Bulletin N°46 - Association des Amis des Câbles Sous

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Bulletin N°46 - Association des Amis des Câbles Sous
ASSOCIATION DES AMIS DES CABLES SOUS-MARINS
Le NC Vercors (Collection Historique de FT)
BULLETIN N° 46 – JANVIER 2013
SOMMAIRE
NUMERO 46 – JANVIER 2013
Articles
Auteurs
Le Navire Câblier VERCORS.
CHT France Télécom
Sommaire
Pages
Couverture
2
Le billet du Président.
A. Van Oudheusden
SubOptic 2020
Jean Devos
4à5
Un bilan de l'année 2012, perspectives pour 2013
Alain-Paul Leclerc
6à7
Les navires-câbliers français dans la guerre (1939-1945)
Gérard Fouchard
8 à 17
Le NC D’Arsonval
Paul Leca
18 à 20
Discours d’inauguration du NC D’Arsonval
Rédaction
21 à 23
La télégraphie dans les territoires portugais
Ana Paola Siva
24 à 31
Les liaisons sous-marines des îles Sao Tomé et Principe
Francis Tressières
32 à 35
Une pose du Vercors
Denis Garry
36 à 39
L’odyssée du Chamarel
Jean-Louis Bricout
40 à 49
Quelques news lus dans la presse
Rédaction
50 à 51
Hommage à André Simonou
C Delanis
52
Hommage à Frank Tuttle
Jean Devos & R Salvador
53
Catane la Sicilienne
Alain Devrand
54
2
3
LE BILLET DU PRESIDENT
Alain Van Oudheusden
La nouvelle année est l’occasion de vous transmettre nos vœux et je ne dérogerai pas à la coutume. Nous
évoquons également nos disparus. Parmi eux, notre officier mécanicien Alain Simonou (rapidement décédé
quelques semaines après le départ de son épouse), l’ancien président de l’ATT (un francophile que vous
découvrirez dans l’hommage de Jean Devos) et le navire câblier Vercors devenu Chamarel qui était cher à tous
ceux qui l’ont fréquenté, c’est-à-dire la majorité d’entre nous, ayant travaillé chez France Télécom ou chez Alcatel.
Notre association va bien puisque nous comptons 127 adhérents en 2012 (comme en 2011) et que nos comptes
sont équilibrés. Le Bureau a bien travaillé : Francis Tressières a victorieusement fait face à une agression contre le
site et en a profité pour le restructurer de façon plus professionnelle. Gérard Fouchard continue à prêcher la bonne
parole dans les différents sites du Musée de la Marine (Toulon, Paris etc…). Enfin, nous intervenons localement à
la promotion de la Ville de La Seyne sur Mer au concours des Ports en 2012. Gérard, administrateur de la
Fédération (FNARH), assure chaque année une présence, sur le stand de Blois et a participé à la rédaction de la
Chronologie du XIXème siècle.
Ce bulletin présente le bilan de l’année 2012 vu par A Leclerc, le scoop de Jean Devos et une revue de presse
simplifiée car nous vous invitons à bord du site www.cablesm.fr pour en savoir plus…..
JL Bricout présente une exposition de photographies du Chamarel complétant le numéro spécial Vercors de juillet
2001 (bulletin 19). Nous espérions ajouter un article présentant la vie du Chamarel basé dans l’hémisphère sud.
Nous n’avons pas reçu l’article attendu mais Denis Gary présente l’une de ses dernières campagnes de pose.
Coté histoire, Gérard a revisité l’errance des câbliers pendant la guerre 1939-1945 déjà publié dans bulletin 27
d’octobre 2004 (et dans Du Morse à l’Internet) avec le témoignage de notre doyen Paul Leca en fil rouge. Paul a
complété son article sur le D’Arsonval.
La large fresque sur l’époque du télégraphique continue. Francis présente le point de vue portugais avec l’histoire
des câbles de Sao Tomé et Principe.
Alain Van Oudheusden.
Président de l’AACSM
3
« SUBOPTIC 2020 »
Jean Devos
Cher ami,
SubOptic 2013 approche, où j’aurai grand plaisir à rencontrer beaucoup d’amis dont, bien sûr, toi « my Friend » !
Je n’attends pas grand-chose du contenu car les conférenciers vont soigneusement éviter de dire quoique ce soit
de marquant qui puisse gêner certains ou être utiles à leurs concurrents. Dans ce type de réunion de famille on se
garde bien de toucher les sujets délicats !
Ce sera sans doute mon dernier SubOptic, mais je peux sans risque te prédire, à toi qui es plus jeune, les gros
changements que tu vas vivre dans le futur proche. Les évènements vont forcer SubOptic à opérer la mue que le
management actuel de l’organisation n’a pas voulu faire.
Ecoute ma prédiction.
Ce jour-là, je te vois confortablement installé dans un gigantesque amphithéâtre ultramoderne. Les intervenants
sont loin, tout en bas, sur la scène mais tu peux les voir et entendre parfaitement sur le grand écran plat de ton
confortable fauteuil. Tu es intervenu plusieurs fois dans le débat de ta tablette inter active. Il y a mille participants
dans la salle et davantage encore suivent les débats en direct depuis Londres et Shanghai. Par les baies vitrées,
tu vois le Corcovado et la grande statue, World Forum 2020, bien dans le style de ceux des Olympiades de 2016.
Les éminents membres du panel sont assis à une table électronique : le président de SubOptic, le Directeur de
l’Autorité de Régulation du réseau mondial (GNR) et le Délégué Général des utilisateurs du réseau (GNU). Le
modérateur du panel est le Directeur General de PénabitCconsulting. Le sujet est "Un réseau mondial à remodeler".
Lors de la pause-café, en réponse à tes questions, ton voisin de siège, qui porte un badge du groupe indien Tata,
t’explique les évolutions de ces dernières années :
« Suite aux rapports Rogussi1 et Penabit Consulting et surtout aux premières interruptions sérieuses du réseau, il
fallait s’attendre à la mise en place d’une autorité de régulation. Les Etats ne pouvaient rester inactifs. Ceci fût fait
à Shanghai en 2014. SubOptic, qui était jusque-là une organisation informelle s’est vite constituée en association
fédérant l’industrie et s’est positionnée cette année-là comme « la voie de l’industrie ». Le régulateur a aussi
suscité la constitution d’un organisme représentant les utilisateurs du réseau ».
A la reprise de la séance, le modérateur résume la situation et exprime le problème posé :
« La guerre généralisée au Moyen –Orient, suite au démantèlement de la Syrie en 2014, suivi du raid aérien
sur les sites nucléaires Iraniens en 2015, a entrainé la mise hors service de tous les câbles du Golfe Persique,
de la mer Rouge et de la Méditerranée orientale, y compris les énormes capacités des récents SMW5 et Tage
cable. La situation militaire ne permet pas la réparation de ces câbles.
Les rebelles ont pris le pouvoir au Mali-nord en 2012, dorénavant maîtres en Mauritanie, ils ont piraté un navirecâblier basé à Dakar et ils l’ont forcé à couper tous les câbles au large de l’Afrique de l’Ouest, fermant ainsi
toute possibilité de dérouter par là, le trafic Asie-Europe. L’ONU va sans doute autoriser une opération militaire
pour récupérer ces câbles et les protéger mais cette résolution tarde à venir. Heureusement, plusieurs câbles
1
- Rogacci _ Reliability of the Global Undersea Communication Cable Infrastructure.
4
construits dans les années 2015/2018 ont contribué à soulager un peu la situation ; je veux dire les 2 câbles
passant par le Grand Nord, ainsi que les câbles Brésil – Afrique du Sud, Brésil – Europe et Australie – Chili.
Comme vous le savez, des troubles graves ont éclaté en Asie du Sud-Est, soulevant de craintes sérieuse pour
tous les câbles de cette zone ! Sans en être la seule cause, car il y a aussi la guerre pétrolière, l’affaiblissement
du réseau a contribué à plonger l’économie mondiale dans la sévère récession dont nous souffrons depuis
plusieurs années. Le monde a reculé brutalement de dix ans et beaucoup plus pour certains pays. Il nous
appartient de mettre en place un plan d’urgence. Le président de SubOptic va vous exposer les possibilités de
l’industrie en termes de technologie, d’ingénierie et les délais d’installation »
Tu me trouves pessimiste ? Admets au moins que tout ceci est plausible ! Il est temps pour notre industrie de se
comporter au niveau des responsabilités, très grandes, qui sont les siennes !
Jean Devos
Submarcom Consulting
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BILAN DE L’ANNEE 2012.
PERSPECTIVES POUR 2013
Alain Paul Leclerc, président d’AXIOM
Merci à tous d’être fidèle au traditionnel cocktail de fin d’année d’Axiom. Le treizième déjà depuis la naissance
d’Axiom . Un repère dans notre année.
Vous avez sûrement noté cette année un certain mimétisme avec l’accès aux réseaux internationaux : ce sont les
derniers mètres les plus problématiques ! Nous aurons un ascenseur tout neuf l’année prochaine2.
Comme toujours, cette réunion est l’occasion de regarder un peu derrière nous : « Qu’avons-nous fait de nos
talents en 2012 ? » et d’essayer également d’entrevoir les perspectives pour 2013.
L’année 2012.
Pour Axiom, l’année a commencé en fanfare avec l’arrivée d’EC. Elle fut ensuite plus calme, surtout par
comparaison avec les 3 glorieuses années 2009, 2010 et 2011. Quelques projets réalisés cependant :
 ALBA 1, finalement mis en service après moult tergiversations du client,
 JONAH,
 Maldives domestique
 Libye – Grèce.
Tous ont donné l’occasion de travailler avec d’autres fournisseurs qu’Alcatel. Le côté positif, Oui il y en a un …,
c’est de mieux apprécier le travail de nos fournisseurs traditionnels.
 SEAS, une grande première pour les Seychelles.
 Des upgrades sur AMERICAS 2, EASSY et SEA-ME-WE 3,
 Un gros projet : BRICS, dans l’étude duquel nous nous sommes impliqués, tout en souhaitant une poigne
fédératrice, donc politique, plus forte.
Le marché des câbles sous-marins continue son évolution commencée il y a une quinzaine d’année avec deux
lignes de force, la dérégulation et l’Internet qui ont chacune un impact fort sur la façon même de réaliser des
câbles sous-marins.
 La dérégulation. Elle conduit les opérateurs à s’interroger davantage sur la pertinence des investissements
d’infrastructures. Une alternative existe qui passe par le financement externe. Mais les plus grands
opérateurs n’apprécient guère de n’être que locataires de leur réseau de transport et devoir partager avec
2
- Les bureaux d’Axiom sont situés dans l’immeuble du 21 rue d’ Antin. Or, l’ascenseur historique de
l’immeuble étant en passe d’être remplacé par un ascenseur moderne, tous les invités durent démontrer leur
capacité physique d’accéder au troisième étage par l’escalier.
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
la concurrence. On peut les comprendre ! D’autant que la cohabitation obligée avec le monde de la finance
ne s’est pas faite, ne se fait pas sans douleur, pour les uns ou les autres.
L’Internet. Le bon côté est qu’il nécessite le transport de volume de données toujours plus considérable, le
vrai moteur de notre activité : on aura toujours besoin de câbles sous-marins. Activité pérenne donc, c’est
sûr, mais non pas sans réforme. L’Internet a des conséquences subtiles sur la façon de construire les
réseaux. La culture du « consortium à l’ancienne » (on investit ensemble car on fait du business ensemble)
est en perte de vitesse (puisqu’on fait moins de business ensemble).
Donc des forces vives (financement interne/externe, intérêt commun) plus difficiles à mettre en œuvre expliquent
des tensions accrues et des lenteurs sur nos marchés.
Deux derniers commentaires avant de quitter 2012 :


Le câble ALBA 1 a été touché de plein fouet à Cuba par le cyclone Sandy. Les journalistes n’en ont
pas parlé mais force est de reconnaître que l’atterrissement a bien résisté : la plage d’atterrissement a
disparu mais le câble est toujours là, et en service. Trop fort ces ingénieurs !
Une larme sur la mort d’un beau bateau blanc : Le Vercors de mes jeunes années d’ingénieur a donné
son triste congé cette année.
Quelles perspectives pour 2013 ?
D’abord de nombreux Appels d’offres, Etudes etc…, auxquels nous répondons actuellement, laissent à penser que
2013 pourrait voir un fort redémarrage de l’activité.
Une nouvelle technologie, récemment introduite dans le terrestre et donc dans les upgrades sous-marins, va
proliférer dans le sous-marin : le 100G cohérent auquel on souhaite le même succès, et pour aussi longtemps que
le 10G tout au long de la première décennie du 21ème siècle.
D’autres projets sont déjà sur la table : le raccordement de la Somalie, un autre câble en Libye. Le monde change !
2013 sera aussi l’année de premier Suboptic à Paris (Versailles n’est pas Paris) et donc d’autres discussions
excitantes autour de notre activité.
Je vous souhaite une bonne fin d’année 2012 et une excellente année 2013. A l’année prochaine…
7
LES NAVIRES-CABLIERS DANS LA GUERRE 1939-1945
G. Fouchard avec le témoignage de Paul Leca
Dans notre ouvrage « Du Morse à l’Internet », le chapitre général sur la dernière guerre3 reprenait
les témoignages déjà publiées dans le bulletin 4 (MM G. Bourgoin et R. Salvador, le Commandant J.
Pelletier, le chef de centre de Brest-Déolen, E. Bernard et le journal de bord de l’Alsace (A Van
Oudheusden).
René Couderc était aux commandes du service des Câbles sous-marins depuis 1930. Pendant la guerre, il
exerce ses responsabilités dans des conditions difficiles que l’on peut désormais mieux apprécier à la
lumière des études historiques les plus récentes de la guerre 1939-1945.
En septembre 1939, la flotte câblière comprend l’Emile Baudot (1917) basé à Brest, l’Ampère (1930) basé à La
Seyne et l’Arago (1914) désarmé à La Seyne sur Mer. Par ailleurs, une quatrième unité, l’Alsace, est en
construction à Rouen et destiné à être basé à Dakar en remplacement de l’Arago. Dans les mois qui précèdent la
guerre, les navires posent des câbles microphoniques au large des ports métropolitains pour assurer leur
protection contre les sous-marins ennemis.
Dès l’invasion allemande, la Direction des Câbles sous-marins, suivant le plan de mobilisation déménage de Paris
(rue du Cherche-Midi) à Montpellier (27 bis rue Gambetta). L’effectif est réduit, le directeur René Couderc nommé
en 1929, 5 ingénieurs, 2 rédacteurs et 3 agents.
1 – De la déclaration de la guerre (3 septembre 1939) à Mers El-Kébir (3 juillet 1840).
Le 3 septembre 1939, la guerre est déclarée entre l’Allemagne et les alliés franco-anglais. Comme rien ne se
passe sur le front Ouest, on assiste à une « drôle de guerre ».
Le 10 mai 1940, l’armée allemande envahit la Belgique et les Pays-Bas puis la France. Paris est déclaré « ville
ouverte » le 15 juin 1940. Brest est occupée le 20 juin. Le 22 juin, l’Armistice est signé à Rethondes. La France
métropolitaine est partagée en deux parties, la zone occupée et la zone libre, siège du gouvernement de Vichy.
Pétain engage la France dans une politique de collaboration avec l’Allemagne. Les conditions imposées à la
France provoquent qui entraîne la chute du gouvernement Paul Reynaud remplacé par P Laval.
Le général De Gaulle, membre du gouvernement Reynaud, est à Londres et constate qu’il ne fait plus partie du
nouveau gouvernement de Pierre Laval. Il lance son appel (du 18 juin) sur les ondes de la BBC.
Inquiet du contenu des accords avec l’Allemagne, Churchill ordonne le 3 juillet 1940 l’opération « Catapult » pour
neutraliser la flotte française. Elle comporte 3 phases :
 la saisie des navires réfugiés en Grande Bretagne (dont l’Emile Baudot)
 la neutralisation de la flotte française basée à Mers El Kébir (Amiral Gensoul)
 la neutralisation de la flotte française d’Alexandrie (Amiral Godfroy).
Reprenons les journaux de bord des navires. L’Arago est à La Seyne sur Mer et attend son remplaçant, l’Alsace.
L’Ampère traverse le détroit de Gibraltar, venant de Calais et se dirigeant vers La Seyne. Il arrive le dimanche 27
août et après une réparation du câble de Porquerolles, il est transformé en croiseur auxiliaire et être armé d’un
canon de 100 mm, deux canons de 75 (anti-aériens) et une mitrailleuse lourde (du 13 septembre au 12 octobre
1939).
3
- Ce chapitre a été publié dans le bulletin n° 27.
- Les campagnes de l’Alsace ont été rappelées par Alain Van Oudheusden dans les 6 premiers numéros du
bulletin (juin 1996 à août 1997).
L’histoire des câbles sous-marins pendant la guerre 1939-1945 par Georges Bourgoin a été publiée dans les
bulletins n° 10 (septembre 1998), n° 11 (janvier 1999) et n° 12 (avril 1999).
Le témoignage de Jean Pelletier a été publié dans les bulletins n° 11 n° 12 et n° 13 (janvier à août 1999)
Le témoignage d’Edouard Bernard a été publié dans le n° 30 du bulletin (février 2006).
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er
La pose du câble Marseille – Oran n° 3 est réalisée de nuit tous feux éteints entre le 1 et le 9 novembre sous la
protection d’escorteurs de la Marine Nationale. En janvier 1940, l’Ampère pose un câble entre les îles Planier et
Pomègues pour la Marine. Il est à Casablanca le 15 janvier, à Oran du 18 au 27 janvier. Le 28 janvier, le navire
commence la pose d’Oran – Gibraltar, opération interrompue plusieurs fois par le mauvais temps est terminée le
27 février. On ignore s’il fonctionna un jour (officiellement non mais la vérité attend peut-être les historiens). Les
opérations s’enchainent puisque le navire change les atterrissements du Marseille – Oran 1932 à Ain El-Turk
(Oran) et est envoyé pour réparer la liaison Istanbul – Constanza (Roumanie) et la prolonger sur Izmir. G Bourgoin
note le caractère spécial de cette mission. Le 7 mai, le navire quitte Istanbul et arrive à La Seyne le 11 mai 1940.
Le 23 juin 1940, l’Ampère protège un convoi partant de Marseille à destination d’Oran. Il y arrive le 26 juin. Le
commandant Pelletier hésite entre mouiller à Oran ou à Mers El Kébir. Le choix du Cdt Pelletier est
particulièrement judicieux. Il choisit Oran, remplit les conditions de l’Armistice en désarmant le navire et débarque
son personnel.
La construction de l’Alsace s’achève le 25 avril 1940 à Rouen. Il rejoint Brest le 8 mai après les essais à la mer et
sa transformation en croiseur auxiliaire à Cherbourg. Il doit remplacer l’Emile Baudot prévu en arrêt technique. Le
1er juin, le navire appareille pour travaux sur le Brest – Dakar sous protection d’un escorteur au Nord de l’île de
Sein. Il est de retour le 11 juin5, réparation terminée après 18 dragues, 3 bouées-câbles et 3 bouées marques ! Le
16 juin, la ville de Brest est bombardée, le navire reçoit son baptême du feu.
Le 17 juin, l’Alsace appareille de Brest pour une effectuer une réparation sur le Brest – Fayal – New York au large
des Açores. La réparation de l’Alsace terminée, sans information de Paris, les principaux du navire décident de
rejoindre Dakar. Le navire est à quai à Dakar le 29 juin 1940.
L’Emile Baudot pose des câbles d’écoute sous-marine le long des côtes. Il rentre à Brest début 1940 pour une
visite d’entretien. Le 19 juin, l’Emile Baudot reçoit l’ordre de l’Amirauté de se joindre au dernier convoi de navires
de guerre et de commerce pour rejoindre l’Angleterre (Plymouth) avec 80 personnes à bord. A Plymouth, le
désordre est indescriptible.
Le 12 juin, l’Italie déclare la guerre à la France et à la Grande Bretagne. L’Amirauté demande l’appareillage de
l’Arago pour couper le câble Gênes – Barcelone au large des Baléares. Le câble est coupé mais la crainte de
navires ennemis pousse le navire et ses deux navires de protection à rejoindre Port-Vendres pour se mettre à
l’abri. Quelques jours plus tard, il appareille en convoi pour Oran où il est mis en réserve.
Les accords franco-allemands d’armistice prévoient la démobilisation de l’Armée Française et la neutralisation de
la Marine Nationale. Ainsi, Paul Leca, aviateur en formation à Gaillac comme tous les appelés de l’Armée est
démobilisé et renvoyé dans ses foyers à Marseille. Il reste disponible pour tout embarquement dans la Marine
Marchande.
Dans la nuit du 2 au 3 juillet 1940, l’Emile Baudot toujours à Plymouth est saisi par un commando militaire. Le
personnel à bord est envoyé à Liverpool. Quant au navire saisi et désormais britannique, il sera basé en Inde. Il
sera rendu à Gibraltar le 22 décembre 1944 dans un état déplorable et sans archives ce qui ne permet pas de
reconstituer son emploi du temps au service de la Grande Bretagne.
Le lendemain, le 3 juillet 1940, la flotte anglaise de Somerville détruit l’escadre de l’Amiral Gensoul basée à Mers
El-Kébir (1297 morts côté français). Une première tragédie pour la Marine Nationale française !
Par contre devant Alexandrie, les deux amiraux Cunningham et Godfroy qui se connaissent évitent l’affrontement
et s’accordent pour neutraliser la flotte française. Stationné ne Egypte, elle pourra reprendre le combat à partir de
juillet 1943.
Après l’opération « catapult », le personnel de l’Emile Baudot est envoyé à Liverpool en vue d’un rapatriement en
France. Le 24 juillet, il embarque sur le Meknès de la Cie Générale Transatlantique, torpillé au large d’Ouessant.
Le navires britanniques d’escorte sauvent la plupart des naufragés à l’exception de deux matelots et du boulanger
qui périssent dans le naufrage. Les rescapés retournent à Liverpool. Cinq jours plus tard, ils embarquent sur
l’Aveyron et rejoignent la France sans incident.
Les trois autres navires-câbliers français sont démilitarisés sur place. L’Alsace est à Dakar le 1 août 1940,
l’Ampère est à Oran 11 août et l’Arago à Casablanca. René Couderc retrouve son autorité sur la flotte câblière. La
vie continue …
5
- Les 4 pages du Journal de bord détaillant les travaux réalisés entre le 17 et le 24 juin ont été expédiées à la
direction des CSM le 29 septembre 1945. Elles expliquent sans doute les raisons de la réalisation de 28 dragues et
de la pose et le relevage de 6 bouées.
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NC Alsace (1939 – 1974)
Ces deux navires ont traversé la mer en conservant le pavillon français
NC Arago (1914 - 1946)
2 –Brazzaville, capitale de la France Libre. (de juillet 1940 à novembre 1942).
La reconquête des colonies françaises par les FFL commence à partir l’été 1940 et la résistance s’organise en
métropole. Dès le 27 mai 1940, le Gal de Gaulle affirme son autorité sur les territoires libérés et Brazzaville devient
la capitale de la France Libre. Des territoires choisissent la France Libre dès juin 1940 : Tchad, Cameroun, AEF
mais également les territoires du Pacifique (Nouvelles Hébrides, Tahiti et Nouvelle Calédonie), les Antilles et les
comptoirs de l’Inde (officiellement le 9 septembre 1940). Par contre, La tentative de reprise de Dakar le 23
septembre 1940, mal préparée localement, est un échec et l’Indochine passe bientôt sous contrôle japonais.
10
Le 27 octobre 1940 à Brazzaville, De Gaulle affirme son manifeste, acte fondateur de la France Libre. Ce choix
n’est pas anodin, car Brazzaville est l’un des 4 centres radiotélégraphiques de l’espace colonial et l’information
« libre » sera diffusée de Brazzaville et de Londres.
Pendant cette période, la vie continue pour l’Alsace. Il est démilitarisé à Dakar le 1 août 1940 et répare le
Casablanca – Dakar du 19 au 29 août 1940 sous protection. Son chef de mission M Miramont décède le 2
septembre. Le 23 septembre 1940, le navire se trouve en première ligne lorsque les FFL appuyés par une force
britannique attaquent la ville de Dakar. René Couderc décide alors d’envoyer le navire à Casablanca qui semble
offrir plus de sécurité et surtout moins d’intérêt pour les britanniques. Il appareille le 9 janvier 1941 et y arrive le 14
janvier 1941 e l’Arago le rejoint le 19 janvier. En février et L’activité principale des navires est de récupérer le
cuivre en « épluchant » les câbles abandonnés.
Des opérations côtières (avec l’Alsace) sont menées sur le câble microphonique avec récupération de nombreuses
ancres mais entre le 24 janvier et le 10 mars. Ensuite, on enregistre de nombreux actes d’indiscipline de l’équipage
sénégalais et des cadres européens (qui réclament le long cours) entre avril et juillet 1941 assortis de sanctions
diverses dont des séjours en prison de quelques jours à six mois). Apparemment, le navire a peu d’activités
jusqu’en juin 1942. L’Alsace appareille de Casablanca le 8 juin 1942 pour Oran (arrivée le 11 juin). Il réduit son
équipage et attend…
Le 31 octobre, il fait route sur Alger et entre au bassin de carénage à Alger. (ordre de la direction). Une grande
fébrilité est notée à bord avec débarquement de matériel, destruction de documents secrets et des alertes
annonciatrices de l’opération « Torch ». Il est à flot le 12 novembre mais sans remorqueur pour déhaler. A sa
sortie, il complète son équipage car il doit se rendre à Casablanca Un complément d’équipage est embarqué le 2
décembre pour un appareillage en convoi le 20 décembre. Ainsi, Paul Leca embarque comme graisseur le 3
décembre 1942 se trouve toujours à bord le 20 décembre.
Paul Leca se souvient de cette période qui suit l’Armistice et sa démobilisation. « Je suis à Marseille depuis ma
démobilisation de l’Armée de l’air le 10 septembre 1941. Muni de mes certificats de mécanicien et de pilote, je
réussis grâce à un ancien Corse à embarquer sur le Djebel Amour, moutonnier de la C° de Navigation Mixte qui
assure les transports entre Marseille et l’Afrique du Nord. Tout un programme …. Mon plan initial est d’embarquer
sur un autre navire rapatriant des prisonniers de Syrie. »
Au retour du Djebel Amour, les prisonniers sont tous rapatriés et Paul embarque à nouveau. L’inspecteur des
Affaires maritimes visant le livret s’étonne de me voir embarquer comme nettoyeur sur ce navire compte tenu de
mon niveau d’études et de ma qualification de mécanicien:
« Avec un emploi à terre, je gagne 600 francs par mois alors que j’en gagne 800 à bord, tous frais payés, répond
Paul.
Bien que peu convaincu, l’inspecteur me laisse embarquer. Une première campagne du 10 au 20 septembre 1941
est suivie d’un second embarquement de 3 mois jusqu’au 17 décembre 1941 et enfin d’un embarquement de 6
mois sur l’El Kantara jusqu’au 2 juillet 1942.
Le 8 juillet 1942, pas de sursis, je dois faire mon service national dans les chantiers de Jeunesse. Grâce à ma
qualification d’inscrit maritime, j’ai le choix entre Port la Nouvelle et Cap Matifou. Je choisis le chantier de la Marine
Nationale en Algérie où je séjourne jusqu’en novembre 1942, où j’embarque sur l’Alsace.
Revenons à l’Arago. Il est réarmé en mars 1941 puis désarmé. Après réarmement, il quitte Casablanca pour Oran
le 7 novembre 1941. Le navire est prêt à appareiller d’Oran pour Dakar mais il faut compléter son équipage. Cette
décision viendra un an plus tard mais ce sera l’Alsace qui partira à Dakar. En attendant le navire restera au fond du
port de commerce avec son équipage réduit.
En fait, les NC Arago et Alsace et leurs équipages, dont Paul Leca sur l’Alsace sont rattrapés par l’opération
« Torch » qui va modifier le cours de la guerre. La longue période d’inaction est terminée.
11
La liste d’équipage ci-dessus est déposée à l’Inscription maritime d’Alger le 3
décembre 1942, jour du départ de l’Alsace sur Casablanca. On remarque que tous
ceux qui embarquent en étant nés en 1920 – 1921 ou 1922 sont issus des chantiers
de jeunesse.
Certains membres de l’Etat-Major sont promis à de brillantes carrières, qu’ils soient
au Pont (Honnorat) ou à la machine (Pastourel et Dahon) mais également Le Calvez,
Sevennec et bien sûr Paul Leca.
12
A la Seyne sur Mer, l’Ampère assure l’entretien des câbles qui relient Marseille à l’Afrique du Nord, les deux parties
de la zone libre. Après sa démilitarisation en août 1940, Il enchaîne les opérations sous protection qui sont décrites
dans les journaux des travaux n° 10 et n° 11 de l’Ampère 2: Ces réparations sont séparées par des routes en
convois
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changement des atterrissements d’Oran (7 – 16 septembre 1940),
réparation Marseille – Alger 1880,
réparation Marseille – Alger 1879,
réparation Antibes – Saint-Florent,
réparation Marseille – Alger 1879,
réparation Marseille – Alger 1880,
réparation Marseille – Alger 1939,
changements des atterrissements d’Alger de Salpêtrière à Fort de l’Eau (11 janvier 1941)
Alger – Minorque,
réparation Marseille – Alger 1879.
réparation Marseille – Alger 1913.
Baléares – Toulon
Toulon – Alger
Alger – Baléares
réparation Marseille – Alger 1879.
Baléares – Toulon
Toulon – Ajaccio 1891 (3 opérations)
Toulon – Philippeville
Philippeville – Bizerte
Bizerte – Marseille 1893 (17 au 23 décembre 1941)
Etc…
Les journaux des travaux n° 12 et n° 13 de l’Ampère 2 qui couvrent la période qui s’étend du 1 janvier 1942 au 20
décembre 1943 ne sont plus disponibles.
3 – La libération d’Afrique du Nord. Alger, capitale de la France Libre (novembre 1942 à août 1945)
Le 8 novembre 1942, à l'aube, les premiers vaisseaux alliés de l'opération Torch (en français Flambeau)
abordèrent les plages d'Afrique du nord de ses différents objectifs (Alger, Oran et Casablanca), à la surprise de ses
équipages, sans avoir été inquiétée par les sous-marins de l’Axe, qui attendaient plus loin, du côté de Malte. Ce
débarquement marque un tournant de la Seconde Guerre mondiale sur le front occidental, conjointement avec les
victoires britanniques d’El Alamein (24 octobre 1942 au 8 novembre 1942) et soviétique de Stalingrad (17 juillet
1942 au 2 février 1943).
Par contre, il n’était pas prévu que les généraux de Vichy accueillent les Alliés à coups de canon à Oran et sur les
plages du Maroc où ils ne se rendent que le 11 novembre 1942. La prise d’Alger se fait en un jour, le 8 novembre
1942 grâce à la résistance française. Au soir du 8 novembre, Juin obtint de Darlan l'autorisation d'ordonner le
cessez-le-feu, ce qui permet aux troupes alliées de pénétrer dans Alger sans trop de problèmes. Du même coup,
les Alliés disposent, le soir même du 8 novembre, d'un grand port intact, où troupes et matériels vont pouvoir
immédiatement débarquer sur une grande échelle. Le bilan des opérations est de 1346 morts chez les français et
479 morts du côté allié.
La prise de contrôle de l'Afrique du Nord entraîne le ralliement à la France Libre de l'ensemble des colonies
africaines. Le général de Gaulle n'avait été ni consulté ni mis au courant du débarquement par les alliés. Il se rend
à Alger pour empêcher que le pouvoir ne lui échappe et constitue, avec le général Giraud le Comité français de la
Libération nationale (CFLN). L’amiral Darlan, fidèle au gouvernement de Vichy est assassiné le 24 décembre 1942.
L'établissement d'une tête de pont alliée en Afrique permet de préparer le débarquement de Sicile et d’ouvrir en
1943 la campagne d’Italie.
13
Le 27 novembre 1942, Hitler décide l’invasion de la zone libre. La flotte se saborde lorsque l’occupant prend
Toulon.
NC Ampère 2 (1930 – 1944)
194519451945)19451945194
51974)
G Bourgoin note dans son étude6 que la Direction décide d’envoyer le navire à Dakar pour le protéger et que les
britanniques décident alors de le réquisitionner. Apparemment, les deux autorités ont besoin du navire et le
programme qui va suivre montre une activité ininterrompue du navire jusqu’à la fin de la guerre sur les câbles
français ou anglais de la côte d’Afrique. L’arrêt à Gibraltar est justifié par des raisons de sécurité et peut-être pour
embarquer des documents concernant les câbles britanniques.
L’Alsace appareille en convoi le 20 décembre 1942, le navire mouille devant Gibraltar le 23 décembre en rade
extérieure de Gibraltar. Il appareille le 2 janvier sous escorte et arrive à Casablanca le 3 mars 1943. Retrouvant
l’Arago, il est prévu de permuter les câbliers Arago et Alsace et de baser l’Alsace à Dakar avec l’équipage de
l’Arago. Paul et plusieurs membres des chantiers de jeunesse refusent les conditions de vie à bord du vieil Arago7 .
Ils débarquent au dépôt de la Marine Marchande de Casablanca. Ils restent mobilisables dans la Marine Nationale.
L’Alsace est à Dakar le 19 mars 1943.
Revenant à Paul. Après son débarquement, il reprend contact avec l’aviation militaire (parc régional 94 de
Casablanca) et quitte la marine marchande le 18 avril 1943. Il réussit à se faire affecter dans l’aviation (du 20 avril
1943 au 25 août 1943) et part pour les Etats-Unis le 15 octobre 1943. Il en revient muni de ses brevets de
mitrailleur et de mécanicien sur l’appareil Maraudeur et prend une part active dans la campagne contre l’Allemagne.
Il est démobilisé le 28 mai 1947 avec le grade de sergent–chef de réserve et recherche un travail.
Enfin, l’Ampère est à La Seyne sur Mer, sous le commandement de Jean Pelletier. Il est sur rade le 27 novembre
1942 et le seul à arborer le drapeau tricolore. Pourtant les autorités allemandes commencent à s’intéresser à lui et
finissent par le réquisitionner le 20 décembre 1943 puis l’envoyer à Marseille.
A partir de Mars 1943, l’Alsace et son équipage africain se lancent dans la remise en état des câbles de la cote
d’Afrique.
 réparation Dakar – Bathurst (mars – avril),
 réparation Casa-Dakar (juillet)
 réparation Dakar – Gorée (12 mai
 réparation Casa – Dakar (23-24 juillet)
 réparation Conakry – Monrovia (5-13 septembre et du 3 au 5 décembre)
 réparation Libreville – Port Gentil (10-15 décembre)
 réparation Libreville – Cotonou (16-17 décembre)
 réparation Pointe Noire – Port Gentil (7-14 janvier 1944)
 réparation Bathurst – Freetown (1-5 février)
 réparation Accra – Bathurst (5 avril)
 réparation Ascension – Freetown et Conakry – Freetown devant Freetown ((9-10 avril)
6
- Bulletin n° 40 de Janvier 1999.
- Il faut rappeler que l’Arago, ex-Transmitter a été lancé en 1914 et a passé toute sa carrière sur la côte
d’Afrique. Il a été racheté par le ministère des PTT à la compagnie britannique en 1931.
7
14
Le retour de l’Emile Baudot en escale à Malte sur la route de Gibraltar
(24 décembre 1944)

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réparation Monrovia – Grand Bassam (25-28 mai)
réparation Casa – Dakar (13-14 juin)
réparation Accra – Lagos (2-7 juillet)
réparation Port Gentil – Pointe Noire (14-22 août)
travaux à Cotonou (4-7 septembre)
travaux à Freetown (15-25 septembre)
passage Freetown, Bathurst, Dakar, Casablanca (du 4 octobre au 24 décembre 1944)
Arrivée à Alger le 27 décembre 1944.
Arrivée à Toulon le 5 mars 1945, première escale métropolitaine depuis son départ de Brest le 17 juin
1945. René Couderc peut être satisfait d’avoir conservé ce navire.
L’Ampère 2 est réquisitionné par les Allemands le 20 décembre 1943. Le navire est transformé en croiseur
antiaérien. Le personnel a le choix entre un emploi à terre dans un service des PTT, ce qui le soustrait au STO et
de conserver sa solde. Ou de reprendre sa liberté. La majorité conserve leur emploi dans les PTT.
L’Arago est remis aux Domaines en 1946 et acheté par la Marine Nationale, puis revendu à un chantier de
démolition Seynois en 1950. La Marine le renomme le Scaphandrier Van Oudenhove.
Enfin, les autorités britanniques remettent l’Emile Baudot à l’Ingénieur en Chef Michel et au commandant Jean
Pelletier le 24 décembre 1944 à Gibraltar.
Le 6 juin 1944, les troupes alliées débarquent sur les plages de Normandie. Paris est libéré le 25 août 1944.
Le 15 août 1944, les troupes alliées débarquent sur les plages de la Côte d’Azur, les villes de Marseille et
Toulon sont libérées le 25 août mais les autorités allemandes avaient décidé de détruire leurs forces vives.
Les chantiers et la ville de La Seyne, l’arsenal de Toulon, le port de Marseille et son pont transbordeur sont
minés et détruits. Enfin, le 8 mai 1945, l’Allemagne signe sa capitulation.
Dans les ruines du port de Marseille, on retrouve deux navires-câbliers parmi toutes les unités coulées par les
Allemand entre le 15 et le 25 août 1944. Ils sont coulés le long du quai Jamet et il s’agit du Giasone 2, navire
câblier italien et l’Ampère 2. Après une inspection du navire, ce dernier est irrécupérable. Le Giasone 2, par contre,
semble offrir quelques perspectives de récupération après renflouement.
15
Scène de vie d’un navire partiellement désarmé pendant la
guerre
Epilogue.
La guerre est finie et des quatre navires en service en septembre 1939, l’armement des PTT n’en possède plus
que deux capables de remettre en état un réseau particulièrement éprouvé. Le directeur René Couderc 8
commence à réfléchir au devenir de sa flotte mais également à ses hommes. Il a été promu Inspecteur Général
Adjoint en 1942, puis Inspecteur Général et peut compter sur son adjoint, l’IGC Michel. Il perd deux chefs de
mission, Miramont, chef de mission des navires de la côte d’Afrique est décédé le 2 septembre 1940 et l’ingénieur
9
10
en chef Arnold Hanff s’est réfugié dans sa faille à La Souterraine (Creuse) puis a choisi le maquis . Il a été
capturé et fusillé le 14 mars 1944 à Brantôme par les allemands. Par ailleurs, il récupère un ingénieur11 qui avait
choisi tardivement le régime de Pétain et se trouve dégradé par la Commission d’épuration instituée au sein du
ministère des PTT et muté d’office à la DCSM le 12 juillet 1945.
Quant à René Couderc, l’administration décide de le placer mis en position de détachement au titre de l’article 33
de la loi du 30 décembre 1913 au commissariat à la mobilisation des métaux non ferreux. Elle le réintégre dans les
cadres de l’Administration à partir du 1er août 45 et il est admis d’office à faire valoir ses droits à la retraite, à
compter de la même date. Il n’aura donc pas la charge de remettre le réseau en état.
8
- M. René Couderc, inspecteur général adjoint, directeur du service des câbles sous-marins, a été nommé
inspecteur général par arrêté du 14 mars 1944.
9
- Arnold Hanff, Ingénieur en chef (arrêté du 15 mai 1942) est muté à Montpellier à la direction du service des
câbles sous-marins (B.A. 1943).
10
- Le NC IGC Hanff in La Revue des PTT de France – Janvier – février 1948. Son épouse également capturée
par la Gestapo est déportée à Dora où elle décèdera. Les 4 enfants survivront.
11
- Arrêté du 5 mai 1945, vu les avis motivés émis par la commission centrale d’épuration, M.
Chambolle, ingénieur en chef à Paris, services télégraphiques et téléphoniques, a été frappé de la peine
de la rétrogradation au grade d’ingénieur (traitement maximum de la catégorie sans ancienneté) avec
changement de service dans la même. L’arrêté du 12 juillet 1945 précise que : Vu l’Arrêté du 5 mai 45 pris en
application de l’ordonnance du 27 juin 44, M. Chambolle, ingénieur en chef à Paris services télégraphiques et
téléphoniques, a été nommé ingénieur à la direction des câbles sous-marins.
16
Revenant à Paul Leca. Après son débarquement de l’Alsace à Casablanca et son refus d’embarquer sur l’Arago, il
reprend contact avec l’aviation militaire (parc régional 94 de Casablanca) et quitte la marine marchande le 18 avril
1943. Il réussit à se faire affecter dans l’aviation (du 20 avril 1943 au 25 août 1943) et part pour les Etats-Unis le 15
octobre 1943. Il en revient muni de ses brevets de mitrailleur et de mécanicien sur l’appareil Maraudeur et prend
une part active dans la campagne contre l’Allemagne. Il est démobilisé le 28 mai 1947 avec le grade de sergent–
chef de réserve et recherche un travail….
De retour à Marseille… Plusieurs voies s’ouvrent devant lui. Son expérience dans l’aviation lui permet d’obtenir du
secrétariat de l’aviation civile une licence de mécanicien d’aéronefs à compter du 7 septembre 1947 (valable
jusqu’au 28 mars 1948). Il se rend à Paris au siège d’Air France en pensant à tous ses camarades du groupe
Franche Comté dont beaucoup sont disparus. Il constate que la compagnie nationale est peu sensible aux états de
services légaux et il se tourne alors vers les navires câbliers. Il embarque sur le d’Arsonval le 23 avril 1948 comme
graisseur. Il est nommé chauffeur le 9 juin. Le 3 mai 1951, il est affecté sur l’Ampère à Rouen jusqu’en novembre
1952. Le 12 juillet 1952, il est nommé Officier Mécanicien de 3ème classe et est embarqué sur l’Alsace à La Seyne.
Marcel Bayard remplace René Couderc à la direction des câbles sous-marins. Il complète la flotte câblière (Pierre
Picard, Ingénieur en chef Hanff et d’Arsonval) et s’attelle à la rénovation des réseaux d’Atlantique et de
Méditerranée. Le réseau de la Côte d’Afrique avait été remis en état en 1943-1944. Des prélèvements importants
ont été saisis par les câbliers britanniques et américains, les câbles ennemis devenant la principale source de
réapprovisionnement de câbles de réserve puisque toutes les usines à câbles étaient détruites.
Ingénieur en chef Hanff
17
LE NAVIRE CABLIER D’ARSONVAL
Paul LECA
Paul Leca nous a fourni une rapide description du navire dans le Bulletin n° 7 publié en décembre 1917.
Initialement construit pour la marine italienne en 1941 aux chantiers de Gènes, le navire Giasone (2) est destiné à
plusieurs tâches différentes (navire de défense anti-aérienne, remorqueur, navire-câblier), sa première activité est
de coupé les câbles alliés à partir de sa base de Gènes jusqu’en 1943.
Lorsque l’Italie abandonne l’Allemagne en 1943 et se range aux côté des alliés, le navire est réquisitionné et basé
à Marseille. Il continue son activité de coupeur de câbles en arborant sa curieuse tenue camouflée.
Le 15 août 1944, dès le débarquement de Provence, l’occupant fait sauter les installations portuaires, plus de 200
navires et le pont transbordeur de Marseille. Parmi ces navires le Giasone (2) et l’Ampère (2). L’Ampère se révèle
irrécupérables mais pas son voisin qui est jugé digne d’être renfloué. La mise en service du NC d’Arsonval était
annoncée avant la fin de l’année 1947 12 après de longs et coûteux travaux. Il faut ensuite avoir l’aval de la
Commission des réparations pour francisé le navire réclamé par son pays d’origine.
12
Revue des PTT de France –Avril - Mai 1947 – Le câbles sous-marins français (Raymond et Valéry)
18
Après avoir pris connaissance du montant des travaux, l’Italie abandonne le navire et le navire commence une
longue campagne accosté sur le quai des Belges à Marseille où il fête le 8 mai aux coté du navire britannique
Sainte Margareth. Enfin prêt, son inauguration a lieu le 11 juillet 1948 à La Seyne sur Mer puis célèbre la fête
nationale aux côtés de l’Emile Baudot. Sa mise en service comble à la fois le vide de trois navires perdus (Ampère
2) ou hors d’âge (Arago et Emile Baudot) et le besoin de navires est immense. Elle permet de remplacer l’Arago
mais c’est l’Alsace qui est basé à Dakar.
Dès sa mise en service, il est basé à La Seyne sur Mer et participe à la remise en état du réseau en Méditerranée
(4 réparations en 1950, 7 réparations en 1951 et 12 réparations en 1952). Il est appelé en Atlantique pour terminer
la remise en état du Brest-Cap Cod (entre 1949 et 1952 avec l’Alsace, le Pierre-Picard et l’Emile Baudot).
En automne 1950, il est chargé de posé le premier répéteur sous-marin téléphonique entre Cannes et Nice par
2.200 mètres de profondeur fournissant 4 voies téléphoniques amplifiée et qui marchait encore sans défaillance
pendant 4 ans avec une stabilité de gain remarquable comme le rappelait Mr Julien 13.
Pour le directeur du navire, « Ce navire jeune, qui n’était pas un câblier à sa mise en service et qui a été
transformé à cet effet en 1947. Le résultat de cette adaptation ne donne que partiellement satisfaction. Les défauts
majeurs du d’Arsonval sont son faible rayon d’action, partie arrière très mal défendue contre le mauvais temps et
sa très faible économie. En Atlantique Nord, ses zones d’intervention sont limitées au plateau continental Est, à
condition de ne pas s’écarter à plus de 150 nautiques d’un port d’abri et de mazoutage ». 14
En décembre 1964, l’administration se sépare de son navire. Il est alors basé à Brest près d’un nouveau navire, le
Marcel Bayard adapté à la pose des nouveaux câbles coaxiaux. Pour l’entretien du réseau côtier et du réseau
d’Afrique de l’Ouest, on fera appel aux navires de La Seyne sur Mer (Ampère ou Alsace). La flotte câblière est
donc réduite de 4 à 3 unités.
13
14
Revue des PTT de France –mars-Avril 1953 – La Direction des câbles sous-marins français (M Julien).
Note du directeur de la DCSM (Julien) au Directeur de la DGT datée du 9 février 1956.
19
On
a
ignoré
que
l’Administration met en
service un premier navire
océanographique, le Jean
Charcot et la flotte est
toujours de 4 navires. Le
CNEXO, devenu IFREMER
tire
bénéfice
de
la
compétence
de
l’Administration des PTT
pour
assurer
les
nombreuses missions qui
lui sont confiées. Quant au
D’Arsonval, vendu à un
acheteur Belge, il sera
démoli à Anvers à partir du
18 février 1965.
Nous devons à notre ami
Paul
Leca
les
photographies du navire
publiées dans les deux
articles consacrés au navire.
Le Jean Charcot
20
Cérémonie du baptême du Navire Câblier D’Arsonval.
La Seyne sur Mer, Var ; le dimanche 11 juillet 1948
Discours de M. Georges DARRIEUS
Membre de l’Académie des Sciences
L’Académie des Sciences est particulièrement heureuse de se trouver associée aujourd’hui à l’hommage rendu au
savant éminent qui, élu en 1894 dans sa section de Médecine et Chirurgie, fut son Président en 1917 et compta
pendant plus de 46 ans parmi ses membres.
Nul choix ne pouvait être plus approprié pour le nom d’un navire dont la mission, en portant sur toutes les mers du
globe le pavillon français, sera précisément de concourir au développement des moyens de communication de
notre pays et à la diffusion de sa pensée, que celui de l’illustre électro-physicien dont, non seulement la réputation
est universelle, mais dont les travaux se rattachent encore si directement à l’exercice même de cette mission, la
technique des télécommunications.
D’autres voix plus autorisées rappelleront les titres dominants du grand physiologiste, élève, préparateur et bientôt
élève de Claude Bernard ; aussi je me bornerai à souligner ici l’aspect particulièrement physique et technique, plus
naturellement propre à nous retenir aujourd’hui, d’une œuvre considérable poursuivie tout au long d’une vie
remarquablement remplie.
Appelé par ses travaux d’électro-physiologiste, exceptionnellement exigeants pour les moyens encore modestes
dont disposaient alors les expérimentateurs, à acquérir et développer la technique de délicates mesures
électriques, d’Arsonval, qui possédait le génie de l’invention, fut amené à créer pour ses recherches une foule
d’appareils plus ou moins ingénieux, qui, répondent en général à un véritable besoin, se sont souvent répandus
bien au-delà du domaine spécial où ils avaient tout d’abord trouvé leur emploi.
Deux galvanomètres Deprez-D’Arsonval vus par E Wünchendorff
Tout le monde connaît son galvanomètre à cadre mobile dont, bien qu’il porte aussi le nom de Deprez, il semble
qu’après Lord Kelvin et indépendamment de lui, il puisse revendiquer l’idée de principe mais l’on sait moins qu’il
est également l’inventeur de la forme qu’ont gardé aujourd’hui la plupart des appareils de mesure a cadre à
courant continu, montés sur pointe avec ressorts spiraux servant à amener le courant. La recherche d’appareils à
la fois sensibles, rapides, précis et bien amortis, le conduisit à réaliser aussi de nombreuses variantes de
galvanomètres astatiques à aimant mobile dérivés de celui de Sir William Thomson, ainsi qu’à perfectionner leurs
dispositifs de lecture (galvanomètres à miroir, à microscope… etc. Cette communauté d’intérêts, ainsi que la part
qu’il prit tant à la fondation qu’à la rédaction de la principale revue d’électricité de cette époque; La Lumière
21
électrique, contribuèrent ainsi à le mettre en rapport avec ce grand physicien et ingénieur, pionnier par surcroît des
télécommunications et spécialement de la télégraphie sous-marine que fut Lord Kelvin, dont l’évocation est
particulièrement à sa place dans ce navire voué à une technique et à des méthodes d’essai dont il est à l’origine
presque exclusivement le créateur.
Le téléphone doit encore à d’Arsonval le perfectionnement décisif que constitue, par rapport à l’appareil primitif de
Graham Bell, la forme moderne de récepteur polarisé, ainsi qu’en collaboration avec Paul Bert, un type de
microphone qui est resté longtemps en service dans l’administration française.
Tous ces appareils tels que ses enregistreurs préludant à l’emploi de la photographie, son thermo-galvanomètre à
cadre mobile constitué par une simple boucle thermoélectrique de deux métaux différents pour l’étude de la
chaleur rayonnante, portent la marque d’un merveilleux esprit d’invention, de même que ses montages à haute
fréquence qui, empruntés à Hertz, dès leur apparition, puis développés de façon indépendamment de Tesla et
d’Elihu Thomson, ont trouvé souvent des applications en dehors du domaine même de l’électro-médical.
Le grand nombre de diversités des notes – la première remonte à 1877 – qu’il présente à l’Académie tout au long
de sa fructueuse carrière, attestent la variété et l’éclectisme de l’intérêt toujours en éveil qu’il portait aux idées
nouvelles quelle qu’en fût leur origine.
Ayant entrevu de bonne heure l’avenir magnifique promis au transport électrique de l’énergie, il s’employa avec
fougue à en promouvoir la cause dans son entourage d’électromécaniciens et jusque dans le grand public, en
communiquant même à l’occasion à la presse quotidienne, avec les conclusions de ses calculs, l’expression de sa
conviction. Alors que les efforts de Gramme, Hippolyte Fontaine, Marcel Deprez se heurtaient partout à un
scepticisme général, il tint à se rendre à Munich en 1882 pour assister au succès de la transmission à distance
d’une puissance de quelques kilowatts, par une ligne télégraphique partant du petit bourg de Miesbach.
L’enthousiasme général, succédant aux préventions, provoqua d’ailleurs à cette occasion l’envoi à notre Académie,
par la commission allemande, d’un télégramme admiratif de félicitations.
Cette curiosité sympathique pour les idées originales, cet optimisme parfois déconcertant dont la clairvoyance,
attestée par les évènements, s’appuyait d’ailleurs à la fois sur un grand bon sens et sur son autorité manifeste de
fécond et heureux expérimentateur, lui firent saluer l’avènement de toutes les grandes inventions, l’aviation avec
Charles Richet dès 1878, l’automobile dont il bricolait déjà en 1891 un prototype avec un moteur pour scie à
bûches, la purification électrique des gaz, le froid industriel, enfin l’énergie thermique des mers dont Georges
Claude rappelait que l’idée de son utilisation par l’intermédiaire de gaz liquéfiés avait déjà été émise par d’
Arsonval en 1881.
Ayant ainsi toujours fait le plus grand cas des applications pratiques il fut, avec Henri Le Chatelier et André Blondel,
un des principaux promoteurs de la nouvelle section créée au sein de l’Académie en 1918 pour y admettre les
savants qui se sont plus particulièrement voués à développer ces applications de la science dans l’industrie.
En ces temps d’épreuve où les difficultés matérielles auxquelles se heurtent encore trop souvent dans nos pays
appauvris les laboratoires, en ralentissant le travail expérimental, contribuent par incliner davantage les jeunes
chercheurs vers la pure spéculation, il est bon que l’exemple de d’Arsonval, par sa fécondité et son magnifique
rayonnement, nous rappelle la valeur irremplaçable de l’expérimentation. S’il est vrai que, comme l’affirmait ce
grand théoricien que fut H. Poincaré, l’expérience soit la source unique de toute Vérité, la simple consultation du
réel et l’humble soumission aux faits, outre qu’elles nous révèlent à tout moment dans la nature de nouvelles
richesses et des possibilités inattendues que notre intelligence livrée à ces seules ressources n’aurait su imaginer,
ont aussi un rôle social à jouer ; car non seulement elles coordonnent les recherches spéculatives, qui, suivant leur
propre inspiration, n’aurait que trop tendance à prendre des voies divergentes, mais aussi, sur un plan plus vaste,
elles doivent contribuer effectivement, sous leur souveraineté, à rapprocher les hommes, dans un effort commun
propre à développer des sentiments de tolérance, d’estime et de compréhension mutuelles, enfin de respect
scrupuleux de la personnalité humaine et des libertés individuelles, sous leurs formes même les plus délicates et
les plus exigeantes.
Puisse ce bateau, en entreprenant sa tâche, qui, quoique modeste, demeure associée à la grandeur de notre pays,
contribuer pour sa part à promouvoir cette leçon du grand Français dont il porte le nom.
22
Le D'Arsonval à Calais
23
Le Portugal et la construction du réseau télégraphique de l’Atlantique.
Rôle d'un perdant ou d’un gagnant ?
Par Ana Paula Silva *
Sources
Interuniversity Centre for the History of Science and Technology (CIUHCT) – Faculty of Sciences (University of
Lisbon) and Faculty of Sciences and Technology (New University of Lisbon);
Institute of Social Sciences (ICS) - University of Lisbon,
Interdisciplinary Centre for History, Cultures and Society (CIDEHUS) – University of Évora. - 2008
La plupart des études sur les câbles sous-marins sont construites à partir d'un point de vue national, en insistant
sur la façon dont les grandes puissances, à savoir la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et les Etats-Unis ont
eu du mal à maintenir leurs cercles d'influence. [1] Toutefois, la majorité de ces études semblent négliger le fait
que la technologie des câbles sous-marins du 19ème siècle avait une contrainte : la nécessité de stations-relais [2]
Par conséquent, bien que le réseau mondial de câbles sous-marins puisse être maîtrisé par un petit nombre
d’Etats puissants, il ne pouvait être construits qu’en utilisant d'autres pays pour faire atterrir les câbles. Cette
caractéristique inhérente à la trans-nationalité du réseau de câbles sous-marins a créé de nouveaux liens entre les
nations européennes, modelant à la fois l'élaboration des stratégies nationales et internationales ainsi que la
relation entre les pays appelés centraux ou périphériques.
En reliant des pays avec des statuts politiques et économiques très différents, la construction du réseau mondial
de télégraphe a mis à jour des tensions et des ambiguïtés dans la mesure où profits et pertes concernent chacun
des constructeurs du réseau. Bien qu’il appartienne encore aux Etats-nations de négocier un réseau transnational
pour leur propre bénéfice, une nouvelle perspective sur la conception globale des structures de pouvoir en Europe
doit être prise en compte. Dans ce «jeu des gagnants et des perdants" [3], de l'intégration et de l'exclusion [4], il y a,
néanmoins, toute une échelle de mesure de ce qui peut être perçu comme une stratégie de succès. En se
concentrant sur le Portugal, un pays périphérique dans l'Europe industrialisée, la diversité des rôles joués par les
Etats moins puissants dans le processus complexe de construction d'infrastructures transnationales peut être
démontrée.
En 1850, lorsque le réseau des câbles télégraphiques Britanniques a commencé à croître, le Portugal a profité de
sa situation géographique et géopolitique pour offrir l'atterrissement des câbles et l'établissement de stations-relais
à la fois sur ses territoires européens (continent; Madère et Açores) et dans les colonies africaines (îles du CapVert, Sao Tomé et Principe, la Guinée, l’Angola, le Mozambique).
Les nœuds du réseau international de câbles sous-marins dans les territoires portugais ont canalisé le trafic
télégraphique entre plusieurs points en Europe (régime européen) et entre l'Europe et les autres continents
(régime extra-européen). L'axe central de ce réseau était appelé le «triangle stratégique de l’Atlantique »: Lisbonne,
le Cap-Vert et Les Açores.
La construction du triangle de l'Atlantique a été, dès le début, non seulement une entreprise technique, mais
surtout, une négociation politique, économique et financière: d'une part la Grande-Bretagne voulait utiliser le
territoire portugais comme la partie centrale de son «empire télégraphique » , faisant appel à la vieille alliance
entre les deux pays [5] et à sa puissance financière forte , de l'autre, le Portugal avait besoin de recueillir des fonds
et attirer les investisseurs étrangers dans le but de mettre en œuvre sa politique de développement .
La construction du triangle stratégique de l'Atlantique
Lisbonne, le sommet du triangle stratégique de l'Atlantique, a été le premier nœud à être établi. En 1869, John
Pender a créé la Falmouth, Gibraltar & Malte Telegraph Company pour relier la Grande-Bretagne avec les bases
navales britanniques en Méditerranée, « sans avoir à traverser des pays étrangers. » [6] Dans la même année, et
quatorze ans après avoir reçu la première proposition (1855) pour la construction d'un câble entre l'Europe et les
Etats-Unis à travers les Açores, le gouvernement portugais a finalement accordé une concession pour construire
« des lignes télégraphiques sous-marines qui sont d'intérêt national » [7]. En 1870, la Falmouth construit et
commence à exploiter les deux câbles reliant le Portugal à la Grande-Bretagne et à Gibraltar, protégeant ainsi les
intérêts britanniques dans la Méditerranée et établissant une connexion rapide et sécurisée avec l'Inde. Bien que
l'objectif initial soit d'éviter les pays étrangers et que l’Empire ottoman et l’Empire russe aient été éviter, les points
d’atterrissement portugais inévitables ont été considérés comme absolument fiables.
24
Un contrat avec la société britannique était un élément décisif dans la politique portugaise des télécommunications.
Jusque-là, l'État avait eu l'exclusivité pour la construction et la gestion du réseau télégraphique: les connexions
transocéaniques devaient être mises en place par l'octroi de concessions à des sociétés privées étrangères, mais
le gouvernement portugais gardait en charge l’établissement de toutes les lignes situées en territoire portugais. En
outre la réglementation et la supervision des services télégraphiques, même si ces services sont fournis par des
sociétés étrangères, devaient être maintenues sous responsabilité de l’administration portugaise.
Le contrat avec la Falmouth, Gibraltar & Malte Telegraph Company, suivant les règles de la Convention
télégraphique internationale de Paris (1865), attribuait plus de devoirs que de droits au Portugal, aussi le
gouvernement portugais était obligé de faire de l’excès de zèle pour assurer la permanence du trafic international.
[8] Le programme portugais d’«intérêt public» était satisfait non en termes monétaires, car le trafic entre Falmouth
et Gibraltar n'a pas payé toutes les taxes de transit pour passer par Lisbonne [9], mais en tant que « monnaie
géopolitique ». En fait, le Portugal avait désormais une alternative importante pour ses communications
internationales, en évitant la dépendance au réseau espagnol, ce qui était assez gênant en termes techniques. [10]
Dans le même temps, la société britannique a continué à construire d’autres lignes qui ont atterri dans d'autres
endroits du Portugal, mais qui ont toutes été reliées à la station-relais de Lisbonne, qui est devenu ainsi l'un des
noeuds les plus importants de l'ensemble du réseau. [11]
Le Cap-Vert est le deuxième sommet du triangle stratégique de l'Atlantique à s’être mis en place. En 1872, le
gouvernement portugais a permis à deux sociétés britanniques, la Construction & Entretien (Telcon) et la Falmouth
de construire un câble pour relier la Grande-Bretagne au Brésil par le Portugal et l'atterrissement à Madère et au
Cap-Vert (Saint-Vincent). [12] Les deux entreprises ont également été autorisées à construire un câble entre le
Cap Vert et la côte occidentale de l'Afrique. [13] En 1874, la connexion avec le Brésil était prête, reliant la GrandeBretagne à l’Amérique du Sud, et améliorant ainsi ses relations commerciales avec le Brésil et l'Argentine, donnant
au Portugal la possibilité de relier le continent aux îles de Madère et du Cap-Vert.
La construction de la station-relais du Cap-Vert a été une réussite pour le Portugal: elle a étendu le réseau
portugais télégraphique jusqu’à Madère et aux colonies africaines (y compris les îles de l'ouest (1885) et de l'est
(1887) des côtes de l'Afrique) et elle a donné au Trésor portugais une importante source de revenus avec les taxes
de transit dues pour le passage par le Cap-Vert.
Les Açores sont le troisième sommet du triangle stratégique de l'Atlantique à avoir été construit, mais il aurait pu
avoir été le premier, car il y eut en effet une affaire trouble. Au début des années 1890, l'atmosphère de suspicion
et de tension entre les nations européennes s’était accrue de façon spectaculaire. Au Portugal, l '«homme de la
rue» pensait que le Portugal était dépouillé de ses colonies africaines par les accords de la Conférence de Berlin,
le traité du Congo [14] et, enfin, par l'ultimatum britannique. [15] Dans ce nouveau contexte, les Açores
retrouvaient leur importance stratégique. Pour la première fois, et comme une conséquence directe de l'ultimatum,
la Grande-Bretagne a perdu son incontesté ascendant sur le gouvernement portugais, qui était désireux de
montrer sa fierté nationale et qui a commencé à examiner de nouvelles propositions, en particulier celles de la
France et de l'Allemagne. Ainsi, la construction du câble de Lisbonne-Açores-États-Unis a connu deux phases: la
première, entre 1890 et 1893, reliant Lisbonne aux Açores, la seconde, de 1897 à 1900, reliant les Açores aux
États-Unis d'Amérique.
Pour la première phase, le gouvernement portugais a décidé d'ouvrir, en Juin 1890, un concours public pour
construire le câble entre Lisbonne et les Açores, aux frais des portugais. Une société française, la Société
Française des Télégraphes Sous-Marin, a remporté le concours, mais la situation financière catastrophique des
Portugais a conduit à l'annulation de l'accord. En Décembre 1891, la Telcom présenta une nouvelle proposition
pour construire le câble entre Lisbonne et les Açores, Lisbonne et la France, et les Açores - les États-Unis. En
échange de son investissement, Telcon réclamait le renouvellement des contrats de 1870, avec l’Eastern
Company (pour ouvrir la route des Indes) et le renouvellement de celui de 1872, avec la Brazilian Company (pour
ouvrir la route vers l’Amérique du Sud). Le cartel britannique visait à réduire les effets de la concurrence française,
en empêchant le trafic télégraphique d'être détourné de leurs réseaux par les câbles français entre le Sénégal et le
Brésil (Pernambuco) et du Brésil vers les États-Unis. Le gouvernement portugais a évalué la proposition avec
méfiance, estimant qu'il devrait être révisé afin d'assurer l'intérêt national, à savoir « les avantages provenant de
l'emplacement géographique de ce pays ». [16]
En 1892, alors que la proposition britannique était toujours en cours d'analyse, le Portugal a reçu une seconde
proposition, à nouveau par la société française, qui a été étonnamment acceptée. La décision était clairement
politique, parce que le rapport technique n’était pas favorable sans aucun doute à la proposition française.
Néanmoins, le gouvernement portugais a maintenu sa décision, montrant au monde l'opposition nationale et à
l'opinion publique que le Portugal ne se plie pas aux intérêts britanniques.
Cependant, une fois de plus l'accord avec la société française a été un flop complet et le contrat a pris fin avant
même que la première pierre n’ait été posée. En Juin 1893, le gouvernement portugais a été contraint de
25
demander la permission au Parlement pour signer le contrat avec la British Telcon pour la pose du câble LisbonneAçores, exactement sur les mêmes bases de la proposition qui avait été refusée un an avant. Le contrat a été
signé le 17 juin, et les stations-relais dans les Açores ont été mises en service en Août.
La deuxième phase du câble Lisbonne-Açores-États-Unis, la construction du câble des Açores aux États-Unis, a
également été un processus très difficile. A la fin du XIXe siècle, les entrepreneurs allemands et les hommes
d'affaires voulaient un moyen plus efficace pour communiquer avec les États-Unis, qui était alors un marché en
pleine croissance et une nouvelle puissance mondiale. Comme la France, l'Allemagne voulait avoir ses propres
câbles exempts de l'influence et du contrôle britannique. La société britannique Europe & Açores (la société
britannique fondée pour exploiter le câble), supposée responsable de la prolongation du câble à partir des Açores
vers les États-Unis, a avoué que ses ressources financières ne suffisaient pas pour soutenir un projet d’un tel coût
et a demandé, en Juillet 1897 , l'autorisation de transférer la concession du câble à une société allemande, la
Felten & Guilleaume. Cette société avait une concession de son gouvernement pour poser un câble de l'Allemagne
vers les États-Unis. L'accord semblait agréer à la fois les Britanniques et les Allemands et, après plusieurs
modifications au contrat initial, cette société a demandé la permission de construire un câble direct entre les
Açores et Vigo (Espagne) [17].
Le Portugal a été fortement en désaccord avec cette proposition. Selon le contrat initial, l'Europe & Açores n’était
pas autorisée à transférer à un tiers ses droits et devoirs. En outre, dans la mesure où la politique américaine à
l'égard des télégraphes a été concernée, le fait que la société allemande avait des privilèges chez elle, était un
obstacle pour que les câbles puissent atterrir aux États-Unis. En dehors de ces questions juridiques,
l'administration portugaise soupçonne également la société allemande d’avoir des raisons économiques mais aussi
politiques. Un câble Açores-Vigo était une menace réelle pour la stratégie portugaise:
(i)le câble pourrait détourner le trafic en provenance du Portugal vers l'Espagne, affaiblissant ainsi le statut du
Portugal comme négociateur préférentiel et menacer le rôle crucial géopolitique et économique de Lisbonne
comme centre international du télégraphe ;
(ii) l'Europe & Açores aurait certainement été prise en charge par la société allemande, car il était peu probable
qu'une entreprise avec un tel câble court et un trafic faible puisse maintenir sa position de médiateur entre le trafic
de l'Europe de l’Est et l'Afrique en passant par Lisbonne ;
(iii) la maintenance du câble entre Lisbonne et les Açores pourrait être facilement négligée, causant des
dommages graves sur le réseau télégraphique portugais.
En outre, il y avait deux questions politiques «chaudes» qui restaient à résoudre: d'une part le câble Açores-Vigo
renforcerait la position espagnole dans le réseau télégraphique mondial, de l'autre, le zèle allemand bien connu
pourrait interférer avec le service télégraphique fourni par les stations-relais sous la juridiction du Portugal,
provoquant des incidents diplomatiques.
La négociation a traîné pendant presque un an et en Septembre 1898, le gouvernement portugais a rejeter la
demande de permission par l'Europe & Açores de poser le câble Vigo-Açores, mais a accepté de modifier d'autres
articles du contrat initial de 1893
Dans ce contexte, l'Europe & Açores a présenté une nouvelle demande de modifier la concession, en demandant
la permission de faire atterrir trois câbles dans les Açores: l'un vers New York, pour la société allemande
Atlantische Gesselschaft Telegraphen; un second vers le Canada (Canso), pour l'Amérique Commercial Cable, et
un troisième vers l'Allemagne (Emden). Cette demande visait trois objectifs:
(i) répondre à la Commercial Cable qui a besoin d'un câble supplémentaire dans l'Atlantique entre le Canada et la
Grande-Bretagne, séparé de ceux existants,
(ii) fournir à Câble Commercial un chemin direct pour le trafic en provenance de l’Amérique du Nord vers
l’Amérique du Sud, l’Afrique, l’Inde, la Chine et l’Australie par le biais de la connexion avec les câbles AçoresLisbonne, Lisbonne-Cap-Vert et Brésil, et Cap-Vert-Le Cap,
(iii) d'établir un câble direct entre Emden et New York pour écouler le trafic entre les États-Unis et l’Allemagne, y
compris pour les pays qui utilisaient la liaison allemande.
L’Administration Portugaise du Télégraphe Portugais avait informé le gouvernement d’accorder la demande, en
soulignant ses avantages: le câble de Lisbonne-Açores a été précieux et deviendra une source importante de
revenus, « sans aucun frais pour le Trésor». [18] Le contrat définitif a été signé en Décembre 1899, [19] imposant
aux entreprises allemandes et américaines la supervision de la compagnie Europe & Açores, qui est tenue
responsable du paiement au gouvernement portugais, des taxes de transit.
26
Enfin, à partir de 1900, les Açores ont été reliées à Lisbonne et au Cap-Vert, pour devenir tous ensemble l'un des
carrefours les plus importants sur les réseaux câblés sous-marins internationaux.
Les câbles "All red" ne l’étaient pas vraiment.
Au tournant du siècle, pour construire un soi-disant «câble invulnérable tout rouge », le gouvernement britannique
s'est appuyé sur la profondeur de l'océan, et une fois de plus sur le Portugal afin de garantir sa sécurité, puisque le
nouveau câble Grande-Bretagne, Le Cap- Australie a encore atterri sur le territoire portugais. La proposition
présentée par la Eastern Company, en Juillet 1899, a explicitement déclaré que :
(i) l'option d'atterrissement à Madère et au Cap-Vert a remplacé la possibilité de ce câble «de toucher
exclusivement à des possessions britanniques»;
(ii) les «taxes de transit actuelles pour les télégrammes échangés avec l'Afrique du Sud» ont été confirmées au
Portugal;
(iii) une augmentation du trafic à travers la « nouvelle route proposée »était attendu, mais en tout cas un revenu
minimum estimé sur le trafic enregistré cette année-là a été assuré. Afin de renforcer la proposition, il a également
souligné que la nouvelle route devrait "être déclarée la voie normale pour l'Afrique du Sud" et l’Australie. [20] En
dépit de l'urgence demandée par l'Eastern, les négociations ont duré plus d'un an. Le 22 septembre 1900, le
contrat était enfin signé, le câble a été achevé en Février 1901.
Le gouvernement britannique a essayé de dévaluer le fait que le nouveau câble « tout-rouge » n'était pas vraiment
"tout rouge", puisqu’il atterrissait encore dans un territoire étranger. Il est donc assez surprenant que, en Décembre
1911, le sous-comité permanent de la défense impériale ait déclaré que la «dépendance du Royaume-Uni sur les
stations de câbles situées sur un territoire étranger pour la transmission de télégrammes a été généralement
éliminée» [21] Le concept britannique de " généralement "était pour le moins douteux, car les stations-relais de
Lisbonne, du Cap-Vert et des Açores, non seulement n'ont jamais été« éliminées », mais encore étaient en fait
renforcées, comme cela a été précisé pendant et après la Première Guerre mondiale.
Un changement de pouvoir concurrencer le leadership britannique
Le 4 Août 1914, le gouvernement britannique a ordonné l'interruption des deux câbles allemands qui reliaient
l’Allemagne (Emden) aux États-Unis (New York) via les Açores. Un mois plus tard, les autorités portugaises ont
mis les scellés sur la station allemande, interrompant ainsi le trafic entre les Açores et l'Amérique.
Le 27 septembre 1916, le ministre britannique à Lisbonne a envoyé au gouvernement portugais une «très
confidentielle» lettre l'informant que son gouvernement avait décidé, après consultation avec la France, que les
câbles allemands devrait être pleinement opérationnel à nouveau. Les deux câbles permettraient de relier l'Europe
au Canada via les Açores: un câble allant de la côte britannique (Porthcurno, Cornouailles) à la côte canadienne
de la Nouvelle-Écosse (Halifax); un second câble reliant la côte française (Brest) à la côte canadienne de TerreNeuve (S. Pierre). Le Portugal, par conséquent, pouvait récupérer une importante source de revenus, car les
autorités britanniques et françaises de toute évidence auraient à payer les taxes de transit préalablement convenus.
Le lendemain, une nouvelle lettre de l'ambassadeur britannique a ajouté une deuxième demande, en demandant
au gouvernement portugais de permettre à l’Eastern Telegraph d’utiliser les appareils télégraphiques et les câbles
en stock présents à la station-relais de Faial (Açores). Environ six mois plus tard, comme un signe de la
collaboration entre les alliés, le gouvernement portugais a autorisé l'utilisation des câbles et du matériel demandé
par «le Gouvernement de Sa Majesté qui était désireux que l'Eastern Telegraph Company à Faial devrait être
autorisé à desceller le câble ( ...) et de l'utiliser pour la communication avec le Royaume-Uni»[22]. Le 18 juillet
1917, le câble reliant la Grande-Bretagne au Canada était déjà opérationnel.
Pendant ce temps, contrairement au gouvernement britannique, les autorités françaises ont unilatéralement
détourné le second câble allemand à Brest et à partir de là au Canada, en utilisant le câble sans payer les taxes
télégraphiques dues au Portugal correspondant à quelques centaines de milliers de francs par an [23].
Les Etats-Unis d'Amérique dans la course
Pendant et après la Première Guerre mondiale l'utilisation des câbles allemands était une affaire très complexe. La
Grande-Bretagne et la France n'étaient pas les seuls à avoir des intérêts pour les câbles des Açores, les ÉtatsUnis d'Amérique revendiquèrent aussi leurs droits à utiliser sur un pied d'égalité le triangle stratégique de
l'Atlantique, et en particulier la station - relais des Açores. Pour les entrepreneurs américains et les hommes
d'affaires, la liaison des Açores était essentielle à leur agenda expansionniste, puisqu'elle leur permettait
d'atteindre les marchés d'Europe centrale, sans être sous la surveillance de leurs rivaux. L'importance du câble
des Açores est devenue encore plus évidente lorsque les conflits politiques en Irlande ont interrompu les
communications entre la côte irlandaise et les États-Unis, ce qui empêcha les Américains de joindre l'Europe.
27
L'atterrissement des câbles télégraphiques aux Açores était également important pour des raisons techniques. Les
vieux câbles transatlantiques américains qui avaient été construits sans points de relais étaient si lents qu'ils sont
devenus presque inutilisables. La construction de câbles sous-marins a prouvé que la longueur du câble ne doit
pas dépasser 2000 miles, afin d'assurer le volume et la vitesse requise par le trafic commercial transatlantique. Les
Açores sont indispensables pour le réseau américain du télégraphe.
Par conséquent, le gouvernement des États-Unis a décidé de mettre un terme à l'hégémonie britannique et s’est
activement engagé dans une bataille politique et diplomatique pour soutenir la recherche de compagnies de
télégraphe américaines pour des concessions européennes. En 1919, lorsque les compagnies américaines
Commercial Cable et Western Union Company ont demandé la permission au Portugal d’utiliser la station-relais
des Açores pour leurs nouveaux câbles, le New York Times a été particulièrement sarcastique en commentant sur
le retard des autorités portugaises à répondre. Ils ont ajouté que c’était tout un mystère que leurs « amis
républicains» [24] aient pris autant de temps pour donner une approbation officielle, et ont attiré l'attention sur les
liens qui doivent unir la fraternité républicaine contre la monarchie britannique.
La réponse portugaise a pris près de deux ans et demi. Pour les Américains c’était un signe évident de la position
dominante britannique sur le Portugal, et de «l'opposition des entreprises britanniques qui craignent la concurrence
américaine (...), mais le prestige américain se fait sentir »[25]. En fait, les États-Unis étaient très occupés à utiliser
leur ambassade à Lisbonne et à recevoir l'ambassadeur du Portugal à Washington afin de faire pression pour une
réponse positive qui arrive enfin en Avril 1922.
Les contrats établis avec les entreprises américaines ont fortement déplu au gouvernement britannique. Au nom
de la compagnie Europe & Açores, le diplomate britannique a demandé, en se basant uniquement sur la « relation
étroite et amicale » entre les deux nations que le débit des câbles proposés par les Compagnies Américaines
devrait être limité à leur trafic nord-américain ».[26] pour protéger l’acheminement du trafic européen vers
l’Amérique du Sud. Cette restriction était manifestement à l'encontre des intérêts des entreprises américaines. Elle
enfreint les règles traditionnelles des concessions télégraphiques, en introduisant une fois de plus, un élément de
nature politique. Le service de longue durée fourni par le Portugal au Télégraphe de l’Empire Britannique, en
collaboration avec le réseau de liens économiques, financiers et politiques entre les deux nations, a permis au
gouvernement britannique d'interférer dans les affaires intérieures portugaises et leurs décisions.
Dans sa première note au gouvernement de la dictature portugaise établie par un coup d'Etat militaire en 1926, [27]
les États-Unis ont exprimé leur ressentiment face à la façon dont les entreprises américaines avaient été traitées
par le Portugal entre 1919 et 1924, ce qui implique que, dans la mesure où le réseau mondial télégraphique était
concerné, les gouvernements républicains précédents étaient l’otage de l'influence britannique. Selon cette note
les entreprises américaines ont été contraintes de s'entendre sur les termes britanniques en raison de l'inaction
« du gouvernement portugais (...) en vue de cette situation que j'ai demandé (...) si Votre Excellence pensait-il
probablement qu'une licence d'atterrissement aux Açores sans entrave se verrait accorder à une société
américaine même si elle devrait s'appliquer pour une première fois ». [28]
Les préoccupations américaines concernant la souveraineté portugaise étaient, en fait, un prétexte pour faire valoir
ses propres intérêts nationaux dans le nouveau monde global. L'hégémonie britannique, largement incontestée
pendant près de deux siècles, est maintenant face à des adversaires très forts, non seulement les traditionnels,
comme la France et l'Allemagne, mais aussi les Etats-Unis d'Amérique nouvel arrivant: «la Grande-Bretagne (...)
doit céder aux exigences rationnelles des États-Unis et d'autres nations» [29]. Il est clair que ceux qui contrôlent
l'information contrôlent le monde. Dans ce contexte, le triangle stratégique Atlantique, l'un des éléments essentiels
du réseau transnational du télégraphe, devait être considéré comme une «zone franche», à la disposition de tous
les pays qui sont disposés à négocier avec le gouvernement portugais.
Câbles allemands et italiens vers les Etats-Unis
Outre les Britanniques, l'Allemand (Deutsch Atlantische Telegraphengesellschaft a réussi à obtenir une nouvelle
forme de concession de la part du gouvernement portugais), les Français (par le biais de la Commercial Cable) et
les Américains, un cinquième pays était prêt à entrer dans la compétition télégraphique: l'Italie. En Août 1923, au
cours du processus difficile de la négociation entre le Portugal et les compagnies télégraphiques Américaines
(sous la surveillance de la Grande-Bretagne), le gouvernement italien a informé son homologue portugais que les
difficultés soulevées par le Portugal pour l'atterrissement d'un câble dans les Açores, dans le cadre du projet de la
Western Union étaient intolérables. Les Italiens savaient déjà que le gouvernement britannique s'opposait au projet
américain, affirmant que ses intérêts seraient touchés. En outre, les Italiens voulaient aussi mettre en place leurs
propres liaisons de câbles, notamment entre l'Italie et l'Amérique du Sud. En Avril 1921, la société italienne
Italcable a demandé la permission pour l’atterrissement des câbles au Cap-Vert; comme d'habitude les
négociations n'ont pas été faciles et en Novembre 1923, le représentant d’Italcable est venu à Lisbonne pour tenter
de trouver un accord. Dans l'intervalle, Italcable a acheté les droits du câble Açores-Malaga-Italie à la société
Western Union Company. En Juillet 1925, la société italienne a essayé de construire la connexion entre les Açores
28
et le Cap-Vert qui avait déjà été accordée l'année précédente [30]. Ce câble devait encercler avec des câbles
italiens le triangle stratégique de l'Atlantique (Lisbonne-Açores-Cap-Vert), jusque-là exclusivement britanniques.
Cependant, au lieu du câble Lisbonne-Açores, le Portugal a donné son autorisation à un câble Italie-Açores afin
d'éviter que le triangle de l'Atlantique soit refermé avec des câbles italiens, et de cette façon pouvoir promouvoir le
chemin d’un trafic nouveau vers les Açores, maximisant ainsi les revenus au Trésor portugais.
Plus tard, Italcable a fait une nouvelle proposition pour construire un câble entre Lisbonne et l'Europe du Nord.
Cette fois, le gouvernement britannique a réagi violemment, se plaignant qu'il n'avait pas été informé, ni entendu à
ce sujet. En suivant les instructions directes de Chamberlain, une note de l'ambassade britannique à Lisbonne a
déclaré que "le Gouvernement de Sa Majesté se sentait lié à consigner leur regret que cette omission n’aurait dû
avoir lieu et ils pouvaient en toute confiance s'attendre à ce que le gouvernement portugais se conformera à
l'avenir, strictement à leur entreprise qu’ aucune concession ou d'autres installations dans les ports portugais de
l'Atlantique ne sera accordé à une puissance étrangère sans consultation préalable avec eux. "[31] Les termes
utilisés dans la présente note diplomatique sont très durs, montrant que le gouvernement britannique ne tolérera
aucune tentative Portugaise pour définir sa propre stratégie indépendante.
Le Portugal a-t-il été, un perdant ou un gagnant tout au long de cette période?
Le fait que tous les participants d'un réseau transnational technologique, tels que le télégraphe, peuvent profiter de
sa présence dans le réseau ne signifie pas que tous ont le même statut de négociation. Des hiérarchies
économiques et politiques ont étendu leur influence sur le monde technologique: un pays périphérique comme le
Portugal ne pouvait pas être à l'encontre des intérêts britanniques, il serait donc devenu un perdant ? En fait, il est
clair que la politique portugaise en matière de câbles télégraphiques a toujours été déterminée par les intérêts
britanniques.
Mais la domination du réseau des câbles britanniques dépendait de territoires étrangers et le Portugal était l'allié
presqu’idéal.
(i) la partie continentale portugaise a offert de bonnes conditions pour l’atterrissement des câbles télégraphiques;
(ii) le Portugal a eu deux archipels (Açores et Madère) dans l'Océan Atlantique, entre l'Europe et l'Amérique, avec
un excellent emplacement pour l'atterrissement des câbles intermédiaires;
(iii) le Portugal a eu un grand empire colonial africain, y compris les îles et les territoires dans les côtes Ouest et
Est de l'Afrique, qui sont également disponibles pour les câbles télégraphiques;
(iv) le Portugal était un pays de confiance, politiquement très stable;
(v) le Portugal avait besoin des investissements étrangers pour développer une politique d'améliorations
matérielles,
(vi) le Portugal ne peut pas négocier dans des conditions d'égalité avec la Grande-Bretagne.
En outre, le Portugal a profité de l'alliance avec la Grande-Bretagne en utilisant les ressources techniques fournies
par le réseau britannique de câbles télégraphiques pour gérer et contrôler son empire. En fait, le Portugal a profité
de son rôle d'hôte à différents niveaux:
(i) au niveau économique et financier, parce que le gouvernement portugais, s’est engagé dans une politique
d'améliorations matérielles, ne pas avoir à demander plus de prêts pour construire son propre réseau
télégraphique, au contraire, il a reçu un revenu considérable pour la possession d'infrastructures télégraphiques
qui avaient été construites sans frais;
(II) au niveau politique, parce que le réseau télégraphique a permis au Portugal de mettre en place des liaisons
vers toutes ses colonies, et donc d'affirmer son rôle en tant que nation coloniale, non seulement dans l'arène
africaine, mais aussi sur la scène européenne, d'ailleurs, de concert avec les chemins de fer le réseau
télégraphique a été l'un des outils les plus efficaces pour bâtir un pays moderne, à la fois sur le continent et dans
les colonies ;
(III) au niveau technique, parce qu'il y avait un transfert de technologie, non seulement concernant les appareils,
mais aussi en termes d'expertise à la fois à un niveau intermédiaire et un niveau supérieur (ingénieurs).
Ainsi, sous cette apparente "surface plane" de la domination britannique, nous trouvons une réalité beaucoup plus
riche. À première vue, le Portugal peut sembler un perdant, mais derrière la servilité il y avait un programme
politique caché, crucial pour la stratégie portugaise de développement. Dans ce contexte, un nouveau type d'un
scénario gagnant-perdant peut être envisagé: en organisant les câbles et les plans britanniques pour contrôler le
29
télégraphe, le Portugal a réussi à consolider sa position en tant que partenaire dans le réseau de câbles
transnationaux et d'éviter ainsi l'approfondissement de son statut périphérique dans l'arène européenne.
Notes :
[*] Centre d'Histoire et de Philosophie des Sciences et Technologies, Université Nouvelle de Lisbonne.
[1] Voir Daniel Headrick, L'arme invisible (New York et Oxford: Oxford University Press, 1991);
Pascal Griset, Les Télécommunications Transatlantiques de la France (Paris: Éditions Rive Droite, 1996)
Peter Hugill, Global Communications depuis 1844 (Baltimore et Londres: The Johns Hopkins University Press,
1999).
[2] Des messages télégraphiques ont été transmis entre deux points par une impulsion électrique qui a diminué le
long du câble. L'effet d'atténuation du courant électrique oblige à l’amplification de l'impulsion électrique sous l'eau.
Le message doit donc être retransmis sur le chemin vers sa destination et les câbles ont dû atterrir à des fins d’être
relayés. Voir, Ken Beauchamp, histoire de la télégraphie (Londres: L'Institution of Electrical Engineers, 2001), 160161.
[3] Erik van der Vleuten e Arne Kaijser, "Networking Europe», de l'histoire et de la technologie, 21 (2005): 21-48,
34.
[4] Aharon Kellerman établis que le réseau de câbles sous-marins a contribué à accroître l'écart entre les centres
et les périphéries à travers ce qu'il appelle l'effet paradoxal centrifuge / centripète et la décentralisation /
centralisation des technologies de télécommunication.
Aharon Kellerman, Télécommunications et Géographie (Londres et New York: Belhaven Press, 1993), 30-33.
[5] George Canning a déclaré que «le Portugal était, est encore et sera toujours le meilleur support pour la
Grande-Bretagne en Europe continentale» dans le rapport rédigé par l'ambassadeur portugais à Londres, le 16
Août 1860, Lisbonne,
Arquivo Histórico Ministério Negócios Estrangeiros (historique Archives du ministère des Affaires étrangères, ciaprès cité comme AHMNE) 2. º piso, A2, M2, de Lisbonne.
[6] Headrick, arme invisible, 24.
[7] Diário do Governo, 189, 25 Août 1869.
[8] Les adhérents à la convention ont été contraints de garantir des conditions techniques et organisationnelles
pour un service rapide et non-interrompu (articles 1, 2 et 3), qui a été reconnu comme un droit public universel
(article 4).
[9] Rapport de l'ingénieur PB Cabral, AHFPC, Lisbonne, Document 50, dans les archives n º 3.7.2/Pr 5.93/M2,
Submarinos Cabos (1886-1892). Contratos de Concessao.
[10] Probablement en raison des difficultés de développement du réseau espagnol, dont la densité est 3,5 fois
inférieure à la densité portugaise. Voir A. Calvo, «Los Inicios De Las Telecomunicaciones En España: El
Telégrafo", Revista de Historia Económica, 3 (2001), 613-635, 617.
[11] Headrick, arme invisible, 40. "(...) La route des Indes (...) attrapaint non seulement le trafic Indien, mais aussi
celui de l'Australie, de l'Asie du Sud, et de certaines parties de l'Extrême-Orient."
[12] Diário do Governo, 114, 22 mai 1872.
[13] Diário do Governo, 261, 18 Novembre 1872.
[14] L'une des zones vulnérables était de la partie sud du Congo considérée par le gouvernement portugais
comme territoire national, mais également réclamé par la Grande-Bretagne et la Belgique. En 1884, les Portugais
et les gouvernements britanniques ont signé un traité de paix connu sous le nom de traité du Congo. Toutefois, les
deux hommes d'affaires portugais et britanniques ont désapprouvé le traité et le roi de Belgique, Léopold II, y était
également opposés, aussi il n'a pas été mis en pratique.
30
[15] L'ultimatum de Janvier 1890 du gouvernement britannique pour le retrait des troupes portugaises de la région
entre l'Angola et le Mozambique revendiquée par les deux pays.
[16] Submarinos Cabos (1886-1892). Contratos de ConcessãoAHFPC, Lisbonne, Archives, n º 5.93/M2 3.7.1/Pr.
[17] Submarinos Cabos (1894-1899). Contratos de Concessao, AHFPC, Lisbonne, Archives n. º 11.16/M2
3.7.1/Pr ...
[18] Submarinos Cabos (1894-1899). Contratos de Concessao, AHFPC, Lisbonne, Archives n º 11.16/M2 3.7.1/Pr.
[19] Ibidem.
[20] Denison-Pender dans une lettre adressée à Pinto Madeira, directeur général de la Poste et des Télégraphes
du Portugal, en date du 25 Juillet, 1899.
Submarinos Cabos (1893-1910). Contratos de Concessao, AHFPC, Lisbonne 3.7.1. Pr. 9.42/M2.
[21] Headrick, arme invisible, 99.
[22] 3. º piso, A1, M28, AHMNE, Lisbonne.
[23] Selon l'estimation de l'administration portugaise des Postes et Télégraphes, en 3. º piso, A10, M101, AHMNE,
Lisbonne.
[24] «Câbles américains", New York Times, 17 août 1922.
[25] «Câbles américains".
26] Note datée de Juin 1922, de Lancelot Carnegie, en 3. º piso, A10, M101, AHMNE, Lisbonne.
[[27] Le coup d'Etat militaire ouvre une période dictatoriale qui mènera à un régime autoritaire de l'Estado Novo
(État Nouveau), une dictature qui a duré jusqu'en 1974.
[28] 12 Avril 1927, 3. º piso, A10, M101, AHMNE, Lisbonne.
[29] "met en garde contre la mainmise britannique des câbles. Walters S. Rogers insiste pour que les Açores aient
des stations d'atterrissement gratuites", le New York Times, 16 Août, 1922.
[30] Diário do Governo, 10 Avril 1924.
[31] Note du 1er Septembre 1927, de Grant Watson, 3. º piso, A10, M132, Pr. º 296/21 N, AHMNE, Lisbonne.
31
SAO TOME & PRINCIPE A L’ERE DU TELEGRAPHE
Collationné par Francis Tressières
(Source : http://www.ggcg.st/telecomm.htm )
Un certain nombre de scientifiques qui ont travaillé sur l'histoire
naturelle de São Tomé et Príncipe ont reçu l'aide du personnel
des stations de télégraphe grâce aux câbles sous-marins qui
reliaient ces deux îles au monde entier à partir de la fin du 19e
siècle. Cette page n’illustre pas la biodiversité des îles mais offre
un peu de l'histoire locale.
En 1885 et 1886, la Western African Telegraph Company avait
câblé l’Afrique de l’Ouest avant d’être absorbée en 1890 par la
compagnie britannique dominante, l'Eastern Telegraph
Company, elle même devenant plus tard, en 1934, l’actuelle
compagnie Cable & Wireless. L' Eastern Telegraph Company
employait un personnel recruté en provenance d'Europe et des
colonies britanniques d'Afrique occidentale. Deux photos
montrant le personnel des stations de télégraphe en 1904 révèlent que la station de São Tomé avait cinq employés
européens et neuf employés africains alors que la station de Príncipe était occupée par deux employés africains, M.
Bull et M. Johnson. On se demande comment les propriétaires et les administrateurs portugais, ainsi que les
travailleurs contractuels africains dans les plantations, considéraient ces africains parlant anglais et relativement
instruits, à un moment où le Portugal était en plus critiqué pour ce qui équivalait à des travaux forcés dans ses
colonies.
Figure 1 La station télégraphique de Sao-Tome (Archives Cables & Wireless - Porthcurno)
32
Figure 2 - La Direction de l’Eastern Telegraph Company à Sao-Tome - Mars 1904
(Archives de Cables & Wireless – Porthcurno)
Figure 3 - Mr Bull et M Johnson de l'Eastern Telegraph Company Principe - Mars 1904
(Archives de Wable & Wireless – Porthcurno)
Le 18 Janvier 1909, le Lieutenant Boyd Alexander est devenu un célèbre explorateur et ornithologue ayant déjà
effectué une expédition du Niger jusqu’au Nil. Il arrive alors à São Tomé, qui sera sa dernière expédition car il fut
plus tard assassiné en Avril 1910 dans l'est du Tchad) ; São Tomé fut donc le point de départ de sa dernière
expédition. Dès son arrivée, il inspecté l'hôtel local, et se précipite pour rencontrer M. Durrant, le chef de la station
de télégraphe, qui habite à dix minutes de la ville. Il raconte :
« J'ai trouvé en lui un bon Samaritain; il a offert de m'héberger, et m’a trouvé un lieu pour stocker mes biens. Cela
m'a fait beaucoup plaisir car j'ai eu peur de devoir stocker mes affaires dans les locaux de la douane comme me le
suggérait le gouverneur. Cette dernière disposition m’aurait causé des ennuis sans fin, chaque fois que j’aurai
voulu partir ".
Il décrit son logement dans son journal pour la journée du 12 février. Après avoir décliné l'offre d'hébergement de
la station de câble, on suppose en raison de la taille de son parti, qui se composait de divers groupes ethniques
d'Afrique occidentale, il déclare :
« J'ai fait mon campement en face de la station de télégraphe, pratiquement sur la rive et j’ai pensé que c'était
mieux ainsi. Quand on a un grand campement, il est préférable de l'isoler. Le surintendant en chef, M Durrant a été
très gentil en insistant toujours pour déjeuner et diner avec lui. " Son campement se compose de plusieurs tentes
de style ancien et une communauté de vingt-trois Hausa et assistants Mendi. Ils ont du faire une très forte
impression sur la population locale !
33
Il est à Principe à la fin de Février et a sans doute pu profiter de l'hospitalité de la station de câble, après avoir
rencontré plus de difficultés avec le responsable local des douanes, qui avait laissé toutes ses boîtes de
cartouches sous la pluie.
« Une grande partie de mes affaires, dont j'aurai besoin quand je partirai, ont été laissées à la station du
Télégraphe. Le Directeur, M. Hurdas, qui reste ici en inspection avant de se rendre à Sao Thomé, a été très gentil
et m'a prêté un magasin pour mes affaires. C'est un ancien "africain". Il sort tous les après-midi pour me voir à
mon campement.
Figure 4 - La station télégraphique de Principe (1904)
(Archives Cables & Wireless- Porthcurno)
En 1912 et 1913 JRB Tomlin et LJ Shackleford ont publié trois articles dans le Journal de Conchyliologie décrivant
les espèces de mollusques marins du genre Marginella et Mucronalia de São Tomé. Ceux-ci avaient été recueillis
par le surintendant de la station de câble à São Tomé, du moment, M. JW Chalmers (qui a probablement remplacé
M. Durrant). Celui-ci a eu l'honneur d'avoir la Marginella chalmersii nommée d'après son nom. Il a également
recueilli les holotypes de plusieurs autres mollusques marins décrits par Tomlin et Shackleford.
En 1932, Arthur Exell, auteur du Catalogue des plantes vasculaires de Sao. Tomé (avec Príncipe et Annobon) et
W.H.T.Tams , entomologiste au British Museum est arrivé à São Tomé et Príncipe et a ensuite visité les autres îles
du golfe de Guinée. Tams a écrit un compte rendu de leur expédition qui a été publiée en 1933/34 dans le
magazine British Museum d'Histoire Naturelle. À leur arrivée, Tams écrit ...
"Après une visite à l'agent de la compagnie maritime, nous avons loué une voiture et conduit jusqu’à à la station de
câble pour faire la connaissance de M. LP Cauvin, le surintendant, avec qui nous avons eu une introduction. A
partir de ce moment, pour ce qui concerne les îles portugaises, les difficultés qui auraient pu nous attendre ont
disparu dans les airs, et il sera difficile que nous puissions exprimer de façon adéquate notre gratitude au seul
Anglais - ou plutôt irlandais, si ce n'est pas trop irlandais - à São Tomé, au moment de notre visite. M. Cauvin n'a
rien épargné dans ses efforts en notre nom, et je ne peux qu'exprimer l'espoir que tout visiteur anglais à São Tomé
dans l'avenir trouvera dans son successeur un autre ami. Jusqu'à ce que nous ayons finalement quitté les îles
portugaises de Fernando Po, nous étions toujours sûrs, non seulement d'un accueil chaleureux à la Submarino
Cabo, mais tout aussi certains de toutes les facilités pour le stockage, l'emballage et le déballage et la manutention
de nos bagages, ou l'organisation de nos mouvements futurs
.
M. Cauvin sans délai nous a présenté à Son Excellence le gouverneur de São Tomé-et-Principe, qui à la fois a
donné des instructions pour toutes les formalités douanières nécessaires, et a offert de nous aider davantage en
fonction de ce qui était en son pouvoir. "
De toute évidence, le surintendant de la station télégraphique a bénéficié d'une certaine considération des
autorités portugaises de la colonie. MM Tams et Exell étaient certainement redevable à M Cauvin. M Exell
reconnaît leur aide dans l'Introduction au catalogue des plantes vasculaires de S. Tomé, Príncipe et Annobon qu’il
a publié dix ans plus tard. La première photo du récit de voyage de M Tams représente le centre du télégraphe
comme on l'appelait alors.
Au début de Décembre 1932, nous avons réussi à s'évader à Principe, où nous avons reçu un accueil merveilleux.
M. Cauvin avait préparé et montré la voie à suivre au personnel local. La station télégraphique de Príncipe était
beaucoup plus petite et comptait deux employés africains, MM J. Cole et Forster FE Wright.
« Le fait qu'il n'y avait pas d’Anglais sur Principe n’a pas eu d’importance car les deux Africains en charge de la
station de câble parlaient l'anglais et le portugais si parfaitement qu'ils étaient capables de nous jouer des bons
34
tours. Nous avons toujours eu un accueil chaleureux de leur part toutes les fois que nous y sommes allés et nous
nous rappelons leur gentillesse avec plaisir et gratitude ».
Tams et Exell quittent Príncipe dans la nuit du 4 Janvier 1933, après avoir dîné avec Cole et Wright. Ils sont restés
six jours à São Tomé avant de dire au revoir à M Cauvin et de quitter à contre cœur une île vraiment magnifique où
ils passèrent tant d'heures heureuses dans leur entreprise.
AUJOURD'HUI
La station de câble à São Tomé a été démolie en 1985 pour faire place à l'Hôtel Miramar, un hôtel au standard
international pour le pays.
Figure 5 - Résidence de l'Eastern Telegraph Co à Sao Tome
Les résidences du personnel de la station de câble sont maintenant des maisons privées le long de la rue Marginal
entre l'hôtel et le fort Avenida. L'ancienne station du télégraphe de Principe est maintenant un magasin juste en
bas de la rue de la Romar Pensão sur la Guinée Rua. Pour en savoir plus sur la pose du câble sous-marin entre
São Tomé et Príncipe dans les années 1880, on peut consulter sur le site …. Pour en savoir plus sur l'histoire de
Cable and Wireless et ses activités sous-marines, voir le site http://www.cwhistory.com http://www.atlanticcable.com/.
Les citations du journal d’Alexander Boyd proviennent de l’ouvrage Last Journey of Boyd Alexander, Edwin, Arnold.
Edition de 1912 à Londres.Vous trouvez plus d’informations sur la visite d'Alexandre Boyd dans le golfe de Guinée
et ses îles dans les pages Boyd Alexander.
Source : http://www.ggcg.st/telecomm.htm
35
POSE DU CABLE SEA-ME-WE 3 – S3 (AUSTRALIE- INDONESIE)
Cdt Denis Garry
A la fin du siècle dernier, le Vercors, engagé dans de vastes et complexes chantiers d’installation de câbles, se
voyait concurrencé par de nouveaux navires modernes, puissants et capables d’opérer en charrue sans assistance
de remorqueurs. Même en interne, l’arrivée du Fresnel avec ses performances exceptionnelles commençait à faire
de l’ombre à la légendaire old lady. Les irréductibles du Vercors avaient plus que jamais à cœur de prouver que
leur fier vaisseau était en mesure de relever le défi. J’ai eu le privilège de mettre mon sac à bord à cette époque. Si
le bateau était en tout point remarquable à la Mer et efficace en opération, ce n’est pas uniquement en raison de
ses qualités intrinsèques mais aussi grâce au professionnalisme et au dévouement des hommes qui le menaient.
L’occasion m’est donnée de leur rendre hommage à travers cet épisode Austral de nos aventures.
Fair breeze
Nous appareillons de l’usine Alcatel de Botany bay après le chargement du segment Perth/Djakarta du Sea Me
We 3 entre Noël 1998 et le nouvel an, destination la côte Ouest de l’Australie, soit environ une semaine de
traversée. Les maxis voiliers engagés dans la course Sydney/Hobart partis 3 jours avant nous sont à bon port en
Tasmanie. En revanche, le milieu de la flotte et en particulier les retardataires ont essuyé une violente tempête
dans le détroit de Bass qui se trouve sur notre route. Les rescues ont été mis à contribution. Sur 115 engagés 44
arriveront à bon port. On déplore 6 disparus. Rien de tel quand nous franchissons le détroit par grand beau temps
et changeons d’Océan. La température de l’eau de Mer chute considérablement dans la grande baie Australienne.
On y croise de nombreux mammifères marins et les grands oiseaux des Mers du Sud. Nous doublons le Cap
Leeuwin, puis route nord sur Perth pour récupérer les clients, effectuer les formalités de clearance et assurer la
logistique pour la campagne. Nos deux remorqueurs d’assistance en charrue sont au rendez vous. Attelage
hétéroclite entre un supply long et peu manœuvrant venant de Port Moresby en Papouasie - Nouvelle Guinée :
le Southern Salvor et un vrai remorqueur puissant basé à Hobart en Tasmanie, le Sirius Cove .
Le premier a pour patron un pur british, totalement décalé prénommé Jock . Il porte la tenue coloniale blanche
(chemisette, bermuda, et pompes de circonstance) et nous explique en substance qu’il n’a rien demandé, qu’il était
aussi bien là bas dans les palétuviers à soigner ses crises de palud à grand renfort de Gin Bombay. Il embarque
36
d’ordinaire des tuyaux, quelques spares et des caisses de Foster et les amène au large pour ceux qui bossent. Il
n’entend pas grand-chose au remorquage et a des doutes quant au rendement de son canot en haute Mer. Son
expérience réside plus dans les travaux de renflouement. A ce sujet, on verra par la suite qu’il ne manque pas de
suite dans les idées … De plus, il ne pourra pas compter sur son équipage de cannibales qui passent leur temps
à affuter les machettes pour mieux sacrifier la remorque si les choses tournent mal. Remorque qui elle-même n’est
pas sans inquiéter notre bosco qui revient d’une visite à bord du Southern Salvor . Pour la cuisine il pourra
s’appuyer sur la compétence de sa Chief Cook quand elle fera surface, une aborigène d’un quintal qui prend
quelques libertés par rapport à la préséance. Sa coquetterie, son raffinement : un piercing au visage fait au moyen
d’un hameçon de long liner qui dissuade de lui faire la bise. En attendant elle saigne un marsupial pour en faire du
boudin et réserve les viscères pour son python qui tient lieu de mascotte à bord
Kevin est le patron du Sirius Cove. Natif du comté du Kerry en Irlande et lointain descendant de Spencer Tracy
dont il a le regard bleu profond qui inspire le respect, il en a eu marre des navettes entre la côte et les iles où il
s’occupait du transfert des troupeaux de moutons. Il a saisi sa chance et est parti à l’autre bout du monde en
Tasmanie pour se faire enrôler sur le ravitailleur des terres Australes Néo Zed . Vaillant à la Mer, il s’est distingué,
alors on lui a rapidement confié le destin d’un remorqueur. L’homme est râblé avec des pattes arquées, tel un
jockey, qui doivent lui procurer de l’assise quand le plan d’eau est de mauvaise humeur. En parfaite harmonie avec
le petit bouledogue qu’il manœuvre. Il porte la casquette de fermier et a un accent épouvantable dont il faudra
s’accommoder en VHF. Il a sélectionné son équipage pour pouvoir dormir en paix. Son bateau est propre, le
gréement sérieux. Un choix s’impose: le solide aux avants poste, à savoir le Sirius en remorqueur avant et la
brêle à l’arrière. Il faut juste savoir où ce dernier sera le moins pénalisant pour nous. Des essais à blanc de
remorquage valident la décision. Le Salvor va sur zone de travaux pour y placer deux coffres sur lesquels nous
nous amarrerons le temps de réaliser l’épissure initiale, l’atterrissement ayant été préalablement envoyé par une
barge. Pour nous présenter, nous suivons avec précision le tracé de pose retenu qui emprunte des passes dans la
barrière corallienne. Pas question de dévier du corridor au risque d’endommager la carène, les sondeurs sont
surveillés de près.
Durant la première nuit,
sous l’effet du vent de travers qui s’est renforcé,
Southern Salvor
il nous faut abandonner en urgence en sacrifiant
l’épissure initiale en cours car nous traînons les
coffres. Le lendemain, non seulement nous nous
amarrons sur les coffres mais en plus nous
crochons les remorqueurs sur Bâbord en les
gardant slack. Une fois le joint terminé, nous
attendons une petite molle de l’alizé sur le coup
de 4h du matin au moment du lever de lune,
selon les observations avisées du timonier.
L’ensouillage se déroule à petite vitesse durant
les 48 premières heures en raison de la nature
du fond plutôt rugueuse. Si le vent est constant
en direction et assez stable en force, Sud-SudOuest force 6, fair breeze comme l’annoncent
immuablement les bulletins locaux, en revanche la Mer est praticable car la houle ne peut pas encore trop
exprimer tout son potentiel du fait des nombreux hauts fonds qui nous entourent. Mais il est bien clair que la tâche
des remorqueurs va changer radicalement quand nous serons en eaux libres ; là où c’est l’Océan qui décide. En
attendant, à chaque changement de route il faut batailler ferme avec le Salvor pour le recaler perpendiculairement
à nous, les officiers de quart s’arrachent les cheveux car ils ont grand peine à maintenir une vitesse régulière.
Tantôt il nous tire en avant quand il nous dépasse, tantôt nous le remorquons quand il se laisse embarquer. Son
point de traction est très mal adapté et le handicap pour modifier son cap, impossible de s’appuyer sur la remorque.
Il lui faut d’abord la mollir pour prétendre venir en cap. Durant les heures de quart de jour nous surveillons
régulièrement aux jumelles l’état des remorques et en particulier les connexions entre les différents éléments pour
prévenir de tout incident.
37
e
Au quatrième jour, la sacrosainte partie de contrée de 18h entre le Chef Mec /Cdt et le Chef de Mission /son
Adjoint est interrompue au soulagement de ces derniers qui auront pour l’occasion échappé à leur quotidienne
humiliation. Le capot pique attendra car là-haut ça se corse. La remorque du Salvor s’est rompue au niveau de
son plat bord, il nous faut promptement
l’embraquer. C’est impératif car l’hélice bâbord
Sirius Cove
et le transversal arrière sont condamnés tant
que l’aussière traîne le long de la coque. La
barre est mise en manuelle 15° à droite pour
faire chasser le cul de façon à compenser
l’absence du remorqueur à l'Arrière. Tout l’effort
de couple généré ainsi se reporte sur la
remorque du Sirius Cove qui doit augmenter sa
puissance en conséquence. Ce n’est pas une
situation tenable sur le long terme car la
remorque du Cove se raidit aux coups de roulis
et l’élasticité de son spring est mise à rude
épreuve. Mais nous pouvons poursuivre la pose.
Compte tenu de l’état général de la remorque
du Salvor, il lui est demandé d’en gréer une autre au plus vite. Bien sûr il n’en a pas en rechange, nous lui
proposons de lui en passer une. Vers minuit le Salvor se présente sur notre tribord avant sous le vent sous la grue.
Nous avons préparé une palanquée avec un croc à déclenchement pour pouvoir libérer le Salvor le plus
rapidement possible. Il lui faut pas mal s’approcher car la flèche de notre grue est limitée. Jock n’est pas rassuré
à l’idée de cette manœuvre nocturne, d’autant que la houle est au rendez-vous. Il finit par se positionner tant bien
que mal pour l’approche et cule vers la position convenue.
Alors que le colis est sur le point d’arriver sur le pont du supply, le Salvor cule brusquement et sur un coup de
roulis du Vercors, ce dernier vient heurter le pavois du Salvor qui s’écarte immédiatement. La manœuvre a échoué
et sera reportée au jour selon une autre stratégie qui reste à définir. « Sorry I didn’t want to go so much astern »
said le perfide Jock non sans humour, ce qui se traduit dans notre langage maritime ainsi : « désolé je ne voulais
pas tant culer ». Il ne croyait pas si bien dire car si le Salvor a tout juste une bosse, une de plus, il nous a gratifiés
par contre d’un trou pas prévu sur les plans des designers des chantiers du Havre. Il nous a pris sur un point
anguleux de sa lisse et ouvert une estafilade d’environ 10 cm de long pour 1 de large ; bien heureusement audessus de la flottaison, au niveau du shelter deck qui abrite les puits à filins. Non seulement il faut se battre contre
le vent et la houle, mais il faut de plus subir les outrages du Grand Breton qui comme chacun sait s’efforce depuis
la nuit des temps de nous compliquer l’existence maritime. Désolé pour la digression, mais l’occasion est trop
belle pour régler de vieux comptes. Qu’à cela ne tienne, nous pensons la plaie immédiatement à grand renfort de
cordons de soudure. Pendant ce temps nous poursuivons la pose avec le seul Sirius Cove à nous épauler. Au
matin, méfiance oblige, nous procédons tout autrement : cette fois le Salvor se présente en route à petite vitesse
sous notre vent par tribord.
Au passage nous lui envoyons une touline au bout de laquelle nous avons connecté cent mètres de filin léger type
cablette d’atterrissement, puis vient la remorque qui passera par notre davier avant. Nous choquons à la demande
à mesure que le Salvor s’éloigne dans l’axe. Successful cette fois. Il lui faut environ une demi-journée pour gréer
l’ensemble, le temps de digérer la daube de leur catcheuse punk, et c’est seulement en fin d’après-midi que la
situation est à nouveau rétablie. Il reste 2 jours de charrue mais la remorque du Sirius Cove a souffert pendant la
période où il a travaillé seul et l’épissure entre le spring et la remorque principale présente des torons déformés. Le
jour suivant, ce qui devait se produire finit par arriver : la remorque du Sirius Cove se rompt. Damned, cette fois
l’affaire est plus sérieuse, il faut sans délai prendre la station. Le vent venant 1 quart sur l’arrière du travers, on
choisit la solution d’abattre en grand pour stabiliser le Vercors pratiquement vent arrière en le maintenant à
l’intérieur du corridor du survey
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Le programme de pose de Sea-Me-We 3 fût assurément la grosse affaire des câbliers français
en cette fin de siècle. 3 navires y participèrent le Vercors, le Fresnel et le Raymond Croze
mais également les navires italien (Teliri) et émirati. Rappelons que le chiffre d’affaire des
poses des navires de FCR (70 millions de $) excédait la participation de France Télécom dans
le projet. FT assurait la direction du comité directeur d’un montant de 1,3 milliard de
$ (Raynald Leconte), FTRSI les programmes de rétablissement et FCR la facturation du
système. Une belle affaire pour la France !!
Les ordres fusent dans l’UHF : récupérer au plus vite le bout de remorque du Cove qui traîne le long du bord ; le
transversal avant est condamné pendant ce temps, larguer le Salvor dès que sa remorque sera molle, venir en
cap sur la droite mais pas trop vite tant que le Salvor n’est pas largué, raccourcir l’ombilical charrue dont la partie
flottée pourrait finir dans nos hélices de propulsion qui devront battre arrière pour tenir la station. Tout s’enchaîne
idéalement ou presque ; la seule vraie difficulté à surmonter est le largage du Salvor. Ce dernier s’est laissé
embarquer et vient de plus en plus sur notre arrière à mesure que nous abattons. Il n’arrive pas à donner du mou
dans sa remorque qui est tendue à l’extrême. Le maître de manœuvre parvient néanmoins à déclencher le croc
pélican à la masse. Sous l’effet, la remorque se libère dans une gerbe d’étincelles au passage du chaumard et un
maillon de chaîne relié au croc lui revient sur sa chaussure de sécurité qui s’en trouve fendue. Aucun dommage à
l’homme qui a démontré beaucoup de bravoure ce jour-là .La manœuvre peut reprendre et le Vercors finit par se
trouver en position d’équilibre en station sans avarie charrue ni câble. On peut vraiment s’auto-congratuler sur le
Vercors car tant l’équipage que la mission ont parfaitement réagi devant cette situation d’urgence. Atelier épissure
sur le Sirius Cove pour réparer le gréement. Le lendemain nous reprenons les grandes manœuvres, finissons
l’ensouillage et démobilisons les remorqueurs qui font route sur Perth. L’un deux embarque notre équipe charrue.
Dix jours de pose classique s’enchaînent à suivre pour nous mener sur la position de la queue dragable laissée par
les collègues du Fresnel qui ont posé une section de Jakarta vers l’Océan Indien. Ils nous ont laissé une bouteille
et un message. Une fois la finale mise à l’eau, nous mettons en route sur Singapour ; contrat rempli, zéro défaut
malgré l’adversité.
Fest noz plage arrière, sangliers rotis et show Alan Stivell par notre incontournable barde de la ville close. Les
pirates seraient bien inspirés d’éviter de croiser notre sillage…
39
L'Odyssée du CHAMAREL (EX VERCORS)
Par JL Bricout
Mercredi 8 août.
La dépêche tombe, le Chamarel est en feu au large de la Namibie.
Alors que le Chamarel revenait d’une opération de maintenance sur le câble Sat3-Safe un incendie s’est déclaré
sur le navire en fin d’après-midi, au large de la côte namibienne, dans l’Océan Atlantique,
L'équipage après avoir lutté durement pour enrayer l'incendie, la décision a été prise d’abandonner le navire vers
20h (heure locale).
Les 56 membres d'équipages ont été repêchés sains et sauf par un navire de pêche, aucun blessés n'est a
déclarer. A l'exception de quelques officiers, qui sont restés en Namibie pour aider aux opérations en cours,
l'équipage à été rapatrié
40
La Namibie
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L'origine du sinistre n’a pas encore été établie, mais des investigations seront menées dès que le navire aura été
remorqué jusqu’au port de Walvis Bay.
Thierry Bonhomme, directeur exécutif en charge des réseaux et opérateurs et de la R&D d’Orange, à par ailleurs
indiqué qu’il s’agissait d’un incident très grave, remerciant « vivement les membres de l’équipage pour le courage
dont ils ont fait preuve pour gérer la situation ».
Le 21 août 2012
L'opération de sauvetage du navire câblier, Chamarel, qui s'est échoué à la suite d'un incendie le 8 Août, est
actuellement en cours.
Le navire se trouve actuellement échoué sur un banc de sable à 30km de Henties Bay en Namibie. Le groupe et
les experts en charge de l'opération de sauvetage tentent de minimiser l'impact environnemental de l'incident.
Le ministère Namibien des Transports a demandé que France Télécom-Orange enlève tous les polluants du navire
et de les déplacer à un endroit où ils ne causeraient aucun danger pour l'environnement. En accord avec les
compagnies d'assurance, une entreprise spécialisée, Smit Salvage, a été nommé pour superviser ces opérations.
Après une évaluation initiale des dommages au navire, le risque de pollution est minime et peut être contrôlé. Les
soutes à combustible, qui sont en grande partie intacts, contiennent actuellement moins d'un quart de la capacité
totale du navire de gas-oil marin, la plupart du carburant ayant déjà été utilisé lors de l'opération de maintenance
avant l'incendie ou brûlé lors de l'incendie.
Bien que la date exacte reste soumise aux conditions météorologiques, les travaux sont déjà en cours pour
pomper le carburant restant dans les réservoirs mobiles à terre, qui seront ensuite enlevés par l'intermédiaire d'un
chemin temporaire. Comme précaution supplémentaire, un barrage flottant a également été mis en place autour du
navire pour contenir tout déversement.
À l'heure actuelle, les mesures prises par les autorités namibiennes ont montré qu'il n'y a pas de pollution
significative de l'eau.
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Drossé à la cote par une mer démontée
Le 14/08/2012 Début de reconnaissance des dégâts
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44
Le 22 08 2012
Les travaux de pompage ont commencé, mis en place des va et vient entre la plage et le navire
Le 23 08 2012
Les travaux continue, ont peu apercevoir qu'une zone de pose d'hélicoptère a été faite sur la passerelle supérieure
Pour pouvoir la réaliser, l'entreprise chargée des travaux a coupé les mats, les antennes ainsi que les rambardes
comme ont peu le voir sur les photos suivantes et notamment la vue aérienne
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A la nuit tombée, les travaux continuent
Le 31 08 2012
Le mauvais temps oblige l'arrêt des travaux
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Le 11 09 2012
La vidange des cuves à Gas-oil et à huile est terminée, la démobilisation du chantier est terminée, il reste à
attendre les résultats de l'appel d'offre pour le dèsenflouage et le remorquage de l'épave
Au dernières nouvelles parues sur le net, il semblerait que le Chamarel ne soit pas d'ésenflouer ni remorqué, mais
découpé sur place
Quel triste fin pour un navire qui fut la fierté de notre flotte et qui servi d'emblème dans de nombreux support de
publicité et plaquette d'information.
Jean Louis Bricout
Photos extraites du site : http://www.flyafrica.info/forums
http://www.facebook.com/walvisbaydiving
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Quelques photos du Vercors (nostalgie quand tu nous tiens)
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Photo souvenir
Quelques uns se reconnaitront certainement
Finale de SMW 3
Vercors en Chine par G Le Manac'h
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QUELQUES NEWS LUES DANS LA PRESSE
Redaction
NDLR – Nous avons relevé trois dépêches de presse qui montre les difficultés de la presse.
On peut noter que l’incendie du Vercors/Chamarel est survenu le jour de la signature du contrat de
construction du nouveau navire. FT Marine n’avait jamais communiqué sur la construction d’un navire
destiné à remplacer le Chamarel au Cap.
Par ailleurs Alcatel enchaîne les plans sociaux. La compagnie ne sait comment éponger une dette qui s’est
épanouie à la suite de la fusion d’Alcatel et Lucent. Vendre sa division sous-marine est une solution à
court terme qui s’apparente à la vente des bijoux. Cette solution n’est pas la meilleure à terme pour
conserver une technologie européenne qui est bien positionnée dans le monde entier grâce à des produits
de qualité.
Nous vous invitons à lire périodiquement le site internet de l’association qui relève toutes les nouvelles qui
paraissent digne d’intérêt. http://www.cablesm.fr/
LE NC LEON THEVENIN AU CAP (Le Marin)
Le repositionnement par France Télécom Marine du navire câblier Léon Thévenin au Cap va se traduire par une
réduction du nombre de marins français embarqués à bord. De 19, il va passer à 12. Le personnel malgache du
Léon Thévenin sera également pour partie remplacé. C'est ce qu'indique le syndicat CFDT, tout en précisant qu'il
s'agit d'un redéploiement d'effectifs et que l'emploi français au sein de France Télécom Marine est globalement
"préservé".
Le repositionnement du Léon Thévenin depuis le 12 septembre au Cap est intervenu suite à la perte, au mois
d'août, du Chamarel, opéré par Chamarel Marine Services, filiale d'Orange, qui n'embarquait que deux officiers
français (le commandant et le chef mécanicien), l'équipage étant formé de marins sud-africains fournis par la
société de manning Smit. Ce repositionnement permet d'honorer le contrat pris par Chamarel Marine Services
mais il entraîne l'obligation d'embarquer des marins sud-africains.
"Il s'agit d'une demande du client afin de conserver les compétences acquises par le personnel sudafricain, précise la direction de France Télécom Marine. Le Léon Thévenin reste sous pavillon français." La
nouvelle organisation du travail sera effective le 1er janvier 2013.
Selon la CFDT, ces dispositions feront l'objet d'un accord dérogatoire temporaire qui sera soumis aux
organisations syndicales et à l'inspection du travail. La CFDT souligne que la direction de France Télécom Marine
a apporté des garanties sur le maintien de l'emploi de marins français, notamment au moment de l'entrée en
service d'un nouveau navire câblier en 2014.
La flotte de France Télécom Marine comprend actuellement trois navires: le René Descartes, le Léon Thévenin
et le Raymond Croze. L'armement emploie 131 marins en CDI.
LA FLOTTE D’ALCATEL EST-ELLE A VENDRE ? (Les Echos)
Selon le quotidien Les Echos, dans son édition du jeudi 20 décembre, le gouvernement souhaiterait que France
Télécom Marine rachète les navires câbliers d’Alcatel-Lucent. Pour l’État, il s’agit de sécuriser une activité
considérée comme stratégique.
La vente pourrait rapporter 100 à 150 millions d’euros à Alcatel-Lucent, sans toutefois résoudre les importants
besoins financiers de l’équipementier, « qui brûle 700 millions euros de cash par an », affirme Les Echos.
Selon le quotidien, des représentants de France Télécom avaient rendez-vous avec ceux d'Alcatel-Lucent, le jeudi
20 décembre dans la matinée, au ministère des Finances. Un comité d'entreprise extraordinaire sur la
restructuration du groupe Alcatel était prévu dans l'après-midi.
Via Alda, sa filiale commune avec Louis Dreyfus Armateurs, Alcatel est notamment copropriétaire des Ile de Ré,
Ile de Bréhat, Ile de Batz et Ile de Sein, battant sous pavillon français. LDA a également en gestion deux navires
d'Alcatel-Lucent: les Lodbrog et Peter Faber.
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COMMANDE D’UN NAVIRE POUR FT MARINE (Le Marin)
France Telecom Marine, l’un des quatre grands armements câbliers mondiaux, a passé discrètement commande
au chantier STX OSV d’un câblier de 108 mètres pour 450 millions de couronnes (61 millions d’euros) le 8
décembre 2012). Le navire, issu d’un design du chantier (CLV 01), doit être livré au troisième trimestre 2014.
La coque sera construite à Tulcea (Roumanie) avant d’être armée en Norvège. Ce navire plutôt orienté réparation
(mais qui pourra effectuer des travaux de pose avec la possibilité d’embarquer une charrue) sera exploité sous
pavillon français. Dans le cadre d’un jeu de chaises musicales, il devrait remplacer à Brest le Léon Thévenin, parti
lui-même en Afrique du Sud pour remplacer le Chamarel, perdu cet été.
Le Descartes, navire de pose, remplace temporairement le Léon Thévenin à Brest. Un troisième navire, le
Raymond Croze, est basé à La Seyne-sur-Mer, tandis que la filiale italienne de FT Marine en exploite encore
deux, le Certamen et le Teliri.
NOUVEAU SIEGE SOCIAL
Le nouveau siège social de l’Association des Amis des câbles sous-marins a été fixé à l’Hôtel de Ville de
La Seyne sur Mer mais nous vous recommandons de ne pas nous envoyer de courrier. Il doit être adresser
chez le Président Alain Van Oudheusden ou chez le trésorier Gérard Fouchard..
L’adresse du siège est le suivant :
Hôtel de Ville – Maison du Patrimoine
2 rue Denfert Rochereau
Place Bourradet
83.500 – La Seyne sur Mer.
Site Internet : www.cablesm.fr
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HOMMAGE A NOTRE AMI SIMONOU (1931-2012)
Christian Delanis
C’est à Six Fours que notre compagnon, André Simonou, fidèle adhérent de notre association, nous a quitté en fin
d’année des suites d’une opération l’ayant laissé bien fatigué. L’origine bretonne d’une famille de meuniers à
l’avant-garde d’une technique de fonctionnement hydro-électrique décidera probablement son aptitude pour la
marine et la mécanique.
Lorsqu’il a choisi les navires câbliers en qualité d’officier mécanicien, il avait déjà une solide formation acquise sur
les fameux Liberty ships à machines à triple expansion, sur les Victory à turbine et les pétroliers T2 dont la
navigation au long cours était particulièrement rude.
Il allait donc trouver sur les câbliers Alsace et Ampère en 1970 ces mêmes machines, attachantes et exigeantes,
mais dans un contexte de navigation plus compatible avec ses nouvelles responsabilités de chef de famille. Son
goût de la mécanique et sa curiosité lui permettrons de s’adapter à l évolution technique dont les câbliers sont un
exemple remarquable et exemplaire.
Michel Vergos me rappelait son savoir faire et son opiniâtreté par un exemple significatif dans son travail au quart
machine sur l’Alsace, où il passait de longs moments à régler les graisseurs à mèche, au parquet des cylindres
des machines alternatives à vapeur, un endroit particulièrement chaud et éprouvant.
Il pouvait passer pour solitaire, voire secret, mais c’était plutôt par discrétion car tout au long de sa carrière, il a
montré sa solidarité dans la défense de la profession et même après sa retraite où il a rejoint notre association
mais aussi celle des Pensionnés de la marine Marchande.
Nous voulons par ces quelques lignes de souvenirs et d’estime, rappeler que s’il était un peu charrié pour ses
petites manies et son originalité, il a toujours été un compagnon agréable à vivre et cela dan un métier où le
confinement et l’éloignement nécessitent un fort caractère. Nous pensons aussi qu’il nous laisse le souvenir d’un
homme soucieux de l’avenir de la planète et de la pratique de l’effort physique, la bicyclette ayant sa préférence.
Nos pensées vont à ses enfants, petits enfants et sa famille qu’il a rejoint dans son village de Saint-Yvi près de
Quimper.
André Simonou lors d'un
pot sur le NC Croze
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HOMMAGE A FRANK TUTTLE
Jean Devos & René Salvador
Nous avons appris avec tristesse le décès de Frank M Tuttle le 14 Novembre dernier. Frank fut une grande figure
de notre activité, « patron » pendant plus de 20 ans (1970-1990 environ) de l’activité câbles sous-marins d’ATT,
opérateur et constructeur. En réponse au message de son épouse Nancy, je lui ai dit ceci :
« I feel a great sadness
It has been a privilege for me to meet someone like Frank
He will stay forever as one of the great people of my life”.
C’est ainsi que je le ressens car Frank était à la fois très impressionnant et très abordable. Impressionnant par sa
« présence d’acteur », sa stature physique, sa voix profonde, son parler clair, mais surtout par son intelligence, sa
culture, sa puissance d’analyse et de réflexion, sa vision, sa détermination, son leadership ; Très abordable car il
recherchait le contact et faisait montre d’une étonnante capacité d’écoute. Frank était à la fois fort et souple, ferme
et diplomate.
Quand je lui rendais visite, ces années-là, en tant que responsable de Submarcom, moi qui avais 20 ans de moins,
et loin d’avoir son niveau de responsabilité, il me recevait d’égal à égal, cherchant à s’informer, à comprendre notre
situation. Je me sentais reconnu et respecté.
Il faut se souvenir qu’ATT était alors et très largement l’acteur majeur de notre activité représentant environ la
moitié de tout ce qui se faisait dans le monde. Les vrais interlocuteurs de Frank étaient les opérateurs, les PTT.
Coté Atlantique c’était d’abord BT, puis FT, et en second rang Telefonica, DT et autres. Coté Pacifique
essentiellement KDD. Frank savait entretenir ces relations avec subtilité comme personne en Amérique. En France
ses interlocuteurs ont été Jean Grenier, René Salvador, Pierre Godiniaux qui sont devenus ses amis car la relation
était empreinte de respect réciproque et d’une certaine admiration mutuelle. Frank, conscient de la puissance
technique de ses « Bell Labs » était un peu « bluffé » par la capacité de ces Français, avec de petits moyens, à
rester dans la course.
On le voit sur la photo ci-dessous avec René Salvador (FT) et Dennis Gambier (BT) lors du « round robin »
préliminaire au TAT8 le premier vrai système à fibres optiques. On est venu voir si les Français seraient à même
de participer au programme. Sans le support de Frank, les Anglais nous auraient volontiers poussé dehors. Depuis
sa retraite en 1990 il m’avait gardé sur sa liste de contacts à qui il faisait part régulièrement de ses réflexions, de
ses lectures. Ses deux sujets préférés étaient le rôle ou plutôt la mission de l’Amérique dans le monde, et la
situation au Moyen-Orient. (Photo d’un voyage assez récent en Egypte). J’ai perçu là qu’il avait sur ces sujets des
convictions bien arrêtées.
Frank restera pour moi le personnage emblématique de la période pré-dérégulation, l’époque où notre activité
n’était pas un « business », où on ne parlait pas de « marché ». Frank était un grand citoyen américain au service
de son pays.
Jean Devos
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CATANE, LA SICILIENNE
Alain Devrand
Un arbre, un banc, une fontaine;
Square minuscule et charmant
Est souvent, d'enfants, le domaine
Jusque tard dans le soir tombant
Les vieilles maisons délabrées,
Dans les quartiers de miséreux
D'un monde fou, sont encombrées
D'éclats de voix, d'accents heureux.
Contraste permanent des rues
Montant de la mer à l'Étna
Qui dissimule dans les nues
Son cratère au feu de magma.
Par l'ouverture d'une porte,
Grosse, massive, on aperçoit
Une vaste cour qui comporte
Des trésors de pierres, de bois.
Sculptures où délicatesses
Font deviner le merveilleux
D'un tout, dont les moindres caresses,
Des ans, s'immortalise aux yeux.
Mais, dommage, que des poubelles
Qui sont légions aux carrefours,
Et sur les quais, dans les ruelles,
Empuantissent les alentours
Catane, la Sicilienne,
Ton visage serait plus beau
Si tu faisais, pour que revienne
Ton reflet, dans ce miroir d'eau.
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