Sabina, «la Juive» de Carl Jung - Éditions Pierre

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Sabina, «la Juive» de Carl Jung - Éditions Pierre
SEPT/OCT 14
LE CARNET PSY
Mensuel
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Page 1/1
ALAIN DE MIJOLLA
Sabina, «la Juive»
de Carl Jung
Editions Pierre Guillaume de
Roux, 2014, 346 pages,
22,90 €.
Il a fallu 40 ans après l'assassinat
de Sabina Spielrein par les nazis
pour faire la lumière sur une des
histoires les plus passionnantes de
la psychanalyse et du mouvement
intellectuel de l'intégration des
femmes dans le monde scientifique. Depuis, une longue liste de
livres, de colloques et ou de films
consacrés à cette femme a vu le
jour. Alors pourquoi encore un
livre,
pourquoi
encore
un
hommage, pourquoi revisiter cette
histoire ? Sabina Spielrein
continue à fasciner le monde de la
psychanalyse et pas seulement.
Cette femme gravement atteinte,
au point d'être internée au
Burgholzli dans le service de
Bleuler, a réussi un parcours
d'exception, devenant une des
pionnières de l'action et de la
réflexion psychanalytiques. Son
histoire cependant n'est pas une
sucœss story, elle n'est pas une
love story non plus nonobstant la
tournure de sa relation avec Jung.
C'est une tragédie au sens plein et
contient une force d'attraction
pour tout esprit curieux.
Alain de Mijolla lui écrit une
longue lettre sous forme de ce
qu'il sait faire à merveille, une
narration d'une histoire, son
histoire, et puis leur histoire. Car
l'écrivain lorsqu'il s'aventure dans
ses contrées de l'inconscient ne
peut qu'utiliser comme guide sa
propre analyse. Lin roman
épistolaire à voix unique mais à
deux temps. L'envoi initial est le
journal de Sabina, lettre comme
une bouteille à la mer pour tout
esprit ouvert. Et ici nous avons la
réponse, la lettre de l'historien de
la psychanalyse. Alain de Mijolla
emprunte un style très 18eme siècle
pour parler à une femme qui naît à
la fin du 19e™, fait carrière au
début du 20eme, mais qui devient
vraiment une figure importante
ROUX4
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presque 40 ans après sa mort
dramatique. Le temps n'est pas
linéaire et comme nous le savons,
l'inconscient ne connaît pas le
temps. Le moment où une figure
prendra l'importance qui lui
revient n'est pas déterminé
d'avance.
Pourtant Alain de Mijolla applique
sa méthode chronologique avec le
soin qu'on lui connaît. On suit pas
à pas les souffrances de la jeune
patiente, les passions de la jeune
femme pour son médecin puis
pour la psychanalyse. Le lecteur
découvre au long des pages de ce
roman épistolaire l'époque et son
esprit, l'asile, les méthodes thérapeutiques, la famille aristocrate
russe, les médecins, leurs théories
et querelles, les ambitions et
aspirations des protagonistes
d'une histoire dont nous sommes
à la fois familiers et friands de
connaître le fin mot.
Car avec le talent immense, il y
avait de la folie, beaucoup de folie,
créatrice certes mais pas
seulement. Otto Gross, Victor
Tausk et bien d'autres figures du
début du mouvement psychanalytique apparaissent dans les
pages du livre, comme pour
souligner la cohabitation dangereuse du talent et de la folie
destructrice que Sabina sent, vit et
théorise. On lui a reproché que son
concept de pulsion de destruction
n'était
qu'une
idée
très
personnelle avant de l'intégrer
dans le domaine officiel des
concepts admis. Comme si les
inspirations des analystes pouvaient
être autre chose qu'une réflexion
sur le vécu personnel ! Regardons
de près les concepts qui ont été
introduits du temps de Freud et
depuis. Ils viennent toujours de
l'expérience clinique et des fruits
de l'auto-analyse de chaque
clinicien. Mais à Sabina, on reprochait un aspect non universel !
Le retour à Sabina par Alain de
Mijolla est un retour de Sabina
parmi nous. Lamour tendre qu'il
lui porte, l'amour d'un pair, d'un
père peut-être aussi, apprivoise,
civilise ce feu passionnel qui a failli
la consumer et nous la rend dans
sa fraicheur de création et avec la
chaleur d'une pensée. Alain nous
a encore une fois rendu l'histoire
d'une merveilleuse personne.
Nicolas Gougoulis
Psychiatre, psychanalyste SPF
MAURICE DAVAN
Dire »*l d
MAURICE DAYAN
Les hommes ont réussi à faire
disparaître
l'importance
de
l'apport de cette femme pendant
longtemps. L'amitié entre Freud et
Jung puis leur scission, étaient des
sujets bien plus importants. Freud,
père de la horde primitive des
psychanalystes ménageait tous les
talents fougueux qui l'entouraient.
Tous droits réservés à l'éditeur
Dire et devenir
Une exploration
des effets de langage
dans la temporale
de l'analyse
En l i b r a i r i e le 20 o c t o b r e
144 p
IS € www Ithaque-éditions fr