le cas howard - L`Allée des Conteurs

Transcription

le cas howard - L`Allée des Conteurs
LE CAS HOWARD
Nouvelle d’Halloween
Dans le cadre des défis des Cerfboisés, les mots demandés étaient :
Myosotis
Barbe à papa
Nounours
C’est la nuit d’Halloween, mais ça m’est complètement égal.
Je n’ai jamais aimé cette période de l’année. J’ai toujours eu l’impression que quelque chose
de menaçant rôdait partout. Et puis, cela me rendait toujours mal à l’aise de voir les autres
filles déguisées en sorcières. Et pour cause.
Mon pouvoir était à l’origine de tant de moqueries stupides, et on me comparait si souvent à
ces personnages maléfiques…
Voilà pourquoi je n’ai absolument aucun regret de rester enfermée dans ma chambre à l’Unité
Altaïr, au lieu d’aller m’amuser dans une soirée qui se serait de toute façon mal passée.
J’enfile ma chemise de nuit et me glisse dans mon lit. Peu après, je m’endors paisiblement.
Plusieurs heures s’écoulent, jusqu’à-ce que…
D’étranges visions me perturbent et m’agitent. Une ville ancienne, au-dessus de laquelle se
répand une ombre menaçante. Une salle obscure où se trouve un trône nimbé d’une fumée
verte qui semble sortir de nulle part. Une paire d’yeux effrayants me fixe à-travers une
tempête d’éclairs. Deux yeux d’un vert insoutenable, sous des paupières qui semblent faites
en écailles de serpent… une voix de femme murmure une incantation incompréhensible… et
une force extrêmement puissante m’attire en avant…
Je dois faire un effort presque surhumain pour m’y arracher et me réveiller. Mais pas pour
longtemps.
Assise dans mon lit, tout en reprenant ma respiration, je regarde autour de moi, guettant
quelque chose d’inhabituel. Et brusquement, les symptômes du transfert de conscience se
déclenchent. Prise de panique sans savoir pourquoi, je résiste. D’une main tremblante, je
saisis la barre protectrice de mon lit et cherche le boîtier qui appellera le docteur. Il
m’installera dans la Sentinelle, verra tout et me ramènera si besoin.
Bientôt, terrassée par les douleurs à la tête et aux yeux, je suis submergée par l’inconscience.
Alors que le vortex se rapproche de moi, je me rends compte que j’entends toujours les
litanies prononcées par l’inquiétante voix féminine. Le vortex lui-même est angoissant. Sa
couleur est verte et il est traversé par des flashs ou des rayons noirs. Une épaisse fumée
sombre me bloque la vue par moments. Je suis entraînée dans une série de tourbillons qui se
succèdent à une vitesse terrifiante. Enfin, alors que j’éprouve l’insupportable sensation que
mon cerveau éclate, je commence à entendre des sons.
De sinistres grincements de roulettes sur des rails.
Un mélange de cris de joie et de peur.
Une musique de plus en plus forte, semblable à celle des films d’aventure.
Un vertige intense me plonge dans le noir pendant quelques instants.
Je recommence à respirer, et ouvre les yeux.
Un wagonnet.
Je suis dans un wagonnet, assise à côté d’une jeune fille que je ne connais pas.
Lentement, avec un ignoble grincement, l’engin grimpe le long d’un rail situé très loin audessus du sol. En bas, j’aperçois les toits d’une ville qui paraît sortir tout droit du XIXe siècle.
— Non… je murmure, alors que le véhicule se remet à accélérer.
Et c’est la chute vertigineuse, puis un enchaînement de montagnes russes et de loopings.
J’ignore comment je survis, alors que mon estomac est tout retourné et que le vertige
s’accentue.
Je referme les yeux et attends la fin de ce manège infernal.
Heureusement, quelques minutes plus tard, un message de préparation à l’arrêt de la machine
est diffusé dans mes oreilles. Peu après, le wagonnet finit par ralentir. Il s’arrête un peu
brusquement et dans un dernier grincement.
Le lourd harnais de protection me libère. Je me lève péniblement et monte sur la plate-forme
qui mène à la sortie de l’attraction mais j’ai encore bien du mal à marcher. Je m’aperçois alors
que ceux qui m’entourent, tous des jeunes qui n’ont pas plus de dix-huit ans, m’observent
d’un air bizarre, comme si je ne devrais pas être malade. Je m’éloigne en vitesse. Un peu plus
loin, je retrouve Jason, assis sur un banc. Il est semblable à ce qu’il était à seize ans, déjà un
beau garçon, avec une tignasse brune qui commençait à pousser.
Il est en train de dévorer une grosse barbe à papa toute rose et pleine de sucre. En me voyant
approcher, il m’en propose, mais je refuse en secouant la tête. Je me sens encore trop mal pour
manger quoi que ce soit.
Il se lève pour me rejoindre.
— Alors Cassie, il était sympa ce grand huit, non ? me dit-il joyeusement. C’est mon préféré,
je l’ai fait au moins cent fois.
Je sens à nouveau mon estomac se soulever et ma main droite vient recouvrir ma bouche.
Jason m’adresse le même regard surpris que les autres.
— Ça ne va pas ? Normalement, tout se passe bien…
J’essaie de me remettre aussi vite que je peux, désormais prise d’une crainte indéfinissable.
Un parc d’attraction peuplé uniquement d’ados, cette dernière phrase… quelque chose ne
tourne pas rond, j’en jurerais.
Pour l’instant, je n’en parlerai pas à Jason. Il en sait sans doute aussi peu que moi.
— Ecoute, je crois que… commence-t-il, mais brusquement, il sursaute, me prend par le bras
et me force à me retourner.
— Oh non, il ne manquait plus que lui ! Cassie, je ne sais pas ce qu’il t’es arrivé, mais fais
comme si tout allait bien, et surtout… souris.
Il a prononcé ce mot comme s’il était d’une importance capitale. Je ne peux m’empêcher de
frissonner. Alors que je tente de prendre une expression aussi enjouée que possible, je vois
venir vers nous ce qui inquiétait Jason. Un grand bonhomme noir, tout maigre, vêtu d’un
costume de clown noir et blanc en tissu brillant.
— Cassie Howard ! s’exclame-t-il en pointant vers moi un doigt accusateur. On m’a signalé
un comportement anormal à la sortie de ce grand huit… qu’as-tu à dire pour ta défense ?
Je le regarde dans savoir quoi répondre. Voyant mon désarroi, Jason vole à mon secours :
— C’est de ma faute, monsieur. J’étais tellement impatient que Cassie l’essaie que je l’ai
traînée dedans alors qu’on venait à peine de sortir de table…
A mon grand soulagement, l’explication satisfait le clown.
— Bon, ce n’est pas très malin de ta part, mais je comprends mieux. Je n’aurais pas aimé
vous dénoncer tous les deux. Surtout que je vous aime bien, vous êtes de bon petits gars.
Alors continuez à vous amuser mais plus de grand huit pendant un moment. Compris ?
— J’y retournerai plus tard en tout cas ! j’affirme avec un sourire enthousiaste.
— Ça, c’est ma petite Cassie, approuve le clown en me donnant une tape sur la joue. Je passe
l’éponge pour cette fois, mais n’oubliez pas le règlement !
Enfin, il se détourne, nous fait un signe de la main et s’en va. Jason pousse un profond soupir.
— C’était moins une ! Encore un peu et on était bons pour le manoir de Kayla… d’où
personne ne revient jamais. Bon, tu viens ? J’ai fini mon dessert, on pourrait aller au stand de
tir à la carabine. J’essaierai de gagner ce gros nounours que tu voulais pour décorer ta
chambre !
J’accepte, mais je suis bien moins enthousiasmée que j’en ai l’air. Surtout en repensant à ce
clown et à cette histoire de manoir dont personne ne revient…
Pour le moment, je ne quitte pas Jason d’une semelle. Tranquillement, nous traversons de
jolies allées bien propres. La ville semble immense, mais sortie du XIXe siècle. Une
reconstitution, sans doute. Nous dépassons des immeubles bas et colorés, des boutiques de
vêtements, de jouets, des restaurants… le tout est orné de décorations d’Halloween. De
grosses citrouilles jonchent les rues. Des guirlandes fantomatiques et des toiles d’araignée
sont accrochées aux murs. Des citrouilles sont empilées au milieu de grands parterres de
fleurs bien entretenus. Au milieu des marguerites de couleurs différentes, des campanules, des
pissenlits et des myosotis, c’est un spectacle singulier.
Nous passons un bon moment au stand de tir. Jason gagne l’ours en peluche dont il me parlait.
Puis nous enchaînons avec d’autres attractions. Un train fou, une bibliothèque fantôme, un
bateau volant, des manèges, un labyrinthe en plein air et j’en passe. Bientôt, la nuit tombe
sans que je m’en sois aperçue. La fatigue commence à se faire sentir.
— On peut… aller se coucher ? je demande à mon frère. C’est épuisant, tout ça…
A nouveau, il me regarde d’un air bizarre.
— Il n’est que vingt heures, et on ne peut rentrer chez nous qu’à minuit. Allons dîner si tu
veux. Tu aimerais un bon vieux hamburger ?
Il veut me faire entrer dans l’un des restaurants, mais je le retiens.
— Attends, Jason… il y a quelque chose que je dois te dire.
Il jette un coup d’œil autour de lui.
— Viens, alors.
Je le suis dans les rues illuminées, jusqu’à l’une d’elles, plus sombre. Sur les portes des
immeubles, des panneaux indiquent que l’accès est réservé au personnel.
Jason s’arrête au milieu de la rue. Il examine les lieux pour s’assurer que personne ne va
débarquer. Puis, il se baisse et ouvre la plaque ronde qui donne sur les souterrains, et me fait
signe de le suivre.
Nous nous retrouvons dans un long boyau en briques, dans lequel coule un ruisseau sale. Je
fronce les sourcils en voyant l’humidité qui se dégage des murs et l’éclairage défaillant.
— Ouais… marmonne Jason. Ce n’est pas l’endroit le plus classe de la ville, mais au moins
on ne sera pas surveillés ici. Bien, alors je t’écoute.
Je prends une profonde inspiration. J’ai déjà vécu ce genre de situations tant de fois.
Expliquer à Jason que je viens d’un autre monde et que j’ai remplacé la Cassie qu’il connaît.
Ce n’est jamais facile, et selon leur histoire, les doubles ont des réactions bien différentes.
— Alors voilà… ça va sans doute te sembler complètement fou, mais… tout-à-l’heure, dans
le grand huit, j’ai changé, Jason… je suis une autre Cassie, je viens d’une Terre parallèle à
celle-ci, et j’ai un pouvoir qui me permet de voyager dans d’autres mondes.
… Il y a un long silence. Jason me dévisage avec stupeur pendant quelques secondes, puis
reprend son sourire habituel.
— … OK, admettons… répond-il, gentiment. Et la vraie Cassie, elle est où, pendant ce
temps ?
Tristement, je baisse les yeux.
— Je n’en sais rien. Par contre, je te garantis qu’elle reviendra dès que je serai partie d’ici.
Elle pourra peut-être t’en dire plus.
Jason se met à marcher de long en large.
— Je ne m’attendais pas à ça. C’est dingue…. Il… il y a vraiment d’autres mondes qu’ici ?
— Des dizaines de milliers d’autres… au moins autant qu’il y a d’étoiles dans le ciel, je
réponds en me rappelant de la formule favorite du docteur.
— Kayla nous fait croire le contraire depuis une éternité… soupire Jason. Elle prétend que ce
monde est le seul qui puisse exister, et qu’il n’y a qu’ici que nous serons heureux.
Il me toise un long moment.
— Je sens que tu as raison… et puis la vraie Cassie n’irait jamais inventer un truc pareil.
C’est extraordinaire… tu… tu dois avoir vu tellement de choses… tu voudrais bien me
raconter…
— Bien sûr… je soupire en m’asseyant.
Et je passe les minutes qui suivent à lui parler de mon premier transfert, de l’Unité Altaïr et de
mes autres expériences. Il m’écoute avec la plus grande fascination.
— C’est incroyable… commente-t-il. J’aimerais être comme toi… je déteste cet endroit, tu
sais… la planète Terre-Sphinx 4… où vous vivez heureux jusqu’à vos dix-huit ans…
A son tour, il m’informe que cette planète est dirigée par une sorcière nommée Kayla, qui
apporte joie et prospérité aux humains, jusqu’à dix-huit ans. Ensuite, certains d’entre eux sont
choisis pour être emmenés dans son manoir et on ne les revoit jamais plus.
— J’y passerai sans doute dans deux ans. On ne peut fuir nulle part. Kayla contrôle
entièrement ce monde.
— Mais vous ne vous êtes jamais révoltés ?
— Certains l’ont fait… et l’ont payé de leur vie.
Il jette un coup d’œil à sa montre.
— On ferait mieux d’y aller. S’ils ne nous voient plus, ils vont nous renvoyer la brigade des
Clowns, qui surveille les comportements à risques. Je sais comment tu dois te sentir, mais tu
dois continuer à sourire.
En remontant à la surface, je me sens tellement triste. Ce décor adorable cache une vérité si
horrible…
Jason m’emmène dîner dans un fast-food et nous parlons des attractions qui nous attendent
demain. La soirée se termine dans un cinéma dynamique, puis dans plusieurs manèges. Enfin,
à vingt-trois heures, Jason m’annonce que nous pouvons rentrer à la maison.
Cependant, je réalise vite que ce n’est pas le bon chemin. Les rues sont plus sombres, par ici,
et ornées de décorations inquiétantes. Un peu plus loin, j’aperçois un magnifique manoir du
XIXe siècle.
— Jason, où tu vas ? je demande, en le prenant par le bras. Ce n’est pas par ici…
Il s’arrête et m’adresse un regard sinistre, qui me fait frissonner.
— Je suis désolé, Cassie… tu es peut-être mon dernier espoir…
En comprenant ce que cela signifie, je le lâche et recule d’un pas.
— Tu me ferais… vraiment ça ?
— Si cela me permet de partir d’ici définitivement, alors je n’hésiterai pas, affirme-t-il avec
un signe de tête.
A ces mots, je m’enfuis en courant mais il me rattrape vite. Il me saisit par le poignet et
m’attire contre lui. J’essaie de me débattre, mais soudain, un grand choc me fait perdre
connaissance.
Pendant quelques secondes, j’entends à nouveau sa voix :
— Je suis désolé… tu es mon dernier espoir…
Je me réveille en entendant une voix féminine chanter une mélodie envoûtante.
Tout est sombre. La seule lumière provient de la fumée verte dégagée par une série de
flambeaux accrochés sur les murs noirs. En face de moi se trouve un trône de pierre noire
imposant, sur lequel est assise une femme. Elle porte une longue robe verte toute brillante qui
colle à sa peau blanche. Ses cheveux longs et roux forment un nuage autour de sa tête. Elle
me fixe de ses deux terribles yeux d’un vert maléfique.
— Sois la bienvenue dans mon manoir, Cassie, déclare-t-elle d’une voix douce. Je remercie
ton grand frère de t’avoir conduite ici, mais j’aurais obtenu ce résultat d’une façon ou d’une
autre, puisque j’ai tout fait pour que tu arrives jusqu’à moi.
— Le vortex… c’était vous… je réponds, agacée. Qu’est-ce que vous me voulez ?
Kayla se lève et descend de son trône.
— Dis-moi, que penses-tu de ce monde ? N’est-il pas ignoble, affreux de sacrifier la vie des
humains à partir d’un certain âge ? Et de les obliger à vivre dans une telle parodie de bonheur
parfait ? Il pourrait en être autrement, tu sais… et c’est tout ce que je souhaite.
— Vous mentez, je réplique, de plus en plus mal à l’aise.
Kayla s’approche de moi et saisit mon menton. Je frémis. Sa main est glacée.
— Ecoute-moi bien. Ce que tu ignores, c’est que je suis emprisonnée ici. Il y a très
longtemps, on m’a vaincue et enfermée dans ce monde. Je survis en dévorant les âmes
humaines. Si je pouvais partir, je trouverais le moyen d’en finir avec tout cela.
Elle me lâche, mais je la dévisage, toute tremblante.
— Tu possèdes un pouvoir absolument fantastique. Un pouvoir qui pourrait me permettre de
me libérer. Je suis une sorcière, Cassie Howard. Je peux m’infiltrer dans l’esprit de certaines
personnes. Et c’est exactement ce que j’attends de toi.
Je ferme les poings et la fusille du regard. Il n’en est pas question. Ce transfert va s’arrêter
immédiatement. Je n’ai qu’à appeler le docteur…
— Ne fais pas l’idiote, ricane alors Kayla. Cette salle est équipée d’un système qui bloquera
toute tentative de communication avec ton monde d’origine. Et si tu t’avises de protester, je
tuerai ton grand frère adoré.
Mon cœur se serre. Ca, jamais…
Il faut que j’essaie de m’échapper…
Tout d’un coup, une violente explosion retentit et ébranle la salle. Je suis projetée par terre.
Alors que je me protège de la fumée qui envahit tout, deux mains puissantes m’attrapent par
les épaules et me relèvent.
— Viens avec moi, Cassie… n’aie pas peur, m’ordonne une voix de femme.
En regardant derrière moi, je vois avec horreur que Kayla s’est transformée. Sa peau s’est
recouverte d’écailles de serpent. D’une voix sifflante, elle s’écrie :
— Je te retrouverai, Cassie Howard… je te le promets !
Ma sauveuse inconnue m’emmène dans un couloir obscur. Je l’examine rapidement et une
impression étrange m’envahit. Elle a une quarantaine d’années, des cheveux mi-longs et noirs
coiffés en carré, des yeux d’un noir intense et porte une tenue de combat…
Elle manipule un appareil accroché à son bras gauche, et nous disparaissons. Pour nous
retrouver dans un laboratoire où se trouve une Sentinelle.
— Je… je ne comprends plus rien… qui êtes-vous ? Je croyais qu’il n’y avait plus d’adultes
dans ce monde…
— Je m’appelle Doris, affirme-t-elle. Et contrairement à ce que disait Kayla, il y a encore
beaucoup d’adultes qui s’opposent à elle, heureusement. Pour l’instant, tu n’as rien à faire ici,
alors je vais te renvoyer chez toi.
Elle me tend la combinaison grise que je porte pendant les transferts.
— Change-toi vite, dit-elle en se retournant.
J’obéis, sans perdre de temps à réfléchir. Je veux juste rentrer…
Une fois prête, Doris me fait signe de monter dans la machine.
— Je ne sais pas qui vous êtes, mais… merci.
— Tu me connais peut-être mieux que tu ne le penses, Cassie, répond-elle avec un clin d’œil.
— Hein ?
Elle manipule le panneau de commandes.
— Et on se reverra sans doute un jour…
Je laisse le transfert de retour s’opérer.
— Vite, docteur…
La voix de Karen Tillman.
— Ne vous inquiétez pas. Dépressurisez la Sentinelle… videz le liquide… débranchez le
casque… préparez les sédatifs… ouvrez la porte…
Je suis encore toute étourdie, et si faible que j’arrive à peine à sortir du tube. Karen et le
docteur me soutiennent. Ils m’allongent dans un lit à roulettes. On me donne un verre en
plastique. C’est tout juste si je peux en boire le contenu.
— Tout va bien, Cassie… déclare le docteur. Demain, tu aurais oublié cette pénible
expérience.
Il semble contrarié. Je ne saurai pas pourquoi. Je m’en fiche. Oublier ça… oui, c’est tout ce
que je veux.
— Ramenez-la dans sa chambre, Karen… et veillez à ce que plus rien de fâcheux ne se
produise cette nuit.
Je sombre dans le sommeil, désormais certaine que je déteste Halloween plus que jamais.