Quand on est catho, faut-il aimer sans passion

Transcription

Quand on est catho, faut-il aimer sans passion
FOIRE AUX QUESTIONS :
« Quand on est catho, faut-il aimer sans passion ?»
Je vais te parler « sans passion » de la passion !
La passion est le désir d’être aimé, plus encore que d’aimer. La passion nous fait
« aimer » aimer. Elle est cet état fébrile, obsessionnel presque, qui nous saisit en l’absence de
l’être aimé. De plus, ceux qui sont sous l’emprise de la passion vivent la captation de l’amour.
La passion fait suite à la séduction ; l’une et l’autre sont complices. Leur limite, presque leur
piège, est de tout ramener à soi. C’est un amour tourné vers soi et la violence de ses
sentiments, à la façon du romantique drapé dans son amour impossible, ivre de la douleur, se
complaisant dans la pensée de l’inaccessible créature, et oubliant de s’occuper d’elle ; ou
bien, à la façon moins littéraire du coureur ou de la coureuse, passant tous les six mois en
d’autres bras, dès que la passion est éteinte. A ce régime-là, l’amour entre deux êtres se réduit
à un moment d’intensité, à une passion tournée vers sa propre satisfaction. L’amour ne peut
jamais prendre le relais, il n’en a ni le temps ni la possibilité. Rien n’est posé, rien n’est
donné, on se consomme et l’on se jette. Si bien que de nombreux couples se défont après deux
ou trois ans, lorsque la passion n’est plus, et que l’amour n’a jamais été là.
L’amour, rassure-toi, n’est pas froid sous prétexte que la passion est torride. La
passion est bonne puisqu’elle lance l’amour à ses débuts. Elle est la flamme qui est nécessaire
au feu. A la différence de la passion, l’amour se nourrit, non plus de l’absence de l’aimé et de
son idéalisation, mais de sa présence. L’amour est une amitié au sens antique, qui est très
fort, celui de la donation même des personnes. La passion prend, l’amour donne. C’est la
raison pour laquelle les êtres les plus passionnés qui commencent à vivre ensemble voient le
côté obsessionnel de leur passion s’attiédir. L’autre est là, et se donne. L’amour commence,
trouve son régime de croisière, qui est moins spectaculaire mais plus vrai. Il suppose, pour
que les amants se donnent, qu’ils s’engagent l’un envers l’autre. Seul l’engagement permet de
traverser l’épreuve et le miroir aux alouettes de l’idéalisation.
Père Thierry-Dominique Humbrecht, o.p.
Lettre aux jeunes sur les vocations. Ed. Parole et Silence 2004