LES mixoLogiStES

Transcription

LES mixoLogiStES
LES mixoLogistes
Serge guillou
36
Raphaël Trémérie
42
Ben belmans
48
Kristof Burm
54
35
LES mixologistes
LES mixologistes
Par Michel verlinden | PHOTOS KRIS VLEGELS
Serge Guillou, le professionnel
Fort d’une expérience en béton, Serge Guillou est bien
plus qu’un simple mixologiste. L’homme est de ceux qui
élaborent les concepts qui électrisent les foules.
A
46 ans, le moins que l’on
puisse dire c’est que Serge
Guillou est une valeur sûre
du monde de la mixologie.
Une force tranquille dont
le savoir-faire et le calme rassurent. Ce
n’est pas pour rien que de nombreux
entrepreneurs font appel à ses services au
moment d’ouvrir un nouvel établissement.
C’est que Guillou est une sorte de « flying
barman », de bartender sans attache, qui
travaille pour son propre compte. Depuis
huit ans, il a mis sur pied, barpartners, une
société de consultance qui remplit diverses
missions. Celle-ci s’appuie sur la très grande
expérience que l’expert a glanée à travers le
monde. Sorti de l’école hôtelière de Dinard,
en France, il a mis les pieds dans l’univers
des cocktails en accomplissant en 1986 un
brevet complémentaire de barman. A cette
époque, les amateurs sont peu nombreux,
36
l’homme fait figure de pionnier. Par la suite,
il roule sa bosse aux quatre coins de France.
Très vite, il se spécialise dans les palaces,
passant de la Savoie à la Côte d’Azur. Cet
univers doré sur tranche lui plaît, il aime
le goût de l’excellence qui y est cultivé. En
1993, il monte en Belgique pour ouvrir
un bar au Conrad, à Bruxelles. Sa mission
accomplie, il redescend dans le sud de la
France, avant d’être rappelé au Méridien,
toujours dans la capitale, puis à nouveau
au Conrad où, pendant dix ans, il gèrera
les deux bars et le restaurant. Autant dire
qu’il blinde son curriculum. Sa réputation
le précède désormais. On a fait appel à lui
quand il s’est agi d’ouvrir le premier casino
de Bruxelles, rue Duquesnoy, ainsi que le
fameux hôtel Dolce La Hulpe. Dans un
univers trop souvent flottant qui compte
peu de véritables spécialistes, Serge Guillou
incarne un professionnalisme hors-pair.
37
La société qu’il imagine en 2006 est le
résultat de son parcours qui lui a permis
d’appréhender les lacunes dans son secteur.
Plurielle, la structure de Guillou remplit
un certain nombre de missions. Celles-ci
vont de la conception d’une carte… jusqu’à
l’agencement du lieu en lui-même. Cette
mission implique la réalisation des plans
en collaboration avec un architecte ou un
décorateur, le choix des équipements et du
matériel de travail, ainsi que la prise en compte
des aspects fonctionnels et ergonomiques.
Mieux, barpartners, se penche également sur
l’aspect ressources humaines de l’ouverture
d’un tel endroit. Il est alors question de
transmettre le savoir : formation au métier,
service des boissons (du choix de la verrerie à
la parfaite méthode de travail), connaissance
des produits (spiritueux, softs), création de
cocktails (la mixologie proprement dite) et
organisation d’une équipe.
»
LES mixologistes
LES mixologistes
Gingereater/Breakfast
at Tiffany’s
1,5 cl de jus de citron vert frais, 1 cl
de sirop de sucre de canne Giffard,
2 cuillères de bar de marmelade
d’orange, 2 cl d’essence de gingembre
Marie Brizard, 3 cl de gin Beefeater
24, 7 cl Perrier, un zeste de lime et
une tranche de gingembre frais
Envie de prendre la mesure de la Guillou’s
touch ? Direction le SmoodS, à Bruxelles,
au cœur de l’hôtel Bloom. L’endroit se
présente comme un espace à l’intérieur
duquel on peut « habiter » différentes
atmosphères. L’agencement consiste en
sept îlots à la décoration différente. On
passe ainsi de l’ambiance Safari, hommage
à l’Afrique, à l’atmosphère Spring qui fait la
part belle à la fraîcheur du monde végétal.
Les cocktails ? Redoutables et effectués dans
les règles de l’art, depuis les grands classiques
– excellent Cosmopolitan – aux créations
emblématiques comme celle qui panache
cava, vodka, citron vert et cerise marasquin.
D’autres lieux belges sont à mettre au crédit
de Serge Guillou, De Oude Vismijn ou
Pakhuis, tous deux à Gand, ou encore feu
le projet bruxellois Via Lamanna.
Le mixologiste possède encore d’autres
cordes à son arc : il organise des évènements
cocktails et des bars éphémères pour
des entreprises et des particuliers, il met
sur pied des ateliers… Sans oublier, une
fonction de « bar supply » consistant
à revendre du matériel professionnel –
matériel et machines, accessoires, verrerie…
Comme si cela ne suffisait pas, il ajoute
encore la casquette de président de l’Union
of Belgium’s bartenders (UBB), un poste
clé, assumé depuis neuf ans, qui lui permet
de défendre les couleurs nationales dans le
domaine ainsi que jeter un regard éclairé
sur les tendances du moment. A la question
« quid après le gin » ? Il n’hésite pas une
seconde à répondre : « les vermouths
artisanaux ». Le challenge pour demain ?
« Que les mixologistes bénéficient de la
38
même visibilité que les chefs, un pari pas
évident dans la mesure où leur savoir-faire
n’épouse pas les rythmes et les formats du
petit écran », analyse-t-il.
Côté style, Serge Guillou s’interdit de coller
à l’air du temps. Il préfère lui laisser faire ses
maladies de jeunesse et garder une certaine
distance en revisitant des classiques dans le
sens d’une modernité intemporelle. Une
tâche facilitée, selon lui, par la gastronomie
qui contribue largement à faire voyager les
matières premières intéressantes, du yuzu à
l’essence de romarin.
www.barpartners.com
Remplir la grande timbale de votre shaker au
deux-tiers de glaçons.
Remplir le verre de glaçons.
Verser les ingrédients, à l’exception du
Perrier, dans la petite timbale de shaker.
Egoutter les glaçons de la grande timbale et
du verre.
Shaker pendant une dizaine de secondes.
En filtrant avec la passoire à cocktail, verser
le tout dans le verre. Rincer la grande timbale
au Perrier et en allonger votre cocktail.
Agrémenter d’un zeste de citron vert,
flambé si vous le souhaitez, et d’une tranche
gingembre frais.
Ce cocktail doit être préparé au shaker
et servi dans un tumbler sur glace.
39
LES mixologistes
LES mixologistes
Découvrez la recette sur
www.levifweekend.be/foodexperience
Lime Forever
1,5 cl de sirop de sucre de canne Giffard,
1,5 cl d’essence de romarin Marie Brizard,
2 cl de lime cordial Vedrenne, 4 cl de gin
Beefeater 24, 7 cl de Perrier, branche de
romarin, angostura bitter orange (à utiliser
en vaporisateur)
Dans un tumbler, sur glace, verser les ingrédients
dans l’ordre de la recette, du moins alcoolisé au
plus alcoolisé.
Remuer avec la cuillère à mélange.
Parfumer la branche de romarin avec l’Angostura
bitter orange.
Flamber la branche au chalumeau ou au briquet
à défaut.
Placer la branche de romarin dans le verre.
Cocktail préparé directement dans un
tumbler sur glace.
Vodka Sorbet
4 cl de vodka, 2 cl de sirop de
pamplemousse rose ou d’orange
sanguine, Perrier, un bigarreau au
marasquin, glace carbonique
Dans une timbale de shaker, mélanger la
vodka et le sirop d’agrumes.
Verser dans le verre à cocktail.
Saupoudrer de glace carbonique,
préalablement écrasée en poudre très fine, la
surface du cocktail.
Mélanger en incorporant la glace au cocktail
avec la cuillère de bar jusqu’à l’obtention
d’une pâte onctueuse.
Ajouter un bigarreau au marasquin.
Allonger au Perrier
Cocktail original dans sa préparation,
nous utilisons de la glace carbonique
pour élaborer un sorbet d’agrumes
directement dans le verre de service. Il
faut patienter pour le déguster !
40
41
Pillier des chefs
LES mixologistes
Par MICHEL VERLINDEN | PHOTOS KRIS VLEGELS
Raphaël Trémérie, gentleman du cocktail
A 29 ans, Raphaël Trémérie s’impose comme l’un des
mixologistes les plus doués de sa génération. Ses armes ?
Une technique infaillible et une créativité à toute épreuve.
R
aphaël Trémérie, c’est
avant tout un physique. Et
pas des moindres. Avec son
mètre quatre-vingt-sept et
sa carrure de footballeur
américain, l’homme en impose. Tiré à
quatre épingles dans son costume bleu
marine, on l’imagine dans un épisode de
Mad Men à la façon d’un barman recevant
les confidences alcoolisées de Don Draper.
Cette stature avantageuse est prolongée par
un visage harmonieux sur lequel se greffe
un sourire ravageur. Get the picture ?
Raphaël Trémérie, c’est aussi une gestuelle.
A l’aise dans son corps, il possède un
toucher incroyable. Regardez-le poser un
verre sur le plan de travail et vous aurez
l’impression de le voir accomplir un rituel
aux contours sacrés. Il se meut comme
42
un poisson dans l’espace étroit qui lui est
imparti entre les bouteilles et les clients.
Sa tête passe au ras des verres, ses mains
caressent les citrons pour en extraire le jus,
il flambe avec une dextérité peu banale.
Raphaël Trémérie, c’est également un
parcours. Sorti de l’école hôtelière du
Cardinal Mercier, en Brabant wallon, il a
roulé sa bosse dans plusieurs établissements
prestigieux avant de rencontrer Serge
Guillou (lire par ailleurs) au Conrad, à
Bruxelles, et d’avoir la révélation du bar.
Pour lui, « c’est un endroit magique, une
sorte de compromis entre la salle et la
cuisine, un endroit où l’on est en contact
avec les gens mais où l’on doit également
effectuer des gestes techniques et mobiliser
sa créativité ».
Raphaël Trémérie, c’est à n’en pas douter
43
un lieu. Il est en symbiose avec le Crystal
Lounge, au Sofitel Brussels Le Louise – où il
a d’abord œuvré aux côtés d’Olivier Pichon
qui s’est fait connaître pour avoir signé des «
edible cocktails », des « cocktails à manger ».
Avec son équipe, Raphaël Trémérie a réussi
à en faire l’un de ces bars d’hôtels à l’anglosaxonne. On le sait, à Londres et à New
York, ces lieux sont intensément fréquentés
par la faune locale. En Belgique, ce n’est
pas le cas, ils sont en général laissés aux
voyageurs et aux businessmans de passage.
C’est un tour de force que le mixologiste a
accompli là : les jeudis, vendredis et samedis
soirs, l’ambiance bat son plein. Les visiteurs
viennent à 70 % de l’extérieur, du jamais
vu chez nous. Pour ce faire, l’athlétique
bartender peut s’appuyer sur une grammaire
formelle qui en jette.
»
LES mixologistes
LES mixologistes
Découvrez la recette sur
www.levifweekend.be/foodexperience
Le décor de l’établissement a été confié à
Antoine Pinto qui sait y faire en matière
de goût du jour. Dès l’entrée, le concepteur
a frappé fort avec un majestueux lustre en
cristal de 3,5 mètres sur 2. Cette pièce du
XVIIIe siècle a été spécialement rééditée
pour ce projet. Une touche exclusive qui
inscrit cet aménagement dans la lignée
d’autres basés sur les jeux de transparence
– notamment l’hôtel Murano ou le fameux
Cristal Room Baccarat, à Paris. Au Crystal
Lounge, l’impression de fastes est renforcée
par un imposant mur de dentelle à l’entrée.
D’une surface de 130 m2, il a été taillé
dans le Corian et se veut un hommage à
l’artisanat médiéval bruxellois. Le lounge
tourne, quant à lui, autour d’une pièce
centrale : un bar en albâtre pur de 12 mètres
de longueur rétroéclairé, ce qui rappelle
l’idée de transparence. Ce mobilier s’impose
avec force au cœur de cet espace, véritable
trône pour celui qui y officie.
Mais Raphaël Trémérie, c’est avant tout
une signature. Régulièrement récompensé
par des médailles dans différents concours à
travers le monde, il a une haute opinion de
son métier. « Mon objectif, c’est de diffuser
la passion que j’éprouve pour les cocktails.
A l’heure où tout le monde se rue sur le gin
tonic, mon plaisir est de travailler cet alcool
autrement, emmener les clients vers d’autres
saveurs. » L’une des chances de ce grand
technicien du cocktail, c’est d’officier au sein
d’un établissement qui lui laisse une grande
latitude. « Pour notre nouvelle carte, celle
d’hiver, car nous suivons selon les saisons,
on a imaginé des mélanges à base de truffe et
de foie gras. Avec le chef du restaurant, on a
accès à des matières premières de choix, c’est
un luxe de pouvoir m’en servir », explique
44
Raphaël Trémérie. Autre caractéristique
de l’esprit cultivé au Crystal Lounge :
un certain sens du décalage, de la farce
surréaliste. « On aime surprendre, être là où
l’on ne nous attend pas, dans les associations,
dans les ingrédients de base, jusque dans
les contenants… », confie-t-il. Modeste,
il rappelle aussi combien le fait d’avoir
derrière lui une équipe – cinq barmans dont
l’excellente Lucie Bonilli, meilleur apprenti
de France Régional – est un avantage quand
on a l’excellence en ligne de mire.
Crystal Lounge, 40, avenue
de la Toison d’Or, à 1050
Bruxelles. Tél. : 02 549 61 44.
www.crystallounge.be
Be 4 Belgium
3 cl de gin infusé à la cardamome, 1 cl
de sirop litchi, 2 cl de crème de pêche,
3 cl de jus de cranberry
Elaboration : shaker
Verre : long drink rempli de glaçons
Allonger au Perrier
Remarque : pour infuser du gin à la
cardamome, laisser mariner plus ou moins
longtemps (selon votre goût) du gin avec de
la cardamome.
45
LES mixologistes
LES mixologistes
The best is yet to come
1 cl de sirop de violette, 2 cl de
purée de fraise, 2 cl Martini blanc
Elaboration : shaker
Verre : long drink rempli de glaçons
Allonger au Perrier
Pegasus
5 cl de cognac infusé aux pignons de
pin, 1 trait d’angostura bitter, 1 zeste
d’orange, 1 cl de liqueur de banane, 4 cl
de canada dry, allonger au Perrier
Elaboration : directe
Verre : long drink rempli de glaçons
Remarque : pour infuser le cognac aux
pignons, laisser mariner plus ou moins
longtemps (selon votre goût) du cognac avec
des pignons.
»
46
47
LES mixologistes
LES mixologistes
Par pieter van doveren | PHOTOS KRIS VLEGELS
Ben Belmans, en quête de perfection
Il fut le premier Belge à décrocher le prestigieux Professional
Spirits Certificate au Wine & Spirit Education Trust (WSET),
à Londres, en 2007. Aujourd’hui, de nombreux organisateurs
d’événements font appel aux services de Ben Belmans, qui ouvrira
bientôt une enseigne à Anvers.
S
’il est un point sur lequel Ben
Belmans ne tergiverse pas, c’est
bien sur la définition du terme
mixologiste : « Il figurait dans
un livre de 1884. Avec le retour
des cocktails dans les années 80 et la volonté
du secteur de retrouver ses racines, le mot
est réapparu. Il désigne une personne qui
connaît les alcools forts et les préparations.
Il existe des formations mais pas de diplôme
car le titre n’est pas protégé. » A ne pas
confondre avec le barman donc, « qui
surveille le bar et n’a pas nécessairement
besoin
d’avoir
des
connaissances
spécifiques ». Et de préciser toutefois
qu’outre-Atlantique, les choses sont
différentes puisque les barmans de grands
hôtels jouissent souvent d’une position
prestigieuse et que le « saloon keeper » était
le personnage le plus important du village,
au XIXe siècle.
Dans sa jeunesse, Ben Belmans a suivi la
filière latin-grec. Il espérait intégrer l’école
flamande de formation théâtrale, le Studio
Herman Teirlinck, mais sa famille s’y est
opposée. Il s’est donc orienté vers des études
de droit. C’est en tant que jobiste qu’il
commence à travailler dans l’horeca, aussi
bien en Belgique qu’à l’étranger, dans de petits
bistrots comme dans de grandes brasseries,
sur la plage ou dans de grands restaurants.
Peu à peu, son intérêt pour les vins et le café
grandit jusqu’à ce qu’en 2002, il entre « par
48
hasard », pour la première fois, dans un
véritable bar à cocktails. « L’atmosphère
unique, les centaines de bouteilles... Tout
cela m’a troublé, se souvient-il. J’ai senti que
j’étais dans mon élément. »
L’homme est autodidacte. Un peu par
obligation d’ailleurs puisque, à l’époque de
son apprentissage, il n’existait quasiment
pas de formations – à moins de se rendre
à Londres ou à New York et d’acquérir
un savoir-faire en observant les pros. « La
seule solution était donc de tracer soimême son chemin, rappelle le spécialiste.
L’émergence des médias sociaux a depuis
changé un peu la donne. Facebook
notamment rassemble une communauté
internationale de professionnels qui
échangent des informations, avertissent les
initiés quand il y a des dégustations… » Les
salons permettent aussi de rencontrer des
fabricants et de suivre des ateliers donnés
par des experts. Londres est réputée pour
ce type d’événements mais la manifestation
la plus emblématique du secteur, le Tales
of The Cocktail, se tient à la Nouvelle
Orléans. Là-bas, des prix sont remis par un
jury dont Ben Belmans est le seul membre
originaire du Benelux.
En 2007, le mixologiste décide de suivre un
cursus au WSET, à Londres. Des sommités
telles que Desmond Payne, « master distiller »
du gin Beefeater et fin connaisseur en
whisky, ou l’auteur et critique Dave Broom,
49
y dispensent des sessions sur l’histoire, les
méthodes de distillation… « Cette école
donne le seul cours renommé en matière de
spiritueux et de cocktails. Si vous prévoyez
de postuler à Londres, vous êtes quasiment
obligé d’avoir ce diplôme. J’ai été le premier
en Belgique à l’obtenir. Aujourd’hui, une
trentaine de compatriotes ont suivi la même
voie, ce qui est déjà une belle avancée. » Ben
Belmans déplore cependant le fait que sa
profession soit typiquement masculine…
même si cela change peu à peu comme en
témoigne Hannah Van Ongevalle de The
Pharmacy, à Knokke, qui a attiré l’attention
sur notre nation lors du plus prestigieux
concours de la discipline au monde, le
Diageo World Class.
Pour Ben Belmans, son job est avant tout
une passion : « Je fais ce métier pour voir
le sourire des clients qui dégustent mes
créations. C’est un cliché de penser que
nos mélanges contiennent beaucoup
d’alcool. Comme en pâtisserie, chaque
millilitre compte, tout est question
d’équilibre, à l’instar d’un grand vin. » Le
spécialiste cultive par ailleurs « l’amour »
des ingrédients et le respect des saisons, son
objectif étant clairement de se distinguer sur
le plan créatif. Il constate toutefois un retour
aux racines de son art, avec le come-back de
recettes classiques, à la différence près que
la qualité du spiritueux moyen en 2014 est
nettement supérieure à celle de 1880.
»
LES mixologistes
LES mixologistes
Kentucky paloma
Ingrédients :
40 ml de Bulleit Bourbon, 10 ml de
Lustau Amontillado « Los Arcos »,
30 ml de jus de pamplemousse rose,
10 ml de jus de citron vert, 15 ml de
sirop de grenade, 45 ml de Perrier
Pour la garniture : zeste de
pamplemousse rose
Remplir le verre de glaçons, verser dessus
tous les ingrédients en terminant par le
Perrier, bien mélanger et décorer. Vaporiser
l’essence du zeste en pinçant celui-ci à 10
cm du verre. Frotter le bord du verre avec le
zeste.
Verre : verre highball
« La tendance est à la simplification : nous
partons de la force et de la complexité du
produit de base pour mieux exprimer
ses qualités, analyse-t-il. C’est ce que fait
d’ailleurs Jamie Oliver en gastronomie
aussi : « Cut the crap », retirer tout ce
qui est superflu. Autrefois, les cartes de
boissons étaient très variées et tendaient
à démontrer l’étendue du savoir de leurs
auteurs. Ils utilisaient beaucoup de gadgets
et travaillaient un peu à la manière des
adeptes de la cuisine moléculaire tels que
Ferran Adrià. Tous ces falbalas prennent
beaucoup de temps. Il est plus judicieux de
se consacrer davantage aux gens. »
Très apprécié en tant que consultant en
Belgique et dans le reste de l’Europe, Ben
Belmans (41 ans) ouvrira bientôt, avec
son associé Dieter Van Roy, Bijou Balls &
Booze, un bar 2.0 situé à Anvers. Le duo y
proposera des cocktails simples d’apparence
mais préparés avec les meilleurs spiritueux.
« Ne vous y trompez pas : c’est précisément
dans cette simplicité que réside le défi »,
lance le mixologiste. En effet, lorsqu’il y a
moins d’ingrédients, les détails prennent
toute leur importance. L’endroit mettra
l’accent sur les apéros, très tendance
actuellement, avec une sélection de cocktails
« highball », servis sur des glaçons en forme
de billes et non de cubes pour un contrôle
optimal de la température, et des classiques
de type Manhattan et Dry Martini. Toutes
ces préparations seront vendues dans des
verres un peu plus petits que d’habitude, ce
qui permettra de réduire le prix et d’offrir
à la clientèle « une expérience analogue
à celle de la dégustation de tapas ». Le
troisième atout de la nouvelle institution
sera sans conteste la sélection de spiritueux
50
exclusifs servis au centilitre. « Ce concept,
qui est unique pour le moment au niveau
mondial, permet d’avoir un contrôle absolu
sur la qualité de la boisson mais aussi de
se consacrer plus aux visiteurs, affirme le
propriétaire des lieux. Et c’est finalement de
cela qu’il s’agit : la star du bar, c’est n’est pas
le barman mais le client ! »
Bijou Balls & Booze, 20, Graaf
van Egmontstraat, à 2000 Anvers.
www.bensbar.be
Découvrez la recette sur
www.levifweekend.be/foodexperience
51
LES mixologistes
LES mixologistes
Milano-torino
Ingrédients :
30 ml de Cocchi Storico Vermouth,
30 ml de Rabarbaro Zucca, 90 ml de
Perrier
Pour la garniture : zeste de citron
Remplir le verre de glaçons, verser dessus
tous les ingrédients en terminant par le
Perrier, bien mélanger et décorer. Vaporiser
l’essence du zeste en pinçant celui-ci à 10
cm du verre. Frotter le bord du verre avec le
zeste.
Verre : verre highball
Perrier Saint-Tropez
Ingrédients :
80 ml de Château Saint-Maur
L’Excellence rosé, 10 ml de sirop de
pastèque, 60 ml de Perrier
Pour la garniture : zeste de
pamplemousse rose, tranche d’orange
Remplir le verre de glaçons, verser dessus
tous les ingrédients en terminant par le
Perrier, bien mélanger et décorer. Vaporiser
l’essence du zeste en pinçant celui-ci à 10
cm du verre. Frotter le bord du verre avec le
zeste. Servir avec la tranche d’orange.
Verre : copa (= verre à Bourgogne) ou
verre highball
52
53
LES mixologistes
LES mixologistes
Par pieter van doveren | PHOTOS KRIS VLEGELS
Kristof Burm, le barman philosophe
Animé par la passion de son métier, Kristof Burm aime
expérimenter. Et proposer des alternatives aux grands classiques,
toujours en questionnant le client sur ses goûts personnels. « Un
défi qui me plaît particulièrement », détaille le jeune homme.
C
onnu pour ses prestations
de barman au Cafe
Theatre, à Gand, et au
Josephine’s, à Anvers,
Kristof Burm a également
parcouru le Sri Lanka pour Bols Genever
et Dilmah Tea, et y a tout appris sur le thé
et les cocktails à base de genièvre. Il a par
ailleurs séjourné à Londres pour Bombay
Gin et en Ecosse pour Hendrick’s Gin
mais travaille désormais pour Rodenbach
Rosso, utilisant cette bière fruitée dans
des mélanges qu’il fait découvrir au grand
public via des événements, des ateliers et des
soirées.
« J’ai étudié les langues dans une école
de secrétariat mais mon intérêt pour la
mixologie a vite pris le pas, explique le
trentenaire. J’ai donc suivi des ateliers
en Belgique et à l’étranger – le choix est
vaste en matière d’enseignements courts
dispensés par des barmans de renom. Une
autre alternative consiste à améliorer ses
connaissances en consultant des collègues,
en lisant la littérature spécialisée ou encore
en effectuant des recherches sur le Web.
Mais tout est une question de passion,
de volonté de faire toujours mieux en
proposant des choses innovantes. Dans
mon domaine, ma réputation repose sur
le temps que je consacre à découvrir ce
que désirent mes clients. Je les questionne
54
sur leurs préférences, puis je leur compose
une boisson sur mesure. S’ils réagissent
avec enthousiasme, genre : « Waouh, c’est
exactement ce que je recherchais ! », mon
objectif est atteint. Si malgré tout le résultat
ne plaît pas, je propose quelque chose
d’autre. Mais généralement, en posant les
bonnes questions, il y a peu de risques que
ça arrive.»
Kristof Burm s’autoqualifie de barman,
trouvant prétentieux le terme de mixologiste
souvent utilisé dans la presse. « Ça évoque
pour moi un docteur en médecine ayant
étudié huit ans à l’université ! Pour ma
part, cela fait une douzaine d’années que
j’apprends mon métier… en le pratiquant.
J’ai démarré au Cafe Theater, à Gand.
Vraiment un bel endroit, qui m’a procuré
une riche expérience. En fait, ces années
étaient géniales. » Kristof Burm insiste
sur la motivation qui doit animer tout
barman en devenir. Selon lui, les candidats
à la profession doivent avoir l’esprit ouvert,
être avides d’emmagasiner de nouvelles
connaissances et prêts à participer à des
ateliers.
Quand on lui demande quel cocktail il
a le plus servi dans sa carrière, il répond
sans hésitation : « Le mojito, j’ai bien dû
le préparer un millier de fois. Le plus
difficile est de ne pas se laisser gagner par la
monotonie, c’est pourquoi j’aime proposer
55
des alternatives, toujours en discutant
brièvement avec le client et en me lançant
le défi d’imaginer ce qui lui plaira peut-être
plus que la version classique. Actuellement,
je travaille avec une équipe pour créer
six mélanges différents à base de bières,
boissons qui se marient plutôt bien avec
de nombreux autres ingrédients. Chacune
d’entre elles a ses particularités : il faut goûter
jusqu’à trouver la bonne combinaison. Pour
commencer, vous devez partir de ce que
vous connaissez le mieux : votre expérience.
Puis vous développez mentalement une
recette avant de la tester pour vérifier si le
mélange fonctionne dans la réalité. Reste
ensuite l’ultime mise au point. » Il a fallu
ainsi une demi-journée au jeune homme et
à ses collègues pour finaliser les recettes au
Perrier proposées dans ces pages.
Quand on lui parle de tendances actuelles,
notre expert a une vision plutôt terre à terre
de ce qui anime sa profession. « Tout change
constamment, dit-il. De manière générale,
on constate plutôt une revalorisation du
passé, qui se traduit par un retour aux
grands classiques, comme l’evergreen qui
a été remis au goût du jour et est souvent
présenté de manière contemporaine. Les
barmans le préparent toutefois dans le
respect de la tradition car un cocktail aussi
célèbre n’est pas devenu incontournable
sans raison.
»
LES mixologistes
LES mixologistes
Perrier mint julep
Ingrédients :
4 cl Bourbon, 1 cl de sirop de sucre de
canne, 8 branches de menthe, Perrier
Verser le bourbon avec le sirop de sucre de
canne dans un silver julep cup (tasse argentée traditionnelle), ajouter la menthe et bien
mélanger avec une cuillère de bar. Ajouter de
la glace pilée et mélanger à nouveau. Compléter avec du Perrier. Finir avec une branche de
menthe en décoration.
Beaucoup de versions de ce mélange datent
de l’époque de la prohibition américaine,
lorsque les bars n’étaient plus autorisés
à vendre d’alcool et que les barmans ont
commencé à bosser chez eux ou dans des
speakeasies, des bars clandestins. Mais
aujourd’hui tout va plus vite, tout est
devenu éphémère : les combinaisons créées
de nos jours n’existeront vraisemblablement
plus dans cinq ans. »
Kristof Burm n’hésite pas à mettre en
parallèle l’évolution de son domaine
d’activité et celle de la gastronomie, où les
chefs reviennent aux bases et choisissent
des produits régionaux ou de saison. « En
tant que barman branché, vous pouvez très
bien puiser votre inspiration dans les fruits
ou même dans les légumes oubliés, préciset-il. L’imagination n’a quasi aucune limite.
Mais je pense que l’engouement pour le gin
tonic n’est pas près de s’essouffler, bien qu’il
y ait certainement quelqu’un quelque part
qui travaille déjà à concevoir de nouvelles
tendances. » Parmi celles qu’on pointe
aujourd’hui, retenons le vermouth rouge,
les indémodables mescal et tequila, ainsi
que le genièvre qui fait son come-back dans
les bars. Kristof Burn a récemment imaginé
une recette à base de ce distillat, qu’il
trouve intéressant à plusieurs points de vue.
« Même un genièvre tonic est appréciable.
Il y a trois ans, on m’en a servi un, à base
d’alcool de première qualité dans lequel le
parfum des baies était très marqué. C’était
délicieux, je l’ai d’ailleurs confondu avec
un gin tonic », se rappelle le spécialiste qui
constate également une propension à servir
désormais des boissons moins sucrées, le
56
côté sirupeux et artificiellement coloré des
préparations s’estompant. « Il y a aussi les
clivages liés au sexe, ajoute-t-il. Les femmes
préfèrent bien souvent des mélanges un
peu plus doux et moins alcoolisés, même
s’il ne faut pas généraliser car les breuvages
amers se commandent désormais à tout va
– sans doute une conséquence de plus de ce
retour en force du gin tonic. L’introduction
d’herbes et de fruits frais par les barmans de
renom est aussi une source d’inspiration,
mais cela demande plus de temps. »
Un dernier conseil de pro pour tout qui
désire préparer ses propres cocktails ?
« Choisissez un verre adapté, utilisez de gros
cubes de glace compacts et pas de petits
glaçons qui fondent trop vite, expérimentez
autant que vous le souhaitez, revisitez les
classiques et… goutez beaucoup. »
57
LES mixologistes
LES mixologistes
Perrier delight
Ingrédients:
10 fraises des bois, 4,5 cl de Bombay
Sapphire, 3 cl de jus de citron, 2 cl
de sirop de sucre de canne, 4,5 cl de
Rodenbach Rosso, 4,5 cl Perrier
Ecraser 10 fraises des bois dans un shaker.
Ajouter 4,5 cl de Bombay Sapphire, 3 cl de
jus de citron frais et 2 cl de sirop de sucre de
canne et mélanger. Verser sur des glaçons
dans un verre à long drink et achever avec
4,5 cl de Rodenbach Rosso et 4,5 cl de Perrier.
Mélanger avec une cuillère de bar.
Perrier fusion
Ingrédients :
4,5 cl Tequila Añejo, 9 cl de réduction
de satsuma (sorte de mandarine),
9 cl Perrier
Pour la réduction de satsuma :
¼ l de jus de satsuma fraîchement pressé,
0,7 l de vin blanc doux, 0,4 l de sirop de
sucre de canne, 4 bâtons de cannelle
Mélanger tous les ingrédients de la réduction
de satsuma et réduire à feu doux jusqu’à
obtenir 0,8 l.
Mettre le cocktail en place dans un verre à
long drink avec des glaçons : verser 4,5 cl de
Tequila Añejo et 9 cl de réduction de satsuma,
puis ajouter 9 cl de Perrier.
Découvrez la recette sur
www.levifweekend.be/foodexperience
58
59