Balvir Singh Multani and Balvir Singh Multani, in his
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Balvir Singh Multani and Balvir Singh Multani, in his
256 multani v. csmb [2006] 1 S.C.R. Balvir Singh Multani and Balvir Singh Multani, in his capacity as tutor to his minor son Gurbaj Singh Multani Appellants Balvir Singh Multani et Balvir Singh Multani, en sa qualité de tuteur à son fils mineur Gurbaj Singh Multani Appelants v. c. Commission scolaire MargueriteBourgeoys and Attorney General of Quebec Respondents Commission scolaire MargueriteBourgeoys et procureur général du Québec Intimés and et World Sikh Organization of Canada, Canadian Civil Liberties Association, Canadian Human Rights Commission and Ontario Human Rights Commission Interveners World Sikh Organization of Canada, Association canadienne des libertés civiles, Commission canadienne des droits de la personne et Commission ontarienne des droits de la personne Intervenantes Indexed as: Multani v. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys Répertorié : Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys Neutral citation: 2006 SCC 6. Référence neutre : 2006 CSC 6. File No.: 30322. No du greffe : 30322. 2005: April 12; 2006: March 2. 2005 : 12 avril; 2006 : 2 mars. Present: McLachlin C.J. and Major,* Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella and Charron JJ. Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Major*, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron. on appeal from the court of appeal for quebec en appel de la cour d’appel du québec Constitutional law — Charter of Rights — Freedom of religion — Wearing of kirpan at school — Council of commissioners of school board prohibiting Sikh student from wearing kirpan to school — Whether decision infringing freedom of religion guaranteed by s. 2(a) of Canadian Charter of Rights and Freedoms — If so, whether infringement justifiable under s. 1 of Charter. Droit constitutionnel — Charte des droits — Liberté de religion — Port du kirpan à l’école — Conseil des commissaires d’une commission scolaire interdisant à un élève de religion sikhe de porter le kirpan à l’école — Cette décision porte-t-elle atteinte à la liberté de religion garantie par l’art. 2a) de la Charte canadienne des droits et libertés? — Dans l’affirmative, cette atteinte est-elle justifiable en vertu de l’article premier de la Charte? Constitutional law — Charter of Rights — Reasonable limit — Law — Administrative decision — Infringement of guaranteed right resulting from decision of administrative body acting pursuant to its enabling statute — Whether infringement limit prescribed by “law” Droit constitutionnel — Charte des droits — Limite raisonnable — Règle de droit — Décision administrative — Atteinte à un droit garanti découlant d’une décision d’un organisme administratif agissant conformément à sa loi habilitante — Cette atteinte est-elle une restriction * * Major J. took no part in the judgment. Le juge Major n’a pas pris part au jugement. [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb 257 within meaning of s. 1 of Canadian Charter of Rights and Freedoms. par une « règle de droit » au sens de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés? Administrative law — Judicial review — Compliance of administrative decision with requirements of Canadian Charter of Rights and Freedoms — Council of commissioners of school board prohibiting Sikh student from wearing kirpan to school — Whether decision infringing student’s freedom of religion — Appropriate approach for reviewing decision — Relationship between administrative law and constitutional law. Droit administratif — Contrôle judiciaire — Conformité d’une décision administrative aux exigences de la Charte canadienne des droits et libertés — Conseil des commissaires d’une commission scolaire interdisant à un élève de religion sikhe de porter le kirpan à l’école – Cette décision porte-t-elle atteinte à la liberté de religion de l’élève? — Approche appropriée pour réviser cette décision — Rapports entre le droit administratif et le droit constitutionnel. G and his father B are orthodox Sikhs. G believes that his religion requires him to wear a kirpan at all times; a kirpan is a religious object that resembles a dagger and must be made of metal. In 2001, G accidentally dropped the kirpan he was wearing under his clothes in the yard of the school he was attending. The school board sent G’s parents a letter in which, as a reasonable accommodation, it authorized their son to wear his kirpan to school provided that he complied with certain conditions to ensure that it was sealed inside his clothing. G and his parents agreed to this arrangement. The governing board of the school refused to ratify the agreement on the basis that wearing a kirpan at the school violated art. 5 of the school’s Code de vie (code of conduct), which prohibited the carrying of weapons. The school board’s council of commissioners upheld that decision and notified G and his parents that a symbolic kirpan in the form of a pendant or one in another form made of a material rendering it harmless would be acceptable in the place of a real kirpan. B then filed in the Superior Court a motion for a declaratory judgment to the effect that the council of commissioners’ decision was of no force or effect. The Superior Court granted the motion, declared the decision to be null, and authorized G to wear his kirpan under certain conditions. The Court of Appeal set aside the Superior Court’s judgment. After deciding that the applicable standard of review was reasonableness simpliciter, the Court of Appeal restored the council of commissioners’ decision. It concluded that the decision in question infringed G’s freedom of religion under s. 2(a) of the Canadian Charter of Rights and Freedoms (“Canadian Charter”) and s. 3 of Quebec’s Charter of human rights and freedoms (“Quebec Charter”), but that the infringement was justified for the purposes of s. 1 of the Canadian Charter and s. 9.1 of the Quebec Charter. G et son père B sont de religion sikhe orthodoxe. G croit que sa religion requiert qu’il porte en tout temps un kirpan, objet religieux qui ressemble à un poignard et doit être fait de métal. En 2001, G échappe accidentellement dans la cour de l’école qu’il fréquente le kirpan qu’il portait sous ses vêtements. La Commission scolaire fait parvenir aux parents de G une lettre permettant, à titre d’accommodement raisonnable, à leur fils de porter son kirpan à l’école si certaines conditions visant à le sceller à l’intérieur de ses vêtements sont respectées. G et ses parents acceptent cet arrangement. Le conseil d’établissement de l’école refuse d’entériner l’entente, pour le motif que le port du kirpan à l’école contrevient à l’art. 5 du Code de vie de l’école qui prohibe le port d’armes. Le conseil des commissaires de la Commission scolaire maintient la décision et avise G et ses parents qu’un kirpan symbolique sous forme de pendentif ou sous une autre forme, qui serait fabriqué dans un matériau qui le rendrait inoffensif, serait accepté au lieu d’un véritable kirpan. B dépose alors devant la Cour supérieure une requête en jugement déclaratoire afin de faire déclarer inopérante la décision du conseil des commissaires. La Cour supérieure accueille la requête, prononce la nullité de la décision, et permet à G de porter son kirpan sous réserve de certaines conditions. La Cour d’appel infirme ce jugement. Après avoir retenu la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter, la Cour d’appel rétablit la décision du conseil des commissaires. Elle conclut que cette décision porte atteinte à la liberté de religion de G garantie par l’al. 2a) de la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte canadienne ») et l’art. 3 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (« Charte québécoise »), mais que cette atteinte est justifiée en vertu de l’article premier de la Charte canadienne et de l’art. 9.1 de la Charte québécoise. Held: The appeal should be allowed. The decision of the Court of Appeal should be set aside and the decision of the council of commissioners should be declared to be null. Arrêt : Le pourvoi est accueilli. La décision de la Cour d’appel est annulée et la décision du conseil des commissaires est déclarée nulle. 258 multani v. csmb [2006] 1 S.C.R. Per McLachlin C.J. and Bastarache, Binnie, Fish and Charron JJ.: In the case at bar, it is the compliance of the commissioners’ decision with the requirements of the Canadian Charter that is central to the dispute, not the decision’s validity from the point of view of administrative law. There is no suggestion that the council of commissioners did not have jurisdiction, from an administrative law standpoint, to approve the Code de vie. Nor is the administrative and constitutional validity of the rule against carrying weapons in issue. Since the complaint is based entirely on freedom of religion, the Court of Appeal erred in applying the reasonableness standard to its constitutional analysis. The administrative law standard of review was not relevant. [18-20] La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, Fish et Charron : Dans la présente affaire, c’est la conformité de la décision des commissaires avec les exigences de la Charte canadienne qui est au cœur du litige, non sa validité du point de vue du droit administratif. Nul ne prétend que le conseil des commissaires n’avait pas compétence, sur le plan du droit administratif, d’approuver le Code de vie. De plus, la validité, tant administrative que constitutionnelle, de la règle prohibant le port d’armes n’est pas contestée. Puisque la plainte repose entièrement sur la liberté de religion, la Cour d’appel a commis une erreur en appliquant la norme de la décision raisonnable à son analyse constitutionnelle. La norme de contrôle de droit administratif n’était pas pertinente. [18‑20] The Canadian Charter applies to the decision of the council of commissioners, despite the decision’s individual nature. Any infringement of a guaranteed right that results from the actions of a decision maker acting pursuant to its enabling statute is also a limit “prescribed by law” within the meaning of s. 1. Where the legislation pursuant to which an administrative body has made a contested decision confers a discretion and does not confer, either expressly or by implication, the power to limit the rights and freedoms guaranteed by the Canadian Charter, the decision should, if there is an infringement, be subjected to the test set out in s. 1 to ascertain whether it constitutes a reasonable limit. [22-23] La Charte canadienne s’applique à la décision du conseil des commissaires, nonobstant le caractère individuel de cette décision. Toute atteinte à un droit garanti qui découle des actes d’un décideur agissant conformément à sa loi habilitante est aussi une restriction « par une règle de droit » au sens de l’article premier. Lorsque le texte législatif en vertu duquel un organisme administratif a rendu une décision contestée confère un pouvoir discrétionnaire et ne prévoit pas de façon explicite ou implicite le pouvoir de restreindre les droits et libertés garantis par la Charte canadienne, il y a lieu, en cas de violation, de soumettre cette décision au test énoncé à l’article premier afin de déterminer si elle constitue une limite raisonnable. [22‑23] In the instant case, the Court does not at the outset have to reconcile two constitutional rights, as only freedom of religion is in issue here. However, that freedom is not absolute and can conflict with other constitutional rights. Since the test governing limits on rights was developed in Oakes, the Court has never called into question the principle that rights are reconciled through the constitutional justification required by s. 1 of the Canadian Charter. Since the decision genuinely affects both parties and was made by an administrative body exercising statutory powers, a contextual analysis under s. 1 will make it possible to balance the relevant competing values in a more comprehensive manner. [2930] En l’espèce, la Cour n’est pas appelée à réconcilier, d’entrée de jeu, deux droits constitutionnels, seule la liberté de religion étant invoquée. Cependant, cette liberté n’est pas absolue et peut entrer en conflit avec d’autres droits constitutionnels. Depuis l’élaboration dans l’arrêt Oakes du critère encadrant la restriction des droits, la Cour n’a pas remis en question qu’en principe, les droits sont conciliés au regard de la justification constitutionnelle que commande l’article premier de la Charte canadienne. Étant donné que la décision affecte véritablement chacune des parties et qu’il s’agit d’une décision rendue par un organisme administratif dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, une analyse contextuelle fondée sur l’article premier permettra de soupeser de façon plus complète les valeurs opposées pertinentes. [29‑30] The council of commissioners’ decision prohibiting G from wearing his kirpan to school infringes his freedom of religion. G genuinely believes that he would not be complying with the requirements of his religion were he to wear a plastic or wooden kirpan, and none of the parties have contested the sincerity of his belief. The interference with G’s freedom of religion is neither La décision du conseil des commissaires interdisant à G de porter son kirpan à l’école porte atteinte à sa liberté de religion. G croit véritablement qu’un kirpan de plastique ou de bois ne lui permettrait pas de se conformer aux exigences de sa religion, et aucune des parties au litige n’a contesté la sincérité de cette croyance. L’entrave à la liberté de religion de G est plus que [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb 259 trivial nor insignificant, as it has deprived him of his right to attend a public school. The infringement of G’s freedom of religion cannot be justified under s. 1 of the Canadian Charter. Although the council’s decision to prohibit the wearing of a kirpan was motivated by a pressing and substantial objective, namely to ensure a reasonable level of safety at the school, and although the decision had a rational connection with the objective, it has not been shown that such a prohibition minimally impairs G’s rights. [2] [38-41] [44] [48] [77] négligeable ou insignifiante, puisqu’elle prive celui-ci de son droit de fréquenter l’école publique. L’atteinte à la liberté de religion de G ne peut être justifiée en vertu de l’article premier de la Charte canadienne. Bien que la décision du conseil de prohiber le port du kirpan poursuive un objectif urgent et réel, soit d’assurer un niveau de sécurité raisonnable à l’école, et que cette décision ait un lien rationnel avec l’objectif, il n’a pas été démontré qu’une telle prohibition constitue une atteinte minimale aux droits de G. [2] [38-41] [44] [48] [77] The analogy with the duty of reasonable accommodation is helpful to explain the burden resulting from the minimal impairment test with respect to an individual. In the circumstances of the instant case, the decision to establish an absolute prohibition against wearing a kirpan does not fall within a range of reasonable alternatives. The arguments in support of such a prohibition must fail. The risk of G using his kirpan for violent purposes or of another student taking it away from him is very low, especially if the kirpan is worn under conditions such as were imposed by the Superior Court. It should be added that G has never claimed a right to wear his kirpan to school without restrictions. Furthermore, there are many objects in schools that could be used to commit violent acts and that are much more easily obtained by students, such as scissors, pencils and baseball bats. The evidence also reveals that not a single violent incident related to the presence of kirpans in schools has been reported. Although it is not necessary to wait for harm to be done before acting, the existence of concerns relating to safety must be unequivocally established for the infringement of a constitutional right to be justified. Nor does the evidence support the argument that allowing G to wear his kirpan to school could have a ripple effect. Lastly, the argument that the wearing of kirpans should be prohibited because the kirpan is a symbol of violence and because it sends the message that using force is necessary to assert rights and resolve conflict is not only contradicted by the evidence regarding the symbolic nature of the kirpan, but is also disrespectful to believers in the Sikh religion and does not take into account Canadian values based on multiculturalism. Religious tolerance is a very important value of Canadian society. If some students consider it unfair that G may wear his kirpan to school while they are not allowed to have knives in their possession, it is incumbent on the schools to discharge their obligation to instil in their students this value that is at the very foundation of our democracy. A total prohibition against wearing a kirpan to school undermines the value of this religious symbol and sends students the message that some religious practices do not merit the same protection as others. Accommodating G and L’analogie avec l’obligation d’accommodement raisonnable est utile pour bien saisir le fardeau qu’impose le critère de l’atteinte minimale vis-à-vis d’un individu. Dans le présent contexte, la décision de prohiber d’une façon absolue le port du kirpan ne se situe pas à l’intérieur d’une gamme de mesures raisonnables. Les arguments invoqués à l’appui d’une telle prohibition ne peuvent être retenus. Le risque que G utilise son kirpan à des fins violentes ou qu’un autre élève s’en empare est très improbable, surtout lorsque le port du kirpan est soumis à des conditions comme celles imposées par la Cour supérieure. G n’a d’ailleurs jamais revendiqué le droit de porter son kirpan à l’école sans aucune restriction. De plus, les écoles contiennent une foule d’objets susceptibles de servir à commettre des actes de violence et beaucoup plus faciles d’accès aux élèves, par exemple des ciseaux, des crayons, des bâtons de baseball. La preuve révèle également qu’aucun fait violent relié à la présence de kirpans dans les écoles n’a été signalé. Bien qu’il ne soit pas nécessaire d’attendre pour agir qu’un préjudice ait été causé, l’existence d’inquiétudes touchant à la sécurité doit être solidement établie pour qu’il soit justifié de porter atteinte à un droit constitutionnel. La preuve n’étaye pas non plus la prétention voulant que de permettre à G de porter son kirpan à l’école pourrait avoir un effet d’entraînement. Enfin, la prétention selon laquelle le port du kirpan devrait être interdit parce qu’il représente un symbole de violence et envoie le message que le recours à la force est nécessaire pour faire valoir ses droits et régler les conflits est non seulement contraire à la preuve concernant la nature symbolique du kirpan, mais est également irrespectueuse envers les fidèles de la religion sikhe et ne tient pas compte des valeurs canadiennes fondées sur le multiculturalisme. La tolérance religieuse constitue une valeur très importante au sein de la société canadienne. Si des élèves considèrent injuste que G puisse porter son kirpan à l’école alors qu’on leur interdit d’avoir des couteaux en leur possession, il incombe aux écoles de remplir leur obligation d’inculquer à leurs élèves cette valeur qui est à la base même de notre démocratie. La prohibition totale de porter le kirpan à l’école dévalorise ce symbole religieux et envoie aux élèves le 260 multani v. csmb [2006] 1 S.C.R. allowing him to wear his kirpan under certain conditions demonstrates the importance that our society attaches to protecting freedom of religion and to showing respect for its minorities. The deleterious effects of a total prohibition thus outweigh its salutary effects. [51-54] [57-59] [67-71] [76] [79] message que certaines pratiques religieuses ne méritent pas la même protection que d’autres. Prendre une mesure d’accommodement en faveur de G et lui permettre de porter son kirpan sous réserve de certaines conditions démontre l’importance que notre société accorde à la protection de la liberté de religion et au respect des minorités qui la composent. Les effets préjudiciables de l’interdiction totale surpassent donc ses effets bénéfiques. [51‑54] [57‑59] [67‑71] [76] [79] Given that G no longer attends his school, the appropriate and just remedy is to declare the decision prohibiting him from wearing his kirpan to be null. [82] Étant donné que G ne fréquente plus son école, la réparation convenable et juste consiste à déclarer nulle la décision lui prohibant de porter son kirpan. [82] Per Deschamps and Abella JJ.: Recourse to a constitutional law justification is not appropriate where, as in this case, what must be assessed is the propriety of an administrative body’s decision relating to human rights. Whereas a constitutional justification analysis must be carried out when reviewing the validity or enforceability of a norm such as a law, regulation or other similar rule of general application, the administrative law approach must be retained for reviewing decisions and orders made by administrative bodies. Basing the analysis on the principles of administrative law not only averts the problems that result from blurring the distinction between the principles of constitutional justification and the principles of administrative law, but also prevents the impairment of the analytical tools developed specifically for each of these fields. In addition, this approach allows parties and administrative bodies to know in advance which rules govern disputes involving human rights issues. [85] [103] [125] Les juges Deschamps et Abella : Le recours à la justification constitutionnelle n’est pas approprié lorsque, comme en l’espèce, il s’agit d’évaluer la validité d’une décision rendue par un organisme administratif mettant en cause des droits de la personne. Alors que la justification constitutionnelle s’impose lorsqu’il s’agit de contrôler la validité ou l’opposabilité d’une norme comme une loi, un règlement, ou une autre règle d’application générale de cette nature, la grille du droit administratif doit être préservée pour la révision des décisions et ordonnances des organismes administratifs. Le choix de l’analyse fondée sur les règles du droit administratif permet non seulement d’éviter les difficultés inhérentes à la confusion des règles de la justification constitutionnelle et de celles du droit administratif, mais aussi de préserver les outils spécifiques développés dans chacun des domaines. Cette approche permet également aux parties et aux organismes administratifs de connaître d’avance les règles qui régissent les conflits touchant les droits de la personne. [85] [103] [125] Simply alleging that a s. 1 analysis is required does not make administrative law inapplicable. If an administrative body makes a decision or order that is said to conflict with fundamental values, the mechanisms of administrative law — including the standard of review — are readily available. It is difficult to conceive of an administrative decision being permitted to stand if it violates the Canadian Charter. [86] [93] [128] Le simple fait d’alléguer qu’une analyse en vertu de l’article premier est requise n’a pas pour effet d’écarter le recours au droit administratif. Si un organisme administratif rend une décision ou une ordonnance qui irait à l’encontre des valeurs fondamentales, les mécanismes du droit administratif — dont la norme de contrôle — sont suffisants. Il est d’ailleurs difficile de concevoir qu’une décision administrative puisse être maintenue si elle enfreint la Charte canadienne. [86] [93] [128] A decision or order made by an administrative body cannot be equated with a “law” within the meaning of s. 1 of the Canadian Charter. The expression “law” used in s. 1 naturally refers to a norm or rule of general application. The Oakes test, which was developed to assess legislative policies, is based on the duty of the executive and legislative branches of government to account to the courts for any rules they establish that infringe protected rights. That test, which is based on an analysis of societal interests, is better suited, conceptually and On ne peut assimiler une décision ou ordonnance d’un organisme administratif à une « règle de droit » au sens de l’article premier de la Charte canadienne. L’expression « règle de droit » dont il est question à cet article s’entend naturellement d’une norme ou règle d’application générale. Le test de l’arrêt Oakes, qui a été conçu pour évaluer les politiques législatives, est fondé sur l’obligation du pouvoir exécutif ou législatif de rendre compte devant les tribunaux des règles qu’il impose et qui portent atteinte aux droits protégés. Ce [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb 261 literally, to the concept of “prescribed by law”. The duty to account imposed — conceptually and in practice — on the legislative and executive branches is not easily applied to administrative tribunals. [112-113] [119-121] test, qui repose sur une analyse des intérêts sociaux, convient davantage, conceptuellement et littéralement, à la notion de « règle de droit ». Tant d’un point de vue conceptuel que pratique, l’obligation de rendre compte faite au pouvoir législatif ou exécutif ne peut être transférée sans heurts au tribunal administratif. [112-113] [119-121] Lastly, even if the concepts of reasonable accommodation and minimal impairment have a number of similarities, they belong to two different analytical categories. On the one hand, the process required by the duty of reasonable accommodation takes into account the specific details of the circumstances of the parties. The justification of minimal impairment, on the other hand, is based on societal interests. An administrative law analysis is microcosmic, whereas a constitutional law analysis is generally macrocosmic. These separate streams — public versus individual — should be kept distinct. [129-134] Enfin, même si les notions d’accommodement raisonnable et d’atteinte minimale comportent plusieurs similitudes, elles appartiennent à deux catégories d’analyse distinctes. D’une part, le processus imposé par l’obligation d’accommodement raisonnable tient compte des circonstances précises dans lesquelles les intéressés doivent évoluer. La justification de l’atteinte minimale, d’autre part, repose sur l’intérêt général de la société. L’analyse propre au droit administratif est microcosmique alors que celle du droit constitutionnel est généralement macrocosmique. Les deux niveaux d’évaluation, public et individuel, devraient demeurer distincts. [129-134] In the instant case, it is the standard of reasonableness that applies to the decision of the school board’s council of commissioners. The council did not sufficiently consider either the right to freedom of religion or the proposed accommodation measure. It merely applied literally the Code de vie in effect at the school. By disregarding the right to freedom of religion without considering the possibility of a solution that posed little or no risk to the safety of the school community, the council made an unreasonable decision. [99] En l’espèce, c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique à la décision du conseil des commissaires de la Commission scolaire. Le conseil n’a examiné suffisamment ni le droit à la liberté de religion ni l’accommodement proposé. Il s’est contenté d’appliquer aveuglément le Code de vie en vigueur à l’école. En faisant abstraction du droit à la liberté de religion sans étudier les solutions de rechange qui ne posaient que peu ou pas de risques pour la sécurité dans l’école, le conseil a rendu une décision déraisonnable. [99] Per LeBel J.: It is not always necessary to resort to the Canadian Charter or, in the case of Quebec, the Quebec Charter when a decision can be reached by applying general administrative law principles or the specific rules governing the exercise of a delegated power. However, the dispute as presented makes a constitutional analysis unavoidable. Where a decision is contested on the basis that the administrative body’s exercise of the delegated power is vitiated by the violation of a fundamental right, the only way to determine whether the infringement of the constitutional standard is justified is to consider the fundamental rights in issue and how they have been applied. Where the exercise of such a power has an impact on the relationship between competing constitutional rights, those rights can be reconciled in two ways. The first approach involves defining the rights and how they relate to each other, and the second consists of justification under s. 1 of the Canadian Charter. In the case at bar, the first approach can be dispensed with, as the evidence does not show a prima facie infringement of the right to security of the person. It is therefore necessary to turn to Le juge LeBel : Il n’est pas nécessaire, en toute occasion, de recourir à l’application de la Charte canadienne ou, dans le cas du Québec, de la Charte québécoise, lorsque l’application des principes généraux du droit administratif ou des règles particulières encadrant l’exercice d’un pouvoir délégué peut résoudre l’affaire. Cependant le litige, tel qu’il a été présenté, ne permet pas de faire l’économie de l’analyse constitutionnelle. Lorsqu’on attaque une décision en prétendant que l’exercice par l’organisme administratif du pouvoir délégué est vicié du fait de la violation d’un droit fondamental, seule une analyse des droits fondamentaux en cause et de la manière dont ils ont été mis en œuvre permet de déterminer si la violation de la norme constitutionnelle est justifiée. Si l’exercice d’un tel pouvoir met en cause les rapports entre des droits constitutionnels concurrents, la conciliation de ces droits peut se réaliser de deux façons. La première approche consisterait à intervenir au niveau de la définition des droits et de leur corrélation, la seconde à s’en remettre à la justification en vertu de l’article premier de la Charte canadienne. Dans la présente affaire, il n’est pas nécessaire 262 multani v. csmb [2006] 1 S.C.R. justification under s. 1. In the case of an individualized decision made pursuant to statutory authority, it may be possible to dispense with certain steps of the analysis. The existence of a statutory authority that is not itself challenged makes it pointless to review the objectives of the act. The issue becomes one of proportionality or, more specifically, minimal limitation of the guaranteed right, having regard to the context in which the right has been infringed. Reasonable accommodation that would meet the requirements of the constitutional standard must be considered at this stage and in this context. In the case at bar, the school board has not shown that its prohibition was justified and met the constitutional standard. [141-144] [153-155] d’employer la première méthode, la preuve ne révélant pas d’atteinte prima facie au droit à la sécurité des personnes. Il faut donc recourir à la justification en vertu de l’article premier. Dans le cas d’une décision individualisée, prise en vertu d’un pouvoir d’origine législative, on pourrait faire l’économie de certaines étapes de l’analyse. L’existence d’une autorisation législative qui n’est pas elle-même attaquée rend inutile l’examen des objectifs de l’acte. La question se réduit à un problème de proportionnalité ou, plus précisément, de restriction minimale du droit garanti, compte tenu du contexte dans lequel survient l’atteinte à ce droit. C’est à cette étape et dans ce contexte que se situe l’examen de l’accommodement raisonnable qui satisferait aux exigences de la norme constitutionnelle. En l’espèce, la Commission scolaire n’a pas réussi à démontrer que son interdiction était justifiée et respectait la norme constitutionnelle. [141-144] [153-155] Cases Cited Jurisprudence By Charron J. Citée par la juge Charron Applied: R. v. Oakes, [1986] 1 S.C.R. 103; distinguished: Trinity Western University v. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 S.C.R. 772, 2001 SCC 31; Syndicat Northcrest v. Amselem, [2004] 2 S.C.R. 551, 2004 SCC 47; considered: Slaight Communications Inc. v. Davidson, [1989] 1 S.C.R. 1038; Ross v. New Brunswick School District No. 15, [1996] 1 S.C.R. 825; referred to: Chamberlain v. Surrey School District No. 36, [2002] 4 S.C.R. 710, 2002 SCC 86; Dr. Q v. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 S.C.R. 226, 2003 SCC 19; Nova Scotia (Workers’ Compensation Board) v. Martin, [2003] 2 S.C.R. 504, 2003 SCC 54; Eldridge v. British Columbia (Attorney General), [1997] 3 S.C.R. 624; Little Sisters Book and Art Emporium v. Canada (Minister of Justice), [2000] 2 S.C.R. 1120, 2000 SCC 69; R. v. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 S.C.R. 295; B. (R.) v. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 S.C.R. 315; R. v. Keegstra, [1990] 3 S.C.R. 697; Dagenais v. Canadian Broadcasting Corp., [1994] 3 S.C.R. 835; R. v. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 S.C.R. 713; British Columbia (Superintendent of Motor Vehicles) v. British Columbia (Council of Human Rights), [1999] 3 S.C.R. 868; RJR-MacDonald Inc. v. Canada (Attorney General), [1995] 3 S.C.R. 199; Multani (Tuteur de) v. Commission scolaire Marguerite-Bourgeois, [2002] Q.J. No. 619 (QL); Pandori v. Peel Bd. of Education (1990), 12 C.H.R.R. D/364, aff’d (1991), 3 O.R. (3d) 531 (sub nom. Peel Board of Education v. Ontario Human Rights Commission); Hothi v. R., [1985] 3 W.W.R. 256, aff’d [1986] 3 W.W.R. 671; Nijjar v. Arrêt appliqué : R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; distinction d’avec les arrêts : Université Trinity Western c. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 R.C.S. 772, 2001 CSC 31; Syndicat Northcrest c. Amselem, [2004] 2 R.C.S. 551, 2004 CSC 47; arrêts examinés : Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038; Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825; arrêts mentionnés : Chamberlain c. Surrey School District No. 36, [2002] 4 R.C.S. 710, 2002 CSC 86; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, 2003 CSC 19; Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, [2003] 2 R.C.S. 504, 2003 CSC 54; Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624; Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Ministre de la Justice), [2000] 2 R.C.S. 1120, 2000 CSC 69; R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295; B. (R.) c. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697; Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835; R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713; Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868; RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199; Multani (Tuteur de) c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeois, [2002] J.Q. no 619 (QL); Pandori c. Peel Bd. of Education (1990), 12 C.H.R.R. D/364, conf. par (1991), 3 O.R. (3d) 531 (sub nom. Peel Board of Education c. Ontario Human Rights Commission); Hothi c. R., [1985] 3 W.W.R. 256, conf. par [1986] 3 [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb 263 Canada 3000 Airlines Ltd. (1999), 36 C.H.R.R. D/76; R. v. M. (M.R.), [1998] 3 S.C.R. 393. W.W.R. 671; Nijjar c. Lignes aériennes Canada 3000 Ltée (1999), 36 C.H.R.R. D/76; R. c. M. (M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393. By Deschamps and Abella JJ. Citée par les juges Deschamps et Abella Baker v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [1999] 2 S.C.R. 817; Nova Scotia (Workers’ Compensation Board) v. Martin, [2003] 2 S.C.R. 504, 2003 SCC 54; Trinity Western University v. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 S.C.R. 772, 2001 SCC 31; Chamberlain v. Surrey School District No. 36, [2002] 4 S.C.R. 710, 2002 SCC 86; Douglas/Kwantlen Faculty Assn. v. Douglas College, [1990] 3 S.C.R. 570; Parry Sound (District) Social Services Administration Board v. O.P.S.E.U., Local 324, [2003] 2 S.C.R. 157, 2003 SCC 42; Canadian Union of Public Employees, Local 963 v. New Brunswick Liquor Corp., [1979] 2 S.C.R. 227; Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie v. Canada Labour Relations Board, [1984] 2 S.C.R. 412; Slaight Communications Inc. v. Davidson, [1989] 1 S.C.R. 1038; Dr. Q v. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 S.C.R. 226, 2003 SCC 19; Ross v. New Brunswick School District No. 15, [1996] 1 S.C.R. 825; Eldridge v. British Columbia (Attorney General), [1997] 3 S.C.R. 624; R. v. Therens, [1985] 1 S.C.R. 613; R. v. Oakes, [1986] 1 S.C.R. 103; RWDSU v. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 S.C.R. 573; Ontario Human Rights Commission v. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 S.C.R. 536; Bhinder v. Canadian National Railway Co., [1985] 2 S.C.R. 561; British Columbia (Public Service Employee Relations Commission) v. BCGSEU, [1999] 3 S.C.R. 3; British Columbia (Superintendent of Motor Vehicles) v. British Columbia (Council of Human Rights), [1999] 3 S.C.R. 868. Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, [2003] 2 R.C.S. 504, 2003 CSC 54; Université Trinity Western c. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 R.C.S. 772, 2001 CSC 31; Chamberlain c. Surrey School District No. 36, [2002] 4 R.C.S. 710, 2002 CSC 86; Douglas/Kwantlen Faculty Assn. c. Douglas College, [1990] 3 R.C.S. 570; Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, [2003] 2 R.C.S. 157, 2003 CSC 42; Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227; Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Conseil canadien des relations du travail, [1984] 2 R.C.S. 412; Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, 2003 CSC 19; Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825; Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624; R. c. Therens, [1985] 1 R.C.S. 613; R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573; Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536; Bhinder c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1985] 2 R.C.S. 561; Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3; Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868. By LeBel J. Citée par le juge LeBel R. v. Oakes, [1986] 1 S.C.R. 103; Blencoe v. British Columbia (Human Rights Commission), [2000] 2 S.C.R. 307, 2000 SCC 44; Young v. Young, [1993] 4 S.C.R. 3; Montréal (City) v. 2952-1366 Québec Inc., [2005] 3 S.C.R. 141, 2005 SCC 62; Dagenais v. Canadian Broadcasting Corp., [1994] 3 S.C.R 835. R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, 2000 CSC 44; Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3; Montréal (Ville) c. 2952-1366 Québec Inc., [2005] 3 R.C.S. 141, 2005 CSC 62; Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835. Statutes and Regulations Cited Lois et règlements cités Canadian Charter of Rights and Freedoms, ss. 1, 2, 7, 15, 24(1). Charter of human rights and freedoms, R.S.Q., c. C‑12, ss. 3, 9.1, 10. Civil Code of Québec, S.Q. 1991, c. 64, art. 1460. Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 2, 7, 15, 24(1). Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C‑12, art. 3, 9.1, 10. Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, art. 1460. 264 multani v. csmb Code of Civil Procedure, R.S.Q., c. C‑25, art. 453. Constitution Act, 1982, s. 52. Education Act, R.S.Q., c. I‑13.3, ss. 12, 76. [2006] 1 S.C.R. Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C‑25, art. 453. Loi constitutionnelle de 1982, art. 52. Loi sur l’instruction publique, L.R.Q., ch. I‑13.3, art. 12, 76. Authors Cited Doctrine citée 4e Brun, Henri, et Guy Tremblay. Droit constitutionnel, éd. Cowansville, Qué.: Yvon Blais, 2002. Garant, Patrice. Droit administratif, vol. 3, Les chartes, 3e éd. Cowansville, Qué.: Yvon Blais, 1992. Garant, Patrice. Droit scolaire. Cowansville, Qué.: Yvon Blais, 1992. Mendes, Errol. “The Crucible of the Charter: Judicial Principles v. Judicial Deference in the Context of Section 1”, in Gérald-A. Beaudoin and Errol Mendes, eds., Canadian Charter of Rights and Freedoms, 4th ed. Markham, Ont.: LexisNexis Butterworths, 2005, 165. Perrault, Gabrielle. Le contrôle judiciaire des décisions de l’administration: De l’erreur juridictionnelle à la norme de contrôle. Montréal: Wilson & Lafleur, 2002. Pinard, Danielle. “Les seules règles de droit qui peuvent poser des limites aux droits et libertés constitutionnellement protégés et l’arrêt Slaight Communications” (1992), 1 N.J.C.L. 79. Reid, Hubert. Dictionnaire de droit québécois et canadien avec table des abréviations et lexique anglaisfrançais, 2e éd. Montréal: Wilson & Lafleur, 2001, “loi”, “règle”. Woehrling, José. “L’obligation d’accommodement raisonnable et l’adaptation de la société à la diversité religieuse” (1998), 43 McGill L.J. 325. Brun, Henri, et Guy Tremblay. Droit constitutionnel, 4e éd. Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 2002. Garant, Patrice. Droit administratif, vol. 3, Les chartes, 3e éd. Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 1992. Garant, Patrice. Droit scolaire. Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 1992. Mendes, Errol. « The Crucible of the Charter : Judicial Principles v. Judicial Deference in the Context of Section 1 », dans Gérald‑A. Beaudoin et Errol Mendes, dir., Charte canadienne des droits et libertés, 4e éd. Markham, Ont. : LexisNexis Butterworths, 2005, 165. Perrault, Gabrielle. Le contrôle judiciaire des décisions de l’administration : De l’erreur juridictionnelle à la norme de contrôle. Montréal : Wilson & Lafleur, 2002. Pinard, Danielle. « Les seules règles de droit qui peuvent poser des limites aux droits et libertés constitutionnellement protégés et l’arrêt Slaight Communications » (1992), 1 N.J.C.L. 79. Reid, Hubert. Dictionnaire de droit québécois et canadien avec table des abréviations et lexique anglaisfrançais, 2e éd. Montréal : Wilson & Lafleur, 2001, « loi », « règle ». Woehrling, José. « L’obligation d’accommodement raisonnable et l’adaptation de la société à la diversité religieuse » (1998), 43 R.D. McGill 325. APPEAL from a judgment of the Quebec Court of Appeal (Pelletier and Rochon JJ.A. and Lemelin J. (ad hoc)), [2004] R.J.Q. 824, 241 D.L.R. (4th) 336, 12 Admin. L.R. (4th) 233, [2004] Q.J. No. 1904 (QL), reversing a judgment of Grenier J., [2002] Q.J. No. 1131 (QL). Appeal allowed. POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec (les juges Pelletier et Rochon et la juge Lemelin (ad hoc)), [2004] R.J.Q. 824, 241 D.L.R. (4th) 336, 12 Admin. L.R. (4th) 233, [2004] J.Q. no 1904 (QL), qui a infirmé une décision de la juge Grenier, [2002] J.Q. no 1131 (QL). Pourvoi accueilli. Julius H. Grey, Lynne-Marie Casgrain, Elisabeth Goodwin and Jean Philippe Desmarais, for the appellants. Julius H. Grey, Lynne-Marie Casgrain, Elisabeth Goodwin et Jean Philippe Desmarais, pour les appelants. François Aquin and Carla Chamass, for the respondent Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. François Aquin et Carla Chamass, pour l’intimée la Commission scolaire MargueriteBourgeoys. René Bourassa and Hugo Jean, for the respondent the Attorney General of Quebec. René Bourassa et Hugo Jean, pour l’intimé le procureur général du Québec. [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 265 Palbinder K. Shergill, for the intervener the World Sikh Organization of Canada. Palbinder K. Shergill, pour l’intervenante World Sikh Organization of Canada. Mahmud Jamal and Patricia McMahon, for the intervener the Canadian Civil Liberties Association. Mahmud Jamal et Patricia McMahon, pour l’intervenante l’Association canadienne des libertés civiles. Philippe Dufresne, for the intervener the Canadian Human Rights Commission. Philippe Dufresne, pour l’intervenante la Commission canadienne des droits de la personne. Raj Dhir and Anthony D. Griffin, for the intervener the Ontario Human Rights Commission. Raj Dhir et Anthony D. Griffin, pour l’intervenante la Commission ontarienne des droits de la personne. English version of the judgment of McLachlin C.J. and Bastarache, Binnie, Fish and Charron JJ. delivered by Le jugement de la juge en chef McLachlin et des juges Bastarache, Binnie, Fish et Charron a été rendu par Charron J. — La juge Charron — 1. Introduction 1. Introduction This appeal requires us to determine whether the decision of a school board’s council of commissioners prohibiting one of the students under its jurisdiction from wearing a kirpan to school as required by his religion infringes the student’s freedom of religion. If we find that it does, we must determine whether that infringement is a reasonable limit that can be justified by the need to maintain a safe environment at the school. Il s’agit, dans le présent pourvoi, de déterminer si la décision d’un conseil des commissaires interdisant à un des élèves relevant de ce conseil de porter un kirpan à l’école, tel que le requiert sa religion, porte atteinte à la liberté de religion de cet élève. Dans l’affirmative, il faut se demander si cette atteinte constitue une limite raisonnable pouvant être justifiée par le besoin de maintenir un environnement sécuritaire à cette école. 1 As I will explain below, I am of the view that an absolute prohibition against wearing a kirpan infringes the freedom of religion of the student in question under s. 2(a) of the Canadian Charter of Rights and Freedoms (“Canadian Charter”). The infringement cannot be justified under s. 1 of the Canadian Charter, since it has not been shown that such a prohibition minimally impairs the student’s rights. The decision of the council of commissioners must therefore be declared a nullity. Comme je l’expliquerai plus loin, je suis d’avis que la prohibition absolue de porter le kirpan porte atteinte à la liberté de religion garantie à l’élève concerné par l’al. 2a) de la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte canadienne »). Cette atteinte ne peut être justifiée en vertu de l’article premier de la Charte canadienne, car il n’a pas été démontré qu’une telle prohibition constitue une atteinte minimale aux droits de cet élève. La décision du conseil des commissaires doit donc être déclarée nulle. 2 2. Facts 2. Faits The appellant Balvir Singh Multani and his son Gurbaj Singh Multani are orthodox Sikhs. Gurbaj Singh, born in 1989, has been baptized and L’appelant, Balvir Singh Multani, et son fils, Gurbaj Singh Multani, sont de religion sikhe orthodoxe. Gurbaj Singh, né en 1989, est baptisé et croit 3 266 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. believes that his religion requires him to wear a kirpan at all times; a kirpan is a religious object that resembles a dagger and must be made of metal. On November 19, 2001, Gurbaj Singh accidentally dropped the kirpan he was wearing under his clothes in the yard of the school he was attending, École Sainte-Catherine-Labouré. On December 21, 2001, the school board, the Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (“CSMB”), through its legal counsel, sent Gurbaj Singh’s parents a letter in which, as a [TRANSLATION] “reasonable accommodation”, it authorized their son to wear his kirpan to school provided that he complied with certain conditions to ensure that it was sealed inside his clothing. Gurbaj Singh and his parents agreed to this arrangement. que sa religion requiert qu’il porte en tout temps un kirpan, objet religieux qui ressemble à un poignard et doit être fait de métal. Le 19 novembre 2001, Gurbaj Singh échappe accidentellement dans la cour de l’école qu’il fréquente, Sainte-CatherineLabouré, le kirpan qu’il portait sous ses vêtements. Le 21 décembre 2001, la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (« CSMB »), par l’entremise de son conseiller juridique, fait parvenir aux parents de Gurbaj Singh une lettre permettant, à titre d’« accommodement raisonnable », à leur fils de porter son kirpan à l’école si certaines conditions visant à le sceller à l’intérieur de ses vêtements sont respectées. Gurbaj Singh et ses parents acceptent cet arrangement. 4 In a resolution passed on February 12, 2002, the school’s governing board refused to ratify the agreement on the basis that wearing a kirpan at the school violated art. 5 of the school’s Code de vie (code of conduct), which prohibited the carrying of weapons and dangerous objects. For the purposes of this case, it is not in dispute that the governing board had, pursuant to the authority granted to it under s. 76 of the Education Act, R.S.Q., c. I‑13.3, approved the Code de vie, which imposed certain rules of conduct. Par résolution adoptée le 12 février 2002, le conseil d’établissement de l’école refuse d’entériner l’entente, pour le motif que le port du kirpan à l’école contrevient à l’art. 5 du Code de vie de l’école qui prohibe le port d’armes et d’objets dangereux. Pour les besoins du présent débat, il n’est pas contesté que, en vertu du pouvoir conféré par l’art. 76 de la Loi sur l’instruction publique, L.R.Q., ch. I-13.3, le conseil d’établissement avait déjà approuvé le Code de vie imposant certaines règles de conduite. 5 On March 19, 2002, based on a unanimous recommendation by a review committee to which a request by the Multanis to reconsider the governing board’s decision had been referred, the CSMB’s council of commissioners upheld that decision. The council of commissioners also notified the Multanis that a symbolic kirpan in the form of a pendant or one in another form made of a material rendering it harmless would be acceptable in the place of a real kirpan. Le 19 mars 2002, s’appuyant sur la recommandation unanime du comité de révision saisi d’une demande de réexamen de la part des Multani, le conseil des commissaires de la CSMB maintient la décision du conseil d’établissement. Le conseil des commissaires avise de plus les Multani qu’un kirpan symbolique sous forme de pendentif ou sous une autre forme, qui serait fabriqué dans un matériau qui le rendrait inoffensif, serait accepté au lieu d’un véritable kirpan. 6 On March 25, 2002, Balvir Singh Multani, personally and in his capacity as tutor to his son Gurbaj Singh, filed in the Superior Court, under art. 453 of the Code of Civil Procedure, R.S.Q., c. C‑25, and s. 24(1) of the Canadian Charter, a motion for a declaratory judgment together with an application for an interlocutory injunction. In his motion, Mr. Multani asked the court to declare that the council Le 25 mars 2002, Balvir Singh Multani, personnellement et en tant que tuteur de son fils Gurbaj Singh, dépose devant la Cour supérieure, en vertu de l’art. 453 du Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C-25, et du par. 24(1) de la Charte canadienne, une requête en jugement déclaratoire assortie d’une demande d’injonction interlocutoire. Dans sa requête, M. Multani demande à la cour de [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 267 of commissioners’ decision was of no force or effect and that Gurbaj Singh had a right to wear his kirpan to school if it was sealed and sewn up inside his clothing. He submitted that this would represent a reasonable accommodation to the freedom of religion and right to equality guaranteed in ss. 3 and 10 of the Charter of human rights and freedoms, R.S.Q., c. C‑12 (“Quebec Charter”), and ss. 2 and 15 of the Canadian Charter. déclarer que la décision du conseil des commissaires est inopérante et que Gurbaj Singh a le droit de porter son kirpan à l’école, s’il est scellé et cousu à l’intérieur de ses vêtements. Il affirme que cette permission constitue une mesure d’accommodement raisonnable à la liberté de religion et au droit à l’égalité garantis par les art. 3 et 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C-12 (« Charte québécoise »), et les art. 2 et 15 de la Charte canadienne. On April 16, 2002, Tellier J. ordered an interlocutory injunction and authorized Gurbaj Singh to wear his kirpan, provided that he complied with the conditions initially proposed by the CSMB, until a final decision was rendered in the case. On May 17, 2002, Grenier J. of the Superior Court granted Mr. Multani’s motion for a declaratory judgment, declared the council of commissioners’ decision to be null and of no force or effect, and authorized Gurbaj Singh to wear his kirpan under certain conditions. The Quebec Court of Appeal allowed the appeal and dismissed the motion for a declaratory judgment on March 4, 2004. Balvir Singh Multani then appealed to this Court on behalf of himself and his son. Le 16 avril 2002, le juge Tellier prononce une injonction interlocutoire et permet à Gurbaj Singh de porter son kirpan aux conditions initialement posées par la CSMB, et ce, jusqu’au jugement final. Le 17 mai 2002, la juge Grenier de la Cour supérieure accueille la requête en jugement déclaratoire de M. Multani, déclare la décision du conseil des commissaires nulle et inopérante et permet à Gurbaj Singh de porter son kirpan sous réserve de certaines conditions. La Cour d’appel du Québec accueille l’appel et rejette la requête en jugement déclaratoire le 4 mars 2004. Balvir Singh Multani se pourvoit devant notre Cour, en son nom et au nom de son fils. 3. Decisions of the Courts Below 3. Décisions des juridictions inférieures 3.1 Superior Court ([2002] Q.J. No. 1131 (QL)) 3.1 Cour supérieure ([2002] J.Q. no 1131 (QL)) Grenier J. began by discussing the agreement between the CSMB and the Multanis respecting the proposed accommodation measure. Noting that the need to wear a kirpan was based on a sincere religious belief held by Gurbaj Singh and that there was no evidence of any violent incidents involving kirpans in Quebec schools, she granted the motion for a declaratory judgment and authorized Gurbaj Singh to wear his kirpan at Sainte-CatherineLabouré school on the following conditions (at para. 7): La juge Grenier souligne d’abord l’entente intervenue entre la CSMB et les Multani quant à la mesure d’accommodement proposée. Notant que le port du kirpan repose sur une croyance religieuse véritable de Gurbaj Singh et que la preuve n’a révélé aucun exemple d’incident de violence avec un kirpan dans les écoles au Québec, la juge Grenier accueille la requête en jugement déclaratoire et permet à Gurbaj Singh de porter son kirpan à l’école Sainte-Catherine-Labouré aux conditions suivantes (par. 7) : [TRANSLATION] – that the kirpan be worn under his clothes; – que le kirpan soit porté sous ses vêtements; – that the kirpan be carried in a sheath made of wood, not metal, to prevent it from causing injury; – que le fourreau dans lequel le kirpan se trouve ne soit pas en métal mais en bois, de façon à ce qu’il perde son aspect contondant; 7 8 268 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. – that the kirpan be placed in its sheath and wrapped and sewn securely in a sturdy cloth envelope, and that this envelope be sewn to the guthra; – que le kirpan soit placé dans son fourreau, enveloppé et cousu d’une façon sécuritaire dans une étoffe solide et que le tout soit cousu au guthra; – that school personnel be authorized to verify, in a reasonable fashion, that these conditions were being complied with; – que le personnel de l’école puisse vérifier, de façon raisonnable, que les conditions imposées ci-dessus sont respectées; – that the petitioner be required to keep the kirpan in his possession at all times, and that its disappearance be reported to school authorities immediately; and – que le requérant ne puisse en aucun temps se départir de son kirpan et que la disparition de ce dernier soit rapportée aux autorités de l’école immédiatement; – that in the event of a failure to comply with the terms of the judgment, the petitioner would definitively lose the right to wear his kirpan at school. – qu’à défaut de respecter le présent jugement, le requérant perdra définitivement le droit de porter son kirpan à l’école. 3.2 Court of Appeal (Pelletier and Rochon JJ.A. and Lemelin J. (ad hoc)) ([2004] Q.J. No. 1904 (QL)) 3.2 Cour d’appel (les juges Pelletier et Rochon et la juge Lemelin (ad hoc)) ([2004] R.J.Q. 824) 9 Writing on behalf of a unanimous Quebec Court of Appeal, Lemelin J. (ad hoc) began by pointing out that the parties had not agreed on an accommodation measure, since the CSMB had consistently opposed the Multanis’ motion and argued in favour of a measure similar to the offer made in the council of commissioners’ resolution, that is, permission to wear a symbolic kirpan or one made of a material rendering it harmless. Rédigeant l’opinion unanime de la Cour d’appel du Québec, la juge Lemelin précise d’abord que les parties ne se sont pas entendues quant à une mesure d’accommodement, la CSMB ayant toujours demandé le rejet de la requête et s’étant toujours référée à une mesure d’accommodement qui correspondrait à l’offre faite dans la résolution du conseil des commissaires, soit le port d’un kirpan symbolique ou fait d’un matériau qui le rendrait inoffensif. 10 Regarding the applicable standard of review, Lemelin J. conducted a pragmatic and functional analysis and concluded that the applicable standard was reasonableness simpliciter. Quant à la norme de contrôle applicable, la juge Lemelin procède à une analyse pragmatique et fonctionnelle et conclut que la norme applicable est la décision raisonnable simpliciter. 11 Lemelin J. found that the appellant had proven that his son’s need to wear a kirpan was a sincerely held religious belief and was not capricious. She concluded that the council of commissioners’ decision infringed Gurbaj Singh’s freedom of religion and conscience because it had [TRANSLATION] “the effect of impeding conduct integral to the practice of [his] religion” (para. 71). La juge Lemelin estime que l’appelant a prouvé que la nécessité pour son fils de porter un kirpan représente une croyance religieuse sincère et n’est pas un caprice. Elle conclut que la décision du conseil des commissaires porte atteinte à la liberté de religion et de conscience de Gurbaj Singh, car elle a « pour effet d’entraver une conduite qui fait partie intégrante de la pratique de [sa] religion » (par. 71). 12 Lemelin J. first noted that Gurbaj Singh’s freedom of religion could be limited for the purposes of s. 1 of the Canadian Charter — in accordance with the test set out in R. v. Oakes, [1986] 1 S.C.R. 103 — and of s. 9.1 of the Quebec Charter. She stated that she could not conceive of a sufficient La juge Lemelin rappelle d’abord que la liberté de religion de Gurbaj Singh peut être restreinte en vertu de l’article premier de la Charte canadienne, conformément au critère établi dans l’arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, et en vertu de l’art. 9.1 de la Charte québécoise. Elle indique qu’elle [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 269 justification where there is a reasonable accommodation measure. Lemelin J. considered that the council of commissioners’ decision was motivated by a pressing and substantial objective, namely to ensure the safety of the school’s students and staff. She stated that there was a direct and rational connection between the prohibition against wearing a kirpan to school and the objective of maintaining a safe environment. Lemelin J. explained that the duty to accommodate is a corollary of the minimal impairment criterion. Given that the kirpan is a dangerous object, that the conditions imposed by Grenier J. did not eliminate every risk, but merely delayed access to the object, and that the concerns expressed by the school board were not merely hypothetical, Lemelin J. concluded that allowing the kirpan to be worn, even under certain conditions, would oblige the school board to reduce its safety standards and would result in undue hardship. In her opinion, the school’s students and staff would be exposed to the risks associated with the kirpan. She stated that she was unable to convince herself that safety concerns are less serious in schools than in courts of law or in airplanes. She concluded that the council of commissioners’ decision was not unreasonable and did not warrant intervention. Given this conclusion, she did not consider it necessary to conduct a separate analysis with regard to a violation of the right to equality, since the same arguments concerning justification would apply. She allowed the appeal and dismissed Mr. Multani’s motion for a declaratory judgment. ne peut concevoir une justification suffisante s’il existe une mesure d’accommodement raisonnable. La juge Lemelin exprime l’avis que la décision du conseil des commissaires poursuit un objectif urgent et réel, soit d’assurer la sécurité des élèves et du personnel de l’école. Elle affirme qu’il existe un lien direct et rationnel entre l’interdiction de porter le kirpan à l’école et l’objectif consistant à maintenir un environnement sécuritaire. En ce qui concerne l’atteinte minimale, la juge Lemelin précise que l’obligation d’offrir un accommodement est le corollaire de ce critère. Considérant que le kirpan est un objet dangereux, que les conditions imposées par la juge Grenier n’écartent pas tous les risques mais ne font que retarder l’accès à l’objet et que les craintes exposées par la Commission scolaire ne sont pas hypothétiques, la juge Lemelin conclut que permettre le port du kirpan, même à certaines conditions, obligerait la Commission scolaire à réduire ses normes de sécurité et entraînerait une contrainte excessive. Selon elle, les élèves et le personnel de l’école sont exposés aux risques associés au kirpan. Elle indique qu’elle ne peut se convaincre que les impératifs de sécurité sont moindres à l’école que dans les cours de justice ou les avions. Elle conclut que la décision du conseil des commissaires n’est pas déraisonnable et ne justifie aucune intervention. Vu cette conclusion, elle estime qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse distincte à l’égard d’une violation du droit à l’égalité, puisque les mêmes arguments justificatifs seraient applicables. Elle accueille l’appel et rejette la requête en jugement déclaratoire de M. Multani. 4. Issues 4. Questions en litige Does the decision of the council of commissioners prohibiting Gurbaj Singh Multani from wearing his kirpan at Sainte-Catherine-Labouré school infringe his freedom of religion under s. 2(a) of the Canadian Charter or s. 3 of the Quebec Charter? Does the decision infringe his right to equality under s. 15 of the Canadian Charter or s. 10 of the Quebec Charter? If so, can the infringement be justified pursuant to s. 1 of the Canadian Charter or s. 9.1 of the Quebec Charter? La décision du conseil des commissaires interdisant à Gurbaj Singh Multani de porter son kirpan à l’école Sainte-Catherine-Labouré porte-t-elle atteinte à la liberté de religion garantie à celuici par l’al. 2a) de la Charte canadienne ou l’art. 3 de la Charte québécoise? Cette décision portet-elle atteinte au droit à l’égalité qui lui est garanti par l’art. 15 de la Charte canadienne ou l’art. 10 de la Charte québécoise? Dans l’affirmative, cette atteinte peut-elle être justifiée par application de l’article premier de la Charte canadienne ou de l’art. 9.1 de la Charte québécoise? 13 270 14 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. I will begin by discussing the freedom of religion guaranteed by s. 2(a) of the Canadian Charter. Before proceeding with the analysis, there are a few preliminary issues to address. Je traiterai d’abord de la liberté de religion garantie par l’al. 2a) de la Charte canadienne. Avant de procéder à l’analyse, il y a lieu de faire le point sur quelques questions préliminaires. 5. Preliminary Issues 5. Questions préliminaires 5.1 The Administrative Law Standard of Review Is Not Applicable 5.1 Inapplication de la norme de contrôle en droit administratif 15 Although the appropriate standard of review in the case at bar was not argued at trial, it was in the Court of Appeal. Based on the decisions in Chamberlain v. Surrey School District No. 36, [2002] 4 S.C.R. 710, 2002 SCC 86, and Dr. Q v. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 S.C.R. 226, 2003 SCC 19, the Court of Appeal concluded that the standard for reviewing the council of commissioners’ decision should be reasonableness simpliciter. Having found that the decision infringed Gurbaj Singh’s freedom of religion and conscience, the Court of Appeal then incorporated that administrative law standard of review into its analysis of constitutional justification under s. 1 of the Canadian Charter. My colleagues Deschamps and Abella JJ. see no reason to depart from the administrative law approach adopted by the Court of Appeal (para. 95). They also believe that it is both sufficient and more appropriate, in the case at bar, to rely solely on the principles of administrative law to decide the substantive issue rather than applying the principles of constitutional justification. La question de la norme de contrôle appropriée en l’espèce n’a pas été débattue en première instance, mais elle l’a été devant la Cour d’appel. Se fondant sur les arrêts Chamberlain c. Surrey School District No. 36, [2002] 4 R.C.S. 710, 2002 CSC 86, et Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, 2003 CSC 19, la Cour d’appel a conclu que la décision du conseil des commissaires devait être révisée selon la norme de la décision raisonnable simpliciter. Ayant jugé que la décision du conseil des commissaires portait atteinte à la liberté de religion et de conscience de Gurbaj Singh, la Cour d’appel a ensuite incorporé cette norme de contrôle du droit administratif dans son analyse de la justification constitutionnelle au regard de l’article premier de la Charte canadienne. Mes collègues les juges Deschamps et Abella ne voient pas de raison d’écarter l’approche fondée sur le droit administratif adoptée par la Cour d’appel (par. 95). De plus, elles estiment qu’il est suffisant et plus approprié, en l’espèce, de s’en tenir aux règles du droit administratif pour répondre à la question de fond plutôt que de suivre celles de la justification constitutionnelle. 16 With respect for the opinion of Deschamps and Abella JJ., I am of the view that this approach could well reduce the fundamental rights and freedoms guaranteed by the Canadian Charter to mere administrative law principles or, at the very least, cause confusion between the two. It is not surprising that the values underlying the rights and freedoms guaranteed by the Canadian Charter form part — and sometimes even an integral part — of the laws to which we are subject. However, the fact that an issue relating to constitutional rights is raised in an administrative context does not mean that the constitutional law standards must be Avec égards pour l’opinion des juges Deschamps et Abella, je suis d’avis que cette approche risque de réduire les droits et libertés fondamentaux garantis par la Charte canadienne à de simples principes de droit administratif ou, à tout le moins, de les confondre avec ces derniers. Il n’y a rien d’étonnant à ce que les valeurs qui sous-tendent les droits et libertés garantis par la Charte canadienne fassent partie — parfois même intégrante — des règles de droit qui nous gouvernent. Toutefois, ce n’est pas parce qu’une question concernant les droits constitutionnels se soulève dans un contexte administratif que l’on doit dissoudre les normes du droit [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 271 dissolved into the administrative law standards. The rights and freedoms guaranteed by the Canadian Charter establish a minimum constitutional protection that must be taken into account by the legislature and by every person or body subject to the Canadian Charter. The role of constitutional law is therefore to define the scope of the protection of these rights and freedoms. An infringement of a protected right will be found to be constitutional only if it meets the requirements of s. 1 of the Canadian Charter. Moreover, as Dickson C.J. noted in Slaight Communications Inc. v. Davidson, [1989] 1 S.C.R. 1038, the more sophisticated and structured analysis of s. 1 is the proper framework within which to review the values protected by the Canadian Charter (see also Ross v. New Brunswick School District No. 15, [1996] 1 S.C.R. 825, at para. 32). Since, as I will explain below, it is the compliance of the commissioners’ decision with the requirements of the Canadian Charter that is central to this appeal, it is my opinion that the Court of Appeal’s analysis of the standard of review was inadequate and that it leads to an erroneous conclusion. constitutionnel dans celles du droit administratif. Les droits et libertés garantis par la Charte canadienne établissent une protection constitutionnelle minimale, qui doit être respectée par le législateur et par toute personne ou organisme qui y est assujetti. C’est donc le rôle du droit constitutionnel de circonscrire l’étendue de la protection visant ces droits et libertés. Pour être jugée constitutionnelle, toute atteinte à un droit garanti doit satisfaire aux exigences de l’article premier de la Charte canadienne. De plus, comme l’a fait remarquer le juge en chef Dickson dans Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038, c’est l’analyse mieux structurée et plus subtile fondée sur l’article premier qui constitue le cadre approprié pour l’examen des valeurs protégées par la Charte canadienne (voir aussi l’arrêt Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825, par. 32). Puisqu’en l’espèce, comme je l’expliquerai plus loin, c’est la conformité de la décision des commissaires avec les exigences de la Charte canadienne qui est au cœur du présent pourvoi, je suis d’avis que l’analyse de la norme de contrôle à laquelle la Cour d’appel a procédé n’était pas appropriée et qu’elle mène à une conclusion erronée. As this Court recognized in Ross, judicial review may involve a constitutional law component and an administrative law component (para. 22). In that case, for example, the appeal raised two broad issues. From the point of view of administrative law, the Court first had to determine whether, based on the appropriate administrative law standard of review, namely reasonableness, the human rights board of inquiry had erred in making a finding of discrimination under s. 5(1) of the Human Rights Act, R.S.N.B. 1973, c. H‑11, and whether that Act gave it jurisdiction to make the order in issue. (It should be noted here that the Court did not confuse the protection against discrimination provided for in s. 5(1) of the Act with the right guaranteed in s. 15 of the Canadian Charter.) However, the conclusion that there was discrimination and that the Act granted the board of inquiry a very broad power to make orders did not end the analysis. Since the respondent had also argued that the decision infringed his freedom of expression and religion Comme l’a reconnu notre Cour dans l’arrêt Ross, le contrôle judiciaire peut comporter un volet « droit constitutionnel » et un volet « droit administratif » (par. 22). Dans Ross, par exemple, le pourvoi soulevait deux grandes questions. Du point de vue du droit administratif, la Cour devait d’abord déterminer, selon la norme de contrôle du droit administratif appropriée — en l’occurrence la décision raisonnable —, si la commission d’enquête sur les droits de la personne avait commis une erreur en concluant à l’existence de discrimination au sens du par. 5(1) de la Loi sur les droits de la personne, L.R.N.-B. 1973, ch. H-11, et si elle avait la compétence, en vertu de cette même Loi, pour rendre l’ordonnance en litige. (Il importe de souligner ici que la Cour n’a pas confondu la protection contre la « discrimination » prévue au par. 5(1) de la Loi avec le droit garanti à l’art. 15 de la Charte canadienne.) La conclusion qu’il y avait discrimination et que la Loi conférait à la commission d’enquête un très large pouvoir de rendre des 17 272 18 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. under the Canadian Charter, the Court also had to determine whether the board of inquiry’s order that the school board remove the respondent from his teaching position was valid from the point of view of constitutional law. As the Court recognized, “an administrative tribunal acting pursuant to its delegated powers exceeds its jurisdiction if it makes an order that infringes the Charter” (para. 31; see also Slaight Communications). The Court therefore conducted an analysis under ss. 2(a) and (b) and 1 of the Canadian Charter to decide the constitutional issue. The administrative law standard of review is not applicable to the constitutional component of judicial review. ordonnances ne mettait toutefois pas fin à l’analyse. Puisque l’intimé avait aussi fait valoir que la décision portait atteinte à sa liberté d’expression et à sa liberté de religion garanties par la Charte canadienne, la Cour devait également se demander si l’ordonnance de la commission d’enquête enjoignant au conseil scolaire de retirer à l’intimé son poste d’enseignant était valide du point de vue du droit constitutionnel. Comme l’a reconnu la Cour, « un tribunal administratif qui agit conformément aux pouvoirs qui lui ont été délégués excède sa compétence s’il rend une ordonnance qui contrevient à la Charte » (par. 31; voir aussi Slaight Communications). La Cour a donc procédé à une analyse au regard des al. 2a) et b) et de l’article premier de la Charte canadienne afin de répondre à la question constitutionnelle. La norme de contrôle du droit administratif n’est pas applicable au volet constitutionnel du contrôle judiciaire. As stated above, it is the compliance of the commissioners’ decision with the requirements of the Canadian Charter that is central to this appeal, not the decision’s validity from the point of view of administrative law. Section 76 of the Education Act grants the governing board the power to approve any safety measure proposed by a school principal: En l’espèce, comme je l’ai mentionné plus tôt, c’est la conformité de la décision des commissaires avec les exigences de la Charte canadienne qui est au cœur du présent pourvoi, et non sa validité du point de vue du droit administratif. L’article 76 de la Loi sur l’instruction publique confère au conseil d’établissement le pouvoir d’approuver toute mesure de sécurité proposée par le directeur de l’école : The governing board is responsible for approving the rules of conduct and the safety measures proposed by the principal. Le conseil d’établissement approuve les règles de conduite et les mesures de sécurité proposées par le directeur de l’école. The rules and measures may include disciplinary sanctions other than expulsion from school or corporal punishment; the rules and measures shall be transmitted to all students at the school and their parents. Ces règles et mesures peuvent prévoir les sanctions disciplinaires applicables, autres que l’expulsion de l’école et des punitions corporelles; elles sont transmises à chaque élève de l’école et à ses parents. The governing board exercised this power to approve, inter alia, art. 5 of the Code de vie, which prohibits the carrying of weapons and dangerous objects at Sainte-Catherine-Labouré school. The council of commissioners, in turn, upheld the governing board’s decision pursuant to the power implicitly conferred on it in s. 12 of the Education Act, which reads as follows: Le conseil d’établissement a usé de ce pouvoir afin d’approuver, notamment, l’art. 5 du Code de vie qui prohibe le port d’armes et d’objets dangereux à l’école Sainte-Catherine-Labouré. À son tour, le conseil des commissaires a maintenu la décision du conseil d’établissement en vertu du pouvoir que lui accorde implicitement l’art. 12 de la Loi sur l’instruction publique, qui dispose : The council of commissioners may, if it considers that the request is founded, overturn, entirely or in part, Le conseil des commissaires peut, s’il estime la demande fondée, infirmer en tout ou en partie la décision visée [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 273 the decision contemplated by the request and make the decision which, in its opinion, ought to have been made in the first instance. par la demande et prendre la décision qui, à son avis, aurait dû être prise en premier lieu. There is no suggestion that the council of commissioners did not have jurisdiction, from an administrative law standpoint, to approve the Code de vie. Nor, it should be noted, is the administrative and constitutional validity of the rule against carrying weapons and dangerous objects in issue. It would appear that the Code de vie was never even introduced into evidence by the parties. Rather, the appellant argues that it was in applying the rule, that is, in categorically denying Gurbaj Singh the right to wear his kirpan, that the governing board, and subsequently the council of commissioners when it upheld the original decision, infringed Gurbaj Singh’s freedom of religion under the Canadian Charter. Nul ne prétend que le conseil des commissaires n’avait pas compétence, sur le plan du droit administratif, pour approuver le Code de vie en question. Il importe de souligner que la validité, tant administrative que constitutionnelle, de la règle prohibant le port d’armes et d’objets dangereux n’est pas contestée non plus. Il semblerait d’ailleurs que le Code de vie n’a même jamais été déposé en preuve par les parties. L’appelant prétend plutôt que c’est en appliquant cette règle, c’est-à-dire en refusant de façon absolue à Gurbaj Singh le droit de porter son kirpan, que le conseil d’établissement et plus tard le conseil des commissaires en maintenant la première décision, ont porté atteinte à la liberté de religion garantie à Gurbaj Singh par la Charte canadienne. 19 The complaint is based entirely on this constitutional freedom. The Court of Appeal therefore erred in applying the reasonableness standard to its constitutional analysis. The administrative law standard of review was not relevant. Moreover, if this appeal had instead concerned the review of an administrative decision based on the application and interpretation of the Canadian Charter, it would, according to the case law of this Court, have been necessary to apply the correctness standard (Nova Scotia (Workers’ Compensation Board) v. Martin, [2003] 2 S.C.R. 504, 2003 SCC 54, at para. 31). La plainte repose entièrement sur cette liberté constitutionnelle. Par conséquent, la Cour d’appel a commis une erreur en appliquant la norme de la décision raisonnable à son analyse constitutionnelle. La norme de contrôle du droit administratif n’était pas pertinente. Qui plus est, si l’objet du présent pourvoi était plutôt la révision d’une décision administrative fondée sur l’application et l’interprétation de la Charte canadienne, au regard de la jurisprudence de la Cour, ce serait alors la norme de la décision correcte qui devrait être appliquée (Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, [2003] 2 R.C.S. 504, 2003 CSC 54, par. 31). 20 Thus, it is the constitutionality of the decision that is in issue in this appeal, which means that a constitutional analysis must be conducted. The reasons of Deschamps and Abella JJ. raise another issue relating to the application of s. 1 of the Canadian Charter. My colleagues believe that the Court should address the issue of justification under s. 1 only where a complainant is attempting to overturn a normative rule as opposed to a decision applying that rule. With respect, it is of little importance to Gurbaj Singh — who wants to exercise his freedom of religion — whether the absolute prohibition against wearing a kirpan in his school derives from the actual wording of a C’est donc la validité constitutionnelle de la décision qui est en cause dans le présent pourvoi et, conséquemment, la grille d’analyse constitutionnelle doit être appliquée. Les motifs des juges Deschamps et Abella soulèvent une autre question concernant l’application de l’article premier de la Charte canadienne. Mes collègues estiment que la Cour ne devrait avoir recours à la démarche justificative prévue par cette disposition que dans le cas où le plaignant sollicite l’annulation d’une règle à portée normative plutôt que d’une décision appliquant cette règle. Avec égards pour cette opinion, il importe peu à Gurbaj Singh — qui veut faire valoir sa liberté de religion — que la prohibition absolue 21 274 22 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. normative rule or merely from the application of such a rule. In either case, any limit on his freedom of religion must meet the same requirements if it is to be found to be constitutional. In my opinion, consistency in the law can be maintained only by addressing the issue of justification under s. 1 regardless of whether what is in issue is the wording of the statute itself or its application. I will explain this. du port du kirpan dans son école découle du texte même d’une règle à portée normative ou tout simplement de l’application d’une telle règle. Dans les deux cas, toute restriction à sa liberté de religion doit satisfaire aux mêmes exigences pour être jugée constitutionnelle. Je suis d’avis que la cohérence du droit ne peut être maintenue qu’en ayant recours à la justification prévue par l’article premier, que ce soit le texte même de la loi qui soit en cause ou son application. Je m’explique. There is no question that the Canadian Charter applies to the decision of the council of commissioners, despite the decision’s individual nature. The council is a creature of statute and derives all its powers from statute. Since the legislature cannot pass a statute that infringes the Canadian Charter, it cannot, through enabling legislation, do the same thing by delegating a power to act to an administrative decision maker: see Slaight Communications, at pp. 1077-78. As was explained in Eldridge v. British Columbia (Attorney General), [1997] 3 S.C.R. 624, at para. 20, the Canadian Charter can apply in two ways: Il ne fait aucun doute que la Charte canadienne s’applique à la décision du conseil des commissaires, nonobstant le caractère individuel de cette décision. Le conseil est une émanation de la loi et il tire tous ses pouvoirs de celle-ci. Comme le législateur ne peut adopter une loi qui viole la Charte canadienne, il ne saurait le faire, par le truchement d’une loi habilitante, en déléguant un pouvoir d’agir à une autorité décisionnelle administrative : voir Slaight Communications, p. 1077-1078. Comme il est précisé dans l’arrêt Eldridge c. ColombieBritannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, par. 20, la Charte canadienne peut s’appliquer de deux manières : First, legislation may be found to be unconstitutional on its face because it violates a Charter right and is not saved by s. 1. In such cases, the legislation will be invalid and the Court compelled to declare it of no force or effect pursuant to s. 52(1) of the Constitution Act, 1982. Secondly, the Charter may be infringed, not by the legislation itself, but by the actions of a delegated decision-maker in applying it. In such cases, the legislation remains valid, but a remedy for the unconstitutional action may be sought pursuant to s. 24(1) of the Charter. Premièrement, une loi peut être jugée inconstitutionnelle suivant son texte même parce qu’elle porte atteinte à un droit garanti par la Charte et que sa validité n’est pas sauvegardée par l’article premier. En pareil cas, la loi est invalide et le tribunal est tenu de la déclarer inopérante en vertu du par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Deuxièmement, il est possible que la Charte soit violée non pas par la loi elle-même, mais par les actes d’un décideur à qui on a délégué son application. Dans un tel cas, la loi reste valide, mais une réparation peut être demandée en vertu du par. 24(1) de la Charte à l’égard de l’acte inconstitutionnel. Deschamps and Abella JJ. take the view that the Court must apply s. 1 of the Canadian Charter only in the first case. I myself believe that the same analysis is necessary in the second case, where the decision maker has acted pursuant to an enabling statute, since any infringement of a guaranteed right that results from the decision maker’s actions is also a limit “prescribed by law” within the meaning of s. 1. On the other hand, as illustrated by Little Sisters Book and Art Emporium v. Canada (Minister of Justice), [2000] 2 S.C.R. 1120, 2000 Les juges Deschamps et Abella sont d’avis que la Cour ne doit avoir recours à l’article premier de la Charte canadienne que dans le premier cas. J’estime pour ma part que la même analyse s’impose également dans le deuxième cas, lorsque le décideur a agi conformément à la loi habilitante, étant donné que toute atteinte à un droit garanti découlant des actes de ce dernier est aussi une restriction « par une règle de droit » au sens de l’article premier. D’autre part, comme l’illustre l’arrêt Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Ministre de la Justice), [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 275 SCC 69, at para. 141, when the delegated power is not exercised in accordance with the enabling legislation, a decision not authorized by statute is not a limit “prescribed by law” and therefore cannot be justified under s. 1. [2000] 2 R.C.S. 1120, 2000 CSC 69, par. 141, lorsque le pouvoir délégué n’est pas exercé conformément à la loi habilitante, la décision non autorisée par un texte de loi n’est pas une restriction « prescrite par une règle de droit » et ne saurait en conséquence être justifiée au regard de l’article premier. In the case at bar, no one is suggesting that the council of commissioners failed to act in accordance with its enabling legislation. It is thus necessary to determine, as the Court did in Slaight Communications, whether the council of commissioners’ decision infringes, as alleged, Gurbaj Singh’s freedom of religion. As Lamer J. explained (at pp. 1079-80), where the legislation pursuant to which an administrative body has made a contested decision confers a discretion (in the instant case, the choice of means to keep schools safe) and does not confer, either expressly or by implication, the power to limit the rights and freedoms guaranteed by the Canadian Charter, the decision should, if there is an infringement, be subjected to the test set out in s. 1 of the Canadian Charter to ascertain whether it constitutes a reasonable limit that can be demonstrably justified in a free and democratic society. If it is not justified, the administrative body has exceeded its authority in making the contested decision. En l’espèce, personne ne prétend que le conseil des commissaires n’a pas agi conformément à sa loi habilitante. Aussi, tout comme l’a fait la Cour dans l’arrêt Slaight Communications, il faut se demander si la décision rendue par le conseil des commissaires viole, comme on le prétend, la liberté de religion de Gurbaj Singh. Comme l’a expliqué le juge Lamer (p. 1079-1080), lorsque le texte législatif en vertu duquel un organisme administratif a rendu une décision contestée confère un pouvoir discrétionnaire (en l’occurrence le choix des moyens pour assurer la sécurité dans les écoles), et ne prévoit pas de façon explicite ou implicite le pouvoir de restreindre les droits et libertés garantis par la Charte canadienne, il y a lieu, en cas de violation, de soumettre cette décision au test énoncé à l’article premier de la Charte canadienne afin de déterminer si elle constitue une limite raisonnable dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. L’absence de justification indiquera que l’organisme administratif a outrepassé ses pouvoirs en prononçant la décision contestée. 5.2 5.2 Internal Limits of Freedom of Religion, or Justification Within the Meaning of Section 1? The parties have been unable to agree on the most appropriate analytical approach. The appellant considers it clear that the council of commissioners’ decision infringes his son’s freedom of religion protected by s. 2(a) of the Canadian Charter. In response to the respondents’ submissions, he maintains that only a limit that meets the test for the application of s. 1 of the Canadian Charter can be justified. The Attorney General of Quebec concedes that the prohibition against the appellant’s son wearing his kirpan to school infringes the son’s freedom of religion, but submits that, regardless of the conditions ordered by the Superior Court, the 23 Limites internes de la liberté de religion ou justification au sens de l’article premier? Les parties ne s’entendent pas quant à la méthode analytique la plus appropriée. L’appelant estime que la décision du conseil des commissaires porte clairement atteinte à la liberté de religion de son fils, protégée par l’al. 2a) de la Charte canadienne, et, en réponse aux prétentions des intimés, que seule une restriction satisfaisant au critère d’application de l’article premier de la Charte canadienne peut être justifiée. Le procureur général du Québec reconnaît que l’interdiction faite au fils de l’appelant de porter son kirpan à l’école porte atteinte à la liberté de religion de celui-ci, mais prétend que l’interdiction du port du kirpan à l’école, qu’elle 24 276 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. prohibition is a fair limit on freedom of religion, which is not an absolute right. soit ou non assortie des modalités ordonnées par la Cour supérieure, est une juste limite à la liberté de religion, droit qui n’est pas absolu. 25 According to the CSMB, freedom of religion has not been infringed, because it has internal limits. The CSMB considers that, in the instant case, the freedom of religion guaranteed by s. 2(a) must be limited by imperatives of public order, safety, and health, as well as by the rights and freedoms of others. In support of this contention, it relies primarily on Trinity Western University v. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 S.C.R. 772, 2001 SCC 31, in which the Court defined the scope of the rights in issue (freedom of religion and the right to equality) in order to resolve any potential conflict. The CSMB is of the view that, in the case at bar, delineating the rights in issue in this way would preserve Gurbaj Singh’s freedom of religion while, as in Trinity Western University, circumscribing his freedom to act in accordance with his beliefs. According to this line of reasoning, the outcome of this appeal would be decided at the stage of determining whether freedom of religion has been infringed rather than at the stage of reconciling the rights of the parties under s. 1 of the Canadian Charter. Selon la CSMB, il n’y a aucune atteinte à la liberté de religion, puisque celle-ci comporte des limites internes. Elle estime qu’en l’espèce la liberté de religion garantie à l’al. 2a) doit être limitée pour répondre à des impératifs d’ordre, de sécurité, de santé publique et pour respecter les droits et libertés d’autrui. À l’appui de cette prétention, elle invoque principalement l’arrêt Université Trinity Western c. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 R.C.S. 772, 2001 CSC 31, dans lequel la Cour a délimité la portée des droits en cause (liberté de religion et droit à l’égalité) pour régler tout conflit potentiel. La CSMB est d’avis que, en l’espèce, une telle délimitation des droits en jeu préserverait la liberté de religion de Gurbaj Singh, mais comme dans Université Trinity Western circonscrirait sa liberté d’agir conformément à ses croyances. Selon ce raisonnement, le résultat du présent appel serait décidé à l’étape de la détermination de l’atteinte à la liberté de religion plutôt qu’à celle de la conciliation des droits des parties en vertu de l’article premier de la Charte canadienne. 26 This Court has clearly recognized that freedom of religion can be limited when a person’s freedom to act in accordance with his or her beliefs may cause harm to or interfere with the rights of others (see R. v. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 S.C.R. 295, at p. 337, and Syndicat Northcrest v. Amselem, [2004] 2 S.C.R. 551, 2004 SCC 47, at para. 62). However, the Court has on numerous occasions stressed the advantages of reconciling competing rights by means of a s. 1 analysis. For example, in B. (R.) v. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 S.C.R. 315, the claimants, who were Jehovah’s Witnesses, contested an order that authorized the administration of a blood transfusion to their daughter. While acknowledging that freedom of religion could be limited in the best interests of the child, La Forest J., writing for the majority of the Court, stated the following, at paras. 109-10: Notre Cour a clairement reconnu que la portée de la liberté de religion pouvait être restreinte lorsque la liberté d’une personne d’agir suivant ses croyances est susceptible de causer préjudice aux droits d’autrui ou d’entraver l’exercice de ces droits (voir R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, p. 337, et Syndicat Northcrest c. Amselem, [2004] 2 R.C.S. 551, 2004 CSC 47, par. 62). Cependant, notre Cour a souligné à de nombreuses reprises les avantages qu’il y a à concilier les droits opposés dans le cadre de l’analyse fondée sur l’article premier. Par exemple, dans B. (R.) c. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315, les demandeurs — des témoins de Jéhovah — contestaient une ordonnance permettant que leur fille reçoive une transfusion sanguine. Bien que reconnaissant que la liberté de religion pouvait être restreinte dans l’intérêt véritable de l’enfant, le juge La Forest, qui s’exprimait pour la majorité de la Cour, a écrit ceci, aux par. 109-110 : [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 277 This Court has consistently refrained from formulating internal limits to the scope of freedom of religion in cases where the constitutionality of a legislative scheme was raised; it rather opted to balance the competing rights under s. 1 of the Charter . . . . Notre Cour s’est toujours gardée de poser des limites internes à la portée de la liberté de religion dans les cas où la constitutionnalité d’un régime législatif était soulevée; elle a plutôt choisi de soupeser les droits opposés dans le cadre de l’article premier de la Charte . . . In my view, it appears sounder to leave to the state the burden of justifying the restrictions it has chosen. Any ambiguity or hesitation should be resolved in favour of individual rights. Not only is this consistent with the broad and liberal interpretation of rights favoured by this Court, but s. 1 is a much more flexible tool with which to balance competing rights than s. 2(a). . . . À mon avis, il paraît plus judicieux de laisser à l’État la tâche de justifier les restrictions qu’il a choisi d’imposer. Toute ambiguïté ou hésitation devrait être dissipée en faveur des droits de l’individu. Non seulement cela est-il conforme à l’interprétation large et libérale des droits que préconise notre Cour, mais encore l’article premier est un outil beaucoup plus souple que l’al. 2a) pour soupeser des droits opposés. . . Ross provides another example of this. In that case, the Court recognized a teacher’s right to act on the basis of antisemitic views that compromised the right of students to a school environment free of discrimination, but opted to limit the teacher’s freedom of religion pursuant to s. 1 of the Canadian Charter (at paras. 74-75): L’arrêt Ross constitue un autre exemple où la Cour a reconnu à un enseignant le droit d’agir sur la foi de croyances antisémites qui compromettaient le droit des élèves à un milieu d’apprentissage exempt de discrimination, mais a plutôt choisi de restreindre la liberté de religion de cet enseignant en appliquant l’article premier de la Charte canadienne (par. 74-75) : This mode of approach is analytically preferable because it gives the broadest possible scope to judicial review under the Charter . . ., and provides a more comprehensive method of assessing the relevant conflicting values. . . . Cette méthode est préférable sur le plan analytique parce qu’elle donne au contrôle judiciaire en vertu de la Charte la plus large portée possible et fournit une méthode plus complète d’évaluation des valeurs opposées pertinentes. . . . . . That approach seems to me compelling in the present case where the respondent’s claim is to a serious infringement of his rights of expression and of religion in a context requiring a detailed contextual analysis. In these circumstances, there can be no doubt that the detailed s. 1 analytical approach developed by this Court provides a more practical and comprehensive mechanism, involving review of a whole range of factors for the assessment of competing interests and the imposition of restrictions upon individual rights and freedoms. . . . Ce point de vue me semble s’imposer dans le présent pourvoi où l’intimé allègue une atteinte grave à ses droits à la liberté d’expression et de religion dans des circonstances nécessitant une analyse contextuelle détaillée. Dans ces circonstances, il ne fait aucun doute que la méthode analytique détaillée que notre Cour a établie sous le régime de l’article premier constitue un mécanisme plus pratique et complet qui comporte l’examen de toute une gamme de facteurs aux fins de l’appréciation d’intérêts opposés et de l’imposition de restrictions à des droits et libertés individuels. It is important to distinguish these decisions from the ones in which the Court did not conduct a s. 1 analysis because there was no conflict of fundamental rights. For example, in Trinity Western University, the Court, asked to resolve a potential conflict between religious freedoms and equality rights, concluded that a proper delineation of the rights involved would make it possible to avoid any conflict in that case. Likewise, in Amselem, a case concerning the Quebec Charter, the Court refused to pit freedom of religion against the right to Il est important de distinguer ces arrêts de ceux où la Cour n’a pas procédé à l’analyse fondée sur l’article premier parce qu’il n’y avait pas de conflit de droits fondamentaux. Par exemple, dans l’arrêt Université Trinity Western, la Cour, qui était appelée à se prononcer sur un éventuel conflit entre la liberté de religion et le droit à l’égalité, est venue à la conclusion qu’une délimitation adéquate des droits en jeu permettait d’éviter tout conflit dans cette affaire. Il en fût de même dans l’arrêt Amselem où, dans une cause concernant la Charte québécoise, la 27 28 278 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. peaceful enjoyment and free disposition of property, because the impact on the latter was considered “at best, minimal” (para. 64). Logically, where there is not an apparent infringement of more than one fundamental right, no reconciliation is necessary at the initial stage. Cour s’est refusée à opposer la liberté de religion et le droit à la jouissance paisible et à la libre disposition des biens, puisque les incidences sur ce dernier étaient jugées « tout au plus minimes » (par. 64). En toute logique, là où il n’y a pas d’atteinte apparente à plus d’un droit fondamental, aucune conciliation au stade initial n’est nécessaire. 29 In the case at bar, the Court does not at the outset have to reconcile two constitutional rights, as only freedom of religion is in issue here. Furthermore, since the decision genuinely affects both parties and was made by an administrative body exercising statutory powers, a contextual analysis under s. 1 will enable us to balance the relevant competing values in a more comprehensive manner. Dans la présente cause, la Cour n’est pas appelée à réconcilier, d’entrée de jeu, deux droits constitutionnels, seule la liberté de religion étant invoquée ici. De plus, étant donné que la décision touche véritablement chacune des parties et que nous sommes en présence d’une décision prise par un organisme administratif dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, une analyse contextuelle fondée sur l’article premier permettra de soupeser de façon plus complète les valeurs opposées pertinentes. 30 This Court has frequently stated, and rightly so, that freedom of religion is not absolute and that it can conflict with other constitutional rights. However, since the test governing limits on rights was developed in Oakes, the Court has never called into question the principle that rights are reconciled through the constitutional justification required by s. 1 of the Canadian Charter. In this regard, the significance of Big M Drug Mart, which predated Oakes, was considered in B. (R.), at paras. 110-11; see also R. v. Keegstra, [1990] 3 S.C.R. 697, at pp. 733-34. In Dagenais v. Canadian Broadcasting Corp., [1994] 3 S.C.R. 835, the Court, in formulating the common law test applicable to publication bans, was concerned with the need to “develop the principles of the common law in a manner consistent with the fundamental values enshrined in the Constitution” (p. 878). For this purpose, since the media’s freedom of expression had to be reconciled with the accused’s right to a fair trial, the Court held that a common law standard that “clearly reflects the substance of the Oakes test” was the most appropriate one (p. 878). Cette Cour a souvent affirmé, avec raison, que la liberté de religion n’est pas absolue et peut entrer en conflit avec d’autres droits constitutionnels. Toutefois, depuis l’élaboration dans l’arrêt Oakes du critère encadrant la restriction des droits, elle n’a pas remis en question qu’en principe les droits sont conciliés au regard de la justification constitutionnelle que commande l’article premier de la Charte canadienne. À cet égard, la portée de l’arrêt Big M Drug Mart, rendu avant l’arrêt Oakes, a été examinée dans l’arrêt B. (R.), par. 110-111; voir aussi R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697, p. 733-734. Dans Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835, en élaborant le critère qui régit, en common law, les ordonnances de nonpublication, la Cour était soucieuse de « développer des principes de common law d’une façon compatible avec les valeurs fondamentales enchâssées dans la Constitution » (p. 878). À cette fin, puisqu’il s’agissait de concilier la liberté d’expression des médias et le droit de l’accusé à un procès équitable, la Cour a statué qu’une norme de common law qui « reflète nettement l’essence du critère énoncé dans l’arrêt Oakes » était la plus appropriée (p. 878). 31 Thus, the central issue in the instant case is best suited to a s. 1 analysis. But before proceeding with En l’espèce, le cœur du débat relève donc davantage de l’analyse fondée sur l’article premier. [2006] 1 R.C.S. multani 279 c. csmb La juge Charron this analysis, I will explain why the contested decision clearly infringes freedom of religion. Toutefois, avant de procéder à cette analyse, je vais expliquer pourquoi la décision litigieuse porte nettement atteinte à la liberté de religion. 6. Infringement of Freedom of Religion 6. Atteinte à la liberté de religion This Court has on numerous occasions stressed the importance of freedom of religion. For the purposes of this case, it is sufficient to reproduce the following statement from Big M Drug Mart, at pp. 336-37 and 351: Notre Cour a, à maintes reprises, souligné l’importance de la liberté de religion. Pour les besoins du débat qui nous occupe, il suffit de reproduire l’énoncé suivant, tiré de l’arrêt Big M Drug Mart, p. 336-337 et 351: The essence of the concept of freedom of religion is the right to entertain such religious beliefs as a person chooses, the right to declare religious beliefs openly and without fear of hindrance or reprisal, and the right to manifest religious belief by worship and practice or by teaching and dissemination. But the concept means more than that. Le concept de la liberté de religion se définit essentiellement comme le droit de croire ce que l’on veut en matière religieuse, le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d’empêchement ou de représailles et le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur enseignement et leur propagation. Toutefois, ce concept signifie beaucoup plus que cela. . . . Freedom means that, subject to such limitations as are necessary to protect public safety, order, health, or morals or the fundamental rights and freedoms of others, no one is to be forced to act in a way contrary to his beliefs or his conscience. . . . La liberté signifie que, sous réserve des restrictions qui sont nécessaires pour préserver la sécurité, l’ordre, la santé ou les mœurs publics ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui, nul ne peut être forcé d’agir contrairement à ses croyances ou à sa conscience. . . . . . . . . . With the Charter, it has become the right of every Canadian to work out for himself or herself what his or her religious obligations, if any, should be and it is not for the state to dictate otherwise. . . . La Charte reconnaît à tous les Canadiens le droit de déterminer, s’il y a lieu, la nature de leurs obligations religieuses et l’État ne peut prescrire le contraire. It was explained in Amselem, at para. 46, that freedom of religion consists L’arrêt Amselem est venu préciser, au par. 46, que la liberté de religion s’entend of the freedom to undertake practices and harbour beliefs, having a nexus with religion, in which an individual demonstrates he or she sincerely believes or is sincerely undertaking in order to connect with the divine or as a function of his or her spiritual faith, irrespective of whether a particular practice or belief is required by official religious dogma or is in conformity with the position of religious officials. [Emphasis added.] de la liberté de se livrer à des pratiques et d’entretenir des croyances ayant un lien avec une religion, pratiques et croyances que l’intéressé exerce ou manifeste sincèrement, selon le cas, dans le but de communiquer avec une entité divine ou dans le cadre de sa foi spirituelle, indépendamment de la question de savoir si la pratique ou la croyance est prescrite par un dogme religieux officiel ou conforme à la position de représentants religieux. [Je souligne.] In Amselem, the Court ruled that, in order to establish that his or her freedom of religion has been infringed, the claimant must demonstrate (1) that he or she sincerely believes in a practice or belief that has a nexus with religion, and (2) that the impugned Dans Amselem, la Cour a statué que, pour démontrer l’existence d’une atteinte à sa liberté de religion, le demandeur doit établir (1) qu’il croit sincèrement à une pratique ou à une croyance ayant un lien avec la religion, et (2) que la conduite qu’il reproche à 32 33 34 280 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. conduct of a third party interferes, in a manner that is non-trivial or not insubstantial, with his or her ability to act in accordance with that practice or belief. un tiers nuit d’une manière plus que négligeable ou insignifiante à sa capacité de se conformer à cette pratique ou croyance. 35 The fact that different people practise the same religion in different ways does not affect the validity of the case of a person alleging that his or her freedom of religion has been infringed. What an individual must do is show that he or she sincerely believes that a certain belief or practice is required by his or her religion. The religious belief must be asserted in good faith and must not be fictitious, capricious or an artifice (Amselem, at para. 52). In assessing the sincerity of the belief, a court must take into account, inter alia, the credibility of the testimony of the person asserting the particular belief and the consistency of the belief with his or her other current religious practices (Amselem, at para. 53). Le fait que plusieurs personnes pratiquent la même religion de façon différente n’invalide pas pour autant la demande de celui qui allègue une violation à sa liberté de religion. Ce qui importe, c’est que cette personne démontre qu’elle croit sincèrement que sa religion lui impose une certaine croyance ou pratique. La croyance religieuse invoquée doit être avancée de bonne foi, elle ne doit pas être fictive, ni arbitraire, et elle ne doit pas constituer un artifice (Amselem, par. 52). Dans l’appréciation de cette sincérité, le tribunal doit notamment tenir compte de la crédibilité du témoignage de celui qui invoque la croyance particulière et de la question de savoir si cette croyance s’accorde avec ses autres pratiques religieuses courantes (Amselem, par. 53). 36 In the case at bar, Gurbaj Singh must therefore show that he sincerely believes that his faith requires him at all times to wear a kirpan made of metal. Evidence to this effect was introduced and was not contradicted. No one contests the fact that the orthodox Sikh religion requires its adherents to wear a kirpan at all times. The affidavits of chaplain Manjit Singh and of Gurbaj Singh explain that orthodox Sikhs must comply with a strict dress code requiring them to wear religious symbols commonly known as the Five Ks: (1) the kesh (uncut hair); (2) the kangha (a wooden comb); (3) the kara (a steel bracelet worn on the wrist); (4) the kaccha (a special undergarment); and (5) the kirpan (a metal dagger or sword). Furthermore, Manjit Singh explains in his affidavit that the Sikh religion teaches pacifism and encourages respect for other religions, that the kirpan must be worn at all times, even in bed, that it must not be used as a weapon to hurt anyone, and that Gurbaj Singh’s refusal to wear a symbolic kirpan made of a material other than metal is based on a reasonable religiously motivated interpretation. En l’espèce, Gurbaj Singh doit donc démontrer qu’il croit sincèrement être tenu par sa foi de porter en tout temps un kirpan en métal. Cette preuve a été faite et elle n’a pas été contredite. Personne ne conteste que la religion sikhe orthodoxe requiert de ses adhérents qu’ils portent en tout temps leur kirpan. Il ressort des affidavits de l’aumônier Manjit Singh et de Gurbaj Singh que les Sikhs orthodoxes doivent respecter un code vestimentaire strict leur imposant le port de symboles religieux communément appelés les cinq K : (1) le kesh (cheveux non coupés); (2) le kangha (peigne de bois); (3) le kara (bracelet d’acier porté au poignet; (4) le kaccha (sous-vêtement particulier); (5) le kirpan (poignard; épée en métal). De plus, Manjit Singh explique dans son affidavit que la religion sikhe se veut pacifique et encourage le respect des autres religions, que le kirpan doit être porté en tout temps, même au lit, qu’il ne doit pas être utilisé comme une arme dans le but de blesser qui que ce soit et que le refus de Gurbaj Singh de porter un kirpan symbolique fait d’un matériau autre que le métal s’appuie sur une interprétation religieuse raisonnable. 37 Much of the CSMB’s argument is based on its submission that [TRANSLATION] “the kirpan is essentially a dagger, a weapon designed to kill, Une grande partie de l’argumentation de la CSMB repose sur la prétention de celle-ci selon laquelle « le kirpan demeure essentiellement un poignard, [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 281 intimidate or threaten others”. With respect, while the kirpan undeniably has characteristics of a bladed weapon capable of wounding or killing a person, this submission disregards the fact that, for orthodox Sikhs, the kirpan is above all a religious symbol. Chaplain Manjit Singh mentions in his affidavit that the word “kirpan” comes from “kirpa”, meaning “mercy” and “kindness”, and “aan”, meaning “honour”. There is no denying that this religious object could be used wrongly to wound or even kill someone, but the question at this stage of the analysis cannot be answered definitively by considering only the physical characteristics of the kirpan. Since the question of the physical makeup of the kirpan and the risks the kirpan could pose to the school board’s students involves the reconciliation of conflicting values, I will return to it when I address justification under s. 1 of the Canadian Charter. In order to demonstrate an infringement of his freedom of religion, Gurbaj Singh does not have to establish that the kirpan is not a weapon. He need only show that his personal and subjective belief in the religious significance of the kirpan is sincere. une arme conçue pour tuer quelqu’un, l’intimider ou le menacer ». Avec égards pour cette opinion, bien que le kirpan présente incontestablement les caractéristiques d’une arme blanche, capable de blesser ou de tuer une personne, cette prétention ignore d’emblée le fait que, pour les Sikhs orthodoxes, le kirpan est avant tout un symbole religieux. L’aumônier Manjit Singh mentionne d’ailleurs dans son affidavit que le terme « kirpan » provient du mot « Kirpa » qui signifie [TRADUCTION] « compassion » et « bonté » et du mot « aan » qui signifie [TRADUCTION] « honneur ». Cet objet religieux pourrait sans contredit être utilisé à mauvais escient dans le but de blesser ou même de tuer quelqu’un, mais la question qui se pose, à ce stade-ci de l’analyse, ne peut être tranchée définitivement en considérant uniquement les caractéristiques physiques du kirpan. Puisque la question de la composition matérielle du kirpan et des risques qu’il est susceptible de faire courir aux élèves de la Commission scolaire relève de la conciliation des valeurs opposées, j’y reviendrai lorsque j’aborderai la justification au regard de l’article premier de la Charte canadienne. Afin de démontrer qu’il y a atteinte à sa liberté de religion, il n’est pas nécessaire que Gurbaj Singh établisse que le kirpan n’est pas une arme, mais seulement que sa croyance personnelle et subjective en la signification religieuse du kirpan est sincère. Gurbaj Singh says that he sincerely believes he must adhere to this practice in order to comply with the requirements of his religion. Grenier J. of the Superior Court declared (at para. 6) — and the Court of Appeal reached the same conclusion (at para. 70) — that Gurbaj Singh’s belief was sincere. Gurbaj Singh’s affidavit supports this conclusion, and none of the parties have contested the sincerity of his belief. Gurbaj Singh affirme qu’il croit sincèrement que, pour se conformer à sa religion, il doit adhérer à cette pratique. La juge Grenier de la Cour supérieure (par. 6) a déclaré — conclusion à laquelle est également arrivée la Cour d’appel (par. 70) — que la croyance de Gurbaj Singh était sincère. L’affidavit de ce dernier supporte cette conclusion et aucune des parties au litige n’a contesté la sincérité de sa croyance. 38 Furthermore, Gurbaj Singh’s refusal to wear a replica made of a material other than metal is not capricious. He genuinely believes that he would not be complying with the requirements of his religion were he to wear a plastic or wooden kirpan. The fact that other Sikhs accept such a compromise is not relevant, since as Lemelin J. mentioned at para. 68 of her decision, [TRANSLATION] “[w]e En outre, le refus de Gurbaj Singh de porter une réplique faite d’un matériau autre que le métal n’est pas un caprice. Il croit véritablement qu’un kirpan de plastique ou de bois ne lui permettrait pas de se conformer aux exigences de sa religion. Le fait que d’autres personnes de religion sikhe acceptent un tel compromis n’est pas pertinent, car comme l’a mentionné la juge Lemelin au par. 68 de sa 39 282 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. must recognize that people who profess the same religion may adhere to the dogma and practices of that religion to varying degrees of rigour.” décision, « [i]l faut reconnaître que les personnes professant une même religion peuvent respecter avec plus ou moins de rigueur les dogmes et pratiques enseignés par leur religion. » 40 Finally, the interference with Gurbaj Singh’s freedom of religion is neither trivial nor insignificant. Forced to choose between leaving his kirpan at home and leaving the public school system, Gurbaj Singh decided to follow his religious convictions and is now attending a private school. The prohibition against wearing his kirpan to school has therefore deprived him of his right to attend a public school. Finalement, l’entrave à la liberté de religion de Gurbaj Singh est plus que négligeable ou insignifiante. Contraint de choisir entre laisser son kirpan à la maison ou de quitter l’école publique, Gurbaj Singh a décidé de suivre ses croyances religieuses et il fréquente présentement l’école privée. L’interdiction de porter son kirpan à l’école le prive donc de son droit de fréquenter l’école publique. 41 Thus, there can be no doubt that the council of commissioners’ decision prohibiting Gurbaj Singh from wearing his kirpan to Sainte-CatherineLabouré school infringes his freedom of religion. This limit must therefore be justified under s. 1 of the Canadian Charter. En conséquence, il ne fait aucun doute que la décision du conseil des commissaires interdisant à Gurbaj Singh de porter son kirpan à l’école SainteCatherine-Labouré porte atteinte à sa liberté de religion. Cette restriction doit donc être justifiée au sens de l’article premier de la Charte canadienne. 7. Section 1 of the Canadian Charter 7. L’article premier de la Charte canadienne As I mentioned above, the council of commissioners made its decision pursuant to its discretion under s. 12 of the Education Act. The decision prohibiting the wearing of a kirpan at the school thus constitutes a limit prescribed by a rule of law within the meaning of s. 1 of the Canadian Charter and must accordingly be justified in accordance with that section: Comme je l’ai indiqué plus tôt, la décision du conseil des commissaires découle de l’exercice par celui-ci du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l’art. 12 de la Loi sur l’instruction publique. La décision prohibant le port du kirpan à l’école constitue donc une restriction par une règle de droit au sens de l’article premier de la Charte canadienne et, de ce fait, doit être justifiée conformément à cette disposition : 1. The Canadian Charter of Rights and Freedoms guarantees the rights and freedoms set out in it subject only to such reasonable limits prescribed by law as can be demonstrably justified in a free and democratic society. 1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. The onus is on the respondents to prove that, on a balance of probabilities, the infringement is reasonable and can be demonstrably justified in a free and democratic society. To this end, two requirements must be met. First, the legislative objective being pursued must be sufficiently important to warrant limiting a constitutional right. Next, the means chosen by the state authority must be Il incombe aux intimés de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la violation est raisonnable et que sa justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Pour ce faire, elle doit satisfaire à deux exigences. D’abord, l’objectif législatif poursuivi doit être suffisamment important pour justifier la restriction d’un droit constitutionnel. Ensuite, les 42 43 [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 283 proportional to the objective in question: Oakes; R. v. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 S.C.R. 713. moyens choisis par l’autorité étatique doivent être proportionnels à l’objectif en question : Oakes; R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713. 7.1 Importance of the Objective 7.1 Importance de l’objectif As stated by the Court of Appeal, the council of commissioners’ decision [TRANSLATION] “was motivated by [a pressing and substantial] objective, namely, to ensure an environment conducive to the development and learning of the students. This requires [the CSMB] to ensure the safety of the students and the staff. This duty is at the core of the mandate entrusted to educational institutions” (para. 77). The appellant concedes that this objective is laudable and that it passes the first stage of the test. The respondents also submitted fairly detailed evidence consisting of affidavits from various stakeholders in the educational community explaining the importance of safety in schools and the upsurge in problems relating to weapons and violence in schools. Comme l’a affirmé la Cour d’appel, la décision du conseil des commissaires « poursuit un objectif urgent et réel, soit d’assurer un climat propice à l’épanouissement et à l’apprentissage des élèves, lequel exige d’assurer la sécurité des élèves et du personnel, obligation au cœur même du mandat des établissements scolaires » (par. 77). L’appelant concède que cet objectif est louable et qu’il franchit la première étape du critère. Les intimés ont d’ailleurs soumis une preuve plutôt détaillée, constituée d’affidavits de divers intervenants du milieu scolaire qui expliquent l’importance de la sécurité dans les écoles et la recrudescence des problèmes liés au port d’armes et à la violence dans ces établissements. 44 Clearly, the objective of ensuring safety in schools is sufficiently important to warrant overriding a constitutionally protected right or freedom. It remains to be determined what level of safety the governing board was seeking to achieve by prohibiting the carrying of weapons and dangerous objects, and what degree of risk would accordingly be tolerated. As in British Columbia (Superintendent of Motor Vehicles) v. British Columbia (Council of Human Rights), [1999] 3 S.C.R. 868, at para. 25, the possibilities range from a desire to ensure absolute safety to a total lack of concern for safety. Between these two extremes lies a concern to ensure a reasonable level of safety. Il n’y a aucun doute qu’assurer la sécurité dans les écoles est un objectif suffisamment important pour justifier la suppression d’un droit ou d’une liberté garantis par la Constitution. Il reste à déterminer quel niveau de sécurité le conseil d’établissement cherchait à atteindre en prohibant le port d’armes et d’objets dangereux et par le fait même quel degré de risque est toléré. Tout comme dans l’arrêt Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868, par. 25, l’éventail des possibilités va de la volonté d’assurer la sécurité absolue à l’absence totale de préoccupations en matière de sécurité. Entre ces deux extrêmes, on trouve le souci d’assurer un niveau de la sécurité raisonnable. 45 Although the parties did not present argument on the level of safety sought by the governing board, the issue was addressed by the intervener Canadian Human Rights Commission, which correctly stated that the standard that seems to be applied in schools is reasonable safety, not absolute safety. The application of a standard of absolute safety could result Bien que les parties n’aient présenté aucun argument sur le niveau de sécurité recherché par le conseil d’établissement, cette question a été traitée par l’intervenante la Commission canadienne des droits de la personne. Cette dernière a à juste titre indiqué que la norme de sécurité qui semble appliquée dans les écoles est la sécurité raisonnable et 46 284 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. in the installation of metal detectors in schools, the prohibition of all potentially dangerous objects (such as scissors, compasses, baseball bats and table knives in the cafeteria) and permanent expulsion from the public school system of any student exhibiting violent behaviour. Apart from the fact that such a standard would be impossible to attain, it would compromise the objective of providing universal access to the public school system. non la sécurité absolue. L’application d’une norme de sécurité absolue pourrait se traduire par la présence de détecteurs de métal dans les écoles, l’interdiction de tout objet potentiellement dangereux (par exemple ciseaux, compas, bâtons de baseball, couteaux dans la cafétéria) et l’expulsion permanente du système scolaire public de tout élève ayant un comportement violent. Outre le fait qu’une telle norme établirait un niveau impossible à atteindre, elle compromettrait l’objectif qui consiste à fournir le droit universel à un système scolaire public. 47 On the other hand, when the governing board approved the article in question of the Code de vie, it was not seeking to establish a minimum standard of safety. As can be seen from the affidavits of certain stakeholders from the educational community, violence and weapons are not tolerated in schools, and students exhibiting violent or dangerous behaviour are punished. Such measures show that the objective is to attain a certain level of safety beyond a minimum threshold. Par ailleurs, en approuvant l’article en question du Code de vie, le conseil d’établissement ne cherchait pas à instaurer une norme de sécurité minimale. Tel qu’il ressort des affidavits de certains intervenants du milieu scolaire, la violence et les armes ne sont pas tolérées dans les écoles, et les élèves qui ont un comportement violent ou dangereux sont punis. De telles mesures démontrent qu’un certain niveau de sécurité est recherché, niveau qui dépasse un seuil minimal de sécurité. 48 I therefore conclude that the level of safety chosen by the governing council and confirmed by the council of commissioners was reasonable safety. The objective of ensuring a reasonable level of safety in schools is without question a pressing and substantial one. Je conclus donc de ce qui précède que le niveau de sécurité choisi par le conseil d’établissement et confirmé par le conseil des commissaires est la sécurité raisonnable. L’objectif qui consiste à assurer un niveau de sécurité raisonnable dans les écoles est, sans contredit, urgent et réel. 7.2 Proportionality 7.2 Proportionnalité 7.2.1 Rational Connection 7.2.1 Lien rationnel The first stage of the proportionality analysis consists in determining whether the council of commissioners’ decision was rendered in furtherance of the objective. The decision must have a rational connection with the objective. In the instant case, prohibiting Gurbaj Singh from wearing his kirpan to school was intended to further this objective. Despite the profound religious significance of the kirpan for Gurbaj Singh, it also has the characteristics of a bladed weapon and could therefore cause injury. The council of commissioners’ decision therefore has a rational connection with the objective of ensuring a reasonable level of safety in schools. Moreover, it is relevant that the appellant La première étape de l’analyse de la proportionnalité consiste à se demander si la décision du conseil des commissaires a été rendue dans le but d’atteindre l’objectif visé. La décision doit avoir un lien rationnel avec cet objectif. En l’espèce, le fait d’interdire à Gurbaj Singh de porter son kirpan à l’école vise à atteindre cet objectif. Malgré la profonde signification religieuse du kirpan pour Gurbaj Singh, cet objet a aussi les caractéristiques d’une arme blanche et est donc susceptible de causer des blessures. La décision du conseil des commissaires a donc un lien rationnel avec l’objectif visé qui consiste à assurer un niveau de sécurité raisonnable en milieu scolaire. Il est d’ailleurs 49 [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 285 has never contested the rationality of the Code de vie’s rule prohibiting weapons in school. pertinent de signaler que l’appelant n’a jamais contesté le caractère rationnel de la règle du Code de vie interdisant les armes à l’école. 7.2.2 Minimal Impairment 7.2.2 Atteinte minimale The second stage of the proportionality analysis is often central to the debate as to whether the infringement of a right protected by the Canadian Charter can be justified. The limit, which must minimally impair the right or freedom that has been infringed, need not necessarily be the least intrusive solution. In RJR-MacDonald Inc. v. Canada (Attorney General), [1995] 3 S.C.R. 199, at para. 160, this Court defined the test as follows: La deuxième étape de l’analyse de la proportionnalité constitue souvent le cœur du débat visant à déterminer si la violation d’un droit protégé par la Charte canadienne peut être justifiée. La restriction, qui doit porter le moins possible atteinte au droit ou à la liberté violée, ne doit pas nécessairement représenter la solution la moins attentatoire. Dans RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, par. 160, notre Cour a défini ce critère de la façon suivante : The impairment must be “minimal”, that is, the law must be carefully tailored so that rights are impaired no more than necessary. The tailoring process seldom admits of perfection and the courts must accord some leeway to the legislator. If the law falls within a range of reasonable alternatives, the courts will not find it overbroad merely because they can conceive of an alternative which might better tailor objective to infringement . . . . La restriction doit être « minimale » c’est-à-dire que la loi doit être soigneusement adaptée de façon à ce que l’atteinte aux droits ne dépasse pas ce qui est nécessaire. Le processus d’adaptation est rarement parfait et les tribunaux doivent accorder une certaine latitude au législateur. Si la loi se situe à l’intérieur d’une gamme de mesures raisonnables, les tribunaux ne concluront pas qu’elle a une portée trop générale simplement parce qu’ils peuvent envisager une solution de rechange qui pourrait être mieux adaptée à l’objectif et à la violation . . . The approach to the question must be the same where what is in issue is not legislation, but a decision rendered pursuant to a statutory discretion. Thus, it must be determined whether the decision to establish an absolute prohibition against wearing a kirpan “falls within a range of reasonable alternatives”. La question doit être abordée de la même façon lorsqu’on est en présence, non pas d’un texte législatif, mais d’une décision rendue en vertu d’un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi. Il s’agit donc de déterminer si la décision de prohiber le port du kirpan de façon absolue « se situe à l’intérieur d’une gamme de mesures raisonnables ». 51 In considering this aspect of the proportionality analysis, Lemelin J. expressed the view that [TRANSLATION] “[t]he duty to accommodate this student is a corollary of the minimal impairment [test]” (para. 92). In other words, she could not conceive of the possibility of a justification being sufficient for the purposes of s. 1 if reasonable accommodation is possible (para. 75). This correspondence of the concept of reasonable accommodation with the proportionality analysis is not without precedent. In Eldridge, at para. 79, this Court stated that, in cases concerning s. 15(1) of the Canadian Charter, “reasonable accommodation” En considérant cet aspect de l’analyse de la proportionnalité, la juge Lemelin a exprimé l’avis que « [l]’obligation d’offrir un accommodement à cet élève est un corollaire du critère de l’atteinte minimale à ses droits » (par. 92). En d’autres mots, elle ne pouvait concevoir qu’il puisse exister une justification suffisante au sens de l’article premier s’il existe une mesure d’accommodement raisonnable (par. 75). Ce rapprochement entre la notion d’accommodement raisonnable et l’analyse de la proportionnalité n’est d’ailleurs pas sans précédent. En effet, dans Eldridge, par. 79, notre Cour a indiqué que, dans les affaires concernant le par. 15(1) de la 52 50 286 53 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. was equivalent to the concept of “reasonable limits” provided for in s. 1 of the Canadian Charter. Charte canadienne, la notion d’« accommodement raisonnable » équivaut à celle de « limites raisonnables » prévue par l’article premier de la Charte canadienne. In my view, this correspondence between the legal principles is logical. In relation to discrimination, the courts have held that there is a duty to make reasonable accommodation for individuals who are adversely affected by a policy or rule that is neutral on its face, and that this duty extends only to the point at which it causes undue hardship to the party who must perform it. Although it is not necessary to review all the cases on the subject, the analogy with the duty of reasonable accommodation seems to me to be helpful to explain the burden resulting from the minimal impairment test with respect to a particular individual, as in the case at bar. In my view, Professor José Woehrling correctly explained the relationship between the duty to accommodate or adapt and the Oakes analysis in the following passage: De plus, ce rapprochement des principes juridiques me paraît logique. Il ressort de la jurisprudence en matière de discrimination qu’il existe une obligation de prendre des mesures d’accommodement raisonnables en faveur des individus qui subissent les effets préjudiciables d’une politique ou d’une règle neutre en apparence, et ce, jusqu’au point où le respect de cette obligation entraîne des contraintes excessives pour la partie qui est tenue d’instaurer les mesures d’accommodement. Sans qu’il soit pour autant nécessaire d’intégrer toute la jurisprudence s’y rapportant, l’analogie avec l’obligation d’accommodement raisonnable me paraît utile pour bien saisir le fardeau qu’impose le critère de l’atteinte minimale vis-à-vis d’un individu en particulier, comme c’est le cas en l’espèce. À mon avis, le professeur José Woehrling a bien situé l’obligation d’accommodement ou d’adaptation par rapport à l’analyse fondée sur l’arrêt Oakes dans l’extrait suivant : [TRANSLATION] Anyone seeking to disregard the duty to accommodate must show that it is necessary, in order to achieve a legitimate and important legislative objective, to apply the standard in its entirety, without the exceptions sought by the claimant. More specifically, in the context of s. 1 of the Canadian Charter, it is necessary, in applying the test from R. v. Oakes, to show, in succession, that applying the standard in its entirety constitutes a rational means of achieving the legislative objective, that no other means are available that would be less intrusive in relation to the rights in question (minimal impairment test), and that there is proportionality between the measure’s salutary and limiting effects. At a conceptual level, the minimal impairment test, which is central to the section 1 analysis, corresponds in large part with the undue hardship defence against the duty of reasonable accommodation in the context of human rights legislation. This is clear from the Supreme Court’s judgment in Edwards Books, in which the application of the minimal impairment test led the Court to ask whether the Ontario legislature, in prohibiting stores from opening on Sundays and allowing certain exceptions for stores that were closed on Saturdays, had done enough to accommodate merchants who, for religious Celui qui veut repousser l’obligation d’accommodement doit démontrer que l’application intégrale de la norme, sans les exceptions réclamées par le demandeur, est nécessaire pour atteindre un objectif législatif légitime et important. Plus précisément, sous l’empire de l’article 1 de la Charte canadienne, en appliquant le test de l’arrêt R. c. Oakes, il faudra démontrer successivement que l’application entière de la norme constitue un moyen rationnel d’atteindre l’objectif législatif; qu’il n’existe pas de moyens d’y parvenir qui soient moins attentatoires aux droits en cause (critère de l’atteinte minimale); enfin, qu’il y a proportionnalité entre les effets bénéfiques de la mesure et ses effets restrictifs. En fait, le critère de l’atteinte minimale, qui est au cœur du test de l’article 1, correspond en grande partie, pour ce qui est des concepts, à la défense de contrainte excessive qui permet de s’opposer à l’obligation d’accommodement raisonnable dans le cadre des lois sur les droits de la personne. C’est ce qui ressort du jugement de la Cour suprême dans l’affaire Edwards Books, où l’application du critère de l’atteinte minimale amène la Cour à se demander si le législateur ontarien, en interdisant l’ouverture des magasins le dimanche et en prévoyant certaines exceptions pour ceux qui ferment déjà le samedi, a suffisamment fait d’efforts pour [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 287 reasons, had to observe a day of rest on a day other than Sunday. accommoder les commerçants qui, pour des raisons religieuses, doivent respecter un jour de repos autre que le dimanche. (J. Woehrling, “L’obligation d’accommodement raisonnable et l’adaptation de la société à la diversité religieuse” (1998), 43 McGill L.J. 325, at p. 360) (J. Woehrling, « L’obligation d’accommodement raisonnable et l’adaptation de la société à la diversité religieuse » (1998), 43 R.D. McGill 325, p. 360) The council of commissioners’ decision establishes an absolute prohibition against Gurbaj Singh wearing his kirpan to school. The respondents contend that this prohibition is necessary, because the presence of the kirpan at the school poses numerous risks for the school’s pupils and staff. It is important to note that Gurbaj Singh has never claimed a right to wear his kirpan to school without restrictions. Rather, he says that he is prepared to wear his kirpan under the above-mentioned conditions imposed by Grenier J. of the Superior Court. Thus, the issue is whether the respondents have succeeded in demonstrating that an absolute prohibition is justified. La décision du conseil des commissaires empêche de façon absolue Gurbaj Singh de porter son kirpan à l’école. Les intimés estiment que cette prohibition est nécessaire, pour le motif que la présence du kirpan à l’école crée de nombreux risques pour les élèves et les membres du personnel. Il est important de souligner que Gurbaj Singh n’a jamais revendiqué le droit de porter son kirpan à l’école sans aucune restriction. Il dit plutôt qu’il est prêt à porter son kirpan aux conditions imposées par la juge Grenier de la Cour supérieure et mentionnées plus haut. Il s’agit donc de déterminer si les intimés ont réussi à démontrer qu’une prohibition absolue est justifiée. 54 According to the CSMB, to allow the kirpan to be worn to school entails the risks that it could be used for violent purposes by the person wearing it or by another student who takes it away from him, that it could lead to a proliferation of weapons at the school, and that its presence could have a negative impact on the school environment. In support of this last point, the CSMB submits that the kirpan is a symbol of violence and that it sends the message that the use of force is the way to assert rights and resolve conflicts, in addition to undermining the perception of safety and compromising the spirit of fairness that should prevail in schools, in that its presence suggests the existence of a double standard. Let us look at those arguments. La CSMB explique que le fait de permettre le port du kirpan à l’école entraîne le risque que ce dernier soit utilisé à des fins violentes par celui qui le porte ou par un autre élève qui s’en emparerait, que cela mène à une prolifération des armes à l’école et que la présence du kirpan affecte négativement l’environnement scolaire. En ce qui a trait à ce dernier point, la CSMB soutient que cet objet représente un symbole de violence, envoie le message que le recours à la force est le moyen de faire valoir ses droits et régler les conflits, en plus de porter atteinte à la perception de sécurité et au climat de justice qui doit régner dans les écoles, du fait que sa présence suggère l’existence d’un régime deux poids-deux mesures. Analysons ces arguments. 55 7.2.2.1 Safety in Schools 7.2.2.1 Sécurité dans les écoles According to the respondents, the presence of kirpans in schools, even under certain conditions, creates a risk that they will be used for violent purposes, either by those who wear them or by other students who might take hold of them by force. Selon les intimés, la présence du kirpan dans les écoles, même assortie de certaines conditions, crée le danger que ce dernier soit utilisé à des fins violentes, que ce soit par celui qui le porte ou par un autre élève qui pourrait s’en emparer par la force. 56 288 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. 57 The evidence shows that Gurbaj Singh does not have behavioural problems and has never resorted to violence at school. The risk that this particular student would use his kirpan for violent purposes seems highly unlikely to me. In fact, the CSMB has never argued that there was a risk of his doing so. Il ressort de la preuve soumise que Gurbaj Singh ne souffre pas de problèmes de comportement et n’a jamais été violent à l’école. Le risque que cet élève utilise son kirpan à des fins violentes me paraît très improbable et, de fait, la CSMB n’a jamais prétendu qu’un tel risque existait. 58 As for the risk of another student taking his kirpan away from him, it also seems to me to be quite low, especially if the kirpan is worn under conditions such as were imposed by Grenier J. of the Superior Court. In the instant case, if the kirpan were worn in accordance with those conditions, any student wanting to take it away from Gurbaj Singh would first have to physically restrain him, then search through his clothes, remove the sheath from his guthra, and try to unstitch or tear open the cloth enclosing the sheath in order to get to the kirpan. There is no question that a student who wanted to commit an act of violence could find another way to obtain a weapon, such as bringing one in from outside the school. Furthermore, there are many objects in schools that could be used to commit violent acts and that are much more easily obtained by students, such as scissors, pencils and baseball bats. Quant au risque qu’un autre élève s’empare du kirpan, il me paraît également très mince, surtout lorsque le port du kirpan est soumis à des conditions comme celles imposées par la juge Grenier de la Cour supérieure. En l’espèce, l’élève qui voudrait s’emparer du kirpan de Gurbaj Singh, s’il est porté conformément à ces conditions, devrait immobiliser physiquement Gurbaj Singh, fouiller sous ses vêtements, enlever le fourreau du guthra et tenter de découdre ou de déchirer l’étoffe renfermant le fourreau afin d’accéder au kirpan. L’élève qui voudrait commettre un acte de violence trouverait sans doute une autre façon de se procurer une arme, par exemple en en apportant une de l’extérieur. De plus, les écoles contiennent une foule d’objets susceptibles de servir à commettre des actes de violence et beaucoup plus faciles d’accès aux élèves, par exemple des ciseaux, des crayons, des bâtons de baseball. 59 In her brief reasons, Grenier J. explained that her decision was based in part on the fact that [TRANSLATION] “the evidence revealed no instances of violent incidents involving kirpans in schools in Quebec” and on “the state of Canadian and American law on this matter” (para. 6). In fact, the evidence in the record suggests that, over the 100 years since Sikhs have been attending schools in Canada, not a single violent incident related to the presence of kirpans in schools has been reported. In the reasons for his interim order, Tellier J. stated the following: Dans ses courts motifs, la juge Grenier a précisé que sa décision était fondée, entre autres, sur le fait que « la preuve n’a révélé aucun exemple d’incidents violents impliquant un kirpan au Québec, à l’école » et sur « l’état du droit canadien et américain sur cette question » (par. 6). De fait, la preuve au dossier suggère que, depuis que les Sikhs fréquentent les écoles canadiennes, soit depuis une centaine d’années, aucun fait violent relié à la présence de kirpans dans les écoles n’a été signalé. Dans les motifs de son ordonnance intérimaire, le juge Tellier s’exprime ainsi : [TRANSLATION] [T]he Court is of the view that the school board would not suffer any major inconvenience if an order were made under conditions required to ensure a safe environment. The Court does not believe that the safety of the environment would be compromised. In argument, it was stated that in the last 100 years, not a single case of kirpan-related violence has been reported. Moreover, in a school setting, there are usually all sorts of instruments that could be used as [L]e Tribunal est d’avis que la Commission scolaire ne subirait pas d’inconvénients majeurs si une ordonnance était rendue avec les modalités voulues pour assurer la sécurité du milieu. Le Tribunal ne croît pas que la sécurité du milieu serait compromise. Au cours des arguments, il a été affirmé que depuis 100 ans, aucun cas de violence relié au port du kirpan n’a été rapporté. En outre, dans un milieu scolaire, il y a normalement toutes sortes d’instruments qui peuvent devenir une arme [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 289 weapons during a violent incident, including compasses, drawing implements and sports equipment, such as baseball bats. et qui peuvent servir à un événement violent, compas, matériel à dessin, articles de sports, tel que bâton de « baseball », etc. (Multani (Tuteur de) v. Commission scolaire Marguerite-Bourgeois, [2002] Q.J. No. 619 (QL) (Sup. Ct.), at para. 28) (Multani (Tuteur de) c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeois, [2002] J.Q. no 619 (QL) (C.S.), par. 28) The lack of evidence of risks related to the wearing of kirpans was also noted in 1990 by a board of inquiry of the Ontario Human Rights Commission, which considered the presence of kirpans in schools in great depth in Pandori v. Peel Bd. of Education (1990), 12 C.H.R.R. D/364; its decision was affirmed by the Ontario Divisional Court in Peel Board of Education v. Ontario Human Rights Commission (1991), 3 O.R. (3d) 531, and leave to appeal was refused by the Ontario Court of Appeal. The board of inquiry allowed kirpans to be worn in Ontario schools under conditions similar to the ones imposed by Grenier J. of the Quebec Superior Court. The board noted that there had been no incidents involving kirpans in Canadian schools (at para. 176): L’absence de preuve de risques liés au port du kirpan a été également constatée par une commission d’enquête de la Commission ontarienne des droits de la personne qui a fait, en 1990, une étude approfondie de la présence du kirpan dans les écoles dans l’affaire Pandori c. Peel Bd. of Education (1990), 12 C.H.R.R. D/364, et dont la décision a été confirmée par la Cour divisionnaire de l’Ontario dans Peel Board of Education c. Ontario Human Rights Commission (1991), 3 O.R. (3d) 531, autorisation d’appel refusée par la Cour d’appel de l’Ontario. La commission d’enquête a permis le port du kirpan dans les écoles de l’Ontario, moyennant le respect de conditions similaires à celles imposées par la juge Grenier de la Cour supérieure du Québec. La commission a signalé l’absence d’incidents liés au kirpan dans les écoles canadiennes (par. 176) : Respondent has underscored that a kirpan could have the function of a weapon, but did not establish that a student had in fact so used it. In fact, there is not a single incident to which the respondent could point when the kirpan was used on school property or its environs — either in Peel or anywhere in Ontario or even all of Canada. Since Sikhs, and Khalsa among others, have been in this country for nearly a hundred years, this is a record worth considering. [TRADUCTION] Le défendeur a signalé qu’un kirpan pouvait servir d’arme, mais il n’a pas établi qu’un élève en avait déjà fait un tel usage. En fait, il n’a pu référer à un seul cas où un kirpan avait été utilisé à l’école ou à proximité — que ce soit dans le comté de Peel ou ailleurs en Ontario, voire au Canada. Étant donné que les Sikhs, et les Khalsas entre autres, habitent le pays depuis près de cent ans, il s’agit d’une donnée pertinente. The decision was affirmed by the Ontario Divisional Court, which stated the following (at p. 535): Cette décision a été confirmée par la Cour divisionnaire de l’Ontario, qui a affirmé ce qui suit (p. 535) : We can see no error in principle in the way it applied its judgment to the facts of this case, particularly in light of the lack of any incident of kirpan-related violence in any school system. [TRADUCTION] Nous ne constatons aucune erreur de principe quant à la manière dont il a soupesé les faits de l’espèce, d’autant plus qu’aucun incident lié à l’utilisation offensive du kirpan n’était survenu dans un réseau scolaire. While noting the lack of kirpan-related incidents in schools, the Divisional Court summarized the evidence submitted to it regarding the violent use of kirpans in locations other than schools as follows (at pp. 532-33): Tout en mentionnant l’absence d’incidents liés au kirpan dans les écoles, la Cour divisionnaire a résumé ainsi la preuve qui lui a été soumise concernant l’utilisation violente du kirpan en dehors du milieu scolaire (p. 532-533) : 60 290 61 multani v. csmb Charron [2006] 1 S.C.R. J. There have been, in the Metropolitan Toronto area, three reported incidents of violent kirpan use. One involved a plea of guilty to attempted murder after a stabbing with a kirpan. In one street fight, a man was stabbed in the back with a kirpan. In one case, a kirpan was drawn for defensive purposes. [TRADUCTION] Dans le Grand Toronto, on a signalé trois incidents liés à un usage violent du kirpan. Dans un cas, l’agresseur — qui avait poignardé la victime avec un kirpan — a plaidé coupable à l’accusation de tentative de meurtre. Lors d’un combat de rue, un homme a été poignardé au dos au moyen d’un kirpan. Dans l’autre cas, le kirpan a été brandi à des fins défensives. None of these incidents was associated with any school. The only incident associated with a school was when a 10-year-old Sikh boy, walking home from school, was assaulted by two older boys. He put his hand on the handle of his kirpan before stepping back and running away, without drawing the kirpan from its sheath. Aucun de ces incidents n’était associé au milieu scolaire. Le seul incident lié à une école est celui où un garçon sikh de 10 ans avait été agressé par deux garçons plus âgés alors qu’il rentrait chez lui à pied de l’école. Il avait posé la main sur le manche de son kirpan avant de battre en retraite et de prendre la fuite, sans retirer le kirpan de son fourreau. There is no evidence that a kirpan has ever been drawn or used as a weapon in any school under the board’s jurisdiction. Aucune preuve n’établit qu’un kirpan a déjà été brandi ou a déjà servi d’arme dans une école relevant du conseil. . . . . . . Sikhs may wear kirpans in schools in Surrey, British Columbia. Although no other Ontario school board has expressly addressed the issue with the same depth as the Peel board, students may wear kirpans in the North York Board of Education and the Etobicoke Board of Education (which has a limit of six inches in size). No school boards in the Metropolitan Toronto area have a policy prohibiting or restricting kirpans. There is no evidence that kirpans have sparked a violent incident in any school, no evidence that any other school board in Canada bans kirpans, and no evidence of a student anywhere in Canada using a kirpan as a weapon. Les Sikhs peuvent porter le kirpan à Surrey, en Colombie-Britannique. Même si aucun autre conseil scolaire ontarien n’a expressément examiné la question de manière aussi approfondie que celui du comté de Peel, les élèves peuvent porter le kirpan dans les écoles des conseils scolaires de North York et d’Etobicoke (qui en limite la longueur à six pouces). Aucun conseil scolaire du Grand Toronto ne s’est doté d’une politique interdisant ou restreignant le port du kirpan. Aucun élément ne prouve que cet objet a été la cause d’un acte de violence dans une école, ni que d’autres conseils scolaires au Canada en interdisent le port, ni que, quelque part au pays, un élève s’en est servi comme d’une arme. The parties introduced into evidence several newspaper articles confirming the lack of incidents involving kirpans. An article published in the March 23, 2002 edition of The Globe and Mail refers to the 1990 Ontario decision and mentions that there is no evidence of a growing danger since that time. In an article appearing in The Gazette on May 16, 2002, Surrey School District spokeswoman Muriel Wilson is quoted as saying, “We have a strict zero-tolerance policy on weapons or something that could be used as a weapon or taken to be a weapon, like a fake gun.” But according to her, the kirpan is considered to be a religious symbol, not a weapon: “The key is how things are used. A pen could be used as a weapon, but we’re not saying, ‘No pens in schools’.” The same article Les parties ont introduit en preuve plusieurs articles de journaux qui confirment l’absence d’incidents concernant les kirpans. Dans un article paru le 23 mars 2002 dans The Globe and Mail, on réfère à la décision ontarienne de 1990 et on mentionne qu’aucune preuve ne démontre un accroissement du danger depuis. De plus, dans un article paru dans The Gazette le 16 mai 2002, Muriel Wilson, porte-parole pour les écoles du district de Surrey, a dit ceci : [TRADUCTION] « Nous ne tolérons absolument aucune arme ni aucun objet pouvant en tenir lieu ou faire illusion, comme un faux pistolet. » Selon elle, le kirpan est toutefois considéré comme un symbole religieux, et non comme une arme : « [l]e critère est l’usage. Un stylo peut servir d’arme, mais on ne l’interdit pas à l’école. » Dans ce même [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 291 mentions that the Peel District School Board now says that the wearing of kirpans “[is] truly not an issue” and that there “has never been an issue or incident, never a complaint or problem” related to wearing kirpans in school since the ban was lifted: “It can work and work really well.” An article published in the May 13, 2002 edition of La Presse notes that there have been no problems related to the wearing of kirpans in the schools of the Vancouver and Surrey school boards, which have large numbers of Sikh students. Finally, according to an article published in The Gazette on February 21, 2002, “Whether a Sikh pupil should be allowed to wear a kirpan to school might be a new issue in Quebec, but it is not in the rest of the country.” article, on fait remarquer que le Conseil scolaire du district de Peel est maintenant d’avis que le port du kirpan [TRADUCTION] « [n’est] vraiment pas un problème » et qu’« [il] n’y a jamais eu de controverse ou d’incident, ni de plainte ou de difficulté » liée au port du kirpan dans les écoles depuis que leur interdiction a été levée : [TRADUCTION] « Ça peut fonctionner, et même très bien fonctionner. » Dans un autre article paru dans La Presse le 13 mai 2002, on note l’absence de problèmes liés au port du kirpan dans les écoles des commissions scolaires de Vancouver et de Surrey, lesquelles accueillent de nombreux élèves de religion sikhe. Finalement, le 21 février 2002, dans un article de The Gazette, on indique qu’[TRADUCTION] « [I]l se peut que la question de savoir si un élève sikh doit être autorisé à porter le kirpan à l’école soit nouvelle au Québec, mais elle ne l’est pas ailleurs au pays. » The respondents maintain that freedom of religion can be limited even in the absence of evidence of a real risk of significant harm, since it is not necessary to wait for the harm to occur before correcting the situation. They submit that the same line of reasoning that was followed in Hothi v. R., [1985] 3 W.W.R. 256 (Man. Q.B.) (aff’d [1986] 3 W.W.R. 671 (Man. C.A.)), and Nijjar v. Canada 3000 Airlines Ltd. (1999), 36 C.H.R.R. D/76 (Can. Trib.), in which the wearing of kirpans was prohibited in courts and on airplanes, should apply in this case. As was mentioned above, Lemelin J. of the Court of Appeal pointed out that safety concerns are no less serious in schools. Les intimés affirment que la liberté de religion peut être restreinte, et ce, même en l’absence de preuve d’un risque réel de préjudice important, puisqu’il n’est pas nécessaire d’attendre que le préjudice se concrétise pour corriger la situation. Ils soutiennent que le même raisonnement qui a été suivi dans les affaires Hothi c. R., [1985] 3 W.W.R. 256 (B.R. Man.) (conf. [1986] 3 W.W.R. 671 (C.A. Man.)), et Nijjar c. Lignes aériennes Canada 3000 Ltée (1999), 36 C.H.R.R. D/76 (Trib. can.), où le port du kirpan a été interdit dans les cours de justice et les avions, doit être appliqué en l’espèce. Comme il a été indiqué plus tôt, la juge Lemelin de la Cour d’appel a fait remarquer que les impératifs de sécurité ne sont pas moindres dans les écoles. 62 There can be no doubt that safety is just as important in schools as it is on airplanes and in courts. However, it is important to remember that the specific context must always be borne in mind in resolving the issue. In Nijjar, Mr. Nijjar’s complaint that he had been denied the right to wear his kirpan aboard a Canada 3000 Airlines aircraft was dismissed because, inter alia, he had failed to demonstrate that wearing a kirpan in a manner consistent with Canada 3000’s policies would be contrary to his religious beliefs. It was apparent from Mr. Nijjar’s testimony that wearing one particular type of kirpan rather than another was a matter of Il ne fait aucun doute que la sécurité est une considération tout aussi importante dans les écoles que dans les avions et les cours de justice. Par contre, il est important de se rappeler que la question doit toujours être tranchée au regard de son contexte particulier. Dans Nijjar, la plainte de M. Nijjar selon laquelle on lui avait refusé le droit de porter son kirpan à bord d’un avion de Canada 3000 a été rejetée, notamment parce que l’intéressé n’avait pas démontré que le port d’un kirpan conforme à la politique de Canada 3000 contreviendrait à ses croyances religieuses. Il ressortait de son témoignage que le port d’un kirpan d’un type particulier et non d’un autre 63 292 64 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. personal preference, not of religious belief. While it concluded that Mr. Nijjar had not been discriminated against on the basis of his religion, the Canadian Human Rights Tribunal did nevertheless consider the issue of reasonable accommodation. It made the following comment at para. 123 of its decision: correspondait à une préférence personnelle plutôt qu’à une croyance religieuse. Concluant que M. Nijjar n’avait pas été victime de discrimination fondée sur sa religion, le Tribunal canadien des droits de la personne a tout de même examiné la question de l’accommodement raisonnable et a fait les constatations suivantes, au par. 123 de sa décision : In assessing whether or not the respondent’s weapons policy can be modified so as to accommodate Sikhs detrimentally affected, consideration must be given to the environment in which the rule must be applied. In this regard, we are satisfied that aircraft present a unique environment. Groups of strangers are brought together and are required to stay together, in confined spaces, for prolonged periods of time. Emergency medical and police assistance are not readily accessible. Afin de déterminer si la politique de l’intimée concernant les armes peut être modifiée par mesure d’accommodement envers les Sikhs auxquels elle est préjudiciable, il faut examiner le milieu dans lequel la règle doit être appliquée. À cet égard, nous sommes convaincus qu’un avion représente un milieu unique. Un certain nombre d’individus sont regroupés et doivent demeurer ensemble, dans un espace clos, pendant une période prolongée. Les services médicaux et la police ne sont pas facilement accessibles en cas d’urgence. Then, at para. 125, the Tribunal distinguished the case before it from Pandori: Puis, au par. 125, le Tribunal a distingué le cas dont il était saisi de l’affaire Pandori : Unlike the school environment in issue in the Pandori case, where there is an ongoing relationship between the student and the school and with that a meaningful opportunity to assess the circumstances of the individual seeking the accommodation, air travel involves a transitory population. Significant numbers of people are processed each day, with minimal opportunity for assessment. It will be recalled that Mr. Kinnear testified that Canada 3000 check-in personnel have between forty-five and ninety seconds of contact with each passenger. Contrairement au milieu scolaire en cause dans Pandori, où il existe une relation durable entre l’élève et l’école et, ce faisant, une possibilité réelle d’évaluer la situation de l’individu qui demande l’accommodement, le secteur du transport aérien dessert une population qui se déplace. On traite chaque jour avec un grand nombre d’individus qu’on n’a guère l’occasion d’évaluer. On se souviendra que, dans son témoignage, M. Kinnear a indiqué que le personnel de Canada 3000 préposé à l’embarquement est en contact avec chaque passager durant quarante-cinq à quatre-vingt-dix secondes. Hothi also involved special circumstances. The judge who prohibited the wearing of a kirpan in the courtroom was hearing the case of an accused charged with assault under s. 245 of the Criminal Code, R.S.C. 1970, c. C‑34. Dewar C.J. of the Manitoba Court of Queen’s Bench considered (at p. 259) the special nature of courts and stated the following about the prohibition against wearing kirpans in courtrooms: De même, l’affaire Hothi présente elle aussi des circonstances particulières. En effet, le juge qui a interdit le port du kirpan dans la salle d’audience avait devant lui une personne accusée de voies de fait en vertu de l’art. 245 du Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C-34. Le juge en chef Dewar de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba a considéré (à la p. 259) la nature particulière des cours de justice et a déclaré que l’interdiction de porter un kirpan dans une salle d’audience [It] serves a transcending public interest that justice be administered in an environment free from any influence which may tend to thwart the process. Possession in the courtroom of weapons, or articles capable of use as such, by parties or others is one such influence. [TRADUCTION] vise à protéger l’intérêt public supérieur voulant que la justice soit administrée dans un contexte exempt de toute influence susceptible de mettre le processus en échec. Le fait qu’une partie ou une autre personne présente dans la salle d’audience a en sa possession une arme ou un objet pouvant en tenir lieu constitue une telle influence. [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 293 65 The facts in the case at bar are more similar to the facts in Pandori than to those in Nijjar and Hothi. The school environment is a unique one that permits relationships to develop among students and staff. These relationships make it possible to better control the different types of situations that arise in schools. The Ontario board of inquiry commented on the special nature of the school environment in Pandori, at para. 197: Les faits du présent pourvoi ressemblent davantage à ceux de l’affaire Pandori qu’à ceux des affaires Nijjar et Hothi. Le milieu scolaire constitue un environnement unique, propice au développement de relations entre les élèves et le personnel. Ce type de relations permet de mieux gérer les différentes situations qui surviennent dans les écoles. La commission d’enquête ontarienne a d’ailleurs fait état du milieu particulier que constituent les écoles, dans l’affaire Pandori, par. 197 : Courts and schools are not comparable institutions. One is a tightly circumscribed environment in which contending elements, adversarially aligned, strive to obtain justice as they see it, with judge and/or jury determining the final outcome. Schools on the other hand are living communities which, while subject to some controls, engage in the enterprise of education in which both teachers and students are partners. Also, a court appearance is temporary (a Khalsa Sikh could conceivably deal with the prohibition of the kirpan as he/she would on an airplane ride) and is therefore not comparable to the years a student spends in the school system. [TRADUCTION] On ne peut comparer l’école à une cour de justice. Cette dernière est un lieu bien délimité où les plaideurs, placés de manière à s’opposer, tentent d’obtenir justice de leurs points de vue, un juge ou un jury, ou les deux, décidant de l’issue finale. Par contre, une école est un milieu de vie où enseignants et élèves sont appelés à collaborer dans le cadre de sa mission éducative, sous réserve de certains contrôles. Aussi, la présence devant le tribunal est temporaire (un Sikh Khalsa pourrait théoriquement composer avec l’interdiction du kirpan comme il ferait pendant un vol en avion) et ne se compare donc pas aux années que passe un élève à l’école. Although there is no need in the instant case for this Court to compare the desirable level of safety in a given environment with the desirable level in a school environment, these decisions show that each environment is a special case with its own unique characteristics that justify a different level of safety, depending on the circumstances. Bien que, en l’espèce, notre Cour n’ait pas à comparer le niveau de sécurité souhaitable dans un environnement donné avec celui du milieu scolaire, ces décisions démontrent que chaque milieu est particulier et possède des caractéristiques qui lui sont propres et qui justifieront un niveau de sécurité différent selon les circonstances. 66 Returning to the respondents’ argument, I agree that it is not necessary to wait for harm to be done before acting, but the existence of concerns relating to safety must be unequivocally established for the infringement of a constitutional right to be justified. Given the evidence in the record, it is my opinion that the respondents’ argument in support of an absolute prohibition — namely that kirpans are inherently dangerous — must fail. Pour revenir à la prétention des intimés, je conviens qu’il n’est pas nécessaire d’attendre pour agir qu’un préjudice ait été causé, mais l’existence d’inquiétudes touchant à la sécurité doit être solidement établie pour qu’il soit justifié de porter atteinte à un droit constitutionnel. Considérant la preuve au dossier, je suis d’avis que l’argument invoqué par les intimés à l’appui d’une prohibition absolue — à savoir la dangerosité inhérente du kirpan — ne peut être retenu. 67 7.2.2.2 Proliferation of Weapons in Schools 7.2.2.2 Prolifération des armes dans les écoles The respondents also contend that allowing Gurbaj Singh to wear his kirpan to school could have a ripple effect. They submit that other students who learn that orthodox Sikhs may wear their Les intimés prétendent de plus que le fait de permettre à Gurbaj Singh de porter son kirpan à l’école pourrait avoir un effet d’entraînement. Ils soutiennent que les autres élèves qui apprendront que les 68 294 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. kirpans will feel the need to arm themselves so that they can defend themselves if attacked by a student wearing a kirpan. Sikhs orthodoxes peuvent porter leur kirpan éprouveront le besoin de s’armer afin de pouvoir se défendre en cas d’attaque par un élève portant un kirpan. This argument is essentially based on the one discussed above, namely that kirpans in school pose a safety risk to other students, forcing them to arm themselves in turn in order to defend themselves. For the reasons given above, I am of the view that the evidence does not support this argument. It is purely speculative and cannot be accepted in the instant case: see Eldridge, at para. 89. Moreover, this argument merges with the next one, which relates more specifically to the risk of poisoning the school environment. I will therefore continue with the analysis. Cet argument repose essentiellement sur la prétention examinée précédemment, selon laquelle la présence du kirpan dans l’école représente un risque pour la sécurité des autres élèves, les forçant à s’armer à leur tour pour se défendre. Pour les motifs déjà exprimés, je suis d’avis que la preuve n’étaye pas cette prétention; elle ne relève que de la spéculation et ne saurait être retenue en l’espèce : voir Eldridge, par. 89. De plus, cet argument se confond avec le suivant, qui traite plus particulièrement du risque d’empoisonnement de l’environnement scolaire. Je poursuis donc l’analyse. 7.2.2.3 Negative Impact on the School Environment 7.2.2.3 Répercussions négatives sur l’environnement scolaire 70 The respondents submit that the presence of kirpans in schools will contribute to a poisoning of the school environment. They maintain that the kirpan is a symbol of violence and that it sends the message that using force is the way to assert rights and resolve conflict, compromises the perception of safety in schools and establishes a double standard. Les intimés soutiennent que la présence du kirpan dans l’école contribuera à empoisonner l’environnement scolaire. Ils affirment que le kirpan représente un symbole de violence, envoie le message que le recours à la force est le moyen de faire valoir ses droits et régler les conflits, diminue la perception de sécurité dans les écoles et établit un régime à deux poids-deux mesures. 71 The argument that the wearing of kirpans should be prohibited because the kirpan is a symbol of violence and because it sends the message that using force is necessary to assert rights and resolve conflict must fail. Not only is this assertion contradicted by the evidence regarding the symbolic nature of the kirpan, it is also disrespectful to believers in the Sikh religion and does not take into account Canadian values based on multiculturalism. L’argument selon lequel le port du kirpan devrait être interdit parce qu’il représente un symbole de violence et envoie le message que le recours à la force est nécessaire pour faire valoir ses droits et régler les conflits doit être rejeté. Cette prétention est non seulement contraire à la preuve concernant la nature symbolique du kirpan, mais elle est également irrespectueuse envers les fidèles de la religion sikhe et ne tient pas compte des valeurs canadiennes fondées sur le multiculturalisme. 72 As for the submissions based on the other students’ perception regarding safety and on feelings of unfairness that they might experience, these appear to stem from the affidavit of psychoeducator Denis Leclerc, who gave his opinion concerning a study in which he took part that involved, inter alia, questioning students and staff from 14 high schools belonging to the CSMB about the Pour ce qui est des arguments fondés sur la perception du climat de sécurité et sur le sentiment d’injustice que pourraient ressentir les autres élèves, ces prétentions semblent basées sur l’affidavit de Denis Leclerc, psychoéducateur, qui a exprimé son opinion concernant une étude à laquelle il a participé et qui consistait notamment à interroger les élèves et membres du personnel de 14 écoles 69 [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 295 socio-educational environment in schools. The results of the study seem to show that there is a mixed or negative perception regarding safety in schools. It should be noted that this study did not directly address kirpans, but was instead a general examination of the situation in schools in terms of safety. Mr. Leclerc is of the opinion that the presence of kirpans in schools would heighten this impression that the schools are unsafe. He also believes that allowing Gurbaj Singh to wear a kirpan would engender a feeling of unfairness among the students, who would perceive this permission as special treatment. He mentions, for example, that some students still consider the right of Muslim women to wear the chador to be unfair, because they themselves are not allowed to wear caps or scarves. secondaires de la CCMB sur l’environnement socioéducatif dans le milieu scolaire. Les résultats de cette étude semblent révéler une perception mitigée ou négative quant au climat de sécurité qui règne dans les écoles. Il convient de souligner que cette étude ne portait pas directement sur les kirpans, mais constituait plutôt un examen général de la situation dans les écoles en matière de sécurité. Monsieur Leclerc est d’avis que la présence de kirpans dans les écoles accroîtrait cette impression d’insécurité dans les écoles. Il estime également que le fait de permettre à Gurbaj Singh de porter le kirpan créerait un sentiment d’injustice chez les élèves, qui percevraient cette permission comme un traitement spécial. Il mentionne, par exemple, que certains élèves continuent de considérer le droit des femmes musulmanes de porter le tchador comme une injustice, étant donné qu’on leur interdit de porter la casquette ou un foulard. It should be noted that, in a letter submitted to counsel for the appellants, psychologist Mathieu Gattuso indicated that, in light of the generally accepted principles concerning expert evidence, Denis Leclerc’s affidavit does not constitute an expert opinion. It is clear from the examination of Mr. Leclerc that he did not study the situation in schools that authorize the wearing of kirpans and that, in his affidavit, he was merely giving a personal opinion. Il y a lieu de noter que, dans une lettre soumise au procureur des appelants, le psychologue Mathieu Gattuso a indiqué qu’à la lumière des règles généralement reconnues en matière d’expertise, l’affidavit de Denis Leclerc ne constitue pas une expertise. L’interrogatoire de M. Leclerc confirme d’ailleurs qu’il n’a pas étudié la situation dans les écoles qui autorisent le port du kirpan et que, dans son affidavit, il ne fait qu’exprimer son opinion personnelle. 73 With respect for the view of the Court of Appeal, I cannot accept Denis Leclerc’s position. Among other concerns, the example he presents concerning the chador is particularly revealing. To equate a religious obligation such as wearing the chador with the desire of certain students to wear caps is indicative of a simplistic view of freedom of religion that is incompatible with the Canadian Charter. Moreover, his opinion seems to be based on the firm belief that the kirpan is, by its true nature, a weapon. The CSMB itself vigorously defends this same position. For example, it states the following in its factum (at paras. 37-38): Avec égards pour l’opinion contraire exprimée par la Cour d’appel, je suis d’avis qu’on ne saurait retenir la position de Denis Leclerc. Entre autres, l’exemple qu’il présente concernant le tchador est plutôt révélateur. Assimiler une obligation religieuse telle que le port du tchador au désir qu’éprouvent certains élèves de porter une casquette témoigne d’un regard réducteur sur la liberté de religion, attitude qui n’est pas compatible avec la Charte canadienne. De plus, son opinion semble fondée sur l’idée bien arrêtée que, de par sa nature véritable, le kirpan est une arme. La CSMB défend elle aussi cette position avec vigueur. Par exemple, elle affirme ce qui suit dans son mémoire (par. 37-38) : 74 [TRANSLATION] Although kirpans were presented to the trial judge at the hearing, she failed to rule on the Bien qu’à l’audience des kirpans aient été présentés à la juge de première instance, celle-ci a omis de se 296 multani v. csmb Charron J. [2006] 1 S.C.R. true nature of the kirpan. On the contrary, she seemed, in light of her comments, to accept the appellants’ argument that in today’s world, the kirpan has only symbolic value for Sikhs. prononcer sur la nature véritable du kirpan. La juge, au contraire, a semblé avaliser, selon ses observations, la thèse des appelants selon laquelle le kirpan ne revêt plus aujourd’hui qu’une valeur symbolique pour le sikh. Yet whatever it may symbolize, the kirpan is still essentially a dagger, a weapon designed to kill, intimidate or threaten others. [Emphasis added.] Or, quelle que soit la symbolique, le kirpan demeure essentiellement un poignard, une arme conçue pour tuer quelqu’un, l’intimider ou le menacer. [Je souligne.] These assertions strip the kirpan of any religious significance and leave no room for accommodation. The CSMB also makes the following statement (at para. 51): Ces prétentions enlèvent au kirpan tout caractère religieux et n’admettent aucune possibilité d’accommodement. La CSMB ajoute également ceci (par. 51) : [TRANSLATION] It is thus a paralogism . . . to liken a weapon to all objects whose purpose is not to kill or wound but that could potentially be used as weapons, such as compasses, paper cutters, baseball bats, sporting equipment, or cars. Does this mean that we should stop studying geometry or playing baseball? C’est donc un paralogisme [. . .] d’assimiler une arme à tous les objets dont la finalité n’est ni de tuer ou de blesser mais qui, à l’occasion, pourraient être utilisés comme armes tels les compas, les coupe-papier, les bâtons de baseball, des pièces d’équipement sportif, les automobiles, etc. . . Faudrait-il pour autant cesser d’étudier la géométrie, de jouer au baseball? 75 The appellants are perhaps right to state that the only possible explanation for the acceptance of these other potentially dangerous objects in schools is that the respondents consider the activities in which those objects are used to be important, while accommodating the religious beliefs of the appellant’s son is not. Les appelants ont peut-être raison lorsqu’ils affirment que l’acceptation de ces autres objets potentiellement dangereux en milieu scolaire ne peut s’expliquer que par le fait que les intimés considèrent importantes les activités dans lesquelles ces objets sont utilisés alors que l’accommodement de la croyance religieuse du fils de l’appelant ne l’est pas. 76 Religious tolerance is a very important value of Canadian society. If some students consider it unfair that Gurbaj Singh may wear his kirpan to school while they are not allowed to have knives in their possession, it is incumbent on the schools to discharge their obligation to instil in their students this value that is, as I will explain in the next section, at the very foundation of our democracy. La tolérance religieuse constitue une valeur très importante au sein de la société canadienne. Si des élèves considèrent injuste que Gurbaj Singh puisse porter son kirpan à l’école alors qu’on leur interdit d’avoir des couteaux en leur possession, il incombe aux écoles de remplir leur obligation d’inculquer à leurs élèves cette valeur qui est à la base même de notre démocratie, comme je l’expliquerai dans la section qui suit. 77 In my opinion, the respondents have failed to demonstrate that it would be reasonable to conclude that an absolute prohibition against wearing a kirpan minimally impairs Gurbaj Singh’s rights. Je suis d’avis que les intimés n’ont pas réussi à démontrer qu’il serait raisonnable de conclure que la prohibition absolue du port du kirpan constitue une atteinte minimale aux droits de Gurbaj Singh. 7.2.3 Effects of the Measure 7.2.3 Effets de la mesure Since we have found that the council of commissioners’ decision is not a reasonable limit on Comme nous avons jugé que la décision du conseil des commissaires ne constitue pas une 78 [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb La juge Charron 297 religious freedom, it is not strictly necessary to weigh the deleterious effects of this measure against its salutary effects. I do believe, however, like the intervener Canadian Civil Liberties Association, that it is important to consider some effects that could result from an absolute prohibition. An absolute prohibition would stifle the promotion of values such as multiculturalism, diversity, and the development of an educational culture respectful of the rights of others. This Court has on numerous occasions reiterated the importance of these values. For example, in Ross, the Court stated the following, at para. 42: restriction raisonnable de la liberté de religion, il n’est pas strictement nécessaire de soupeser les effets préjudiciables et les effets bénéfiques de cette mesure. Je crois cependant, à l’instar de l’intervenante Association canadienne des libertés civiles, qu’il est important de considérer certains effets susceptibles de découler d’une prohibition absolue. Une telle prohibition empêche la promotion de valeurs comme le multiculturalisme, la diversité et le développement d’une culture éducationnelle respectueuse des droits d’autrui. Notre Cour a maintes fois réitéré l’importance de ces valeurs. Dans Ross, par exemple, elle a écrit ceci, au par. 42 : A school is a communication centre for a whole range of values and aspirations of a society. In large part, it defines the values that transcend society through the educational medium. The school is an arena for the exchange of ideas and must, therefore, be premised upon principles of tolerance and impartiality so that all persons within the school environment feel equally free to participate. Une école est un centre de communication de toute une gamme de valeurs et d’aspirations sociales. Par l’entremise de l’éducation, elle définit, dans une large mesure, les valeurs qui transcendent la société. Lieu d’échange d’idées, l’école doit reposer sur des principes de tolérance et d’impartialité de sorte que toutes les personnes qui se trouvent en milieu scolaire se sentent également libres de participer. In R. v. M. (M.R.), [1998] 3 S.C.R. 393, at para. 3, the Court made the following observation: Dans R. c. M. (M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393, par. 3, elle a énoncé ce qui suit : [S]chools . . . have a duty to foster the respect of their students for the constitutional rights of all members of society. Learning respect for those rights is essential to our democratic society and should be part of the education of all students. These values are best taught by example and may be undermined if the students’ rights are ignored by those in authority. [L]es écoles ont l’obligation d’inculquer à leurs élèves le respect des droits constitutionnels de tous les membres de la société. L’apprentissage du respect de ces droits est essentiel à notre société démocratique et devrait faire partie de l’éducation de tous les élèves. C’est par l’exemple que ces valeurs se transmettent le mieux, et elles peuvent être minées si les personnes en autorité font fi des droits des élèves. Then, in Trinity Western University, the Court stated the following, at para. 13: Puis, dans Université Trinity Western, notre Cour a mentionné ceci, au par. 13 : Our Court [has] accepted . . . that teachers are a medium for the transmission of values. . . . Schools are meant to develop civic virtue and responsible citizenship, to educate in an environment free of bias, prejudice and intolerance. [N]otre Cour a reconnu que les enseignants servent d’intermédiaires pour transmettre des valeurs. [. . .] Les écoles sont censées développer le civisme, former des citoyens responsables et offrir un enseignement dans un milieu où les préjugés, le parti pris et l’intolérance n’existent pas. A total prohibition against wearing a kirpan to school undermines the value of this religious symbol and sends students the message that some religious practices do not merit the same protection as others. On the other hand, accommodating Gurbaj Singh and allowing him to wear his kirpan under certain conditions demonstrates the importance La prohibition totale de porter le kirpan à l’école dévalorise ce symbole religieux et envoie aux élèves le message que certaines pratiques religieuses ne méritent pas la même protection que d’autres. Au contraire, le fait de prendre une mesure d’accommodement en faveur de Gurbaj Singh et de lui permettre de porter son kirpan sous réserve de 79 298 80 81 82 83 84 multani v. csmb Deschamps and Abella JJ. [2006] 1 S.C.R. that our society attaches to protecting freedom of religion and to showing respect for its minorities. The deleterious effects of a total prohibition thus outweigh its salutary effects. certaines conditions démontre l’importance que notre société accorde à la protection de la liberté de religion et au respect des minorités qui la composent. Les effets préjudiciables de l’interdiction totale surpassent donc ses effets bénéfiques. 8. Section 15(1) of the Canadian Charter and the Quebec Charter 8. Paragraphe 15(1) de la Charte canadienne et Charte québécoise Having found that the commissioners’ decision infringes Gurbaj Singh’s freedom of religion and that this infringement cannot be justified in a free and democratic society, I believe it is unnecessary to consider the alleged violation of s. 15 of the Canadian Charter. I am also of the view that a separate analysis with respect to the Quebec Charter is not necessary in the circumstances of the case. Ayant conclu que la décision des commissaires violait la liberté de religion de Gurbaj Singh et que cette violation ne pouvait être justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique, j’estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner la prétendue violation de l’art. 15 de la Charte canadienne. Je suis également d’avis qu’une analyse distincte, au regard de la Charte québécoise, ne s’avère pas nécessaire dans les circonstances de l’espèce. 9. Remedy 9. La réparation Section 24(1) of the Canadian Charter reads as follows: Le paragraphe 24(1) de la Charte canadienne dispose : Anyone whose rights or freedoms, as guaranteed by this Charter, have been infringed or denied may apply to a court of competent jurisdiction to obtain such remedy as the court considers appropriate and just in the circumstances. Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances. Given that Gurbaj Singh no longer attends Sainte-Catherine-Labouré school, it would not be appropriate to restore the judgment of the Superior Court, as requested by the appellants. The Court accordingly considers that the appropriate and just remedy is to declare the decision prohibiting Gurbaj Singh from wearing his kirpan to be null. Étant donné que Gurbaj Singh ne fréquente plus l’école Sainte-Catherine-Labouré, il n’y a pas lieu de rétablir le jugement de la Cour supérieure, comme le demandent les appelants. La réparation que la Cour estime convenable et juste consiste donc à déclarer nulle la décision prohibant à Gurbaj Singh de porter son kirpan. 10. Disposition 10. Dispositif I would allow the appeal, set aside the decision of the Court of Appeal, and declare the decision of the council of commissioners to be null, with costs throughout. Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’annuler la décision de la Cour d’appel et de déclarer nulle, la décision du conseil des commissaires, le tout avec dépens devant toutes les cours. English version of the reasons delivered by Les motifs suivants ont été rendus par Deschamps and Abella JJ. — This case raises two issues. The first relates to the right of a Sikh student to wear his kirpan to school; the second Les juges Deschamps et Abella — Le présent litige soulève deux questions. La première concerne le droit d’un élève sikh de porter son kirpan à l’école [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Les juges Deschamps et Abella 299 concerns the relationship between administrative law and constitutional law in the context of human rights litigation. et la deuxième le rapport entre le droit administratif et le droit constitutionnel, dans le contexte d’un litige fondé sur les droits de la personne. We have come to the same conclusion as Charron J. but do not agree with her approach. In our view, the case is more appropriately decided by recourse to an administrative law review than to a constitutional law justification. Two main reasons dictate that an administrative law review be conducted. First, the purpose of constitutional justification is to assess a norm of general application, such as a statute or regulation. The analytical approach developed uniquely for that purpose is not easily transportable where what must be assessed is the validity of an administrative body’s decision, even on a human rights question. In such a case, an administrative law analysis is called for. Second, basing the analysis on the principles of administrative law averts the problems that result from blurring the distinction between the principles of constitutional justification and the principles of administrative law, and prevents the impairment of the analytical tools developed specifically for each of these fields. La conclusion à laquelle nous arrivons ne diffère pas de celle de la juge Charron, mais nous ne pouvons nous rallier à sa démarche. À notre avis, le litige est résolu de façon plus adéquate en ayant recours aux règles de la révision judiciaire du droit administratif plutôt qu’à celles de la justification constitutionnelle. Deux motifs principaux commandent, selon nous, d’appliquer une analyse fondée sur le droit administratif. Premièrement, le recours à la justification constitutionnelle est conçu pour évaluer une norme d’application générale, comme une loi ou un règlement. La grille d’analyse élaborée spécifiquement dans ce contexte ne peut être importée facilement lorsqu’il s’agit d’évaluer la validité d’une décision rendue par un organisme administratif même lorsqu’il s’agit d’une question mettant en cause des droits de la personne. Dans un tel cas, c’est l’analyse du droit administratif qui est la mieux adaptée. Deuxièmement, le choix de l’analyse fondée sur les règles du droit administratif permet d’éviter les difficultés inhérentes à la confusion des règles de la justification constitutionnelle et de celles du droit administratif. Il permet aussi de préserver les outils spécifiques développés dans chacun des domaines. 85 In Baker v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [1999] 2 S.C.R. 817, at para. 56, the Court recognized that an administrative law analysis does not exclude, but incorporates, arguments relating to the Canadian Charter of Rights and Freedoms (“Canadian Charter”): Dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, par. 56, la Cour a reconnu que l’analyse fondée sur le droit administratif n’exclut pas les arguments reposant sur la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte canadienne »), elle les incorpore : 86 The pragmatic and functional approach can take into account the fact that the more discretion that is left to a decision-maker, the more reluctant courts should be to interfere with the manner in which decision-makers have made choices among various options. However, though discretionary decisions will generally be given considerable respect, that discretion must be exercised in accordance with the boundaries imposed in the statute, the principles of the rule of law, the principles of administrative law, the fundamental values of Canadian society, and the principles of the Charter. La démarche pragmatique et fonctionnelle peut tenir compte du fait que plus le pouvoir discrétionnaire accordé à un décideur est grand, plus les tribunaux devraient hésiter à intervenir dans la manière dont les décideurs ont choisi entre diverses options. Toutefois, même si, en général, il sera accordé un grand respect aux décisions discrétionnaires, il faut que le pouvoir discrétionnaire soit exercé conformément aux limites imposées dans la loi, aux principes de la primauté du droit, aux principes du droit administratif, aux valeurs fondamentales de la société canadienne, et aux principes de la Charte. 300 multani v. csmb Deschamps and Abella JJ. [2006] 1 S.C.R. Simply put, it is difficult to conceive of an administrative decision being permitted to stand if it violates the Canadian Charter. The administrative body’s decisions can, indeed must, be judicially reviewed in accordance with the principles of administrative law where they do not have the normative import usually associated with a law. For the reasons that follow, we accordingly believe that it is preferable to adhere to an administrative law analysis where resorting to constitutional justification is neither necessary nor appropriate. En somme, il est difficile de concevoir qu’une décision administrative puisse être maintenue si elle enfreint la Charte canadienne. Les décisions de l’organisme peuvent, et même doivent, faire l’objet d’un contrôle judiciaire suivant les règles du droit administratif lorsqu’elles n’ont pas la portée normative habituellement rattachée à une règle de droit. Pour les raisons qui suivent, nous estimons donc qu’il est préférable de s’en tenir à une analyse administrative lorsque le recours à la justification constitutionnelle n’est ni nécessaire, ni approprié. 1. Administrative Law Analysis 1. Analyse fondée sur le droit administratif 1.1 Facts and Judgments Below 1.1 Faits et décisions des juridictions inférieures 87 A brief review of the facts provides the necessary background. The Code de vie (code of conduct) of the school attended by the appellant’s son prohibits the carrying of weapons and dangerous objects. The validity of this code is not in issue. Relying on it, the school board — the Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys — prohibited the appellant’s son, a Sikh student, from wearing his kirpan — a 20-cm knife with a metal blade — to school. At the time the school board first became involved in this matter, the student claimed the right to wear his kirpan under his clothes. The father and the student offered to wrap the kirpan in cloth. The school board accepted this as a reasonable accommodation. When the father and the student met with school officials, these officials expressed concerns about safety at the school. The governing board of the school refused to ratify the proposed accommodation measure and instead proposed that the student wear a harmless symbolic kirpan. On review, the council of commissioners of the school board endorsed the governing board’s position. Il est utile de rappeler brièvement les faits. Le Code de vie de l’école fréquentée par le fils de l’appelant prohibe le port d’armes et d’objets dangereux. La validité de ce code n’est toutefois pas mise en question. Se fondant sur le code, la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys interdit au fils de l’appelant, un élève de religion sikhe, de porter sur lui, à l’école, son kirpan — couteau de 20 cm à lame de métal. Lors de la première intervention de la Commission scolaire, l’élève revendique le droit de porter son kirpan sous ses vêtements. Le père et l’élève offrent d’envelopper le kirpan dans une étoffe. La Commission scolaire accepte cette suggestion à titre d’accommodement raisonnable. À l’occasion d’une rencontre entre le père, l’élève et la direction de l’école, cette dernière exprime ses préoccupations concernant la sécurité à l’école. Le conseil d’établissement de l’école refuse d’entériner la suggestion d’accommodement et propose plutôt le port d’un kirpan symbolique inoffensif. Le conseil des commissaires de la Commission scolaire, en révision, confirme la position du conseil d’établissement. 88 The father contested the decision on behalf of himself and his son, filing a motion for a declaratory judgment. He initially asked the Superior Court to declare, based on ss. 3 and 10 of the Charter of human rights and freedoms, R.S.Q., c. C‑12 (“Quebec Charter”), and ss. 2 and 15 of the Canadian Charter, that his son had the right to wear his kirpan. He also asked the court — in what Le père conteste la décision en son nom et au nom de son fils. Il présente une requête en jugement déclaratoire. Il demande d’abord à la Cour supérieure de déclarer que son fils a le droit de porter son kirpan, invoquant les art. 3 et 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C-12 (« Charte québécoise »), ainsi que les art. 2 et 15 de la Charte canadienne. Il demande aussi à [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Les juges Deschamps et Abella 301 was in fact an offer of accommodation — to declare that the kirpan had to be worn under the student’s clothes. Finally, he asked for a declaration that the school board was not entitled to prohibit the kirpan and that its decision was of no force or effect. In the Superior Court, the debate involved further conditions that would permit the concerns about safety at the school to be more effectively taken into account, while preserving the right to freedom of religion. The Superior Court judge stated that, in her view, wearing a symbolic kirpan was not acceptable, and the father and the student agreed to secure the kirpan in a wooden sheath and wrap it in cloth sewn to a shoulder strap ([2002] Q.J. No. 1131 (QL)). The Superior Court included in an order the following accommodation measures: la cour — ce qui est en fait une offre d’accommodement — de déclarer que le kirpan doit être porté sous les vêtements. Enfin, il sollicite une déclaration portant que la Commission scolaire n’a pas le droit de prohiber le kirpan et que sa décision est inopérante. Devant la Cour supérieure, le débat concerne les conditions additionnelles propres à permettre de mieux tenir compte des préoccupations de sécurité à l’école tout en préservant le droit à la liberté de religion. D’une part, la juge de la Cour supérieure indique que, à son avis, le port d’un kirpan symbolique n’est pas acceptable et, d’autre part, le père et l’élève acceptent de protéger le kirpan dans un fourreau de bois et d’envelopper le tout dans une étoffe cousue à une bandoulière ([2002] J.Q. no 1131 (QL)). La Cour supérieure incorpore dans une ordonnance les mesures d’accommodement suivantes : – the kirpan was to be worn under the student’s clothes; – le kirpan est porté sous les vêtements de l’élève; – the kirpan was to be placed in a wooden sheath and wrapped and sewn securely in a sturdy cloth envelope, which was to be sewn to a shoulder strap (guthra); – le kirpan est placé dans un fourreau de bois, enveloppé et cousu de façon sécuritaire dans une étoffe solide, le tout cousu à une bandoulière (guthra); – the student was required to keep the kirpan in his possession at all times, and its disappearance was to be reported to school authorities immediately; – l’élève ne peut se départir de son kirpan et la disparition du kirpan doit être rapportée aux autorités de l’école immédiatement; – school personnel were authorized to verify, in a reasonable fashion, that the conditions for wearing the kirpan were being complied with; and – le personnel de l’école peut vérifier de façon raisonnable si les conditions de port du kirpan sont respectées; – if these conditions were not complied with, the student would definitively lose the right to wear a kirpan. – si les conditions ne sont pas respectées, l’élève perd définitivement le droit de porter le kirpan. The Superior Court declared the school board’s decision prohibiting the wearing of a kirpan to be null. La Cour supérieure déclare nulle et inopérante la décision de la Commission scolaire interdisant le port du kirpan. The school board and the Attorney General of Quebec appealed to the Court of Appeal. While the father and the student were still willing to accept the conditions set by the Superior Court, the La Commission scolaire et le procureur général du Québec se pourvoient devant la Cour d’appel. Alors que le père et l’élève se montrent toujours prêts à accepter les conditions fixées par la Cour 89 302 multani v. csmb Deschamps and Abella JJ. [2006] 1 S.C.R. Attorney General of Quebec and the school board again submitted that the kirpan was a weapon that could legitimately be prohibited in a school setting, that the decision did not infringe freedom of religion, and that the offer to allow the student to wear a symbolic kirpan represented a reasonable accommodation. They added that if the decision did infringe freedom of religion, it was nonetheless justified under s. 9.1 of the Quebec Charter and s. 1 of the Canadian Charter. supérieure, le procureur général du Québec et la Commission scolaire plaident à nouveau que le kirpan est une arme qui peut légitimement être prohibée en milieu scolaire, que cette décision ne porte pas atteinte à la liberté de religion et que l’offre de porter un kirpan symbolique constitue un accommodement raisonnable. Ils ajoutent aussi que, si la décision porte atteinte à la liberté de religion, elle est néanmoins justifiée au regard de l’art. 9.1 de la Charte québécoise et de l’article premier de la Charte canadienne. 90 The Court of Appeal first addressed the issue of the applicable standard of review ([2004] Q.J. No. 1904 (QL)). Taking into consideration the four factors of the pragmatic and functional approach, it concluded that the standard of reasonableness should apply. The court then turned to the substantive issue, concluding that the kirpan is a weapon and that although the decision to prohibit a weapon did impair the full exercise of freedom of religion, it was not unreasonable given the school board’s obligation to preserve the physical safety of the school community. La Cour d’appel examine d’abord la question de la norme de contrôle applicable ([2004] R.J.Q. 824). Prenant en considération les quatre facteurs de la méthode pragmatique et fonctionnelle, elle conclut que la norme de la décision raisonnable s’applique. Elle se penche ensuite sur la question de fond. Elle juge que le kirpan est une arme et que la décision de prohiber une arme, même si elle porte atteinte au plein exercice de la liberté de religion, n’est pas déraisonnable, en raison de l’obligation qu’a la Commission scolaire de préserver l’intégrité physique de l’ensemble de la communauté scolaire. 91 In this Court, the parties are relying on the same arguments as in the Court of Appeal. Devant notre Cour, les parties reprennent les arguments plaidés devant la Cour d’appel. 1.2 Analysis 1.2 Analyse 1.2.1 Standard of Review 1.2.1 La norme de contrôle 92 In his motion for a declaratory judgment, the student’s father contested the validity of the school board’s decision. In this Court, the father and the student say that they are still prepared to accept the conditions imposed by the Superior Court. What must be examined in this case, therefore, is the validity of the school board’s decision in light of the offer of accommodation made by the father and the student, not the validity of the school’s Code de vie. Dans sa requête en jugement déclaratoire, le père de l’élève conteste la validité de la décision de la Commission scolaire. Devant notre Cour, le père et l’élève se disent toujours disposés à accepter les conditions imposées par la Cour supérieure. Ce qui doit être examiné, en l’espèce, est donc la validité de la décision de la Commission scolaire au regard de l’offre d’accommodement faite par le père et l’élève et non pas la validité du Code de vie de l’école. 93 Our colleague Charron J. (at para. 20), relying on Nova Scotia (Workers’ Compensation Board) v. Martin, [2003] 2 S.C.R. 504, 2003 SCC 54, at para. 31, finds that since the dispute concerns the compliance of the school board’s decision with the S’appuyant sur l’arrêt Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, [2003] 2 R.C.S. 504, 2003 CSC 54, par. 31, notre collègue la juge Charron (par. 20) estime que, comme la contestation concerne la conformité de la décision de la [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Les juges Deschamps et Abella 303 requirements of the Canadian Charter, an analysis of the standard of review is unnecessary and that this analysis led the Court of Appeal to an erroneous decision. With respect, we do not believe that Martin established a rule that simply raising an argument based on human rights makes administrative law inapplicable, or that all decisions contested under the Canadian Charter or provincial human rights legislation are subject to the correctness standard. In Martin, the correctness standard applied because the decision concerned the Workers’ Compensation Board’s authority to determine the validity of a provision of its enabling statute under the Canadian Charter. Commission scolaire aux exigences de la Charte canadienne, l’analyse de la norme de contrôle n’est pas nécessaire et a amené la Cour d’appel à rendre une décision erronée. Avec égards pour l’opinion contraire, nous ne croyons pas que l’arrêt Martin a établi que le simple fait de soulever un argument fondé sur les droits de la personne a pour effet d’écarter le recours au droit administratif ou que toutes les décisions contestées en vertu de la Charte canadienne ou d’une loi provinciale sur les droits de la personne sont assujetties à la norme de la décision correcte. Dans l’arrêt Martin, l’application de la norme de la décision correcte s’imposait, parce que la décision portait sur le pouvoir de la Workers’ Compensation Board de se prononcer sur la validité d’une disposition de sa loi habilitante au regard de la Charte canadienne. Moreover, it should be noted that an administrative law approach was adopted in reviewing decisions made by, respectively, university and school authorities in Trinity Western University v. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 S.C.R. 772, 2001 SCC 31 (“T.W.U.”), and Chamberlain v. Surrey School District No. 36, [2002] 4 S.C.R. 710, 2002 SCC 86. In those cases, the Court had to determine what standard applied to decisions on issues that unquestionably concerned values protected by the Canadian Charter. Il convient d’ailleurs de souligner qu’une démarche fondée sur le droit administratif a été adoptée pour contrôler les décisions d’une administration universitaire et d’une administration scolaire, respectivement, dans les arrêts Université Trinity Western c. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 R.C.S. 772, 2001 CSC 31 (« U.T.W. »), et Chamberlain c. Surrey School District No. 36, [2002] 4 R.C.S. 710, 2002 CSC 86. Dans ces affaires, la Cour devait décider de la norme applicable à des décisions portant sur des questions concernant indubitablement des valeurs protégées par la Charte canadienne. 94 In the case at bar, the Court must determine the standard of deference to be applied to the school board’s decision, which had an impact on freedom of religion, the right to equality and the right to physical inviolability. We see no reason to depart from the approach taken in T.W.U. and Chamberlain. En l’espèce, la Cour doit décider de la norme de déférence applicable à l’égard de la décision de la Commission scolaire, qui met en cause le droit à la liberté de religion, le droit à l’égalité et le droit à l’intégrité physique. Nous ne voyons pas de motif justifiant d’écarter l’approche adoptée dans U.T.W. et Chamberlain. 95 The Education Act, R.S.Q., c. I‑13.3, contains no privative clause limiting intervention by the courts. However, the authority to establish rules of conduct in educational institutions is clearly conferred on the governing board by s. 76, while s. 12 authorizes the council of commissioners to reconsider a decision of the governing board. The establishment of an internal appeal mechanism suggests that the La Loi sur l’instruction publique, L.R.Q., ch. I-13.3, ne comporte aucune clause privative limitant l’intervention des tribunaux. L’élaboration des règles de conduite dans les établissements scolaires est cependant clairement confiée au conseil d’établissement par l’art. 76. De plus, aux termes de l’art. 12, le conseil des commissaires peut réviser la décision du conseil d’établissement. De même, 96 304 97 multani v. csmb Deschamps and Abella JJ. [2006] 1 S.C.R. legislature intended to leave the power to make decisions to local stakeholders. Furthermore, the issue in the case at bar is not limited to interpreting the scope of the protection of the student’s right to freedom of religion under ss. 2(a) and 15 of the Canadian Charter and ss. 3 and 10 of the Quebec Charter. The school board also had to consider the right of all students to physical inviolability, and the specific circumstances of its schools. The situation in one school board’s schools can be very different from that in another board’s schools. The assessment of the facts is therefore of considerable importance. Where safety in the schools under its responsibility is concerned, the respondent school board unquestionably has greater expertise than does a court of law reviewing its decision. If the reasonableness standard applied in Chamberlain, there is even more reason to conclude that it applies in the instant case because of the factual element associated with determinations of safety requirements. la mise en place d’un mécanisme d’appel interne tend à indiquer que le législateur a voulu laisser le pouvoir décisionnel aux intervenants locaux. Par ailleurs, la question en litige ne requiert pas uniquement l’interprétation de la portée de la protection du droit à la liberté de religion de l’élève en vertu de l’al. 2a) et de l’art. 15 de la Charte canadienne et des art. 3 et 10 de la Charte québécoise. En effet, la Commission scolaire doit aussi prendre en considération le droit de tous les élèves au respect de leur intégrité physique ainsi que les conditions particulières qui règnent dans ses écoles. Le contexte particulier des écoles d’une commission scolaire peut être très différent de celui des écoles d’une autre commission. L’appréciation des faits revêt donc une importance considérable. Pour ce qui concerne la sécurité dans les écoles sous sa responsabilité, la Commission scolaire intimée possède sans doute une expertise plus grande qu’un tribunal judiciaire siégeant en révision de sa décision. Si la norme de la décision raisonnable s’appliquait dans Chamberlain, à plus forte raison doit-on conclure qu’elle s’impose en l’espèce, en raison de la composante factuelle liée à l’évaluation de sécurité. 1.2.2 Reasonableness of the Decision 1.2.2 La raisonnabilité de la décision The Court of Appeal focused on the kirpan’s inherent dangerousness. This approach fails to take account of the other facts that were presented. It is true that the kirpan, considered objectively and without the protective measures imposed by the Superior Court, is an object that fits the definition of a weapon. According to the evidence of psychoeducator Denis Leclerc, the kirpan would contribute to a perception that schools are unsafe because a student might [TRANSLATION] “think it necessary to have a knife at school . . . [in case of] an altercation with another student, since he or she knows that certain students have the right to carry knives and that other students have as a result also assumed the right to carry one without telling anyone about it”. Such a categorical approach to the kirpan and to safety in the schools disregards the risks inherent in the use of other objects that are part of the everyday school environment, such as compasses. Risks can — and should — be limited La Cour d’appel s’est attachée à la dangerosité inhérente du kirpan. Cette approche ne tient pas compte des autres faits qui lui étaient présentés. Il est exact de dire que, considéré de façon objective, et sans les mesures de protection imposées par la Cour supérieure, le kirpan est un objet qui répond à la définition d’une arme. De même, selon le psychoéducateur Denis Leclerc, le kirpan accroîtrait la perception d’insécurité parce qu’un élève pourrait « penser nécessaire d’avoir un couteau à l’école [. . .] en cas d’altercation avec tout autre élève puisqu’il sait que certains élèves ont le droit d’en porter et qu’en conséquence d’autres élèves se donnent également le droit de porter un couteau sans pour autant le divulguer ». Cette façon catégorique d’aborder le kirpan et la sécurité dans les écoles fait abstraction de la présence de risques inhérents à l’utilisation d’autres objets qui font partie de l’environnement courant de l’école, qu’il suffise de mentionner le compas par exemple. Les risques qui [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Les juges Deschamps et Abella 305 in the school environment, but they cannot realistically ever be completely eliminated. existent en milieu scolaire peuvent — et doivent — être limités, mais ils ne peuvent, de façon réaliste, être éliminés complètement. The Court of Appeal’s approach also disregards the strict conditions imposed by the Superior Court. No student is allowed to carry a “knife”. The young Sikh is authorized to wear his kirpan, which, while a kind of “knife”, is above all a religious object whose dangerous nature is neutralized by the many coverings required by the Superior Court. The kirpan must be enclosed in a wooden sheath and the sheath must be sewn inside a cloth envelope, which must itself be attached to a shoulder strap worn under the student’s clothing. Secured in this way, the kirpan is almost totally stripped of its objectively dangerous characteristics. Access to the kirpan is not merely delayed, as was the case with the first offer made by the father and the student, it is now fully impeded by the cloth envelope sewn around the wooden sheath. In these circumstances, the argument relating to safety can no longer reasonably succeed. L’approche retenue par la Cour d’appel omet aussi les conditions strictes imposées par la Cour supérieure. Aucun élève n’est autorisé à porter un « couteau ». Le jeune sikh est autorisé à porter son kirpan, qui, quoiqu’il s’agisse d’un « couteau », est surtout un objet religieux dont la dangerosité est neutralisée par les nombreux enrobages imposés par la Cour supérieure. En effet, le kirpan doit être enfermé dans un étui de bois, lequel doit être recouvert d’une étoffe cousue qui doit elle-même être fixée à une bandoulière portée sous les vêtements de l’élève. Ainsi protégé, le kirpan est presque totalement dépouillé de ses aspects objectivement dangereux. L’accès au kirpan n’est pas seulement retardé, comme c’était le cas selon la première offre du père et de l’élève, mais il est maintenant bloqué par l’étoffe cousue autour du fourreau de bois. Dans ces circonstances, l’argument relatif à la sécurité ne peut plus raisonnablement tenir. 98 In making its determinations, the school board must take all fundamental values into consideration, including not only security, but also freedom of religion and the right to equality. The prohibition on the wearing of a kirpan cannot be imposed without considering conditions that would interfere less with freedom of religion. In the case at bar, the school board did not sufficiently consider either the right to freedom of religion or the accommodation measure proposed by the father and the student. It merely applied the Code de vie literally. By disregarding the right to freedom of religion, and by invoking the safety of the school community without considering the possibility of a solution that posed little or no risk, the school board made an unreasonable decision. En prenant sa décision, la Commission scolaire doit prendre en considération toutes les valeurs fondamentales, non seulement la sécurité mais aussi la liberté de religion et le droit à l’égalité. L’interdiction du port du kirpan ne saurait être imposée sans avoir envisagé des conditions qui seraient moins attentatoires à la liberté de religion. En l’occurrence, la Commission scolaire n’a examiné suffisamment ni le droit à la liberté de religion ni l’accommodement proposé par le père et l’élève. Elle s’est contentée d’appliquer aveuglément le Code de vie. En faisant abstraction du droit à la liberté de religion et en faisant valoir la sécurité dans l’école — sans étudier les solutions de rechange qui ne posaient que peu ou pas de risques —, la Commission scolaire a rendu une décision déraisonnable. 99 2. Inappropriateness of Constitutional Law Justification 2. Caractère inapproprié de la justification suivant le droit constitutionnel 2.1 The Court’s Prior Decisions 2.1 Arrêts antérieurs de la Cour The courts, and particularly this Court, have devoted a great deal of energy to determining the Les tribunaux, et plus particulièrement 100 notre Cour, ont consacré beaucoup d’énergie à 306 multani v. csmb Deschamps and Abella JJ. [2006] 1 S.C.R. jurisdiction conferred on administrative bodies and developing the standard of review. l’évaluation de la compétence attribuée aux organismes administratifs et au développement de la norme de contrôle. 101 From Douglas/Kwantlen Faculty Assn. v. Douglas College, [1990] 3 S.C.R. 570, through to Parry Sound (District) Social Services Administration Board v. O.P.S.E.U., Local 324, [2003] 2 S.C.R. 157, 2003 SCC 42, the Court has made it clear that administrative tribunals and arbitrators can decide claims or grievances based on provisions that are implicitly or explicitly incorporated into their mandates. The jurisdiction of decision makers expanded at the same time as the scrutiny of their decisions, through the standards of review, was evolving. These changes in the standards of review were meant to acknowledge the expertise and the specific nature of the work of administrative boards and should not be disregarded simply because a party argues that a constitutional justification analysis is instead appropriate. The fact that a party chooses to characterize an issue as one requiring a s. 1 analysis does not make it so. The changes in the standard of review cannot be disregarded just because the decision maker also has to deal with an argument based on human rights. Depuis Douglas/Kwantlen Faculty Assn. c. Douglas College, [1990] 3 R.C.S. 570, jusqu’à Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, [2003] 2 R.C.S. 157, 2003 CSC 42, la Cour a clairement indiqué que les tribunaux administratifs et les arbitres peuvent trancher les demandes ou griefs fondés sur des dispositions qui sont, implicitement ou explicitement, incorporées à leur champ de compétence. L’élargissement du champ de compétence des décideurs s’est fait parallèlement à l’évolution du processus d’examen de leurs décisions au moyen de la norme de contrôle. La nouvelle méthode permet de reconnaître l’expertise et la nature particulière du travail des organismes administratifs et ne devrait pas être mise de côté simplement parce qu’un plaideur soutient qu’une analyse fondée sur la justification constitutionnelle doit plutôt être faite. Le choix d’un plaideur de caractériser une question comme requérant une analyse suivant l’article premier ne signifie pas qu’un tribunal doit procéder ainsi. L’évolution de la norme de contrôle ne saurait être écartée au seul motif que le décideur est aussi saisi d’un argument fondé sur les droits de la personne. 102 Decisions by administrative bodies were originally reviewed using two standards, jurisdictional error and patent unreasonableness (Canadian Union of Public Employees, Local 963 v. New Brunswick Liquor Corp., [1979] 2 S.C.R. 227; Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie v. Canada Labour Relations Board, [1984] 2 S.C.R. 412; and G. Perrault, Le contrôle judiciaire des décisions de l’administration: De l’erreur juridictionnelle à la norme de contrôle (2002), at p. 51). The Court was still confined in that straitjacket when it decided Slaight Communications Inc. v. Davidson, [1989] 1 S.C.R. 1038. The emphasis is now on the deference owed to administrative bodies. Over the past few years, the Court has even insisted that a single analytical approach be used for all administrative decision makers: Dr. Q v. College of Physicians and À l’origine, les décisions des organismes administratifs étaient contrôlées au moyen de deux normes : l’erreur juridictionnelle et la décision manifestement déraisonnable (Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227; Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Conseil canadien des relations du travail, [1984] 2 R.C.S. 412, et G. Perrault, Le contrôle judiciaire des décisions de l’administration : De l’erreur juridictionnelle à la norme de contrôle (2002), p. 51). C’est d’ailleurs dans ce carcan que la Cour était enfermée à l’époque de l’arrêt Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038. L’accent porte maintenant sur la déférence qu’il convient d’accorder aux décisions des organismes administratifs. Au cours des dernières années, la Cour a même [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Les juges Deschamps et Abella 307 Surgeons of British Columbia, [2003] 1 S.C.R. 226, 2003 SCC 19. Once again, this change would have little impact if administrative decisions had in addition to be assessed under s. 1 of the Canadian Charter. We doubt that this is what the Court had in mind in Slaight, Ross v. New Brunswick School District No. 15, [1996] 1 S.C.R. 825, and, later, Dr. Q. insisté pour qu’une seule grille d’analyse s’applique à tous les décideurs administratifs : Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, 2003 CSC 19. Une fois de plus, une telle évolution aurait une portée bien limitée si les décisions administratives devaient, en plus, être mesurées au regard de l’article premier de la Charte canadienne. Nous doutons que ce soit là ce que la Cour avait à l’esprit dans Slaight, Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825, et, plus tard, dans Dr Q. Charron J. considers that the analysis must be based on the rules of constitutional justification because of comments made by Lamer J. in Slaight and by La Forest J. in Ross, at para. 32. In Slaight, Lamer J. expressed the view that an order can be analysed using the same rules as are used to analyse a law in the context of a constitutional challenge, and can thus be justified under s. 1 of the Canadian Charter. We do not think that the analytical approach proposed by Lamer J. is the most appropriate one, nor do we believe that this question has been settled. In our opinion, the administrative law approach must be retained for reviewing decisions and orders made by administrative bodies. A constitutional justification analysis must, on the other hand, be carried out when reviewing the validity or enforceability of a norm such as a law, regulation, or other similar rule of general application. We also note the words of Dickson C.J. who, writing for the majority in Slaight, refused to accept the approach proposed by Lamer J. as the definitive one, stating (at p. 1049): La juge Charron considère que l’analyse doit se 103 faire suivant les règles de la justification constitutionnelle, en raison des propos du juge Lamer dans l’arrêt Slaight et de ceux du juge La Forest dans Ross, par. 32. Dans Slaight, le juge Lamer se dit d’avis qu’une ordonnance peut être analysée suivant les mêmes règles qu’une règle de droit dans le contexte d’une contestation constitutionnelle et ainsi être justifiée selon l’article premier de la Charte canadienne. Pour notre part, nous ne croyons pas que la grille d’analyse proposée par le juge Lamer soit la plus appropriée et nous estimons que la question n’est pas réglée. À notre avis, la grille du droit administratif doit être préservée pour la révision des décisions et ordonnances des organismes administratifs. L’analyse de la justification constitutionnelle s’impose par ailleurs lorsqu’il s’agit de contrôler la validité ou l’opposabilité d’une norme comme une loi, un règlement ou une autre règle d’application générale de cette nature. Nous retenons l’opinion du juge en chef Dickson qui, écrivant pour la majorité dans Slaight, a refusé d’accepter comme définitive l’approche proposée par le juge Lamer et a écrit (p. 1049) : The precise relationship between the traditional standard of administrative law review of patent unreasonableness and the new constitutional standard of review will be worked out in future cases. Le rapport précis entre la norme traditionnelle de contrôle, en droit administratif, du caractère déraisonnable manifeste et la nouvelle norme constitutionnelle de contrôle va se dégager de la jurisprudence à venir. We take this comment to mean that Dickson C.J. did not consider that case to be an appropriate occasion to distinguish cases in which a constitutional analysis is necessary from those in which an analysis based on the principles of administrative law should be preferred. However, in Nous comprenons de cette observation que le 104 juge en chef Dickson ne trouvait pas que l’occasion était bien choisie pour distinguer les cas où l’analyse doit être effectuée selon la grille constitutionnelle de ceux où l’analyse fondée sur les règles du droit administratif doit être préférée. Cependant, 308 multani v. csmb Deschamps and Abella JJ. [2006] 1 S.C.R. anticipation of the confusion we are now facing, he stressed that the chosen approach should not impose a more onerous burden on the government (at p. 1049): ayant prévu la confusion à laquelle nous assistons présentement, il souligne que la voie choisie ne devrait pas avoir pour effet d’imposer un fardeau plus lourd au gouvernement (p. 1049) : A few comments nonetheless may be in order. A minimal proposition would seem to be that administrative law unreasonableness, as a preliminary standard of review, should not impose a more onerous standard upon government than would Charter review. Néanmoins, il y a lieu de faire quelques commentaires. Une proposition minimale semblerait être que la norme préliminaire de contrôle que représente le caractère déraisonnable en droit administratif ne devrait pas imposer au gouvernement une norme plus exigeante que ne le ferait l’examen fondé sur la Charte. 105 In Ross, La Forest J. briefly addressed the question, and in his view this comment meant that Dickson C.J. favoured a constitutional analysis whenever constitutional values are in issue, even where a decision of an administrative body is being reviewed. However, such an approach is not imperative, as is clearly illustrated by T.W.U. and Chamberlain, both of which were decided after Ross. Dans Ross, le juge La Forest a examiné brièvement la question et considéré que, par ces commentaires, le juge en chef Dickson favorisait l’analyse constitutionnelle lorsque des valeurs constitutionnelles étaient en jeu, et ce, même s’il s’agissait d’une décision d’un organisme administratif. Le recours à une telle approche n’est cependant pas obligatoire, comme l’illustrent clairement les arrêts U.T.W. et Chamberlain, tous deux postérieurs à Ross. 106 Moreover, in Eldridge v. British Columbia (Attorney General), [1997] 3 S.C.R. 624, at para. 84, La Forest J. expressly declined to decide whether the Medical Services Commission’s decision not to fund medical interpreter services was a law within the meaning of s. 1: he assumed this to be the case but did not rule on the issue. Such reserve would have been unnecessary had the required approach been clear. D’ailleurs, dans Eldridge c. ColombieBritannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, par. 84, le juge La Forest refuse expressément de trancher la question de savoir si la décision de la commission des services médicaux de ne pas financer les services d’interprètes médicaux constitue une règle de droit au sens de l’article premier : l’affaire est tranchée en tenant ce point pour acquis, sans toutefois en décider. Une telle réserve n’aurait pas été nécessaire si la règle avait été claire. 107 While administrative bodies do have the power and the duty to take the values protected by the Canadian Charter into account, it does not follow that their decisions must be subjected to the justification process under s. 1 of the Canadian Charter. Certes, les organismes administratifs ont le pouvoir et le devoir de tenir compte des valeurs protégées par la Charte canadienne, mais il ne s’ensuit pas que leurs décisions doivent être soumises au processus de justification de l’article premier de la Charte canadienne. 108 More than 15 years have passed since Dickson C.J. stated that the relationship between the administrative law standard of review and the constitutional law standard would be worked out in future cases. The contrast between the approach taken by the Court in T.W.U. and Chamberlain and the one adopted by the majority in the instant case, as well as the ambiguity of the parties’ arguments in the case at bar, are clear signs of the uncertainty Plus de 15 années se sont écoulées depuis que le juge en chef Dickson a dit que le rapport entre la norme de contrôle du droit administratif et celle du droit constitutionnel se dégagerait de la jurisprudence. Le contraste entre l’approche suivie par la Cour dans les arrêts U.T.W. et Chamberlain et celle adoptée par la majorité en l’espèce, de même que l’ambiguïté des plaidoiries des parties dans le présent dossier représentent des indications sûres [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Les juges Deschamps et Abella 309 resulting from the unified analytical approach proposed by Lamer J. We therefore consider it necessary to review Lamer J.’s approach to determine whether it is useful and appropriate. de l’incertitude engendrée par la méthode d’analyse unifiée qu’a suggérée le juge Lamer. Nous estimons donc qu’il y a lieu de faire le point sur cette méthode d’analyse et d’en vérifier l’utilité et l’opportunité. The idea that norms of general application should be dealt with in the same way as decisions or orders of administrative bodies, as suggested by Lamer J. in Slaight, may be attractive from a theoretical standpoint. However, apart from the aesthetic appeal of this unified approach, we are not convinced that there is any advantage to adopting it. The question is not whether an administrative body can disregard constitutional values. The answer to that question is clear: it cannot do so absent an express indication that the legislature intended to allow it to do so. The question is rather how to assess an administrative body’s alleged breach — in a decision — of its constitutional obligations: by means of the analytical approach under s. 1 of the Canadian Charter or under an administrative law standard of review? As the instant case shows, and as we stated previously, it is difficult to imagine a decision that would be considered reasonable or correct even though it conflicted with constitutional values. Given the demanding nature of the standard of judicial review to be met where an administrative body fails to consider constitutional values, the result can be no different, as Dickson C.J. noted in Slaight, at p. 1049; see also Ross, at para. 32. Le fait de traiter les normes d’application géné- 109 rale de la même façon que les décisions ou ordonnances des organismes administratifs, comme le suggère le juge Lamer dans Slaight, revêt probablement un attrait sur le plan théorique. Mais outre l’esthétisme de cette approche unifiée, nous ne sommes pas persuadées que l’adoption de celle-ci présente quelque avantage. La question n’est pas de savoir si un organisme administratif peut faire abstraction des valeurs constitutionnelles. La réponse à cette question est claire. L’organisme ne le peut pas, à moins d’une indication expresse de l’intention du législateur à l’effet contraire. La question consiste plutôt à déterminer comment doit être évaluée — dans une décision — une prétendue violation par un organisme administratif de ses obligations constitutionnelles. Est-ce au moyen de la grille d’analyse de l’article premier de la Charte canadienne ou selon la norme de contrôle du droit administratif? Comme le démontre la présente affaire, et comme nous l’avons mentionné plus tôt, il est difficile de concevoir une décision qui contreviendrait aux valeurs constitutionnelles mais serait néanmoins jugée raisonnable ou correcte. En effet, compte tenu de la rigueur de la norme du contrôle judiciaire dans les cas où l’organisme administratif a omis de prendre en considération les valeurs constitutionnelles, le résultat ne saurait être différent, comme le dit le juge en chef Dickson dans Slaight, p. 1049; voir aussi Ross, par. 32. In short, not only do we think that this Court’s past decisions do not rule out the applicability of an administrative law approach where an infringement of the Canadian Charter is argued, we also disagree with an approach that involves starting with a constitutional review in such a case. En somme, non seulement croyons-nous que la 110 jurisprudence antérieure de la Cour n’exclut pas l’application d’une approche fondée sur le droit administratif lorsqu’une atteinte à la Charte canadienne est plaidée, mais nous sommes également en désaccord avec la démarche qui consiste à commencer par un examen constitutionnel dans un tel cas. In addition to the fact that we believe the question was not settled definitively by Slaight and Ross, there are several incongruities that prompt us to Outre le fait que, à notre avis, la question n’a 111 pas été réglée de façon définitive par Slaight et Ross, plusieurs incongruités nous incitent à 310 multani v. csmb Deschamps and Abella JJ. [2006] 1 S.C.R. reflect upon the approach proposed in those cases. First, there is the bifurcated obligation imposed on an administrative body to justify certain aspects of its decision pursuant to an administrative law analysis while other aspects are subject to s. 1 of the Canadian Charter. There are also problems related to the attribution of the burden of proof and to the nature of the evidence that an administrative body with quasi-judicial functions would have to adduce to justify its decision under s. 1 in light of the fact that it is supposed to be independent of the government. However, these practical problems obscure more important legal problems, which we will now discuss. The first is the equating of a decision with a law within the meaning of s. 1 of the Canadian Charter, and the second is the undermining of the integrity of the tools of administrative law and the resulting further confusion in the principles of judicial review. réfléchir sur la démarche suggérée dans ces arrêts. Il y a d’abord le dédoublement imposé à l’organisme administratif qui doit justifier certains aspects de sa décision selon l’analyse du droit administratif, alors que d’autres aspects sont assujettis à l’article premier de la Charte canadienne. Il y a aussi les difficultés liées à l’attribution du fardeau de preuve et à la nature de la preuve que devrait présenter un organisme administratif exerçant des fonctions quasi-judiciaires pour justifier sa décision conformément à l’article premier, alors qu’il est censé être indépendant du gouvernement. Ces difficultés pratiques occultent cependant des problèmes juridiques plus importants dont nous discuterons maintenant. Le premier est l’assimilation d’une décision à une règle de droit au sens de l’article premier de la Charte canadienne et le deuxième est la dévalorisation des outils du droit administratif et la confusion qui s’ensuit dans les règles de révision judiciaire. 2.2 2.2 Meaning of the Expression “Law” in Section 1 of the Canadian Charter Portée de l’expression « règle de droit » à l’article premier de la Charte canadienne 112 An administrative body determines an individual’s rights in relation to a particular issue. A decision or order made by such a body is not a law or regulation, but is instead the result of a process provided for by statute and by the principles of administrative law in a given case. A law or regulation, on the other hand, is enacted or made by the legislature or by a body to which powers are delegated. The norm so established is not limited to a specific case. It is general in scope. Establishing a norm and resolving a dispute are not usually considered equivalent processes. At first glance, therefore, equating a decision or order with a law, as Lamer J. does in Slaight, seems anomalous. Un organisme administratif décide des droits d’un administré sur une question donnée. La décision ou l’ordonnance qu’il rend ne constitue pas une loi ou un règlement, mais est plutôt le résultat d’un processus prévu par la loi et par le droit administratif dans une affaire donnée. Par contre, une loi ou un règlement est le fait du législateur ou de l’organisme à qui des pouvoirs sont délégués. La norme ainsi établie ne se limite pas à une affaire donnée. Elle a une portée générale. Établir une norme et trancher un différend ne sont pas habituellement considérés comme deux processus équivalents. Le fait d’assimiler une décision ou ordonnance à une règle de droit, comme le fait le juge Lamer dans Slaight, est donc à première vue antinomique. 113 A law (loi), in the broad sense, is [TRANSLATION] “any legal or moral norm or set of norms” (H. Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien (2nd ed. 2001), at p. 344). A rule (règle) is a [TRANSLATION] “[p]rinciple of a general and impersonal nature that determines a line of conduct” (Reid, at p. 475). Thus, the expression “law” (règle de droit) used in Au sens large, une loi englobe « toute norme ou ensemble de normes juridiques ou morales » (H. Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien (2e éd. 2001), p. 344). Une règle est un « [p]rincipe à caractère général et impersonnel qui détermine la ligne de conduite » (Reid, p. 475). L’expression « règle de droit » dont il est question à l’article [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Les juges Deschamps et Abella 311 s. 1 of the Canadian Charter naturally refers to a norm or rule of general application: premier de la Charte canadienne s’entend donc naturellement d’une norme ou règle d’application générale : 1. The Canadian Charter of Rights and Freedoms guarantees the rights and freedoms set out in it subject only to such reasonable limits prescribed by law as can be demonstrably justified in a free and democratic society. 1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. The general nature of the expression “law” seems to emerge from the earliest judicial definitions of the expression. In R. v. Therens, [1985] 1 S.C.R. 613, at p. 645, Le Dain J. wrote the following: Le caractère général de la « règle de droit » 114 semble d’ailleurs ressortir des premières définitions jurisprudentielles de l’expression. Dans R. c. Therens, [1985] 1 R.C.S. 613, p. 645, le juge Le Dain écrit ceci : The limit will be prescribed by law within the meaning of s. 1 if it is expressly provided for by statute or regulation, or results by necessary implication from the terms of a statute or regulation or from its operating requirements. [Emphasis added.] Une restriction est prescrite par une règle de droit au sens de l’art. 1 si elle est prévue expressément par une loi ou un règlement, ou si elle découle nécessairement des termes d’une loi ou d’un règlement, ou de ses conditions d’application. [Nous soulignons.] This definition is also consistent with the meaning conveyed by the equivalent expression (règle de droit) used in the French version of s. 1 of the Canadian Charter, and by the same expression as used in both versions of s. 52(1) of the Constitution Act, 1982: Cette définition cadre aussi avec le sens qui 115 se dégage de la version anglaise de l’expression (« law ») à l’article premier de la Charte canadienne, ainsi que des deux versions du par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 où la même expression est utilisée : 52. (1) The Constitution of Canada is the supreme law of Canada, and any law that is inconsistent with the provisions of the Constitution is, to the extent of the inconsistency, of no force or effect. 52. (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérante les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit. 52. (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit. 52. (1) The Constitution of Canada is the supreme law of Canada, and any law that is inconsistent with the provisions of the Constitution is, to the extent of the inconsistency, of no force or effect. Professors Brun and Tremblay define “law” as follows (H. Brun and G. Tremblay, Droit constitutionnel (4th ed. 2002), at p. 944): Les professeurs Brun et Tremblay définissent ainsi l’expression « règle de droit » (H. Brun et G. Tremblay, Droit constitutionnel (4e éd. 2002), p. 944) : [TRANSLATION] A law, within the meaning of s. 1, is an “intelligible legal standard”. The notion of a legal standard relates to the unilaterally coercive and legally enforceable character of the act in question. Une règle de droit, au sens de l’article 1, est une « norme juridique intelligible ». L’idée de norme juridique réfère au caractère unilatéralement contraignant et judiciairement exécutoire de l’acte dont il s’agit. These authors express surprise at the unified approach suggested in Slaight (at p. 945): Ces auteurs se disent d’ailleurs surpris par l’approche unifiée suggérée dans Slaight (p. 945) : [TRANSLATION] It would appear that an order of a court or tribunal is also a law within the meaning of Il semble bien qu’une ordonnance d’un tribunal soit également une règle de droit au sens de l’article 1. La 312 multani v. csmb Deschamps and Abella JJ. [2006] 1 S.C.R. s. 1. The Supreme Court has applied the reasonableness test under s. 1 to such orders on several occasions. This means that limits on rights can arise out of individualized legal standards, which is surprising. Such orders are of course law, but to have s. 1 apply to them without reservation means that litigants may often be unable to determine the status of their fundamental rights in advance, as in the case of limits resulting from general norms, such as statutes and regulations. We would have thought that limits on rights could not result from individualized orders unless the legislation conferring authority for those orders envisaged such a possibility. [Citations omitted.] Cour suprême a en effet appliqué à de telles ordonnances le critère de raisonnabilité de l’article 1, à quelques reprises. C’est donc dire que des limitations des droits peuvent émaner de normes juridiques individualisées, ce qui surprend. Ces ordonnances sont certes des règles de droit, mais les inclure sans réserve dans l’article 1 signifie que le justiciable peut souvent ne pas se trouver en mesure de connaître d’avance l’état de ses droits fondamentaux comme lorsqu’il s’agit de limitations découlant de normes générales telles des lois ou des règlements. Nous aurions cru que des limitations aux droits n’auraient pu résulter d’ordonnances individuelles qu’à la condition que le fondement législatif de celles-ci en eût laissé voir la possibilité. [Références omises.] 116 Professor D. Pinard also criticizes the inconsistency of the approach proposed in Slaight, noting that equating a decision with a law does violence to the traditional and usual meaning of this concept: D. Pinard, “Les seules règles de droit qui peuvent poser des limites aux droits et libertés constitutionnellement protégés et l’arrêt Slaight Communications” (1992), 1 N.J.C.L. 79, at p. 119 (see also P. Garant, Droit administratif (3rd ed. 1992), vol. 3, Les chartes, at p. XXXV). La professeure D. Pinard critique elle aussi l’incohérence de l’approche préconisée dans Slaight, soulignant que le fait d’assimiler une décision à une règle de droit fait violence au sens traditionnel et ordinaire de cette notion : D. Pinard, « Les seules règles de droit qui peuvent poser des limites aux droits et libertés constitutionnellement protégés et l’arrêt Slaight Communications » (1992), 1 N.J.C.L. 79, p. 119 (voir aussi P. Garant, Droit administratif (3e éd. 1992), vol. 3, Les chartes, p. XXXV). 117 E. Mendes, “The Crucible of the Charter: Judicial Principles v. Judicial Deference in the Context of Section 1”, in G.‑A. Beaudoin and E. Mendes, eds., Canadian Charter of Rights and Freedoms (4th ed. 2005), 165, attempts to reconcile the various approaches the Court has taken in dealing with the expression “law” (at pp. 172-73): De son côté, l’auteur E. Mendes, « The Crucible of the Charter : Judicial Principles v. Judicial Deference in the Context of Section 1 », dans G.-A. Beaudoin et E. Mendes, dir., Charte canadienne des droits et libertés (4e éd. 2005), 165, tente de concilier les différentes approches suivies par la Cour en regard de la portée de l’expression « règle de droit » (p. 172-173) : An analysis that could reconcile the various cases in this area is one which argues that the courts have distinguished between arbitrary action that is exercised without legal authority and discretion that is constrained by intelligible legal standards and they have held that the latter will meet the “prescribed by law” requirement. However, in Irwin Toy, the Supreme Court held that it would not find that a law provided an intelligible standard if it was vague. The “void for vagueness” doctrine comes from the rule of law principle that a law must provide sufficient guidance for others to determine its meaning. . . . [TRADUCTION] Pour concilier les diverses décisions sur ce point, il faudrait pouvoir affirmer que les tribunaux ont fait une distinction entre une mesure arbitraire prise sans fondement légal et une mesure discrétionnaire limitée par des normes juridiques intelligibles, et qu’ils ont conclu que la mesure discrétionnaire est prescrite par « une règle de droit ». Cependant, dans l’arrêt Irwin Toy, la Cour suprême a jugé qu’elle ne saurait considérer qu’une règle de droit constitue une norme intelligible si cette règle est imprécise. La doctrine de la « nullité pour cause d’imprécision » découle du principe — fondé sur la primauté du droit — selon lequel une règle de droit doit fournir aux intéressés des indications suffisantes pour qu’ils puissent déterminer le sens de celle-ci. . . [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Les juges Deschamps et Abella 313 Put another way, the phrase “prescribed by law” requires that “the legislature [provide] an intelligible standard according to which the judiciary must do its work.” En d’autres mots, l’expression « restreints [. . .] par une règle de droit » exige que « le législateur [formule] une norme intelligible sur laquelle le pouvoir judiciaire doit se fonder pour exécuter ses fonctions ». To include administrative decisions in the concept of “law” therefore implies that it is necessary in every case to begin by assessing the validity of the statutory or regulatory provision on which the decision is based. This indicates that the expression “law” is used first and foremost in its normative sense. Professor Mendes does not seem totally convinced that it is helpful to apply s. 1 of the Canadian Charter to assess a decision (at p. 173): L’inclusion des décisions des organismes admi- 118 nistratifs dans la notion de « règle de droit » implique donc qu’il faut dans tous les cas évaluer d’abord la validité de la disposition législative ou réglementaire à la base de la décision. Cela indique que l’expression « règle de droit » est d’abord et avant tout utilisée dans son sens normatif. Le professeur Mendes ne semble d’ailleurs pas tout à fait convaincu qu’il est avantageux de recourir à l’article premier de la Charte canadienne pour évaluer une décision (p. 173) : One could argue that this is a form of double deference: first, to the legislature to allow them to enact provisions which, although vague, are not beyond the ability of the judiciary to interpret. Second, there is a form of self-deference that the judiciary can turn such legislated vagueness into sufficient precision and certainty to satisfy the requirements of section 1. Depending how consistent the courts are in interpreting the vastly opentextured terms of section 1, this form of self-deference may or may not be justified. [TRADUCTION] On pourrait affirmer qu’il s’agit d’une forme de déférence double : la déférence envers le législateur d’abord, pour lui permettre d’adopter des dispositions que les tribunaux sont capables d’interpréter même si elles sont vagues. Ensuite, une forme de déférence envers les tribunaux eux-mêmes, qui peuvent donner à ces dispositions vagues une précision et une sécurité suffisantes pour satisfaire aux exigences de l’article premier. La mesure dans laquelle les tribunaux font preuve d’uniformité dans l’interprétation des termes d’acception fort large de l’article premier déterminera si cette forme de déférence des tribunaux envers eux-mêmes peut être justifiée ou non. The fact that justification is based on the collective interest also suggests that the expression “law” should be limited to rules of general application. In R. v. Oakes, [1986] 1 S.C.R. 103, Dickson C.J. wrote the following (at p. 136): Le fait que la justification soit fondée sur l’inté- 119 rêt collectif incite de surcroît à limiter les « règles de droit » à celles qui sont d’application générale. Dans R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, le juge en chef Dickson écrit ceci (p. 136) : The rights and freedoms guaranteed by the Charter are not, however, absolute. It may become necessary to limit rights and freedoms in circumstances where their exercise would be inimical to the realization of collective goals of fundamental importance. [Emphasis added.] Toutefois, les droits et libertés garantis par la Charte ne sont pas absolus. Il peut être nécessaire de les restreindre lorsque leur exercice empêcherait d’atteindre des objectifs sociaux fondamentalement importants. [Nous soulignons.] To suggest that the decisions of administrative bodies must be justifiable under the Oakes test implies that the decision makers in question must incorporate this analysis into their decision-making process. This requirement makes the decision-making process formalistic and distracts the reviewing court from the objective of the Suggérer que les décisions des organismes admi- 120 nistratifs doivent être justifiables conformément au test établi dans l’arrêt Oakes implique que ces décideurs doivent intégrer cette analyse dans leur processus décisionnel. Cette obligation formalise le processus de prise de décision et distrait le tribunal de révision de l’objectif de l’analyse, laquelle porte 314 multani v. csmb Deschamps and Abella JJ. [2006] 1 S.C.R. analysis, which relates instead to the substance of the decision and consists of determining whether it is correct (T.W.U.) or reasonable (Chamberlain). plutôt sur la substance de la décision et consiste à déterminer si celle-ci est correcte (U.T.W.) ou raisonnable (Chamberlain). 121 An administrative decision maker should not have to justify its decision under the Oakes test, which is based on an analysis of societal interests and is better suited, conceptually and literally, to the concept of “prescribed by law”. That test is based on the duty of the executive and legislative branches of government to account to the courts for any rules they establish that infringe protected rights. The Oakes test was developed to assess legislative policies. The duty to account imposed — conceptually and in practice — on the legislative and executive branches is not easily applied to administrative tribunals. Le décideur administratif ne devrait pas avoir à justifier sa décision suivant le test de l’arrêt Oakes, lequel repose plutôt sur une analyse des intérêts sociaux et convient davantage, conceptuellement et littéralement, à la notion de « règle de droit ». Ce test est fondé sur l’obligation du pouvoir exécutif ou législatif de rendre compte devant les tribunaux des règles qu’il impose et qui portent atteinte aux droits protégés. Le test de l’arrêt Oakes a été conçu pour évaluer les politiques législatives. Tant d’un point de vue conceptuel que pratique, l’obligation de rendre compte qui est faite au pouvoir législatif ou exécutif ne peut être transférée sans heurts au tribunal administratif. 122 In commenting on the application of the Canadian Charter to the common law, McIntyre J., writing for the majority in RWDSU v. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 S.C.R. 573, at p. 600, wrote the following: Commentant l’application de la Charte canadienne à la common law, le juge McIntyre, qui s’exprimait alors pour la majorité dans SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573, p. 600, a écrit ceci : The courts are, of course, bound by the Charter as they are bound by all law. It is their duty to apply the law, but in doing so they act as neutral arbiters, not as contending parties involved in a dispute. Les tribunaux sont évidemment liés par la Charte comme ils le sont par toute autre règle de droit. Il leur incombe d’appliquer les règles de droit, mais, ce faisant, ils sont des arbitres neutres et non des parties opposées dans un litige. 123 The same reasoning applies in the context of administrative law. Like the courts, administrative tribunals are bound by the Canadian Charter, their enabling legislation and the statutes they are specifically responsible for applying. Like the courts, they cannot be treated as parties with an interest in a dispute. A tribunal’s decision should not be subject to a justification process as if it were a party to a dispute. Ce raisonnement s’applique également dans le contexte du droit administratif. À l’instar des tribunaux judiciaires, les tribunaux administratifs sont liés par la Charte canadienne, par leur loi habilitante et par les lois qu’ils ont pour mandat spécifique d’appliquer. Tout comme les tribunaux judiciaires, ils ne peuvent être traités comme des parties intéressées au litige. Dans leurs décisions, les tribunaux administratifs ne devraient pas être soumis à un processus de justification comme s’ils étaient une partie au litige. 124 Although our colleague LeBel J. does not agree with the norm-decision dichotomy (at para. 151), his reformulation of the s. 1 test as stated in Oakes reveals the inherent shortcomings of that test when it is applied to administrative decisions (para. 155). Quoique notre collègue le juge LeBel ne soit pas d’accord avec la dichotomie norme/décision (par. 151), sa reformulation du test de l’article premier tel qu’énoncé dans Oakes est révélatrice des lacunes inhérentes dont souffre ce test lorsqu’on l’applique à des décisions administratives (par. 155). [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Les juges Deschamps et Abella 315 We accordingly believe that the expression “law” should not include the decisions of administrative bodies. Such decisions should be reviewed in accordance with the principles of administrative law, which will both allow claimants and administrative bodies to know in advance which rules govern disputes and help prevent any blurring of roles. Nous estimons donc que l’expression « règle de 125 droit » ne devrait pas viser les décisions des organismes administratifs. Ces décisions devraient être révisées suivant les règles du droit administratif, solution qui à la fois permet aux demandeurs et aux organismes administratifs de connaître d’avance les règles qui régissent les conflits et aide à éviter la confusion des rôles. 2.3 Analytical Consistency 2.3 The mechanisms of administrative law are flexible enough to make it unnecessary to resort to the justification process under s. 1 of the Canadian Charter when a complainant is not attempting to strike down a rule or law of general application. The use of two different processes can even be a source of confusion for the parties. La flexibilité des mécanismes de droit adminis- 126 tratif est telle qu’il n’est pas nécessaire de recourir au processus de justification prévu par l’article premier de la Charte canadienne lorsque le demandeur ne cherche pas à faire annuler une règle d’application générale. Le recours à deux processus différents peut même s’avérer source de confusion pour les parties. To illustrate this risk of confusion, it is enough to mention that the parties in the case at bar have raised all possible arguments, that is, both those relating to constitutional justification and those based on administrative law. Given the state of the case law, no one can blame them for doing so. In Quebec, an application for judicial review of an administrative body’s decision must be made to the Superior Court, as can an application based on the Canadian Charter or the Quebec Charter. However, this is not the case in all provinces. If, as in Ross, the decision were bifurcated with the administrative law review on the discrimination issue being conducted separately from the analysis of the validity of the order, litigants — and reviewing courts — would very likely lose their way. It is therefore in this Court’s interest to suggest consistent approaches. Pour illustrer ce risque de confusion, il suffit de 127 rappeler que les parties ont plaidé tous les arguments possibles, c’est-à-dire tant ceux relevant de la justification constitutionnelle que ceux fondés sur le droit administratif. Compte tenu de l’état de la jurisprudence, on ne saurait leur en faire reproche. Au Québec, les demandes de contrôle judiciaire des décisions des organismes administratifs sont présentées à la Cour supérieure, tout comme les demandes fondées sur la Charte canadienne ou sur la Charte québécoise. Tel n’est cependant pas le cas dans toutes les provinces. Si, comme dans Ross, la décision était scindée en deux, d’une part la révision administrative sur la question de la discrimination et, d’autre part, la validité de l’ordonnance, le plaideur et le tribunal de révision risqueraient fort de ne plus s’y retrouver. Notre Cour a donc intérêt à suggérer des pistes cohérentes. Our comments do not mean that we believe the Court must always exclude the s. 1 approach. That approach remains the only one available to demonstrate that an infringement of a right resulting from a law, in the normative sense of that expression, is consistent with the values of a free and democratic society. However, where the issue concerns Nos propos ne signifient pas que nous croyons 128 que la Cour doive toujours s’écarter de la grille d’analyse de l’article premier. Cette démarche demeure la seule qui permette de justifier qu’une atteinte à un droit découlant d’une règle de droit, au sens normatif de cette expression, est conforme aux valeurs d’une société libre et démocratique. Cohérence de l’analyse 316 multani v. csmb Deschamps and Abella JJ. [2006] 1 S.C.R. the validity or merits of an administrative body’s decision, resorting to this justification process is unnecessary because of the specific tools that have been developed in administrative law. The standard of review is one of those tools. If an administrative body makes a decision or order that is said to conflict with fundamental values, the mechanisms of administrative law are readily available to meet the needs of individuals whose rights have been violated. Such individuals can have the decision quashed by obtaining a declaration that it is unreasonable or incorrect. Cependant, lorsqu’il est question de la validité ou du bien-fondé d’une décision d’un organisme administratif, le recours à ce processus de justification n’est pas nécessaire en raison de l’existence des outils spécifiques développés en droit administratif. La norme de contrôle est un de ces outils. Si un organisme administratif rend une décision ou une ordonnance qui irait à l’encontre des valeurs fondamentales, les mécanismes du droit administratif sont suffisants pour répondre aux besoins des personnes dont les droits sont violés. Elles peuvent faire annuler la décision en la faisant déclarer déraisonnable ou incorrecte. 2.3.1 Reasonable Accommodation 2.3.1 Accommodement raisonnable 129 The apparent overlap between the concepts of minimal impairment and reasonable accommodation is another striking example of the need to preserve the distinctiveness of the administrative law approach. Charron J. is of the opinion that there is a correspondence between the concepts of accommodation and minimal impairment (para. 53). We agree that these concepts have a number of similarities, but in our view they belong to two different analytical categories. Le chevauchement apparent des concepts d’atteinte minimale et d’accommodement raisonnable est un autre exemple frappant du besoin de conserver le caractère distinct de l’approche fondée sur le droit administratif. La juge Charron est d’avis qu’il existe un rapprochement entre la notion d’accommodement et celle d’atteinte minimale (par. 53). Nous croyons nous aussi que ces notions comportent plusieurs similitudes, mais nous estimons qu’elles appartiennent à deux catégories d’analyse distinctes. 130 The case law on reasonable accommodation developed mainly in the context of the application of human rights legislation to private disputes: Ontario Human Rights Commission v. SimpsonsSears Ltd., [1985] 2 S.C.R. 536, and Bhinder v. Canadian National Railway Co., [1985] 2 S.C.R. 561. In British Columbia (Public Service Employee Relations Commission) v. BCGSEU, [1999] 3 S.C.R. 3 (“Meiorin”), and British Columbia (Superintendent of Motor Vehicles) v. British Columbia (Council of Human Rights), [1999] 3 S.C.R. 868 (“Grismer”), the Court developed a mechanism that permits a balance to be struck between the requirements of the enforcement of a right or freedom and the constraints imposed by a given environment. This duty, which is more than a mere bona fide occupational requirement, was extended in Meiorin to all cases of direct or indirect discrimination, and in Grismer (at La jurisprudence sur l’accommodement raisonnable s’est surtout développée dans le contexte de la mise en œuvre des lois sur les droits de la personne, à l’occasion de litiges privés : Commission ontarienne des droits de la personne c. SimpsonsSears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, et Bhinder c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1985] 2 R.C.S. 561. Dans les arrêts Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (« Meiorin »), et Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. ColombieBritannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 (« Grismer »), la Cour a élaboré un mécanisme permettant d’assurer l’équilibre entre les exigences de la mise en œuvre d’un droit ou d’une liberté et les contraintes imposées par un environnement donné. Cette obligation, qui va au-delà de la simple exigence professionnelle [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Les juges Deschamps et Abella 317 para. 19), to all persons governed by human rights legislation. justifiée, a été étendue par l’arrêt Meiorin à tous les cas de discrimination, directe ou indirecte, et par l’arrêt Grismer (par. 19), à toutes les personnes régies par les lois sur les droits de la personne. The process required by the duty of reasonable accommodation takes into account the specific details of the circumstances of the parties and allows for dialogue between them. This dialogue enables them to reconcile their positions and find common ground tailored to their own needs. Le processus imposé par l’obligation d’accom- 131 modement raisonnable tient compte des circonstances précises dans lesquelles les intéressés doivent évoluer et laisse place à la discussion entre ces derniers. Cette concertation leur permet de se rapprocher et de trouver un terrain d’entente adapté à leurs propres besoins. The approach is different, however, in the case of minimal impairment when it is considered in the context of the broad impact of the result of the constitutional justification analysis. The justification of the infringement is based on societal interests, not on the needs of the individual parties. An administrative law analysis is microcosmic, whereas a constitutional law analysis is generally macrocosmic. The values involved may be different. We believe that there is an advantage to keeping these approaches separate. La démarche est toutefois différente lorsque la 132 question de l’atteinte minimale est étudiée dans le contexte de l’impact considérable du résultat de la justification constitutionnelle. La justification de l’atteinte repose sur l’intérêt général de la société et non sur les besoins individuels des parties. L’analyse propre au droit administratif est microcosmique alors que celle du droit constitutionnel est généralement macrocosmique. Les valeurs en jeu peuvent différer. Nous estimons qu’il y a avantage à ne pas confondre les deux démarches. Furthermore, although the minimal impairment test under s. 1 of the Canadian Charter is similar to the undue hardship test in human rights law, the perspectives in the two cases are different, as is the evidence that can support the analysis. Assessing the scope of a law sometimes requires that social facts or the potential consequences of applying the law be taken into account, whereas determining whether there is undue hardship requires evidence of hardship in a particular case. De plus, bien que le critère de l’atteinte minimale 133 de l’article premier de la Charte canadienne s’apparente à celui de la contrainte excessive des lois sur les droits de la personne, la perspective dans chacun des cas est différente, comme le sont les éléments de preuve susceptibles de soutenir l’une ou l’autre des analyses. Au surplus, l’évaluation de la portée d’une règle de droit requiert parfois la prise en compte de faits sociaux ou des conséquences potentielles de l’application de la règle, alors que la détermination de l’existence de la contrainte excessive requiert la preuve de contraintes réelles dans un cas donné. These separate streams — public versus individual — should be kept distinct. A lack of coherence in the analysis can only be detrimental to the exercise of human rights. Reasonable accommodation and undue hardship belong to the sphere of administrative law and human rights legislation, whereas the assessment of minimal impairment is Les deux niveaux d’évaluation, public et indivi- 134 duel, devraient demeurer distincts. L’incohérence de la démarche ne peut qu’agir au détriment de l’exercice des droits de la personne. L’accommodement raisonnable et la contrainte excessive appartiennent au domaine du droit administratif et des lois sur les droits de la personne, alors que l’évaluation de 318 multani v. csmb Deschamps and Abella JJ. [2006] 1 S.C.R. part of a constitutional analysis with wider societal implications. l’atteinte minimale fait partie de l’analyse constitutionnelle et comporte des conséquences sociales plus importantes. 135 The scope of the Canadian Charter is broad. Section 52 of the Constitution Act, 1982 guarantees the supremacy of the Constitution of Canada. This incomparable tool can be used to invalidate laws that infringe fundamental rights and are not justified by societal goals of fundamental importance. However, where the concepts specific to administrative law are sufficient to resolve a dispute, it is unnecessary to resort to the Canadian Charter. Le champ d’application de la Charte canadienne est vaste. Grâce à l’art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, la suprématie de la Constitution du Canada est préservée. Cet outil incomparable permet d’annuler les lois qui portent atteinte aux droits fondamentaux et qui ne sont pas justifiées par des objectifs sociaux fondamentalement importants. Cependant, dans les cas où les concepts propres au droit administratif sont suffisants pour solutionner le litige, il n’est pas nécessaire d’avoir recours à la Charte canadienne. 136 Constitutional values have breathed new life into the Civil Code of Québec, S.Q. 1991, c. 64, the common law and legislation in general. Courts and administrative tribunals must uphold them, as must Parliament and the legislatures. However, the same rules should not apply to the review of legislative action as to the review of the exercise of adjudicative authority. Les valeurs constitutionnelles insufflent un élan nouveau au Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, à la common law et aux lois en général. Les tribunaux judiciaires et administratifs sont tenus de les respecter, tout comme le Parlement et les législatures. Le contrôle de l’action législative ne devrait cependant pas suivre les mêmes règles que le contrôle de l’exercice du pouvoir adjudicatif. 3. Conclusion 3. Conclusion 137 Administrative law review has been designed to scrutinize administrative boards’ decisions. Administrative law review has become a fullfledged branch of the law. Its integrity should be preserved. Les règles de la révision judiciaire en droit administratif ont été conçues pour l’examen des décisions des organismes administratifs. La révision judiciaire en droit administratif est maintenant reconnue comme une branche du droit à part entière. Son intégrité devrait être préservée. 138 If the Code de vie itself or one of its provisions had been challenged on the ground that it did not meet the minimal impairment standard, a s. 1 analysis would have been appropriate. But the appellant did not challenge it. When the validity of a rule of general application is not in question, the mechanisms of administrative law are called for. This approach makes it possible to avoid the blurring of concepts or roles and enhances the proper application of both administrative and human rights law. Si le Code de vie lui-même, ou l’une de ses dispositions, était contesté au motif qu’il ne respecte pas le critère de l’atteinte minimale, une analyse fondée sur l’article premier aurait été appropriée. Mais l’appelant n’a pas soulevé un tel argument. Lorsque la validité d’une règle d’application générale n’est pas mise en cause, les mécanismes du droit administratif sont plus appropriés. Cette approche permet d’éviter la dilution des concepts ou la confusion des rôles. Elle permet aussi de mettre en valeur les mécanismes spécifiques au droit administratif et aux lois sur les droits de la personne. [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Le juge LeBel 319 For these reasons, we would allow the appeal and set aside the decision of the Court of Appeal. Pour ces motifs, nous accueillerions l’appel et 139 infirmerions l’arrêt de la Cour d’appel. English version of the reasons delivered by Les motifs suivants ont été rendus par LeBel J. — Le juge LeBel — I. Introduction I. Introduction As can be seen from the reasons of my colleagues Deschamps, Abella and Charron JJ., the approach to applying s. 1 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms (“Canadian Charter”) continues to be problematic and to raise new questions even after it has been followed for more than 20 years. The analytical framework established in R. v. Oakes, [1986] 1 S.C.R. 103, for applying the Canadian Charter has not settled every question or averted every problem. Thus, the case at bar once again raises the issue of how the constitutional law of civil liberties relates to quasi-constitutional legislation on fundamental rights, such as the Charter of human rights and freedoms, R.S.Q., c. C‑12 (“Quebec Charter”), and, in an even more subtle way, to administrative law in general. The need to find an appropriate solution therefore makes it necessary to consider how the operation of the Canadian Charter itself is structured, that is, what relationship exists between the guaranteed rights and the approach to limiting those rights under s. 1. Comme il ressort des motifs de mes collègues 140 les juges Deschamps, Abella et Charron, même après plus de 20 ans d’application, la méthode de mise en œuvre de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte canadienne ») continue à poser des difficultés et à soulever de nouvelles interrogations. Le cadre analytique établi par l’arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, pour la mise en œuvre de la Charte canadienne n’a pas réglé toutes les questions ni prévenu tous les problèmes. Ainsi, dans la présente cause, se pose à nouveau le problème des rapports du droit constitutionnel des libertés civiles avec les lois quasiconstitutionnelles sur les droits fondamentaux, comme la Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C-12 (« Charte québécoise »), et, plus subtilement encore, avec le droit administratif en général. La nécessité de trouver une solution adéquate impose alors un examen de l’articulation du fonctionnement même de la Charte canadienne, c’est-à-dire des rapports entre les droits garantis et la méthode de limitation de ces droits que prévoit l’article premier. Although I agree with the disposition proposed by my colleagues, I remain concerned about some aspects of the problems of legal methodology raised by this case. As can be seen, the case involves diverse legal concepts that, although belonging to fields of law that are in principle separate, are still part of a single legal system the coherence of which must be adequately ensured. Bien que je sois d’accord avec le dispositif pro- 141 posé par mes collègues, je demeure néanmoins préoccupé par certains aspects des problèmes de méthodologie juridique que pose la présente affaire. Comme on le voit, celle-ci met en cause des notions juridiques diverses qui, bien que relevant de domaines en principe distincts du droit, appartiennent toujours à un même système juridique dont il importe d’assurer adéquatement la cohérence. A. Nature of the Legal Issue A. La nature de la question juridique posée The fact that education legislation obliges the school board to ensure the safety of its students is not in issue in this appeal. Nor is it disputed, as Le pourvoi ne remet pas en question le fait que 142 la législation scolaire oblige la Commission scolaire à veiller à la sécurité de ses élèves. Pour ce 320 multani v. csmb LeBel J. [2006] 1 S.C.R. regards the performance of this obligation, that the Code de vie (code of conduct) prohibiting the carrying or use of any type of weapon is a valid exercise of the administrative powers delegated to the board for the purpose of ensuring safety. The board’s specific decision to prohibit the appellant’s son from wearing a kirpan on the basis that the kirpan is a weapon is not being contested on administrative law grounds, such as abuse or excess of power. qui est de l’exécution de cette obligation, personne ne conteste non plus que le Code de vie interdisant le port ou l’utilisation de toutes formes d’armes constitue un exercice valable des pouvoirs administratifs délégués à la Commission scolaire pour remplir ses obligations en matière de sécurité. Sa décision particulière de défendre au fils de l’appelant de porter un kirpan parce que cet objet constitue une arme n’est pas attaquée par des moyens fondés sur le droit administratif, par exemple un abus ou excès de pouvoir. 143 Rather, the appellant contests the decision by arguing that the respondent school board’s exercise of the delegated power is vitiated by the violation of one of his son’s fundamental rights. He submits that the school board’s refusal to agree to a reasonable accommodation measure violates his son’s freedom of religion. Although the board’s decision was formally authorized by a delegation of powers under the Education Act, R.S.Q., c. I‑13.3, it was null because it was an unjustified infringement of the constitutional guarantee of freedom of religion set out in s. 2(a) of the Canadian Charter as well as of similar rights protected by the Quebec Charter. L’appelant attaque plutôt cette décision en prétendant que l’exercice par la Commission scolaire intimée du pouvoir délégué est vicié du fait de la violation de l’un des droits fondamentaux de son fils. Il soutient que le refus de la Commission de consentir à une mesure d’accommodement raisonnable viole la liberté de religion de son fils. Bien que formellement autorisée par une délégation de pouvoirs en vertu de la Loi sur l’instruction publique, L.R.Q., ch. I-13.3, la décision de la Commission était frappée de nullité parce qu’elle portait une atteinte injustifiée à la garantie constitutionnelle de liberté de religion prévue à l’al. 2a) de la Charte canadienne, ainsi d’ailleurs qu’aux droits similaires que protège la Charte québécoise. 144 The case as it stands before this Court therefore appears to involve an issue of constitutional law. I readily acknowledge that it is better, where problems arise in such circumstances, to begin by attempting to solve them by means of administrative law principles. I do not think that it is always necessary to resort to the Canadian Charter or, in the case of Quebec, the Quebec Charter when a decision can be reached by applying general administrative law principles or the specific rules governing the exercise of a delegated power. I had occasion to point this out in my reasons in Blencoe v. British Columbia (Human Rights Commission), [2000] 2 S.C.R. 307, 2000 SCC 44, at para. 138. However, the context of a dispute sometimes makes a constitutional analysis unavoidable. If the reasoning proposed by my colleagues Deschamps and Abella JJ. were accepted, an administrative decision would, of course, be quashed. In this sense, the case can be said to come under administrative law. However, if Dans l’état où ce dossier est présenté devant notre Cour, l’affaire apparaît donc comme une question de droit constitutionnel. Je reconnais volontiers qu’il vaut mieux tenter d’abord de régler les problèmes posés dans de pareilles circonstances au moyen du droit administratif. Je ne crois pas qu’il faille en toute occasion recourir à l’application de la Charte canadienne ou, dans le cas du Québec, de la Charte québécoise, lorsque l’application des principes généraux du droit administratif ou des règles particulières encadrant l’exercice d’un pouvoir délégué peut résoudre l’affaire. J’ai d’ailleurs déjà eu l’occasion de souligner ce point dans l’arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, 2000 CSC 44, par. 138. Cependant, il arrive que le cadre d’un litige ne permette pas de faire l’économie de l’analyse constitutionnelle. Certes, si le raisonnement proposé par mes collègues les juges Deschamps et Abella était accepté, une décision administrative [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Le juge LeBel 321 the decision is quashed because of the violation of a constitutional standard, it then becomes necessary to consider the fundamental rights in issue and how they have been applied. Only in this way can it be determined whether the infringement of the constitutional standard is unjustified. In such a case, the outcome of the case depends on how the constitutional issue is resolved. serait annulée. En ce sens, il est possible d’affirmer que l’affaire relève du droit administratif. Toutefois, si cette annulation survient à cause de la violation d’une norme constitutionnelle, il faut alors analyser les droits fondamentaux en cause et la manière dont ils ont été mis en œuvre. Seule cette analyse permet de déterminer si la violation de la norme constitutionnelle est injustifiée. La solution du litige dépend dans un tel cas de la réponse apportée au problème constitutionnel. The proceedings before this Court bring into play, at least in theory, the constitutional guarantee of freedom of religion and the right of children and other persons at educational institutions to security, which is protected by s. 7 of the Canadian Charter. What relationship can be found between these sometimes competing rights when it is alleged that freedom of religion has been violated because of the failure to make reasonable accommodation? How can these rights be analysed? Le débat porté devant notre Cour met en jeu, du 145 moins théoriquement, la garantie constitutionnelle de liberté de religion et le droit à la sécurité des enfants et autres personnes fréquentant des établissements scolaires, droit que protège l’art. 7 de la Charte canadienne. Comment mettre en rapport ces droits parfois concurrents devant l’allégation de violation de la liberté de religion pour cause d’absence d’accommodement raisonnable? Comment procéder à l’analyse de ces droits? In such circumstances, it becomes very tempting to go directly to the stage of s. 1 justification, which provides courts, tribunals and litigants with the advantage of a familiar, well-established framework. However, in applying the Canadian Charter, not everything can be resolved under s. 1. To begin with, it is still necessary to analyse the right in issue, define its content and, where relevant, consider the scope of competing rights. The definition of the content of a right does not correspond systematically to a limit that must be justified by means of the approach developed in the cases on s. 1. Devant un tel scénario, la tentation devient 146 grande de passer immédiatement à l’étape de la justification au regard de l’article premier, celuici offrant aux tribunaux et aux plaideurs l’avantage d’un cadre connu et bien établi. Cependant, dans la mise en œuvre de la Charte canadienne, tout ne saurait se régler par le truchement de l’article premier. Encore faut-il, au départ, analyser le droit invoqué, définir son contenu et, le cas échéant, examiner la sphère d’application des droits concurrents. La définition du contenu d’un droit ne correspond pas systématiquement à une limitation qui doit être justifiée au moyen de la méthode établie par la jurisprudence portant sur l’article premier. B. Delimitation and Reconciliation of Guaranteed Rights B. La délimitation et la conciliation des droits garantis A question that arises in the initial stages of the review of an alleged violation of a constitutional right is that of the nature and scope of the right. What the right is must be determined, and its boundaries must be established. Establishing these boundaries requires consideration of the guaranteed right’s relationship with competing rights Dès les premières étapes de l’étude d’une 147 allégation de violation d’un droit garanti par la Constitution se pose le problème de la nature et de la portée de ce dernier. Il faut rechercher en quoi consiste ce droit et en tracer les frontières. L’établissement de celles-ci requiert l’examen des rapports du droit garanti avec les droits 322 multani v. csmb LeBel J. [2006] 1 S.C.R. and sometimes leads to the necessary finding that rights come with corresponding obligations. We not only have rights, we also have obligations. How the Canadian Charter is applied, and the flexibility with which it is applied, are an acknowledgment of this reality. The application of the Canadian Charter does not always involve solely the relationship between the guaranteed rights of individuals and government action limiting those rights. The relationship is often more complex, as it could have been in the instant case. The school board’s decision could have affected the competing right of all the students to security of the person under s. 7. It is therefore necessary to find approaches to applying the Canadian Charter that reflect the need to harmonize values and reconcile rights and obligations. concurrents et amène, parfois, la nécessaire constatation qu’à un droit correspond une obligation. Nous ne sommes pas seulement titulaires de droits, mais aussi débiteurs d’obligations. La structure et la flexibilité de l’application de la Charte canadienne reconnaissent cette réalité. La mise en œuvre de celle-ci ne met pas toujours seulement en rapport le droit garanti à l’individu et l’intervention de l’État qui restreint ce droit. La relation est souvent plus complexe, comme elle aurait pu l’être dans la présente cause. La décision de la Commission scolaire pouvait toucher le droit concurrent de l’ensemble des élèves à la sécurité de leur personne, protégé par l’art. 7. Il faut alors chercher des méthodes d’application de la Charte canadienne qui respectent la nécessité d’harmoniser des valeurs et de concilier des droits et des obligations. 148 With respect for those who disagree, while this Court has indeed favoured resorting to the s. 1 justification process with respect to freedom of religion, its decisions have never definitively established that this approach is the only way to reconcile competing or conflicting fundamental rights. This is not what emerges from the Court’s decisions. Nor would it be desirable. The complexity of the situations to which the Canadian Charter applies is unsuited to simplistic formulas, as it is to rigid classifications. Avec égards pour l’avis contraire, même si notre Cour a privilégié cette technique dans l’application de la liberté de religion, sa jurisprudence n’a jamais établi définitivement que le recours à la procédure de justification prévue par l’article premier constitue la seule méthode de conciliation des droits fondamentaux concurrents ou conflictuels. Cela ne ressort pas de ses décisions. Cela ne serait pas souhaitable non plus. La complexité des situations visées par la Charte canadienne s’accommode mal du simplisme des formules comme de la rigidité des classifications. 149 Case law developed over 20 years or more can no doubt be used to support any opinion or position. A variety of quotations can be taken from this Court’s successive decisions. Attempts can be made to distinguish those decisions or to reconcile them. Doing this would probably not lead to the conclusion that the Court intended to create a straitjacket in which it would be confined when trying to resolve issues relating to the application of the Canadian Charter fairly and efficiently. The Court has not ruled out the possibility of reconciling or delimiting rights before applying s. 1. This is shown by two cases decided more than 10 years apart, Young v. Young, [1993] 4 S.C.R. 3, and a very recent decision, Montréal (City) v. 2952-1366 Québec Inc., [2005] 3 S.C.R. 141, 2005 SCC 62, Vingt ans et plus de jurisprudence permettent sans doute d’appuyer toutes les opinions ou toutes les thèses. On peut extraire des citations diverses des arrêts successifs de notre Cour. On peut tenter de distinguer ces arrêts ou de les concilier. Cela ne permettrait probablement pas de conclure que notre Cour a voulu s’enfermer dans un carcan pour résoudre avec justice et efficacité les problèmes d’application de la Charte canadienne. Elle n’a exclu ni la conciliation ni la délimitation des droits avant le recours à l’article premier. En témoignent à plus de dix ans d’intervalle l’arrêt Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, et, tout récemment, l’arrêt Montréal (Ville) c. 29521366 Québec Inc., [2005] 3 R.C.S. 141, 2005 CSC 62, par. 56-57 et par. 60-61, le premier portant [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Le juge LeBel 323 at paras. 56-57 and 60-61, the first of which deals with freedom of religion and the second with freedom of expression. sur la liberté de religion, le second sur la liberté d’expression. Moreover, this Court has never definitively concluded that the s. 1 justification analysis must be carried out mechanically or that all its steps are relevant to every situation. Dagenais v. Canadian Broadcasting Corp., [1994] 3 S.C.R. 835, is one case that recognizes the flexibility of the Oakes analysis and the usefulness of that flexibility. In Dagenais, the Court reviewed common law rules that affected two protected rights, the right to a fair trial and freedom of expression, and used a simplified approach that was based on the balancing of rights and dispensed with certain steps of the now classical approach. Par ailleurs, notre Cour n’a jamais conclu de 150 façon définitive que la méthode de justification en vertu de l’article premier devait s’appliquer mécaniquement et que chacune de ses étapes étaient pertinentes dans toute situation. L’arrêt Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835, notamment, reconnaît la flexibilité de la méthode établie par l’arrêt Oakes et l’utilité de cette caractéristique. Prononcé à l’occasion de l’examen de règles de common law mettant en jeu deux droits protégés, en l’occurrence le droit à un procès juste et la liberté d’expression, l’arrêt Dagenais utilisait une méthode simplifiée, qui était basée sur la mise en équilibre des droits et faisait l’économie de certaines étapes de la méthode maintenant classique. This flexibility also makes it possible to apply the Canadian Charter and its values to a wide range of administrative acts without necessarily being confined by the norm-decision duality. Although appealing from the standpoint of legal theory, this dualism underestimates the problems that arise in applying the classifications it invites. It also entails a risk of narrowing the scope of constitutional review of compliance with the Canadian Charter and its underlying values. In this regard, I share the concerns expressed by my colleague Charron J. in her reasons. Cette flexibilité permet d’ailleurs d’appliquer la 151 Charte canadienne et ses valeurs à un large éventail d’actes administratifs, sans qu’il soit besoin de s’enfermer dans le dualisme norme/décision. Malgré son attrait au niveau de la théorie juridique, ce dualisme sous-estime les difficultés de mise en œuvre des classements auxquels il invite. Il comporte également un risque de réduction du champ d’application du contrôle constitutionnel du respect de la Charte canadienne et des valeurs qui la soustendent. À cet égard, je partage les inquiétudes exprimées par ma collègue la juge Charron dans ses motifs. The approaches followed to apply the Canadian Charter must be especially flexible when it comes to working out the relationship between administrative law and constitutional law. In verifying whether an administrative act is consistent with the fundamental normative order, recourse to administrative law principles remains initially appropriate for the purpose of determining whether the adopted measure is in conformity with the powers delegated by legislation to school authorities. If it is authorized by that delegation, the exercise of the discretion to adopt safety measures to protect the public and students must then be assessed in light La flexibilité des méthodes d’application de la 152 Charte canadienne doit se manifester particulièrement dans l’aménagement des rapports entre le droit administratif et le droit constitutionnel. Lorsqu’il s’agit de contrôler la conformité d’un acte administratif à l’ordre normatif fondamental, le recours aux principes du droit administratif demeure pertinent au départ pour déterminer si la mesure qui a été prise reste à l’intérieur des pouvoirs délégués par voie législative aux administrations scolaires. S’il est autorisé par cette délégation, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de prendre des mesures de sécurité pour la protection du public et des élèves 324 multani v. csmb LeBel J. [2006] 1 S.C.R. of constitutional guarantees and the values they reflect. doit alors être mesuré à l’aune des garanties constitutionnelles et des valeurs que comportent celles-ci. 153 Where the exercise of such a discretion has an impact on the relationship between competing constitutional rights, those rights can be reconciled in two ways. The first approach involves defining the rights and how they relate to each other, and the second consists of the justification process developed in the cases on s. 1. In the case at bar, the first approach can be dispensed with. The evidence does not show a prima facie infringement of the right to security of the person. Wrapped as it would be, the kirpan does not seem to be a threat to anyone. It is therefore necessary to turn to the second approach. Si l’exercice d’un tel pouvoir met en cause les rapports entre des droits constitutionnels concurrents, la conciliation de ces droits peut se réaliser de deux façons. La première approche consisterait à intervenir au niveau de la définition des droits et de leur corrélation, la seconde à s’en remettre à la procédure de justification prévue par la jurisprudence portant sur l’article premier. Dans le cas qui nous occupe, il n’est pas nécessaire d’employer la première méthode. La preuve ne révèle pas d’atteinte prima facie au droit à la sécurité des personnes. Tel qu’il serait enveloppé, le kirpan ne semble pas constituer une menace pour quiconque. Il faut donc recourir à la seconde méthode. 154 In attempting to justify the infringement under s. 1 of the Canadian Charter, as we know, the school board bears the burden of proving that prohibiting the kirpan is a reasonable limit on the constitutional right of the appellant’s son to protection of his freedom of religion. In such an analysis, it is certainly necessary to bear in mind the importance of the obligations of safety and protection that school authorities have, under the law of civil liability and education legislation, to their students and also to third persons in respect of acts committed by students (P. Garant, Droit scolaire (1992), at pp. 319-45; Civil Code of Québec, S.Q. 1991, c. 64, art. 1460). It is possible that a justification could be found in the need to fulfil such obligations. Dans une tentative de justification en vertu de l’article premier de la Charte canadienne, comme on le sait, la Commission scolaire assume le fardeau de démontrer que l’interdiction du kirpan représente une limite raisonnable au droit constitutionnel au fils de l’appelant à la protection de sa liberté de religion. On doit certes retenir, dans le cours d’une telle analyse, l’importance des obligations en matière de sécurité et de protection que le droit de la responsabilité civile et la législation scolaire imposent aux administrations scolaires à l’égard de leurs élèves et aussi à l’égard des tiers pour les gestes posés par les premiers (P. Garant, Droit scolaire (1992), p. 319345; Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, art. 1460). La justification pourrait se trouver dans la nécessité de remplir ces obligations. 155 Moving on now to the application of s. 1, it must be asked whether the analytical approach established in Oakes need be followed in its entirety. In the case of an individualized decision made pursuant to statutory authority, it may be possible to dispense with certain steps of the analysis. The existence of a statutory authority that is not itself challenged makes it pointless to review the objectives of the act. The issue becomes one of proportionality or, more specifically, minimal limitation of the guaranteed right, having regard to the context in which the right has been infringed. Reasonable accommodation that would meet the requirements Passant en conséquence à l’article premier, on doit se demander toutefois s’il est nécessaire d’appliquer intégralement la méthode d’analyse prescrite par l’arrêt Oakes. Dans le cas d’une décision individualisée, prise en vertu d’un pouvoir d’origine législative, on pourrait faire l’économie de certaines étapes de l’analyse. L’existence d’une autorisation législative qui n’est pas elle-même attaquée rend inutile l’examen des objectifs de l’acte. La question se réduit à un problème de proportionnalité ou, plus précisément, de restriction minimale du droit garanti, compte tenu du contexte dans lequel survient l’atteinte à ce droit. C’est à cette étape et [2006] 1 R.C.S. multani c. csmb Le juge LeBel 325 of the constitutional standard must be considered at this stage and in this context. In the case at bar, I must conclude that the respondent school board has not shown that its prohibition was justified and met the constitutional standard. I therefore agree with the conclusion proposed by my colleagues. dans ce contexte que se situe l’examen de l’accommodement raisonnable qui satisferait aux exigences de la norme constitutionnelle. En l’espèce, je dois conclure que la Commission scolaire intimée n’a pas réussi à démontrer que son interdiction était justifiée et respectait la norme constitutionnelle. Je suis donc d’accord avec la conclusion proposée par mes collègues. Appeal allowed with costs. Pourvoi accueilli avec dépens. Solicitors for the appellants: Grey, Casgrain, Montréal. Procureurs des appelants : Grey, Casgrain, Montréal. Solicitor for the respondent Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys: François Aquin, Montréal. Procureur de l’intimée la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys : François Aquin, Montréal. Solicitors for the respondent the Attorney General of Quebec: Bernard, Roy & Associés, Montréal. Procureurs de l’intimé le procureur général du Québec : Bernard, Roy & Associés, Montréal. Solicitors for the intervener the World Sikh Organization of Canada: Peterson, Stark, Scott, Surrey, British Columbia. Procureurs de l’intervenante World Sikh Organization of Canada : Peterson, Stark, Scott, Surrey, Colombie-Britannique. Solicitors for the intervener the Canadian Civil Liberties Association: Osler, Hoskin & Harcourt, Toronto. Procureurs de l’intervenante l’Association canadienne des libertés civiles : Osler, Hoskin & Harcourt, Toronto. Solicitor for the intervener the Canadian Human Rights Commission: Canadian Human Rights Commission, Ottawa. Procureur de l’intervenante la Commission canadienne des droits de la personne : Commission canadienne des droits de la personne, Ottawa. Solicitor for the intervener the Ontario Human Rights Commission: Ontario Human Rights Commission, Toronto. Procureur de l’intervenante la Commission ontarienne des droits de la personne : Commission ontarienne des droits de la personne, Toronto.