Lafayette-1830-peine de mort
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Lafayette-1830-peine de mort
Lafayette sur la peine de mort Chambre des Députés, séance du 17 août 1830 M. LE GÉNÉRAL LAFAYETTE. Je pense contre l’opinion de mon honorable collègue, que l’abolition de la peine de mort est un principe, ou, pour mieux dire, un sentiment isolé qui reste indépendant des améliorations judiciaires dont je sens comme lui la nécessité. Je persisterai (1) à la demander tant qu’on ne m’aura pas prouvé l’infaillibilité des jugements humains. Cette question, Messieurs, n’est pas nouvelle; l’abolition de la peine de mort a été demandée dans tous les temps par les publicistes les plus respectables. Elle le fut à l’Assemblée constituante par beaucoup de députés (2); je n’en citerai que trois; Adrien Duport, un des magistrats les plus éclairés; M. de Tracy, le père de mon honorable ami, l’auteur de l’admirable commentaire sur Montesquieu; enfin, le vertueux Larochefoucault, ce vrai type du grand, de l’excellent citoyen, si déplorablement, si lâchement assassiné à Gisors après le 10 août. Cette question occupe à présent le sénat des Etats-Unis. Elle y a été portée par le même Edward Livingston, qui achève l’œuvre commencé par lui dans la législature de l’Etat de Louisiane. Quel malheur, Messieurs, que l’abolition de la peine de mort n’ait pas été adoptée par l’Assemblée constituante! Que d’irréparables douleurs nous eussent été épargnées! Et la plupart de ceux mêmes qui ont concouru à cette foule de condamnation diverses, que n’auraient-ils pas donné peu de temps après pour racheter, fût-ce de leur sang même, la part qu’il y avaient prise? Je vous avoue, Messieurs; que depuis nos orages politiques j’éprouve une invincible horreur pour la peine de mort. Notre révolution actuelle a un tout autre caractère que les révolutions précédentes. On y à vu réunie au patriotisme et au courage la plus haute générosité. Il est digne de cette dernière révolution de se marquer dés les premiers jours par le grand acte d’humanité que mon honorable ami vient de vous demander. Je vote pour la prise en considération. (1) Le général Lafayette dans la séance du 25 juin 1828, se déclara pour l’abolition de la peine de mort en parlant sur les frais de justice criminelle. (2) L’abolition fut proposée â l’unanimité par le comité de législation , dont Lepelletier Saint-Fargeau fut rapporteur. Source: Marie Joseph Paul Yves Roch Gilbert du Motier, Marquis de Lafayette, 17 août 1830, dans Charles Lucas, Recueil des Débats des Assemblées Législatives de la France sur la Question de la Peine de Mort, deuxième partie, 42-43 (Paris, 1831). Aussi H. Fournier aîné, éditeur, Mémoires, correspondance et manuscrits du général Lafayette (Paris, 1938), Tome Sixième, 426-427.