développement et la pérennisation de ses
activités. La volonté de réforme des autorités congolaises s’est traduite
par l’adoption d’un nouveau Code forestier en 2002, incluant la révision
des modalités d’attribution des concessions forestières et l’obligation faite
aux concessionnaires de les aménager. À travers ce projet, l’AFD contribue
significativement à une amélioration des capacités des acteurs en charge
de la gestion des forêts de RDC, à une meilleure gouvernance du secteur
grâce à l’emploi d’outils d’évaluation objectifs et transparents et à une
levée des contraintes évoquées plus haut au développement du secteur.
La France est déjà très présente dans son soutien aux efforts accomplis
par la RDC dans la lutte contre le changement climatique, notamment
dans les mesures de réduction des émissions liées à la déforestation et à
la dégradation des forêts (REDD+). Cet appui sur financement de l’AFD à la
gestion durable des forêts en RDC vient consolider ce partenariat entre les
deux pays dans un secteur stratégique
sont progressivement renforcés et formés de façon à mieux suivre les activités des concessionnaires et les accompagner dans la traçabilité de
leurs produits forestiers.
Le Projet AGEDUFOR (voir encadré) financé par
l'A FD, joue un grand rôle d’accompagnement et
d’appui dans ce processus de renforcement des
capacités de l'administration forestière.
Propos recueillis par Philippe Bosse
Impact n°7 / Décembre 2014 / 51
face aux enjeux de la gestion intégrée
des ressources en eau du Congo
Photo : MVDB_GIZ
L’eau est une grande richesse et coule en abondance dans
le bassin du Congo. Une gestion sous-régionale raisonnable
et concertée est cependant essentielle. Comprendre le
fonctionnement du bassin permettra de mieux cerner
l’impact de ses usages actuels et potentiels…
Bio-express
Ingénieur hydrologue,
travaille pour
BRLingénierie (Nîmes)
depuis presque quinze
ans en France et en
Afrique sur les thèmes
de la gestion de l’eau,
des inondations.
Conseiller technique
du SG de la CICOS
depuis mai 2012 sur
financement AFD.
Impact : Qu’est-ce que la CICOS ?
Damien Brunel : Avant de présenter la CICOS, il
me semble important de vous parler rapidement
du bassin du Congo. Le Bassin versant du fleuve
Congo est hors normes : c’est le premier d’A frique
et le deuxième du monde en superficie (3.822.000
km²) et en débit moyen (41.000 m3/s à Kinshasa-Brazzaville). La longueur totale du fleuve est
de 4.373 km. Sa position à cheval sur les deux hémisphères lui confère un débit très stable à l’aval,
les saisons sèches et humides se complétant.
Les affluents principaux du Congo sont le Kasaï,
l’Oubangui et la Sangha. Les ramifications hydrographiques permettent d’offrir 25.000 km de
voies navigables de différents gabarits.
Dans sa partie aval le fleuve n’est pas navigable
du fait de nombreux rapides infranchissables
(chutes de Livingstone), mais ce handicap qui
coupe Kinshasa et Brazzaville de la mer par
voie fluviale engendre par contre un potentiel
hydroélectrique avec notamment une dénivellation de 102 mètres à Inga en seulement 15 km, ce
qui est rarissime dans les parties aval des grands
fleuves. Cette dénivelée conjuguée au débit hors
du commun du fleuve Congo crée un potentiel
de 44 GW sur ce seul site (l’équivalent d’environ trente cinq réacteurs nucléaires dernière
génération). Lorsqu’on parle seulement du «bassin du Congo», on ne sait pas si on parle de forêt
ou d’eau. Cette dénomination commune n’est
qu’une des expressions qui traduit que les écosystèmes forestiers exceptionnels sont intiment
liés à l’eau et réciproquement.
Enfin, les pays du bassin du fleuve Congo sont
au nombre de 10 : Angola, Burundi, Cameroun,
52 / Impact n°7 / Décembre 2014
Centrafrique (RCA), Congo, Gabon , République
démocratique du Congo (RDC), Rwanda, Tanzanie et Zambie, ce qui lui confère une dimension
régionale pour le partage de ses ressources.
C’est pour faire face aux enjeux régionaux que
les Chefs d’Etat du Cameroun, du Congo, de la
Centrafrique et de la République démocratique
du Congo ont créé en novembre 1999 la Commission Internationale du bassin Congo – Oubangui
- Sangha (CICOS) en signant l’accord instituant
un régime fluvial uniforme. Le premier mandat
de la CICOS était alors tourné principalement
sur la navigation. Mais en février 2007, le mandat
de la CICOS a été élargi à la Gestion Intégrée des
Ressources en Eau (GIRE). Le Gabon a rejoint en
2011 la CICOS.
La CICOS est piloté par son Comité des ministres
(deux ministres par pays), qui se réunit ordinairement une fois l’an, précédé d’un Comité de direction (trois experts par Etat). L’organe exécutif
est le Secrétariat général, basé à Kinshasa. La
CICOS possède la particularité d’être également
une institution spécialisée de la Communauté
Economique et Monétaire de l’A frique Centrale
(CEMAC) ce qui lui assure, avec la contribution
de la RDC, non membre de la CEMAC, un fonctionnement relativement pérenne par rapport à
ses homologues en Afrique.
Le but de la CICOS est donc de favoriser le bienêtre des populations à travers le développement
de l’utilisation des riches ressources en eau du
bassin tout en préservant l’environnement.
Elle joue aussi un rôle de concertation régionale
autour des grands projets hydrauliques afin de
promouvoir la paix dans la sous-région.
www.impact.cd
Quels sont les principaux appuis de la
France à la CICOS ?
Si le fonctionnement de la CICOS est assuré par
les Etats, les projets sont encore souvent portés
par les bailleurs de fonds comme l’Union Européenne, la coopération allemande, la Banque
Africaine de Développement (BAD) et bien sûr
la coopération française. La France est un état
pionnier dans l’approche GIRE et concrétise
cette vision à la CICOS en aidant l’institution à se
doter d’outils indispensables à la bonne gestion
des ressources en eaux, à savoir :
- Remettre des réseaux de mesure dans les cours
d’eau, réseaux tombés à l’abandon depuis les
années 60 en RDC et depuis les années 90 dans
les autres pays. Deux phrases pourraient résumer cette démarche : « on ne gère que ce que
l'on connaît » et « même l’abondance se gère ».
Quand on mesure le potentiel hydroélectrique
et le besoin en développement de la sous-région,
cela devient une évidence et la CICOS, avec l’aide
de l’A FD et du FFEM, transmet ce message aux
autorités des différents pays, dont la RDC.
- Modéliser le bassin pour mieux comprendre
son fonctionnement complexe (comment la pluie
se transforme en débit, comment les eaux se
propagent, notamment au niveau de la cuvette
centrale) et surtout qu’est-ce qu’il est possible
de faire de ces eaux en préservant les intérêts de
chacun et l’environnement.
Concrètement ces projets sont mis en œuvre à
l’aide d’un assistant technique, financé par l’A FD
et par une convention du Fonds Français pour
l’environnement Mondial (FFEM) pour un montant total de 2.1 millions d’euros.
Vous élaborez un modèle, en quoi
consiste-t-il ?
Il s’agit d’un modèle numérique, c'est-à-dire
qu’on tente de reproduire le fonctionnement
du bassin et des usages de l’eau à l’aide d’hypothèses et d’équation. Ce type de modèle a fait
ses preuves ailleurs dans le monde, y compris en
Afrique, par exemple dans le bassin du Niger.
Comme évoqué précédemment, le but du modèle est à la fois de mieux comprendre le fonctionnement du bassin versant mais aussi de
mieux cerner les impacts des différents usages
actuels. Mais cela va au-delà, l’intérêt pour la CICOS et ses états membre et d’utiliser ce modèle
pour tester de futurs grands ouvrages comme
«Grand Inga» sur le fleuve Congo ou «Palambo» sur l’Oubangui (une quinzaine de grands
www.impact.cd
Photo : Jorn Schumann_GIZ
La CICOS
Photo : Christina Karliczek_GIZ
DOSSIER
projets vont être modélisés). Le modèle permettra également d’y voir plus clair sur les impacts
possibles du projet de transferts des eaux vers le
Lac Tchad, ce dossier très politique manquant
de bases scientifiques pour le bassin versant du
Congo. La CICOS joue ainsi son rôle qui lui a été
confié par la CEEAC, visant à défendre les intérêts des pays pourvoyeurs de ressources.
Le modèle va permettre également de tester les
impacts possibles des changements climatiques
sur les débits du fleuve et de ses affluents et donc
sur les usages de l’eau (navigation, production
hydroélectrique…).
Propos recueillis par Jean-Christophe Maurin
Le but de la CICOS est donc de favoriser le bienêtre des populations à travers le développement
de l’utilisation des riches ressources en eau du
bassin tout en préservant l’environnement.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 53
Photo : Banque Mondiale
DOSSIER
La Banque Mondiale,
pour une gestion durable des
ressources naturelles en RDC
Le Congo possède un capital naturel considérable. Des
ressources minérales abondantes, une biodiversité
très riche, une étendue de forêt incroyable. La Banque
mondiale a proposé d’aider le pays à développer une bonne
gouvernance dans l’exploitation des ressources naturelles
renouvelables et non renouvelables…
Les ressources naturelles sont
importantes en RDC. Quels sont les enjeux
de leur exploitation ?
Il est courant de mesurer la richesse d’un pays à
son PIB. Une autre possibilité est de regarder son
capital, lequel comprend le capital naturel, le capital produit (infrastructures et capital humain)
et ses institutions. De ce point de vue, la RDC a
un PIB modeste mais un capital naturel considérable. C’est vrai pour les minerais, notamment le
cuivre, l’or et le désormais fameux coltan (pour
columbite-tantalite), pour les terres arables,
même si peu sont pour le moment cultivées, pour
le potentiel hydro électrique même si comme
pour les terres arables peu est réalisé et c’est
bien entendu vrai pour la forêt. Elle couvre 150
millions d’hectares, soit 7% de la superficie mondiale des forêts tropicales. Cette ressource naturelle renouvelable (par opposition aux minerais
et aux hydrocarbures) fournit des biens et des
services à environ 60% de la population du pays.
Elle pourrait, même si ce n’est pas le cas pour le
moment, servir de base au développement d’une
industrie manufacturière de transformation du
bois d’œuvre. Par ailleurs, la forêt contribue au
stockage du carbone et à la préservation de la
biodiversité, deux services environnementaux
dits « globaux », qui en font un bien public d’importance mondiale.
L’enjeu de la gestion de la forêt en RDC est donc
stratégique : il s’agit de combiner d’une part
la préservation de ce précieux capital naturel,
notamment contre la déforestation d’origine
54 / Impact n°7 / Décembre 2014
agricole (le taux de déforestation en RDC est encore bas comparé aux pays d’A mérique du Sud
ou d’Asie mais il est deux fois plus élevé que les
autres pays du bassin du Congo), et d’autre part
l’exploitation durable des biens et services qu’il
produit au profit des populations locales et autochtones, éventuellement de l’industrie (et donc
de l’emploi) et du climat mondial.
La Banque mondiale a proposé à l’État
congolais la mise en place d’une matrice
de bonne gouvernance de cette exploitation. En quoi consiste cette matrice ?
La matrice de gouvernance économique a été
adoptée par la RDC en 2010 après l’annulation
par les pays membres du Club de Paris d’une
partie de la dette de la RDC pour un montant
de 7,35 milliards de dollars. Préparée conjointement par la Banque mondiale et le FMI, elle est
l’instrument principal du dialogue sur la gouvernance entre les partenaires au développement
et le gouvernement en RDC. Elle fait l’objet de
comptes rendus périodiques au conseil d’admi-
La matrice de gouvernance économique
a été adoptée par la RDC en 2010 après
l’annulation par les pays membres du Club de
Paris d’une partie de la dette de la RDC pour
un montant de 7.35 milliards de dollars...
www.impact.cd
nistration de la Banque mondiale et est utilisée
régulièrement par la société civile pour rappeler
au gouvernement de la RDC ses engagements en
matière de transparence et d’accès à l’information. Cette matrice comprend une vingtaine de
mesures de politique publique destinées à améliorer :
- la transparence dans les secteurs de l’exploitation des ressources naturelles renouvelables et
non renouvelables (mines, pétrole et forêts) ;
- la qualité et l’efficacité des procédures de dépenses publiques ;
- le climat des affaires en RDC. S’agissant de la
forêt, la matrice comprend des mesures destinées à lutter contre l’exploitation illégale et à
améliorer la transparence dans l’attribution des
concessions forestières.
En 2013, plusieurs mesures concernant l’initiative REDD+ pour une réduction des émissions de
gaz à effet de serre liées à la déforestation et dégradation des forêts ont été inclues dans la matrice de gouvernance. Cette nouveauté marque
la volonté du gouvernement et de ses partenaires
de valoriser davantage les services environnementaux rendus par son l’abondante forêt tropicale et de lutter ainsi contre l’extension de l’agriculture sur brûlis et l’exploitation non contrôlée
des forêts. Une expérience grandeur nature est
actuellement conduite dans le district du MaiNdombe dans la Province du Bandundu.
Réduire la déforestation dans
le district de Maï-Ndombe
Le district de Maï-Ndombe, situé à
250 km au Nord-est de la capitale, est
un front pionnier de déforestation qui
s’est développé sous l’influence des
besoins croissants en charbon de bois,
bois d’œuvre, et produits agricoles de
la ville de Kinshasa dont la population
est estimée entre 8 et 12 millions
d’habitants. Plusieurs initiatives sont
en cours dont l’objectif commun est de
tester, avec les populations locales, un
modèle alternatif de développement
durable qui consiste à inciter les
ménages à développer des activités
économiques ayant un impact réduit
sur la ressource forestière.
www.impact.cd
Jean Christophe Carret
Coordonnateur de
programmes Banque
mondiale en RDC:
infrastructures,
agriculture et ressources
naturelles.
La gestion durable des ressources naturelles est une approche encore très
récente en RDC, comment voyez-vous son
développement futur ?
La prédiction est un art difficile. Disons qu’en
imposant à l’exploitation forestière une norme
qui repose sur l’obligation de produire un plan
d’aménagement des forêts et d’impliquer les populations locales et autochtones, la RDC a jeté
les bases d’une gestion durable de ses ressources
forestières. Toutefois, compte tenu de l’immensité du territoire, des moyens limités de l’administration et du manque d’infrastructures de
transport, de communication et d’informations,
les défis à venir pour étendre ce nouveau type
d’approche sont considérables.
Il faut souligner aussi l’importance de l’utilisation des outils modernes de suivi des exploitations. La mise en place effective d’un système de
traçabilité et de contrôle des bois depuis leurs
lieux de production est une des conditions de
l’exploitation durable des forêts du bassin du
Congo. La Banque mondiale soutient non sans
difficultés ce type d’initiative en RDC. Par ailleurs, la croissance démographique et le développement d’infrastructures de transport associés éventuellement à l’essor d’une agriculture
extensive, comme on le voit actuellement dans
le Bandundu, constitueront à l’avenir un défi
supplémentaire pour la préservation des écosystèmes et du capital naturel des forêts du bassin
du Congo.
Quels sont les nouveaux instruments
financiers qui sont ou pourront être
mobilisés dans le cadre de cette nouvelle
approche de l’exploitation ?
Il existe plusieurs façons de soutenir financièrement la gestion durable des forêts en RDC.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 55
DOSSIER
Photo : Virginie Leroy_AFD
Une agence
Nous venons d’en décrire une : venir en aide, en
finançant des activités génératrices de revenus
mais compatibles avec la gestion forestière, aux
populations vivant à proximité de ces forêts pour
éviter qu’elles n’aient d’autres choix que de pratiquer l’agriculture sur brûlis. Une autre approche
consiste à rémunérer le pays sur la base des performances obtenues en matière de réduction de
la déforestation, par rapport à un scénario de déforestation de référence. Sur ce principe, la RDC
a commencé à développer avec le Fonds carbone
du Partenariat pour le carbone forestier administré par la Banque mondiale, une expérience
pilote, toujours dans le cas du district de MaiNdombe. Les revenus associés à cette expérience
pourraient être de l’ordre de 50 millions de dollars sur une période de cinq ans.
La Banque, à la demande du
gouvernement, coordonne les bailleurs
de fonds dans ce secteur. Quels sont les
principaux partenaires et les principaux
programmes ?
Le Groupe Inter bailleurs Environnement est un
groupe très actif en RDC. Les sujets discutés sont
la gestion durable des forêts, la préservation de la
56 / Impact n°7 / Décembre 2014
Gestion du patrimoine
forestier
En 2013, plusieurs mesures
concernant l’initiative REDD+
pour une réduction des
émissions de gaz à effet de
serre liées à la déforestation
et dégradation des forêts ont
été inclues dans la matrice
de gouvernance proposée
par Banque mondiale.
Cette nouveauté marque la
volonté du Gouvernement
et de ses partenaires de
valoriser davantage les
services environnementaux
rendus par l’abondante forêt
tropicale de la RDC…
biodiversité et l’initiative REDD+. Les principaux
membres de ce groupe sont l’Union Européenne,
l’A FD, la KFW, la GIZ, la Norvège, le PNUD,
l’USAID, la JICA, et la Belgique. Tous ces bailleurs ont des projets dans le secteur de l’environnement. L’USAID, comme la Banque mondiale,
est présent dans tous les domaines. Certains
partenaires comme le PNUD et la Norvège sont
plus particulièrement focalisés sur l’initiative
REDD+ alors que l’A llemagne à travers la GIZ est
impliquée dans des projets liés à la gouvernance
des forêts et la préservation de la biodiversité.
L’Union Européenne finance les parcs nationaux
de RDC, notamment l’emblématique parc des
Virunga, au Nord Kivu. Enfin, l’A FD étend à la
RDC une démarche de partenariat développée
depuis 20 ans dans les pays d’A frique centrale
avec le secteur privé et les autorités locales de
promotion de l’aménagement durable des forêts.
ouverte
sur le monde
Institution financière publique, l’Agence Française de
Développement (AFD) agit depuis plus de soixante-dix ans pour
combattre la pauvreté et favoriser le développement durable
dans les pays du Sud et dans les Outre-mer. Elle met en œuvre la
politique définie par le Gouvernement français.
Présente sur quatre continents où elle dispose d’un réseau
de 71 agences et bureaux de représentation, dont 9 dans les
Outre-mer et 1 à Bruxelles, l’AFD finance et accompagne des
projets qui améliorent les conditions de vie des populations,
soutiennent la croissance économique et protègent la planète.
En 2013, l’AFD a consacré 7,8 milliards d’euros au financement
de projets dans les pays en développement e t en faveur des
Outre-mer. Ils contribueront notamment à la scolarisation
d’enfants, à l’amélioration de la santé maternelle, à la
promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes,
à l’appui aux agriculteurs et aux petites entreprises, au
renforcement de l’accès à l’eau, à l’énergie et aux transports.
Les nouveaux projets financés contribueront également à lutter
contre le dérèglement climatique, en permettant notamment
d’économiser 3,3 millions de tonnes d’équivalent CO 2 par an.
Propos recueillis par Philippe Bosse
www.afd.fr
www.impact.cd
www.impact.cd
Impact n°7 / Décembre 2014 / 57
DOSSIER
Le WWF
face aux enjeux de
la préservation de la
biodiversité en RDC
Photo : WWF
Un des enjeux du développement de la RDC est de mieux concilier
croissance économique, conditions de vie des populations
et conservation des ressources naturelles. Il implique un
renforcement des capacités techniques et scientifiques des acteurs
de protection de la nature et la promotion des parcs nationaux…
Impact : La RDC est un scandale
géologique bien connu, mais du point de
vue de la biodiversité, qu’est-ce que l’on
peut en dire ?
Bruno Perodeau : La République démocratique
du Congo est classée aujourd’hui au nombre des
10 pays au monde ayant une méga biodiversité,
c’est-à-dire rassemblant, à eux seuls, environ
60% des espèces de faune et flore actuellement
recensées sur la planète. Le pays contient la deuxième plus grande étendue de forêt tropicale au
monde et avec le fleuve Congo, possède plus de
la moitié de l’eau douce du contient africain. Sa
58 / Impact n°7 / Décembre 2014
faune et sa flore sont très diversifiées. Le pays
dispose du plus grand nombre d’espèces de
mammifères de toute l’A frique, à savoir 425 espèces recensées. Il a aussi été répertorié 352 espèces de reptiles, 220 espèces de batraciens ou
d’amphibiens. Le nombre d’oiseaux inventoriés
est estimé à 1.139 espèces. Les espèces connues
d’invertébrés aquatiques sont également nombreuses (plus de 1.500), dont 1.423 d’eau douce.
Les espèces de poissons sont estimées à plus de
400. Les espèces végétales sont aussi particulièrement nombreuses avec plus de 11.000 plantes
vasculaires dont environ 10.000 espèces d'angiospermes (plantes à fleur).
La RDC est le foyer de plus de 3.200 espèces endémiques, certaines étant emblématiques du
pays comme l'okapi, le paon congolais et le bonobo. Malheureusement, plusieurs espèces se
trouvent sur la liste d’espèces menacées comme
l’okapi, le bonobo, l’éléphant de forêt, le gorille, le
lion, le zèbre, le singe bleu, et biens d’autres.
La biodiversité constitue une des grandes richesses de la RDC et du bassin du Congo. Sa
préservation passe par des actions de protection
mais aussi de mise en valeur.
La RDC a été un des tout premiers pays
en Afrique à avoir créé un Parc national.
Quels sont, aujourd’hui, les principaux
dispositifs de protection ?
La RDC protège son patrimoine naturel et cultu-
www.impact.cd
Photo : WWF
en œuvre conjointement par l’Institut Congolais
pour la Conservation de la Nature (ICCN) et le
Fonds Mondial pour la Nature (WWF).
Le PARAP a pour objectif d’évaluer l’état actuel
des aires protégées de la RDC et de produire des
recommandations pour leur consolidation et
extension en vue d’assurer la conservation de la
biodiversité exceptionnelle de la RDC. Il consiste
principalement au renforcement des capacités
techniques et scientifiques de l’ICCN et à la promotion de ces aires.
rel depuis longtemps au travers d’aires protégées.
Le Parc National de Virunga, créé en 1925, est le
premier « parc » établi en Afrique, tandis que le
Parc National de la Salonga, crée en 1975, est le
plus grand massif de forêt tropicale protégées
du continent Africain, avec une superficie de 3.3
millions d’hectares. Aujourd’hui, le réseau des
aires protégées en RDC est principalement sous
mandat de gestion de l’Institut Congolais pour
la Conservation de la Nature (ICCN) et couvre
environ 13% du territoire national. Il comprend
7 parcs nationaux, 57 réserves naturelles et domaines de chasse ainsi que d’autres types d’aires
protégées comme les jardins botaniques (Jardins
Botaniques de Kinshasa, Kisantu et Eala) et 3
réserves de biosphère reconnues par l’UNESCO
dont celles de Luki au Bas Congo et de Yangambi
en province Orientale.
Cinq aires protégées sont inscrites au registre
des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO:
le Parc National des Virunga, le Parc National
de la Salonga, le Parc National de Kahuzi-Biega,
le Parc National de la Garamba et la Réserve de
Faune à Okapis, pour une superficie totale de 6.9
millions d’hectares.
Depuis 1975, la RDC a fait état à maintes reprises
d’un ferme engagement pour consolider son
réseau d’aires protégées et l’étendre à 15% du
territoire (soit 35 millions d’hectares). Cet engagement a été réitéré en 2002 lors de la révision
du Code forestier. L’objectif d’extension a été officiellement porté à 17% (soit près de 40 millions
d’hectares) en 2010 à l’occasion de la 10ème conférence mondiale sur la biodiversité tenue à Nagoya au Japon. Pour atteindre cet objectif, la RDC
a mis en place un Programme d’Appui au Réseau
des Aires Protégées (PARAP), une initiative mise
www.impact.cd
Bruno Perodeau
Directeur de
Conservation au
WWF en République
démocratique du Congo
Les espaces naturels sont aussi des
milieux le plus souvent habités ou qui
regorgent de ressources naturelles
qui présentent des grands enjeux
économiques et sociaux : comment la RDC
peut-elle concilier ces différents enjeux de
manière équitable et durable ?
Les espaces naturels ainsi que leurs ressources
représentent effectivement de grands enjeux.
Ces enjeux sont de plus en plus importants pour
les pays ainsi que pour l’ensemble de l’humanité,
compte tenu de la rareté croissante de ces ressources au rythme des pressions dont elles font
l’objet. Les réseaux d’aires protégées font partie
d’un mécanisme de protection indispensable
dans le monde entier pour la conservation de la
biodiversité. Les experts s’accordent pour mieux
lier croissance économique, conditions de vie
des populations et conservation des ressources
naturelles. La protection de la biodiversité doit
être gérée de façon intégrée, c’est-à-dire en prenant en compte tous ses aspects dans le processus de décision. Elle doit être comprise comme
étant une richesse permettant de soutenir le développement, un peu comme une infrastructure
naturelle soutenant notre bien-être général.
En RDC, cela ne pourrait être plus vrai dans la
mesure où 80% de la population dépendent directement des ressources naturelles pour leur
survie quotidienne. Nous savons qu’environ
95% des ménages utilisent le bois comme source
principale d’énergie. Aussi, plus d’un million
de tonnes de gibiers est chassé chaque année
Le PARAP a pour objectif d’évaluer l’état actuel
des aires protégées de la RDC et de produire des
recommandations pour leur consolidation et
extension en vue d’assurer la conservation de la
biodiversité exceptionnelle de la RDC.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 59
pour les besoin de l’alimentation humaine. Les
pressions anthropiques augmentent avec la
croissance démographique. La déforestation, la
dégradation des forêts et des sols, la disparition
d’espèces animales et végétales sont des conséquences évidentes d’une gestion non durable des
ressources naturelles.
La conciliation des besoins humains et de la
conservation n’est pas chose facile, puisque
résultant de pratiques multiformes et de nombreux groupes d’acteurs. Le WWF, avec le soutien financier de ses partenaires, notamment de
l’Agence Française de Développement et de la
coopération allemande, appuie le gouvernement
de la RDC dans la recherche de solutions concertées, où la gouvernance locale est au centre des
préoccupations. C’est dans cette logique que
WWF participe aux travaux de REDD+ visant
à promouvoir la recherche de solutions durables
dans les espaces forestiers sensibles.
Quels sont les principaux enjeux en termes
de conservation ? Quels sont les principales menaces?
Le principal enjeu est le développement et le
bien-être des populations. Avec une croissance
démographique galopante et une réserve de
ressources naturelles importantes mais somme
toute fragile et limitée, la RDC doit faire des
60 / Impact n°7 / Décembre 2014
choix de société aujourd’hui pour assurer ses
conditions de vie de demain. Plusieurs espèces
animales et végétales sont menacées de disparition dans le pays. Des niveaux de plus en plus
élevés de contamination sont constatés dans
plusieurs endroits industrialisés de la RDC affectant directement des populations et communautés entières. La plupart des populations qui
travaillent avec le WWF se plaignent de leurs
conditions de vie et de la perte rapide des ressources naturelles jadis abondantes.
Les pratiques agricoles actuelles ne permettent
pas à la RDC de couvrir ses besoins alimentaires
et participent à une dégradation accélérée de
l’environnement, notamment par l’agriculture
itinérante sur brûlis et l’érosion rapide des sols.
Un déclin important de la biodiversité des éco-
systèmes naturels en RDC est déjà constaté.
Les analyses du WWF permettent de classifier
les principales menaces sur la conservation de
la biodiversité en RDC. La première est l’exploitation illicite de l’ivoire qui risque de bientôt
provoquer la disparition des quelques milliers
d’éléphants encore restant dans le pays. L'extinction de ces derniers, comme d’autres espèces, engendre une multitude d’impacts sur
les équilibres écologiques et une perte de biodiversité dans l’ensemble de l’écosystème. Ensuite, la chasse commerciale approvisionnant
les centres urbains, totalement illégale selon
les lois actuelles, terminera de vider les forêts
congolaises d’ici quelques années si le rythme
actuel se maintient. En troisième lieu, les pratiques agricoles de masse et les feux de brousse
incontrôlés, qui ont pour effet de stopper la régénération naturelle et le processus de renouvellement de la fertilité des sols, provoquent des
difficultés accrues de sécurité alimentaire. Par
ailleurs, l’exploitation informelle des forêts, et les
extractions minières et pétrolières non contrôlées et non encadrées constituent des menaces
particulièrement néfastes notamment dans les
aires protégées en RDC. Pourquoi mettre en péril un extraordinaire patrimoine biologique dont
dépend une grande fraction de la population au
bénéfice d’une exploitation minière et pétrolière
qui ne serait pas respectueuse de l’environnement et des populations riveraines et dont les
retombées ne serviraient que quelques intérêts
à court terme ? Les débats sur ces sujets doivent
trouver des solutions sur le long terme au bénéfice de tous y compris la nature et les générations
futures.
Propos recueillis par Philippe Bosse
Photo : Eric Thauvin
Photo : WWF
DOSSIER
I
l y a dix ans, suite à une série d’initiatives régionales importantes pour
la conservation des ressources naturelles, telles que l’implantation
des premières phases du programme CARPE (Central Africa Regional
Program for the Environment), la mise en place de la Commission des
Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) et le lancement du Partenariat pour
les Forêts du Bassin du Congo (PFBC), le WWF décida la réouverture
d’un bureau national en RDC. Actif d’abord au nord du pays, dans le Parc
National de la Garamba et à l’est dans le Parc National des Virunga, le WWF
a ouvert en mars 2004 un bureau national à Kinshasa.
Il s'agissait, au départ, d'une petite équipe technique d’une dizaine de
personnes travaillant sur quelques projets. On retiendra, par exemple, avec
l'appui de CARPE, les actions conduites dans les régions de la Salonga
et du Lac Tumba. Elles portaient essentiellement sur l’exploration et la
caractérisation de ces riches socio-écosystèmes, encore très mal connus.
L'implication de WWF dans l’Est, dans les zones des Virunga et de la
Maiko-Kahuzi Biega, allait être formalisée plus tard, avec un processus
d’unification des programmes du WWF en RDC. C’est aussi pendant
ces premières années que le projet d’appui à la gestion durable des
écosystèmes forestiers, financé par la coopération belge, allait démarrer,
jetant les bases du futur programme forêt du WWF RDC. Il allait en
être de même de l’ambitieux projet de mise en oeuvre d'un modèle de
développement durable autour de la réserve de Biosphère de Luki.
Au cours de ces dix années, le WWF a privilégié le dialogue avec le
gouvernement, la société civile, les communautés locales, les peuples
autochtones, et le secteur privé. De nombreuses activités ont été conduites
dans le cadre de programmes couvrant des thématiques le plus souvent
nouvelles en RDC. Les appuis du WWF ont notamment facilité la création
de trois aires protégées : les réserves naturelles de Tumba Ledima,
du Triange de la Ngiri, et d’Itombwe. Ils ont aussi permis de lancer le
reboisement à grande échelle autour des Virunga et de la réserve de Luki
ainsi que la prise en compte de milliers de communautés locales et de
peuples autochtones dans la gestion des ressources naturelles.
Aujourd’hui, WWF RDC compte un peu plus de 150 agents et coordonne
huit programmes dont quatre géographiques (Programmes Lac Tumba,
Salonga, Bas-Congo et Est de la RDC) et quatre thématiques (Programme
Forêt, Economie Verte, Aires Protégées et Faune Sauvage) avec un budget
annuel d’environ 10 millions de dollars.
En 2013, WWF a réalisé l’étude économique du Parc de Virunga (http://
www.wwf.be/_media/Valeur%20Economique%20du%20Parc%20National%20
des%20Virunga_LR_380671.pdf). Cette étude a notamment établi que si
dans la situation actuelle, la valeur du Parc National des Virunga s’élève
à 48,9 millions de dollars par an. Ce montant pourrait, dans une situation
stable et sécuritaire, s’accroître fortement.
Le WWF, avec le soutien financier de ses
partenaires, notamment de l’Agence Française
de Développement et de la coopération
allemande, appuie le gouvernement de la RDC
dans la recherche de solutions concertées,
où la gouvernance locale est au centre des
préoccupations.
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Dix ans d’action du WWF en RDC
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 61
Photo : Martin van der Belen
Kikongo-Français, imagier en Kikongo-Français
et anglais qui ont été distribués dans les écoles
du Bas-Congo. Nous croyons, en effet, que la
langue maternelle doit être utilisée comme la
langue de transmission du savoir. La prise en
compte de la diversité culturelle et la promotion
du multilinguisme sont essentiels dans l’éducation. Langue et éducation sont étroitement liées
et sont, toutes deux, facteurs de développement.
Les cinq livres que nous avons produits font partie du fonds Congo et du fonds francophone de la
médiathèque de l'Institut français de Kinshasa
depuis juin 2014…
Un chœur gros comme ça…!
Agnès Polet est une infirmière dont la vie devient
presque un roman. Sa relation avec le Congo commence
par une double passion. Le chant, l’amour. Elle a
subi récemment un terrible accident. Contre attente,
elle met encore plus de cœur dans cette relation
passionnante…
Impact : Vous êtes engagée depuis un
certain temps dans un lien fort avec le
Congo. Pouvez-vous nous raconter un peu
votre histoire ?
Agnès Polet : C'est en 2007, lors des Choralies de
Vaison-la-Romaine [France], que l'on m'a confié
la tâche d'accompagner le chœur «La Grâce» de
Kinshasa, en qualité d’administrateur du mouvement choral «À Cœur Joie». C'est lors de cette
expérience que j'ai rencontré celui qui allait devenir mon mari, le musicien, comédien, écrivain,
Ne Nkamu. Il encadrait les jeunes du Centre
Culturel Mbongi'êto (CCMBO), qui accompagnaient la chorale kinoise. Ce fut mon premier
contact avec l'A frique, avec le Congo. Si les mélopées du chœur «La Grâce» m'ont vite enchantées, le discours de Ne Nkamu m'a petit-à-petit
fait entrer dans le monde profond de la philosophie Kongo. En décembre 2007, je me retrouvais
à Luozi, district des Cataractes, où Ne Nkamu
62 / Impact n°7 / Décembre 2014
organisait l’atelier de musique Kunîngisa, «faire
vibrer» et le festival de musique Ngomaio Fest...
En France, nous avons créé l'association de solidarité internationale «Kiamvu-Le Pont» qui
soutient les actions et projets du Centre Culturel
Mbongi'êto et nous œuvrons ensemble, utilisant
la culture comme vecteur de l'éducation et considérant l'éducation comme passage obligé de développement. Nous avons reconstruit l'école de
Kinkenda, parrainé la scolarité d'une centaine
d'enfants, fourni un groupe électrogène solaire,
créé un centre informatique communautaire à
Kimata, assuré une formation en bureautique.
Nous nous sommes, de surcroît, impliqués dans
la conservation, promotion et sauvegarde du patrimoine (matériel et immatériel) : collecte des
chants traditionnels Kongo et édition d'un livre
sur ces chants et leurs circonstances; promotion de la langue nationale locale, le Kikongo, en
produisant les livres de grammaire, conjugaison
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Malgré le terrible accident que vous avez
eu en RDC, vous continuez à venir, comme
si cet épisode tragique n'avait fait que
redoubler votre motivation...?
D'abord cet accident aurait pu se passer n'importe où, et je dois dire que j'ai été très fâchée de
la réaction, très rare il est vrai, d'une personne
qui m'a écrit : «L'Afrique te rend bien mal tout
l'amour que tu lui portes». J'aime le Congo, mais
je n'ai qu'à voir les réactions des villageois à mon
retour après l'accident pour voir l'amour qu'ils
me portent. Je ne pense pas que cet accident ait
fait augmenter ma motivation, mais il est certain que toutes leurs preuves d'affection m'ont
confortée sur le fait qu'ils apprécient nos actions
et alors oui, peut-être avez-vous raison, cela me
donne encore d'avantage d'enthousiasme.
Cet accident a permis de mettre en évidence
mon amour du Congo. L'amputation de mon
bras droit m'ouvre d'autres horizons auxquels je
n'aurais, peut-être, jamais pensé. Et, j'ai bien envie de prendre cette nouvelle vie à bras le corps !
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Photo : Martin van der Belen
SOCIÉTÉ
Hommage à Mâ Niesi
Le 8 novembre à
l'Institut français, la
communauté congolaise
a tenu à rendre
hommage à l'action
humanitaire d'Agnès
Polet (ici, avec Luc
Hallade, ambassadeur
de France en RDC).
Un film est en train d'être réalisé
autour de votre histoire. Quel message
voudriez-vous faire passer à travers ce
témoignage?
Je suis infirmière et chef de chœur, présidente
de l’association internationale Kiamvu-Le Pont;
ce film est le portrait d'une femme ordinaire à
travers laquelle on réalise que l'on peut déplacer des montagnes, grâce à son enthousiasme et
ses convictions dans ses actions, en donnant du
bonheur et surtout en le recevant.
On pourra bientôt voir ce film à Kinshasa ?
La réalisatrice Euzhan Palcy est en en train de
visionner tous les rushs et commencera le montage sous peu. Mais la création prend un certain
temps et pour le moment, il n'est pas encore possible de donner la date de sortie. Bien entendu les
premières projections seront réservées à la RDC
et à l'Institut français…
Propos recueillis par MVDB
Impact n°7 / Décembre 2014 / 63
SOCIÉTÉ
L’arbre
dans la société congolaise
En RDC, l’arbre est souvent associé à la forêt, la mère
pourvoyeuse des ressources vitales et des symboles pérennisant
les traditions. Bien plus qu'un simple ornement, l’arbre fait partie
intégrante de notre vie sociale…
D
sur près de 68% du territoire national. En effet, la
RDC possède la deuxième plus grande forêt tropicale du monde ; c’est un véritable poumon qui
aide la planète à respirer, une réserve incroyable
de biodiversité.
Porteur de mythes
Par le passé, l’arbre représentait un point de repère essentiel. Les mythes s’enracinaient dans
les forêts sacrées, les esprits habitaient dans les
arbres. C’était un référent culturel également
pour la construction des cases et la fabrication
des outils quotidiens (pirogues, mortiers, tambours,…) et des objets spéciaux dotés de pouvoirs
magiques tels que le tabouret et la canne du chef
coutumier, les statues, les masques…
Au Bas-Congo, le nkondi, une sculpture Yombe
au ventre criblé de clous, permettait de châtier
le coupable. Au Maniema, le chef coutumier se
sert encore aujourd’hui de la statuette Kajeba
pour communiquer avec les esprits ancestraux.
Ces objets étaient taillées dans du bois résistant
à l’attaque des parasites comme le bois noir du
wenge (Milletia laurentii), le bois de l’A frican
teak (Chlorophora excelsa). Le bois rouge (PtePhoto : MVDB
ans la plupart de nos villes, de nos
villages, l’arbre borde les rues ou
entoure les maisons. Mais en réalité, c’est en forêt que l’on mesure toute son importance, soit
Fonction écologique
La plantation et la
conservation des arbres
permettent de lutter
contre l'érosion du sol,
très fréquente en milieu
urbain. Les racines des
arbres maintiennent
le sol en place dans
les terrains en pente
alors que leur feuillage
apporte régulièrement
de la matière organique
pour fabriquer une litière
permettant de recouvrir
les terrains. Les arbres
permettent de stabiliser
et de régulariser
l'hydrologie du sol et
le niveau de la nappe
phréatique.
rocarpus tinctoris Wein), lié à la voyance, était
utilisé dans les rituels, notamment lors des initiations. L’arbre à palabre était le lieu d’entretien
de la mémoire collective, d’apaisement social.
On y racontait des légendes et on y résolvait des
conflits. En savane, les chefs, plantaient deux
baobabs à l’entrée du village, en signe de délimitation de leurs territoires.
Si le passé se confond encore au présent pour
ceux qui respectent les traditions, l’évidence
est inéluctable : ce qui se cache derrière l’arbre
s’estompe peu à peu à cause des croyances religieuses des uns et de l’esprit cartésien des autres,
produit de la civilisation dira-t-on !
Des milliers d’usages
En ville, le plus souvent, l'arbre à palabre est
devenu l'arbre « à ombrage » (pare-soleil), sous
lequel s'abritent des vendeurs ambulants ou
d'autres groupes de personnes discutant foot et
politique... Et la valeur utilitaire de l’arbre est, à
plus d'un titre, évidente. Il peut nous servir de
combustible ou nous procurer des fruits, des médicaments ou être une matière première trans-
Photos : Alain Huart
Gardienne Vert-Bleu
64 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Godelieve Vununu est née en 1954 à Boma, ville portuaire à l'orée de la forêt
du Mayombe dans la province du Bas-Congo. Diplômée de l'Université de
Kinshasa en Sciences Chimiques, elle a travaillé au laboratoire des sciences au
Lycée Prince de Liège (LPL) jusqu’aux événements de 1991. Elle est retournée
ensuite à l’Unikin pour obtenir un diplôme d'études supérieures en gestion de
l'environnement. En 2007, préoccupée par la situation de son pays, elle a initié
un projet d'éducation à l'environnement en faveur de la jeunesse, « Le Gardien
Vert-Bleu » (gardien des plantes et de l'eau). Depuis lors, elle édite un journal
qui porte le même nom, renforce les capacités des enseignants et sensibilise à
l'environnement les jeunes en milieu scolaire et à l’espace Texaf-Bilembo.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 65
SOCIÉTÉ
Des plans d’urgence complets
sont régulièrement actualisés et
testés pour faire face efficacement
aux accidents comportant un risque
de pollution des eaux superficielles.
SEP Congo assure le contrôle et
l’analyse de tous les rejets résultants
de ses activités.
pour lutter contre l’hypertension, la fatigue générale et les maux d’estomac. Les feuilles d’eucalyptus, en bain de vapeur, peuvent agir contre
le diabète, le paludisme, la grippe ou la sinusite.
L’écorce de manguier combat les rhumatismes
et les hémorroïdes…
Plusieurs facteurs menacent la silhouette familière de l’arbre en RDC : la démographie galopante, la concentration de la population en
SEP Congo participe
activement avec le Ministère
de l’Environnement au plan
POLMARC centré sur la
lutte contre les pollutions
marines par les hydrocarbures.
L’entreprise a développé
ses propres plans d’urgence
maritime et fluvial (PUM) sur les
bases de Ango-Ango (Matadi),
Kinshasa, Kisangani et Ilebo.
Conformément aux principes de transparence et de dialogue
de sa charte Hygiène, Sécurité, Environnement et Qualité (HSEQ),
Un kit de survie… pour l’Humanité
Certains arbres sont importants dans la pharmacopée. On notera par exemple que les feuilles
de l’avocatier en décoction sont recommandées
66 / Impact n°7 / Décembre 2014
SEP Congo s’engage
à préserver la qualité de l’eau et de l’air, à réduire les déchets,
à assurer la traçabilité jusqu’au traitement et la valorisation de
ses déchets, à réhabiliter les sites et les sols en cas de pollution
et à sauvegarder la biodiversité.
Protection contre
la chaleur
Les espaces boisés
constituent une
protection contre
la chaleur par le
rafraîchissement de
l'air ambiant. L'être
humain recherche
l'ombre lors des journées
ensoleillées. Dans les
parcs et les boisés
urbains, la température
de l'air est généralement
plus fraîche qu'en milieu
ouvert. Le feuillage
des arbres intercepte,
absorbe et reflète la
radiation solaire et
réduit ainsi l'intensité
du rayonnement et la
chaleur qui en résulte.
milieu urbain, l’exploitation incontrôlée du bois,
l’ignorance de la population sur tous les services
offerts par l’arbre.
Si les jeunes ne craignent plus trop les esprits susceptibles d’habiter les forêts, ils ont plutôt peur
des animaux qui y vivent car ils ne connaissent
finalement plus la forêt, ni les arbres. On oublie
trop souvent leur rôle dans la purification de l’air
et dans la lutte contre l’augmentation rapide de
l’effet de serre, ou dans la prévention des érosions
et de la désertification… Il faut donc réapprendre
ce que signifie globalement l’arbre pour notre
société, sans quoi - n’en déplaise aux Cartésiens les esprits qui y habitent ne nous le pardonneront
pas…
Godelieve Vununu
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Photos : Alain Huart
formable pour l’ébénisterie et la construction.
Son exploitation, de surcroît, peut nous assurer
des revenus.
En milieu urbain, l’arbre est planté surtout pour
ses fruits, comme le manguier, le safoutier, le
palmier à huile, l’avocatier… La règle veut que
l’on peut cueillir les fruits d’un arbre mais pas le
couper sans l’autorisation de son propriétaire. Et
pourtant, il est régulièrement abattu ou déraciné sans autre forme de procès, pour de l’argent :
charbon de bois, bois de chauffe des ménages ou
des fours à usage commercial. En milieu rural,
il faut toujours l’autorisation du chef coutumier
pour exploiter une forêt, même si on est en règle
vis à vis de l’Etat. On ne voudrait pas réveiller ce
qui se cache derrière l’arbre…
L’arbre à corail (Erythrina abyssinica) est planté autour des cases et des champs pour fournir
des ustensiles de cuisine. Si le bois noir ou le teak
continuent à être fort prisés dans l’art et l’ébénisterie, le bois brun jaune du limba (Terminalia superba) fournit des bardeaux, des pagaies,
des boîtes et des cercueils. Les rondins sont découpés dans le bois blanc et dur d’un arbuste
(Lannea antiscorbutica) pour la construction
des maisons et des clôtures. La fabrication des
instruments de musique et des manches à outils
est réalisée avec du bois d’or (Milletia vasicolor).
Les procédures SEP Congo
en matière d’environnement
répondent aux standards
internationaux. Elles permettent :
sLÏVALUATIONDESRISQUES
environnementaux pour mieux
les maîtriser,
sLESUIVIDELÏVOLUTIONDELA
performance environnementale,
sLÏTUDEDIMPACTS
environnementaux dans nos
projets d’investissement.
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SEP Congo s’engage à faire que
ses activités soient mieux acceptées
par le voisinage ainsi que les
parties prenantes, en identifiant
leurs attentes en matière
d’environnement et de santé.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 67
SOCIÉTÉ
Photo : Meni Mbugha
La forêt de la Province Orientale
Poumon de l’économie
« verte » de la RDC
en donnant une valeur ajoutée importante et
en créant des emplois. Les concessions ne représentent en Province Orientale que 20% de la surface forestière. Le reste est simplement régi par
le code forestier et laissé à la disposition des populations locales, très présentes dans ce massif.
À
l’époque où les conditions économiques étaient favorables, cette province constituait l’un des greniers du pays. Aujourd’hui, la
68 / Impact n°7 / Décembre 2014
Province Orientale dispose toujours de nombreux atouts propices à son redéveloppement :
diversité climatique, qui permet l’exploitation
d’une gamme variée de produits agricoles, et
diversité des ressources naturelles permettant
le développement des secteurs de l’industrie et
du transport, tels que les nombreuses rivières, le
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Photos : Jean-Michel LAGE
La Province Orientale c’est quatre districts : Tshopo, Ituri, BasUélé et Haut-Uélé. Mais aussi quatre parcs nationaux : Garamba,
Maiko, la réserve de Faune à Okapis d’Epulu et le nouveau parc de
la Lomami, à cheval sur le Maniema et le Kasaï Oriental. Partageant
ses frontières avec la Centrafrique, l'Ouganda et le Sud Soudan, elle
constitue la future voie de passage transafricaine destinée à relier
l’Afrique australe à l’Afrique du nord.
fleuve et cette immense forêt tropicale.
Cette forêt tropicale couvre environ 155 millions
d’hectares du territoire national, ce qui en fait le
deuxième pays forestier au monde après le Brésil.
Elle couvre principalement trois provinces : Le
Bandundu, l’Equateur et la Province Orientale.
Si ce massif forestier est d'une densité généralement assez faible, il abrite néanmoins des essences de très grande qualité (Wengue, Afrormosia, Acajou, Sipo, etc.). À l'opposé, certaines
essences que l’on retrouve dans les pays voisins
à l’état disséminé sont ici regroupées en peuplements denses, ce qui est exceptionnel (cas du
Wengue dans le Bandundu ou de l’A frormosia
en Province Orientale). La nécessité de gérer
ce massif a conduit le gouvernement à créer en
2010, 80 concessions forestières aménageables,
dont 23 dans la seule Province Orientale. Ces
concessions ont été attribuées à des sociétés
d’exploitation et de transformation du bois, avec
obligation de présenter avant quatre ans, un
plan d’aménagement durable pour chacune des
concessions. Soutenu par l’Agence Française de
Développement, le projet d’appui à la gestion durable des forêts (Agedufor) de la RDC a donc pour
objectif de renforcer les compétences des administrations centrales et provinciales du pays en
matière d’exploitation des différentes concessions forestières.
L’immensité du Congo et l’éloignement de la
Province Orientale freinent la commercialisation des produits forestiers bruts et amènent les
industriels à transformer les produits sur place
www.impact.cd
Facteur de
développement
Il est certain que la
forêt soit une source
propulseuse de
l’économie de RDC.
Dans le cas de la
Province Orientale,
elle est facteur de
développement
touristique, avec de
nombreuses retombées
économiques sur son
territoire.
La gestion forestière en Province Orientale
Chaque concessionnaire peut orienter ses objectifs en fonction de ses moyens et du contexte international du bois. Trois options se présentent :
> Retour à l’État (15% des concessions) : le
concessionnaire choisit de rendre la concession
à l’État car il estime ne pas pouvoir la valoriser
correctement.
> La mise en conservation (10% des concessions):
ce choix place la concession «en défense» ; toute
exploitation y est interdite et priorité est donnée
aux opérations de reboisement de substitution
(bois de feu) et d’élevage (protection de la faune),
l’objectif étant de bénéficier, à terme, de fonds
provenant de la REDD+ (Réduction des Emissions de carbone Dues à la Déforestation).
> L’aménagement forestier (75% des concessions):
cette option permet une exploitation durable de
la ressource forestière de façon très règlementée
grâce à la planification de toutes les opérations
forestières et à la concertation permanente entre
le concessionnaire et la population locale afin
d’éviter les conflits. Un plan d’aménagement approuvé par le ministère de l‘Environnement est
alors exigible.
Il est évident que c’est le seul moyen de valori-
Impact n°7 / Décembre 2014 / 69
SOCIÉTÉ
ser cette forêt tout en préservant sa pérennité
et celle de sa faune, et surtout en y associant les
peuples indigènes et autochtones qui y vivent.
Les labels de certification forestière (PEFC, FSC
etc.) attestent du respect de ces bonnes pratiques
et permettent de mieux commercialiser les produits des concessions. Cet objectif n’est pas encore atteint en RDC, mais le gouvernement et
quelques sociétés responsables y travaillent dejà.
Perspectives
La lutte contre l’exploitation illégale et le
contrôle des origines des produits forestiers entrant dans Kisangani permettra de créer un pôle
attractif pour tous les opérateurs qui savent que
l’exploitation rationnelle d’une forêt n’est pas incompatible avec la préservation de l’environnement mais la complète. La forêt doit générer des
ressources financières et fiscales importantes
dans cette province appartenant au pays le plus
boisée du monde. Pour cela il est nécessaire de
poursuivre l’implantation d’industries de transformation de bois créatrices d’emploi et de promouvoir une agriculture adaptée.
Quelle est la genèse du projet ?
En 2011, je me suis rendu une première fois dans
la forêt d'Epulu pour rencontrer ces artisans pygmées. Dans les villages alentour, j’ai constaté que
les Mbutis exprimaient leur vision du monde sur des
écorces d'arbres battues, collectées sur des ficus
puis peintes à l'aide de pigments extraits de végétaux de teintes noire, rouge ou jaune. Les dessins,
réalisés alors par ces femmes sous l'œil attentif
de leurs enfants, représentent la faune et la flore.
Ces écorces sont portées ou utilisées dans les cérémonies rituelles mais également appréciées des
NDURA*
«Une forêt, un
peuple, un avenir»
L
es Bambuti sont des peuples autochtones de la République
démocratique du Congo. Ils vivent dans la réserve de faunes
à okapis d’Epulu en Ituri dans la Province Orientale. Excellents
chanteurs et danseurs, ils sont aussi des peintres reconnus. Ils
expriment leur vision du monde sur des écorces d’arbres battues avec des
colorants naturels. Plus qu’une activité lucrative, la peinture sur écorces
est une réelle école du savoir qui est socialement durable. Cependant, la
situation socio-économique des Bambuti reste préoccupante et cette activité pâtit de l’assimilation des pygmées et du déclin du tourisme.
*Ndura veut dire foret en
Kibila, langue parlée par
les Babila, groupe ethnique
bantou vivant avec les
communautés pygmées
d'Epulu.
Photos : Meni Mbugha
Rôle socio-économique de la forêt en Province Orientale
L’agglomération de Kisangani compte plus
d’un million d’habitants. Le bois y est utilisé
pour la construction, le coffrage, les échafaudages, les meubles... D’autres sous-produits de
la forêt comme le charbon de bois, les chenilles,
certaines écorces ou plantes entrent dans les
recettes de cuisines ou les préparations médicinales. Mais une forêt bien gérée doit d’abord
fournir du bois d’œuvre, ce qui est d'autant plus
faisable que le fleuve Congo permet le flottage
des grumes par radeaux (bois flottables) ou par
barges (bois non flottables).
La transformation des bois dans des scieries locales ou des usines de transformation (contreplaqués) est une source d’emplois importante
et devrait encore se développer dans cette province sous l’impulsion d'un gouverneur très impliqué. Les sociétés forestières créent des routes
et permettent le désenclavement de nombreux
territoires. Pour autant, ce progrès ne doit pas
s’accompagner d’une destruction de l’environnement (culture sur brûlis) mais bien au contraire
par un zonage puis une agriculture raisonnée et
responsable.
Meni Mbugha, d’où venez-vous et d’où vous vient
ce besoin de valorisation et de promotion de ce
peuple des forêts ?
Je suis né dans l'est de la France, à Nancy, d'un père
nutritionniste et d'une mère au foyer élevant quatre
enfants. C’est à l’âge de 6 ans que je suis revenu
en RDC avec mes parents. Bien que passionné de
stylisme, j’étudie l’informatique pendant trois ans
avant de m’inscrire à l’académie des Beaux-arts et
à l'Institut supérieur des arts et métiers de Kinshasa
en 2004. Ce besoin d’attirer l’attention sur le peuple
pygmée me vient très certainement de mon côté
«écologiste». Et c’est pour cela que j’ai décidé d'étudier un jour le lien entre la mode et la protection de
la forêt. C’est en 2007, à Kinshasa, que je rencontre
une famille Bantoue ayant une «bonne» pygmée. Le
chef de famille me prête un livre sur les Mbutis et
sur leur art pictural. Je me sens concerné par le sort
tragique des Bambutis lorsque je constate en 2011
leur dénuement à Epulu.
Le projet Ndura a pour mission de promouvoir le savoir
traditionnel, mais aussi le pérenniser et favoriser la
création d’une activité génératrice de revenus pour les
Bambutis dans la réserve de faune à okapis.
touristes et des collectionneurs occidentaux. De
ce fait, ce savoir traditionnel serait le moyen de
contribuer à l’amélioration des conditions de vie
des Bamboutis puisque les écorces sont belles
et appréciées. Au lieu de peindre les écorces, il
faudrait peindre le tissu. Aujourd’hui, c’est en
qualité de designer et de promoteur du label
VIVVYA, mais aussi d'enseignant à l’Institut Supérieur des Arts et Métiers (ISAM) à Kinshasa
que j’ai réalisé ce travail qui entre dans le cadre
du projet NDURA. Ce dernier a pour mission de
promouvoir ce savoir traditionnel mais aussi de
pérenniser et de favoriser la création d’une activité génératrice de revenus pour les Bambutis
dans la réserve de faunes à okapis. J’ai ainsi créé
une collection de tissus que j’ai intitulé «Signature» et une ligne de vêtements appelée «Protos». Ces créations, que les visiteurs découvrent
dans cette exposition, se sont inspirées de ces
motifs peints sur les écorces.
Bio-express
Né en 1981 à Nancy en
France, Mbugha Meni
est l'avant-dernier d'une
famille de quatre enfants.
Passionné de danse et
de dessin, il apprend les
rudiments du dessin de
mode aux côtés d'une
cousine qui rêva de devenir
Qu’est-ce que vous avez voulu montrer en
imaginant cette exposition ?
J’ai voulu d’abord démontrer le lien existant
entre la culture, l'écologie et le développement
par le biais du design textile et de la mode. Ces
facteurs devraient être intégrés dans la relance
de notre grand pays, le Congo. Mais cette exposition, d’abord présentée à l’Institut français
Halle de la Gombe à Kinshasa en juillet 2014 puis
à l’Alliance française de Kisangani en novembre
dernier, était aussi le moyen de faire connaître
et de lancer un cri d’alarme sur la situation de ce
peuple méconnu, mais aussi de tous les autres
peuples autochtones du pays, tout en démontrant qu’il est possible de produire au Congo, des
produits « éthique et écologique », qui peuvent
contribuer à vaincre la précarité et la vulnérabilité de ce peuple. L’exposition se compose donc
d’écorces battues et peintes par les Bambutis
entre 2011 et 2014, de photos et vidéos sur la
réalisation de ces écorces, de tissus imprimés et
teints ainsi que les créations réalisées.
styliste. En 1986, de retour
à Kinshasa, il continue
à pratiquer le dessin.
Cependant, plus tard , il
s'inscrit à l'ISAM/Kinshasa
d'où il en sort Chargé de
pratique professionnelle
en 2007 et actuellement,
Assistant de premier
mandat, rejoignant ainsi
l'activité professionnelle de
son père.
Depuis 2008, il présente
ses collections et les
expose dans diverses
manifestations culturelles,
d'abord en Namibie, ensuite
à Kinshasa et enfin à
Kisangani.
Propos recueillis par Matthieu Juin-Levite
Jean-Michel LAGE
70 / Impact n°7 / Décembre 2014
www.impact.cd
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 71
SOCIÉTÉ
«Gestion des ressources naturelles du Miombo»
(BAK ASBL)
- l’enseignement de l’écologie (E.P. Mikembo)
- la revalorisation du cours « Environnement et
Santé » et la formation des enseignants (GIZ et
ASBL Mikembo)
- des projets de gestion en partenariat avec l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) des parcs de l’Upemba (CEE) et des
Kundelungu (GIZ).
Le Katanga et son Miombo
Une dégradation
inquiétante
Le Miombo, localisé dans la province du
Katanga, couvre presqu’entièrement le district
du Haut-Katanga et la ville de Kolwezi, une
partie du Tanganyika et du Lualaba. Il joue un
rôle important dans la régulation du climat
et influence le cycle de l’eau et du carbone
tout en déterminant certaines conditions
environnementales en Afrique australe.
SOS Miombo
Aujourd’hui,
déforestation, makala,
exploitation minière,
feu de brousse,
anthropisation… sont les
causes principales qui
menacent l’écosystème
de la forêt de Miombo
au Katanga. Il en découle
une érosion des sols, une
perturbation du cycle
de l’eau, la disparition
des espèces végétales
et animales, une baisse
de fertilité des sols et,
par conséquent, une
augmentation des gaz à
effet de serre.
72 / Impact n°7 / Décembre 2014
Katanga, deux Parcs Nationaux ont été créés,
l’Upemba (1939) et les Kundelungu (1970). À
cette époque, la chasse et la coupe de bois étaient
strictement réglementées sur l’ensemble du territoire. La faune y était alors abondante.
Depuis plusieurs décennies, les conflits qui ont
affecté le pays ont entrainé une dégradation importante du Miombo. En effet, ces deux Parcs
Nationaux, qui regorgeaient autrefois de gibier,
sont aujourd’hui quasi déserts et il suffit de circuler sur les grands axes routiers de la province
pour se rendre compte du déboisement intensif
qui met en péril la biodiversité. La quasi totalité
de la faune est déjà en voie de disparition et en
particulier, le plus noble des animaux, l’éléphant.
En outre, la relance du secteur minier, trop souvent réalisée de façon anarchique, a également
provoqué une forte dégradation des écosystèmes du Miombo.
Aujourd’hui, déforestation, makala, exploitation
minière, feu de brousse, anthropisation…..sont
les causes principales qui menacent l’écosystème de la forêt de Miombo au Katanga.
Il en découle une érosion des sols, une perturbation du cycle de l’eau, la disparition des espèces
végétales et animales, une baisse de fertilité des
sols et, par conséquent, une augmentation des
gaz à effet de serre. Sans oublier que le Miombo
nourrit la population avec ses champignons, ses
termites, ses végétaux et ses animaux. Les habitants sont de facto privés progressivement de
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La nature comme valeur économique et
éducative : une «Win Win Strategy»
Chez nos proches voisins et au-delà, l’écotourisme est une source importante de développement durable, de revenus et d’emplois. Pourquoi
ne pas le développer au Katanga, sachant que le
potentiel naturel est bien plus élevé que dans la
plupart de ces pays ?
À la suite d’une réelle prise de conscience, il
existe, depuis plusieurs années, des actions qui
tentent d’inverser la tendance, notamment au
travers d’initiatives privées qui ont créé des
zones protégées et réintroduit une partie de la
faune endémique du Katanga (Game Ranch).
Mais les autorités en charge de l’éducation ne
sont pas en reste. En témoignent plusieurs décisions concernant :
- la formation d’étudiants de l’Université de Lubumbashi (UNILU) qui ont obtenu un DEA en
Vanessa et Michel Anastassiou/
Mélanie Sirdey-Coid
Qu’est-ce-que le Miombo ?
Le Miombo est la végétation de type forêt claire dans la région dite «zambézienne» localisée en Afrique australe et Centro-australe. Cet écosystème
couvre environ 10% du continent africain (Angola, Zambie, Zimbabwe, Malawi, Mozambique, Tanzanie, Namibie, Afrique du Sud, Botswana, Rwanda
et la partie Sud de la République Démocratique du Congo). La quantité des
pluies varie entre 600 et 1200 mm par an. On distingue le Miombo humide
au nord et le Miombo sec au sud en fonction des précipitations. Sa biodiversité héberge 8500 espèces végétales dont plusieurs sont endémiques
et on y rencontre de nombreux refuges pour des espèces animales. Plus
de 75 millions de personnes habitent en milieu rural et 20 millions dans les
centres urbains. Plus de 70% de ces populations utilisent quotidiennement
les produits du Miombo pour générer de l’énergie (charbon de bois et bois
de chauffe), se soigner (plantes médicinales), se nourrir (produits forestiers
non ligneux : fruits, champignon, miel, etc.). Certaines espèces sont utilisées
en menuiserie et en construction.
Photos : M&V Anastassiou
L
e Miombo du Katanga compte parmi
les forêts les plus humides ayant la plus
grande diversité en espèces végétales.
On y retrouve d’autres écosystèmes comme la forêt dense (Muhulu) ou la forêt galerie (Mushitu).
On y voit également des savanes steppiques (Dilungu) en plus des écosystèmes de type forestier.
Au cours du XXème siècle, afin de contribuer à la
protection de la biodiversité de la province du
protéines et le potentiel de développement de
l’interland katangais s’appauvrit.
À terme, à l’instar de ce qui s’est passé au Sahel, le
risque de désertification est important.
Une solution durable ne peut cependant passer
que par une volonté sans faille des autorités politiques du pays à travers :
- l’application effective des lois existantes de
sauvegarde de l’environnement (coupe de bois,
makala, chasse, pêche, exploitation minière, …) ;
- la mise en place d’un plan d’aménagement du
territoire qui définirait de nouvelles zones où la
biodiversité serait protégée avec l’adhésion des
populations locales qui doivent y trouver leur
intérêt ;
- la sensibilisation de la population à l’importance de la protection du Miombo et de ses composantes notamment au travers de l’éducation.
À terme, la définition d’un plan d’électrification
de la province et sa réalisation permettraient de
réduire drastiquement la consommation de Makala et d’inverser, par conséquent, la courbe de la
dégradation de la forêt du Miombo.
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 73
SOCIÉTÉ
Histoire na biso ! Hadisi yetu !
Déjà 100 ans ! 1914-2014 «Les
Congolais, la Force publique belge et
la Première Guerre mondiale»
Dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale,
l’ambassade de France en RDC, le gouvernement de la Province
Orientale, l’Institut français de RDC, les Studios Kabako et d'autres
partenaires, ont souhaité accompagner l’initiative de l’Alliance
française de Kisangani dans son projet éducatif et culturel destiné
à valoriser le devoir de mémoire et à sensibiliser les nouvelles
générations à la Grande Guerre de 14-18.
Retour sur une initiative très appréciée.
L
e fondement et la stabilisation d’une
nation passent par son histoire. Tout
travail de mémoire y a sa place. Les
faits historiques, tels que la Première
Guerre mondiale, ont laissé des traces
que les historiens, les sociologues et les scientifiques tentent de retrouver et de reconstituer.
Ainsi le réseau culturel français, Instituts et Alliances françaises notamment, avait été invité à
imaginer une programmation s’inscrivant dans
cette commémoration à l’échelle mondiale et te-
74 / Impact n°7 / Décembre 2014
nant compte des spécificités locales.
Quoi de plus naturel pour l’A lliance française
de Kisangani, qui fêtera ses 20 ans d’existence
en 2015, que de participer à ce mouvement en
demandant à deux artistes de la ville d’exprimer
leur vision de la Grande Guerre et aux universitaires de transmettre leurs connaissances à la
population d’aujourd’hui.
Mais quand ces artistes, ces universitaires et
Matthieu Juin-Levite, directeur de l’A lliance
française, plongent dans l’histoire, on peut s’at-
Vous êtes directeur de l’Alliance française
de Kisangani et représentant du service
de coopération et d’action culturelle de
l’ambassade de France à l’Est de la RDC
depuis maintenant une année. Pourquoi
avez-vous jugé important d’intégrer dans
la programmation culturelle et éducative
2014 de l’Alliance française de Kisangani
le centenaire de la Grande Guerre ?
Toutes les Alliances françaises dans le monde
sont des associations de droit local à but non
lucratif, qui exercent leur mission de manière
autonome, en dehors de tout engagement de
nature politique ou religieuse. Elles ont en commun la poursuite de trois missions essentielles :
l’enseignement du français, la transmission des
savoirs et la connaissance des cultures française
et locale, tout en favorisant la diversité culturelle.
Cette exposition commémorative, qui se voulait
accessible à tous, petits et grands, remplissait
ces trois missions. Partant de ce constat, il ne
restait qu’à mettre en œuvre le projet de façon
pédagogique et artistique, en faisant se rencontrer historiens, communicologues, politologues
et artistes. La plupart des commémorations de
la Grande Guerre se limitent trop souvent à ce
qui s’est passé en Europe et, parfois, avec une
approche élitiste. Or il s’agit d’une guerre mondiale : ce qui s’est passé en Belgique et en France
a été important, c’est certain, mais cette guerre
a connu des combats dans bien d’autres endroits du monde. Cette guerre, dans cette région
d’A frique, a été complètement, ou presque, oubliée. En organisant cette commémoration, l’A lliance française a souhaité rendre hommage aux
Photos : JM MBenga
tendre à ce que les visiteurs découvrent des aspects oubliés ou dissimulés du passé de leur pays.
Il est vrai que les « supports » ne manquaient pas:
une belle exposition donnant beaucoup d’informations sur le rôle joué par les congolais, civils
et militaires, au cours de la Première Guerre
mondiale, une conférence-débat et, sur la même
thématique, des spectacles de danse folklorique
du ballet du Centre de Recherche de Danses Africaines et de danse moderne créative du Collectif
Danckis.
Matthieu Juin-Lévite
Directeur de l'Alliance
française de Kisangani
La scénographie de l’exposition avait été pensée
pour inviter le public à fermer les yeux et écouter
les sons de la forêt équatoriale. À tendre l’oreille
et se laisser porter sur les flots du fleuve Congo.
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anciens combattants congolais de la Guerre de
14-18, jetés malgré eux dans un conflit aux côtés
des colons belges, alors qu’ils n’en comprenaient
pas les enjeux qui les dépassaient. Elle contribue
ainsi au devoir de mémoire en y associant la société civile.
L’Alliance française a donc en quelque
sorte invité son public à un voyage dans le
temps, un voyage pour se souvenir ?
Oui tout à fait, il s’agit bien d’un voyage auquel
le visiteur a été convié en parcourant une exposition d’œuvres spécialement réalisées par le
peintre Papy Basikaba et le sculpteur Justin-Florent Badjoko. L’exposition s’achève sur un ultime
hommage à ces anciens combattants avec la présentation de photos-souvenirs provenant de la
Bibliothèque Royale de Belgique, prises en 1916
par le Sous-lieutenant Robert Vincent durant
cette campagne militaire d’A frique Orientale et
avec un film documentaire historique de 28 minutes de la CINEMATEK de Belgique.
La scénographie de l’exposition avait été pensée
pour inviter le public à fermer les yeux et écouter
les sons de la forêt équatoriale. À tendre l’oreille
et se laisser porter par les flots du fleuve Congo.
À écouter le tonnerre des obus qui retournent
la terre. À regarder ces combattants aux visages
tendus et graves, peints ou sculptés. Cet enfer-là,
des millions de soldats dans le monde l'ont vécu il
y a cent ans et les artistes de la ville l’ont compris
et l’ont parfaitement retranscrit sur la toile, sur
le bois rouge et l’ébène qui ceinturent la Ville de
Kisangani.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 75
SOCIÉTÉ
Mais quel fut véritablement le rôle des
congolais dans cette guerre ? Comment les
artistes ont-ils pu retranscrire ce rôle dans
leurs œuvres ?
L’un des objectifs était de rafraîchir les mémoires
sur un conflit qui a profondément marqué l’ensemble des nations européennes et, avec elles,
leurs colonies telle que la République démocratique du Congo d’aujourd’hui. Il était donc
Sculpture ébène
de Justin Florent Badjoko
Quel est le message que vous avez voulu
faire passer à la population locale et
que retenez-vous des rencontres et des
échanges qui sont nés de cette commémoration ?
Aujourd'hui, la Guerre de 14-18 est entrée dans
l'histoire, dans notre histoire à tous. La cruelle
Photos : JM MBenga
important de rappeler, au travers de cette exposition qui mêle créations et images d’archives
historiques, que lorsque le gouvernement belge
a décidé d’attaquer les Allemands au Rwanda et
Burundi, il y a 100 ans, c’était au prix d’un véritable tour de force logistique. L’approvisionnement des troupes devait se faire à l’aide de porteurs chargés d'acheminer la nourriture et les
munitions de 18.000 soldats.
Près de 260.000 personnes avaient ainsi été recrutées en très peu de temps. D’un autre côté, en
Province Orientale par exemple, la population
allait cultiver massivement du riz pour nourrir
les troupes. C’est une belle et courageuse illustration de la contribution décisive des Congolais
dans cette guerre. Les artistes l’ont parfaitement
illustré dans leurs créations.
loi du temps qui passe fait que cela donne aux
générations qui suivent, aux nôtres, davantage
encore de responsabilités. En tant qu’institution
culturelle, il nous appartenait d'aller plus loin,
d'associer le souvenir des victimes à la connaissance des causes, des circonstances et des conséquences de cette guerre... C'est donc un devoir
de mémoire. Et c’est le but que nous nous étions
fixés et que nous avons atteint en accueillant
près de 3 000 visiteurs dont 1482 jeunes de moins
de 18 ans qui ont eu la possibilité de découvrir,
vivre et comprendre, au travers de cette exposition, cette Grande guerre vécue par leurs ancêtres congolais.
Et puis vous savez, je fais partie de ces générations qui ont eu la chance d'arriver à mon âge
sans connaître personnellement la guerre. Cela
nous donne, cela me donne, des responsabilités
particulières à l'égard des générations qui ont
vu leurs rangs décimés par toutes les guerres du
XXème siècle. Cela nous donne aussi collectivement des responsabilités particulières à l'égard
de ceux de nos concitoyens respectifs qui, aujourd'hui encore, risquent leur vie et, pour certains, la perdent au nom de nos patries.
Enfin, à quoi doit s’attendre le public de
l’Alliance française de Kisangani en 2015
puisque l’association fêtera ses 20 ans de
création ?
Nous préparons, entre-autres, une grande exposition sur l’histoire de la ville, de Tippo Tip à
aujourd’hui. Les 250 m² du hall d’exposition seront totalement occupés, plongeant à nouveau le
visiteur dans une époque passée. Mais je n’en dis
pas plus… créations, photos, films, textes littéraires, poésies, etc. Là encore, l’A lliance française
contribuera à la connaissance et aux savoirs des
petits comme des grands.
Propos recueillis par Aliana Alipanagama
76 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Incontournable
à Kisangani
Chez Bronzetta
V
ous cherchez un endroit où vous restaurer ou tout
simplement vous rafraîchir à Kisangani ? Situé dans le centre ville,
lieu réputé pour sa convivialité, le restaurant « Chez Bronzetta »
vous offre un cadre paisible, à la fois chaleureux et sympathique.
Installez-vous confortablement et laissez-vous charmer par ce
lieu agréable, situé en plein cœur de ville. Lieu de rendez-vous
incontournable du Tout-Kisangani, idéalement situé pour vos
repas d’affaires, aussi bien que pour vos sortis en famille, entre
amis ou en tête-à-tête, Chez Bronzetta vous accueille sous une
authentique paillotte congolaise à l’atmosphère à la fois intime
et conviviale. Elle vous permet de profiter encore davantage de
l’exceptionnelle douceur des soirées boyomaises.
La cuisine est de qualité. Elle s’amuse à réinventer les classiques
de la cuisine occidentale. Shawarma, cheeseburger, pizza, bœuf
bourguignon et carbonade, sans oublier, les incontournables
grillades de viande de bœuf, poissons Kalimba et Capitaine qui
sont parmi les délices du menu. Une cuisine simple, rapide et
efficace au cœur de Kisangani !
Ouvert aux groupes, le restaurant Chez Bronzetta vous
propose aussi de privatiser ses espaces si nécessaire. Une
solution parfaite pour vos anniversaires, repas d’entreprises ou
événements spéciaux.
Ouvert du mardi au dimanche de 12h30 à 22h00
3, avenue Abbé Kaozi, Makiso, Kisangani
En face de l'Etat Major 9e Région Militaire
(+243) 0819 740 884 - (+243) 0976 111 150
Photo : Gédéon Mukendi
CULTURE
Bienvenue
au Goethe Institut
L'ouverture du bureau de liaison de l'Institut Goethe, qui
sera effective le 1er janvier 2015, a été célébrée le 21
novembre dernier à la Grande halle de la Gombe. Ambiance
festive, qui a marqué les quelque 400 invités présents.
français de RDC avait été définitivement avalisée une semaine plus tôt à l’occasion du vote du
budget 2015 de l’Etat allemand.
Quatre cents personnes se pressaient ce soir-là
sous la grande halle parmi lesquelles on reconnaissait le Dr. Wolgang Manig, ambassadeur
d’A llemagne en RDC, Luc Hallade, ambassadeur
de France en RDC, Jean-Michel Dumont, ambassadeur représentant l’Union Européenne en
RDC et Martin Kobler, représentant spécial du
Secrétaire général de l’ONU en RDC.
Kathryn Alexandra, jeune musicienne allemande installée depuis moins d’un an à Kinshasa, eut le redoutable privilège d’ouvrir cette soirée musicale avec son groupe « Nsinsani » avant
que le groupe « Jocelyn Balu et les aigles de la révolte » ne fasse entendre sa musique métissée sur
la scène de la grande halle. Enfin, Jupiter et son
groupe Okwess International ont offert, dans
une ambiance survoltée, un spectacle de près de
deux heures face à un public conquis.
Le choix de Jupiter ne devait d’ailleurs rien au
hasard puisque ce dernier, fils de diplomate, a
passé une dizaine d’années de sa jeunesse en Allemagne, à Berlin-Est précisément. Il a d'ailleurs
interprété un de ses titres en allemand.
Avant la prestation de Jupiter, Philippe Larrieu,
conseiller de coopération et d’action culturelle
de l’ambassade de France et directeur de l’Institut français de RDC, prit la parole pour souhaiter la bienvenue au Goethe Institut avant que
Norbert Spitz, directeur du Goethe Institut pour
l’A frique du Sud et l’A frique subsaharienne ne le
fasse à son tour pour se réjouir de l’excellence des
relations culturelles entre les deux pays et sou-
haiter qu’elles puissent se développer encore au
profit des artistes et du public. L’occasion aussi
pour M. Spitz de lancer officiellement le portail
web «Music in Africa» destiné à fédérer le réseau
des musiciens africains.
Le bureau de liaison du Goethe Institut ouvrira officiellement ses portes le 1er janvier 2015
et orientera son action sur la programmation
culturelle. Un espace de littérature allemande,
traduite en français, ouvrira d’ailleurs au premier étage de la médiathèque Floribert Chebeya
de l’Institut français de RDC.
Les échanges entre la RDC, la France et l’A llemagne seront ainsi renforcés et des pistes de coopération sont déjà esquissées. Dès janvier 2015 à
l’Institut français, une programmation de films
allemands sera proposée au public kinois.
CR
78 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Photos : Martin van der Belen
L
es premières discussions entre le
Goethe Institut de Johannesburg et
l’Institut français avaient débuté 18
mois plus tôt. En ce vendredi soir, les trois drapeaux de la République fédérale d'A llemagne, de
France et de RDC, pavoisaient à l’entrée de l’Institut français aux côtés de bannières à l’effigie du
«Goethe Institut» deployées à différents endroits
de la Halle de la Gombe. Tout laissait présager
un important événement : le retour en RDC du
Goethe Institut après 23 ans d’absence. La bonne
nouvelle avait été rendue publique deux jours
plus tôt par l’ambassadeur d’A llemagne en RDC
au cours d’une conférence de presse donnée à
l’Institut français. Préparée depuis des mois par
les représentants basés à Johannesburg, au siège
africain de l’opérateur culturel allemand et par
les responsables de l’Institut français de RDC,
l’officialisation de l’ouverture d’un bureau de
liaison du Goethe Institut au sein de l’Institut
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 79
Deuxième édition
de la Fête du livre
le public au
rendez-vous
A
près une première édition, qui
avait suscité un fort engouement,
la deuxième Fête du livre de
Kinshasa s’est déroulée du 12 au 16 novembre
derniers sur les sept sites suivants : l’Institut
français de Kinshasa, le Lycée français René
Descartes, le Lycée Prince de Liège, le Centre
Wallonie-Bruxelles, l’Académie des Beaux-Arts,
Le Centre Texaf-Bilembo et le Collectif Sadi. Une
80 / Impact n°7 / Décembre 2014
belle occasion d’échanger et de rencontrer des
auteurs passionnés par le Congo autour de la
thématique retenue « le Congo dans la mondialisation ».
C’est dans une ambiance festive que les promoteurs de la désormais traditionnelle fête du livre
se sont retrouvés pour l’inauguration à la médiathèque de la Délégation Wallonie Bruxelles.
Devant près de 200 invités, Kathryn Brahy, déléguée Wallonie-Bruxelles et Philippe Larrieu,
conseiller de coopération et d’action culturelle
de l’ambassade de France et directeur de l’Institut français, ont officiellement ouvert cette
deuxième édition qui a réuni cette année une
trentaine d’auteurs. Nouvelle venue, Marie Darrieussecq pouvait confronter le Congo mythique
de son dernier roman à la réalité kinoise et félicité David Van Reybrouck, l’auteur du fameux
«Congo, une histoire », désormais célèbre dans
le monde entier, mais aussi Fiston Mwanza et
son très remarqué « Tram 83 », Guillaume Jan et
son « Traîne-savane ». Enfin des habitués comme
Lieve Joris, dont le récit «Sur les ailes du dragon»
vient tout juste d’être publié, ne boudaient pas
leur plaisir de participer à l'événement.
Au programme cette année, des face-à-face à la
médiathèque de l’Institut français, des conférences, des lectures publiques mises en scène
par la compagnie « Les Béjarts », un concert, des
ateliers de bande dessinée, des séances de dédicaces à la librairie éphémère... Notons au passage
le spectacle truculent présenté au Centre Wallonie Bruxelles le vendredi 14 novembre dernier à
partir du roman de Marie Darrieussecq « Il faut
beaucoup aimer les hommes », Prix Médicis
2013, en présence de l’auteure visiblement amusée par cette interprétation kinoise, pleine d’hu-
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Photos : MVDB, Christian Kisavu
CULTURE
mour, des dialogues amoureux du roman.
Près de 700 élèves des écoles congolaises ont
pu rencontrer et échanger directement avec les
auteurs pour connaître leurs motivations, leurs
rapports au Congo, leurs sentiments et leurs espoirs pour ce pays.
ALEF, association kinoise de promotion de la
lecture, a également animé une conférence autour du livre «Congo, une histoire » de David Van
Reybrouck, présent pour en débattre et qui a visiblement apprécié l’analyse critique faite de son
ouvrage et a répondu avec beaucoup de plaisir
aux questions perspicaces d’un public venu en
nombre.
Des conférences thématiques sur le thème «le
Congo dans la mondialisation» et «Ecrire le
Congo» préparées durant des semaines par les
élèves du Lycée français René Descartes se sont
déroulées sous la grande halle du Lycée Prince
de Liège en présence notamment de Jean-Joseph
Boillot, économiste auteur d’un ouvrage intitulé
«Chinindafrique» sur les relations économiques
entre les deux grandes puissances que sont l’Inde
et la Chine et le continent africain, de Lieve Joris
qui s’intéresse dans son dernier ouvrage aux
Congolais installés en Chine, de Colette Braeckman, d’Olivier Appollodorus, de Fiston Mwanza,
de Douna Loup ou encore de David Van Reybrouck et de Guillaume Jan, écrivain-voyageur
parti sur les traces des explorateurs Stanley et
Livingstone.
En clôture, après la remise du prix de la meilleure
bande dessinée au vainqueur, le jeune Dirk Mabidi, un concert dessiné de Barly Baruti a parachevé en fanfare cette édition. Le dessinateur-musicien, avec un sens consommé du spectacle, a
enthousiasmé le public notamment en revêtant
«le costume imaginaire» d’un David Livingstone
avec kilt écossais, chemise bouffante et casque
colonial. Plus vrai que nature !
Les auteurs invités, visiblement séduits, sont repartis avec des rêves un peu fous à l’esprit comme
celui de réaliser une croisière littéraire sur le
fleuve, une remontée au «cœur des ténèbres»
vers Kisangani depuis Kinshasa. Lubie irréaliste
sur ce fleuve mythique ou prémices d’un vrai
projet d’échanges culturels avec les populations
www.impact.cd
locales, l’avenir nous le dira. Après avoir raconté le périple d’un Congolais du Congo jusqu’à la
Suisse, l’auteure suisse Douna Loup, invitée par
l’ambassade de Suisse en RDC, envisage, quant
à elle, d’effectuer maintenant le trajet en sens
inverse. Les auteurs, enthousiastes, souhaitent
encore mieux faire connaître cette fête et beaucoup envisagent déjà de se retrouver à Kinshasa
pour la troisième édition qui sera pour partie décentralisée vers les quartiers périphériques de la
capitale. Rendez-vous est déjà pris pour 2015, à
vos plumes ! CR
Au clair de ma voix
Poèmes de Microméga Bandefu
Poète et slameur kinois, c'est
chez son grand-père maternel où
il grandit, que Microméga prend
goût à la lecture dès son bas-âge
et rêve de devenir écrivain. Poussé
par sa fièvre pour la poésie, il consacre
plus de dix années à un travail acharné de
versification jusqu’à se tailler une très bonne
réputation dans l’univers culturel de Kin. Sa
première reconnaissance remonte en 2010 lorsqu’Anne-Claude Lumet,
charmée par sa plume inspirée, le fait slamer dans le court-métrage
«Valise bleue» qu’elle coréalise avec Gilles Lemounaud pour le compte de
FESTIMAGE, leur structure de cinéma. C’est aussi le début de sa carrière
de slameur. Il vient de publier son premier recueil intitulé «Au clair de
ma voix – poèmes à lire avec les oreilles», sorti justement pendant la
deuxième fête du livre de Kinshasa où il est invité comme auteur.
« Au clair de ma voix » est à découvrir également sur le site www.weyrichedition.be/africa
Impact n°7 / Décembre 2014 / 81
CULTURE
Colin Delfosse
sur orbite congolaise
Né à Bruxelles en 1981, Colin Delfosse est
diplômé en journalisme et se tourne en 2006
vers la photographie documentaire. L’Institut
français de Kinshasa a exposé son travail
“Les sorciers du ring et catcheurs congolais”,
rendant ainsi hommage à l’un des sports les
plus étranges et décalés de la planète et à ces
sportifs méconnus du grand public.
Vous êtes photojournaliste et aussi
photographe d’art, comment abordez-vous
ces deux manières de traiter un sujet ?
Avant tout, je fais de la photo documentaire, j’ai
un peu de mal avec la notion d’artiste pour qualifier mon travail. J’essaie ainsi de traiter un sujet
de manière originale, en montrant des gens et des
sujets différents. Depuis mes débuts, mon style a
évolué. En 2009, avec la série sur les femmes du
PKK au Kurdistan, j’ai décidé de réaliser des photos plus artistiques et en couleurs. Pour la série
des portraits de catcheurs, je me suis indirectement inspiré des oeuvres en couleurs et moyen
format du sud-africain Pieter Hugo.
Impact : Bonjour Colin, pourriez-vous
revenir sur votre parcours ?
Colin Delfosse : J’ai effectué des études de journalisme et rédigé un mémoire en photographie
pour lequel j’ai réalisé mon premier reportage au
Vietnam sur les lépreux, dans un style photo-reportage classique en noir et blanc. Puis, avec des
amis de l’école, nous avons décidé de créer le
collectif «Out of focus». Par la suite, j’ai effectué
plusieurs reportages au Vietnam, au Mali, au
Kurdistan irakien, en RDC et au Kazakhstan.
82 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Pourquoi avoir choisi de photographier des
catcheurs congolais ?
L’objectif était de montrer un aspect plus festif
et plus inhabituel de la RDC. Le catch mélange
les traditions vaudoues (fétiches, costumes de
guérisseurs) avec le catch américain, révélant un
autre visage de la culture congolaise. C’est aussi
un intérêt pour la théâtralité congolaise et cette
manière que chacun a de s’appeler par un titre
(«honorable») qui m’a fasciné et que j’ai voulu
faire découvrir au public.
Impact n°7 / Décembre 2014 / 83
CULTURE
Photos : Colin Delfosse
Vous avez parcouru le Congo de long en
large mais aussi d’autres pays (Kurdistan
irakien, Vietnam, Mali) ; qu’est-ce qui
vous fascine tant en RDC pour que vous y
reveniez aussi souvent ?
J’ai commencé au Mali, à Bamako, puis par hasard on m’a proposé d’être observateur pendant
les premières élections démocratiques en RDC
en 2007 pour une ONG à Kolwezi. En revenant,
j’ai voulu faire un sujet sur les mines et “l’héritage de la Gécamines” et j’ai croisé des catcheurs
pour la première fois. C’est là que tout a commencé. Le projet a duré plusieurs années car il était
difficile de trouver des combats lors de mes différents passages en RDC. Au début, il ne s’agissait
que de photos de reportages ; puis j’ai commencé
les portraits, ce qui allait de pair avec l’évolution
de mon écriture. J’ai acheté un appareil moyen
format, un argentique. J’ai alors voulu faire un
travail plus plastique et ainsi faire poser les catcheurs en tenue de combat.
Quels sont vos projets ?
Je suis actuellement en train de monter un
nouveau projet sur Mobutu avec une chambre
technique, ce qui permet un rendu de lumière incroyable pour les portraits. Je reviens d’un voyage
d’un mois qui m’a mené notamment au Katanga
sur les traces de l’aventure spatiale qu’avait lancé
Mobutu avec la société allemande Otrag dans les
années 70. Par ailleurs, je publierai un livre sur
les catcheurs dont les textes seront rédigés par
Jean Bofane, l’auteur de « Mathématiques congolaises ».
Propos recueillis par Morgane Guimier
84 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 85
CULTURE
Le journal Afrique
Photos : Colin Delfosse
64’ Le monde en français
Pour en savoir plus sur le
travail de Colin Delfosse
et du collectif “Out of
focus” :
www.outoffocus.be/
© C. Guibbaud, J. Knaub / TV5MONDE
La chaîne culturelle
francophone mondiale
86 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Retrouvez vos magazines sur la webTV Afrique tv5mondeplusafrique.com
tv5monde.com
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 87
CULTURE
Pluridisciplinaire
Photomontage mural de
Nils Ramjoh (Suède) au
MACM. Fresque d’Ivan
Izquierdo (Espagne).
Installation de Jeff
Ding Junfeng (Chine).
Performance de Michel
Ekeba (RDC). Installation
de David Kazadi (RDC)
à l'Académie des Beaux
Arts de Kinshasa.
Yango
Première biennale d’art
contemporain de Kinshasa
L
e lancement d’une biennale ressemble un peu à celui d’un satellite. Même si tous les paramètres
semblent avoir été vérifiés, contrôlés, il arrive
parfois que des phénomènes imprévisibles
viennent en perturber le bon déroulement à
la dernière minute. Celui de « Yango » n’a pas
échappé à cette règle. Le samedi 22 novembre,
devant près de 200 invités, Rufin Bayambudila,
ministre provincial des Mines, du Tourisme, de
la Culture et des Arts a donc officiellement dé-
Photos : MVDB, Guy Wouete, Jovial Kalala
La première édition de la biennale d’art contemporain «Yango»
s’est ouverte le samedi 22 novembre. Les expositions se tiennent
jusqu’au 19 décembre au Musée de l’échangeur de Limete, à
l’Institut français de Kinshasa, au Centre Wallonie-Bruxelles, à
l’Académie des Beaux-Arts et à l’Espace Bilembo.
88 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 89
CULTURE
claré ouverte la première édition de la biennale
d’art contemporain de Kinshasa dans les jardins
de l’Institut français.
La galerie de l’Institut accueillait, à cette occasion, une exposition-panorama de la jeune génération d’artistes congolais parmi lesquels Bouvy
Enkobo, Mega Mingiedi, Géraldine Tobe, Jean
Katambay, Bienvenu Nanga ou Kura Shomali.
Mais le temps fort de cette manifestation fut
sans conteste l’ouverture de l’exposition internationale au musée d’art contemporain de Limete
devant près de 400 personnes.
Une ambiance bon enfant régnait ce soir-là sur la
plateforme de l’échangeur de Limete, au pied de
la grande tour de béton, construite dans les années Mobutu et aujourd'hui symbole de la ville.
Photos : MVDB, Guy Wouete, Jovial Kalala
Un autre regard
Construction de
l'installation de Rob
Voerman (Hollande) à
l’Académie des Beaux
Arts de Kinshasa.
Tête zoomorphe de
Diamas (RDC).
Fresque murale
éphémère dans une rue
de Lingwala, peinte par
Kapow (RDC).
Déploiement urbain
La pirogue en raphia
de Baptiste Desjardins
(France) parcourt les
rues de Kinshasa…
Nyaba Léon Ouedraogo
(Burkina Faso) accroche
ses œuvres au MACM.
Serge Diakota (RDC) en
processus de création.
Les artistes en séance
de concertation.
90 / Impact n°7 / Décembre 2014
Les invités commençaient tout de même à
s’impatienter même s’ils avaient déjà admiré
les œuvres présentées à l’extérieur du musée,
notamment les deux portraits géants de jeunes
Congolais réalisés par l’artiste suédois Nils
Ramhoj ou l’installation de la plasticienne japonaise Keiko Sato, vision très personnelle d’un
Kinshasa réinventé, hybride de jardin japonais
et de jeux d’enfants sur la plage. Vers 19h30, les
membres du comité d’organisation ont pris successivement la parole pour souhaiter la bienvenue au public. Une douzaine d’artistes africains
(RDC, Nigeria, Zimbabwe, Cameroun, Burkina
Faso), asiatiques (Japon, Chine, Afghanistan),
européens (France, Belgique, Pays-Bas, Suède,
Espagne) présentait leurs œuvres parmi lesquelles on remarquait d'emblée celle de l’artiste
et architecte chinois Junfeng Jeff Ding, sorte de
papillon de nuit géant.
Pour plus de détails sur les artistes, consultez le site web
de la biennale et la page facebook :
www.yangobiennale.org
Facebook : inside yango biennale
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 91
Prix décernés et artistes
primés à l’issue de la
biennale Yango 2014
Les sculptures de métal soudé de Freddy Tsimba, l’installation du Camerounais Guy Wouete,
celle du Nigérian Bright Ugochukwu Eke, les
peintures de jeunes Congolais comme Diamas
ou Eddy Kamwanga, ou encore les peintures
afghanes inspirées de miniatures persanes du
peintre Khadim Ali s'imposaient aussi aux visiteurs. Belle surprise également, le défilé de
mode organisé par les stylistes de l’ISAM au sein
même du musée avec, cerise sur le gâteau, des
costumes et robes afghans portés par des mannequins kinois.
Une belle manière de marquer le caractère réellement international de cette première édition
très réussie, notamment grâce à l’audacieuse
sélection de la commissaire artistique de Yango,
Sithabile Mlostwa, directrice de la Fondation
Thamgidi et directrice artistique de l’IFAA (festival pluridisciplinaire aux Pays-Bas) et au travail
acharné des organisateurs congolais de la manifestation.
NB : à part le prix spécial de l’UE, tous les autres sont
des prix qui permettront des résidences d’artistes. Ces
prix sont décernés grâce à un partenariat entre l’IFAA
Coordination
Kiripi Katembo
(coordonnateur)
et Cédrick Nzolo
(coordonnateur-adjoint).
Art Plateform et les différents partenaires.
IFAA : International Festival and Artists in Residency
(Arnhem/Hollande)
MACM : Musée d’Art Contemporain & Multimédia (RDC)
Photos : Guy Wouete, Jovial Kalala
Prix Spécial de l’Union Européenne
Bouvy Enkobo (RDC)
Prix Tongi University of China
Marcos lora Read (Rép. Dom.)
Bright Ugochukwu Eke (Nigeria-EU)
Prix Cape Town University (RSA)
Rob Voerman (Hollande)
Prix IFAA pour MACM (RDC)
Khadim Ali (Afghanistan)
Prix IFAA pour l’espace Aimé Mpané (RDC)
Isaac Cordal (Belgique)
Prix IFAA - Maroc
Keiko Sato (Japon)
Niosta Nyo (RDC)
Prix IFAA Hollande
Mega Mingiedi (RDC)
Eddy Kamuanga (RDC)
Prix IFAA Afghanistan – Ambassade
d’Afghanistan à Bruxelles
Freddy Tsimba (RDC)
Nils Ramhoj (Suède)
Guy Wouete (Cameroun)
Prix IFAA – 32°East (Ouganda)
Baptiste Desjardins (France)
Prix Art et pensée a.s.b.l (Belgique)
Kura Shomali (RDC)
Géraldine Tobe (RDC)
Christophe Roussin
92 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 93
Photo : Christian Kisavu
Kinshasa
40 ans après le fameux combat du siècle
Ali/Forman et le festival international de
musique qui s’est tenu à cette occasion,
la capitale de la RDC retrouve sa place
de grand centre de la culture et attire de
nouveau les artistes du monde entier.
pense les meilleures photos de reportage. Une
belle initiative pour ouvrir le nouveau Musée
d’A rt Contemporain et Multimédia de l’Echangeur de Limete (MACM). En marge de ce projet
international, le concours «Congo Press Photo»
a également permis à quelques heureux lauréats congolais de présenter leur travail (voir
article p.96). Les arts visuels étaient encore à
l’honneur, le vendredi 24 octobre, pour l’ouverture de l’exposition des soeurs jumelles Delphine et Elodie Chevalme ; leur gémellité les a
rapidement conduites à se poser la question de
la mixité culturelle et à aborder les problématiques identitaires. Les deux artistes se sont très
librement inspirées des publicités de Jean-Paul
Goude pour composer des peintures dont les sapeurs sont les nouvelles effigies. Les œuvres ont
d’abord été exposées à Brazzaville et ont traver-
sé le fleuve avec les artistes. Le public présent au
vernissage a pu assister à la parade de quelques
sapeurs kinois venus spécialement pour l’occasion. Contraste saisissant, l’artiste plasticien
94 / Impact n°7 / Décembre 2014
Photo : MVDB
Photo : Gwen Dubourtumieu
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our la première fois, Kinshasa a eu le
privilège d’abriter, en octobre 2014,
le «World Press Photo» qui récom-
Photo : Gédéon Mukendi
une plate-forme
culturelle en pleine
renaissance
Photo : Christian Kisavu
CULTURE
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Aïcha Muteba est à mille lieu du concept de
l’élégance et de la publicité, quand il réalise cette
performance intitulée «Conservation de la vie»
sur le terrain en chantier de l’ancien «Marché
du rail» à proximité de la maison Schengen. Il
a souhaité rendre hommage aux mamans vendeuses qui luttent pour leur survie et leur dignité et a demandé qu’on lui «explose» sur le corps
pas moins de 150 œufs, symboles de vie... Autre
lieu, autre genre, la compagnie LZD «Les arts
dramatiques» a enthousiasmé le public kinois,
le 15 novembre dernier, sous la grande Halle de
l’Institut français de Kinshasa. Dans «Ster City»,
les deux acteurs polyglottes et survoltés ont retracé avec brio l’histoire de l’A frique du Sud, une
histoire de peau et de territoire, et ont donné à
voir et à entendre la richesse culturelle de la Nation Arc-en-Ciel. Danse, vidéo, musique dans un
spectacle inclassable et surprenant mis en scène
par Jean-Paul Delore. Ambiance bon enfant en
clôture de la deuxième édition de la Fête du livre
de Kinshasa : le musicien et dessinateur Barly
Baruti a offert un spectacle haut en couleur, le 16
novembre, sous la grande Halle de l’Institut français. Arborant des costumes de scène toujours
plus excentriques (il a notamment fait sensation
en empruntant celui de David Livingstone avec
kilt, chemise bouffante et casque colonial), Barly et ses musiciens ont été chaudement applaudis. La «Rumba Nostalgie» fait toujours autant
d'émules...
CR
Impact n°7 / Décembre 2014 / 95
Photo : aymé katendi
Photo : aymé katendi
CULTURE
Le Musée de l’Echangeur
Photo : Makangara Justin
accueille le «World
Press Photo» 2014
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Photo : Djenny Suanga
lus de 98.000 images ont été inscrites à ce prestigieux concours pour
53 photographes primés, présentés
dans une exposition itinérante qui visite près de
100 villes dans plus de 45 pays ! Pour la première
fois, Kinshasa a eu l’honneur d’abriter cette exposition de photojournalisme qui récompense
les meilleures photographies du monde, durant
tout le mois d’octobre. Cette organisation internationale hollandaise, œuvrant depuis 1955,
a pour mission de susciter le plus large intérêt
Lauréats nationaux
Quatre images des
photographes congolais
primés pour le "Congo
Press Photo" 2014.
Infos
congopressphoto.com et
worldpressphoto.org
96 / Impact n°7 / Décembre 2014
possible sur le travail des journalistes photos,
d'encourager leur créativité et de stimuler le
libre-échange de l'information. Cette belle initiative de ArtLab (agence spécialisée en Marketing
Culturel), a bénéficié du soutien de l’ambassade
des Pays-Bas, du Musée d’A rt Contemporain et
Multimédia de l’Echangeur de Limete (MACM)
et de l’IMNC. En marge de ce projet international, le concours « Congo Press Photo » ; initié par
ArtLab et parrainé par Canon International, a
également donné l'opportunité à quelques heureux lauréats congolais d’exposer auprès des
plus grands photographes du monde. Les images
sélectionnées pour ce cru 2014 sont de Justin Makangara (1er), Aymé Katendi (2ème), Aymé Katendi
(3ème), Joseph Moura (4ème), Djenny Suanga (5ème).
MVDB
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 97
CULTURE
Beau début
de saison
à l’espace
Texaf-Bilembo
Plusieurs mondes en fracture, visions multiples
de l’autre, relations complexes qui se nouent, se
dénouent, se tissent, s’entrecroisent. A force d’arpenter les quartiers populaires de Kinshasa, les
toiles ont vécu et portent les cicatrices de leur
migration urbaine.
MVDB
L
e 11 octobre s’y tenait la Congo
Fashion Week. Texaf-Bilembo, née
jadis du coton, renouait ainsi avec
les fils de la mode congolaise. Défilés des mannequins pour Fanny Mandina, Sera Perfection,
Marcia Créations et Bitshilux Mode.
Le 16 octobre s’ouvrait l’exposition « Elili »,
montrant le travail d’Eugenia Velis (Mexique).
Ambiance pleine de mystère, à l’image des nombreuses interrogations qui planent dans l’œuvre
de l’artiste mexicaine. Impressionné par le
nombre de toiles, leurs dimensions et la grande
maîtrise technique, un journaliste congolais
n’arrivait pas à croire qu’elle ait pu faire cela
toute seule !
Dans le cadre du « OFF » de la biennale Yango,
se sont rajoutés à cette expo les artistes Michele Vanvlasselaer (Belgique) et Papa Mfumu Eto
1er (RDC). Le 29 novembre, l’ambassadeur de
Belgique a offert un cocktail à cette occasion…
Eugenia Velis dissèque au scalpel l’identité culturelle des diverses populations qui se côtoient à
Kinshasa, souvent sans se rencontrer réellement.
98 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 99
IMPACT JUNIOR
« À l’arrière »
En dehors des champs de bataille, la vie aussi est difficile. La nourriture
manque et les gens se plaignent car des enfants meurent de faim. En 1914,
les hommes partis au combat, les femmes doivent les remplacer. Si elles
travaillent déjà beaucoup avant le conflit, elles les remplacent pendant la
guerre dans les usines. Elles conduisent les camions et les tramways. Ça va
contribuer à changer les mentalités de l’époque !
Il y a 100 ans,
la Première
Guerre mondiale
Marie-Jo et Ashley-Deborah
À l’occasion du
centenaire de la
guerre de 14-18,
les élèves de CM2
du lycée français
René Descartes de Kinshasa
ont effectué des recherches
sur cet événement qui a
fait des millions de morts.
Une occasion pour eux de
découvrir un conflit qui a
aussi touché la République
démocratique du Congo...
Les troupes coloniales
Ce sont les soldats issus des colonies. Ces troupes étaient surtout
composées de soldats africains, dont
une partie enrôlée de force. Plus de
180.000 de ces soldats africains ont
combattu pour la France pendant la
première guerre mondiale. En tout, il
y a eu plus de 65.000 victimes parmi
les soldats des colonies. Beaucoup
n’ont pas survécu aux combats mais
aussi à cause des maladies et du climat en Europe (le froid).
La vie dans les tranchées
L’A llemagne a envahi la Belgique avant
d’entrer en France. Après les premières
semaines de mouvements, les troupes se
sont positionnées dans les tranchées, càd
de profonds fossés allongés, creusés près
des lignes ennemies. Entre deux assauts,
les soldats restent terrés. Il y fait froid, il y
a de la boue, de l’eau et beaucoup de morts.
On appelle les soldats « poilus » car ils ne se
lavent et ne se rasent presque jamais. Pendant leur temps libre, ils jouent au cartes,
chantent des chansons tristes et lisent leur
courrier ou écrivent. Ils sont témoins de
scènes horribles et peuvent être traumatisés.
Photos : Martin van der Belen
Isaac
Amelia et Lola
100 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Le Congo en guerre
En 1914 le Congo est une colonie belge. Il ne
va pas encore en guerre mais les soldats se
préparent. Les soldats congolais vont combattre en Afrique : ils n’iront pas en Belgique
car le pays est occupé par les Allemands !
Vers l’ouest du Congo, l’armée congolaise est
envoyée en septembre 1914 pour aider les
troupes françaises à conquérir le Cameroun,
colonie allemande. Plus de 500 Congolais
aidaient les Français. Ça se termine le 1er janvier 1916. La fuite des Allemands met fin aux
combats. Pour maîtriser le Lac Tanganyika (à
l’est de la RDC), il y a des combats. Les Alliés
(Britanniques et Congolais) prennent la ville
de Tabora aux Allemands en septembre 1916.
La bataille se termine définitivement en août
1917 par la prise de Mahenge, une ville de Tanzanie. Pendant la guerre des milliers de porteurs sont utilisés pour le transport des vivres
et des munitions des soldats.
Josiane
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 101
IMPACT JUNIOR
L’armistice est signée le 11 novembre 1918 : les combats s’arrêtent.
L’A llemagne a capitulé devant la France et la Grande-Bretagne. Elle devra
payer de lourdes réparations aux Alliés. Depuis 1922, le 11 novembre devient une fête nationale en France. Céline
« Chers amis, vous vous imaginez que la guerre, c’est la lutte contre les ennemis
que l’on voit, la bataille, l’assaut, l’ivresse du combat et finalement la victoire
au plus vaillant. Et non, ce n’est pas cela, la guerre.
La Guerre, c’est la marche, la nuit, dans les chemins boueux, défoncés, montagneux [...]. Vous mangez à côté des ordures, vous marchez dedans et vous
vous couchez dedans. Vous êtes d’une saleté repoussante. Vous mangez avec des
mains pleines de terre ou de boue [...]. La guerre, c’est quelques fois la bataille,
comme le 8 octobre, dans les betteraves, où pas un des nôtres n’a tiré une cartouche, comme le 20
octobre à Vingré, où le 298° (régiment) a perdu mille deux cents hommes. Enfin, la Guerre, c’est
le manque de nouvelles. C’est le dégoût de tous, pour une boucherie pareille, à notre siècle prétendu
civilisé. La Guerre, c’est la sensation très nette que bien des chefs se moquent de la vie d’un homme.
La Guerre, c’est l’angoisse qui vous étreint quand vous entendez le rôle des mourants ou les plaintes
des blessés qui souvent meurent au coin d’un bois ou dans un champ, faute de soins.
Enfin, la Guerre, c’est l’attente de la mort pour un moment imprévisible, mais qui viendra sûrement, le jour où on nous lancera contre ces mitrailleuses, ces fusils, ces canons invisibles qui nous
entourent et qui nous guettent. »
Lettre de Jean Dumont, front de l’Aisne 1914
102 / Impact n°7 / Décembre 2014
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Madame Livingstone
La rencontre de deux
hommes, au coeur d’une
guerre qui n’est pas la leur.
D
urant la Première Guerre Mondiale, dans la région des Grands
Lacs, un aviateur, lieutenant de l’armée royale belge, est chargé
de couler un cuirassé allemand sur le lac Tanganyika. Il fait la
connaissance d’un métis énigmatique qui prétend être le fils du célèbre
explorateur écossais, David Livingstone. Pendant que la guerre entre
puissances coloniales fait rage, le jeune lieutenant au contact de celui
qu’on surnomme “Madame Livingstone” se surprend à remettre en
cause les raisons de la présence européenne dans la région et les bienfaits de la colonisation.
Sur un récit d’Appollo (France), dessins de Barly Baruti (RDC) et textes de
Christophe Cassiau-Haurie (France). Editions Glénat 2014.
Photos : MVDB
L’Armistice du 11 novembre 1918
« Nous sommes montés
mille deux cents et nous
sommes redescendus trois
cents ; pourquoi suis-je de
ceux qui ont eu la chance de
s'en tirer, je n'en sais rien,
pourtant j'aurais dû être tué cent fois, et
à chaque minute, pendant ces huit long
jours, j'ai cru ma dernière heure arrivée.
Nous étions tous montés là-haut après
avoir fait le sacrifice de notre vie, car nous
pensions pas qu'il fut possible de se tirer
d'une pareille fournaise [...] Huit jours
sans boire et presque sans manger, huit
jours à vivre au milieu d'un charnier
humain, couchant au milieu des cadavres,
marchant sur nos camarades tombés la
veille ; ah j'ai bien pensé à vous tous
durant ces heures terribles [...] nous portons dans notre cœur le deuil de tous nos
camarades tombés à Verdun du 5 au 12
mars. Est-ce un bonheur pour moi d'en
être réchappé ? Je l'ignore. »
Lettre de Gaston Biron à sa mère,
25 mars 1916
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 103
VIE PRATIQUE
À la conquête
S
du Kin-Ouest…
i « Kinshasa est un lieu de vie qui
s’écoule avec la même puissance que le fleuve
qui l’a enfanté », cette mégalopole possède également un important patrimoine bâti qui a conduit
à la rédaction d’un guide d’architecture présenté
dans le numéro précédent et basé sur un premier
Photos : Martin van der Belen
Ancienne résidence des rois Ngaliema et Kintambo,
cette partie de Kinshasa possède une histoire très riche.
C’est là que se sont installés les premiers colons et que
s’est développée la future capitale. Moins connue que la
Gombe, elle n’en est pas moins intéressante. Outre ses
quartiers résidentiels verdoyants, aérés et huppés, comme
Macampagne et Joli Parc, bien d’autres lieux valent le
détour. Suivez le guide pour découvrir un riche patrimoine
historique...
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Une baie historique
Sur les rives du fleuve,
derrière les chantiers
navals Chanic, on
aperçoit l'INBTP et la
maison communale de
Ngaliema, tandis que les
sommets du Mont sont
depuis toujours un lieu
de pouvoir...
104 / Impact n°7 / Décembre 2014
inventaire réalisé en 2009. «Patrimoine pré-colonial, colonial mais aussi édifices bâtis après 1960
qui doivent être appréhendés non comme des
bâtiments isolés, mais comme l’élément constitutif d’un paysage urbain spécifique » .
Le Mont Ngaliema constitue ainsi un des premiers éléments structurants de la ville sur lequel
s’ouvre le guide de Kinshasa. D’emblée se pose
la question de la préservation de ce patrimoine
dont la mémoire doit être conservée, tout en acceptant une logique de «laisser-vivre» car il doit
être habité, transformé, adapté. Se pose aussi
celle de son authenticité, telle que la définit la
Charte de Venise. Etablie en 1965 lors du Congrès
international des architectes et des techniciens
des monuments historiques, à la suite des désastres causés par deux guerres mondiales, cette
charte préconise des normes d’intervention sur
les monuments historiques et, par la suite, sur les
villes historiques. Il y est question de «conservation intégrée», alliant conservation, restauration
mais également réaménagement éventuel pour
assurer au bâtiment sa pérennité sans tomber
dans l’excès de «nostalgie» ou de «culte» du
patrimoine. L’histoire matérielle de l’édifice, à
savoir son passage à travers le temps, est aussi
importante que son existence matérielle.
Le Mont Ngaliema, directement lié à l’histoire
précoloniale mais également à l’origine de la ville
coloniale et à l’accession du Congo à l’indépendance, « est l’exemple parfait d’un palimpseste
sur lequel se sont inscrites, à travers le temps, différentes couches physiques et idéologiques, correspondant chacune au système de pouvoir du
moment » : toutes ont leur importance et doivent
être préservées pour leur valeur de témoin.
Nicole Gesché, historienne de l’Art
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 105
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Parc du Mont Ngaliema (B2)
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C’est là que le Roi Ngaliema
résidait avant l’arrivée des
colons. Il offrit à Stanley de
choisir où s’installer. Ce dernier
opta pour cet emplacement
idéal qui domine la baie et la
plaine. Devenu Mont Stanley,
puis jardin et zoo privé de
Mobutu, ce parc verdoyant
redevenu public fait l’objet d’une
revalorisation progressive…
Il renferme notamment les
réserves de l’Institut des
Musées Nationaux du Congo
(IMNC), le Théâtre de verdure et
le Cimetière des pionniers.
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Rue du Ring
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Maison du chef de gare (B2) (1)
Située sur l’ancienne
Léopoldville-Ouest, ce bâtiment
construit vers 1890 témoigne
de l'urbanisation ancienne du
quartier. Il était un point de
passage important pour le rail
reliant la capitale au Bas-Congo,
principale voie commerciale
avec l’extérieur...
106 / Impact n°7 / Décembre 2014
Chantier Chanic (B2) (2)
Située dans la Baie de Ngaliema,
à l’endroit même où Henry
Morton Stanley accosta pour
la première fois en 1880, les
chantiers navals Chanic forment
un vaste complexe industriel
fondé en 1928, toujours en
activité. On peut y voir l’ancien
steamer « AIA » de l'explorateur,
en cours de restauration. La
concession Chanic, avec ses
infrastructures techniques
(ateliers de montage, forge,…),
ses bureaux, ses résidences
et infrastructures sociales,
était autrefois une véritable
ville dans la ville, dont il reste
de nombreux témoignages
intéressants.
Eglise Saint François (B2) (11)
Située en face du stade
Vélodrome de Kintambo, l’église
Saint François de Sales été
construite en 1938. De style
Art Déco, l’édifice en briques
est entourée d’une cour-jardin
ombragée, dans laquelle une
grotte a été aménagée pour s'y
recueillir.
Kenge
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BINZA JOLI PARC
Maison communale de
Ngaliema (B2) (9)
Ancien hôpital pour Blancs de
Kintambo, monté vers 1890, ce
bungalow tropical a été, comme
nombre de maisons du début
de la colonie, partiellement
préfabriqué. Elle possède une
véranda (ou barza) qui entoure
tout le premier étage. Sa haute
toiture débordante, ventillée, est
également adaptée au climat
tropical. Av. de la Montagne,
en face de l'entrée du Camp
Tshatshi.
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NZA KINSUKA
Amphithéâtre de Verdure (B2)
(6)
Dans les jardins du Mont
Ngaliema, derrière les réserves
de l’IMNC, cet agréable
amphithéâtre de 1.800 places
a accueilli des grandes stars
internationales depuis le début
des années 70. James Brown,
Halliday,… Arch. Anibal Badot &
Daniel Visart. O.-C.Cacoub
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Avenue Kisa
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Chapelle Sims (A2) (3)
Première chapelle baptiste;
dédiée à son fondateur, le
révérend écossais Sims Aaron,
médecin et linguiste. D’esprit
néogothique, cet édifice raffiné
surplombe la Baie, avec une
belle vue sur Brazza et Gombe.
Jusqu’en 1930, la toiture était en
paille. Avenue de l’Avenir.
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Musée de sculptures en plein
air (B2) (5)
Aménagé sur l’esplanade de
l’IMNC, cet espace vert agréable
(libre d’accès) est consacré
notamment à l’exposition
des statues coloniales dont
celles de Léopold II, d'Albert
Ier et de Stanley. L’explorateur,
immortalisé par le sculpteur
Dupagne, était initialement
vissé sur un belvédère plus haut
sur le même site, tandis que
les souverains belges trônaient
dans les avenues de la capitale
jusqu’à la politique de « Recours
à l’authenticité » des années
70. On y organise aussi des
expositions temporaires.
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Cimetière des pionniers (B2)
(7)
Premier cimetière réservé
aux Européens, dont certains
collaborateurs de Stanley.
Stèles et croix funéraires y sont
étalées en terrasses. Vers 1890.
Institut National des Bâtiments
et des Travaux Publics (INBTP)
(B2) (8)
Av. de la Montagne. Ensemble
de bâtiments modernes aux
allures géométriques, où sont
formés les ingénieurs. Arch. E.
Palumbo, vers 1961.
Maison de la société
Chanimétal (A3) (10)
Datant de la fin du XIXème siècle,
cette magnifique maison
rappelant le style victorien
aurait été la demeure de Roger
Casement, diplomate et poète
britannique, connu pour son
engagement contre les abus
du système colonial au Congo
et dont parle Joseph Conrad
dans «Au cœur des ténèbres».
Aujourd’hui résidence du
directeur de Chanimétal…
Maternité de Kintambo (B2)
(12)
Initialement conçu pour les
travailleurs d’Utex et leurs
familles, ce centre médicosocial imposant atteste d’une
infrastructure ultramoderne
pour l’époque. En « H », le
bâtiment se compose de
bureaux sociaux, dispensaires,
pharmacies, laboratoires, salles
de radiologie, de chirurgie ou
d’accouchement. À l’étage,
l’hospitalisation possède
une capacité de 120 lits. Son
architecture est élégante,
articulée par un jeu d’auvents
et de brise-soleil qui lui confère
une image moderniste. Arch.
Ilensky, 1951-1953
Impact n°7 / Décembre 2014 / 107
Espace Texaf-Bilembo (B2)
(15)
Centre culturel installé dans
un des ateliers des filatures
de l’usine de coton Texaf.
Conservant son cachet d’origine,
la grande salle, aux colonnes en
fonte apparentes, s’étale sur
de plus de 800m2. Entourée de
murs aveugles , elle possède
toutefois une belle luminosité
car sa toiture est "à sheds", en
dents de scie, partiellement
vitrée. A côté des expositions
temporaires, de la cafeteria et
de la librairie, une exposition
permanente retrace l’ancienne
activité de Texaf, autrefois la
plus importante industrie textile
d’Afrique. Les autres locaux
industriels du complexe sont
principalement devenus des
bureaux. Reconversion en cours.
Patrimoine en péril...
Concession Utex (B2) (14)
Vaste ensemble résidentiel
autrefois réservé aux cadres
de la société Texaf, dont les
ateliers étaient attenants. Au
milieu de jardins verdoyants,
bien ordonnés, en bordure du
fleuve, les logements (villas et
immeubles à appartements)
et infrastructures collectives
(piscine, tennis,…) forment un
cadre de vie agréable dont la
cohérence architecturale est
délibérément préservée.
108 / Impact n°7 / Décembre 2014
Eglise Saint Léopold (B2) (16)
Eglise de style art déco tardif
construite en 1951 sur un site
historique pour la congrégation
des Pères de Scheut. Structure
en béton avec briques de
remplissage, en forme d’arc,
d’où jaillit la flèche d’un clocher
élancé. En extension, a été
construit le grand séminaire
Jean XXIII (Jacques Dequeker,
1978-88). Avenue des Ecuries.
« Elle était élégante et sans doute l’un des témoignages
les plus significatifs du courant Art Nouveau à Kinshasa.
Dans un bon état de conservation du gros œuvre, cette
bâtisse coloniale aurait pu être réhabilitée et facilement
valorisée : située dans grande parcelle avec vue sur le fleuve,
face au parc du Mont Ngaliema, une zone à haut potentiel
touristique. Et devenir un musée, un restaurant,… ? On la voit
ici en 2012, en cours de destruction, quelques heures avant
d’être réduite à un tas de gravats. La parcelle est aujourd’hui
vide… Comment expliquer cette destruction ? Manque de
mesures de protection et de valorisation du patrimoine?
Appât du gain des propriétaires ? Qui peut empêcher ce type
de destruction ? On espère que la RDC se dotera bientôt
des instruments juridiques nécessaires pour préserver
son patrimoine et sensibiliser sa population à l’importance
de son potentiel en termes de témoignage historique et
esthétique aussi bien qu’en termes de levier économique et
touristique.»
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Article réalisé en collaboration avec la Faculté d’Architecture de l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Crédits photos : ULB, Alain Huart, Martin van der Belen, archives.
Cercle Hippique de Kinshasa
(CHK) (B2) (13)
Son portail imposant est situé
tout en haut de l’avenue des
Ecuries (n°1). Le CHK est un
site assez impressionnant
avec toutes ses installations
(terrain de sauts d'obstacles,
hippodrome, écuries, sellerie,
« Club house » aux allures
vintage) et son domaine boisé
d’une soixantaine d'hectares.
Avec le Golf de Kinshasa, cette
infrastructure sportive a permis
de préserver un bout de nature
important dans la capitale.
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Impact n°7 / Décembre 2014 / 109
VIE PRATIQUE
de Matadi Mayo.
Chez les petits producteurs, les intrants non bio
sont peu utilisés faute de moyens ou parce que
certaines cultures n’en ont pas besoin. La FAO a
longtemps préconisé la lutte biologique contre
les ravageurs. A Nkamba, les Kimbanguistes
cultivent des légumes à l’abri de toute pollution
et sans le moindre produit pesticide.
Manger
sain et local ?
Consommer des légumes variés semble parfois un cassetête à Kinshasa, surtout pour les expatriés. Pourtant,
le maraîchage est une activité majeure de la capitale
et les plantes locales principalement consommées par
la population congolaise sont très riches en protéines,
minéraux, vitamines. L’amarante ou le mfumbwa, par
exemple, sont mêmes considérés comme des légumes
d’avenir pour notre santé, par les chercheurs américains…
Bio ou pas ?
Il existe différentes initiatives de production biologique accessibles aux habitants de Kinshasa.
C’est souvent la distribution qui est un peu plus
difficile à organiser. Les produits locaux distribués dans la capitale proviennent du Bas-Congo,
110 / Impact n°7 / Décembre 2014
de la périphérie de Kinshasa dont Kimwenza,
ainsi que du Bandundu. Les revendeurs vont
s’approvisionner au marché de La Liberté pour
les légumes qui arrivent par route des Plateaux
des Bateke. Les légumes du Bas-Congo abondent
dans les marchés du sud de la ville, comme celui
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Le miel de Mampu,
générateur de revenus
Les fermiers de Mampu,
formés et encadrés
par le CADIM, se
sont appropriés les
techniques apicoles
d'élevage des abeilles,
de récolte, d'extraction,
de conditionnement
et de conservation du
miel. Ils produisent,
conditionnent et
commercialisent chaque
année plus de 7.500kg
de miel d'acacia par
l'intermédiaire de
la Coopérative des
Apiculteurs de Miel Mbankana. Ce revenu
supplémentaire pour
les fermiers de Mampu
est complété par la
valorisation de sousproduits du miel tels que
la cire ou l'hydromel.
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Le maraîchage, filière existentielle
La filière maraîchère à Kinshasa que l’on appelle
aussi horticulture, assure la production et la
commercialisation des légumes de la capitale.
C’est l’une des professions les plus importantes,
car elle fait vivre une population de 500.000 personnes. La moyenne de la surface exploitée par
le maraîcher est de 4 ares, soit 400 m2 par exploitant. La production légumière de Kinshasa est
largement dominée par la culture des légumes
feuilles (87%), mais comporte aussi des légumes
fruits (11%) et des légumes racines, principa-
lement la carotte (2%). Il y a deux types de légumes-feuilles ; ceux à cycle court (environ un
mois) : amarante, feuilles de patate douce ; et les
légumes-feuilles à cycle long : c'est le cas de la ciboule, du chou chinois, de la morelle, de l’oseille.
L'amarante (28%) prédomine parmi les légumes
feuilles, suivi des feuilles de patate douce (25%),
de la ciboule (18%) et des feuilles de manioc (15%).
Ces dernières servent à la préparation du pondu,
tandis que leurs tubercules sont transformés en
farine pour préparer le fufu, son amidon donnant, pour sa part, la chikwang. Les légumes
fruits sont dominés par l'aubergine violette (5%),
suivie par la tomate et le gombo (3%).
L’amarante, star des marmites
L'amarante (Amaranthus, appelée localement
Biteku Teku), dont le goût avoisine celui de l’épinard, a trop longtemps été considérée comme le
légume du pauvre en RDC. De fait, cette plante
pousse sur des sols pauvres et résiste à la séche-
Impact n°7 / Décembre 2014 / 111
VIE PRATIQUE
Alain Huart
112 / Impact n°7 / Décembre 2014
Brunch mensuel
Un échantillon de
produits de qualité est
proposé à la boutique
de l’espace TexafBilembo. Ne ratez
surtout pas le brunch
du premier dimanche
du mois. On peut y
goûter des recettes et
boissons originales à
base d’aliments locaux.
Ce sera l’occasion d’y
acheter de beaux fruits
et légumes bio au prix du
marché…
Contact :
Chridé : 085 49 12 949
et 081 87 85 072
Le Biteku, une plante
importante pour la
jeunesse
Les colonies de vacances au Biteku
s’observent au Bandundu, dans les
territoires d’Idiofa, Bulungu, Gungu ;
les jeunes filles en vacances scolaires
produisent le Biteku (en un mois) et se
rendent ensuite dans les centres urbains
pour le vendre et se faire un peu d’argent
de poche pour les vacances. A Kinshasa,
plus de 18.700 élèves ont participé au
programme de potagers scolaires du projet
FAO HUP potagers scolaires ; c’est un
moyen très efficace d’améliorer la nutrition
des enfants: les élèves reçoivent des
rudiments d’horticulture, des vivres frais
pour des repas scolaires sains et ils aident
les enseignants à préparer les cours de
diététique. Repris à la maison, ces savoirs
améliorent la nutrition familiale. Même si le
projet FAO HUP a cessé ses activités depuis
trois ans, le principe des potagers scolaires
a été repris par plusieurs centres.
www.impact.cd
Photos : Alain Huart
resse, aux parasites et aux maladies. Sa culture
exige donc moins de temps et d'argent. Un atout
auquel s’ajoutent les rendements importants
qu’elle génère, et son caractère plus écologique
que celui des plantes nécessitant des pesticides.
Par ailleurs, la valeur alimentaire des feuilles
d'amarante est très élevée, notamment en protéines, vitamines et minéraux. Elles peuvent contenir trois fois plus de vitamine C, dix fois plus de
carotène, quinze fois plus de fer et quarante fois
plus de calcium que les tomates. Sa richesse en
calcium en fait un aliment préventif de l'ostéoporose. Les graines d'amarante contiennent 16%
de protéines et sont remarquablement riche en
lysine, un acide aminé essentiel et absent dans
la plupart des céréales. La teneur de l'amarante
en minéraux est aussi remarquable : c'est une
excellente source de calcium, fer, magnésium,
potassium, cuivre, manganèse, sélénium, phosphore, potassium et zinc. Elle contient aussi
de la lécithine, favorable au système nerveux et
cérébral. Ses graisses sont composées de 70%
d'acides gras polyinsaturés. Elle est constituée aussi d'une grande quantité de fibres et ne
contient pas de gluten. Les fleurs et les feuilles de
l'amarante sont salutaires pour l'intestin. Avec
cette richesse nutritionnelle, l'amarante est donc
un aliment de choix pour tous et, en particulier,
pour les femmes enceintes, les convalescents, les
végétariens, les personnes âgées ou les enfants
en pleine croissance.
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agb
CARNET
Une foule d’infos pour
comprendre le Congo
Comment diffuser des informations
pertinentes dans les domaines de
l’environnement, l’agriculture, l’entreprenariat
ou la dynamique communautaire…?
E
n complément de ses contenus numériques, la plateforme d’échange
de savoirs EcoCongo lance la seconde
édition de son Almanach; un bel outil pratique
qui vise à mieux faire comprendre le pays, ses
acteurs et leur potentiel. Plateforme associative
congolaise, elle entend rendre l’information accessible dans la recherche d’un développement
durable pour la RDC. Elle diffuse tous types de
documents pertinents qui permettent d’expliquer les enjeux environnementaux, sociaux et
économiques, ainsi que d’encourager et soutenir
des pratiques respectueuses de notre milieu.
114 / Impact n°7 / Décembre 2014
Almanach Ecocongo
Format 17 x 24 cm
244 pages
Infos :
www.ecocongo.cd
tions, ONG, médias,…) ont développé des projets
pertinents, mais trop souvent ne trouvent pas le
rayonnement qu’ils méritent. Soit leur communication est restreinte, soit celle-ci ne parvient pas
atteindre sa cible. La solution proposée par EcoCongo consiste à partager les moyens et à mutualiser les supports et les canaux de communication afin d’augmenter l’impact de leur diffusion…
Un almanach très pratique
Après une première édition remarquée, EcoCongo lance maintenant la seconde édition de
son Almanach. C’est un agenda papier, pratique
et facile à utiliser, organisé en semainier. Il prodigue conseils et recommandations pour l’entrepreneur, l’agriculteur, le journaliste, l’enseignant
ou encore l’étudiant qui a la volonté d’être un
acteur de la construction de son pays, mais aussi
et d’abord de sa vie professionnelle. Richement
illustré, cet almanach permet à son lecteur de
découvrir son pays, ses richesses culturelles, naturelles et patrimoniales. Il s’adresse à tous les
curieux qui désirent découvrir ce pays tel qu’il
est en réalité… MVDB
www.impact.cd
Photos : Alain Huart
À l'origine, une dynamique numérique
Au départ, EcoCongo a créé une plateforme de
contenus numériques accessibles à tous, que ce
soit depuis les quatre coins du pays ou à partir de
l’étranger. La plateforme s’appuie sur des acteurs
positifs de l’économie et du social pour alimenter ses pages. L’équipe d’Ecocongo se concentrant sur un travail de lisibilité, d’organisation
et de valorisation des contenus. Beaucoup d’acteurs sur le terrain (écoles, entreprises, institu-
www.impact.cd
Impact n°7 / Décembre 2014 / 115
S.A.
Envoyer et recevoir de l’argent dans le monde*, avec nous c’est
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