Les procédures d`insolvabilité sous le droit luxembourgeois (faillite

Transcription

Les procédures d`insolvabilité sous le droit luxembourgeois (faillite
• Droit commercial
Les procédures d’insolvabilité sous le
droit luxembourgeois (faillite, gestion
contrôlée, concordat, sursis de
paiement) et la période suspecte
(articles 445 et 446 du Code de
Commerce)
Jean-Michel Schmit,
Avocat à la Cour et Associé, NautaDutilh Avocats Luxembourg
Nicolas Bonora,
Avocat, NautaDutilh Avocats Luxembourg
Avec la crise économique et financière, les avocats de la place sont désormais plus fréquemment amenés à aviser
au sujet des procédures d’insolvabilité sous le droit luxembourgeois. La présente étude en dresse le panorama,
sans cependant avoir vocation à en présenter les moindre arcanes.
L’étude est limitée aux sociétés (i) constituées au Luxembourg, (ii) dont le centre des intérêts principaux se situe
au Luxembourg et (iii) qui ne relèvent pas d’une loi spéciale. Elle se cantonnera donc à un cadre strictement
national, la faillite en droit international privé faisant l’objet d’un large développement dans la présente
édition de la revue ACE sous la plume de Donata Grasso et Bénédicte Kurth.
Les principales options qui s’ouvrent aux sociétés en difficulté sont les suivantes: (i) la faillite qui est régie par
les articles 437 à 592 du Code de Commerce; (ii) la gestion contrôlée telle que prévue par un arrêté grand-ducal
du 24 mai 1934; (iii) le sursis de paiement régi par les articles 593 à 614 du Code de Commerce; et (iv) le
concordat régi par les articles 508 à 527 du Code de Commerce.
Il existe certaines autres procédures d’insolvabilité plus spécifiques, tels que la procédure de surendettement
applicable aux particuliers, les procédures propres aux établissements financiers sous la loi de 1993 relative au
secteur financier et les procédures d’assainissement et de réorganisation applicables à la profession du notariat.
Ces procédures ne seront pas traitées dans cet article.
Nous nous intéresserons tout d’abord au régime général de la faillite qui est la procédure d’insolvabilité la plus
répandue (1), avant d’aborder les autres procédures d’insolvabilité applicables et en présenter le mécanisme et
les caractéristiques essentielles (3). En deuxième partie, un coup de projecteur particulier sera porté sur la
notion de période suspecte, notion clef du droit des faillites (2).
1. Le régime général de la
faillite
1.1. Les conditions de la faillite
L’article 437 du Code de Commerce dispose que
« tout commerçant qui cesse ses paiements et dont le
crédit se trouve ébranlé est en état de faillite ».
L’application du régime de la faillite du Code de Commerce présuppose donc que l’on soit en présence
d’un commerçant. Cette qualité est reconnue de
facto à toute société commerciale.
Au jour où le tribunal statue, deux conditions doivent
être cumulativement réunies: (i) la cessation des
paiements et (ii) l’ébranlement du crédit.
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La cessation des paiements se définit comme l’impossibilité dans laquelle se trouve le commerçant de
faire face à ses engagements 1. Ceci suppose impayées des dettes certaines, liquides et exigibles 2. Il
n’est pas nécessaire que le commerçant ait cessé tous
ses paiements et il est intéressant de constater que le
défaut de paiement d’une seule dette suffit pour établir l’état de cessation de paiement dès lors que
celle-ci présente une certaine importance et est certaine, liquide et exigible 3. Une simple gêne financière momentanée est quant à elle cependant insuffisante pour caractériser l’état de cessation de paiements.
L’ébranlement du crédit se traduit par l’impossibilité
pour le débiteur d’obtenir du crédit. Aux termes de la
jurisprudence, celui-ci peut provenir tant de l’impossibilité pour le débiteur d’obtenir de l’argent frais
pour payer ses dettes et ainsi mettre fin à la cessation de paiements, que du refus des créanciers d’accorder des délais de paiement 4.
1.2. L’ouverture de la faillite
Aux termes de l’article 440 du Code de Commerce, le
Tribunal de Commerce compétent en matière de faillite est celui du domicile du commerçant ou de son
siège social. On entend par siège social, le lieu où le
débiteur possède effectivement son principal établissement, son centre d’activités. Il ressort d’une décision du Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg
siégeant en matière commerciale que les juridictions
luxembourgeoises peuvent déclarer en faillite une
succursale luxembourgeoise d’une société étrangère
s’il est établi que le siège social à l’étranger est fictif et que le siège du principal établissement avec le
centre d’activité le plus important se trouve au siège
de la succursale luxembourgeoise 5.
Ensuite, l’article 442 du Code de Commerce prévoit
qu’une société peut être déclarée en état de faillite
soit (i) sur aveu des directeurs de la société; soit (ii)
sur assignation d’un ou plusieurs créanciers; ou enfin
(iii) d’office par le Tribunal.
1. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 19 avril
1991, n° 40318 du rôle.
2. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 14 janvier
1972, Pas 22, 306; Cour d’appel de Luxembourg, 2 octobre
1996, n° 17936 et 18523 du rôle.
3. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 5 février
1982, faillite n° 6/82.
4. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 20 juin
1986, n° 36964 du rôle; 19 avril 1991, n° 40318 du rôle.
5. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 14 novembre 1997, n° 47753 du rôle.
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1.3. Le rôle des différents
intervenants de la faillite
En vertu de l’article 635 du Code de Commerce, la
compétence en matière de faillites revient au Tribunal d’Arrondissement siégeant en matière commerciale. Sa compétence s’étend du prononcé de l’ouverture de la faillite jusqu’au prononcé de sa clôture.
C’est également ce tribunal qui est compétent pour
trancher les litiges qui peuvent naître de la faillite.
Le rôle principal en cas de faillite est joué par le
curateur désigné par le tribunal. Celui-ci se voit confier l’administration des biens de la faillite. Sa mission est de réaliser les biens du débiteur et de répartir le produit de leur réalisation entre les différents
créanciers en respectant leur rang. A partir du jugement déclaratif, la société en faillite est représentée
et peut agir que par le seul curateur. La société en
faillite est dessaisie de l’administration de ses biens
et ne peut plus accomplir de paiement, opérations ou
autres actes sur les biens de la faillite. Seul le curateur pourra agir en justice au nom et pour le compte
de la société en faillite, que ce soit comme demandeur et défendeur. Il continue les procès en cours.
Le rôle joué par le curateur est hybride puisqu’il doit
agir dans le double-intérêt de la société faillie et de
la masse de créanciers. Il exerce ses fonctions sous le
contrôle du juge-commissaire qui est lui aussi nommé
par le Tribunal d’Arrondissement siégeant en matière
commerciale.
1.4. Les conséquences de
l’ouverture de la faillite
A. Le régime des contrats en cours
Le principe est celui de la continuation des contrats
conclus avant le jugement déclaratif de faillite. Le
curateur doit respecter les contrats s’ils remplissent,
au jour de la faillite, les conditions de droit commun
de l’opposabilité aux tiers.
Le curateur doit toutefois s’assurer que l’exécution
du contrat est favorable à la masse des créanciers.
S’il estime nécessaire de mettre un terme à un
contrat, il devra le faire en respectant les conditions
prévues par celui-ci. Dans certains cas, l’autorisation
du juge-commissaire sera nécessaire (art. 543 et 571
du Code de Commerce).
B. Effets sur les contrats de travail
Il résulte des termes de l’article L-125-1 du Code du
Travail que la faillite a pour conséquence de mettre
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un terme avec effet immédiat aux contrats de travail.
Chaque salarié a toutefois droit au maintien des
salaires ou traitements se rapportant au mois de la
survenance de la faillite et au mois subséquent. Par
ailleurs, conformément à l’article 125-1 du Code du
Travail, les salariés se voient attribuer une indemnité
égale à 50 % des mensualités se rapportant au délai
de préavis auquel le salarié aurait pu prétendre. Il
convient toutefois de préciser que l’indemnité totale
attribuée au salarié ne peut dépasser celle à laquelle
il aurait eu droit en cas de licenciement avec préavis.
C. La situation des créanciers
Le principe d’égalité des créanciers constitue l’une
des pierres angulaires du droit des faillites luxembourgeois.
Les créanciers chirographaires ne sont plus en mesure de réaliser leurs droits à l’encontre de la société
en faillite et ce à compter du jour du prononcé de la
faillite. Ces créanciers constituent ainsi ce qu’on
appelle la masse des créanciers. L’ensemble des biens
et droits du failli forme alors le patrimoine à partager
entre les créanciers, c’est à dire une masse spécialement affectée à leur désintéressement. On distingue
alors créanciers dans la masse et créanciers de la
masse.
Les dettes relatives à la gestion de la masse sont des
dettes dites de la masse. Les dettes de la masse sont
considérées comme « superprivilégiées » puisqu’elles
seront payées avant toutes les autres dettes. Parmi
les dettes de la masse on trouve notamment les frais
encourus par le curateur, ainsi que ses frais et honoraires, les frais de conservation du patrimoine du
failli, les loyers échus postérieurement au prononcé
de la faillite, etc.
Par ailleurs, il y a une suspension des poursuites individuelles et voies d’exécution contre la société en
faillite. Certains créanciers privilégiés peuvent toutefois agir en mettant le curateur en cause. C’est le cas
notamment du créancier hypothécaire. L’exercice des
droits conférés au créancier bénéficiant d’un gage
sous la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie
financière n’est quant à lui pas suspendu par la faillite. Ce dernier point fait l’objet d’une étude approfondie dans ce même numéro, sous la plume de
Danielle Kolbach et Vassiliyan Zanev.
Il convient de noter qu’en vertu de la loi, certaines
créances bénéficient d’un privilège. Les créanciers
qui bénéficient d’un tel privilège sont qualifiés de
créanciers privilégiés.
Il est ainsi prévu que les salaires dus au titre des six
mois de travail précédant la déclaration de faillite
ainsi que les montants résultant de la rupture du
contrat de travail sont considérées comme privilégiées au même rang que le privilège établi par l’article 2101 du Code Civil. Les salariés sont ainsi créanciers privilégiés de premier rang. Ces créances sont
garanties par le Fonds pour l’emploi. Le montant de
ce privilège n’est toutefois pas illimité puisque son
plafond est fixé à un montant égal au sextuple du
salaire social minimum de référence.
Les créances de la Sécurité Sociale et des autorités
fiscales sont également privilégiées. De même, les
bénéficiaires de garanties financières, tels que les
créanciers gagistes ou hypothécaires, ont le statut de
créanciers privilégiés.
Il convient également de relever que la loi du 31 mars
2000 sur les effets des clauses de réserve de propriété
prévoit qu’une telle clause conserve ses effets à l’égard de la masse des créanciers en cas de faillite du
débiteur. Cette clause prévoit que le vendeur du bien
en reste propriétaire jusqu’à complet paiement du
prix par l’acheteur. Celle-ci se révèle particulièrement intéressante pour le vendeur en cas de faillite
puisqu’il bénéficie d’une forme de privilège, dans la
mesure où il peut reprendre possession du bien vendu
au failli mais non encore complètement payé par ce
dernier.
D. La réalisation des actifs
L’article 477 alinéa 1er du Code de Commerce prévoit
que le curateur peut, sur autorisation du juge-commissaire, vendre immédiatement les objets sujets à
dépérissement prochain ou à dépréciation imminente. A cette fin, il suffit pour le curateur de saisir le
juge-commissaire par voie de requête ou même par
simple lettre. Pour les autres objets mobiliers,
l’alinéa 2 de l’article 477 prévoit que le curateur ne
pourra les vendre que sur autorisation du tribunal, sur
rapport du juge-commissaire et le failli entendu ou
dûment appelé. Le tribunal déterminera le mode et
les conditions de la vente.
1.5. La responsabilité des dirigeants
A. La responsabilité civile
La loi du 21 juillet 1992 a introduit en droit luxembourgeois deux actions spécifiques en cas de faillite
permettant d’étendre la faillite aux dirigeants d’une
personne morale faillie, respectivement de condamner un dirigeant social à combler une partie du passif
de la faillite. Il est intéressant de relever, à titre liminaire, que la loi vise toujours un « dirigeant de droit
ou de fait, apparent ou occulte, qu’il s’agisse d’une
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personne physique ou d’une personne morale ». Ceci
nous amène donc à considérer qu’un actionnaire se
comportant dans les faits comme un dirigeant de la
société pourrait à son tour engager sa responsabilité.
L’article 495 du Code de Commerce prévoit qu’après
déclaration en faillite, tout dirigeant de droit ou de
fait peut être déclaré personnellement en faillite si
l’une des conditions prévues à cet article est remplie.
Il peut ainsi y avoir une extension de la faillite au
dirigeant dans les trois cas suivants: (i) si le dirigeant
a fait, sous le couvert de la société masquant ses agissements, des actes de commerce dans un intérêt
personnel, ou (ii) si le dirigeant a disposé des biens
sociaux comme des siens propres ou (iii) s’il a poursuivi abusivement, dans son intérêt personnel, une
exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à
la cessation des paiements de la personne morale.
L’effet recherché de l’extension de la faillite au dirigeant est ainsi de sanctionner celui qui a détourné
une société à des fins personnelles.
Lorsque le tribunal fait droit à une telle action, le
passif de la faillite du dirigeant comprend alors, outre
son passif personnel, celui de la société dont il est
dirigeant et la date de cessation des paiements est
celle fixée par le jugement ayant prononcé la faillite
de la société. Il apparaît utile de préciser ici que pour
prononcer l’extension de la faillite au dirigeant, le
tribunal doit constater que celui-ci a personnellement cessé ses paiements et que son crédit est
ébranlé. Il doit en outre avoir eu la qualité de commerçant dans les six mois précédant la déclaration de
sa faillite.
L’article 495-1 prévoit de son côté une action en comblement de passif à l’encontre du dirigeant de société
fautif. Ce dernier, qu’il soit dirigeant de droit ou de
fait, doit s’être rendu coupable d’une faute grave et
caractérisée ayant contribué à la faillite. Il s’agit
donc d’une responsabilité pour faute prouvée. La
notion de faute grave et caractérisée ne connaît par
ailleurs pas de définition légale. Il appartient alors
aux tribunaux de déterminer si oui ou non une faute
est suffisamment grave ou caractérisée pour justifier
une telle action. Il ressort ainsi de la jurisprudence
récente que, peuvent être considérées comme des
fautes graves ou caractérisées, l’absence de tenue
régulière de comptabilité 6, l’aveu tardif de la cessation de paiement 7 ou encore le non-paiement des
créanciers publics permettant ainsi d’utiliser d’un
6. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 26 février
1999, n°48414 du rôle.
7. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 2 avril 1999,
n°48903 du rôle.
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faux crédit auprès du public 8. Il est intéressant de
souligner que si cette faute doit avoir un lien causal
avec la faillite puisqu’elle doit avoir « contribué » à
celle-ci, l’article ne prévoit en revanche pas que
celle-ci doive avoir un lien causal avec l’insuffisance
d’actif qu’a fait apparaître la faillite.
Cette action ne peut être intentée que par le curateur de la faillite et se prescrit par trois ans à partir
de la vérification définitive des créances. Le tribunal
appréciera souverainement le montant à mettre à la
charge des dirigeants et il le fera en fonction de la
gravité des fautes commises par ces derniers.
En cas de faute grave et caractérisée, les dirigeants
de droit ou de fait de la société déclarée en faillite,
associés ou non, apparents ou occultes, rémunérés ou
non encourent également une interdiction professionnelle. L’action en interdiction professionnelle est prévue par l’article 444-1 du Code de Commerce.
Enfin, lorsque l’on se trouve en présence d’administrateurs de société anonymes ou de gérants de
société à responsabilité limitée déclarées en faillite,
leur responsabilité peut être recherchée par le biais
des articles 59 et 192 de la loi du 10 août 1915. La
responsabilité de l’administrateur ou du gérant
tombe alors sous les règles du mandat.
Par ailleurs, le curateur peut également rechercher la
responsabilité de tiers à l’égard de la masse des
créanciers. L’application des règles ordinaires de la
responsabilité aquilienne des articles 1382 et 1383 du
Code Civil trouvent à s’appliquer. Il pourrait par
exemple s’agir de la faute commise par une banque 9,
un comptable ou un réviseur.
B. La responsabilité pénale
Les dirigeants de sociétés peuvent également voir
leur responsabilité pénale engagée en cas de faillite
et ce sur le fondement des articles 573 à 578 du Code
de Commerce qui traitent de la banqueroute simple
et de la banqueroute frauduleuse. Peuvent ainsi être
constitutifs de banqueroute simple, l’aveu tardif de
faillite, le fait de ne pas répondre aux convocations
du curateur ou du juge-commissaire, ou encore le
défaut de tenue d’une comptabilité conforme aux
prescriptions de la loi sur les sociétés commerciales.
Les cas de banqueroute frauduleuse sont eux repris à
l’article 577 et doivent nécessairement faire apparaître l’intention dolosive de leur auteur 10.
8. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 12 février
2003, N°71584,71677 et 73039 du rôle.
9. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 7 décembre
1990, n°428/90.
10. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 10 juillet
1998, n°47886, 47887 et 48049 du rôle.
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1.6. La clôture de la faillite
Avant la clôture de la faillite, le curateur doit obligatoirement convoquer les créanciers à la reddition des
comptes et il doit dresser un projet de répartition des
actifs qu’il soumet au juge-commissaire. Une fois les
montants redus aux créanciers payés, le curateur
peut alors présenter une requête en clôture de la
faillite
En cas d’insuffisance d’actif, c’est-à-dire dès que
l’actif de la faillite est insuffisant pour couvrir les
frais d’administration et de liquidation de la faillite,
le curateur déposera une requête en clôture de la
faillite au Tribunal d’Arrondissement compétent qui
prononcera, le cas échéant, la clôture de la faillite. Il
est à noter que la faillite, même pour insuffisance
d’actif, ne peut pas être clôturée dans les six mois du
jugement déclaratif de faillite.
2. La période suspecte
2.1. Notion et détermination de la
période suspecte
La notion de période suspecte est l’une des pierres
angulaires du droit des faillites luxembourgeois puisque les actes posés par le failli durant cette période
peuvent être remis en cause. Il s’agit d’éviter que le
failli puisse passer un certain nombre d’actes avant sa
mise en faillite qui seraient préjudiciables aux droits
des créanciers. La notion de période suspecte a donc
été prévue pour sauvegarder les intérêts de ces derniers.
L’article 445 du Code de Commerce prévoit ainsi la
nullité d’un certain nombre d’actes et d’opérations
lorsqu’ils auront été réalisés par le failli depuis l’époque déterminée par le tribunal comme étant celle de
la cessation de ses paiements ou dans les dix jours qui
auront précédé cette époque. La période suspecte ne
peut toutefois pas remonter à plus de six mois avant
le jugement déclaratif de faillite. En pratique, le tribunal fixe d’une façon quasiment systématique son
début à six mois avant la faillite.
2.2. Annulation de certains actes
accomplis par le failli
Les actes et opérations visés à l’article 445, et dont
la nullité pourra être demandée, sont les suivants :
(i) tous actes translatifs de propriété mobilière ou
immobilière à titre gratuit, ainsi que tous autres
actes qui présenteraient un caractère de libéralité;
(ii) les paiements pour dettes non échues; (iii) les
paiements pour dettes échues faits autrement qu’en
espèces ou effets de commerce et enfin (iv) le fait de
donner des sûretés pour des dettes contractées antérieurement au début de la période suspecte. Il
convient toutefois de noter que ce dernier cas ne
s’applique pas aux hypothèques et privilèges légaux.
Sont en revanche visées toutes dettes, quelque soit
leur nature, contractées antérieurement à l’acte
constitutif de la sûreté. On cherche à éviter que le
failli avantage un créancier par rapport aux autres,
en lui donnant une sûreté postérieurement à la naissance de sa créance.
Précisons également que dans le cas prévu sub. (iii) il
s’agit d’éviter toute dation en paiement 11, c’est-àdire la remise d’une chose différente de celle qui
faisait l’objet de l’obligation. Une telle dation ferait
sortir des actifs du patrimoine du débiteur et pourrait
ainsi être particulièrement préjudiciable aux intérêts
des créanciers.
En revanche, suite à l’introduction de la loi du 5 août
2005 sur les contrats de garantie financière, qui a
généralisé la compensation et les clauses de connexité, on admet que la compensation entre commerçants et personnes commerçantes ou non commerçantes, lorsqu’elle a fait l’objet d’une convention
entre les parties avant la faillite, est à considérer
comme valable en cas de faillite et est opposable au
curateur et à tous tiers. En l’absence de convention
valable, si la compensation est intervenue en période
suspecte, elle devra être considérée comme nulle.
Dans les différents cas prévus à l’article 445, la nullité est automatique. Ceci n’est pas aussi direct pour
les actes prévus à l’article 446. Ici la nullité est facultative, cet article prévoyant en effet que certains
actes « pourront être annulés » si certaines conditions sont réunies. Les actes visés par l’article 446
sont les paiements faits par le débiteur pour dettes
échues ainsi que tous autres actes à titre onéreux. Ils
peuvent être annulés, si ceux qui ont traité avec le
débiteur avaient connaissance de la cessation de
paiements de ce dernier. L’application de cet article
est particulièrement malaisée puisqu’il convient non
seulement de prouver que le créancier avait
conscience des difficultés financières du débiteur,
mais encore qu’il avait connaissance de la cessation
de paiements. Il appartient en outre au curateur de
prouver que la masse a subi un préjudice du fait de
l’acte litigieux en question. L’acte doit ainsi avoir
rompu l’égalité des créanciers et il s’agit pour les
11. V. sur ce point, Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 8 janvier 1999, nº 48300 du rôle; Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 3 décembre 1999, nº45990 du
rôle.
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juges d’apprécier si le tiers était ou non de bonne
foi 12.
B. La loi du 22 mars 2004 sur la
titrisation
L’article 447 du Code de Commerce règle plus particulièrement le cas des droits d’hypothèque et de privilège. Ceux-ci peuvent être valablement inscrits jusqu’au jour du jugement déclaratif de la faillite.
Toutefois, les inscriptions prises dans les dix jours qui
ont précédé l’époque de la cessation de paiements ou
postérieurement, peuvent être déclarées nulles, s’il
s’est écoulé plus de quinze jours entre la date de
l’acte constitutif de l’hypothèque ou du privilège et
celle de l’inscription. Il s’agit ici de sanctionner la
négligence grave d’un créancier en tant qu’elle est
susceptible de nuire aux tiers.
Une autre exception de taille à la période suspecte
est prévue dans la loi du 22 mars 2004 sur la titrisation. Cette loi contient des dispositions spécifiques
gouvernant la faillite du cédant lorsque des créances
futures sont cédées à un organisme de titrisation.
L’article 55 prévoit en effet que la cession d’une
créance future est subordonnée à sa naissance, mais
lorsque celle-ci survient, elle prend effet entre parties et devient opposable aux tiers dès le moment de
l’accord de cession, sauf stipulation contraire de
celui-ci et ce nonobstant l’ouverture d’une faillite ou
de toute autre procédure collective à l’encontre du
cédant avant sa naissance. Cette dernière disposition
offre donc au cessionnaire de la créance future une
protection exceptionnelle en cas de faillite du cédant
et ce malgré les règles de la période suspecte. En
effet, même si la cession devient effective lorsque le
cédant se trouve en période suspecte, cette cession
de créance demeure parfaitement valable et exécutoire.
Enfin, l’article 448 prévoit la nullité de tous actes ou
paiements faits en fraude des créanciers et ce quelle
que soit la date à laquelle ils ont eu lieu. Il faut donc
un préjudice éprouvé par les créanciers et le curateur
doit en outre prouver la fraude du débiteur. Une
volonté caractérisée de nuire n’a pas à être établie,
il suffit de prouver que l’acte était anormal et que le
débiteur a agi en sachant qu’il portait préjudice aux
créanciers 13.
2.3. Exceptions à la période
suspecte
Deux exceptions majeures aux règles de la période
suspecte existent en droit luxembourgeois et sont
prévues dans des lois spéciales.
3. Panorama des autres
procédures d’insolvabilité
applicables en droit
luxembourgeois
3.1. La gestion contrôlée
A. La loi du 5 août 2005 sur les
contrats de garantie financière
Cette procédure a été introduite dans la législation
luxembourgeoise par un arrêté grand-ducal du 24 mai
1935.
La loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie
financière prévoit une exception importante aux
règles de la période suspecte et accroît considérablement la protection des titulaires de sûretés prévues
par cette loi. L’article 21 leur permet ainsi de réaliser leur sûreté et ce malgré la faillite du débiteur. Les
règles de la période suspecte (et en particulier celles
de l’article 445) ne leur sont donc pas applicables.
Nous n’entrerons pas ici dans les détails de cette
exception et du mécanisme de l’article 21 puisque
Danielle Kolbach et Vassiliyan Zanev y consacrent un
large développement dans ce même numéro.
Elle reste relativement peu utilisée, mais peut s’avérer extrêmement intéressante pour une société qui
rencontre des difficultés momentanés pour faire face
à ses obligations, mais où il existe une perspective
certaine de redressement. La société peut alors réorganiser ses affaires grâce à la gestion contrôlée. Elle
peut aussi permettre, si les perspectives sont plus
sombres, de réaliser les actifs de la société en préparant un projet de réalisation de l’actif qui soit le plus
respectueux possible de l’intérêt de tous les créanciers.
12. Tribunal
1997, nº
13. Tribunal
1997, nº
d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 17 janvier
44113 du rôle.
d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 11 juillet
46914 du rôle.
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Par ailleurs, il est rare que le Tribunal d’Arrondissement siégeant en matière commerciale fasse droit à
des requêtes en gestion contrôlée. On constate également que très peu de gestions contrôlées aboutissent et qu’elles se terminent bien souvent par une
faillite.
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A. Conditions d’ouverture
Aux termes de l’article 1er de l’arrêté grand-ducal du
24 mai 1935, un commerçant peut demander le bénéfice de la gestion contrôlée si son crédit est ébranlé
ou si l’exécution intégrale de ses engagements est
compromise. Ces deux conditions ne sont donc pas
cumulatives.
Ce même article prévoit que la gestion contrôlée peut
être demandée par le commerçant soit en vue de la
réorganisation de ses affaires, soit de la bonne réalisation de son actif.
Il ressort de la jurisprudence que le débiteur qui
demande à bénéficier de la gestion contrôlée doit en
outre être de bonne foi. Il ne s’agit pas d’une condition de fond, mais la bonne foi doit exister et c’est le
tribunal qui apprécie son existence. Pour que le commerçant puisse être qualifié de mauvaise foi, il doit
s’être rendu coupable de fautes lourdes ou d’irrégularités graves 14 et il ne mérite alors pas de bénéficier
de la gestion contrôlée. Cette bonne foi doit exister
dans le chef du demandeur non seulement lors du
dépôt de la requête, mais également durant toute la
procédure en gestion contrôlée lorsque celle-ci est
accordée 15.
Enfin, quant aux conditions d’ouverture proprement
dites, il ressort de la jurisprudence que pour qu’une
entreprise puisse bénéficier du régime de la gestion
contrôlée, il faut qu’il existe une possibilité de réorganisation de cette entreprise de nature à améliorer
la marche des affaires et à diminuer le passif 16. De
surcroît, pour pouvoir être admis au bénéfice de la
gestion contrôlée, le débiteur doit faire des propositions suffisamment concrètes et réalistes en vue
d’améliorer la marche des affaires et à diminuer le
passif 17.
B. Ouverture de la gestion contrôlée
La requête en gestion contrôlée n’est pas recevable
lorsque la faillite du requérant a été déclarée par un
jugement coulé en force de chose jugée. Elle doit être
déposée au greffe du Tribunal d’Arrondissement siégeant en matière commerciale compétent. Le tribunal
entend le requérant et examine la requête en chambre du conseil. Si le tribunal estime que la mesure sollicitée peut soit assurer progressivement l’assainissement et l’exercice normal du commerce du requérant,
14. Cour d’appel de Luxembourg, 17 février 1982, Reding et
Kunsch; Cour d’appel de Luxembourg, 10 février 1982, Pas. 25,
301.
15. Cour d’appel de Luxembourg, 24 mars 1982, nº6376 du rôle.
16. Cour d’appel de Luxembourg, 9 juillet 1980, nº W.B./Halubek
Associates.
17. Cour d’appel de Luxembourg, 19 novembre 1981.
soit rendre meilleures les conditions de réalisation de
l’actif, il va déléguer l’un de ses juges pour lui faire
rapport sur la situation du commerçant (article 2). Le
juge délégué peut se faire assister d’un expert pour
mener à bien sa mission de vérification. Une fois le
rapport du juge délégué déposé, le tribunal se réunit
alors une nouvelle fois en chambre du conseil pour
entendre le requérant puis statue en audience publique en décidant soit de (i) rejeter la requête, soit de
(ii) placer la gestion du patrimoine du requérant sous
le contrôle d’un ou de plusieurs commissaires.
C. Procédure et rôles des différents
intervenants
Les commissaires nommés par le tribunal ont pour
mission de faire dresser l’inventaire des biens dépendant de la gestion contrôlée ainsi qu’un état de la
situation active et passive du commerçant.
Ils doivent établir dans le délai fixé par le tribunal
soit un projet de réorganisation du commerce du
requérant, soit un projet de réalisation et de répartition de l’actif (article 6). Ce projet est alors communiqué aux créanciers et ces derniers doivent faire
parvenir au greffe du tribunal leur adhésion ou leur
opposition dans les quinze jours de sa communication
ou, le cas échéant, de sa publication.
Le tribunal n’approuve le projet des commissaires que
si plus de la moitié des créanciers représentant, par
leurs créances non contestées par les commissaires,
plus de la moitié du passif ont donné leur adhésion
(art 8 alinéa 5). Les créanciers qui s’abstiennent sont
comptés parmi les adhérents au projet. Ce jugement
approuvant le projet des commissaires est obligatoire
pour le commerçant, pour les créanciers de celui-ci,
pour les codébiteurs solidaires et les cautions.
Si en revanche le tribunal estime ne pas pouvoir
approuver le projet des commissaires, il rejette alors
la requête, mais peut aussi assigner aux commissaires
un bref délai dans lequel ces derniers seront chargés
de dresser un nouveau projet.
D. La situation des créanciers
Le projet des commissaires doit tenir équitablement
compte de tous les intérêts en présence et doit respecter le rang des privilèges et hypothèques tel qu’il
résulte de la loi. Il résulte de la jurisprudence que
bien que l’arrêté grand-ducal ne s’exprime pas
expressément sur ce sujet, il existe bien une masse
des créanciers dans le cadre de la gestion contrôlée
et ce dans la mesure où les droits des créanciers se
cristallisent à l’ouverture de la procédure, formant
ainsi une masse. Dès lors, il est possible d’établir le
ACE • n° 6 • juin 2009 • page 9
• Droit commercial
même distinguo qu’en matière de faillites entre
dettes de la masse et dettes dans la masse 18.
Par ailleurs, les commissaires nommés par le tribunal
ont qualité pour demander la nullité de tous actes ou
paiements qui seraient faits en fraude des droits des
créanciers, conformément à l’article 448 du Code de
Commerce et demander la nullité de tout acte qui
serait fait en fraude de l’arrêté grand-ducal du 24
mai 1935.
E. La situation du débiteur
A partir de la décision du tribunal qui délègue un juge
pour faire un rapport sur la situation du débiteur, il y
a de plein droit au profit de ce dernier sursis à tous
actes ultérieurs d’exécution même par les créanciers
hypothécaires, privilégiés ou gagistes. La loi ne défend donc que les actes ultérieurs d’exécution et il
reste donc permis aux créanciers de faire tous les
actes conservatoires de leurs droits.
Il résulte également de l’article 3, qu’à compter de
cette même décision, le débiteur ne peut, à peine de
nullité, aliéner, constituer des gages ou hypothèques,
s’engager ou recevoir un capital mobilier sans l’autorisation écrite du juge délégué. Par ailleurs, en vertu
de l’article 5, dès que le tribunal fait droit à la requête en gestion contrôlée et que la gestion du patrimoine du débiteur est placée sous le contrôle d’un ou
de plusieurs commissaires, le débiteur ne peut alors
plus, à peine de nullité, sans l’autorisation des commissaires, aliéner, engager ou hypothéquer ses biens
meubles ou immeubles, plaider, transiger ou emprunter, recevoir aucune somme, faire aucun paiement, ni
se livrer à aucun acte d’administration.
Il s’ensuit que les commissaires jouent un rôle central
dans la gestion contrôlée. Ces derniers doivent agir
d’un commun accord avec le débiteur, ce qui peut
parfois donner lieu à des problèmes 19. Les commissaires peuvent engager leur responsabilité s’ils commettent des erreurs d’appréciation lorsqu’ils dressent
l’inventaire des biens dépendant de la gestion contrôlée ainsi que l’état de la situation active et passive
du débiteur.
F. Faillite du requérant
Si la gestion contrôlée aboutit, la société va alors
continuer à exister et va pouvoir poursuivre son activité. Sinon, la faillite de la société sera prononcée.
18. Cour d’appel de Luxembourg, 11 juillet 1984, n°7145 du rôle;
Cour d’appel de Luxembourg, 26 février 1986, n°8264 du rôle.
19. V. sur ce point, Cour d’appel de Luxembourg, 24 juin 2005,
affaire Luxembourg Consulting Food S.A.
ACE • n° 6 • juin 2009 • page 10
Le tribunal peut prononcer la faillite du requérant en
gestion contrôlée soit après le rejet du rapport déposé par le juge-délégué, soit après rejet de la requête en gestion contrôlée suite à l’établissement du
projet par les commissaires.
Par ailleurs, conformément à l’article 4, lorsque le
tribunal constate que le requérant se trouve en état
de cessation de paiement, il détermine alors l’époque
à laquelle a eu lieu la cessation de paiement et cette
date ne peut être fixée à une date de plus de six mois
antérieurs au dépôt de la requête. Cependant, la
faillite ne peut être prononcée qu’après la décision
définitive de rejet du rapport du juge-délégué intervenue ou du rejet pur et simple de la requête du
débiteur ou encore du rejet du projet des commissaires.
3.2. Le sursis de paiement
Les dispositions relatives au sursis de paiement figurent aux articles 593 à 614 du Code de Commerce.
Cette procédure d’insolvabilité est rarement utilisée
en pratique.
Elle ne doit pas être confondue avec le régime du sursis de paiement applicable aux établissements financiers et dont les dispositions figurent dans la loi de
1993 relative au secteur financier.
Peut-être le fait que le régime du sursis de paiement
spécifique aux établissements financiers a été récemment appliqué à plusieurs banques de la place, va
conduire les tribunaux à également accepter plus
facilement l’application du régime de sursis de paiement de droit commun.
A. Conditions
Conformément à l’article 593 du Code de Commerce,
le sursis de paiement peut être accordé au commerçant qui, par suite d’événements extraordinaires
et imprévus, est contraint de cesser temporairement
ses paiements, mais qui, d’après son bilan dûment
vérifié, a des biens ou moyens suffisants, pour satisfaire tous ses créanciers en principal et intérêts. Cet
article prévoit également que le sursis de paiement
peut aussi être accordé si la situation du commerçant, bien qu’actuellement déficitaire, renferme
des éléments sérieux de rétablissement de l’équilibre
entre l’actif et le passif.
Il s’agit de permettre à un commerçant de faire face
à une gêne momentanée en l’autorisant à surseoir à
payer ses créanciers pendant un temps déterminé. Ce
sursis doit lui permettre de sortir de cette impasse et
de payer ensuite ses créanciers. Il ne peut être
• Droit commercial
accordé que si la situation du commerçant présente
des garanties d’amélioration certaine lui permettant
de faire face à son passif.
Le régime du sursis de paiement ne peut par ailleurs
plus être accordé une fois la procédure de faillite
ouverte.
La Cour, lorsqu’elle accorde le sursis, en fixe la durée
et nomme un ou plusieurs commissaires chargés de
surveiller et de contrôler les opérations du débiteur
pendant toute la durée du sursis. Cet arrêt est publié
dans les conditions prévues à l’article 601 du Code de
Commerce. Ce sursis peut être prolongé et ce en suivant la procédure prévue à l’article 600 du Code de
Commerce.
B. Procédure et rôles des différents
intervenants
C. La situation des créanciers
Le débiteur doit adresser une requête en sursis de
paiement simultanément au Tribunal de Commerce
dans l’arrondissement duquel il est domicilié et à la
Cour Supérieure de Justice.
Conformément à l’article 605 du Code de Commerce,
le sursis ne s’applique qu’aux engagements contractés par le débiteur avant l’obtention du sursis de
paiement.
Le Tribunal d’Arrondissement siégeant en matière
commerciale nomme un ou plusieurs experts qui
procéderont à la vérification de l’état des affaires du
débiteur et un de ses juges pour en surveiller les opérations. Il s’agit du juge-commissaire.
Il est important de relever que le sursis de paiement
ne s’applique pas aux créanciers privilégiés. Ceux-ci
sont listés à l’article 605 et comprennent principalement les créanciers publics et les créances garanties
par des privilèges, hypothèques ou nantissements.
Toutefois, il est prévu à l’article 606 du Code de Commerce que les créanciers hypothécaires ou privilégiés
ne peuvent, pendant la durée du sursis, faire procéder à la saisie ou à la vente des immeubles et de leurs
accessoires nécessaires à l’exercice de la profession
ou de l’industrie du débiteur, pourvu toutefois que les
intérêts courants des créances garanties soient payés.
Il s’agit donc de préserver les intérêts du débiteur en
lui permettant de garder son outil de travail et de
sortir de l’impasse financière dans laquelle il se
trouve.
Aux termes de l’article 595 du Code de Commerce, le
tribunal pourra même soit immédiatement, soit pendant le cours de l’instruction d’ores et déjà accorder
au débiteur un sursis provisoire.
Les créanciers sont ensuite convoqués au moins huit
jours avant la réunion par lettre-recommandée envoyée par le juge-commissaire. Au jour indiqué dans
la convocation, le juge-commissaire fait son rapport
sur la situation du débiteur en présence des créanciers. Ces derniers sont ensuite entendus contradictoirement avec le débiteur (Article 597 du Code de
Commerce). Les créanciers déclarent individuellement le montant de leur créance et leur décision
d’adhérer ou non à la demande en sursis de paiement. Le tribunal dresse ensuite un procès verbal
détaillé et y joint son avis motivé. Cet avis ainsi que
toutes les pièces justificatives à l’appui de la demande en sursis de paiement, sont transmis dans les trois
jours au procureur général près la Cour Supérieure de
Justice. Ce dernier les soumettra ensuite, accompagnées de ses conclusions, au président de la Cour
Supérieure de Justice. Ce dernier commet alors un
conseiller qui va rendre un rapport sur lequel la Cour
statuera dans la huitaine de la réception des différentes pièces (Article 598). On le voit, il s’agit d’une
procédure extrêmement lourde, qui fait intervenir un
grand nombre d’intervenants différents.
Le sursis ne peut être accordé par le tribunal que si
les conditions prévues à l’article 593 sont remplies
(voir ci-dessus) et si la majorité des créanciers représentant, par leurs créances, les trois quarts de toutes
les sommes dues, ont adhéré à la demande (article
599).
Quant à la situation des créanciers chirographaires,
l’article 603 du Code de Commerce prévoit que le
paiement des créances existant au moment de la
demande en sursis de paiement ne peut être fait,
pendant la durée du sursis, qu’à tous les créanciers
proportionnellement à leurs créances.
D. La situation du débiteur
Le débiteur se trouve privé de la faculté d’effectuer
seul un certain nombre d’actes. Ainsi, il a besoin de
l’autorisation préalable des commissaires surveillants
s’il souhaite aliéner, engager ou hypothéquer ses
biens, meubles ou immeubles, plaider, transiger, emprunter, recevoir une somme, faire un paiement ou se
livrer à tout acte d’administration (article 603 du
Code de Commerce). Son activité se trouve ainsi en
quelque sorte placée sous la tutelle du commissaire
nommé par la Cour.
Par ailleurs, l’article 604 du Code de Commerce prévoit que, pendant la durée du sursis, aucune voie
d’exécution ne peut être employée contre la personne ou les biens du débiteur. Les saisies pratiquées
ACE • n° 6 • juin 2009 • page 11
• Droit commercial
avant le prononcé du sursis restent en état mais le tribunal peut toutefois en accorder la mainlevée après
avoir entendu le débiteur, le créancier et les commissaires surveillants. Toutefois, il est à noter que le sursis ne suspend pas le cours des actions intentées ni
l’exercice d’actions nouvelles contre le débiteur,
lorsque ces actions n’ont pas pour objet la demande
de paiement d’une créance non contestée.
pour une société qui rencontre des difficultés financières de conclure un accord, appelé concordat, avec
ses créanciers et ce afin d’éviter le prononcé de la
faillite. Cette procédure est rarement utilisée puisqu’elle requiert l’intervention d’un grand nombre
d’intervenants, ce qui la rend compliquée et relativement longue.
Enfin, pendant la durée du sursis (y compris pendant
la durée du sursis provisoire) aucune inscription
hypothécaire ne peut être prise sur les immeubles du
débiteur.
A. Conditions
E. Fin du sursis
La révocation du sursis peut être demandée par un ou
plusieurs créanciers ou par les commissaires surveillants. Ils ne peuvent le faire que si (i) le débiteur
s’est rendu coupable de dol ou de mauvaise foi ou (ii)
si le débiteur a contrevenu à l’article 603 du Code de
Commerce en payant certains créancier chirographaires pendant la durée du sursis ou encore (iii) s’il
apparaît que l’actif du débiteur n’offre plus de ressources suffisantes pour payer intégralement toutes
ses dettes.
Si le sursis n’est pas révoqué avant cette date, il
prend fin à son expiration. En effet, l’arrêt de la Cour
accordant le sursis fixe une durée précise pour le
sursis.
En cas de faillite du débiteur dans les six mois qui suivent l’expiration du sursis, l’époque de cessation de
paiements remontera de plein droit au jour de la
demande de sursis et ce aux termes de l’article 613
du Code de Commerce.
3.3. Le concordat préventif de la
faillite
C’est une loi très ancienne, la loi du 14 avril 1886
concernant le concordat préventif de la faillite, qui a
instauré le régime du concordat préventif de faillite
en droit luxembourgeois. Cette loi a été modifiée par
une loi du 1er février 1911 et un arrêté grand-ducal du
4 octobre 1934.
Le concordat préventif s’analyse comme une faveur
qui est faite au débiteur. Il s’agit en effet d’une
mesure protectrice des intérêts du débiteur.
L’article 1er de la loi modifiée du 14 avril 1886 dispose ainsi que « le débiteur commerçant pourra éviter
la déclaration de faillite, s’il obtient de ses créanciers un concordat préventif dans les formes et conditions prescrites par la présente loi ». Il s’agit ainsi
ACE • n° 6 • juin 2009 • page 12
Le concordat préventif ne peut être établi que si la
majorité des créanciers représentant par leurs
créances non contestées ou admises par provision, les
trois quarts de toutes les sommes dues, ont adhéré à
la demande. Cette majorité se calcule selon des
critères bien précis et qui sont déterminés par l’article 2 de la loi modifiée du 14 avril 1886. Ce même
article prévoit que le concordat n’aura d’effet que
moyennant l’homologation du Tribunal de Commerce
et qu’une telle homologation ne sera accordée qu’en
faveur du débiteur malheureux et de bonne foi. Il ressort en outre des termes de l’article 18 de la loi que
si à un moment quelconque de l’instruction de la
demande en concordat, le tribunal acquiert la conviction que le débiteur n’est pas malheureux et de
bonne foi, il pourra le déclarer en faillite. Le juge dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier,
d’après les faits et circonstances de la cause, si la
bonne foi exigée existe ou fait défaut 20.
Les conditions du concordat préventif sont donc
celles de la faillite, auxquelles s’ajoutent le fait que
le débiteur doit être malheureux et de bonne foi.
B. Procédure et rôles des différents
intervenants
La requête en concordat de préventif de faillite doit
être adressée par le débiteur au Tribunal d’Arrondissement de son domicile. Selon l’article 3 de la loi du
14 avril 1886, elle doit être accompagnée de propositions concordataires faites par le débiteur.
Selon l’article 5, suite à l’introduction de la demande, le Tribunal d’Arrondissement siégeant en matière
commerciale déléguera un de ses juges pour vérifier
la situation du requérant et établir un rapport. Ce
rapport doit être fait à bref délai de manière à ce que
le tribunal puisse statuer dans la huitaine. Ensuite, le
tribunal va délibérer en chambre du conseil pour
décider si oui ou non il y a lieu de poursuivre la procédure pour l’obtention d’un concordat préventif de
faillite. Cette décision est motivée et rendue en
audience publique.
20. Cour d’appel de Luxembourg, 23 décembre 1887, Pas. 2, 555.
• Droit commercial
Si le tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de poursuivre
la procédure en obtention d’un concordat, il prononcera dans le même jugement la faillite. Ce jugement
est susceptible d’appel dans les quinze jours de son
prononcé.
Si en revanche le tribunal estime que la procédure
pour l’obtention d’un concordat peut être poursuivie,
il fixera immédiatement les lieu, jour et heures auxquels les créanciers seront convoqués. Le débiteur
peut ainsi effectuer ses propositions concordataires à
ses créanciers avant cette convocation.
Le juge délégué nommé par le tribunal surveille le
bon déroulement des opérations concordataires et
c’est lui qui présidera l’assemblée des créanciers.
Aux termes de l’article 7, le juge délégué peut également nommer des experts afin que ces derniers
l’assistent dans sa mission en procédant à la vérification des affaires du débiteur.
Le débiteur va ensuite faire ses propositions concordataires et c’est sur ordre du juge délégué que les
créanciers seront convoqués individuellement par
lettre recommandée huit jours au moins avant l’assemblée concordataire (article 8). Au jour fixé pour
l’assemblée des créanciers, le juge délégué fera un
rapport sur l’état des affaires du débiteur. Ce dernier
formulera alors en personne ou par fondé de pouvoirs
ses propositions concordataires. Les créanciers font
alors par écrit la déclaration du montant de leurs
créances et déclarent en même temps s’ils adhèrent
ou non au concordat (article 9).
Enfin, le juge délégué fera son rapport en audience
publique du tribunal au jour fixé en conformité avec
l’article 12 (5) et les créanciers ainsi que le débiteur
pourront être entendus. Selon l’article 15, le tribunal
statuera ensuite, sur les conclusions du Ministère
public, par un seul et même jugement sur les contestations et sur l’homologation. Ce même jugement
détermine en même temps la date de cessation de
paiements.
Le tribunal refusera l’homologation du concordat
lorsque les dispositions de la loi n’ont pas été respectées ou lorsque des motifs tirés de l’intérêt public
ou de l’intérêt des créanciers sont de nature à empêcher le concordat préventif.
L’appel comme l’opposition au jugement d’homologation ne sont pas suspensifs de son exécution
Enfin, il existe une catégorie particulière de concordat préventif, le concordat par abandon d’actif. Dans
ce cas, le débiteur et les créanciers doivent désigner
dans le concordat, une ou plusieurs personnes chargées de réaliser l’actif du débiteur sous la surveillance du juge délégué. Des liquidateurs sont alors
nommés par le tribunal et ils exercent leur mission
sous la surveillance du juge délégué (art 34).
C. Situation des créanciers
L’homologation du concordat le rend obligatoire pour
tous les créanciers. Il ne s’applique qu’aux engagements contractés antérieurement à son obtention.
Il est également important de préciser que le concordat préventif est sans effets relativement (i) aux impôts et autres charges publiques, (ii) aux créances
garanties par des privilèges, hypothèques ou nantissements et (iii) aux créances dues à titre d’aliments.
Ainsi, l’une des particularités les pus notables du
concordat est que les créanciers hypothécaires ou privilégiés ou nantis de gage n’ont voix délibérative dans
les opérations relatives au concordat, pour leurs
créances, que s’ils renoncent à leurs hypothèques,
privilèges ou gages et ce aux termes de l’article 10.
Le vote du concordat emporte ainsi de plein droit
renonciation. Avant le vote de l’assemblée concordataire, le juge délégué avertit cette catégorie de
créanciers des conséquences de leur vote. La renonciation demeure sans effet si le concordat n’est finalement pas admis par le tribunal.
D. Situation du débiteur
Tout comme dans le cadre de la faillite, le débiteur
ne pourra plus aliéner, hypothéquer ou s’engager sans
autorisation du juge délégué (article 6 de la loi du
14 avril 1886). Par ailleurs, aux termes de l’article 5
de la loi du 14 avril 1886, la décision du tribunal déléguant un de ses juges pour vérifier la situation du
débiteur entraîne de plein droit, au profit de ce
dernier, un sursis provisoire à tous actes ultérieurs
d’exécution.
E. Fin du concordat
Le juge délégué est chargé d’examiner l’état du
concordat tous les trois mois. Pour mener à bien cette
tâche, il peut se faire assister d’experts qu’il désignera (article 28). Le concordat prend fin en cas de
retour à meilleure fortune du débiteur. Dans ce cas,
il sera tenu de payer intégralement ses créanciers.
Le concordat peut également prendre fin en cas d’annulation de celui-ci par le tribunal. Ainsi, l’article 26
prévoit que les cautions et tous créanciers liés par le
concordat peuvent en demander l’annulation en cas
de condamnation du débiteur pour banqueroute
simple ou frauduleuse intervenue après l’homologation soit pour cause de dol découvert depuis ladite
homologation et résultant soit de la dissimulation de
ACE • n° 6 • juin 2009 • page 13
• Droit commercial
l’actif, soit de l’exagération du passif. Dans ces deux
cas, le tribunal prononce l’annulation du concordat et
la faillite du débiteur. Cette annulation du concordat
libère de plein droit les cautions.
Finalement, en cas d’inexécution du concordat, la
résolution peut en être poursuivie en présence des
cautions qui y sont intervenues pour en garantir l’exécution. Cette résolution du concordat ne libère toutefois pas lesdites cautions.
Il est enfin à noter qu’en cas de faillite du débiteur
dans les six mois suivant la résolution du concordat,
la date de cessation de paiements pourra être reportée au jour où le concordat a été demandé.
4. Conclusion
En définitive, on constate que la faillite demeure la
reine des procédures d’insolvabilité tant est si bien
qu’on parle couramment de droit des faillites, lais-
ACE • n° 6 • juin 2009 • page 14
sant ainsi de côté les autres procédures qui s’ouvrent
au débiteur en difficulté. Celles-ci permettraient, si
elles étaient plus fréquemment appliquées, d’éviter
bien des faillites et d’assurer le sauvetage d’entreprises en difficulté. Les créanciers en sortiraient
également gagnants.
Il serait certainement opportun que le législateur
intervienne pour moderniser et simplifier ces procédures qui font sans doute intervenir un trop grand
nombre d’intervenants, sont trop complexes et ne
garantissent pas suffisamment les droits des intéressés.
L’introduction en droit luxembourgeois d’une véritable procédure de redressement judiciaire pourrait
aussi constituer une alternative utile. On pourrait
dire que celle-ci existe déjà sous la forme de la
gestion contrôlée. Pour rendre cette procédure attractive, il faudrait cependant que le législateur
intervienne pour en simplifier significativement les
modalités d’application.